Carnet de Voyage en Saintonge

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Saintonge

14 et 15 octobre 2017

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Jean-Pierre Lazarus


Saintonge les 14 et 15 octobre 2017

Dessins d!apr"s carte Google Map

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Saint-Saviniensur-Charente (Pages 3 à 6)

Pierre et carrières de Crazannes (Pages 13 à 17)

Le château de la Roche Courbon (Pages 6 à 12)

Le musée de Lisette (Pages 18 et 19)

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Cartes et sommaire

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PA R T I R Le voyage d'octobre, organisé par le Comité du quartier du Monteil, annonce, chaque année, les nouvelles couleurs de l'automne. Il offre aux participants deux jours de visites et de découvertes quelque part dans la région ou au-delà : Albi, Foix, Quercy, Ossau, Corrèze, pour ce qui est des dernières années. Cette année 2017, le choix du Comité s'est porté sur la Saintonge, celle qui fait écrin à Saint-Savinien-sur-Charente.

Le fleuve est franchi une première fois à Taillebourg puis, moins d'une demi-heure plus tard, nous sommes devant le pont ferroviaire de Saint-Saviniensur-Charente, notre destination. Hauteur limitée à 3,60 m : Kléber est inquiet, Jean-Claude descend et surveille le passage précautionneux. Le véhicule passe sans toucher. Traversée du village puis derechef de la Charente avant de stationner le bus près de l'office de tourisme. Attendre car il n'est pas 10 h.

Il fait doux, ce 14 octobre au matin lorsque la quinzaine de Pessacais se retrouve devant la pharmacie de Madran, peu avant 7 h. C'est toujours ainsi : des habitués de ces voyages émergent de toutes les directions en tirant leurs petites valises et se retrouvent dans la nuit, en bordure de l'avenue. Je commence par en connaître et reconnaître quelques-uns… Kléber est à l'heure, le bus déjà bien rempli. Rocade, pont suspendu et autoroute A10 : cap vers le nord. Vers 8 h, l'aube pointe et le contour de la nuit s'éloigne, révélant les déjà belles couleurs automnales des fougères, des chênes, des bouleaux, des érables et des acacias. L'arrêt traditionnel sur l'une des aires a lieu sur celle de Saint-Léger pour une restauration rapide. Parce que nous n'allons pas très loin, nous avons davantage de temps pour goûter cette halte. Quelques nappes de brouillard cherchent à se reposer sur les sols et la végétation mais l'anticyclone les chasse : le beau temps sera avec nous tout au long de ces deux jours en Saintonge.

SA I N T- SAV I N I E N - S U R- C H A R E N T E

9 h. Sortie "Saintes" puis les petites routes de campagne qui, comme des vaisseaux capillaires (essentiels mais de moindre importance que les grandes artères) conduisent au cœur de la province, vallonnée, moissonnée, vers ces petits villages où nous n'irions jamais si le bus ne nous y conduisait pas.

Celui qui se présente bientôt pour nous faire visiter n'est pas guide mais travaille aux Chênes Verts, le site où nous prendrons nos repas et passerons la nuit. Mais cela , je ne le sais pas encore. Ce que je sais, c'est qu'il n'est pas guide même s'il connaît le village, qu'il parle très fort, comme si nous étions sourds et qu'il nous appelle "les jeunes" pour bien montrer que nous ne le sommes plus… Désagréable impression d'être infantilisés… J'ai écrit sur mon carnet qu'il nous prenait pour des débiles… Mais nous devons faire avec. Nous franchissons donc la Charente à pied pour retourner en ville et profitons du pont et du soleil pour admirer le quai de ce village qui devait être beaucoup plus animé lorsque le fleuve était le principal axe du commerce. C'était avant, longtemps auparavant… Aujourd'hui, quelques canots de pêcheurs ou de marins d'eau douce sont attachés au quai. Les toits de tuiles sont dominés par l'église imposante, les façades de belles pierres blanches sont dissimulées par les platanes ou les tilleuls encore en feuilles. Nous suivons Christophe qui parle fort et tentons de ne pas l'entendre pour profiter au mieux de la très belle journée qui s'annonce. Le suivons sur le quai jusqu'au droit de l'église.

Saint#Savinien#sur#Charente -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Saint-Savinien-sur-Charente

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Photos Comité du Monteil

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Vieilles portes de la ruelle des Roses$ peintes par des artistes de Saint#Savinien#sur#Charente

Suivant Christophe, nous prenons la rue Rose qui se glisse entre les maisons et le plateau calcaire sur lequel est construite la ville haute. Il tombe en une petite falaise dans laquelle il y aurait des habitations troglodytiques. La rue devient ruelle, passage des artistes qui ont peint les vieilles portes de bois en jolis trompe-l'œil. À droite, les maisons aux vieilles portes, à gauche les jardins dans l'ombre de la falaise. Une montée, un escalier et nous voici sur le parvis de l'église, au-dessus des toits de la ville basse : joli panorama sur la Charente à l'étiage. Nous marchons vers le parvis de l'église bordé par les statuettes des douze apôtres ; le seul qui tourne le dos à l'édifice n'est pas difficile à connaître… La façade de l'église romane, de style saintongeais, comporte deux registres surmontés d'un haut pignon triangulaire imitant un clocher mur. Ces deux registres ne portent que fort peu de décorations, essentiellement des arcatures aveugles, une de chaque côté de la porte d'entrée et trois au-dessus de la corniche séparant les registres. Néanmoins, le bord supérieur des registres est orné de modillons aux motifs animaliers et masques humains, séparés les uns des autres par des pierres légè-

rement décorées. Cette décoration sobre est accentuée par le contre-jour sous lequel nous devons admirer la façade qui doit apparaître beaucoup plus belle au soleil déclinant. Les colonnettes encadrant les arcatures sont coiffées de petits chapiteaux difficilement visibles depuis le parvis : jumelles indispensables pour une observation fine. À l'intérieur, une nef unique, un chœur en forme d'abside remplaçant un chevet plat et le transept. Au XIXe siècle, de grands aménagements furent réalisés dont cette abside et le chœur. Dans le bras nord du transept, seize hautes statues ont été sculptées dans la pierre blanche de Crazannes, caractéristique de la région. Installées chacune dans sa niche néogothique, elles représentent des personnages de l'Ancien Testament – Abraham, Jacob, David, Noé, Eutrope, Joseph, des prophètes – et deux femmes : Judith et Esther. Chacun des personnages porte un objet sensé le faire connaître : aux pieds de Judith, la tête d'Holopherne et en main droite, le glaive qui servit à décapiter le chef assyrien ; dans la main de Noé, l'arche, bien sûr ; dans les bras de David, une lyre ; contre Jacob, un bâton, contre Eutrope, une crosse d'évêque. Ce sont ces statues hiératiques que Christophe nous propose de

Les toits de Saint#Savinien et la Charente

Isa%e$ Judith et Joseph

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land derrière sa balance, le magasin "Au bon vieux temps" propose des tissus aux belles du village, tout un marché en plein air nous ramène au temps des charrettes à bras, des tonneaux de vin et des costumes traditionnels. Les peintures sont encore assez belles mais mériteraient bientôt un coup de pinceau pour être rajeunies.

regarder sans nous fournir d'explication. Regarder sans comprendre… Nous quittons l'église, redescendons l'escalier et suivons la ruelle qui longe l'église et la maison que Christophe appelle "de Monfort". Un point de vue permet d'observer le massif clocher de l'église, construit au-dessus du transept nord, au XVIe siècle, mais jamais achevé. Les petits pinacles qui s'élèvent du bord supérieur indiquent-ils cette volonté de construire plus haut ? On devine aussi, entre haut mur et végétation, la masse imposante de l'abside hémicylindrique rajoutée au XIXe siècle. La maison "Monfort" et sa forte tourelle ne se visite pas. L'ensemble du bâtiment et des dépendances se trouve au-dessus d'anciennes carrières de pierre. Telle une acropole, elle est enfermée dans de hauts murs et domine ce quartier ancien de Saint-Savinien. Par la rue du Pau, nous atteignons le bas du village, à l'entrée du pont. Nous suivons Christophe dans la rue du Centre. Nous y découvrons une valorisation originale des vitrines abandonnées. Je suppose qu'ici aussi, l'absence d'aménagement territorial à long terme entraîne un déclin du petit commerce. Des magasins ferment et les vitrines deviennent des verrues, aggravant probablement le désespoir de la population qui voit ainsi son village dépérir. Pour remédier à cela, les vitrines sont louées à des artistes qui les mettent en valeur avec leurs œuvres d'art. La rue du Centre, anciennement très commerciale, devient peu à peu une rue d'artistes bordée de fort jolies vitrines dites "éphémères". Justement, un couple termine la mise en valeur de "sa" vitrine éphémère en y exposant des tableaux.

Nous sommes devant la halle du marché, place Bonnet. Sa façade monumentale traduit l'importance qu'avait le commerce dans ce village en bord de Charente, fleuve naguère objet d'un important trafic fluvial. Les anciennes halles en bois ont été remplacées, au milieu du XIXe siècle, par celles-ci, métalliques et plus vastes, sans doute plus lumineuses aussi. Nous y faisons un tour rapide à l'intérieur : une longue fresque met en valeur les sites intéressants du village : le fleuve, la maison Monfort, la place Bonnet et la halle, les maisons aux toits de tuiles, un carrelet… Nous patientons aussi à l'extérieur où se trouvent quelques commerçants ambulants, habitués. Petit village… Notre promenade se poursuit par le quai Claude Quesssot qui, comme son nom l'indique, longe le fleuve. Nous marchons jusqu'à l'ancien temple protestant – autrefois, le village était protestant, comme beaucoup de localités de Charente – mais aujourd'hui, le temple a été transformé en salle de sport pour le judo. Autre temps… Les Protestant qui vivent encore à Saint-Savinien doivent se rendre à Saintes pour assister aux cultes. En parcourant ce quai assez bien fleuri, nous parvenons devant une ancienne distillerie, construite à la fin du XIXe siècle juste au bord du fleuve, celui-ci même qui permettait aux fûts de cognac de gagner le port de Rochefort et, de là, la haute mer et les amateurs de cognac, aux quatre coins du monde. Vers les années 1900, on n'imaginait pas encore les transformations que le monde imposerait aux habitudes séculaires d'une société immobile. Photo Comité du Monteil

Autre mise en couleur, le passage couvert du marché reliant la place Bonnet à la rue de la grange. Les peintures de 2007 (déjà un peu fanées) transforment ce passage piétonnier en pseudo centre commercial : le poissonnier en casquette de marin attend le cha-

Le poissonnier du passage couvert

Devant le temple$ Christophe explique l!histoire du village

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Autre témoignage des temps heureux d'un commerce florissant : la demeure des armateurs, édifiée face au fleuve. Grande maison massive, carrée, façade austère et symétrique en belles pierres de Crazannes, construite sur trois niveaux. Ces armateurs de jadis étaient-ils protestants ? Le premier étage devait être celui de résidence : hautes fenêtres, balcon donnant sur la Charente qui coule avec lenteur, à une vingtaine de mètres. L'étage supérieur, aux fenêtres moins hautes, était-il celui des domestiques ? Et le niveau en rez-de-chaussée servait-il pour les échanges, les transactions, les négociations avec les commerçants ? On peut l'imaginer. Aujourd'hui coupée en deux, la demeure est une résidence secondaire pour riches étrangers. Autre temps… Entre le quai Claude Quessot et le fleuve se trouvent les jardins. Sur le conseil de Christophe, nous descendons un petit escalier pour nous approcher de l'eau et photographier le village édifié à la courbe du fleuve. Belle image, nous dit-il avec raison… Par l'étroite rue du Poiserot, nous remontons sur le plateau, vers un large espace en partie en travaux. C'est ici que le département a fait édifier un étrange monument commémorant les soldats charentais tombés lors des guerres d'Algérie, du Maroc et de Tunisie, dans les années 1957 - 1962. Cent trente et un noms sont gravés sur chacune des deux ailes du monument, dominé par trois colombes entrelacées. Le bus nous attend devant la gare, toute proche et nous conduit aux Chênes Verts, un village de vacances fait de petites maisonnettes disséminées dans l'ombre de la chênaie. Chacune porte le nom d'une région française. La clé que l'on me confie n'ouvre ni celle de Franche-Comté ni celle de l'Aquitaine… Un apéritif maison est offert dans la vaste salle à manger, cocktail de pineau orange, de curaçao et de limonade. Salade de gésiers, poulet à "l'africaine", tagliatelles, fromage, gâteau à la poire et café. Le repas dure longtemps…

Le village & la courbe du 'euve

Nous repartons vers 14 h 20 pour le château de la Roche Courbon, situé à une quinzaine de kilomètres. La visite guidée n'ayant lieu qu'à 15 h 30, cela nous donne beaucoup de temps pour faire une visite des jardins, du parc et du musée. L E C H Â T E AU D E L A RO C H E C O U R B O N Le soleil rutilant illumine le parc, le bassin, la façade et la forêt qui sert d'écrin à ce château. Je descends vers les jardins fleuris ou tirés au cordeau comme il convient aux jardins à la française, longe le vaste bassin habité par deux cygnes tuberculés et grimpe les marches de la "cascade" d'où la symétrie du parc apparaît dans toute sa simplicité. Pour l'instant, découvrir, admirer, s'ébahir. Comprendre sera pour plus tard. S'approcher des statues qui habitent allées et pelouses, regarder au plus près les nombreux décors de pierre qui ornent les parterres de fleurs ou de gazon puis monter dans la tour porche et visiter le musée archéologique qui narre l'aventure humaine dans cette région de la Saintonge depuis que le premier homme y a posé un pied. Parmi les nombreuses vitrines, des restes osseux d'animaux "préhistoriques" – un parcours "préhistorique" peut se visiter dans le parc du château car des grottes y ont été trouvées – des outils fabriqués par Cro-Magnon, des schémas, des dessins, des photographies montrant et expliquant les traces humaines en cette région. Parmi les éléments exposés, une très belle dent de mammouth. 15 h 30 : la visite commence… mal car à tous les Pessacais déjà nombreux, la guide ajoute d'autres visiteurs, ce qui constitue un groupe beaucoup trop nombreux pour une visite agréable des pièces de ce château. De plus, nous sommes avertis : photos interdites… Nous devons nous serrer dans la première pièce, trop petite pour nous.

Le ch(teau de la Roche Courbon et son parc

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Saint-Savinien et la Roche Courbon

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Le ch(teau et sa tour porche

Tableau de Jan Hackaert montrant le ch(teau au XVIIe si"cle

D'abord le nom : d'où vient-il, nous demande la guide ? Silence ! Le château s'appelle la Roche car le château fut construit sur la roche. Facile ! Courbon ? Pas de réponse… Ensuite l'histoire. Le château fut d'abord une forteresse construite en cette période compliquée de la Guerre de Cent Ans pour défendre les terres françaises ou les territoires anglais. Les terres autour du château étaient françaises, semble-t-il, et la forteresse les défendit contre les Anglais. Il reste, de cette époque, un long mur. La forteresse ne fut jamais attaquée, nous dit la guide… Donc jamais prise. Les marais au bord desquels elle était édifiée constituaient une sérieuse protection. Cependant, dans un document virtuel, il est écrit que la forteresse fut construite en 1475, soit plus de vingt après la fin de la guerre de Cent ans. Qu'elle ne fut jamais prise semble alors raisonnable. Mais pourquoi la construire si tardivement ? Visiblement, on ne nous dit pas tout…

Au XVIIe siècle, un autre Courbon entreprend de transformer la forteresse dans un style plus en rapport avec l'époque, faisant de l'édifice un très beau château habitable. Il fait dessiner des jardins à la française devant la façade la plus haute du château, jardins qui s'étendent jusqu'au ruisseau du Bruant. Un peintre hollandais l'a immortalisé, ce qui, mieux qu'une photo, permet de se rendre compte de son état voici plus de trois siècles. Nous devons constater que l'ensemble n'a guère changé, hormis le plan d'eau inexistant au XVIIe siècle.

Les Courbon apparaissent plus tard, en 1603, lorsqu'un Jacques de Courbon achète la forteresse. Le château de la Roche (construit sur un éperon rocheux) devient château de la Roche Courbon.

"Entre mes longs voyages, je revenais comme un pèlerin ramené pieusement par le souvenir, me disant chaque fois que rien des lointains pays n'était plus reposant ni plus beau que ce coin si ignoré de notre Saintonge." Pierre Loti.

En 1817, le château et son domaine sont vendus aux enchères et achetés par quelqu'un qui veut exploiter le bois. Décrépitude annoncée… C'est alors qu'intervint un certain Pierre Loti, Saintongeais qui, découvrant les affres du

Diverses statues du parc du ch(teau -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Le ch(teau en )*)+ : les jardins sont d,grad,s

Plan dessin, par Ferdinand Duprat en )-.*

temps sur le bâtiment abandonné, chercha à le sauver. En 1908, il écrit, sur une page du Figaro, un texte afin de trouver un mécène, texte qui se terminait ainsi : "Qui veut sauver de la mort une forêt avec son château féodal campé au milieu, une forêt dont personne ne sait plus l'âge." Il réussit lorsque le château est acheté par M. Chénereau, Saintongeais lui aussi, quelque douze ans plus tard : il en faut du temps pour sauver un château ! C'est le fils, Paul Chénereau, qui, à partir de 1922, le fait restaurer en faisant appel à un architecte paysagiste de renom : Ferdinand Duprat. Le projet est de reconstituer le décor peint par Hackaert au début du XVIIe siècle. Le parc et le château retrouvent peu à peu leur splendeur d'antan. Pendant que le premier est remodelé, le second est remeublé.

château, son décor exceptionnel aurait dû disparaître mais voilà : ces peintures et ce plafond n'ont pas plu à certain propriétaire qui, au lieu de tout détruire, a tout blanchi, recouvert de plâtre. Il suffisait alors d'avoir l'idée d'ôter cette couverture pour trouver le trésor. La pièce lambrissée possède trois registres de peintures qui dateraient de 1622. Celles du premier registre montrent des paysages de mythologie romaine. Le deuxième registre nous emporte en Italie alors que le troisième nous narre les travaux d'Hercule. Au plafond, des médaillons circulaires cernés de feuillages dorés. Les peintures ont été restaurées au XXe siècle. Il est possible que certains visiteurs trouvent l'ensemble un peu trop chargé : auraient-ils tout recouvert de blanc ou tout enlevé ? Encastrée dans un mur, une baignoire, visiblement plus récente que les peintures Renaissance. Sa pose a nécessité la destruction de quelques panneaux mais une série de dix-huit petites peintures a été posée sur l'arcature qui domine la baignoire. La guide nous explique que ces petites peintures pourraient provenir d'un ancien retable disparu puis retrouvé et découpé en morceaux pour garnir l'arcature. On peut y lire la Passion du Christ.

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La pièce dans laquelle nous entrons – le cabinet des peintures – est un vestige. Au vu de l'histoire du

Le cabinet des peintures et sa baignoire

Mise en place des pilotis$ en )--/

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Les jardins inond,s

Sch,ma des pilotis

La guide nous montre aussi une porte secrète permettant d'accéder dans une salle de garde car ce cabinet des peintures se situe dans l'une des tours rondes du château. Nous passons ensuite dans le salon LouisXVI, daté du XVIIIe siècle. C'est sur le manteau de la cheminée que se trouve le tableau de Jan Hackaert représentant le château vers 1600 : mise en abyme… Murs lambrissés, tables basses, fauteuils Louis XVI, fausse porcelaine de Chine… Le plâtre du plafond cacherait un plafond du XVIIe siècle. Nous accédons maintenant au balcon, situé audessus de la loggia inférieure, d'où nous pouvons observer à loisir les jardins et le plan d'eau. Ces jardins à la française étaient, à l'origine, antérieurs de quinze ans à ceux deVersailles, nous dit-on. Fierté… Mais lorsque la guide nous dit qu'ils sont sur pilotis, surprise et incompréhension. Il me faudra visiter l'exposition située dans les sous-sols du château pour comprendre ce que "sur pilotis" signifie. Et d'abord, un incroyable défi. Lorsque le plan d'eau fut construit,

Les ,dicules penchent

entre 1928 et 1939 (onze années de travaux, quand même !), sur l'emplacement du marais pour, tout naturellement, profiter d'une eau abondante afin de mettre en valeur parc et château, on dut se contenter (si j'ose écrire) de creuser les marais, de tracer des lignes droites, de construire une symétrie, bref, de canaliser le ruisseau. C'était sans aucun doute joli mais c'était sans compter avec une nature difficile à dompter. À partir des années 1970, le propriétaire constata que le bassin s'enfonçait, que les édicules s'inclinaient et que cette jolie création se noyait, ce qui la vouait à la disparition : le marais se vengeait. Comment empêcher cet inéluctable enfoncement ? Comment sauver le bassin dans lequel se mire le château ? Par un très grand projet, un incroyable défi, expliqué pas à pas dans cette exposition. En fait, le petit ruisseau Bruant, au cours des millénaires de son existence, a peu à peu comblé la vallée qu'il creusa dans le calcaire au temps de sa fougueuse jeunesse. Tout ce comblement, toute cette tourbe ne peut supporter les aménagements : il faut trouver une assise solide et pour cela, construire une forêt de pieux (2 500) à travers cette tourbe, de sorte que chaque pieux repose sur le

Vues partielles des travaux e0ectu,s en )--/ -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Photos Comité du Monteil

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Jardins et bassin vus depuis le balcon$ seul espace de visite autoris, aux photographies

sol rocheux, situé entre neuf et treize mètres de profondeur. Puis poser un plancher en chêne de quatre centimètres d'épaisseur sur lequel on reconstruit les allées, on reprofile les canaux, on reconstitue un sol et on sème une nouvelle pelouse. L'ensemble doit être calculé pour se trouver au bon niveau, au centimètre près. Deux impératifs doivent être atteints : que cette construction souterraine, tout ou en partie en bois, soit constamment immergée pour en assurer sa conservation et, en même temps, que les allées ne soient pas inondées en périodes de crue du ruisseau : travaux de haute complexité qui commencent en 1976 et dureront jusqu'au début du XXIe siècle, effectués chaque année au moment des plus basses eaux.

Nous passons du balcon à la salle à manger Louis XVIII. Sur le manteau de la cheminée est gravée et peinte la devise de la famille Courbon : "Fides Fidelitate Fortitudine". Nous en aurons une traduction beaucoup plus tard : "Par la foi, par la fidélité, par le courage". J'y note un plafond à la française, à une seule poutre, des restes de peintures sur les embrasures des fenêtres, la grande cheminée du XVe siècle, trois coffres dont un Renaissance, très lourd, servant à déménager de château en château et un autre, du XVIIe siècle, dans lequel étaient rangés les tissus. La commode en cuir et cuivre comporte cinq tiroirs en ouverture en façade La cuisine ressemble à toutes ces cuisines de châteaux, immenses, sauf que celle-ci ne se trouve pas dans les sous-sols comme cela peut être fréquent mais à l'étage. En conséquence, elle possède, elle aussi, un

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Parallèlement à ces travaux importants, d'autres sont entrepris pour réaménager les jardins et les rendre plus esthétiques. Les topiaires, jugées trop grandes par rapport aux parterres, sont enlevées et remplacées par de plus petites. Les grandes ne seront pas jetées mais transplantées sur les pelouses qui font face à l'entrée. C'est à ces emplacements que nous les avons trouvées en arrivant.

Depuis ce point de vue, la guide nous montre les lignes de perspectives ouvertes dans la forêt par la création de canaux rectilignes dont un de cinq cents mètres.

Construction d!un barrage pour contr1ler le niveau de l!eau

La chemin,e et sa devise : Fides Fidelitate Fortitudine

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Photos Comité du Monteil

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Perspective

Le canal de cinq cents m"tres

plafond à la française constitué de deux poutres supportant des solives peintes. L'un des murs est habillé d'une vaste cheminée ; la guide nous y fait remarquer un tourne-broche "automatique" constitué d'un poids de 56 kg actionnant le mouvement de rotation ainsi que d'un tourniquet assurant la régulation de la vitesse. L'autonomie était de quarante-cinq minutes, nous précise-t-elle… Parmi le reste du décor, une batterie de casseroles en cuivre rutilant, du mobilier saintongeais en merisier dont un joli vaisselier, une maie fermée, un sol en tomettes…

çus pour garder un maximum de chaleur et pour y dormir assis car dormir couché était faire comme les morts… Les rideaux bleus et blancs assuraient l'intimité et protégeaient du froid. Dans la pièce, un fauteuil en lirette, une coiffe féminine appelée par la guide "Quichenote" qui nous souffle une possible origine anglaise de ce mot (sous réserve toutefois) : "kiss me not" car les flancs de la coiffe enfermaient le visage et le protégeaient du vent et du soleil… Un couloir tardif, visiblement aménagé au détriment des pièces qu'il longe (autrefois, il n'y avait pas de couloir et on passait d'une pièce à une autre directement) nous ramène au grand escalier d'apparat et au vestibule immense souhaité par un ancien propriétaire qui voulut donner du volume à l'entrée du château. Une pièce a, là aussi, été sacrifiée à la grandeur… Une grande statue d'Athéna, reconnaissable à son casque et au rameau d'olivier, trône dans ce hall. Ici tout est blanc, tout a été conçu pour épater le visiteur ; le grand miroir qui semble doubler la surface du hall n'est pas posé face à l'escalier par hasard : les grands et les grandes de ce monde pouvaient se regarder des-

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Nous empruntons un escalier à vis pour atteindre l'une des chambres du château et y trouvons deux lits à baldaquin habillés de tissus saintongeais, nous précise-t-on : tissu bleu et blanc. Une cheminée pour chauffer la chambre, un rouet pour filer la laine, un moine en cuivre pour chauffer le lit. Dans la chambre aménagée dans la tour ronde, dans le style saintongeais paysan du XIXe siècle, une grande armoire pour y ranger le linge et des lits que la guide dit "à quenouilles" pour qualifier les montants verticaux du baldaquin. Ces lits était hauts, courts et étroits, con-

Deux images de la cuisine -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Le bassin$ miroir pour le ch(teau

D,tails de deux statues du parc

cendre les marches magnifiques et vérifier qu'ils et elles faisaient bonne figure. Suspendus au grand mur de ce hall et bien visibles depuis le haut de l'escalier, deux tableaux – un lever et un coucher de soleil – dont on nous dit qu'ils sont signés du fameux Casanova. Deux grisailles en papiers peints (1820 / 1825) illustrent une vue de Naples ; la guide nous explique qu'il leur manque les deux tiers du paysage napolitain qu'elles sont sensées représenter. N'ai pas saisi la raison de cette absence mais ce que nous voyons est déjà fort joli. Une tapisserie aux motifs de chasse, datée du XVIIIe siècle, complète le décor.

faire un tour dans les jardins et autour du plan d'eau, pour visiter l'exposition sur les travaux effectués mais pas assez pour marcher jusqu'aux grottes préhistoriques. Certains jouent avec les jeux en bois qui sont collectionnés au niveau zéro du château.

Voilà. C'est fini. Nous sommes entrés par la petite porte d'une pièce minuscule et nous ressortons par la grande porte d'un hall majuscule. Bien sûr, n'avons pas vu la totalité du château, juste un aperçu. Il est 16 h 30. Le président nous offre une heure supplémentaire pour visiter davantage le parc de ce château et ses dépendances, suffisamment pour re-

Plan du parc et du ch(teau

En cette fin d'après-midi, une grande table est dressée près du bassin car le parc servira d'écrin à un fastueux mariage. Après avoir profité d'un soleil généreux pour photographier quelques-unes des statues du parc, je m'aventure sur le chemin de la préhistoire. Les différents pôles d'animation sont déjà recouverts de plastique noir : la saison des visites s'achève. La distance jusqu'aux grottes n'étant pas indiquée, je m'abstiens d'aller jusqu'au bout mais rencontre quand même le dolmen. 17 h 45. Alors que les invités au mariage franchissent le portail du château et que la cohorte des véhicule cherche des emplacements pour stationner, nous nous apprêtons à partir.

2corch, partiel du ch(teau montrant les pi"ces visit,es

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R E PA S AU C H Ê N E S V E R T S

DIMANCHE 15 OCTOBRE P O R T D ' E N VA U X

20 h. Repas aux Chênes Verts. Un friand est proposé en entrée. Vin à volonté… Christophe, celui-ci même qui nous fit visiter ce matin le village revient : il travaille aux Chênes Verts. Qu'y fait-il, je ne sais pas mais ce soir, il fait son show. A-t-il vraiment été un artiste humoriste qui n'eut guère de succès et qui abandonna, comme il nous le dit ou bien est-ce un rôle qu'il se donne, mystère… Le voici qui dénigre la serveuse, faisant son beau, se mettant en valeur au détriment des autres. Il veut être Magdane mais ne me semble qu'un pitre. N'est pas artiste qui veut. Faire rire en se moquant des autres exige un talent exceptionnel que notre humoriste local n'a pas. Au lieu de dénigrer et narrer ses blagues qui tombent à froid, il pourrait nous conter des histoires de Saintonge, des légendes locales, nous faire voyager dans le passé de cette région si belle et si riche d'histoire. Mais sans doute est-ce plus difficile que des blagues à quatre sous. Un gros morceau de viande nous est servi, accompagné d'une demi-pomme de terre cuite au four. Notre artiste revient et cherche des clients qu'il tutoie. Trois femmes et trois hommes se portent volontaires. Objectif : faire une scène de l'Amant de Lady Chatterley. Rien de moins… On va espérer que ceux qui ont participé et ceux qui ont regardé ont apprécié ce spectacle mais je ne me compterai pas parmi eux. C'est un genre de jeu que l'on pourrait organiser en colonie de vacances, pour de jeunes enfants mais je n'aime pas trop être infantilisé. L'humour de ce Christophe n'est pas de mon goût…

9 h. Il fait grand beau sous les chênes verts. Nous quittons le centre avec nos bagages pour la suite de la découverte de cette région saintongeaise, autour de Saint-Savinien : objectif pierres, ce qui n'est pas pour me déplaire. La route suivie pour aller à Port d'Envaux est très étroite, longeant de si près la Charente qu'elle est indiquée inondée à marée haute : le GPS du bus connaît-il les heures des marées ? Qu'y a-t-il à voir à Port d'Envaux, petit village à la courbe du fleuve, quelques kilomètres en amont de Saint-Savinien ? Il serait facile de répondre "Rien" même s'il y a toujours à voir quelque part. Mais ici, dans ce village fluvial, il y a beaucoup plus que rien, il y a l'art à voir. Rien que cela ! Ici, en 2001, des gens ont inventé une attraction pour attirer les visiteurs, une attraction peu commune : l'art de la pierre, la statuaire. "L'idée originelle était de créer, sur un site adapté, un espace d’art en perpétuelle évolution où des sculpteurs de tous pays, au fil des décennies, travailleraient à l’œuvre commune qui témoignera devant les générations futures de leur état d’hommes dans leur époque. Il fallait entamer un chantier "perpétuel" pour offrir à des sculpteurs la possibilité de poursuivre un travail commencé par d’autres en créant des œuvres aux côtés de celles de leurs prédécesseurs, les prolongeant en quelque sorte. Une œuvre à redéploiement constant comme si, du XIIe siècle jusqu’à nos jours, des générations d’artistes avaient pu poursuivre et faire évoluer le style d’une cathédrale tout en préservant l’esprit de ses bâtisseurs." (Les Lapidiales) Des artistes venus des quatre coins de notre planète ronde viennent donc régulièrement se frotter à la belle pierre blanche de Crazannes et y sculptent ce que bon leur semble. Ces sculptures doivent, sans doute, revenir aux communes qui organisent cet événement appelé les Lapidiales. Et nous, nous arrivons un 15 octobre et, sans rien savoir, de tout cela, admirons…

Photos Comité du Monteil

Photos Comité du Monteil

21 h 40. La salle rit encore lorsque la serveuse apporte le dessert : gâteau au chocolat et crème à la pistache. À 22 h, notre animateur revient encore pour quelques histoires salasses, à l'humour lourd ; manque d'imagination : si l'on veut imiter (en public) les artistes qui passent à la télévision, il faut avoir le niveau.

Faire le cheval et porter l!amant cavalier vers Lady Chatterley…

L!all,e des sculptures & Port d!Envaux

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Repas et Lapidiales

Jean-Pierre Lazarus


Saintonge les 14 et 15 octobre 2017

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Quelques#unes des statues de Port d!Envaux

De tout temps, Port d'Envaux vécut par son fleuve, naguère axe commercial d'importance, aujourd'hui fréquenté par de petits bateaux de tourisme : décadence… Dès l'époque gallo-romaine, le sel fit la richesse du village mais c'est au cours des XVIIIe et XIXe siècles que le port prospéra grâce au transport de la pierre de Crazannes, en l'exportant dans toutes les directions. Ne pas oublier, bien sûr, les exportations d'eau-de-vie ! Ces sculptures que nous nous apprêtons à admirer sont aussi ici pour que l'on se souvienne de cette activité séculaire. Le soleil encore bas illumine la matière : les conditions sont presque optimales pour prendre quelques images. Un commentaire pédagogique nous aurait éclairés sur le but, l'enjeu, le sens de ce travail mais personne n'est là pour nous le donner. Admirer et photographier est ce qu'il nous reste à faire, étonnés toutefois de trouver ces statues "au milieu de nulle part"… Les styles diffèrent puisque les artistes diffèrent. Mais laquelle de ces sculptures pourrait être la plus belle ? C'est à chacun de le dire, si tant est que l'on puisse. Cette tête "précolombienne" ? Ce visage penché, d'une immense tristesse ? Ces corps offerts au ciel ?

Nous avons un peu de temps. Aussi, le tour des sculptures achevé, je descends au village, le traverse jusqu'à la Charente et découvre le port de plaisance mais aussi de belles demeures que construisirent les armateurs enrichis.

Corps ,lanc,s$ 3gures christiques et formes opulentes

Trois des quatre statues & l!entr,e des carri"res

Quelques hésitations, ensuite, pour atteindre Crazannes que nous avions pourtant traversé en venant. Une erreur orthographique – écrire un G au lieu d'un C – rend l'efficacité du GPS à rien du tout car l'appareil est, au choix, idiot, intransigeant ou incorruptible. Ce n'est que lorsque l'erreur aura été corrigée que Kléber retrouvera la bonne route. En attendant, divagations… CARRIÈRES DE CRAZANNES À 10 h 20, nous sommes aux carrières de pierre de Crazannes, ouvertes à la visite et accessibles aussi par une aire d'autoroute. Confinement dans le bus pendant que le président se renseigne et cherche l'entrée du site. J'en profite pour m'approcher des quatre très belles sculptures plantées dans un champ distant

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Portd'Envaux

Jean-Pierre Lazarus


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Grotte avec piliers supportant le plafond

4Vall,e5 reconquise par la v,g,tation

de quelques mètres. Puis le feu vert est donné et les groupe s'ébranle vers le musée et ses carrières. Le cheminement est balisé par quelques statues parfois verdies par les algues qui prolifèrent dans le climat humide de la Saintonge. Nous sommes trop nombreux, il faut scinder le groupe en deux, l'un pour les carrières, l'autre pour le musée. Pour la carrière, casques obligatoires mais à quoi servent-ils sinon à nous faire croire que nous pourrions être carriers ? Il faut bien que le touriste rêve un peu, non ? Sous le casque, une charlotte de protection… Dans la clairière, d'autres sculptures attendent leurs admirateurs.

constitué une forêt naguère éradiquée. La pierre est un calcaire turonien 1 que les Romains exploitaient déjà à leur époque. L'arc de Germanicus, à Saintes, est construit en pierre de Crazannes. La guide précise qu'elle ne comporte aucun fossile, aucun coquillage. Une sorte de tuffeau, en quelque sorte, très dense, devenant imperméable avec le temps et si réputé qu'exporté en quantité… Ce calcaire fut utilisé en Charente, dans des bâtiments de Rochefort, Saintes, La Rochelle ou dans la construction de Fort Boyard. Il aurait aussi été utilisé à Cologne, Washington, Gand ou Bruxelles… Il servait de pierre de parement, ou de taille, de marches d'escalier ou pour le manteau des cheminées.

La guide ouvre un portail fermé à clé (visite avec guide obligatoire) et notre petite cohorte s'en va à la rencontre des carrières de cette pierre de Crazannes si demandée. Descendre d'abord dans les étroites vallées creusées pour l'exploitation de la pierre. Les carrières sont abandonnées depuis 1948, ce qui signifie que la végétation a reconquis les espaces exploités par les carriers, en particulier les fougères scolopendres qui pullulent sur les talus de déchets mais aussi les chênes, les acacias, les érables champêtres qui ont re-

Son exploitation ne se faisait pas pendant toute l'année mais lorsque les travaux de la ferme permettaient aux fermiers de passer des semaines devant les fronts de taille. Le carrier pouvait exploiter lui-même ses propres carrières et vendre sa production par l'in-

Photos Comité du Monteil

Note n° 1 : Le Turonien est un étage géologique du Crétacé supérieur, daté entre -93,9 et -89,8 millions d'années dont la localité type est Tours.

Charrette & deux grandes roues

Dans la jungle des scolopendres

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Visite des carrières de Crazannes

Jean-Pierre Lazarus


Saintonge les 14 et 15 octobre 2017

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La charrette & grandes roues$ tir,e par les b6ufs$ transporte les blocs jusqu!au 'euve o7 ils sont charg,s sur les bateaux

termédiaire d'un marchand de pierre. Mais il pouvait aussi s'associer avec un marchand, lequel supportait les activités liées à la commercialisation des blocs. Plus tard furent créées des sociétés d'exploitation : les carriers devinrent des salariés et perdirent une grande partie de leur liberté ainsi que les traditions liées à la transmission du métier.

Le gisement, sous dix-huit mètres de terre inutile, était partagé en lots suivant un plan cadastral. Selon l'épaisseur du banc de calcaire, l'extraction se

faisait à ciel ouvert ou semi-souterraine. Nous traverserons, au cours de la visite, une carrière presque entièrement fermée (et joliment mise en lumière). La guide explique que les "vallées" étaient orientées est ouest, de telle façon que le soleil les éclairait le plus possible : il pouvait faire froid dans les profondeurs des pierres ; le peu de soleil était le bienvenu. Nous marchons entre les fronts de taille, passons sous des tunnels, entrons dans des grottes, au plus près des traces des carriers qui ont laissé dans la pierre les cicatrices causées par leurs outils. Parfois aussi, des textes et des tableaux de comptabilité qui plongent les chercheurs d'aujourd'hui dans l'acuité de cette activité dépassée. Devant un front de taille, la guide explique la manière dont les hommes extrayaient la pierre, creusant, avec un pic de trois centimètres de large, des tranchées horizontales et verticales pour isoler un bloc et comment, à l'aide de coins en bois sec dont la dilatation sous l'effet de l'eau faisait éclater la pierre, ils libéraient le bloc en vingt-quatre heures. Une barre à ta-

Exploitation souterraine

Deux sculptures sur le chemin du mus,e et des carri"res

Les carriers se protégeaient généralement d'un béret ou d'une casquette et d'une longue ceinture de flanelle entourant plusieurs fois les reins. Ils étaient chaussés de brodequins de cuir, obligatoires pour se prémunir des éclats, avec une semelle de bois pour l'hiver ou de cuir pour l'été. Lorsqu'ils travaillaient à ciel ouvert, ils construisaient des abris pour se protéger de la pluie et du soleil. Les murs étaient constitués de moellons et de déchets d'extraction.

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Visite des carrières de Crazannes

Jean-Pierre Lazarus


Saintonge les 14 et 15 octobre 2017

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Ancienne grue en bois pour extraire les blocs

Sch,ma du principe de l!extraction des pierres

lon permettait de sortir le bloc. Souvent, il fallait le rectifier, voire le scinder avec l'outil nommé taillant. Des charrettes sont encore stationnées dans certaines cavités, avec lesquelles on sortait les blocs de la carrière, soit en les suspendant sous l'engin – d'où le grand diamètre des roues – soit en les plaçant sur la charrette. Des bœufs tiraient alors le lourd chargement par de longs plans inclinés et apportaient les blocs de pierre jusqu'au port, à quatre ou cinq kilomètres. Lorsque les camions sont apparus, ils ont, bien sûr, remplacé les charrettes à bras.

que la guide nomme les profondes tranchées – nous passons devant des grottes aux plafonds effondrés : la roche est peut-être gélive…

Plus tard, pour rentabiliser davantage la carrière, des trous furent creusés dans le plafond des salles afin de sortir verticalement les blocs à l'aide d'une grue en bois. La guide nous précise qu'un tour de manivelle montait le bloc de cinq centimètres… Dans l'une des salles souterraines, il reste des wagonnets, témoignages d'un progrès technique qui ne dura sans doute pas très longtemps. En traversant les gorges – c'est ainsi

J'ai trouvé fort original le parcours aménagé pour cette promenade dans les gorges artificielles de cette carrière de pierre, d'abord pour la découverte d'un lieu de travail qui devait être particulièrement pénible mais surtout par le décor végétal qui habille aujourd'hui parois et talus et donne à cet endroit un air de petite forêt dense. Les explications de la guide complétaient ce décor. De retour au musée, nous apprenons que l'autre groupe n'a pas vu grand-chose et ne visitera pas les carrières. C'est dommage car cette visite n'est pas aussi ardue qu'annoncée et fort intéressante. Mais le temps est compté, le repas nous attend aux Chênes Verts. Je n'ai guère de temps pour bien voir le musée… Le président rassemble ses ouailles qui reprennent le chemin vers le bus : nous ne serons pas restés deux heures…

Quelques#unes des sculptures en pierre de Crazannes 8pr"s des carri"res9 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Visite des carrières de Crazannes

Jean-Pierre Lazarus


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LES TRÉSORS DE LISETTE Après le déjeuner pris de nouveau aux Chênes Verts, nous quittons définitivement notre halte centrale et roulons vers Archingeay, petit village proche de Saint-Savinien. Un musée nous attend… Le groupe est trop grand pour le petit musée : il faut le partager en trois, ce qui signifie trois fois plus de temps pour que chacun visite. Ce qui devait arriver est arrivé : le troisième groupe a dû écourter la visite du musée après avoir longtemps patienté dans les jardins ! Trois groupes donc : un pour le petit film, un pour le musée et un en attente dans le jardin. Cette fois, je me retrouve dans le jardin… Il n'y a rien à faire d'autre qu'à attendre au soleil notre tour. Des bancs, un barbecue, une carriole bleue à deux roues, un évier encore accroché à un vieux mur, un lit métallique à roulettes, de vieux bacs en fer blanc, un broc émaillé, une gargoulette, un puits, une table en bois avec ses bancs, une pierre tombale, une demi-heure perdue, une voie de garage qui ne dit pas son nom…

La visite est guidée, les photos interdites (encore !). Les seules autorisées peuvent être prises dans l'entrée aménagée en boutique. Derrière un long comptoir blanc, des niches contiennent une petite partie des objets exposés autour d'une balance Roberval. Au hasard, on y voit deux boîtes du fameux Banania et sa tête de nègre couvert d'un fez rouge, des moulins à café à manivelle (souvenir des temps anciens…), des boîtes à épices, des moules à gâteaux, des bouteilles à eau gazeuse, des hachoirs à viande… Bref, l'avant-garde d'un monde disparu qui témoigne d'un temps où le plastique n'existait pas ou qu'il se faisait rare. Dans ce hall aussi, une grande maison de poupée dont les quatre niveaux et les huit pièces sont meublés. La première salle dans laquelle nous entrons est remplie de boîtes métalliques en tout genre, toute taille, tout usage mais surtout anciennes boîtes de biscuits. Elles datent, pour les plus anciennes, de 1880 et témoignent sans doute du commencement de la société de consommation. Gisela, qui nous accompagne, les appelle "boîtes lithographiées". Nous restons étonnés devant l'imagination des décorateurs et des

Deux images www

Nous entrons enfin dans la salle de cinéma pour visionner un film qui nous narre l'histoire de ce musée. Étrange histoire, en réalité et étrange film aussi qui nous plonge dans l'intimité d'une famille. Ai-je bien compris qu'une jeune Allemande – Gisela – rencontre un jeune Français – Éric – et qu'ensemble, ils commencent à rechercher des objets du début du XXe siècle. La passion serait née d'un bouton à rechercher dans une jolie boîte à biscuits qui devient la première de toute une collection. Ensuite, ce sont les puces et les brocantes, chaque week-end, pour chiner, chiner encore et trouver, jour après jour, une si grande quantité d'objets de toutes sortes qu'il n'est plus pos-

sible de les accumuler. Trouver une solution, chercher un bâtiment et découvrir, en 1995, dans ce petit village de Saintonge, une école désaffectée. L'aménager, la rénover, la convertir en musée, fabriquer des vitrines dans les anciennes pièces, inventer une histoire – celle de Lisette – des jeux pour maintenir l'attention des enfants puis inviter, après trois ans de travaux, pour l'inauguration, tous les habitants du village, en costumes nostalgiques, à redécouvrir leur ancienne école transformée en musée. Dans la pièce, un grand-bi.

Lisette & sa fen:tre$ frappant un tapis

Deux des nombreuses petites vitrines du mus,e

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Le musée de Lisette

Jean-Pierre Lazarus


Saintonge les 14 et 15 octobre 2017

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concepteurs qui proposaient des merveilles aux clients de l'époque. Beaucoup avaient des formes très originales. Il y en aurait six cents, toutes en tôle peinte. Certaines, à l'en croire, sont rares, d'autres sont en multiples exemplaires. Une accumulation. Les boîtes Banania sont marquées "café", "chicorée", "sucre" ou "thé" : le métal était un excellent protecteur. Et il faut bien reconnaître que c'est toujours dans des boîtes métalliques (moins décorées, certes que celles d'autrefois) que l'on vend encore des gâteaux. Si je me souviens des boîtes Banania, je n'ai plus de souvenir de celles marquées d'un pélican rouge. Escalier pour aller à l'étage. Plusieurs pièces inaccessibles, fermées par un vitrage, sont entièrement remplies d'objets : impossible de tout voir, de tout remarquer, surtout que le temps est compté et la visite rapide. Comment décrire, sans images ? Comment narrer ? Beaucoup d'objets, de part l'origine de Gisela, proviennent d'Allemagne. Je note quelques maximes brodées sur ces écharpes que les gens du Nord, très chrétiens, accrochaient aux murs de leurs foyers pour maintenir, coûte que coûte, l'ordre établi. "Der beste schatz für einen Mann Ist eine Fraü, die kochen kann. 2 Alt zu Süss verdrerb den Magen. 3 Ein rechter Mann muss Salz vertragen. 4 Friede am Herd ist golden Wert. 5 Sich regen bringt Segen. 6 Frisches Wasser, frischen Mut. 7

La vitrine "lessive" ne laisse aucun doute (au cas où nous en aurions encore) sur la répartition des tâches dans un foyer, à cette époque : au centre de la petite pièce, une jeune femme pend ses sous-vêtements sur une corde à linge ; autour d'elle, des dizaines de paquets de lessive, des fers à repasser, des planches à laver, des battoirs à tapis… Une vitrine est transformée en chambre de petite fille (Que fait là la raquette de tennis ?), une autre en cuisine : j'y vois des moules à kougelhopf (nostalgie) mais c'est encore un mannequin représentant une jeune femme en habit noir et petit tablier blanc – une servante – qui est au fourneau. Une pièce rassemble les objets que l'on pouvait trouver dans une salle de classe : poisson, tortue, renard, corbeau et crocodile naturalisés, papillons exotiques sous verre, planche anatomique illustrée d'un magnifique gorille, pupitre, tableau avec abaque incorporé et, dans le coin, un enfant portant un bonnet d'âne. À ce troisième groupe, on confisque la fin de la visite : nous devons partir avant d'avoir tout vu… Nous sortons donc du musée à 17 h. Le bus démarre à 17 h 05 et d'un trait, relie Pessac sans même la pause habituelle. Quatre thèmes visités, quatre sujets intéressants et fort différents : un week-end qu'il ne fallait pas manquer.

Quatre images www

Note n° 2 : Le plus grand trésor pour un homme est d'avoir un épouse qui sache cuisiner. (Traductions sous réserves) Note n° 3 : Trop de sucreries font mal à l'estomac. Note n° 4 : Un homme véritable doit supporter. Note n° 5 : Paix au foyer, trésor gagné. Note n° 6 : Qui a bien travaillé sera récompensé. Note n° 7 : De l'eau fraîche chaque matin.

Il semble que les objets des vitrines soient choisis par thème mais je n'en suis pas sûr tant elles sont remplies. Dans l'une, des dinettes, visiblement pour les filles, dans l'autre, des objets, pour faire d'un garçon un bon militaire (uniforme de marin, tambour…), accompagnés de ces jouets magnifiques, en métal coloré : paquebots, trains mécaniques, lanterne magique, cheval à bascule, puzzles en cubes de bois…

Une vitrine et trois des pi"ces am,nag,es : la chambre de jeune 3lle$ la pi"ce des lessives$ la chambre du gar;on -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Le musée de Lisette

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

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Écrit par Jean-Pierre Lazarus en décembre 2017 d'après les notes prises au cours du voyage et d'après divers documents pêchés sur la Grande Toile Mondiale. Les photos sans cartouche sont de l'auteur.

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La visite de Turenne

Jean-Pierre Lazarus


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