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Jean Paul Gaultier, l’enfant terrible

JEAN-PAUL GAULTIER EST UN COUTURIER FRANÇAIS NÉ LE 24 AVRIL 1952. IL VIT SON ENFANCE DANS LA BANLIEUE SUD DE PARIS, À ARCUEIL, AVEC SES DEUX PARENTS DONT IL EST LE FILS UNIQUE. SON PÈRE EST COMPTABLE ET SA MÈRE CAISSIÈRE, SA FAMILLE A DONC UN NIVEAU DE VIE ASSEZ MODESTE ET HABITE DANS UN H.L.M. DE LA CITÉ EMILE RASPAIL.

Jean Paul Gaultier avec sa grand mère Jean-Paul développe dès l’enfance un goût prononcé pour l’esthétique, la beauté. C’est dans le salon de sa grand-mère, qui vit à côté de chez lui et dont il est très proche, qu’apparaît cet intérêt précoce pour la mode qui deviendra finalement son métier. Celle-ci est en effet infirmière mais aussi magnétiseuse et tireuse de cartes et reçoit chez elle ses patientes, leur prodiguant en plus des soins traditionnels des conseils de vie et de beauté, les coiffant et les maquillant.

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Le jeune garçon observant sa grand-mère s’amuse à l’écouter et à dessiner ses patientes d’abord tel qu’il les voit puis tel qu’il se les imagine, imitant les photos avant/après qu’il observe dans les journaux et les revues médicales de sa grandmère. C’est aussi dans cet appartement, aux senteurs de fleur d’oranger et à l’atmosphère étrange, presque magique, onirique, qu’il observe les longs voiles de deuil transparents de sa grandmère, ses chapeaux richement parés de plumes

de paradis et c’est surtout là qu’il découvre une pièce qui le marquera durablement et deviendra l’un de ses emblèmes : le corset.

Lorsqu’il ouvre pour la première fois le placard de sa grand-mère et y découvre ce corset, de couleur saumon, très rigide et avec ses lacets il demande à sa grand-mère ce que c’est et celle-ci lui répond que ça sert à redresser la colonne vertébrale mais surtout à souligner la silhouette féminine. L’enfant est émerveillé devant ce vêtement qui l’inspire déjà et le fait rêver. Il réalise ensuite sur son ours en peluche Nana ( ses parents refusant de lui offrir une poupée) ses premiers seins coniques à partir d’un morceau de carton, inspiré de ce corset et des publicités au visuel pin-up qu’il voit dans les journaux. Nana devient son cobaye et cela ne sera que la première d’une longue série d’expériences «stylistiques» qu’il réalisera.

Nana, l’ours en peluche et premier modèle du créateur

Jean-Paul est un enfant malicieux mais aussi très curieux, observateur qui aime retranscrire ce qui l’entoure comme il le perçoit, l’imagine ou le réinterprète. Il est donc très différent des autres petits garçons de son âge, n’aimant pas le football ou les voitures, et est par conséquent plutôt rejeté.

Il peut heureusement se réfugier chez lui, dans un foyer très aimant et chaleureux. Ses parents l’élèvent en effet dans l’amour et dans une très grande tolérance, assez rare pour l’époque. En effet, lorsque devant un film l’enfant leur demande ce qu’ils feraient s’il arrivait avec une fiancée noire, leur seule réponse et que s’ils s’aiment, alors il n’y a aucun problème. Leur réponse restera la même lorsque quelques années plus tard, c’est un garçon que l’adolescent présentera à ses parents.

Le jeune Jean-Paul est donc rejeté par ses camarades mais aussi peu apprécié par ses professeurs car il ne ressent que peu d’intérêt pour l’école. Il préfère rêver, dessiner. Un soir, chez sa grand-mère il voit à la télévision la première d’un spectacle de cabaret aux Folies Bergères. Il ne comprend pas le côté érotique du spectacle mais est ébloui par les comédiennes sublimes, les décors spectaculaires et surtout, les costumes féeriques : les collants résilles, les strass, les plumes, les perles sont autant d’éléments qui captivent son attention. Le lendemain à l’école, la tête encore pleine de ce qu’il a vu il dessine ces magnifiques danseuses dénudées mais est surpris par la maîtresse qui pour le punir et l’humilier lui accroche son dessin dans le dos et le fait défiler dans les classes.

Alors se produit l’inverse de la réaction escomptée : les élèves qui le voit se mettent à sourire, à rire et plus tard viennent lui demander ses dessins. C’est ainsi que le petit garçon continue de plus belle ses dessins, comprenant qu’ils ont le pouvoir de faire sourire, de divertir et de faire oublier sa différence. Sa vocation pour le métier de créateur n’apparaît cependant qu’à l’âge de treize ans lorsqu’il voit pour la première fois le film Falbalas qui raconte l’histoire d’amour tragique entre un grand couturier et la femme de son meilleur ami. Le film est une véritable révélation, il lui apprend ce qu’est une maison de couture, le métier de créateur et l’émerveille. Ce qui éblouit particulièrement l’enfant ce sont les défilés, leur côté grandiose avec leur musique et leur scénographie presque cinématographique sans lesquels il n’aurait Photo du film Falbalas de 1945

probablement pas choisi ce métier mais plutôt celui de costumier pour le théâtre ou le cinéma. Il est en effet surtout attiré par le côté spectaculaire et extraordinaire du métier, les applaudissements du public à la fin de la présentation, les rêves qu’il provoque. Cette vocation de couturier est encouragée par sa grand-mère et ses parents qui souhaitent uniquement s’assurer des débouchés du métier. Sûr de sa voie et peu passionné par l’école, l’adolescent forge lui-même ses goûts et découvre ses premières idoles en lisant des magazines qu’il dérobe, lisant les critiques des défilés après les Fashion Weeks et achetant les éditions spéciale Haute Couture.

Il regarde aussi à la télévision tous les programmes traitant de cette passion. Il admire Yves Saint-Laurent, son style masculin féminin et ses innovations.

L’adolescent aime déjà les associations risquées, inhabituelles et une vision plus masculine, parfois androgyne de la femme qui peut à la fois être très féminine. Il réalise de nombreux croquis, dessine ses propres collections et décide de les envoyer à toutes les plus grandes maisons de couture parisiennes. Le jour de ses dix huit ans, il reçoit un appel : il est engagé comme assistant chez Pierre Cardin qui a beaucoup aimé ses croquis. C’est extraordinaire pour le jeune homme qui obtient ici l’opportunité de travailler dans une grande maison sans même avoir fait d’études. Il y travaille donc pendant une année à mi-temps, en même temps que ses études. Il jouit là-bas d’une grande liberté, il dessine et apprend beaucoup en observant les couturières mais aussi et surtout Pierre Cardin lui-même dont il admire le travail. L’atmosphère bouillonnante de cette grande maison, où il est entouré de gens du monde entier le transporte et l’inspire. Il dessine même quelques accessoires qui seront portés lors d’un défilé. Il part travailler l’année suivante dans la maison Jacques Esterel puis chez Jean Patou.

Il ne se sent cependant pas à l’aise dans cette dernière maison, tenue par les descendants de son fondateur depuis sa mort et qui est donc sur le déclin.

On lui demande là-bas de dessiner des modèles imitant ceux qui se vendent à l’époque, et dans des tons classique et «de bon goût».

Le jeune homme prend alors conscience que c’est l’opposé de ce qu’il veut faire, recherchant par dessus tout la création, l’innovation l’inventivité et repoussant le marketing.

Il rencontre cependant là-bas une mannequin qui sera sa première muse, Anna Pawlowski. Il est attiré par son allure et son style différents, ses yeux cerclés de maquillage rouge, son rouge à lèvre noir, et sa démarche ondulante lorsqu’elle défile ou lorsqu’elle marche dans Paris, pieds nus.

Jean Paul Gaultier et Anna Pawlawsky

Il fréquente à cette époque les maisons de couture où il travaille mais aussi les marchés aux puces où il aime chiner des tissus et des vêtements au style rétro rendu tendance à ce moment par Yves Saint Laurent.

Il est inspiré par les jeunes gens qu’il y croise, les filles au style de pin-up ou qui portent des vestes d’homme trop grandes pour elles. Il fréquente surtout beaucoup la ville de Londres, qui devient dans ces années une nouvelle capitale de la mode où il découvre une autre façon de porter les vêtements, de manière excentrique pour exprimer qui l’on est ou qui l’on voudrait être. La ville est un véritable paradis pour le jeune homme, là-bas chacun peut revendiquer ses goûts et ses différences sans peur d’être jugé ou observé différemment.

C’est aussi là que se développent les premiers groupes gothiques et punk, qui se créent un style radicalement différent du reste de la société pour afficher leur appartenance au groupe et leurs revendications.

C’est là-bas que Jean-Paul assistera aussi pour la première fois au spectacle qui deviendra un film culte : The Rocky Horror Picture Show. Le jeune homme est très inspiré par cette pièce son humour et sa folie. Il se sent chez lui à Londres où il est entouré de gens différents et extravagants et qui assument ces excentricités, lui qui est attiré par la rébellion, la différence.

Extrait de the Rocky Horror Picture Show

Il travaille donc pour plusieurs maisons en tant que couturier freelance et voyant que ses dessins et idées sont bien reçus et dans l’air du temps, il décide en 1976 de lancer sa propre marque avec son compagnon rencontré peu avant Francis Menuge.

Les deux hommes manquent de moyens et la première collection est créée à partir de rien, cousue par Jean-Paul, sa cousine, la concierge de son immeuble et une amie de sa grand-mère. Il utilise des vieux vêtements ou des tissus qu’il recycle, construisant des boléros avec des sets de table en paille ou des canevas aux broderies inachevés.

Il présente la collection durant la semaine de la mode de janvier 1977 mais son défilé, situé dans le planétarium du palais de la découverte, se déroule en même temps que celui d’Emmanuelle Kahnh, maison très prestigieuse et appréciée de la presse de mode notamment du magazine «Marie-Claire». Les seules personnes présentes à ce défilé sont celles qui ont été refusées à celui d’Emmanuelle Kahnh, il n’y a donc ni journalistes ni acheteurs pour Jean-Paul Gaultier qui est encore inconnu. Les mannequins qui défilent sont des amis d’Anna Pawlowski qui les a convaincues de défiler gratuitement.

La collection n’est pas évoquée dans la presse c’est un échec commercial et critique. Le couturier reste aujourd’hui fier de cette collection, bricolée à partir du peu de choses dont il disposait 59

à l’époque et en retient particulièrement une tenue, composée d’un tutu de danseuse en tulle travaillé à la taille à la façon d’un jean avec des poches et des surpiqûres associée à un soutiengorge noir clouté et à un large perfecto noir en cuir paré aux épaules et dans le dos de diodes électroluminescentes qui s’allumaient lorsque le mannequin marchait.

Ce look est déjà révélateur des mélanges insolites et inattendus qu’aime Jean-Paul Gaultier et qui constitueront une partie de son esthétique, avec le jean et le blouson en cuir pour le côté rock inspiré de la scène rock londonienne de l’époque et le tutu pour le côté féminin, gracieux et presque enfantin dressant le portrait d’une femme polyvalente. Après cette collection, faute d’argent le créateur pense arrêter ce métier.

On lui confie cependant la réalisation d’une ligne de vêtements pour la maison japonaise Kashiyama. La collection nommée «James Bond» est un succès et lance réellement le créateur.

Tenue du premier défilé de Jean Paul Gaultier

La société Jean Paul Gaultier est officiellement créée en 1982. Il présente en 1983 sa collection dadaïste dans laquelle apparaît une pièce qui deviendra un emblème de sa maison: le corset aux seins coniques et pointus.

Le corset, anciennement symbole du carcan social dans lequel était emprisonnées les femmes devient le symbole d’une hyper-féminité et d’une séduction que la femme choisit d’incarner pour elle-même et plus pour son mari. Il peut même devenir le symbole d’une sexualité assumée, défiant les valeurs traditionnelles et religieuses.

Le symbole d’oppression devient donc symbole de liberté. Jean-Paul Gaultier fait apparaître ce corset censé être caché sous les vêtements à l’aide de décolletés en V surdimensionnés et le réinterprète aussi sous forme d’une robe fourreau rose saumon.

Il le mélange aussi avec un costume d’homme, suivant la démarche de Saint Laurent et de ses smokings en donnant le pouvoir à la femme qui n’est pas bonne qu’à être belle et se taire. C’est aussi en 1983 qu’il présente sa première collection pour homme «L’HommeObjet» dans laquelle il présente l’autre pièce qui deviendra son emblème et qu’il réinterprétera sans cesse au cours de sa carrière : la marinière.

Si tous les couturiers en proposent leur version, c’est Jean-Paul Gaultier qui se l’approprie et en fait réellement l’une de ses pièces phares. Il aime l’aspect intemporel, indémodable de ce classique qui offre des possibilités de transformation infinies et est inspiré par le film « Querelle » (1982) de Fassbinder qui raconte l’histoire d’un marin à la sexualité ambiguë. La marinière qu’il montre dans cette collection masculine est très moulante et décolletée dans le dos, ce qui est très féminin. Plus globalement à travers cette collection il veut montrer que l’homme «peut aussi être bête et se taire», habillant les femmes de costumes et les hommes de vêtements moulants pour tourner en dérision et pousser à réfléchir sur les questions de genre et de la place attribuée à chacun en fonction du sexe.

Il va encore plus loin l’année suivante en présentant sa célèbre jupe pour homme, qui est en réalité un pantalon aux deux jambes séparées et couvertes sur le devant par un pan de tissu. Le but n’est pas de travestir l’homme ou de remettre en cause sa masculinité mais plutôt d’interroger sur ce qu’elle est réellement. Pourquoi un homme ne pourrait-il pas être sensible, et aimer prendre soin de lui ? La revendication de l’égalité des sexes et la remise en question de la frontière entre féminité et masculinité seront des constantes de son travail.

Il s’insurge par exemple contre le fait que les hommes seuls aient le droit à une poche intérieure dans leur costume pour ranger leur portefeuille et payer, et réattribue à la femme cette poche. Il réaffirme cette égalité en faisant l’année suivante défiler hommes et femmes dans un seul et même défilé pour la collection «Une Garde-robe pour deux» qui est une collection unisexe. Il réalisera dans le même ton en 2003 une ligne cosmétique pour homme baptisée «tout beau tout propre».

Marinière pour homme

Extrait du film Querelle

Beth Ditto au défilé Jean Paul Gaultier Cette volonté de bousculer les conventions et les idées préconçues s’exprime aussi dans son choix de mannequins. En effet il est attiré par la différence, les personnalités atypiques et audacieuses. Il publie dans les années 1980 dans Libération une annonce disant « Créateur non conforme cherche mannequins atypiques, gueules cassées ne pas s’abstenir», il est le premier à organiser des castings sauvages, recrutant ses mannequins dans la rue et faisant défiler aussi bien des jeunes que des vieux, des minces que des gros, des noires que des blancs, des stars que des anonymes, des bonnes sœurs que des rappeuses « J’aime l’arrogance, la timidité des filles trop jeunes ou trop grasses, celles qui ont des hanches, des rides, des défauts intéressants, je tente toujours de les sublimer afin de célébrer la différence » explique-t-il.

Il voit la beauté partout, rappelant que « la perfection est relative et la beauté est subjective». Il fait donc défiler parmi ses nombreuses muses Edwige, surnommée la «reine des punks» dans les années 1990 et grande rebelle, Farida Khelfa, d’origine algérienne ce que l’on trouvait à l’époque très peu dans les défilés, et bien plus tard Mylène Farmer, Beth Ditto, chanteuse de rock très ronde, Nabilla, la fameuse star de télé-réalité, Conchitta Wurst, la gagnante transgenre de l’Eurovision, Andreja Pejic mannequin transgenre, le DJ gay Boy Georges ou encore Dita Von Teese la célèbre effeuilleuse.

Farida Khelfa et Jean Paul Gaultier lors d’un défilé

Il est aussi en 1992 le premier à faire défiler des femmes et hommes tatoués ou portant des piercings longtemps avant que cela ne devienne la mode puis la norme.

Il n’a de cesse de remettre en cause les notions de bon et de mauvais goûts, de ringardise ou de vulgarité pour montrer que la beauté est partout mais pas toujours là où on l’imagine.

L’une des caractéristiques de son travail est d’ailleurs selon lui de montrer la beauté là où on ne la voit pas forcément comme par exemple lorsqu’il réalise en 1979 une manchette ethnique et des boucles d’oreille à partir de boites de conserve ou d’autres bijoux à partir de systèmes électroniques.

Robe marinière

Le couturier prend plaisir à faire de chaque défilé un véritable spectacle, la présentation de ses collections et parfois considérée comme une véritable performance artistique comme par exemple lorsqu’il recrée l’atmosphère d’une maison close du XIXème ou en 2010 lorsqu’il présente un défilé sur le thème de la boxe et fait défiler des mannequins blessés, portant des ecchymoses avec des gants de boxe devant la réplique d’un véritable ring de boxe sur lequel des mannequins simulent un combat.

Défilé du combat de boxe Les mannequins reçoivent souvent des instructions de jeu avant le défilé qui est réellement une œuvre à part entière. Son goût pour le grandiose, le spectaculaire, il le cultive en habillant aussi des chanteurs comme Yvette Horner, accordéoniste dont il réalise les costumes de scène, Catherine Ringer des Rita Mitsouko dont il dessine la robe corset Marcia Baïla mais sa collaboration la plus célèbre est celle avec Madonna pour son Blond Ambition Tour en 1990.

Il lui dessine six tenues de scène avec les fameux corsets aux seins pointus qui l’ont rendu célèbre et deviennent ainsi iconiques. Elle les porte sur des pantalons larges ou sous des costumes masculin les dévoilant, montrant à la fois sa force et sa féminité exacerbée.

Elle les fait parfois même porter à ses danseurs, rappelant une certaine notion d’homme-objet présente dans le travail de Jean-Paul Gaultier. C’est une collaboration entre deux artistes qui véhiculent un même message

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Extrait du ballet Blanche Neige d’égalité des sexes et de revendication d’une sexualité libre et assumée bousculant les codes, les traditions et le «chic français». Il dessinera de nouveau des costumes pour elle en 2012 pour son MDNA Tour.

Il réalisera ensuite les costumes pour les tournées de nombreux autres artistes comme Kylie Minogue, Mylène Farmer ou Lady Gaga. A partir de 1989, il dessine les costumes de plusieurs films notamment « Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant », il dessine ensuite en 1993 les costumes du film « Kika » de Pedro Almodovar, en 1995 les costumes de « La Cité des enfants perdus » de Jean-Pierre Jeunet ou en 1997 les costumes du film de science-fiction « Le Cinquième Élément » de Luc Besson.

Il habille aussi la troupe de danse de Régine Chopinot dans les années 1980 détournant le célèbre tutu et les classiques chaussons de danse et laissant apparaître les tatouages et cicatrices des danseurs. Il collabore aussi en 2008 avec le chorégraphe Angelin Preljocajl pour sa pièce Blanche-Neige. Le costume de la reine notamment est très abouti, recréant une cage pour montrer la prison dans laquelle elle s’emprisonne par son obsession pour sa jeunesse et sa beauté.

Corset crée pour Kylie Minogue

Il lance en 1993 son premier parfum « Classique » pour femmes, dans un flacon qui reprend la forme d’un buste féminin aux formes généreuses, aux antipodes des corps à la mode à l’époque. En 1995 fort d’un premier lancement réussi, Jean Paul Gaultier lance «Le Mâle», qui devient le parfum le plus vendu en Europe, détrônant l’inamovible Eau sauvage leader masculin incontesté depuis plus de quarante ans. Son flacon reprend les codes du féminin classique, une boîte métal, un flacon en forme de buste, un homme sans bras aux pectoraux revêtus d’une marinière, le classique de la maison.

Il présente en 1997 sa première collection de Haute Couture baptisée «Gaultier à Paris» et réalise ainsi réellement son rêve d’enfant. Il est, de plus, entre 2004 et 2010 Directeur Créatif du prêt-à-porter pour la maison Hermès montrant qu’il sait aussi être plus classique.

Il décide en 2014 d’arrêter le prêt-à-porter qui ne lui fournit plus la liberté des débuts, en effet pour lui «on ne vend plus des vêtements mais une image qui doit en plus être très politiquement correcte». Il choisit donc de se consacrer uniquement à la Haute Couture et aux costumes de spectacle qu’il réalise et qui lui permettent désormais réellement d’exprimer sa créativité. Il lance en 2018 son spectacle le Fashion Freak Show aux Folies Bergères, retour à ses premiers amours d’enfance, pour lequel il a dessiné tous les costumes et imaginé la mise en scène.

Jean-Paul Gaultier est un couturier très populaire, grâce à son travail mêlant à la dérision, un certain avant-gardisme et surtout une grande volonté de bouleverser les codes et les traditions. Cela le rend très proche du public, et il est de plus très présent dans le paysage médiatique puisqu’il présente en 1993 l’émission Euro trash avec Antoines de Caunes, les MTV Europe Music Award en 1995 ou encore l’eurovision 2008 aux côtés de Julien Lepers.

Il fait même en 2017 une apparition dans l’émission Les reines du shopping au côté de Cristina Cordula. Il est aussi en 2012 le premier couturier à faire parti du jury du festival de Cannes sous la présidence de Bérénice Bejo, et fait partie à plusieurs reprises du jury de miss France, le célèbre concours de beauté. Il aime donc vraiment la culture populaire, s’en inspire et en fait partie.

Provocateur, humoriste et décalé le créateur aura réussi tout au long de sa carrière et aujourd’hui encore à faire bouger les choses et à remettre en question les conceptions du bon goût, du chic mais surtout de la beauté. Il est le premier à rendre la mode inclusive plutôt qu’élitiste en s’inspirant de la rue et des personnes qu’il y rencontre autant que de l’art, du cinéma, de la culture populaire ou des mouvements religieux.

Le style Jean-Paul Gaultier, c’est surtout s’inspirer des clichés, des stéréotypes, des traditions, des codes pour les détourner avec un grand humour et une grande intelligence en montrant leur ridicule quitte parfois à choquer ou à provoquer.

Son travail s’inscrit réellement dans son époque et dans la façon dont il l’observe et la perçoit, il la retranscrit toujours avec un profond respect et un grand amour ainsi qu’une certaine excentricité. Les messages de tolérance et les revendications qu’il a portées ont toujours été spontanées et imprévues, le couturier tentant d’exprimer ce qu’il voit ressent et aime ou de dénoncer les injustices à travers son travail. Celui que l’on surnomme affectueusement l’enfant terrible de la mode aura donc su marquer de son empreinte la mode française et devenir l’un des plus grands couturiers français.

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