Cacao et Commerce équitable

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CACAO ET COMMERCE ÉQUITABLE État des lieux de la filière et action du système Fairtrade / Max Havelaar


Productrices de la Conacado, République Dominicaine

SOMMAIRE État des lieux de la filière cacao 1. Producteurs et acheteurs ………………………………………p.6 2. Une filière sous pression ……………………………………… p.8 Crédits Photos / Illustrations :

Action du système Fairtrade / Max Havelaar 1. Les réponses du système …………………………………..… p.14 2. Q uel est l’impact du commerce équitable sur le terrain ? … p.16

Jasper Calberg, Kennet Havgaard, Marvin del Cid, Max Havelaar France

Maquette création graphique : L’atelier AG

En couverture : Nicolas del Rosario, La Conacado, République Dominicaine

Avec le soutien de Fairtrade Foundation, EuropeAid

2


Introduction La filière cacao Près de 40 millions de personnes dépendent de la culture du cacao pour vivre. Ce rapport offre un aperçu global des principaux enjeux de la production et de la commercialisation du cacao, explore les raisons qui rendent le commerce équitable nécessaire et montre en quoi le mouvement Fairtrade / Max Havelaar apporte des réponses concrètes sur le terrain.

La filière cacao en chiffres 1 • Environ 3,5 millions de tonnes de cacao sont produites chaque année

• La demande devrait dépasser les 4,5 millions de tonnes d’ici 2020 2 • Près de 40 millions de personnes dépendent de la culture du cacao pour vivre 3 • La Côte d’Ivoire et le Ghana représentent plus de 50% de la production mondiale 4 • Plus de 90% de la production de cacao mondiale provient de 5,5 millions de petites exploitations

• Les exportations de la récolte 2009/2010 sont estimées à 10 milliards de dollars 5 • Le marché global du chocolat représente 79,4 milliards de dollars en 2010 6 • Le marché français représente 3 milliards de dollars (2,6 milliards d’euros) en 2010

• La transformation mondiale du cacao et la production de chocolat sont dominées

par 10 entreprises • En 2010, seulement 1% de la production mondiale a été vendue aux conditions du commerce équitable

Fairtrade / Max Havelaar • Environ 127 000 producteurs de cacao bénéficient du commerce équitable, dont 122 000, regroupés

au sein de 62 organisations dans 17 pays, selon les conditions du système Fairtrade / Max Havelaar

World Cocoa Foundation, Cocoa Market Update, mai 2010, p2.

1

World Cocoa Foundation, Cocoa Market Update, mai 2010, p1.

2

World Cocoa Foundation, Cocoa Market Update, mai 2010 (ICCO, USDA, Reuters, LMC Estimates April 2010).

3

World Cocoa Foundation, Cocoa Market Update, mai 2010, p1.

4 5

Extrapolation de : La valeur totale du marché international du chocolat au détail est estimée à 88,3 milliards de dollars pour 2014, soit une croissance de 2,7% CAGR (2010-14),

6

AC Nielsen 2010.

Business Insights Report, www.foodnavigator.com, 18 mai 2011.

3


CHOCOLAT UN GOÛT AMER LES ORIGINES DU CACAO PRINCIPAUX PAYS PRODUCTEURS

AFRIQUE

68%

AMÉRIQUE

14%

ASIE OCÉANIE

18%

CEINTURE DU CACAO

É

Q

U

4%

A

T

E

U

B

R

R

É

S

équateur

IL

TE

D

'

O IV

4,6%

AUTRES AMÉRIQUE : 5 %

IR

E G

32,6%

H

21,3% AUTRES AFRIQUE : 2 %

C

A IG ME A R E O R N I A A UN

N

6,5%

5,8%

IN

D

O

N

M

É ALA S IS I E IE

14,7%

0,9%

AUTRES ASIE : 2,6%

LES CHIFFRES QUE L'ON AFFICHE RÉCOLTE

3,5 MILLIONS

MARCHÉ

3 ÈME RANG

CHIFFRE D'AFFAIRES

79,4 MILLIARDS

DE TONNES

MONDIAL

DE DOLLARS

DE FÈVES DE CACAO RÉCOLTÉES PAR AN

APRÈS LE SUCRE ET LE CAFÉ

GÉNÉRÉS PAR LE CHOCOLAT SUR UN AN

SOURCES : WORLD COCOA FOUNDATION, COCOA MARKET UPDATE, MAI 2010 - FAIRTRADE FOUNDATION, FAIRTRADE AND COCOA, AOÛT 2011 - SWEETNESS FOLLOWS, 2ND EDITION, TCC AOÛT 2008


LES CHIFFRES QUE L'ON CACHE EXPLOITATIONS

90%

REVENU DES PRODUCTEURS

DE LA PRODUCTION MONDIALE

ENVIRON

1$

DE CACAO PROVIENT DE PETITES FERMES DE 2 À 5 HA.

/JOUR

ET PAR PERSONNE, POUR UNE

POPULATION

FAMILLE DE 6 À 7 INDIVIDUS DÉPENDANT UNIQUEMENT DE LA

40 MILLIONS

PRODUCTION DE CACAO.

DE PERSONNES DÉPENDENT DU CACAO POUR VIVRE (PRODUCTEURS, TRAVAILLEURS, FAMILLES)

COMMERCE ÉQUITABLE SEULEMENT

1,3%

DES VOLUMES DE CACAO SONT VENDUS SELON LES CONDITIONS DU COMMERCE ÉQUITABLE.

CONDITIONS DE TRAVAIL PLUS DE

250.000 ENFANTS

SONT UTILISÉS ET EXPLOITÉS DANS LES PLANTATIONS DE CACAO DE L'AFRIQUE DE L'OUEST, PRINCIPALEMENT EN CÔTE D'IVOIRE.

15.000 ENFANTS

D'AFRIQUE DE L'OUEST, ÂGÉS DE 9 À 16 ANS, ONT FAIT L'OBJET DE TRAFICS HUMAINS AFIN DE GROSSIR LA MAIN D'ŒUVRE DES PLANTATIONS AFRICAINES DE CACAO, DE CAFÉ ET DE COTON. SEULEMENT

127.000 PRODUCTEURS DE CACAO BÉNÉFICIENT DU COMMERCE ÉQUITABLE.

TROPICAL COMMODITY COALITION, COCOA BAROMETER 2010 - OIT (ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL) - DB (DÉCLARATION DE BERNE)


État des lieux de la filière cacao Producteurs et acheteurs

Principaux pays producteurs : On compte aujourd’hui une trentaine de pays producteurs. La production mondiale de cacao s’élève à 3,5 millions de tonnes en moyenne par an et provient principalement des pays d’Afrique de l’Ouest. La Côte d’Ivoire est le principal pays producteur avec 1,2 million de tonnes par an, et le Ghana est le second, avec 750 000 tonnes. Avec l’Indonésie, ces trois pays représentent 69% de la production mondiale. Environ 70% du cacao est d’origine africaine7. Au cours du siècle dernier, la demande de cacao a augmenté en moyenne de 3% par an. La production devrait quant à elle augmenter de 6% entre 2009 et 20138, atteignant une quantité totale de 3,98 milliards de tonnes. Cependant, les industriels estiment qu’en 2020, le secteur aura besoin d’au moins 4,5 millions de tonnes de cacao par an pour satisfaire la hausse de la demande mondiale9, encouragée par l’augmentation du pouvoir d’achat des pays émergents.

Les plus grands pays producteurs de cacao, % du volume mondial total, 201011

Equateur 4% Brésil 4%

Nigéria 7%

En 2009, la France était le 2ème plus gros importateur de chocolat destiné à la vente de détail avec une valeur de 1,17 milliard de dollars, derrière le Royaume-Uni (1,29 milliard) et devant l’Allemagne (1,16 milliard)10.

Les plus grands pays importateurs de fèves de cacao, 2009 (en millions de dollars)12 Singapour 209m$

Ghana 21%

Belgique 467m$

Pays-Bas 2069m$

France 493m$ Malaisie 768m$

Etats-Unis 1179m$ Allemagne 980m$

World Cocoa Foundation, Cocoa market update, mai 2010. p1-2 Cocoa facts & figures, www.worldcocoafoundation.org ; Fondation Mondiale pour le Cacao, Cocoa market update, mai 2010 p2. Armajaro, « Cocoa Production Outlook in 2020 », World Cocoa Foundation Partner Meeting, octobre 2010. 10 World Cocoa Foundation, Cocoa market update, mai 2010, p3. 11 World Cocoa Foundation, Cocoa Market Update, mai 2010 12 World Cocoa Foundation, Cocoa Market Update, mai 2010 7 8 9

6

Italie 209m$

Royaume-Uni 422m$

Côte d'Ivoire 33% Indonésie 15%

Les Pays-Bas sont les principaux importateurs de fèves de cacao avec une valeur de 2,07 milliards de dollars en 2009. Ils sont suivis des Etats-Unis (1,18 milliard), de l’Allemagne (980 millions) puis de la Malaisie (768 millions). La France se place en 5ème position avec 493 millions de dollars.

Espagne 245m$

Autres 10%

Cameroun 6%

Principaux pays importateurs et consommateurs :


De la fève à la tablette Le cacaoyer serait originaire du bassin amazonien. Historiquement, le chocolat était consommé par les Aztèques (Mexique) sous forme d’un breuvage rituel épicé. Le cacao fut introduit en Espagne en 1528 et dès le milieu du XVIIe siècle, les Hollandais, puis les Anglais et les Français se mirent également à importer des fèves13.

• La fabrication du chocolat

Fèves de cacao fermentées et séchées

Torréfaction

À la fin du XIXème siècle, les Suisses inventèrent le chocolat au lait et la tablette tels que nous les connaissons aujourd‘hui. À la même époque, la production du cacao se développa en Afrique de l’Ouest.

Broyage

Pâte de cacao

• Comment le cacao est-il cultivé ? Le cacaoyer est un arbre qui pousse dans les milieux tropicaux chauds et humides, principalement situés à 20 degrés au nord et au sud de l‘équateur. La cabosse, le fruit du cacaoyer, contient en moyenne 30 à 40 fèves qui sont extraites (généralement à la machette) pour être fermentées puis séchées au soleil, étapes cruciales pour la qualité finale du chocolat. La culture du cacao est très délicate car elle peut facilement être affectée par de mauvaises conditions climatiques ainsi que par des maladies, à l‘origine de pertes pouvant atteindre 30% de la production mondiale14. Il faut en moyenne 5 ans pour qu’un cacaoyer puisse produire des fèves et 10 pour qu’il atteigne son pic de production. Il produira généralement un grand nombre de cabosses durant les 12 années suivantes15.

Pressage

Tourteau de cacao

Beurre de cacao

Malaxage

Chocolat de couverture

Produits semi-finis

Chocolat liquide

Produits finis Tablettes, confiseries, biscuits, etc.

Source : Xerfi

• L‘histoire du cacao en bref

Les origines du chocolat, www.chocolatiers.fr.

13

Cacao, www.unctad.org/infocomm.

14 15

Growing the cocoa bean, www.worldcocoafoundation.org.

7


État des lieux de la filière cacao Une filière sous pression

Les prix internationaux du cacao sont très instables

Évolution du cours du cacao à la bourse de New York 1994-2011

Evolution du cours du cacao à la bourse de New York 1994 - 2011 4000

3500

3000

2500

Mars 2011 Le plus haut niveau en 32 ans: $3,775

Prix minimum garan+ + prime de développement Fairtrade/Max Havelaar Cours à la bourse de New York

US$ par tonne

Très volatile, le cours du cacao est influencé par divers facteurs. En novembre 2000, à la bourse de New-York, les prix ont ainsi atteint leur niveau le plus bas depuis 27 ans (714$/tonne) alors qu’au mois de mars 2011 ils se sont envolés, atteignant leur plus haut cours en 32 ans (3775$/tonne).

Oct 2002 Le plus haut niveau en 16 ans: $2,335

2000

Très élevé, le cours actuel a notamment été affecté par :

1500

1000

• Trois saisons à faible production (2006-2007, 2007-2008, 2009-2010)

• Une rupture des exportations de cacao suite aux troubles politiques en Côte d’Ivoire en novembre 2010

Nov 2000 Niveau le plus bas depuis 27 ans: $714

500

0 Fév 1994

Déc 1997

Nov 2000

Mai 2004

Juin 2006

Août 2011

En période de cours hauts, c'est le prix de la bourse + la prime de développement qui s'appliquent © Fairtrade Foundation

Sur le court terme, les prix sont influencés par : • Les conditions climatiques : quand elles sont favorables à une

bonne récolte, les prix baissent, alors qu’en période d’extrême humidité ou de sécheresse, les prix augmentent

• Des maladies ou infestations par des nuisibles et un mauvais entretien des cultures

• Le prix et la disponibilité ou l’insuffisance de pesticides et fertilisants

• La rétention des stocks par les producteurs dans l’espoir d’en tirer de meilleurs prix

• L’instabilité politique dans les pays producteurs • La spéculation sur les marchés Sur le long terme, les prix sont influencés par : • Des variations d’offre et de demande • Le ratio entre les stocks et les quantités transformées

(broyage16) : une chute du ratio stocks sur broyage entraine une hausse des prix et inversement. Ce ratio est un indicateur de la rareté du cacao sur le marché.

Le volume de broyage (terme utilisé par l’industrie pour la transformation des fèves de cacao en liqueur, beurre ou poudre) correspond à la demande du marché.

16

8


La Côte d’Ivoire étant le plus important producteur de cacao, les conditions climatiques et l’instabilité politique du pays ont un impact énorme sur l’industrie mondiale. En 2000 par exemple, les bonnes conditions climatiques du pays ont contribué à l’abondance de l’offre et à la constitution d’importants stocks entrainant une chute vertigineuse des prix qui se sont établis à 714 dollars la tonne. Deux ans plus tard, une tentative de coup d’état contre le président ivoirien entraina une guerre civile. La peur des ruptures d’approvisionnement en cacao provoqua alors une hausse des prix atteignant 2 335 dollars la tonne, le plus haut cours en 16 ans. En 2010, la contestation du résultat des élections présidentielles entraina le pays dans une nouvelle guerre civile, laissant derrière elle des milliers de morts et une économie en ruine. Les inquiétudes concernant la satisfaction de la demande mondiale ont été amplifiées par l’embargo sur les exportations ivoiriennes qui a retenu près d’un demi-million de tonnes de cacao dans les ports du pays. Ces événements ont entrainé une nouvelle hausse du cours du cacao atteignant 3 775 dollars la tonne, son plus haut niveau en 32 ans. Le conflit a pris fin en avril 2011. Avec le retour à la normale des exportations et les récoltes exceptionnelles en Afrique de l’Ouest, les cours ont chuté de 20%, atteignant 3 000 dollars la tonne en août 2011.

Les marchés à terme et la spéculation Comme d’autres matières premières agricoles, le cacao peut être commercialisé de deux manières : soit physiquement et il est alors acheté ou vendu au comptant, soit échangé virtuellement sur les marchés à terme de Londres (LIFFE) et de New-York (ICE). La transaction de contrats à terme (engagement à acheter ou revendre une quantité déterminée de fèves de cacao à un moment et un lieu donnés) est un outil utilisé par les traders et les producteurs pour se « couvrir » et limiter les risques de pertes face aux fluctuations imprévisibles des cours. Les marchés à terme sont également utilisés par les spéculateurs financiers (fonds d’investissement) et les particuliers pour miser sur l’évolution des cours du cacao. Selon la Fondation Internationale du Cacao (World Cocoa Foundation), l’évolution du prix du cacao est très largement influencée par les fonds d’investissement et autres spéculateurs dont les activités ont pour effet une volatilité des marchés à court terme17. Au début du mois de juillet 2010, 16 des plus importants transformateurs de cacao ont dénoncé les spéculateurs qui mettaient en danger l’intégrité du LIFFE et ont plaidé pour une plus grande transparence sur les positions tenues par les traders. Deux semaines plus tard, il est apparu que le fond

d‘investissement britannique Armajaro, avait mis la main en juillet sur près de 240 000 tonnes de cacao pour 920 millions de dollars, soit l’équivalent de 7% de la production mondiale de cacao, 15% des stocks mondiaux et 25% des stocks européens estimés de l’époque. Avec un cours atteignant son niveau record en 32 ans en raison d’inquiétudes liées à une saison très humide et à l’instabilité ivoirienne, Armajaro misait sur une chute de l’offre et une augmentation continue des cours. Cette opération spectaculaire a aggravé le climat d’inquiétude sur la façon dont les acheteurs financiers prennent le contrôle des marchés de matières premières agricoles. Leurs actions instaurent en effet une volatilité des cours et rendent les projets et décisions d’investissements difficiles pour les petits producteurs. En réalité, la météo clémente des mois suivants l’ordre d’achat d’Armajaro a permis de booster la production en Côte d’Ivoire, ce qui a provoqué une chute du cours du cacao. Armajaro aurait cependant limité ses pertes en se couvrant sur les marchés à terme. Entre 1,5% et 2% seulement du nombre total de contrats achetés et vendus sur le LIFFE sont réellement livrés18, démontrant ainsi la multiplicité des opérations virtuelles réalisées pour chaque lot de cacao avant leur livraison physique.

World Cocoa Foundation, Cocoa market update, mai 2010, p5.

17

Tropical Commodity Coalition, Sweetness follows, 2nd Edition.

18

9


Après la fermentation, les fèves sont séchées pendant plusieurs jours. La Conacado, République Dominicaine

Chaîne de valeur : qui gagne quoi ?

En 2010, le marché international du chocolat pesait 79,4 milliards de dollars19. À l’échelle mondiale, la transformation et la distribution de cacao et de chocolat sont contrôlées par une poignée d’entreprises multinationales. Il est estimé qu’en 2008, quatre d’entre elles (Barry Callebaut, ADM, Cadbury et Hershey) ont réalisé un bénéfice de plus d’un milliard de dollars20.

Producteurs

Coopératives

Acheteurs Locaux

La chaîne d’approvisionnement du cacao montre que les producteurs vendent leurs fèves séchées aux acheteurs locaux qui eux-mêmes les revendent à des exportateurs, le plus souvent des entreprises étrangères. La plus grande part des bénéfices du commerce du cacao est réalisée après transformation des fèves et provient en particulier de l’étape de fabrication du chocolat. Approximativement, une exploitation familiale génère un revenu net compris entre 2 000 et 3 000 dollars par an. Pour une famille de 6 ou 7 personnes, cela équivaut à un montant situé entre 300 et 500 dollars par personne. Si la famille se nourrit principalement des cultures vivrières qu’elle produit et que son revenu provient également d’autres cultures de rente que le cacao, elle peut atteindre ou dépasser le seuil de pauvreté de 2 dollars par jour et par personne. Cependant, ce revenu peut descendre en dessous du seuil de pauvreté si les producteurs possèdent peu de terre, que leurs rendements sont faibles ou lorsque les prix du cacao sont bas et les taxes élevées21.

Chaîne d’approvisionnement du cacao

Transformateurs locaux

Marché local

Exportateurs et traders internationaux de fèves de cacao, produits semi-finis Transformateurs du cacao en Industriels du chocolat pâte, beurre, poudre de destiné à la consommation (ou fabricants de confiseries, cacao et chocolat de glaces, biscuits, etc.) couvertured’approvisionnement Chaine du cacao

Distributeurs

Consommateurs

A noter : certains industriels possèdent également leur propre outils de transformation et inversement, certain transformateurs produisent également du chocolat pour les consommateurs.

D’après le Business Insights Report, www.foodnavigator.com, 18 mai 2011.

19

D’après « Résultats annuels réalisés par Barry Callebaut pour l’exercice 2007/2008 », www.barry-callebaut.com; « L’entreprise ADM publie ses résultats annuels », 4 août

20

2009, www.adm.com; « Résultat 2008 », www.cadbury.com; « Rapport annuel 2008 pour les actionnaires », www.hersheycompany.com. Il est impossible d’être précis étant donné que beaucoup d’entreprises ne publient pas leurs comptes de résultats par segments d’activités. Sweetness follows, 2nd edition, TCC, août 2008.

21

10


Les pays africains produisent 70% du cacao mondial mais seuls 18% y sont transformés sur place. L’Europe quant à elle transforme 41%22 de la production. Trois grandes entreprises (Cargill, ADM et Barry Callebaut) transforment à elles seules 40% du cacao mondial pesant annuellement 1,5 million de tonnes.23 La concentration d’une grande partie de ces infrastructures de transformation à Amsterdam explique les chiffres très élevés des volumes d’importation de fèves de cacao par les Pays-Bas. En outre, les Pays-Bas sont leaders dans la transformation et sont les plus importants exportateurs de pâte (avec 24% du total), de poudre (28%) et de beurre de cacao (30%)24. Les industriels du chocolat transforment la liqueur, la poudre, et le beurre de cacao en une variété de cacaos et de chocolats liquides pour la boulangerie, la

confiserie ainsi que des tablettes pour des marques nationales ou des marques de distributeurs. Barry Callebaut, entreprise basée en Suisse, est leader mondial de la fabrication de chocolat et travaille pour le compte de grands groupes tels que Nestlé, Kraft ou Hershey. En 2003, l’entreprise contrôlait 51% du marché25. La même année, les entreprises américaines ADM et Blommer, deuxième et troisième plus importantes, détenaient 20% de parts de marché26.

cacao pour l’externaliser auprès de fabricants tels que Barry Callebaut ou ADM. A contrario, ces derniers ont quant à eux tendance à accroitre leurs capacités de production en Europe, aux États-Unis et au Mexique, mais également dans des pays producteurs comme la Côte d’Ivoire ou la Malaisie. Les 5 plus gros pays importateurs de chocolat destiné à la vente au détail, 2009 (en millions de dollars)

Les ventes au détail sont dominées par cinq entreprises : Mars, Nestlé, Hershey, Kraft/Cadbury et Ferrero. Combinées, ces entreprises centralisent 57% des ventes de chocolat27. Le marché français est dominé par Kraft, Lindt et Nestlé28. Ces dix dernières années auront vu apparaitre une tendance de ces grandes marques à supprimer peu à peu leur activité de transformation du

Autres 2186m$

Royaume-Uni 1286m$

France 1168m$ Pays-Bas 640m$ Etats-Unis 879m$

Allemagne 1159m$

Les coopératives qui exportent elles-mêmes reçoivent une plus grande part de la valeur ajoutée. La Conacado, République Dominicaine

World Cocoa Foundation, Cocoa Market Update, mai 2010, p3.

22

Oxfam, Towards a sustainable cocoa chain : Power and possibilities within the cocoa and chocolate sector, 2009, p14.

23

Agritrade, Rapport cadre : Le secteur du Cacao dans les échanges ACP-EU, Octobre 2009, p6.

24

Agritrade, Rapport cadre : cacao, mai 2008, p5.

25

‘Cacao’, www.unctad.org/infocomm.

26

Oxfam, Towards a sustainable cocoa chain: Power and possibilities within the cocoa and chocolate sector, 2009, p15. Cadbury a été racheté

27

par Kraft Foods pour 18 milliards de dollars le 2 février 2010. Points de vente, n°1060, 30 novembre 2009.

28

11


14000 12000 10000 8000 6000 4000

2010

2005

2000

1995

1990

0

1985

2000 1980

Les petits producteurs de cacao sont le plus souvent mal informés sur les variations locales des prix au profit des intermédiaires. Ces derniers achètent souvent de façon abusive en dessous des prix du marché. De nombreux producteurs se plaignent que les acheteurs privés utilisent régulièrement des balances biaisées afin de sous-estimer le poids de leur récolte et ainsi la leur acheter à moindre prix.

1975

• Un manque d’information :

Prix du marché réel

1970

Suite à la crise financière internationale de 2008, les prix des matières premières agricoles ont flambé, atteignant leur maximum en février 201129. Les producteurs font face à une augmentation des coûts de la nourriture et par conséquent, à une insécurité alimentaire grandissante. Il est difficile d’envisager une baisse significative des prix alimentaires dans un futur proche.

1965

• L’insécurité alimentaire :

marché Sur le marché réel, les prix perçus par les producteurs pour réel leur récolte se sont effondrés chaque année depuis les années 1970. Cette situation a ralenti leur développement économique, aggravant la pauvreté. Au même moment, les profits réalisés par les géants mondiaux de l’alimentaire ont continué à croître. C’est seulement au cours de ces dernières années que la tendance a commencé à s’inverser, en raison de l’inquiétude des industriels face à un potentiel déficit structurel de la production de cacao. Lorsque les prix internationaux du cacao augmentent, les producteurs peuvent en bénéficier de façon ponctuelle. Cela n’est pas systématique et pas toujours suffisant pour leur permettre d’être rémunérés de façon décente et durable.

1960

Le contexte commercial et économique mondial explique en grande partie les problématiques auxquelles les producteurs de cacao font face. A cela s’ajoutent d’autres facteurs comme le changement climatique, les hausses des coûts de production ou le vieillissement des cacaoyers.

• Une chute des prix payés aux producteurs : Prix du

Prix réels ajustés en US$ par tonne

Quels enjeux pour les producteurs ?

Année Source: Interna-onal Cocoa Organiza-on (ICCO)

Cabosse de cacao ouverte. Kavokiva, Côte d’Ivoire.

29

FAO, ‘Initiative sur la flambée des prix des aliments’, http://www.fao.org/isfp/isfp-home/fr, mai 2011.

12


• Des coûts de production en hausse :

• Le travail des enfants :

Le prix des fertilisants et pesticides pour combattre nuisibles et maladies continue d’augmenter, tout comme le prix du carburant et les coûts de transport.

Selon une étude du Programme de développement durable des cultures pérennes (STCP) de l’Institut International d’Agriculture Tropicale (IITA), plus de 250 000 enfants sont exploités dans la production de cacao en Côte d’Ivoire. La plupart d’entre eux travaille dans des exploitations familiales ou avec leurs parents et sont exposés à des conditions de travail à risque : 94% des enfants utilisent des outils dangereux comme la machette et 80% portent des charges lourdes31. La principale cause du travail des enfants est la pauvreté des familles, la faible rémunération des producteurs ne leur permettant pas d’employer du personnel. Même lorsque les producteurs souhaitent envoyer leurs enfants à l’école, cela leur est souvent impossible en raison de l’absence d’établissements en zones rurales. En outre, les parents ne sont ni en mesure d’acheter des manuels scolaires, ni de rémunérer un professeur. L’Organisation Internationale du Travail (OIT) fait une différence entre des tâches que les enfants accomplissent au sein de leur famille, faisant partie de la transmission des savoir-faire, et le travail des enfants. Dans le premier cas, les travaux effectués par l’enfant ne l’empêchent pas d’aller à l’école et n’entravent ni son équilibre physique, ni son équilibre psychologique. Ils font partie de l’éducation de l’enfant. Dans le second cas, l’enfant accomplit un travail dangereux, dans des conditions d’exploitation (sévices physiques, sous-alimentation, utilisation de produits ou matériel dangereux) qui mettent sa santé et son éducation en péril.

• Une qualité et une productivité médiocres

ou en baisse :

Le vieillissement des cacaoyers, le manque de formation et les mauvaises techniques de fermentation et de séchage réduisent la qualité des récoltes ainsi que les rendements.

• Des difficultés à investir : Conséquence majeure de plusieurs décennies de prix bas et incertains, l’accès au crédit est devenu limité ou même impossible pour les producteurs qui ont de très faibles revenus, instables de surcroît. Il leur est donc difficile d’investir dans de nouveaux plants ou dans l’achat de matériel de fermentation ou de séchage qui leur permettrait d’obtenir une production de meilleure qualité.

• La fuite des jeunes générations : Les plus jeunes générations qui ne voient pas d’avenir dans le cacao s’orientent vers la production d’autres denrées plus lucratives ou migrent vers les villes. Ce phénomène contribue à faire augmenter la moyenne d’âge des producteurs de cacao: en Afrique de l’Ouest par exemple, elle est de 51 ans30.

• Le changement climatique : Dans ce contexte déjà difficile, le changement climatique est une menace supplémentaire pour les récoltes. Les périodes de pluie sont moins prévisibles et les périodes de sécheresse plus fréquentes et plus longues. Ces changements devraient entre autres augmenter l’apparition de nouvelles espèces nuisibles et de maladies.

La Conacado, République Dominicaine

Binam, J.N., Gockowski, J. and Nkamleu, G. B. (septembre 2008), Technical Efficiency and Productivity Potential of Cocoa Farmers in West African Countries. The

30

Developing Economies, XLVI-3: p254. Département d’Etat Américain, Rapports par pays des pratiques en matière de Droits de l’Homme : Côte d’Ivoire, 8 avril 2011, www.state.gov.

31

13


L’action du système Fairtrade / Max Havelaar Les réponses du système

Fairtrade / Max Havelaar en quelques mots : Fairtrade / Max Havelaar est un label international cogéré par les représentants des producteurs, par des associations de commerce équitable, par des ONG et par des acteurs économiques. L’initiative est née en 1988 suite à un appel de producteurs de café mexicains : « Recevoir chaque année vos dons pour construire une petite école afin que la pauvreté soit plus supportable, c’est bien. Mais le véritable soutien serait de recevoir un prix plus juste pour notre café ». Le commerce équitable garantit aux producteurs, regroupés au sein de collectifs gérés démocratiquement, des conditions commerciales plus justes et leur offre ainsi les moyens de combattre la pauvreté par eux-mêmes, de renforcer leur capacité de négocier et de prendre en main leur propre avenir. Le principal objectif du mouvement Fairtrade / Max Havelaar est de renforcer les organisations de producteurs. Il soutient ainsi le développement d’une filière cacao durable dans laquelle les producteurs sont en capacité de construire

une vie meilleure pour eux-mêmes, leurs familles et leurs communautés. Les standards Fairtrade / Max Havelaar encouragent le développement social, économique et environnemental des producteurs et de leurs organisations. Les standards jouent le rôle de filet de sécurité pour les petits producteurs contre les incertitudes des marchés, leur assurant ainsi de vendre à un prix couvrant leurs coûts de production. La certification Fairtrade / Max Havelaar pour le cacao est uniquement ouverte aux organisations de petits producteurs (agriculture familiale, par opposition aux grandes plantations). Ces organisations doivent être détenues et contrôlées par les producteurs eux-mêmes, avoir un fonctionnement démocratique dans la prise de décisions (chaque membre a une voix et peut voter) et être administrées avec une totale transparence. L’organisme de certification indépendant FLO-Cert (agréé ISO 65) assure l’intégrité du système de certification et le respect des standards fixés par Fairtrade International. FLO-Cert réalise des audits auprès des importateurs, des exportateurs, des transformateurs et des marques engagées au Nord, ainsi qu’auprès des organisations de producteurs au Sud.

Garanties et objectifs clés des standards Fairtrade / Max Havelaar pour les organisations de producteurs de cacao : • Un prix minimum garanti d’achat

de 2 000 dollars la tonne de fèves de cacao certifiées (ou le prix du marché si celui-ci est supérieur). Pour les fèves de cacao qui sont aussi certifiées agriculture biologique, le prix minimum est de 2 300 dollars la tonne.

• Une

prime de développement fixée à 200 dollars par tonne destinée aux investissements communautaires, productifs et environnementaux.

• Un préfinancement possible à hauteur de 60% du prix d’achat des fèves.

• Des partenariats commerciaux justes et de longue durée.

• Des standards environnementaux

encourageant une pratique raisonnée de l’agriculture basée sur une utilisation minimale et prudente des intrants chimiques, l’interdiction des produits les plus dangereux, une gestion propre et sécurisée des déchets, une bonne gestion de l’eau, un maintien de la fertilité des sols, une interdiction de l’usage d’organismes génétiquement modifiés.

Kuapa Kokoo, Ghana

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• L’interdiction du travail forcé et du travail des enfants. Les

audits permettent de détecter les cas de travail des enfants, pouvant conduire à la suspension de l’organisation de producteurs. Celle-ci a l’obligation de prendre des mesures correctives. La suspension interdit à l’organisation de producteurs d’établir de nouveaux contrats sous le label Fairtrade / Max Havelaar tant qu’elle n’a pas été levée. Les mesures correctives permettent au système Fairtrade / Max Havelaar de soutenir les producteurs pour faire face à ce fléau, sans les exclure du système. Une exclusion ne résoudrait pas le problème du travail des enfants mais, bien au contraire, l’aggraverait en dégradant les conditions de vie des familles concernées. Cependant, si malgré les actions correctives, les auditeurs observent encore des cas de travail des enfants, l’organisation risque de perdre la certification Fairtrade / Max Havelaar. Beaucoup de producteurs luttent activement dans ce domaine. Kuapa Kokoo, une coopérative certifiée Fairtrade / Max Havelaar au Ghana, a établi un vaste programme contre le travail des enfants. En partie financé par la prime de développement,

Kuapa Kokoo, Ghana

ce programme a permis de mettre en place une unité en charge des contrôles et de la formation autour de cetteproblématique. Des journées d’information sont organisées afin d’apprendre aux enfants leurs droits. Enfin, la coopérative

a lancé en janvier 2011 un programme sur deux ans en partenariat avec l’OIT afin de contrôler et combattre le travail des enfants.

Accompagnement sur le terrain en partenariat avec les réseaux de producteurs Des chargés d’appui sur le terrain forment les producteurs à la bonne compréhension et application des standards, leur permettant de partager les bonnes pratiques techniques et organisationnelles. Les réseaux de producteurs, qui cogèrent le système Fairtrade / Max Havelaar, soutiennent également les producteurs sur le terrain en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Portant la voix de près de 1,5 million de producteurs, ces réseaux développent des partenariats stratégiques avec des institutions financières et avec des programmes régionaux d’assistance technique.

Ces employés de la Conacado suivent une formation qui leur permettra à leur tour de former des producteurs à la gestion des entreprises. République Dominicaine

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L’action du système Fairtrade / Max Havelaar Quel est l’impact du commerce équitable sur le terrain ?

L’impact croissant de Fairtrade / Max Havelaar : Aujourd’hui, il existe 62 organisations de producteurs de cacao certifiées Fairtrade / Max Havelaar, représentant plus de 122 000 producteurs dans 17 pays : Bolivie, Cameroun, Colombie, Costa Rica, Côte d’Ivoire, République Dominicaine, Equateur, Ghana, Haïti, Inde, Nicaragua, Panama, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Pérou, São Tomé, Sierra Léone et Sri Lanka. Dans une dynamique d’amélioration des standards, le mouvement Fairtrade / Max Havelaar étudie depuis de nombreuses années l’impact du système sur les organisations de producteurs. Depuis 2008, la méthodologie utilisée est la même pour chaque étude32, permettant de les comparer. Le but de ces études est d’identifier et comprendre comment le commerce équitable change la vie quotidienne des communautés agricoles mais aussi d’analyser les chaines d’effets-impacts de chacun de ces changements.

« Grâce aux revenus des ventes aux conditions du commerce équitable, nous avons été en mesure de mettre en place un programme de fermentation visant à améliorer la qualité de notre cacao et de convertir notre production à l’agriculture biologique. Ceci nous a permis d’améliorer notre position à l’export. Le marché du commerce équitable est très important pour la survie de nos membres.» Isidoro de la Rosa, Directeur, La Conacado, République Dominicaine

Pays producteurs de cacao dans le monde

Rép. Dominicaine Haïti Nicaragua Costa Rica Panama Colombie Équateur Pérou

Sierra Leone Côte d'Ivoire Ghana Sao Tomé

Inde

Papouasie Nouvelle-Guinée

Sri Lanka

Cameroun

Bolivie

organisations de producteurs de cacao

Basée sur “A methodological guide for assessing the impact of Fairtrade”, Eberhart, N. and Smith, S., proposition de guide méthodologique d’AVSF et IDS (Institute of Development

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Studies, UK)

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Kavokiva : un exemple en Côte d’Ivoire Le niveau de pauvreté de la Côte d’Ivoire a atteint près de 50% en 2008 suite aux années de crise politique et de guerre civile. Durant cette même période, les infrastructures économiques et sociales de base comme la santé et l’éducation se sont détériorées. Située dans la région de Daloa, au sud-est de la Côte d’Ivoire où plus de 40% du cacao du pays est produit, la coopérative Kavokiva compte aujourd’hui plus de 5 900 membres. Chaque producteur est propriétaire de 3 hectares en moyenne et le cacao est le plus souvent leur principale source de revenu. Beaucoup de villages dans lesquels vivent les membres de Kavokiva ne sont pas raccordés au réseau électrique et ne fournissent pas d’autre accès à l’eau potable que celui des puits. Le taux d’analphabétisme parmi les communautés de producteurs est de l’ordre de 95%, et beaucoup d’écoles sont mal équipées ou trop lointaines pour que les enfants puissent s’y rendre chaque jour. Certifiée Fairtrade / Max Havelaar en 2004, Kavokiva utilise la prime de développement des ventes de cacao certifié pour augmenter les niveaux de production et aider à répondre aux besoins sociaux des membres et de leurs communautés. Un agronome diplômé a été recruté pour améliorer les techniques agricoles et augmenter les rendements. Afin d’améliorer le quotidien des producteurs et de leur famille, les priorités établies sont l’accès à l’eau potable et aux soins. Trois nouveaux puits fonctionnant avec des pompes ont ainsi été construits. Par ailleurs, une des réalisations majeures fût la construction d’un centre de santé. Enfin, la coopérative a investi dans l’achat d’une ambulance et la mise en place d’un système d’assurance santé non payante.

L’accès à l’éducation est également établi comme priorité. Kavokiva distribue des bourses d’étude aux membres pour qu’ils puissent payer les frais de scolarité de leurs enfants. Lorsque les écoles publiques se situent trop loin, la prime de développement est utilisée pour construire des écoles dans les villages tandis que les cotisations des parents servent à rémunérer les professeurs. Malheureusement, ces améliorations restent encore insuffisantes pour résoudre ce problème structurel. Les producteurs ont également choisi de mettre en place un projet autour de la lutte contre le travail des enfants. La coopérative a créé une charte qui établit clairement la différence entre l’aide qu’un enfant peut apporter à sa famille et un réel labeur. Elle comporte un guide de bonne conduite qui permet d’identifier les cas de travail des enfants et la manière de réagir face à de telles situations.

“ Désormais, je bénéficie de beaucoup d’avantages, comme les services de production (formation technique, replantation d’arbres) et l’accès à l’éducation. Mon plus jeune fils va à l’école ici à Abekro.Elle a été construite avec la prime de développement. Je suis content parce que je n’y suis pas allé moi-même.” Kouadio Yao, producteur à Kavokiva, Abekro, village proche de Daloa.

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La Conacado : un exemple en République Dominicaine La République Dominicaine est le deuxième pays le plus pauvre des Caraïbes après Haïti : sur cette petite île des Antilles, qui compte 9,5 millions d’habitants, presque 40 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et 16% de l’extrême pauvreté33. Plus de 40 000 familles dominicaines participent à la production de cacao, soit environ 350 000 personnes. La coopérative CONACADO est composée de 182 associations de petits producteurs soit un total de 10 000 producteurs de cacao adhérents. La taille moyenne des exploitations est de 4,3 hectares et le cacao y est cultivé sous des canopées d’arbres géants endémiques et autres bananiers, citronniers ou avocatiers de plus petite taille dont les fruits sont vendus sur les marchés locaux. D’autres légumes y sont également cultivés pour une consommation domestique. Presque la moitié de la production des membres est désormais vendue sur le marché équitable. La prime de développement a été investie dans des infrastructures de transformation et de stockage pour permettre d’améliorer la qualité du cacao. De plus, 30 agents de développement ont été recrutés pour fournir une formation technique et augmenter les rendements, convertir la production à l’agriculture biologique et planter de nouveaux arbres. Sur le plan social, des écoles ont été construites, d’autres réparées, et des bourses ainsi que du matériel scolaire ont été distribués aux étudiants des familles les plus pauvres. Un nouveau centre de télécommunications aide les enfants dans leur travail scolaire et rend Internet accessible dans la communauté. La santé fait également partie des priorités et différents projets comme la construction d’une clinique et la mise en place de bilans de santé gratuits ont vu le jour.

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PNUD 2004

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« Il faut une révolution conjointe où tout le monde est impliqué, les producteurs et les consommateurs, pour changer le monde » Santo Moreno, producteur à Yamasa, bloc 2 de la Conacado


Les bénéfices du commerce équitable au Pérou Au cours des années 1990, le Pérou a subi de plein fouet la violence engendrée par la guérilla et le trafic de stupéfiants. Dans le nord-est du pays, la plupart des paysans cultivait alors la coca. Face à un tel fléau, les Nations Unies ont décidé de mettre en place un projet pour remplacer les cultures de coca par d’autres cultures telles que le cacao. Ce pari était alors audacieux au vu des différences de prix entre les deux produits et de la pression des trafiquants. La coopérative Acopagro située dans la région de San Martin a été créée en 1997 et comptait alors 27 membres. Aujourd’hui, elle en compte 1 600 et chaque producteur possède en moyenne 2,5 hectares de terrain.

Les services offerts par la coopérative sont nombreux et financés en partie par la prime de développement. Redistribuée aux producteurs sous forme de paiement complémentaire en fin d’année, elle a également été une source importante de financement pour développer les infrastructures de fermentation et de séchage des fèves permettant d’améliorer la qualité du cacao. Des formations techniques et des microcrédits ont également été mis à disposition des producteurs.

Un chargé d’appui sur le terrain soutient la coopérative notamment pour des formations concernant ces standards, permettant aux membres de la coopérative de mieux en comprendre les objectifs et les moyens de les mettre en œuvre concrètement.

Parallèlement aux bénéfices économiques du commerce équitable, Acopagro a renforcé son organisation interne et a instauré une plus grande démocratie grâce au cadre offert par les standards Fairtrade / Max Havelaar. Elle a également bénéficié d’un accès au marché plus important et de relations de longue durée avec ses acheteurs, alors que la plupart des coopératives non certifiées dépendent d’un unique client ou exportateur.

Ce cercle vertueux a contribué au succès d’Acopagro et au renforcement de son poids dans la filière cacao et au niveau national : elle est aujourd’hui consultée dans la définition des politiques concernant son secteur d’activité.

L’accès au crédit est en constante amélioration, démontrant la confiance des banques en la stabilité et la solidité financière de cette structure. Acopagro possède ainsi une certaine indépendance par rapport aux acheteurs.

« Nous ne pouvons produire du cacao qui soit à la hauteur des exigences du marché que si nous sommes organisés » Segundo Gilberto Ortiz Rodriguez, producteur et vice-président d’Acopagro

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Conclusion Les producteurs de cacao sont en permanence confrontés à différents risques : la fluctuation des prix, le vieillissement et le faible rendement des cacaoyers, la diminution de la fertilité des sols, les conditions climatiques changeantes, l’augmentation des coûts de production (carburants et transport entre autres), le difficile accès au crédit et le manque de pouvoir de négociation face aux acheteurs.

Dans leur vie quotidienne les producteurs doivent composer avec une augmentation des prix alimentaires, de mauvaises infrastructures locales, des soins inadaptés, des conditions d’accès limitées à l’éducation pour leurs enfants et, dans certains cas, une instabilité politique. Depuis plusieurs années, l’International Cocoa Organization (ICCO), une agence de l’ONU, a soutenu des projets pour développer la production de cacao, son commerce et l’amélioration des revenus des petits producteurs. En juin 2010, sous la tutelle de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), les pays exportateurs et importateurs de cacao les plus importants ont signé un nouvel Accord International sur le Cacao. L’objectif : développer une filière cacao durable bénéficiant à toutes les parties prenantes, et en particulier aux petits producteurs. A l’autre bout de la chaîne, les entreprises multinationales de transformation, production et distribution de chocolat ont dû faire face à une demande supérieure à l’offre au cours des dernières années. Egalement confrontées à une forte croissance potentielle de la demande dans les économies émergeantes, elles s’attachent de plus en plus à sécuriser leurs approvisionnements en cacao de bonne qualité. Plus récemment, soutenus par les gouvernements, les principales entreprises et groupements industriels ont mis en place plus de 60 projets en lien avec le cacao. Ils ont pour objectif de pérenniser la filière et d’améliorer les conditions de vie

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des communautés agricoles. Ces projets s’attachent principalement à former les producteurs afin d’améliorer la qualité tout en augmentant la productivité. Alors que ces initiatives devraient être accueillies avec engouement, elles ne permettront pas nécessairement de redresser la tendance d’instabilité des prix sur le long terme. Par ailleurs, d’après l’Organisation Internationale du Cacao34 (ICCO), la mauvaise coordination de ces projets pourrait avoir l’effet contraire : la production mondiale pourrait bondir de 50% et atteindre 6 milliards de tonnes, inonder le marché et causer un effondrement des cours comme cela a pu se produire en novembre 2000. Le prix était descendu alors à 774 dollars la tonne. En réalité, la durabilité du secteur du cacao ne sera au rendez-vous que le jour où les petits producteurs, propriétaires de leur terre, seront en mesure de vivre décemment de leurs récoltes et que leurs enfants pourront avoir une vision pérenne de leur activité. Pour cela, il est indispensable d’aller au-delà d’une simple augmentation de la production. Les standards Fairtrade / Max Havelaar représentent un véritable cadre pour une production durable de cacao. Ces standards comprennent un prix minimum garanti d’achat qui aide les producteurs à gérer leur budget et avoir une visibilité à moyen et long terme. Ces mêmes standards incluent également une prime de développement destinée aux organisations de producteurs leur permettant d’investir dans la modernisation de leur exploitation,

dans des projets communautaires et dans la protection de l’environnement. À plus long terme, le système Fairtrade / Max Havelaar aide les organisations de producteurs et les producteurs euxmêmes à faire face aux instabilités du marché en leur permettant un meilleur accès aux financements, la construction de relations solides avec les acheteurs et une amélioration des conditions contractuelles.

Des efforts à poursuivre pour faire la différence Les ventes mondiales de cacao certifié Fairtrade / Max Havelaar sont passées de 14 000 tonnes en 2009 à 35 000 tonnes en 2010, et beaucoup d’organisations de producteurs ont la volonté de rejoindre le système. Malgré ce succès, les ventes de cacao aux conditions Fairtrade / Max Havelaar ne pèsent que 1% des ventes mondiales, et les organisations de producteurs certifiées ne vendent qu’une part de leur production aux conditions du commerce équitable. Avec une capacité de production totale estimée à 109 000 tonnes, la plupart des organisations certifiées travaille donc à augmenter la part de leurs ventes aux conditions du commerce équitable. C’est dans ce but que nous travaillons aujourd’hui à leurs côtés afin d’accroitre l’engagement des entreprises envers un développement plus durable et des pratiques commerciales plus justes, reconnaissant les défis auxquels les millions de producteurs sont confrontés dans le monde.

ICCO, Communiqué de presse, « La non coordination des projets pourrait empirer le cycle de hausse et de baisse des cours du cacao » selon le directeur exécutif de l’ICCO, www.icco.

org, juillet 2011.

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Le commerce équitable ne se fera pas sans vous ! Les clés d’un commerce mondial plus juste sont entre vos mains !

Comment agir ?

Devenez consom’acteur :

Devenez une entreprise ou une collectivité responsable, partenaire du commerce équitable :

• Changez vos habitudes, consommez du

• Engagez-vous en offrant des produits

• Demandez à vos commerçants de réfé-

• Changez vos pratiques internes :

chocolat équitable labellisé Fairtrade / Max Havelaar.

rencer plus de chocolats et de produits à base de cacao portant le label Fairtrade / Max Havelaar.

• Ecrivez aux fabricants de chocolats pour

leur demander de se convertir à l’équitable.

• Demandez à votre employeur, commune,

école ou université de soutenir le commerce équitable de quelque manière que ce soit. Demandez à vos amis et votre famille de faire de même.

• Engagez-vous auprès d’une association

locale de promotion du commerce équitable et participez aux manifestations de promotion d’une consommation plus responsable.

labellisés Fairtrade / Max Havelaar.

> Équipez-vous de tenues de travail fabriquées en coton équitable. > Offrez le choix de l’équitable à vos collaborateurs en optant pour des distributeurs de produits labellisés Fairtrade / Max Havelaar. > Intégrez le commerce équitable dans votre restauration collective. > Sensibilisez vos équipes et vos partenaires aux enjeux du commerce équitable et de la consommation responsable et faites appel à l’expertise de l’association Max Havelaar France afin de vous accompagner dans votre démarche.

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Association Max Havelaar France TĂŠl. +33 (0)1.42.87.70.21 info@maxhavelaarfrance.org www.maxhavelaarfrance.org


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