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Henri Holec

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Geneviève Zarate

Geneviève Zarate

Henri HOLEC

Université de Lorraine, ancien directeur du CRAPEL Président d’honneur de l’ASDIFLE

Ce colloque dédié à Louis Porcher va nous permettre de mieux appréhender la place éminente occupée par ses analyses et ses réflexions dans tous les domaines énumérés dans les trois grands axes autour desquels s’organise le programme : l’axe de la philosophie, de la sociologie et de l’éducation ; l’axe de la sémiotique, de la communication et des médias et le dernier, mais non le moindre, l’axe de la didactique du français langue étrangère (FLE).

Mais, ce colloque est aussi la pierre blanche qui va marquer les trente ans d’existence de l’association dont Louis a été le fondateur déterminé et l’animateur infatigable durant toutes ces années. Et c’est de l’ASDIFLE dont je voudrais vous entretenir pendant quelques minutes pour donner le premier coup d’envoi de notre rencontre (il sera suivi de celui de la présidente en titre de l’ASDIFLE).

La création de l’ASDIFLE, peut-être est-il bon de le rappeler aujourd’hui, fait partie des multiples initiatives prises par Louis Porcher dans les années 1980 pour définir, et faire reconnaître, le champ du français langue étrangère, langue vivante au même titre que l’anglais langue étrangère (English as a foreign language) ou l’allemand (Deutsch als Fremdsprache), champ de recherche distinct de celui du français langue maternelle avec lequel il avait été longtemps confondu, et pour définir et faire reconnaître les spécificités de son enseignement-apprentissage. C’est à son initiative qu’ont été définis, à la suite des travaux de la commission AUBA1, de nouveaux diplômes sanctionnant les compétences communicatives en FLE – le DELF et le DALF ; c’est à son initiative, également, qu’à la suite des travaux de la commission convoquée par Mme Blondel, du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ont été définis et mis en place les licences à mention FLE, les maîtrises de FLE, des DESS (M2 professionnels) spécialisés, des DEA (M2 recherche) et des doctorats de didactique du FLE. C’est dans ce contexte de remue-ménage, pour ne pas dire de bouleversement disciplinaire, que s’est située la création de l’ASDIFLE, association de défense et illustration d’une discipline en pleine expansion qui devait, dans l’esprit de Louis Porcher, servir de lieu de rencontre à tous ceux qui œuvraient dans ce domaine, enseignants, formateurs de formateurs, chercheurs, auteurs de manuels, éditeurs, responsables de politique et d’ingénierie linguistique, etc.

1. Commission (dite AUBA, du nom de son président) créée en 1982 par le ministre de l’Éducation nationale, Alain Savary, sur l’enseignement du français langue étrangère en France.

L’ASDIFLE marque donc avec ce colloque les trente premières années de son existence, en présence virtuelle mais prégnante de son fondateur. Mais que représentent concrètement ces trente années de vie de notre association, en termes de personnes, de sujets débattus et de publications ? Sans vouloir, ni pouvoir d’ailleurs, être exhaustif, je vous présenterai quelques données marquantes, à mon sens, de la dynamique qu’a suscitée l’existence de l’ASDIFLE.

En termes des personnes mobilisées, l’examen des archives de l’association fait apparaître que : – les adhérents sont passés d’une quarantaine la première année à plus de 400 dix ans après, et se sont stabilisés entre 300 et 400 jusqu’à ces deux dernières années, où l’on a pu constater un léger recul des adhésions. Ces dernières représentent, en nombre cumulé, entre 9 000 et 10 000 cotisants, dont la répartition géographique, dans la première décennie de ce siècle, était de 35% en France, 30% en Europe et 35% ailleurs dans le monde, avec une proportion relativement plus élevée en Amérique Latine ; – le nombre de participants aux manifestations organisées annuellement (Rencontres, Journées…) s’est situé entre 100 à 140 selon le thème abordé ; – douze présidents se sont succédés à la barre de l’association : leur petit nombre me permet de les citer tous, et ainsi de faire apparaître l’application du principe énoncé par Louis Porcher d’une alternance aussi régulière que possible entre Paris et province : 1986-1988 : Louis PORCHER, université Paris 3 1988-1990 : Henri HOLEC, université Nancy 2 1990-1992 : Simonne LIEUTAUD, Alliance française de Paris 1992-1996 : Claude OLIVIÉRI, chargé de mission aux relations extérieures de la Conférence des présidents d’université 1996-1998 : Élisabeth GUIMBRETIÈRE, université de Rouen (à l’époque) 1998-2000 : Marie-José BARBOT, université du Littoral Côte d’Opale 2000-2004 : Jean-Pierre CUQ, université de Provence 2004-2007 : Bernard ANDRÉ, université de Dijon 2007-2011 : Marie BERCHOUD, université de Dijon 2011-2013 : Fabrice BARTHÉLÉMY, université de Franche-Comté 2013-2015 : Lucile CADET JOSEPH, université Paris 8 2015 : Véronique LAURENS, université Paris 3 – les membres des bureaux de l’ASDIFLE, les piliers de l’association : cinq en général par présidence, renouvelés en moyenne tous les cinq ans ; – les membres des conseils d’administration, au nombre de 21, renouvelés par tiers tous les deux ans. Beaucoup de monde, en vérité, auquel il faudrait encore rajouter les lecteurs des publications de l’ASDIFLE, rassemblés pour porter la didactique du FLE.

En termes des manifestations organisées, c’est-à-dire des rencontres, alias les journées de l’ASDIFLE, deux par année, la première à Paris, de type colloque scien-

tifique avec exposés et tables rondes, la seconde en province, centrée sur les aspects pratiques liés au même thème. La liste des centres qui ont accueilli ces journées est très longue, de Nancy, Tours, Strasbourg, Angers, Lyon, Montpellier, Aix, Avignon… à Barcelone, Londres et Berlin.

Les thèmes de ces rencontres, dont les actes sont publiés dans Les cahiers de l’ASDIFLE, au nombre de 27 au total, sont très révélateurs de la répartition dans le temps des préoccupations majeures des didacticiens de FLE. Ont ainsi été abordés, entre autres : – La formation en didactique des langues étrangères, en 1988, – Les auto-apprentissages, en 1990, – Les enseignements de la littérature, en1991, – Les certifications linguistiques en Europe, en 1994, – Lexique et didactique du FLE, en 1995, – Éducation comparée et enseignement des langues, en 2001, – Les métiers du FLE, en 2004, – Les approches non conventionnelles en didactique des langues, en 2007, – Évaluations et certifications, en 2011, – Mondialisation et enseignement du français, en 2015.

Enfin, en termes des publications portées par l’ASDIFLE, citons : – le Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde, piloté par J.-P. CUQ, publié par CLE International en 2003 ; – Les cahiers de l’ASDIFLE (27 numéros publiés depuis 1988) ; – La lettre de l’ASDIFLE, devenue, sur le site Internet de l’association, Le papillon de l’ASDIFLE ; – les blogs de Louis Porcher, dont les 100 premiers viennent d’être publiés sous le titre : Sur le bout de la langue. La didactique en blog.

Je vais arrêter là cette énumération, longue mais non exhaustive, des manifestations de la vitalité soutenue de l’ASDIFLE. Toutes ces données concrètes rendent plus tangible le dynamisme de notre association et montrent à l’évidence que Louis Porcher, avec le recul du philosophe et sociologue de l’éducation qu’il était, avait vu juste, il y a trente ans, en créant l’ASDIFLE : c’est bien un lieu privilégié de rencontre, où toutes les parties prenantes de la didactique du FLE, les enseignants, les chercheurs, les maisons d’édition, les instances dédiées de l’administration centrale, peuvent s’investir et dont elles peuvent tirer profit. C’est aussi, comme l’avait pressenti Louis Porcher, une efficace « mise en scène » d’une discipline dont le champ de recherche et d’application concerne les formations en FLE dans le périmètre hexagonal, depuis les mises à niveau langagières et culturelles des étudiants étrangers et les formations d’enseignants de FLE jusqu’aux formations destinées au public des migrants, tout autant que la politique de diffusion du français dans le monde.

Un grand MERCI à Louis pour ce fabuleux héritage qu’il nous laisse et qu’il laisse à la didactique du FLE.

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