Carnet de voyage corrèze oct 2016

Page 1

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 1

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

CORRÈZE A

A89

20

TULLE

BRIVE H

A89

A20

La butte aux oies Collonges-la-Rouge Turenne

DORDOGNE

R Cuzance

LOT

La truffière (Pages 3 à 6) Tu r e n n e (Pages 11 à 16) La distillerie (Pages 6 à 8) Collonges-la-Rouge (Pages 16 à 19) Les oies (Pages 9 et 10)

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 2

Sommaire

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

PRÉAMBULE Il fait encore assez doux ce 8 octobre, avant l'aube, lorsque nous attendons le bus qui nous conduira aux confins de notre nouvelle grande région : la Nouvelle Aquitaine qui s'étend dorénavant jusqu'aux contreforts du Massif Central. Les objectifs choisis par le comité du quartier sont, pour ce voyage de deux jours, concentrés autour de Brive ; les villages de Turenne et de Collonges-la-Rouge en sont les éléments essentiels mais les visites auprès des habitants seront très intéressantes. L'arrêt aux aires d'autoroute sont les invariants de ces voyages au court cours. Ce matin, l'aire du Manoire nous accueille une nouvelle fois. J'y observe les semi-remorques immobilisés pour la durée du weekend (ils seront encore là à notre arrêt de retour), venus de toute l'Europe : Pays-Bas, Belgique, Portugal, Lituanie, Espagne, Roumanie, Bulgarie, Pologne… Les marchandises voyagent beaucoup plus facilement que les pauvres humains échoués sur notre continent et bloqués par des centaines de kilomètres de fils de fer barbelés.

monde est Quercy ! L'un des propriétaires – le père, sans doute – nous attend devant sa truffière et, dans un brouillard encore froid, nous raconte la culture de la truffe. Séquence "Attention". Première surprise : les yeuses ! Je ne m'attendais pas à ce que les truffes poussent sous les yeuses. L'homme nous dira que la truffière est constituée pour moitié de yeuses, pour moitié de chênes pubescents. Les chênes verts ont l'avantage de bien résister à la sécheresse et, cet été, ils l'ont affrontée, la sécheresse. Les chênes pubescents doivent être arrosés mais c'est surtout les truffes qui ont besoin d'eau en juillet ou en août. Les truffes sont filles des orages, m'avait-on dit cet hiver lors d'une première découverte des truffières… Pour décembre et janvier, notre guide s'attend à une très maigre récolte.

Par les routes étroites de ce Limousin qui confine au Quercy et se confond avec le département du Lot, nous atteignons la ferme de la truffe, entre Cuzance et Martel. Ici, le monde est essentiellement noyers, chênes et chênes truffiers. Ici le monde est calcaire, le

Deuxième surprise : le causse ! Nous sommes ici dans le département du Lot, sur le Causse du Quercy, pays calcaire s'il en est. Notre propriétaire possède cent quarante hectares de ce causse, en partie mis en truffière, en partie plantés de noyers, en partie laissés à un troupeau de brebis. Car notre homme n'a pas mis tous ses œufs dans le même panier et peut ainsi faire plus facilement face à une sécheresse sévère mettant en péril la récolte des truffes. Le troupeau de brebis – trois cents bêtes environ, un petit troupeau, nous précise-t-il – fournit des agneaux de boucherie. Les noyers donnent les noix et leur huile mais il faut être patient avec les noyers. Vingt-cinq hectares sont plantés mais seulement la moitié en production. La trufficulture ouvre la propriété sur l'agro-tourisme et permet une vente directe des produits divers tirés du champignon noir.

Vue sur la tru!"re et le syst"me d#irrigation

Vue de la tru!"re $Gaec des Bouyssi"res%

Le brouillard automnal stagne dans le fond des vallées, mettant en relief les belles couleurs des forêts qui habillent les collines, illuminées par un soleil généreux.

Photo M. Mouflin

LA TRUFFIÈRE

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 3

La truffière de Cuzance

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Troisième surprise : les disques nus sous les arbres ! Nous apprenons le caractère herbicide des truffes noires du Périgord. Ces champignons, lorsqu'ils ont enfin décidé de vivre parmi les racines des chênes, nettoient le terrain autour des troncs. C'est, pour le trufficulteur, le signe incontestable que son espoir prend forme : des truffes mûriront sous ses arbres. Mais si, comme nous l'avons observé en plusieurs endroits, l'herbe tapissent l'ombre du chêne, alors, passe ton chemin, trufficulteur et pleure : la greffe payée si chère n'a pas (encore ?) pris. Car voici la quatrième surprise : la greffe ! S'il fut un temps où la truffe et le chêne s'entendaient suffisamment bien pour se marier et vivre ensemble de façon sauvage, ce temps est révolu. Aujourd'hui, le mariage doit être forcé. Et c'est ce que nous explique notre guide. À l'état naturel, la truffe aime le soleil : bizarre pour un champignon souterrain ! Mais c'est ainsi, nous dit le connaisseur : la truffe et son chêne aimaient les lisières des forêts, les lieux propres et lumineux. Mais ces lieux n'existent plus, nous dit-il. Où plus assez, devons-nous comprendre ? Où pas assez rentables, faut-il peut-être craindre ? Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, les truffières se plantent. En 1970, apprenons-nous, l'INRA inventa la greffe de truffe : une découverte géniale ! Cette "greffe" s'appelle la mycorhization. Une mycorhize (du grec myco : champignon et rhiza : racine) est le résultat de l'association symbiotique entre des champignons et les racines des plantes. Il faut se souvenir que le champignon n'est pas seulement ce bel et fragile édifice que nous cueillons à l'automne mais surtout, une masse filamenteuse, souvent très importante, que l'on nomme mycélium et qui colonise le sol sur de grandes surfaces et de grandes profondeurs.

Les mycorhizes sont légion dans la nature, essentielles même si j'en crois les pages consultées sur la Toile. L'art de l'INRA consista à "ensemencer" des plantules de chênes ou de yeuses avec le mycélium de la fameuse Tuber melanosporum, la truffe noire du Périgord. Ces plantules sont vendues au trufficulteur quinze euros pièce : à charge pour lui d'en prendre grand soin, de les protéger des lapins de garenne et autres herbivores qui pourraient s'en régaler puis, après moult soins et moult années de patience et de stress, espérer que la mycorhyze prenne et que des truffes croissent sous les arbres devenus grands. Nous traversons la plantation et prenons place sous l'abri de bois et de tôles pour un cours sur la truffe. Des images permettent à notre professeur d'illustrer ce qu'il nous explique et, en particulier, le cycle de vie de la si recherchée Tuber melanosporum, le diamant noir du Périgord. Ce champignon ne se laisse pas apprivoiser facilement. Tout commence au printemps lorsque les spores germent entre les radicelles des chênes, qu'ils soient yeuses ou pubescents. C'est ce moment que choisit le trufficulteur pour nettoyer sa truffière, ramasser les feuilles mortes, faire les menus travaux d'entretien nécessaires. Pendant ce temps, sous la terre, le mycélium profite d'avril pour coloniser tout son espace vital et se mettre en ménage avec les fameuses mycorhyzes. En mai commence la reproduction du champignon, c'est-à-dire que se mettent en place les éléments qui donneront les truffes. Les travaux, sur le sol, doivent être finis et le trufficulteur prie pour un été pluvieux… En juin, à la fin de l'été, les truffes sont formées : le système se met en place mais rien n'est joué. Juillet : c'est repos pour les minuscules truffes qui espèrent, comme le trufficulteur,

Les disques nus sous les ch&nes tru!ers

La tru'e noire du P(rigord

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 4

La truffière de Cuzance

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

les pluies d'été car sans pluie : rien. Cette phase embryonnaire ne sera faste que si des orages mouillent le sol calcaire du causse. Si cela est le cas et si, ô nature généreuse, il pleut aussi en août, alors les truffes grossissent entre les radicelles, en silence, bien cachées. Quelques pluies d'août peuvent compenser une sécheresse de juillet. S'il ne pleut pas, il faut arroser. La truffière que nous visitons est parsemée de tourniquets. Septembre : les truffes grossissent encore mais si l'été est sec, les jeux sont faits : la récolte sera maigre. Octobre : c'est l'époque des premiers frimas. L'évolution des truffes leur permet de dégager un gaz répulsif qui éloigne d'éventuels amateurs souterrains. Ainsi protégées, elles grandissent encore. En novembre, elles mûrissent et deviennent noires ; jusqu'à présent, elles étaient plutôt rouges ou brunes. Le gaz répulsif

Les truffes sont mûres. Les truffes mûrissent. Les truffes évoluent lentement. Fabrication du gaz protecteur.

Récolte principale des truffes. Les spores ensemencent " le milieu. Les spores germent et induisent des mycorhizes.

Les truffes grossissent.

Le mycélium colonise le sol et induit aussi des mycorhizes.

Mes truffes grossisLa sexualité des sent rapidement. Imchampignons a lieu. portance des facteurs pluie/chaleur.orages. truffes Les truffes Les sont formées. évoluent peu. Schéma du cycle la truffe au cours de l'année

se transforme en gaz odorant que les chiens, les cochons et les mouches reconnaissent. Décembre : il est temps de sortir les chiens et de les préparer à la quête du Graal. S'ils sont

bien éduqués, c'est sans hésitation qu'ils poseront une patte sur une truffe enterrée. L'heureux trufficulteur n'aura plus qu'à prendre son large couteau pour déterrer le champi-

Tru'e blanche d#Italie

gnon et rêver à Byzance. Avant Noël, les marchés locaux le verront proposer ses trésors noirs à des prix faramineux. Les récoltes durent jusqu'à la fin de janvier. Le trufficulteur sans chien ni cochon pourrait se fier à la minuscule mouche qui, attirée par l'odeur, cherche à pondre ses œufs au-dessus du champignon. Mais il faut savoir la trouver car elle sait se cacher. Fin janvier et en février, les truffes non trouvées pourrissent et disparaissent. Au cœur de l'hiver, les spores ensemencent le sol autour des chênes et des yeuses. Un nouveau cycle commence. Avant de quitter nos bancs de bois, nous sommes initiés aux dangers des truffes étrangères qui souhaitent se faire passer pour périgourdines : la chinoise (Tuber indicum) est la plus dangereuse ; la truffe brumale ou musquée est pardonnée car elle peut compléter le

Tru'e brumale

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 5

La truffière de Cuzance

Jean-Pierre Lazarus


------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

panier du trufficulteur ; attention cependant à ne point tricher ! La truffe blanche d'été vaut dix fois moins que la noire. La truffe magnatum dite aussi d'Italie est hors compétition : j'ai senti, chez notre initiateur, un regret de ne pouvoir la cultiver sur le Causse du Quercy… Elle est tellement chère ! Et si délicieuse…

Nous reprenons le bus et retournons à la ferme : un amuse-bouche au pâté aux truffes nous est offert. La boutique ouvre ses luxueux étals à ceux et celles qui veulent régaler leurs papilles plus tard. Attention : la truffe en bocal est vendue mille euros le kilo… Peu avant midi et demie, nous quittons la ferme à la truffe et retournons à Brive. L'hôtel restaurant, dans la périphérie commerciale de la ville, est facilement accessible depuis l'autoroute A 20. Le repas est bien évidemment gastronomique mais sans truffe ! Gésier n'est pas truffe, n'est-ce pas ? Le président distribue les clés des chambres : au moins savons-nous où dormir cette nuit ! Le gérant de l'hôtel dit que son nom "Le Teinchurier" vient des anciens élevages des vers à soie sans que je puisse comprendre le rapprochement des noms. Pas grave ! Une histoire de teinture de la soie ne m'étonnerait guère…

Virtuellement rassasiés de belles truffes noires, nous assistons à un simulacre de recherche de truffes par deux chiens. Cinq sphères de bois parfumées à la truffe ont été grossièrement cachées sous un chêne. Les chiens les cherchent afin de recevoir leur récompense, une friandise à leur goût, morceaux de fromage ou de saucisson généreusement distribués. Il apparaît rapidement que, si l'un des chiens travaille, l'autre profite des mignardises sans faire beaucoup d'efforts. Espérons qu'en décembre, il sera plus efficace !

LA DISTILLERIE DENOIX

Il est encore très fier de nous dire qu'en France, très peu de liquoristes – c'est ainsi que se nomment les fabricants de liqueurs – travaillent comme la maison Denoix, sans arômes ni colorants chimiques.

14 h 45 : nous entrons dans la distillerie Denoix, sise au centre-ville de Brive. Un homme encore jeune nous prend en charge, nous fait traverser tout le magasin et ses dépendances et nous regroupe dans une cour intérieure, sous un soleil rutilant, pour nous raconter l'extraordinaire histoire de la distillerie Denoix, entreprise familiale âgée de presque deux siècles. Le mot essentiel, celui dont il veut que nous nous souvenions, est "artisanat", à opposer à "industriel". Ici, la liqueur est fabriquée de façon artisanale depuis 1839, ce dont lui et les autres membres de cette famille sont très fiers. Il appartient à la quatrième génération qui élabore, dans de grands alambics en cuivre, les diverses liqueurs.

Deux photos M. Mouflin

Notre homme est un bonimenteur, l'un de ces commerçants de foire qui haranguent la foule, l'accrochent et l'enferment dans un discours choisi, fortement prononcé. Il débite son message suivant une trame bien étudiée, mélangeant les vraies informations avec des historiettes destinées à retenir l'attention par le rire. Le fondateur, nous dit-il, se nommait Denoix et ce serait pour ce nom qu'il décida de fabriquer de la liqueur de noix, la spécialité de la maison : "La liqueur de noix Denoix" ! Joli slogan, n'est-il pas, même au XIXe siècle ?

La boutique de la maison Denoix

Les foudres et les cuves en cuivre

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 6

La distillerie Denoix

Jean-Pierre Lazarus


------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

"Liqueur digestive, stomachique et anti-cholérique, telles sont quelques-unes des vertus du Suprême Denoix qui ont fait la réputation du célèbre maître liquoriste de Brive dont le nom se confond, depuis des générations, avec le fruit qui a fait sa notoriété. Depuis sa création, en 1839, la maison Denoix perpétue la tradition avec un art savamment distillé." (Texte écrit dans l'un des ouvrages exposés aux visiteurs.) La liqueur de noix Denoix est élaborée à partir de noix vertes que je suppose triées sur le volet et, je l'espère "bio". Ces noix, dites de la Saint-Jean" sont récoltées entre le 24 juin et le 22 juillet. Elles ne sont pas encore formées et cueillies avec leur brou. Aussitôt arrivées, elles sont broyées et pressées pour en extraire leur jus. Notre informateur dit que la maison en traite dix à quinze tonnes par an. Cent kilos de ces noix pas encore mûres donnent soixante-dix litres de jus verdâtre, très amer, qui sont mis en fût de chêne (du Limousin) pour y vieillir cinq années et auxquels on ajoute, dans des proportions gardées secrètes, de l'armagnac et/ou du cognac ainsi qu'un sirop de sucre fabriqué sur place.

"Primée lors de l'exposition universelle, au début du XXe siècle, la liqueur Suprême Denoix est un assemblage de jus de noix vertes et d'alcool qui, après avoir vieilli cinq ans en fûts de chêne, est mélangé à un armagnac et à un sirop cuit au feu de bois. Tout cela selon un savoirfaire artisanal et ancestral conservé et perpétué par quatre générations de maîtres liquoristes. Cette liqueur, aux qualités exceptionnelles, est souvent utilisées par les grands chefs cuisi(Extrait du livre ouvert aux visiteurs.) niers."

D'autres liqueurs sont fabriquées dans cette distillerie, parmi lesquelles des liqueurs d'oranges, de genièvre, de fenouil, de coings, de coriandre, de poires, de framboises, de fraises, de pommes, de prunes… On y fait aussi du ratafia, boissons alcoolisées à base de fruits. J'ai voulu savoir quelles étaient les origines de ces produits mais n'ai pas obtenu la réponse espérée. Notre guide m'a dit que les fournisseurs étaient connus depuis des décennies mais je n'ai pas souvenir qu'il m'ait garanti le caractère "bio" des matières premières utilisées. Il serait contradictoire avec la renommée de la maison qu'elles ne le fussent pas mais cela ne m'a pas été dit. L'autre spécialité de la maison Denoix est le QuinquiNoix, vin de noix typique de la région.

Finalement, nous revenons dans les ateliers, passons devant un moulin à noix et devant des foudres anciens installés dans une vaste pièce à l'allure de cathédrale. Notre bonimenteur nous assure qu'ici, il se produit en une année ce que les industriels fabriquent en un jour. Mais déjà, nos regards sont attirés par les cuivres polis, miroitants, magnifiques. Nous voici plongés dans les temps anciens, ceux d'avant l'invention des plastiques… L'alambic fonctionne au charbon (de bois ou de terre ?). Les écorces d'oranges (bio ?) sont chauffées au bain-marie ; les vapeurs s'élèvent dans le chapeau, passent par un magnifique col de cygne et se condensent dans un serpentin plongé dans l'eau froide. Le distillat obtenu aurait entre 81 et 83° alcooliques.

L#alambic en cuivre

Le célèbre Suprême Denoix

Les eaux)de)vie sont conserv(es dans ces r(cipients en cuivre

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 7

La distillerie Denoix

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le parcours imposé traverse un grand nombre de pièces, l'une servant d'entrepôt, une autre de distillerie (mais le visiteur est invité à goûter la liqueur d'oranges), une autre de musée, d'autres de magasin. Nous faisons halte dans le petit musée, sorte de chapelle laïque vouée au fondateur qui, à ce que j'ai compris, est décédé assez rapidement après la fondation de sa maison Denoix. La photographie ayant déjà été inventée, on peut le regarder, grand, encore jeune, portant fièrement une jolie moustache recourbée. Il pose aussi sur les bouteilles de liqueur de noix, pompeusement nommée "Le gaillard".

la main et à l'encre de Chine dans un lointain passé, nous plongent dans cette époque où tout se faisait à la main. La seconde dégustation, offerte dans la boutique de vente dans laquelle les bouteilles sont magnifiquement mises en lumière et en valeur, nous est proposée. Nous goûtons donc trois liqueurs et, aussitôt après ce moment de convivialité très réussi, notre bonimenteur reprend son véritable costume, celui de marchand, et s'installe à la caisse pour recevoir les cartes bleues. Sur la cinquantaine de Pessacais, un nombre certain s'est laissé tenter par l'achat de ces produits artisanaux délicieux. Une excellente affaire, en somme…

Sur les étagères joliment éclairées sont peints en blanc sur rouge les noms de toutes les épices et de toutes les plantes utilisées pour fabriquer ces excellentes liqueurs. J'ai noté la cannelle, le clou de girofle, la vanille, la coriandre, le carvi, le fenouil, le cumin, l'angélique, la menthe, la sauge, la mélisse, le genièvre mais aussi le cacao, les oranges, les coings, l'armagnac et le cognac. Des bocaux en verre contiennent des échantillons de certaines de ces plantes médicinales. Les étiquettes vieillies, écrites à

Deux photos Jean-Claude Juzan

"Partout, ce ne sont que cuivres rutilants, alambics aux formes arrondies et généreuses, hautes bassines où macèrent fruits et plantes, foudres antiques où dort le fameux Suprême Denoix. Si l'œil est séduit par ce décor fidèle à celui qui prévalait au mitan du XIXe siècle, le nez n'est pas moins sollicité. Flottent en effet parmi cette bâtisse du vieux Brive des senteurs de fenouil, de coing et, bien sur, de noix."

Dans la partie atelier* l#alambic et le four , charbon

Le reste de l#atelier : four* f+ts* foudres et cuves en cuivre

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 8

La distillerie Denoix

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

LA BUT TE AUX OIE S 16 h 15 : nous repartons pour notre troisième visite, quelque part entre Collonges-la-Rouge et Turenne. Nous y sommes en moins d'une demi-heure et découvrons la Butte aux Oies que je préfèrerais appeler "la butte aux vents". Nous sommes attendus par Bertrand Issartier et sa sœur qui ont repris la ferme familiale et parviennent à élever des oies pour en faire du foie gras d'oie. Pendant que Kléber dégage son bus de l'étroite route d'accès, nous montons à la butte : en son sommet est édifiée une magnifique bâtisse en pierres. Les murs laissent apercevoir la dualité géologique de la région, en petite partie faite de grès rouge, en grande partie de calcaire. Cette maison, restaurée à la fin du XXe siècle, possède un superbe four à pain couvert en tuile, alors que l'édifice principal l'est en ardoise.

Il y a donc plus de mille oies que nous n'apercevrons que de très loin. En fait, presque pas car elles se trouvent de l'autre côté du vallon. La rencontre des oiseaux et des visiteurs est désormais interdite depuis la crise de cet hiver et l'anéantissement de tous les élevages de canards dans le Sud-Ouest. On craint, depuis lors, le retour de la grippe aviaire. Les oisons sont achetés par les fermiers sur le marché de Brive, entre novembre et début mars. Ils n'ont qu'un jour et valent six euros chacun (contre deux euros et demi pour les canetons). Alors que les élevages de canards ne possèdent que des mâles, ceux d'oies peuvent engraisser mâles et femelles. (Il paraît qu'il est impossible de dénerver le foie d'une cane.) Pendant vingt et un à vingt-quatre jours, ces oisillons sont nourris trois fois par jour en quantité qui nous a paru importante. C'est beaucoup plus que ne le sont les canetons, tant en quantité qu'en durée. Les oies sont gardées sur les prés pendant seize semaines, nourries aux céréales et à l'herbe puis elles sont gavées pendant vingt-quatre jours. Bertrand nous raconte que les oies sont dorénavant gavées avec un nouveau système hydraulique qui ne les stresse pas et permet de travailler plus vite. Ainsi, deux cent cinquante oies sont gavées en une heure avec des rations composées pour moitié de maïs entier et pour moitié de maïs broyé. Les rations sont de 215 g le premier jour, deux fois 225 g le

Photo Martial Mouflin

L'exploitation est familiale : les parents des jeunes gens qui nous reçoivent eurent la possibilité d'acheter cette propriété dans laquelle la famille était métayer depuis le XIXe siècle. Aujourd'hui, cette ferme est l'une des rares à n'élever que des oies pour le gavage. Entendre par là qu'il n'y a point de canards à la butte aux oies ! Bertrand nous dit que le troupeau compte plus de mille oiseaux. En réalité, j'ai compris qu'il y avait aussi quelques vaches limousines sur ce domaine de presque deux cents hectares. Elles y produisent des veaux de lait élevés sous la mère : c'est l'autre face de cette ferme. Ces vaches sont rentrées matin et soir pour nourrir leurs veaux pendant quatre à cinq mois. Nous apprenons, étonnés, que le prix de ces veaux pesés vivants, sur pied, est discuté en francs. Les veaux blancs sont vendus entre 40 et 45 F le kg en été, 45 à 55 F en hiver.

La ferme produit les céréales nécessaires à l'alimentation des vaches et des oies mais aussi des poulets car, finalement, des poulets sont aussi élevés à la butte aux oies.

La grande maison de la butte aux oies

Le groupe (coutant l#un des propri(taires de la butte aux oies

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 9

La Butte aux Oies

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

deuxième jour, trois fois le troisième jour. Les rations sont de plus en plus copieuses jusqu'au onzième jour. Au-delà et jusqu'au vingt-quatrième jour, les rations varient entre 525 et 575 g. C'est, nous dit Bertrand, l'amidon de maïs qui est responsable d'un gavage réussi en donnant un bon foie gras ; ce maïs particulier est un peu plus cher que le maïs "normal", ce qui contribue au prix élevé d'un foie gras d'oie. Les foies gras d'oie ne constituent que trois pour cent du marché du foie gras. Lorsqu'ils sont entiers, ils se vendent entre 60 et 75 € pièce. À une question posée, nous apprenons que le duvet des oies, après avoir été lavé et séché en machine, est vendu à une entreprise spécialisée dans les couettes de grande qualité et les duvets utilisés en haute montagne. L'oie et ses produits dérivés sont donc des marchandises de luxe. À cause des restrictions sanitaires récentes, nous ne pouvons pas entrer dans le local de gavage. À peine apercevons-nous, depuis la porte, les cages métalliques dans lesquelles les oies attendent leur ration de maïs. Nous ne discutons pas, dans cette cour ventée, des polémiques concernant la fabrication des foies gras ni de la "souffrance" des oiseaux. Il me semble que les agriculteurs qui se consacrent à l'élaboration de ces volailles prennent le meilleur soin de leurs animaux, non seulement parce que les normes en vigueur les y obligent mais aussi pour, justement, faire face aux accusations de ceux qui veulent l'interdiction du gavage. Il est dans l'air du temps de supprimer toute viande dans la vie quotidienne des gens ainsi que tous produits animaux, lait, fromages, beurre, œufs et même laine…

coupées et cuites. Nous avions auparavant appris que la vente de cette production se faisait uniquement en vente directe, sur les marchés, à la ferme ou par correspondance. Alors qu'un vent froid souffle sur la butte aux oies, nous sommes conviés à goûter le foie gras et le pâté d'oie fabriqués sur place, accompagnés de vin blanc ou de jus de fruit. Il faut avouer que le foie y est excellent… Ici aussi, les affaires iront bon train et les valises s'alourdiront de boîtes de succulents produits. Le bus ayant été dégagé de sa position inconfortable, nous pouvons reprendre la route et revenir à Brive. Dressé sur une ligne de crête, le château de Turenne dessine son étrange silhouette dans le contrejour du coucher de soleil. De retour à notre hôtel, chacun trouve sa chambre. Au menu du dîner, chèvre chaud, cuisse de canard et glace à la noix : trop pour un repas du soir ?

DEUXIÈME JOUR : TURENNE Dimanche. Des écharpes de brouillard stagnent au-dessus de la ville, glissent le long des collines. Elles préparent une très belle journée, presque estivale : la chance est avec nous !

Les oies, à la fin de la période de gavage, sont assommées à l'électricité puis, dans le laboratoire de la ferme, elles sont saignées, plumées à la machine, dé-

Après un petit déjeuner qui pouvait être plantureux, après que les valises ont été descendues des étages et rangées dans les soutes du bus, nous quittons Brive pour le sud de la Corrèze. Deux très beaux villages nous attendent : Turenne et Collonges-la-Rouge.

Les cages de gavage en lumi"re arti.cielle

La silhouette du ch-teau de Turenne depuis la Butte aux Oies

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 10

La Butte aux Oies

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Nous découvrons Turenne dans un soleil éblouissant. Devant nous, hautaines et lointaines, les tours du château se dressent vers l'azur et encadrent les deux pins parasols, devenus éléments aussi importants que les constructions dans la "skyline" du monument. Le village aux toits d'ardoise – la vraie, solide, épaisse et non gélive, celle de Travassac – se recroqueville sur les flancs

de la colline, dominée par le château. Élodie, notre guide, nous rassemble sur la placette, face au village, dans l'ombre des platanes bien taillés. Elle nous explique la géographie locale, l'extrémité du Causse, à la frontière du Quercy ; le Lot n'est qu'à trois kilomètres. Puis commence à nous narrer la longue histoire de ce village. Ce lieu stratégique, tout au nord du Massif Central, sur la route reliant Toulouse à Limoges par Cahors et Brive, est une colline qui, telle une acropole, domine et contrôle une vaste dépression au fond de laquelle serpente la Tourmente. De tout temps, cette colline que l'on voit de loin intéressa les hommes. Il n'est donc pas étonnant qu'aux premiers temps du Moyen Âge, se dressait, ici, une fortification en bois. Le castrum de Turenne apparaît pour la première fois dans les textes en 767 quand il fut donné par Pépin le Bref à Immon, premier comte de Quercy. Nous sommes alors en ces temps lointains où les Francs élargissaient leur hégémonie vers les terres méridionales, Aquitaine, en particulier, qu'il leur fallait conquérir. La colline de Turenne était un site de contrôle.

C'est au IXe siècle (en 823) qu'apparaissent les premiers seigneurs de Turenne. En 839, le castrum qui était tenu par Pépin II, roi d'Aquitaine, est pris par Louis Le Pieux. Les reliques de saint Martial qui se trouvaient à Limoges sont mises en sécurité dans le castrum vers 842 et en 885-895, peut-être à cause des incursions vikings. Le premier qui fut qualifié de vicomte de Turenne, dans un texte daté de 984, après sa mort, fut Bernard (vers 915-981), fils d'Adhémar de Turenne (899-945), vicomte des Échelles (Tulle) et abbé laïque de Tulle. Bernard Ier de Turenne eut une fille, Sépulcie, mariée à Archambaud de Comborn. Au cours du combat pour s'emparer du château de Turenne, en 986, lors du conflit avec son beau-frère, vicomte d'Aubusson, pour le contrôle du castrum, le vicomte de Comborn eut la jambe brisée, ce qui lui valut le surnom de "Jambe Pourrie". Élodie nous précise qu'il était aussi appelé "Le Boucher" car il se montrait extrêmement violent avec ses ennemis. Archambaud de Comborn réunit les vicomtés de Comborn et de Turenne. Son petit-fils, Guillaume Ier reçut la vicomté de Turenne, son frère Archambaud II, celle de Comborn. Du IXe au XIIIe siècles, les Comborn, originaires de la vallée de la Vézère, participèrent activement aux croisades et aux guerres franco-anglaises (Guerre de Cent Ans, en particulier) et obtinrent du roi de France des privilèges exorbitants. Ce serait Archambaud dit "Jambe Pourrie" qui aurait déplacé le château à son emplacement actuel à la fin du Xe siècle ou son petit-fils Guillaume Ier, dans la première moitié du XIe siècle. Avant de partir pour la première croisade, en 1096, Raymond Ier de Turenne, fils de Boson Ier, a probablement renforcé les défenses du château. Il est

Ce qu#il reste du ch-teau de Turenne Tour de C(sar Tour de la Poudri"re et Tour du Tr(sor -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 11

La visite de Turenne

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

sans doute le premier vicomte à frapper de la monnaie. Ces pièces d'argent de faible poids n'avaient cours que dans les diocèses de Limoges, Cahors et Périgueux. Ce monnayage s'est arrêté en 1317. Au début du XIIe siècle, le vicomte de Turenne est dans la mouvance des ducs d'Aquitaine. Celle-ci n'est cependant attestée formellement qu'à partir de 1120. Les vicomtes ont joui dans cette période d'une grande autonomie et ont pu battre monnaie. Le château est pris et endommagé en 1188 par Richard Cœur de Lion puis réaménagé. En 1214, le vicomte Raymond IV s'est délié de la fidélité au duc d'Aquitaine pour se placer sous l'autorité du roi de France Philippe Auguste. En 1224, il aide Louis VIII à ramener le duché d'Aquitaine dans la mouvance du roi de France. En 1242, il se rapproche du comte de Toulouse et participe à la révolte contre le jeune Louis IX. Le château de Turenne est alors saisi et placé sous le contrôle de l'administration royale jusqu'en 1253. Il permet de contrôler le nord de l'Aquitaine. C'est probablement de cette époque que date la tour ronde, dite tour de César. Haute de vingt mètres, elle domine le castrum. Sa forme rappelle celle des donjons de la France du Nord, domaine privilégié des Capétiens. Élodie nous dit qu'elle servait de geôle. Elle ne contient qu'un escalier en colimaçon qui permet d'accéder au toit : le panorama sur cette frontière entre Limousin et Quercy doit y être superbe mais, malheureusement pour nous, la visite du château n'est pas au programme…

De la roca castri, il ne subsiste plus que la base des remparts et trois tours : outre la tour de César, nous apercevons la tour du Trésor et les vestiges de celle de la Poudrière. C'est probablement dans la tour du Trésor – XIVe – qu'étaient enfermées les reliques (dont celle de saint Martial). Ses contreforts plats, nous raconte Élodie, rappellent l'architecture du palais des Papes, en Avignon. Il faut se souvenir, nous dit-elle encore, que le petit territoire de la Corrèze donna trois papes à la chrétienté : ClémentVI (1342 - 1352), Innocent VI (1325 - 1362) et Grégoire XI (1370 - 1378). Ce serait le neveu du premier qui aurait fait construire cette tour. La présence de ces papes ne fut pas sans donner de l'importance à la région. Des bâtiments construits aux XVIe et XVIIe siècles, il ne subsiste rien. Devenue un véritable État féodal à la suite des croisades, puis un des plus grands fiefs de France au XIVe siècle, la vicomté de Turenne jouit du Moyen Âge au XVIIIe siècle d'une autonomie complète. Jusqu'en 1738, les vicomtes, tenus à un simple hommage d'honneur envers le roi et exempts d'impôts à son égard, agissent en véritables souverains : ils réunissent des États généraux, lèvent les impôts, battent monnaie, anoblissent. La vicomté forme un État dans l'État. Ainsi, lorsque le roi interdit dans le royaume la culture du tabac, introduite en Aquitaine en 1560, cette mesure ne s'applique pas à la vicomté, où, au contraire, elle s'intensifie.

Peu de documents permettent de préciser les dates de construction des différentes parties du château et leur usage. Une grande partie en a été détruite après la vente de la vicomté de Turenne au roi, en 1738, et son rachat par le vicomte de Noailles.

Le 8 mai, Turenne est vendue à Louis XV, pour rembourser les dettes de jeu de Charles Godefroy, le dernier des vicomtes de la famille La Tour d'Auvergne. Ainsi prend fin la quasi-indépendance du dernier fief français. Les viscomtins, devenus sujets de Louis XV, sont alors contraints à l'impôt et le roi ordonne le démantèlement de la forteresse.

La ch-teau dominant le village

La ch-teau dominant le village

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 12

La visite de Turenne

Jean-Pierre Lazarus


La Dame à Voyage la capuche en Corrèze (Brassempouy 8 et ;9Chalosse) octobre 2016 2 avril 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Riches de toutes ces informations, ché par un boulet de canon sur le nous quittons la placette et avançons champ de bataille de Salzbach, le 27 dans l'intérieur du village. Nous monjuillet 1675. En reconnaissance de ses tons par la rue Droite et atteignons la valeureux faits de guerre, il fut inhumé place de l'Ancienne Halle. De beaux à Saint-Denis, comme le connétable e e édifices, construits aux XV et XVI Du Guesclin. siècles par les notables du village, attirent nos regards. C'est en particulier le En observant l'architecture joliment cas d'une poivrière surveillant la rue mise en valeur par le nettoyage des faDroite et des belles arcades sous lesçades, la guide nous fait remarquer les quelles, autrefois, s'ouvraient les échopdiscrètes ouvertures des pigeonniers pes. Poivrières ou échauguettes ne pouintégrés aux maisons. Elle nous explivaient être bâties sans autorisation que que chaque trou correspondait à e royale. Les belles façades du XVII siètrois mille trois cents mètres carrés de cle, inondées de soleil, bordent la platerre. Ce privilège des pigeonniers cette où, naguère, se trouvait la halle du étaient donc un avantage pour les famarché. Aménagée au centre du village, milles riches. Faut-il douter de ses afelle était au croisement des routes qui firmations relatives à l'utilisation, auPoivri"re sur la rue Droite conduisaient de Turenne aux extrémités trefois, de la colombine pour éclaircir le des provinces environnantes : Paris, Toulouse, Brive teint du visage ou pour l'intégrer aux pâtisseries ? et plus loin encore. Cette richesse – le fumier des pigeons – était transmise aux descendants. D'après Élodie, "pigeonner son C'est sur cette placette ensoleillée que notre voisin" vient de cet usage de l'époque lointaine de ne guide nous parle enfin du seul Turenne que je con- pas fermer les ouvertures des pigeonniers lorsque la naisse un peu, le maréchal de Louis XIV. Membre de chance quittait la famille et que le domaine rétrécisla famille des La Tour d'Auvergne qui fut propriétaire sait. du château entre 1444 et 1738, Henri, né en 1611 à Sedan, élevé dans la religion protestante, converti au Nous poursuivons la montée par la rue Droite catholicisme en 1668, accéda aux plus hautes fonc- qui, comme son nom l'indique, grimpe abruptement tions et devint maréchal de France en 1643. Militaire vers le niveau supérieur. Les rues de ce village, en parconfirmé avant d'entrer au service de tie concentriques, tournent autour du Louis XIV, il fut de toutes les batailles château à divers niveaux de la colline. de son jeune roi et vainqueur : Alsace, Une rampe aide à monter cette pente Mayence, Philippsburg, Fribourg, Nördsévère qu'il ne faudrait pas trouver verlingen, Zusmarshausen… Plus tard, il glacée. Mais Élodie nous rassure : les livrera d'autres batailles en Alsace : Beljours de gel sont rares, par ici. Une rue fort, Mulhouse et Turckheim. Il fut fauhorizontale nous conduit à la porte de

Place de l#Ancienne Halle et belles fa/ades

Maison dite , pas de moineaux $ou , redents%

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 13

La visite de Turenne

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

la forteresse. Notre guide nous fait observer une maison différente dont le pignon de façade est en escalier. Elle appelle ce système "à pas de moineaux" et nous explique que cela permettait d'accéder aux toits autrefois couverts de chaume afin de les réparer ou de les refaire. Je connaissais cette architecture sous le nom plus banal de "redents". C'est, pour Élodie, l'occasion de nous rappeler que les toits furent donc naguère couverts de chaume puis de lauzes, parfois de tuiles et aujourd'hui d'ardoises corréziennes. Impermanence des paysages : ne jamais les croire éternels. Ce que nous observons en cette journée ensoleillée a subi, au cours des siècles, de très nombreuses transformations. Autrefois, une quinzaine de moulins jalonnait le cours de la Tourmente : il ne doit pas en rester beaucoup ! Plus loin, la rue nous offre un superbe panorama sur la campagne environnante et, plus proche de nous, sur l'étrange église de Turenne dont le clocher à double toit attire, dans le contrejour, les objectifs des appareils photo et suscite l'admiration autant que l'étonnement. Encore quelques mètres à monter et nous voici devant la dernière porte fortifiée de Turenne. Face à la campagne verdoyante, Élodie explique (encore) l'impermanence des paysages. Il faut imaginer ces collines couvertes de vignes jusqu'à ce que le phylloxéra les anéantisse lors de la grande crise du XIXe siècle. Les noyers ont remplacé les vignes et, aujourd'hui, ce sont les veaux sous la mère qui permettent aux paysans de survivre. La guide aurait sans doute pu ajouter l'élevage de la volaille et le presque culte du foie gras, comme nous l'avons découvert la veille, juste en face, à la Butte aux Oies. Le château était trop petit pour accueillir tout le personnel nécessaire à son fonctionnement. C'est

La silhouette de l#(glise de Turenne dans le contrejour

pourquoi les vicomtes construisirent des fortifications tout autour et y bâtirent une sorte de village protégé. Des diverses portes d'entrée dans ce système défensif, particulièrement élaboré pendant les guerres de religion, il ne reste que cette porte devant laquelle nous écoutons la guide. Il ne faut pas oublier qu'Henri Ier de la Tour d'Auvergne s'était converti au protestantisme. Les protestants vaincus laissèrent la place aux Franciscains qui s'évertuèrent à rétablir "la vraie foi". Ils détruisirent le temple et élevèrent la chapelle dite des Capucins, juste sous les murailles du château. Élodie nous dit que ce sont ces gens-là qui inventèrent les crèches et les chemins de croix. Jusqu'alors, j'espérais visiter le château mais j'ai dû déchanter. Nous faisons le tour du rocher sur lequel il est bâti, cherchons, dans le paysage, la Butte aux Oies d'où nous avions découvert la silhouette du château dans le crépuscule et faisons un arrêt sous la tour César, César, ici, signifiant "souverain". De l'autre côté du rocher, nous débouchons sur une placette encore dans l'ombre de la forteresse. S'y trouve une maison à pan de bois et encorbellement, très originale dans cet ensemble de belles maisons en pierre. Nous découvrons, dans les murs faits de calcaire et de grès rouge, les traces d'anciennes arcades, vestiges des boutiques du Moyen Âge qui s'ouvraient sur la rue. Les tours, pigeonniers, fenêtres à meneaux, rosaces, accolades sculptées autour des fenêtres et arcs ogivaux, ornant les façades traduisent une richesse certaine des anciens habitants, du moins de quelques-uns. Faut-il voir, dans cette belle architecture, le fait que les habitants de la vicomté ne payaient pas d'impôts ? Nous terminons le tour du rocher sur lequel est construit le château, retrouvons la porte médiévale et descendons vers l'église.

La porte m(di(vale

La tour C(sar et le rocher

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 14

La visite de Turenne

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Une partie des forti.cations* la chapelle des Capucins* le belv(d"re moderne et* tout , droite* la porte m(di(vale0

L'église se situe à l'écart du village et en aucun cas en son point le plus élevé, occupé par le château. Elle date du XVIIe siècle (1660 - 1680), en cette époque de la contre-réforme triomphante, peu avant la Révocation de l'Édit de Nantes. Son étrange architecture, entièrement différente des églises régionales, proviendrait, nous explique Élodie, de son origine ardennaise : les Turenne sont originaires de Sedan, forteresse célèbre de ces montagnes lointaines. Pas de clocher-mur, ici, mais une tour-porche imposante coiffée d'un double toit pointu. Malgré l'âge tardif au cours duquel elle fut bâtie, ses formes rappellent le style roman teinté de gothique si on en croit les voûtes à arrêtes qui constituent son plafond. Ces arrêtes ou ogives surbaissées sont en belles pierres blanches, la voûte elle-même en pierres grises, brutes, non polies. Dès l'entrée, elle semble disproportionnée par rapport à la population du village. Sur l'archivolte de l'entrée, ces trois mots en latin : "Unus Dominus, Unum baptistum, Una fides", me rappellent les trois genres du latin. Élodie

nous traduit le sens de ces trois mots : "Un seul Seigneur, un seul baptême, une seule foi" qui embrassent l'unité de tous les chrétiens. Si l'intérieur de l'ancienne collégiale est sobre, son retable en bois doré ne l'est guère. Il est daté du XVIIe siècle et fabriqué par des maîtres-ébénistes de Gourdon. Ces objets souvent majestueux témoignent d'un temps où les messes étaient dites dos aux fidèles : les prêtres avaient alors sous leurs yeux ces chefs d'œuvres et les fidèles, leurs yeux pour pleurer. Nous admirons quelques éléments de ce retable présentant aux fidèles illettrés sept des quatorze stations de la Passion du Christ. Les tableaux de bois dorés ne sont plus dans l'ordre de l'histoire : un ébéniste, doué en bois mais nul en religion, les a peut-être remontés en désordre. Des statues des saints et des angelots complètent le décor et, de chaque côté du retable, outre de lourdes colonnes torsadées, se trouvent deux statues : saint Martial et Marie à l'enfant.

Sur l#un des vitraux de l#(glise* une repr(sentation du ch-teau de Turenne tel qu#il devait &tre avant les destructions0

Alors* ils le saisir et le li"rent0 Nef de la coll(giale de Turenne

Le retable de Turenne

Pilate .t alors 1ageller J(sus

Deux des sept stations de la Passion

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 15

La visite de Turenne

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

11 h 30. Notre visite s'achève. Retour sur la place de l'Ancienne halle débarrassée des ombres matinales, derniers regards sur les agencements des jolis toits d'ardoises, ultimes tentatives pour cadrer le village et son château sous un ciel outremer. Il faut apprécier le contraste entre les façades de calcaire blanc et les pentes aiguës des toits noirs. Nous revenons au bus : un repas nous attend juste à la frontière entre Limousin et Quercy. Il ne faut guère de temps au chauffeur pour parcourir les trois ou quatre kilomètres qui nous séparent de l'auberge de Cartassac ; nous y sommes même un peu trop tôt mais qu'à cela ne tienne : il fait vraiment très beau et presque chaud. Une vraie journée d'été… tout au nord du Lot. La salle est trop petite pour les cinquante personnes qui constituent le groupe. Trop petite et inévitablement bruyante. Le menu gastronomique est cependant à la hauteur des espérances : foie gras (évidemment !), échine de porcelet d'une extrême tendreté (nous apprendrons plus tard que cette viande exquise aurait cuit vingt-quatre heures, à soixante degrés). Un régal… servi avec les pommes de terre en robe des champs. Trois fromages et une crème de marron brûlée, servie avec ses flammes bleues. Un café, bien sûr, clôt ce repas commencé par un apéritif. 14 h. Nous quittons l'auberge, la panse rebondie. Par les petites routes de la région, Kléber trouve la direction de Collonges-la-Rouge, notre dernière étape.

Le castel de Maussac $XVe et XVIe si"cles%

COLLONGE S-LA-ROUGE C'est sur le site de l'ancienne gare, rénovée, qu'Émilie, notre guide pour ce village, nous accueille. Sa première information, nous l'avions déjà entendue à la Butte aux Oies : la couleur du village ne correspond pas à celle de son sol. Collonges n'est pas bâtie sur du grès mais à côté, une faille d'importance ayant décalé les niveaux du sous-sol et porté à la surface un niveau de grès. Est-ce parce que cette pierre était plus facile à travailler que le calcaire, plus solide, plus jolie, plus accessible : Émilie ne nous l'a pas dit. Elle nous explique, par contre, l'origine du nom. Collonges proviendrait d'un terme du bas-latin colonicas qui désigne, à l'origine, une terre cultivée par un colon. Après nous avoir raconté le Tacot qui reliait Collonges à Beaulieu sur Dordogne par le chemin de fer et l'importance de la vigne dans l'économie du village – c'était avant l'arrivée du phylloxéra, bien sûr – Émilie nous entraîne dans la rue Noire, toute tordue pour freiner d'éventuels assaillants. Le village aurait ses origines dès le VIIIe siècle lorsque des moines fondèrent ici un prieuré plus tard intégré à la vicomté de Turenne. L'édifice religieux attira des paysans, des commerçants et des artisans : c'est ainsi que naissaient, naguère, nombre de villages, dans l'ombre d'un monastère ou d'un prieuré. Un rempart protégeait la communauté placée sur l'un des chemins conduisant à Compostelle. Cette situation ne pouvait qu'être enviable. En 1308, la vicomté accorda au village une charte de franchise avec droit de juridiction. Il n'en fallut pas plus pour que naquissent des lignées de procureurs, d'avocats et de notaires qui construisirent de superbes maisons, presque châteaux.

Castel Ramade de Friac $XVe si"cle%

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 16

La visite de Collonges-la-Rouge

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Cheminant dans cette rue étroite, nous faisons une halte sur un élargissement pour observer les maisons de grès. Élodie nous fait remarquer la forme des toits à deux pans très pentus mais dont les bords se redressent un peu afin d'évacuer les eaux de pluies loin des murs. À l'époque, il n'y avait pas encore de gouttières, semble-t-il… La guide nous montre quelques linteaux gravés au-dessus des portes. Outre les dates de construction ou de rénovation, on y distingue des cœurs, encadrés ou non d'initiales : ils signifiaient qu'une fille était à marier dans la maison et les initiales, si j'en crois Élodie, qu'elle avait trouvé "chaussure à son pied". Nous passons devant la maison achetée naguère par Maurice Biraud et débouchons sur la place du village, face à l'église et devant la chapelle des Pénitents que nous ne visiterons pas. Élodie nous raconte qui étaient les Pénitents, chargés de remettre dans le droit chemin – celui de la vraie foi – les personnes qui avaient sombré dans l'hérésie protestante. Ils séjournèrent dans le village du XVIIe au XIXe siècle et tentèrent d'y éradiquer le protestantisme. Ces pénitents étaient vêtus de longues robes noires (d'où leur nom de Pénitents Noirs) et avaient la tête couverte d'un chapeau pointu qui leur cachait le visage, à la manière des gens du Ku Klux Klan. Mais peut-être n'étaient-ils, en fait, couverts que d'un sac de toile noir percé d'un trou pour y passer la tête. Ils portaient cependant une cagoule pour dissimuler leur visage. Il semble qu'en plus de remettre les gens dans le droit chemin, les Pénitents portaient assistance à la population et prenaient en charge, bénévolement, l'enterrement des défunts. La chapelle du XVe siècle, longtemps abandonnée et tombée en ruine, est en fin de rénovation. Elle est devenue une salle d'exposition. À proximité de la chapelle se dresse une croix métallique très tra-

vaillée, semblable à celles que j'avais jadis observées dans certains villages de la vallée d'Aure. Au sommet de la croix, le coq chante et rappelle à Pierre son reniement. Sur la croix, nous pouvons reconnaître les instruments de la passion : l'échelle, la couronne d'épines, le marteau, les tenailles, les trois clous de la crucifixion, la lance, le porte éponge et les trente deniers de Judas. Face à la chapelle, le pignon d'une maison porte en son centre une étrange statue présentée de dos. Élodie nous propose trois hypothèses qui expliqueraient cette statue informe mais, bien sûr, aucune ne doit être vraie : il faut bien tenir en éveil les touristes et leur offrir un peu de mystère… Nous gagnons l'esplanade au centre de laquelle s'ouvre le lavoir. S'il est à l'écart du village, il ne se trouve pas sur un ruisseau comme cela est souvent le cas. Il devait y avoir ici une source ou une canalisation qui y apportait l'eau. Face à ce vaste espace, se dresse le magnifique castel de Vassinhac, sans doute le plus beau bâtiment du village. L'échauguette qui surveille la ruelle indique le caractère défensif de la maison. Nous apprenons d'Élodie que cette demeure majestueuse était à l'origine le lieu de villégiature pour Gédéon de Vassinhac, seigneur de Collonges, gouverneur de la vicomté. Édifié en 1583, cet édifice, percé de jolies fenêtres à meneaux, comprend plusieurs tours, rondes ou hexagonales, dont celle, centrale, occupée par le grand escalier desservant les étages.

Face , la chapelle des P(nitents* la statue de dos

Castel de Vassinhac

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 17

La visite de Collonges-la-Rouge

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Même depuis quelque hauteur, la façade principale du castel reste invisible car elle tourne le dos au village. Sagement regroupés sous la halle, nous écoutons la guide nous raconter l'église et son étrange tympan blanc. En effet, dans ce village rouge, le tympan tranche par sa blancheur. D'après elle, le calcaire aurait été choisi car il était plus facile à tailler que le grès. Au registre supérieur, le Christ étend ses bras pour accueillir les fidèles. Il serait représenté au moment de son ascension (d'autres affirment : de son retour). Deux anges l'encadrent et, plus éloignés, deux autres anges, le doigt pointé vers lui, indiquent, à tous, le personnage principal de l'ensemble sculpté, celui qu'il faut regarder en priorité. Au registre inférieur, les onze apôtres – il manque Judas – entourent Marie, placée juste en dessous de son fils. Découpé en huit morceaux, ce tympan fut, paraît-il, caché dans les murs de l'église au cours des guerres de religion avant que les différentes parties ne soient réunies au début du XXe siècle. Je m'étonne des deux arcs trilobés qui supportent ce tympan. Élodie les dira d'inspiration mauresque.

alentours du XVe, une transformation totale est entreprise. L'église est agrandie vers le nord par la construction d'une nef plus grande que l'ancienne église elle-même. On peut supposer que la population du village s'était considérablement agrandie, ce qui pourrait signifier un enrichissement de la communauté. C'est cette nouvelle nef qui reçoit aujourd'hui les fidèles. À la fin du XVe, le vicomte de Turenne et son vassal de Vassinhac se convertirent au protestantisme. Événement rarissime, à ma connaissance : les deux religions s'entendirent et leurs dirigeants décidèrent de partager l'église : les catholiques célébrèrent la messe dans la nouvelle nef, les protestants, dans l'ancienne. De cette époque aussi, datent la tour de guet et deux chapelles intérieures. Pour quelles raisons le niveau du sol a-t-il été surélevé ? L'hypothèse est que l'édifice servait d'ossuaire et qu'il fallut refaire le sol. Élodie nous montre, gravé dans ce sol, le blason des Vassinhac, signe que les membres de la famille furent inhumés dans l'église.

L'église de Collonges-la-Rouge est un édifice qui a été fortifié et plusieurs fois remanié au cours des siècles. Construite sur les fondations du prieuré bénédictin du VIIe siècle, elle reflète les aléas de l'histoire. Lors de sa construction, au XIIe siècle, elle est un petit édifice cruciforme, surmonté d'une coupole sur pendentifs à la croisée du transept et d'un joli clocher à gâbles : une église de village banale, en quelque sorte. Lors de la guerre de Cent Ans, pour pallier l'absence d'un château dans le village, l'église est fortifiée : on lui construit l'imposante tour quadrangulaire du flanc sud. Église romane à son origine, elle a été couverte d'une voûte à croisée d'ogives au XIVe siècle. Aux

Au fond de la grande nef, se trouve un retable baroque. La guide insiste sur le Christ en croix : ses pieds ne sont pas croisés, ce qui signifie qu'il fallut utiliser quatre clous et non trois comme montré sur la croix près de la chapelle des Pénitents. En réalité, cela n'est pas très original car le nombre de clous a varié au cours des âges. Avant le XIIIe siècle, les artistes représentaient la crucifixion du Christ avec quatre clous, un dans chaque pied et main. Plus tard, on ramena les pieds l'un sur l'autre : un seul clou suffisait. À partir de la contre-réforme, chaque artiste faisait comme il voulait. L'autre remarque, sans doute plus pertinente, attire notre attention sur l'absence de blessure au flanc droit du Christ.

Le tympan de l#(glise $XIIe si"cle%

L#(glise Saint)Pierre* sa tour de guet et son clocher roman

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 18

La visite de Collonges-la-Rouge

Jean-Pierre Lazarus


Voyage en Corrèze

8 et 9 octobre 2016

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Nous quittons l'église, revenons sous la halle où se tenait le marché : volailles, vin, noix, pains étaient les produits locaux les plus vendus. Le four banal est encore utilisé les jours de fête. Il appartenait autrefois au seigneur mais chacun pouvait l'utiliser à condition de payer une taxe. Nous remontons maintenant la rue de la Barrière, croisant les nombreux touristes qui, comme nous, visitent le village. Ce n'est pas pour rien qu'il fut le premier plus beau village de France ! C'est l'occasion de glaner une autre information : les familles protestantes fixaient, au sommet de la cheminée de leur maison, une pierre ou une poterie qu'Élodie nomme "quillou" ou "quilliou", je ne sais. J'en ai vu beaucoup sur les toits de ce village.

grès rouge de cette belle maison du XVIe siècle. Après nous avoir confié que cette maison était, à son avis, la plus belle de Collonges, la guide tire sa révérence. Le président nous accorde une heure de visite libre dans ce dédale rouge. Il est 16 h, le soleil commence à descendre et à enflammer les façades de grès. C'est l'occasion de pousser la promenade vers les ruelles non encore aperçues, de nous confronter aux limites du village, de nous glisser dans les innombrables boutiques touristiques, de succomber à quelques achats inutiles et de découvrir, dans une arrière-cour, un moulin à huile en état de fonctionner.

Nous atteignons bientôt la maison de la Sirène, dont le nom provient du bas-relief sculpté dans le

17 h. Nous quittons Collonges-la-Rouge et bientôt la Corrèze car il est temps de retourner en notre petit Liré. La chance d'une journée d'été, en ce mois d'octobre, aura été, pour beaucoup, dans la totale réussite de ce voyage. Dire que nous passâmes un beau séjour n'est pas très difficile…

La sir"ne

L#une des rues de Collonges)la)Rouge

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 19

La visite de Collonges-la-Rouge

Jean-Pierre Lazarus


------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Écrit par Jean-Pierre Lazarus en octobre 2016 d'après les notes prises au cours de la visite et d'après divers documents pêchés sur la Grande Toile Mondiale. Les photos sans cartouche sont de l'auteur.

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Page 20

Jean-Pierre Lazarus


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.