Par Cécile Becker Photo : Christophe Urbain
Territoire rock Avec une ouverture de saison détonante (le festival Détonation, ça ne s’invente pas), La Rodia continue de se déployer en complicité avec sa ville. Emmanuel Comby – appelez-le Manou –, son directeur, remet constamment ses fonctionnements en question, pour faire de cet outil un atout culture. C’est un fait, les petites villes post-industrielles conservent quelque chose de résolument brut. Le rock ou le punk ont fini par se fondre à leur culture. Prenez Mulhouse ou Besançon par exemple, l’une a été marquée par l’industrie textile, l’autre l’est toujours par l’horlogerie. Toutes deux servent de pouponnière à des groupes de tous horizons. Manou Comby, directeur de la Rodia le confirme : « À Besançon, tu soulèves un caillou, tu as un groupe ou une association ! » D’où vient cette prédominance ? « Dans les conflits sociaux qui ont eu lieu dans les années 70, notamment autour de Lip, un gros mouvement artistique a installé le jazz, la chanson contestataire et même l’harmonie », répond-il. Jeune, Manou n’échappe pas à la règle. Il traîne chez le disquaire Jean-Pierre Côte-Colisson, aujourd’hui programmateur à La Rodia, et se construit une belle culture jazz/blues. Quand les cinémas désaffectés transformés en salles de concert ferment en 1997, Manou et sa bande récupèrent Le Cylindre, à Larnod, une ancienne discothèque dotée d’une belle cave en sous-sol. Dès 2003, la Ville de Besançon s’intéresse à l’association et demande à Manou Comby d’intégrer l’équipe en tant que chargé de mission pour penser le projet d’une SMAc. En 2011, La Rodia ouvre devenant le premier acte d’un projet de restructuration global du site des Prés de Vaux. Les deux premières années, la salle affiche 80% de remplissage, une belle performance sur laquelle l’équipe ne se repose pas. Un vrai travail de maillage du territoire est mené avec les associations qui relayent l’information et se chargent de 40% de la programmation à des tarifs plus que concurrentiels. « Les associations sont ici chez elles, affirme Manou Comby. On leur met à disposition la petite salle de 340 personnes avec un forfait complet incluant quatre techniciens, trois agents de sécurité et deux personnes au guichet. Tout ça c’est zéro. Offert. » Pour certains concerts, la Rodia n’hésite pas à monter conférences et programmes transversaux avec les librairies, médiathèques ou bars du coin (Musique au logis). Tout est pensé pour susciter la curiosité des publics. Côté financement, la Rodia arrive à 48 % de recettes propres
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grâce aux entrées, au bar et au club des mécènes qu’elle a créé il y a deux ans. Le principe ? « Faire que le service public puisse aussi intéresser le privé qui n’est pas hermétique au développement local. » Par ce biais, des compilations ont pu être financées, des soirées sponsorisées et les salles, privatisées. Une nouvelle source de revenu loin d’être anecdotique puisqu’elle participe à hauteur de 10% au budget global. Un joli bilan. Après avoir fait le test de Détonation étendu à la friche voisine, Manu Comby espère être intégré au prochain acte du projet d’urbanisme des Prés de Vaux pour proposer, à l’avenir, un festival de grande ampleur mêlant diverses pratiques artistiques. D’ici là, l’équipe continue de se concentrer sur l’accueil du public, « crucial » selon Manou Comby. La Rodia, où les lignes ne cessent de bouger. LA RODIA, salle de concert à Besançon www.larodia.com