Les Carrats de Georges Candilis. La réception de l’architecture moderne à l’ère de l’Anthropocène.

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MARIANA URES

Les Carrats de Georges Candilis La réception de l’architecture moderne à l’ère de l’Anthropocène Thèse Professionnelle: Mariana Ures Directeur d’études: Laurent Duport Mastère Spécialisé® Architecture et Patrimoine Contemporain Promotion 2018-2019 Date de remise de la thèse: 1-12-2019

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Image de couverture: 1965-1975. Village de vacances CIL et CAF, BarcarèsLeucate («Les Carrats» et «Las Paloumbos», Port-Leucate; «L’Estangot», Port-Barcarès) : vue extérieure d’un espace de jeux, sd. (cliché anonyme) Archives IFA fonds Candilis. Village de vacances CIL et CAF, Barcarès-Leucate, dossier 236 Ifa 623/11

Thèse Professionnelle: Les Carrats de Georges Candilis. La réception de l’architecture moderne à l’ère de l’Anthropocène. Mariana Ures 1.12.2019 Sous la direction de: Laurent Duport et Lauren Etxepare Igiñiz. Montpellier, 1 Décembre, 2019.

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à Antonia Pantazis

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“Las cosas se duplican en Tlön; propenden asimismo a borrarse y a perder los detalles cuando los olvida la gente. Es clásico el ejemplo de un umbral que perduró mientras lo visitaba un mendigo y que se perdió de vista a su muerte. A veces unos pájaros, un caballo, han salvado las ruinas de un anfiteatro.” Jorge Luis Borges

“Dans Tlön les choses se dédoublent ; elles ont aussi une propension à s’effacer et à perdre leurs détails quand les gens les oublient. Classique est l’exemple d’un seuil qui subsista tant qu’un mendiant s’y rendit et que l’on perdit de vue à la mort de celui-ci. Parfois des oiseaux, un cheval, ont sauvé les ruines d’un amphithéâtre.” Jorge Luis Borges

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«et pourtant les découvertes viennent de ce que je nommais tout à l’heure, un regard attentif et habité de désir.» Louis Marin

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Résumé Cette thèse professionnelle intitulée «La réception de l’architecture moderne à l’ère de l’Anthropocène: Les Carrats de Georges Candilis» repose sur une approche de la figure de Georges Candilis (1913-1995) à la lumière de la théorie de réception et de la notion de patrimoine à l’ère de l’Anthropocène. Candilis est un personnage incontournable de l’historiographie de l’architecture moderne. Il participe et organise plusieurs CIAM, il établit un lien étroit avec Le Corbusier et il est l’un des protagonistes des politiques de la Reconstruction et des «Trente glorieuses» en France. Les Carrats, en tant que programme de tourisme social, est l’occasion d’innover, d’expérimenter et de tester les configurations architecturales et urbanistiques développées par Candilis, Josic et Woods pendant les quinze années d’existence de l’agence (1956-1970). Un texte et un projet bâti de Candilis sont étudiés en tant qu’objets de réception de l’architecture et sources primaires du travail. Le texte est le livre «Recherches sur l’architecture des loisirs», paru en 1972. L’ouvrage construit, le Village de Vacances Famille Les Carrats, s’analyse en deux temps : lors de sa conception (1969) et lors de l’intervention de sa réhabilitation contemporaine (2019) dans le cadre de la labellisation Patrimoine XXème siècle puis de son inscription comme Monument Historique. A partir de ce contraste temporel, des réponses possibles à la problématique de la gestion du patrimoine protégé sont explorées avec le fil rouge de la réception de l’architecture moderne et l’inscription environnementale de la notion de patrimoine.

Mots Clé Les Carrats, Candilis, Réception de l’Architecture Moderne, Patrimoine, Loisirs, Réhabilitation, Transformation.

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Resumen La siguiente tesis profesional titulada «Les Carrats de Georges Candilis: La recepción de la arquitectura moderna en la Era del Antropoceno: » reposa sobre una aproximación a la figura de Georges Candilis (1913-1995) a la luz de la teoría de la recepción y la noción de patrimonio en la Era del Antropoceno. Candilis es un personaje insoslayable de la historiografía de la arquitectura moderna: participa y organiza numerosos CIAM, establece un estrecho vínculo con Le Corbusier, y es uno de los protagonistas de las políticas de la Reconstrucción y los Treinta Gloriosos en Francia. Les Carrats (1969), en tanto programa de turismo social, es la ocasión de aplicar las configuraciones arquitectónicas y urbanísticas exploradas entre 1956 y 1970 por el trío Candilis, Josic y Woods durante los quince años de existencia de la agencia y los 90 proyectos desarrollados en ese campo. Un proyecto de Candilis es estudiado en tanto objeto de la recepción de la arquitectura, y por tanto fuente primarias del trabajo: El proyecto realizado, el «Village de Vacances Famille Les Carrats», se analiza en dos tiempos: al momento de su concepción (1969) y para su intervención contemporánea (a entregar en 2019) en le marco de su labelización como Patrimonio del Siglo XX y su inscripción como Monumento Histórico. A partir de este estudio, se exploran respuestas posibles a la problemática de la gestión del patrimonio protegido tomando como hilo rojo la recepción de la arquitectura, y la inscripción ambiental de la noción de patrimonio.

Palabras Clave Les Carrats, Candilis, Recepción de la arquitectura Moderna, Patrimonio, Loisirs, Rehabilitation, Transformación.

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Sommaire Résumé Resumen

I. Prologue

I.I. Présentation du sujet. I.II. L’Etat du savoir I.III Les définitions

II. Candilis II.I Note biographique II.II Homme de terrain II.III Vers le plus grand nombre II.IV Modèle-messager

III. Les Carrats III.I Présentation III.II La culture des loisirs III.III Les Carrats#1969 III.IV Les Carrats #2019 III.V Recherches sur l’architecture des loisirs

IV. Épilogue IV.I Patrimoine à l’ère de l’Anthropocène IV.II Outils pour la transformation du patrimoine à Montevideo

V. Annexes V.I Fonds V.II Sélection de sources primaires V.III Sélection des sources secondaires

Remerciements

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I. Prologue «Le meilleur moyen de conserver un édifice, c’est de lui trouver un emploi» Viollet Le Duc

Délimitation du sujet de thèse Proposition de sources secondaires Émergence de la problématique (biens patrimoniaux vacants à Montevideo, visite aux Carrats) L’ Atelier sur Candilis comme antécédent. Définitions: comment comprendre la réception dans ce travail et comment comprendre la notion Anthropocène. Le Patrimoine à l’ère de l’ Anthropocène.

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I.I. Présentation du sujet. Cette thèse professionnelle explore un architecte, une texte et une œuvre, à la lumière d’une théorie. L’architecte est Georges Candilis, le texte est «Recherches sur l’architecture des loisirs», l’œuvre est Les Carrats, et la théorie est celle de la réception de Hans-Robert Jauss. Le texte et le travail sont tous deux de l’architecte. L’objectif de cette exploration est de reconnaître les outils et les modes opérationnelles déployés par un certain nombre d’acteurs pour transformer le village de Vacances Les Carrats en tant que ressource patrimoniale et architecturale. Cette brève étude est basée sur le domaine de l’histoire de l’architecture et utilise la théorie de la réception pour comprendre les différents temporalités où le bâtiment en est l’objet. Ainsi, le bâtiment sera étudié inscrit dans son cycle de vie. D’autre part, le patrimoine qu’il représente, même sa condition monumentale, sera lu en termes de ressource environnemental. L’objectif de cette exploration est de reconnaître les outils et les modes de fonctionnement déployés par un certain nombre d’acteurs pour transformer le village de Vacances Les Carrats en tant que ressource patrimoniale et architecturale. Cette brève étude est basée sur le domaine de l’histoire de l’architecture et utilise la théorie de la réception pour comprendre les différents moments où le bâtiment en est l’objet. Ainsi, le bâtiment sera étudié inscrit dans un cycle de vie., D’autre part, le patrimoine qu’il représente, même sa condition monumentale, sera lu en termes de ressources environnementales. I.I.I Candilis Ghiorghios Candilis est né en 1913 à Bakou (Empire russe) et est disparu Georges en 1995 à Paris (France). Trois circonstances sont déterminantes dans la construction de sa figure et dans la compréhension de son travail: la toile de fond de l’architecture moderne et le rôle particulier que Candilis a joué dans les Congrès Internationaux d’Architecture Moderne (CIAM) depuis sa première participation à Athènes en 1933, l’accès à l Atelier de Le Corbusier à Paris en 1946, et aux possibilités offertes par le scénario français de la reconstruction et des Trente glorieuses1. I.I.II Les Carrats Le Village des Vacances Famille de Les Carrats de Georges Candilis et son équipe de l’époque (Georges Wursteisen, Pierre Raoux et Zygmund Knyszewsky) est situé dans la station balnéaire de Barcarès-Leucate, dans le département de l’Aude, en Languedoc-Roussillon desormais, Occitanie. 1  Jean Fourastié, Les trente glorieuses ou la révolution invisible, 1979.

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L’exploration de l’œuvre en tant qu’objet de réception est abordée avec cinquante ans de décalage: en 1969, au moment de la conception et de sa livraison, et actuellement, en 2019, lors de sa réhabilitation et de sa deuxième livraison. Au-delà des études typologiques et morphologiques, des typologies constructives et spatiales, du langage de la «modernité méditerranéenne» ou de la discussion sur le travail de réhabilitation, nous nous intéressons ici à l’analyse de la trame des acteurs et ses rôles, des lois et des circonstances politiques et culturelles qui rendent le projet possible dans les deux temporalités. I.I.III Recherches sur l’architecture des loisirs L’exploration du texte en tant qu’objet de la réception, est basée sur un livre étroitement lié à un projet et publié presque en même temps. «Recherches sur l’architecture des loisirs» propose un catalogue de dispositifs de conception allant du détail de l’union d’un pilier et d’une poutre métallique, en passant par les unités d’habitation et leurs connexions éventuelles, jusqu’aux instruments urbains pour la définition du territoire, notamment en Languedoc-Rousillon (aujourd’hui Occitanie). Dans ce recueil d’architectures des vacances, nous comprenons les ensembles verticaux, horizontaux, les équipements et l’urbanisme de Barcarès-Leucate, unité touristique des Carrats. Le texte «Recherches sur l’architecture des loisirs» est exploré dans le contexte de la production écrite de Candilis. Les thèmes de son écriture sont reconnus, le rôle de l’écrivain Candilis par rapport à son propre travail, et son lien avec le monde éditorial. Comme dans la plupart des cas dans la production écrite de Candilis, les textes accompagnent ou font partie du processus d’investigation, de conception, de réalisation, d’obtention des conclusions jusqu’à la légitimation de l’œuvre construite. Ce travail est de caractère exploratoire. Les questions qui guident le cheminement de ce recherche sont les suivantes : Dans quelle mesure l’étude de la réception de l’architecture est-elle un levier pour la gestion du patrimoine? Dans quelle mesure l’étude de la réception est-elle une manière d’aborder le patrimoine à l’ère de l’Anthropocène?

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I.II. L’Etat du savoir Pour la réalisation de ce travail ont été prises en compte: les explorations menées dans l’Atelier de Projet du MSAPC sur la figure de Georges Candilis, l’étude de la bibliographie spécifique sur le thème de la thèse et les axes d’analyse proposés: Georges Candilis, le Village des Vacances Les Carrats, la théorie de la réception et le patrimoine à l’ère de l’Anthropocène, ainsi que mon expérience (et mes intérêts personnels) en relation avec la récupération des bâtiments patrimoniaux vacants en zones urbaines (centrales). I.II.I L’Atelier de Projet sur Candilis au MSAPC Le choix du thème de la thèse découle des travaux présentés dans l’Atelier de Projet au sein du Mastère sur la figure de Georges Candilis. Cette approche a été réalisée en explorant simultanément les domaines de sa production professionnelle, son activité d’enseignement et ses travaux de recherche. À partir de là, les axes d’approfondissement suivants ont été définis: Biographie, Production architecturale, Publications de et sur Candilis, Projets en Occitanie, et le projet de Georges Candilis et Anja Blomstedt d’ habitat minimum, l’Hexacube. Cette stratégie d’approche sur la figure de l’architecte, dialogue avec les notions de Genèse, Conception (du projet), Architecte, Réception et Actualité, méthodologie proposée dans le Mastère2. Suivant les axes d’approfondissement proposés, différents résultats sont réalisés: - Une série de cartographies des réalisations architecturales de Candilis dans le monde - Des représentations graphiques de l’univers de ses publications - Une synthèse de ses réalisations remarquables en Occitanie - Une exploration de l’habitat évolutif individuel, l’Hexacube - Ces résultats sont analysés à la lumière de sa propre biographie, les circonstances d’après guerre et l’évolution de l’architecture moderne. Ainsi, l’étude de la figure de l’architecte selon ces axes m’a amène à reconnaitre quelques appréciations sur sa production: - La dispersion territoriale de ses interventions versus la concentration autour de la Méditerranée et l’Occitanie. -L’importante activité éditoriale menée parallèlement à sa production architecturale. - L’état multi-scalaire de ses interventions - du design de mobilier à l’urbanisme-. - La façon inédite d’obtenir, comprendre et gérer la connaissance architectonique, 2  Cette méthodologie d’analyse proposé par Laurent Duport, est explorée dans les plaquettes réalisées sur l’architecte Georges-Henri Pingusson (1894-1978) et sur l’architecte nîmois Joseph Massota (1925-1989) également dans le cadre du Mastere. Une publication sur la recherche exploratoire sur Massota est disponible sur le site: https://issuu.com/marianaures/docs/ures-massota

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associée aux modalités collectives, et au travail sur le terrain. Pourtant, je me propose d’approfondir dans cette thèse quelques aspects liés a la manière menée par Candilis de produire de la connaissance en architecture et de diffuser sa pensée. Cet approche épistémologique suit celle de Tom Avermaete3 où cet aspect est considéré comme l’un des axes de travail sur l’architecture et l’urbanisme de ‘l’ équipe de Candilis, Josic et Woods. D’un autre coté, proposé pendant le cours comme une des cinq points d’analyse d’architecture moderne avec la Genèse, l’Architecte, le Projet, et l’Actualité, la Réception est un aspect clé dans l’œuvre de Candilis. L’importance que lui attribue a la communication et diffusion de ses projets et sa pensée, dialogue avec l’importance que donne la théorie de la réception aux lecteurs comme aux autres acteurs de la production architectonique. Interlocuteurs Dans le cadre du Mastère Spécialisé Architecture et Patrimoine Contemporain, on a eu l’opportunité de recevoir et connaitre différents aspects de le projet des Carrats avec Arch. Axelle Macardier du groupe Histoire et Patrimoine, acteur clé du cadre opératoire du projet, l’historien Thierry Lochard, architecte au service territorial de l’architecture et du Patrimoine de la DRAC, et Michèle François, Chargée d’études documentaires à la DRAC, (Direction régionale des affaires culturelles Languedoc-Roussillon, Montpellier.) Connections Inattendues4 Finalement, deux événements dans les journées académiques «Connections Inattendues», organisées en guise de clôture du cour du Mastère, laissent aussi ses traces dans cette thèse: la participation de la chercheuse Catherine Blain, avec sa présentation “Le Carré Bleu, revue architecturale internationale: miroir de la modernité de l’après-guerre (1958-1978)” ouvre des pistes à suivre sur le rôle des médias dans la production et la diffusion de la pensée architecturale. De même, la visite aux Carrats guidés par le chef de projet de l’opération de réhabilitation, Arch. Jonathan Foucauld, aussi dans le cadre des Journées Académiques, fonctionne comme élément déclencheur du choix des Carrats comme cas d’étude.

3 Tom Avermaete. Anothern modern. The post-war architecture and urbanism of Candilis-JosicWoods (Rotterdam:NAi, 2005) 57. 4  Pour 2019 l’ENSAM, avec le GRF HITLab, organise les journées d’études intitulées « Connexions Inattendues / Conexiones Inesperadas » réunissant étudiants et enseignants de l’ENSAM, étudiants et enseignants de l’Arkitektura Goi Eskola Teknikoa, Arkitektura Saila, composante de l’Euskal Herriko Unibertsitatea (EHU), San Sebastian, Espagne, étudiants et enseignants du Mastere Professionnel Métiers du Patrimoine de l’Université d’Aix-Marseille, et des personnalités françaises et étrangères invitées : Catherine Blain (EnsaLille), Jorge Nudelman, Architecte UdelaR (Montevideo) - UPC (Barcelone), Jordi Roig, architecte UPC (Barcelone).

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I.II.II Antécédents de recherche a Montevideo Il y a quelques années on recherche la problématique des immeubles vacants dans les quartiers centraux à Montevideo ainsi comme la possibilité de réutilisation des dites logements5. Les résultats des travaux menés autour de l’immobilier vacant à Montevideo, indiquent la nécessité d’intégrer la dimension de la gestion patrimoniale aux problèmes de vacance. L’équipe de recherche a travaillé et a consolidée des ouvrages de référence, tels que: «IVABC Relèvement, conceptualisation et caractérisation de propriétés visiblement abandonnées dans les municipalités B et C» (2014); «IVA ACM Étude des immeubles visiblement abandonnées dans les quartiers centraux de Montevideo et cartographie de politiques publiques» (2016); «reHabita_MVD2020 Propositions visant à réutiliser le parc immobilier de logements vacants dans les quartiers centraux de Montevideo pour résoudre les problèmes d’inclusion sociale» (2017-2018), et «(CO)LIVING_MVD202020. Vers un programme de logement partagé à faible coût dans les immeubles vacants situés dans les centres-villes» (2018). Selon les travaux susmentionnés, la vieille ville de Montevideo concentre la plus grande densité d’ immeubles vacants en Uruguay et, à son tour, la plus grande quantité de propriétés à valeur patrimoniale. Ainsi, de nombreux témoignages architecturaux de l’histoire de Montevideo sont aujourd’hui vides et/ou en voie de détérioration. Dans le domaine du patrimoine architectural en Uruguay, bien que des efforts (de secours) précieux soient déployés au niveau national, la sortie réussie de la gestion des architectures du patrimoine n’est pas évidente. Il y a un manque de formation concernant le mode d’intervention et de gestion, les possibilités techniques de récupération, le domaine réglementaire et l’importance financière et sociale de la réhabilitation des biens du patrimoine. Dans ce cadre, depuis 2014, on a relevé, caractérisé et étudié la faisabilité de développer des thématiques innovantes dans les immeubles comme l’agriculture urbaine, des espaces partagés d’étude et travail, ou le logement social collectif partagé. On a étudié et contrasté la législation nationale6 et internationale sur les immeubles vides, notamment, la législation française. Enfin, on a étudié le vide comme phénomène urbain, mais délaissé la dimension matérielle qu’abrite ce vide; l’architecture que le contient. Visite du MSAPC aux Carrats, Juin 2019.

5  Auteurs Arch. Gonzalo BUSTILLO, et Arch. Mariana URES. 6  Je me réfère, par exemple, à l’ouvrage «Modernos» sur l’architecture moderne en Uruguay. https://issuu.com/iha.fadu/docs/modernos-set-2015

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Ainsi, les deux tiers des immeubles vides du quartier de l’ancienne ville de Montevideo ont une protection patrimoniale importante (3 et 4, sur une échelle de 1 à 4, lorsque 1 est la protection plus faible et 4 la plus forte). Dans ce sens, il est essentiel d’explorer les cas de récupération patrimoniale afin d’en étudier les outils de gestion mis en jeu, les méthodes d’étude qui favorisent ces cercles vertueux et ainsi que la révision de la notion de patrimoine.

I.II.III Sources secondaires Cette thèse s’appuie sur l’étude d’une bibliographie spécifique sur l’œuvre de Georges Candilis, et le projet de Village de Vacances des Carrats; la théorie de la réception et la réception de l’architecture moderne, et sur la notion de patrimoine à l’ère de l’Anthropocène.

Candilis et Les Carrats Pour suivre le travail de Candilis, les publications de Tom Avermaete, et de Laurent Duport ont été suivies. Dans le cas du premier auteur, le livre «Anothern Modern. L’architecture et l’urbanisme d’après-guerre de Candilis-Josic-Woods7» de 2005, rassemble les résultats de sa thèse de Doctorat en Architecture, Histoire et Théorie de l’Université Catholique de Louvain, Belgique. Il propose une approche de la manière de produire et de penser l’architecture de Candilis Josic et Woods en mettant l’accent sur les circonstances de la modernisation française, la décolonisation et l’inscription du trio dans l’effervescence du mouvement moderne. Dans le cas de Laurent Duport, l’article «Georges Candilis (1913-1995) architecte pour le plus grand nombre8» reprend sa participation au Congrès International «Le Corbusier, 50 ans après» à Valence. Ce travail est très éclairant par rapport à l’évolution de la façon de travailler de Candilis, (ses liens, la persistance de son rôle comme «modèle-messager», ses publications) ainsi que les continuités dans son propre travail (par exemple, la recherche soutenue sur l’habitat individuel). D’un autre coté, le travail de Julie Cisterne et Johan Py sur Les Carrats comme Patrimoine XXeme siècle9, ainsi comme la thèse du Mastère de Cisterne «Ressources Modernes10», les deux développées au sein du Master MSAPC ENSAM 2018-2019, sous l’encadrement de Emmanuel García, ont contribué à la prise en compte du patrimoine moderne en tant que ressource. 7  Avermaete, Anothern modern. 8  Laurent Duport. «Georges Candilis (1913-1995) architecte pour le plus grand nombre» Le Corbusier, 50 years later. International Congress Universidad de Valencia, 2015. 9  Julie Cisterne et Johan Py, «Les Carrats Patrimoine du XXème siècle» (MSAPC, ENSAM, 2018) 10  Julie Cisterne, «Moderne Ressources» (Thèse Professionnelle MSAPC, ENSAM, 2018)

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Réception En tant que source sur la réception de l’architecture, et contribution au domaine de l’histoire de l’architecture, on as travaillé avec les «Cahiers thématiques. Architecture Histoire / Conception» issue de l’équipe de recherche de l’École d’Architecture de Lille, dirigé par Richard Klein et Phillipe Louguet11. Bien que les sujets choisis: la vie et la façon de produire connaissance de Candilis, ses textes et le projet pour Les Carrats, sont couverts par l’historiographie et l’histoire de l’architecture moderne, ce travail de thèse propose une approche du sujet en deux temps: le moment de la genèse et celui de l’actualité, depuis le prisme qu’offre la théorie de la réception où l’examen de la réception s’impose comme une condition de la connaissance des projets et de la préservation physique des édifices12.

Ère de l’Anthropocène Parallèlement, il est proposé d’intégrer dans les sources secondaires la révision de la notion Ère de l’Anthropocène à la notion de patrimoine, d’un point de vue (de sa valeur) contemporain. Pour cela, nous passons en revue la notion d’ère de l’Anthropocène. Cela implique une réorientation vers les sciences de l’écologie et les nouvelles recherches d’architectes et d’ingénieurs en relation avec les conséquences environnementales des modes de conception et de production de l’architecture et de la ville. Dans ce cas, la revue bibliographique considère un ensemble d’auteurs fondamentaux sur ce sujet, qu’ont guidé la réflexion sur cette thématique dès années 70 jusqu’à aujourd’hui. Finalement, on a travaillé avec le texte de Françoise Choay «Le patrimoine en question. Anthologie pour un combat» (2009), pour connaître l’évolution du concept de Patrimoine et de Monument en France et en Europe.

11  Richard Klein et Phillipe Louguet, La Réception de l’architecture (Lille: Publications des équipes de recherche de l’Ecole d’Architecture de Lille, 2002) 12  Klein et Louguet, La Réception de l’architecture.

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I.III Les définitions I.III.I Réception13: La théorie de la réception Hans Robert Jauss14 (1921-1997) fondateur de la théorie de la réception dans le domaine de la littérature, cherche à élargir le champ de la recherche strictement sur l’auteur et l’œuvre, à déplacer l’attention et l’objet d’analyse vers le lecteur, le spectateur, l’auditeur, à étudier la fonction historique du destinataire. Contrairement à l’histoire positiviste et formaliste de l’architecture, la question de la réception considère le temps et l’usage dans toutes ses dimensions. Réception et patrimoine Selon Richard Klein et Philippe Louguet, l’examen de la réception s’impose comme une condition de la connaissance des projets et de la conservation physique des édifices15. Dans ce sens-là, la réception en architecture acquiert un sens opérationnel pour réfléchir sur l’architecture en termes patrimoniaux. Espaces et temps: types des réceptions Le concept de réception selon Gérard Monnier évoque des espaces et temps différents16. Contrairement à d’autres produits culturels, le bâtiment est situé à un seul endroit. En ce sens, la réception de l’architecture s’inscrit dans trois types d’espaces: l’usage de l’objet lui-même, l’espace local (le quartier, la ville, le paysage), et l’espace dans lequel le bâtiment existe en tant que lieu touristique, de recherche, d’information professionnelle, etc. Ces trois types d’espaces correspondent à différents types de réceptions. La réception dans le temps dépend des opérations effectuées sur le bâtiment. Toutes les formes d’intervention matérielle dans le bâtiment sont considérées comme productrices de sens (entretien, réhabilitation, transformation, destruction) et les opérations documentaires ou institutionnelles sont également inscrites dans le processus de réception d’un bâtiment. La réception acquiert ainsi une dimension culturelle et politique évidente.

13  Pour l’élaboration du concept de réception qu’on utilisera dans ce travail, on suivrons les réflexions élaborées par le groupe de recherche Architecture,Ville et Histoire, de l’Ecole d’Architecture de Lille, publié dans le deuxième cahier thématique de sa collection.Voir bibliographie. 14  Hans Robert Jauss, était un philologue spécialisé dans la littérature française médiévale et moderne. Il est considéré comme l’un des pères de l’Esthétique de La Réception. Il a publié «Pour une esthétique de la réception» en 1978. 15  Klein et Louguet, La Réception de l’architecture. 16  Gérard Monnier. «L’architecture et sa réception» dans La réception de l’architecture, Ecole d’architecture de Lille. Klein, Louguet. (Lille, 2002) 43.

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Réception et architecture moderne. Les émetteurs du jugement Selon Fabienne Chevalier, une des caractéristiques de la réception de l’architecture moderne est le réseau complexe des faiseurs d’opinion: décideurs politiques et clients, utilisateurs, voisins, historiens, techniciens, différents acteurs du jugement esthétique particulièrement importantes dans la construction de l’historiographie de l’architecture du XXe siècle. Les figures du jugement. Figures comme l ‘héroïsme ou le genius loci, qui ont alimenté la chronique et les récits de projets de l’architecture moderne sont a confronter à la réalité historique afin de restituer la complexité des œuvres. Le travail sur la fortune critique d’un bâtiment ou d’un architecte prend sens dans la confrontation entre les figures de la critique et les circonstances du bâtiment. L’analyse du jugement La notion de «horizon d’attente», cherche repérage des contextes pertinents pour la formation de jugement. Appliqué à l’objet d’architecture, en reconstituant les horizons d’attente, l’historien doit s’intéresser de manière précise á la biographie des acteurs du jugement et a leurs sujets d’intérêt dans une période historique et géographique donnée. La question de «l’horizon d’attente» est présentée par Jauss comme une analyse utile du jugement. Par exemple, La pénurie de logements sociaux dans la France de l’après-guerre, sont des facteurs essentiels pour la formation de l’horizon d’attente des usagers17. La réception de l’architecture moderne Un texte et une projet bâti de Georges Candilis sont étudiés en tant qu’objets de réception de l’architecture et pourtant sources primaires du travail. Dans l’analyse du texte, nous souhaitons montrer le contexte politique dans lequel ces interventions se déroulent et quels sont les acteurs qui permettent ces interventions. D’autre part, le village de Vacances Les Carrats. Dans ce cas, une analyse en deux temps du travail est effectuée: lors de sa conception (1969) et lors de l’intervention de sa réhabilitation contemporaine (2019). Dans l’analyse de ce objet d’architecture, nous souhaitons montrer le contexte politique dans lequel le travail est effectué et quels sont les acteurs qui permettent les interventions.

17  Fabienne Chevalier, «La réception, les objectifs et les méthodes de l’histoire de l’architecture» dans La réception de l’architecture, École d’Architecture de Lille. Klein, Louguet. (Lille, 2002) 47.

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I.III.II Patrimoine à l’Ère de l’Anthropocène «Le patrimoine dont il sera question ici est constitué par le cadre bâti des sociétés humaines.» Françoise Choay.

«L’ère de l’Anthropocène» est un terme crée vers la fin du XXe siècle par le météorologue et chimiste de l’atmosphère Paul Jose Crutzen et par Eugene Stoermer, biologiste, pour désigner une nouvelle époque géologique. L’Anthropocène serait la période durant laquelle l’influence de l’être humain sur la biosphère a atteint un tel niveau qu’elle est devenue une « force géologique » majeure18. Depuis la crise pétrolière de l’année 1973, l’inquiétude des intellectuels et des théoriciens du monde entier au sujet de l’environnement et de l’autonomie énergétique de la planète Terre s’est accrue dans les années 1970 dans le contexte de la réduction du pétrole brut convenue par les principaux pays exportateurs de l’Afrique et du Moyen-Orient, aux pays du monde occidental. À partir de ce moment, on reconnait une série de publications clés: «Les limites de la croissance19», commission du Massachusetts Institute of Technology (MIT) au Club de Rome. Rapport dirigé par Donella Meadows; «C’est maintenant! 3 ans pour sauver le monde20», Jean Marc Jancovici avec Alain Grandjean, du 2009. Jancovici est l’une des principales personnalités médiatiques de la prise de conscience du niveau de détérioration de l’environnement sur la planète Terre. Dans le même temps, différents théoriciens ainsi que des décideurs politiques ont indiqué des alternatives au PIB en tant qu’indice du bien-être d’un pays: Le rapport Brundtland de 1987 de l’ancien Premier ministre norvégien Gro Harlem Brundtland fait le parallèle entre le développement économique actuel et celui de la durabilité environnementale, dans le but d’analyser, de critiquer et de repenser les politiques mondiales de développement économique, en reconnaissant que le progrès social actuel a un coût environnemental élevé. Dans ce rapport, le terme développement durable a été utilisé pour la première fois. De sa part, Tim Jackson, dans «Prospérité sans croissance. Une économie pour une planète finie21», 2011. Où, l’économie du monde d’aujourd’hui est plongée dans un carrefour dont dépend l’avenir de l’humanité, nos modèles et les pratiques de croissance économique luttent de plus en plus intensément contre la durabilité de la vie humaine sur Terre. Raphaël Ménard, architecte, ingénieur, écologue. Impliqué dans les processus de production zéro carbone, la vulnérabilité urbaine et la résilience face au 18 https://fr.wikipedia.org/wiki/Anthropoc%C3%A8ne 19  http://www.donellameadows.org/wp-content/userfiles/Limits-to-Growth-digital-scan-version.pdf 20 https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Marc_Jancovici 21 Tim Jackson, «Prosperidad sin Crecimiento. Economía para un planeta finito», (Barcelone: Icaria Editions, 2011)

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changement climatique. Dans le cadre de la crise environnementale à laquelle on face aujourd’hui, on se propose de regarder Les Carrats depuis sa valeur esthétique et culturelle mais surtout depuis sa valeur en tant que ressource. Selon la célèbre philosophe Françoise Choay, l’usage courant de l’expression «patrimoine» apparaît en France dans les années 60. «Le mot patrimoine, assorti de l’adjectif «culturel» est lancée en France dès 1959 par André Malraux devenu Ministre d’État chargé des Affaires Culturelles». La Loi n°62-903 du 4 août 1962 completant la legislation sur la protection du patrimoine historique et esthétique de la France et tendant a faciliter la restauration immobilière dit Loi Malraux22, créa des secteurs sauvegardes (lorsque ceux-ci présentent un caractère historique, esthétique, ou de nature de justifier sa conservation] où est établi un plan de mis en valeur. La défiscalisation Malraux permet aux propriétaires d’immeubles anciens, restaurés et loués, de déduire les dépenses liées à la restauration du bien immobilier de leur revenu global. La loi Malraux permet aux propriétaires d’immeubles anciens, ayant fait l’objet d’une restauration complète et donnés en location, de déduire de leur revenu global le déficit foncier résultant des travaux de restauration. Avec cette défiscalisation, toutes les dépenses nécessaires à la restauration sont déductibles du revenu global sans plafonnement de leur montant. Le bien doit être loué pendant 9 ans et situé dans une zone entrant dans le cadre de la loi Malraux. La loi Malraux a changé depuis le 1er janvier 2009. Désormais, les modalités de la loi Malraux sont une réduction d’impôt et non plus une déduction d’impôt. La gestion des monuments historiques, sa juridiction et restauration, de sa part, remonte au XIXe siècle, en Europe, de la main de Camilo Boito, et Giovannoni en Italie, Ruskin en Angleterre et Viollet Le Duc en France. Dans son article «Restauration» du Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle (1854-1868) Viollet Le Duc écrit: «Le meilleur moyen de conserver un édifice, c’est de lui trouver un emploi» et aussi: «(...) le mot et la chose sont modernes. Restaurer un édifice (...), c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé.» Ainsi, il se positionne comme symbole du progressisme français promouvant une approche historique et didactique de la restauration23.

22 https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JPDF0708196200007813&pageCourante=07813 23  Françoise Choay, Le patrimoine en questions. Anthologie pour un combat (Paris:Seuil, 2009)

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Ainsi, l’approche proposée dans cette thèse à l’approche de la transformation des Carrats, tire de Viollet Le Duc le principe de l’importance de l’utilisation du bâtiment comme moyen de le conserver, et des données et des théoriciens contemporains qui nous alertent sur la crise de l’environnement, l’ invitation à penser l’architecture moderne comme une ressource.

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II. Candilis [1913-1995] La (nouvelle) façon de faire de Candilis. Le projet sur le bâti. L’essai multiple. La condition étrangère Les autres possibles. Le travail collectif. Vers le plus grand nombre. La trace russe. La répétition. Les typologies Le patio la mer le soleil de la Méditerranée. Toutes les manières possibles de dire, penser, insister avec l’architecture.

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II.I. Note biographique Ghiorghios Candilis est né le 23 de mars de 1913 à Bakou (Empire Russe) et est disparu Georges, le 10 de Mai de 1995 à Paris (France). Trois circonstances sont déterminantes dans la construction de sa figure et dans la compréhension de son travail: la toile de fond de l’architecture moderne et le rôle particulier que Candilis a joué dans les Congrès Internationaux d’Architecture Moderne (CIAM) depuis sa première participation à Athènes en 1933, l’ accès à l Atelier de Le Corbusier à Paris en 1946, et aux possibilités offertes par le scénario français de la reconstruction et les Trente glorieuses.

II.II. Homme de terrain Le résultat d’une première exploration de la figure de Candilis autour de ses réalisations et projets architecturaux propose une cartographie à l’échelle planétaire, une seconde reliée à l’égide de la Méditerranée, une troisième au territoire métropolitain français et une quatrième à ses interventions en Occitanie. Si la Méditerranée est le centre des interventions de Candilis dans le monde, l’Occitanie est en relation avec la France. Le vaste territoire dans lequel il essaye son architecture va de l’Amérique centrale à l’Arabie Saoudite, du Pérou au Kuwait. Pendant la période d’activité professionnelle, Candilis intervient dans au moins 18 pays et 45 villes, étudie et développe des projets pour les religions juive, musulmane et chrétienne. Pour réfléchir sur la façon de produire architecture de Candilis, une approche sur une possible définition de territorialisation24 est proposée. On souhaite relier la notion de territorialisation à ce travail à la notion d’»homme de terrain» avec laquelle Avermaete souligne la contribution épistémologique du Team X à l’historiographie du mouvement moderne. Selon les mots de l’auteur: «Pas l’atelier mais la réalité du terrain25». On voudrait aussi faire le lien avec le domaine philosophique; le mouvement qui se produit quand on pense le territoire par rapport au terrain. L’incorporation du terme territoire ou territorialisation dans le domaine de la philosophie apparaît avec récurrence chez les penseurs français Deleuze, Guattari et Foucault. On n’oserait pas prendre le risque de savoir qui a été le premier ou s’ils ont été les trois seuls à avoir pensé à cette notion. Dans tous les cas, les connaissances présentées ici seront partielles.

24  Le mot Territorialisation est proposé par Laurent Duport dans le cadre de l’Atelier de Projet pour réfléchir sur la production architectural de Georges Candilis. 25  Avermaete, Anothern Modern.

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Dans ce sens, on trouve des résonances dans l’Alphabet de Deleuze26, lorsqu’il parle de l’expérience artistique. Bien que dans Mille Plateau (Deleuze et Guattari) il y a une distinction dans la notion de territoire, passer par ce qu’ils proposent est une façon de penser et d’enrichir le concept. Une troisième considération de la notion de territoire apparaît dans l’approche proposée par Foucault dans Sécurité, territoire et population27, en l’occurrence liée à la biopolitique. Enfin, l’opération productive territoriale dans le sens de l’immanence, en suivant Deleuze, ouvre à son tour de nouvelles façons de penser et de faire qui se refléteraient dans les effets. Le terme de territorialisation est lié à la manière avec laquelle Candiis essaie son architecture sur la carte du monde. Ce concept peut jouer dans le champ sémantique de la terre, tandis que Candilis est intégré à la production architecturale de l’architecture moderne en tant »homme de terrain», produisant ainsi le virage épistémologique posé par Avermaete28, dans la nouvelle manière de produire une pensée architecturale: «Par épistémologie je fais référence à la façon dont les connaissances architecturales concernant l’environnement bâti sont acquises, traitées et appliquées» Candilis Josic et Woods ont introduit une nouveauté dans le domaine et l’histoire du CIAM. Une façon inédite d’obtenir, comprendre et gérer la connaissance architectonique sur le domaine publique29. Cette réorientation épistémologique englobe deux déplacements: Une conception de la connaissance de l’architecture qu’implique la lecture ou analyse d’une ville déjà existente et pas la création d’une ville a neuf. Suite, un nouveau rôle de l’architecte. Dans le travail de C-J-W, l’architecte ou l’urbaniste sont des hommes de terrain. La nouvelle compréhension de l’environnement bâti dans les travails de C-J-W, précède les positions dans les débats d’ après guerre autour de l’habitation, l’espace public et les loisirs. Culture d’après guerre Apres avoir habité en Azerbaïdjan, Turquie et Athènes. Candilis arrive en France en 1945: les théories et projets qu’il développe sont marqués par les circonstances de la culture française d’après guerre -notamment les Trente glorieuses, période entre 1946 et 1975-. Ainsi, la guerre a produit une atmosphère intellectuelle 26  L’Abécédaire de Gilles Deleuze est un documentaire français produit par Pierre-André Boutang tourné entre 1988 et 1989, qui consiste en une série d’entretiens entre le philosophe et Claire Parnet. 27  Le cours prononcé par Michel Foucault au Collège de France de janvier à avril 1978, Sécurité, Territoire, Population. 28  Avermaete, Anothern modern. 29  Avermaete, Anothern modern.

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pendant les années d’après guerre favorisant les attitudes critiques par rapport a la normative et les conceptions sur l’habitat. D’un autre cote, la relation entre les travaux de C-J-W et la décolonisation montre l’importance assignée a l’ethnologie et la sociologie dans l’Empire colonial français, comme tentative de contrôle des situations turbulentes notamment à Maroc et Algérie. En plus, la position marginale de ce deux pays (en dehors du caractère contraignant des projets à grande échelle de la reconstruction) offreur de vastes opportunités pour l’expérimentation.

[Connexions inattendues] Après 13 années d’exil forcé en raison de la Guerre civile espagnole, Antonio Bonet rentre à Barcelone en 1949. C’est l’année où il assiste en tant que délégué argentin du VII CIAM à Bergame. Avant de rentrer a Buenos Aires il s’arrêtera dans sa ville natale où il recevra la commission de construction d’une maison située près de la lagune de La Ricarda, dans la ville côtière d’ El Prat del Llobregat30. Candilis, qui en 1949 travaille depuis trois ans dans l’atelier de Le Corbusier, arrive à Bergame avec le dépliant de présentation de l’Unité d’Habitation de Marseille, chargée de représenter Le Corbusier.

[

C

Paris B

Barcelona

B

Buenos Aires

1949

Bergamo- VI CIAM

]

30  Jordi Roig. «La Ricarda, work in progress» (conférence présenté a l’occasion des Journées d’études Connexions Inattendues, du MSAPC de l ÉNSA Montpellier, France, Juin 2019)

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A gauche: Parcours de Antoni Bonnet et Georges Candilis vers le CIAM VII à Bergame. A droite: Territorialisation. Projets réalisées par Candilis au Méditerranée, France et la région d’Occitanie.

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I.III. Vers le plus grand nombre Antécédents Candilis arrive en France à l’âge de 32 ans. L’année suivante, en 1946, Le Corbusier lui offre la direction du chantier de l’Unité d’habitation de Marseille. De la rencontre avec Bodiansky31 à l’Unité, il travaille comme directeur des ATBAT (Ateliers des bâtisseurs) en Afrique, structure créée par Le Corbusier, Vladimir Bodiansky et André Wogensky. En 1954, et en raison des tensions politiques, ils doivent battre en retraite et rentrer en France. Les événements qui se produisent entre 1949 et 1953 sont fondamentaux : En 1953, au sein du CIAM IX, à Aix-en-Provence, Candilis présent «L’habitat minime» et en 1954, à son retour en France, il rencontre l’architecte yougoslave Alexis Josic (1921-2011). Tout suite après la création de l’agence, la nouvelle équipe formée par Candilis Josic y Woods à Paris, remporte l’Opération Million: une «campagne du gouvernement français pour abaisser le coût de construction d’un logement de 3 pièces de 48 m² pour un budget d’1 million de Francs de l’époque en élaborant des modèles standards applicables immédiatement32». Ainsi commence une recherche qui se poursuivra pendant quinze ans, autour de l’habitat pour le plus grand nombre. Ces recherches sur l’habitat minimum et l’habitat pour le plus grand nombre, prendront du sens dans les circonstances spécifiques de la France d’aprèsguerre et du retour des expatriés après le pacte d’Evian de 1962. Certaines des préoccupations de Candilis s’appuieront sur les recherches typologiques et programmatiques développées par le groupe d’architectes d’avant-garde russe, l’Union des Architectes Contemporains entre les années 1926 et 193233.

[Moscou, 1929] De la Russie révolutionnaire et dans le cadre des mesures de nationalisation de la terre et d’abolition de la propriété privée, les maisons uni-familiale bourgeoises deviennent habitées par plusieurs familles et s’appellent Dommakommuny, Communes, où dans la plupart des cas la cuisine sert le groupe des

31 Vladimir Bodiansky (1894-1966) est un ingénieur russe nationalisé français, créateur de l’ATBAT en 1945 avec Le Corbusier et l’ATBAT Afrique avec Georges Candilis. 32  Duport, Georges Candilis (1913-1995). 33  Association architecturale d’avant-garde née en Union soviétique, active entre 1925 et 1932 et dissoute par la dictature stalinienne. Entre 1926 et 1930, ils publièrent la revue Sovremennaya Arkhitektura (Architecture contemporaine).

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familles qui habite la maison, et le hall d’entrée devient le salon commun34. Dans les années 1920, à la suite de la crise aiguë du logement dans les grandes villes de l’URSS, Moisei Ginzburg (1892-1946) entame avec d’autres architectes d’avant-garde un processus de recherche visant à étudier la typologie des nouveaux logements ouvriers. Le concours du logement communal de 1926 montre à quel point la recherche typologique inclut des éléments d’usage commun comme les salles à manger, les cuisines, les bibliothèques, les salles de lecture, les ateliers, les laveries, les crèches et les jardins d’enfants. Entre 1928 et 1930, Ginzburg et Milinis commencèrent la construction du Narkomfim, le bâtiment du Commissariat du peuple aux finances, qui, selon Ginzburg lui-même, serait un prototype, une habitation expérimentale de type transitoire vers la définition d’un nouvel ordre de vie. Le défi est d’accueillir 50 familles, soit environ 200 personnes. La proposition initiale comprend un bloc de garderie, un bloc résidentiel, un bloc de buanderie et un quatrième pour les activités communes. A la fin de sa construction, il s’agissait d’un groupe formé de trois bâtiments : le bâtiment résidentiel, le bloc communautaire relié au premier par un couloir couvert au premier étage, et un petit bâtiment qui servait de buanderie. L’immeuble d’habitation : Les appartements, au total 54 unités, sont organisés le long de deux larges couloirs qui, avec le jardin sur le toit, ont été conçus comme pointes de rencontre entre voisins. Aux deux extrémités du bloc, il y avait des escaliers. Le bloc résidentiel a pris la forme d’un étage libre sur pilotis. Les logements ont été conçus selon deux modèles de noyau familial, l’un destiné aux personnes seules ou aux couples sans enfants, liés à l’économie communautaire et l’autre aux familles ayant tendance à maintenir leur propre économie. Dans ces modèles, les cuisines étaient soit conçues pour chauffer les aliments préparés dans les cuisines collectives, soit, malgré leurs dimensions réduites, elles permettaient la préparation totale des aliments35. En 1932, le stalinisme interrompe les recherches et les projets plus audacieuses. D’autre part, le travail développé par Michel Écochard36 au Maroc est d’une grande influence. La convergence d’ATBAT - Afrique et les travaux d’Écochard depuis la Direction de l’Urbanisme du Service Marocain de l’Urbanisme, a donné naissance au groupe GAMMA. Le fruit de cette collaboration sera présentée au CIAM IX à Aix-en-Provence, avec le projet Sémiramis à Casablanca37.

34  D.Movilla y C. Espegel, “Hacia la nueva sociedad comunista: la casa de transición del Narkomfin», Habitat y habitar Universidad de Sevilla (2013). 35  Bustillo, Ures. Coliving_MVD2020. 36  Michel Écochard (1905 - 1985) architecte et urbaniste français en charge de Casablanca et travaille au Pakistan, au Liban et en Syrie. Entre 1946 à 1953, Michel Écochard est responsable du service de l’urbanisme du Maroc. 37  Duport, Georges Candilis (1913-1995).

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Semiramis et Nid d’abeille (1954) Casablanca Dans le cas des projets au Maghreb, notamment Nid d’abeille et Semiramis, apparaissent dans l’historiographie comme des opportunités importantes d’exploration architecturale en raison de l’absence de la réglementation qui régule les opérations de la reconstruction en France. Avec l’appui d’ Écochard, Candilis et Woods réussissent en 1953 avec Bodiansky à construire une cité expérimentale de 150 logements, les Carrières Centrales à Casablanca. Ce projet, les architectes se sont penchés sur l’étude de l’habitat musulman en s’inspirant du type de maison ouvrant ses espaces sur une cour intérieure ouverte. Celui-ci remplit de multiples fonctions, dont celle de ventiler et d’éclairer de la maison et d’autre part, être au centre de l’activité familiale.38 Ainsi, la forme des bâtiments est déterminée par deux aspects: la vie qui se déroule dans les bâtiments et les activités de la communauté qui ont lieu entre les bâtiments.39 Dans la conception de l’habitat pour le plus grand nombre, une attention particulière est accordée aux conditions sociologiques et culturelles de ceux qui vivent dans les villas marocaines traditionnelles, afin de créer de cette manière, une maison qui répond aux besoins d’ identité culturelle. Ainsi, Candilis et Woods, dans la même ligne théorique que les Smithsons, travaillant dans un contexte totalement différent, implantent dans le CIAM IX la compatibilité d’un bloc typiquement moderne avec les cellules d’habitation de la tradition du patio introverti, montrant l’intention de construire une architecture pour un contexte et un habitant spécifique, capable de faire en sorte que l’utilisateur s’identifie avec elle 40.

Parcours Occitane Comme mentionné précédemment, l’Occitanie est la région de France qui concentre la plupart de la production architecturale de Candilis. Voici quelques unes de ses œuvres: Quartier Les Escanaux (1956- 1962) Bagnols-Sur-Cèze Le quartier des Escanaux, œuvre du trio: Candilis, Josic et Woods est une des composantes de l’unité de voisinage, extension de la ville de Bagnols-SurCèze, construite entre 1956 et 1962. Le projet regroupe 1200 logements et des 38  Carolina López Garbarino et Mariana Salvarrey Moro, «Los vestigios del Team X en la contemporaneidad» (thèse de la licence en Architecture. Faculté d’Architecture, Université ORT, Encadrement: Arch. Emilio Nisivoccia, 2016), 28. 39  (Joedicke, 1968, p. 17). 40  Carolina López Garbarino et Mariana Salvarrey Moro, «Los vestigios del Team X en la contemporaneidad»

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équipements proposant une articulation entre le bourg médiéval et la nouvelle opération avec l’assemblage d’immeubles bas de cinq niveaux et des tours de quatorze étages selon une typologie d’habitat méditerranéen aux surfaces aérées prolongées par des loggias et des balcons offrant majoritairement une double orientation et des façades colorées en référence a la polychromie de Le Corbusier. Si en 1959, le premier grand prix d’urbanisme est attribué au projet des Escanaux, en 2014 le quartier est labellisé patrimoine du XXème. Aujourd’hui, les Escanaux intègrent le NPNRU 2014-2024 (Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain41) dans l’ambition d’améliorer la qualité de vie des habitants et de redinamiser le quartier. Cité-Jardin “Le Bosquet”42 « Le Bosquet » est une autre des composantes de l’unité de voisinage de Bagnols sur Cèze. Cette cité jardin organise 30 villas de tailles diverses réparties selon 8 typologies montrant la combinaison de mêmes éléments selon une variété qui assure à la fois une unité d’ensemble tout en maintenant une apparente diversité. Alors que les types construits sont regroupés selon les axes, les placettes sont formées de 4 maisons de type identique présentant un rez-de-chaussée surélevé avec un toit terrasse bordé d’un acrotère. Les différences de hauteur d’un demi-niveau ainsi que le nombre variable des pièces permettent des jeux de volumes différenciés, que souligne la variété des combinaisons géométriques des menuiseries et des jeux de couleur, à l’origine visibles sur les façades. Le 10 Avril 2014, le quartier est labellisé patrimoine XXème siècle et deux villas du bosquet, au 5 et 21 avenue de la Mayre, sont reconnues et inscrites au titre des Monuments Historiques le 26 avril 2014. Université Toulouse Le Mirail (1967 - 1975)43 L’université du Mirail est une œuvre issue de la réflexion de Georges Candilis, Woods et Josic développée lors de nombreux concours. C’est un modèle unique en France relevant de l’utopie l‘université dans la ville/ la ville dans l’université. L’ensemble est bâti presque entièrement de plain-pied. Les salles de cours sont réparties autour de nombreux patios, formant des lieux ouverts, lumineux et paisibles; Les patios sont arborés, accessibles et en parfaite harmonie de proportion avec les salle des cours créant une continuité entre les espaces intérieurs et extérieurs. Ils contribuent de façon essentielle à instaurer une atmosphère studieuse. Le projet architectural prône un enseignement du savoir non hiérarchisée plus proche de l’activité de recherche.

41 https://www.anru.fr/fre/Programmes/Nouveau-Programme-National-de-Renouvellement-Urbain 42 Textes issues du travail collaborative de l’Atelier sur la figure de Candilis. 43 Textes issues du travail collaborative de l’Atelier sur la figure de Candilis.

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A gauche en haut: «Recherches sur trame Modulor» Habitation collective marocain, Candilis et Woods, 1951. (Laurent Duport, George Candilis -1913-1995) A gauche en bas: Habitat musulman, 1953, où on peut voir déjà, le patios qu’on trouvera plus tard aux Carrats. MNAM A droite: Candilis en Occitanie. Issue du travail collective sur l’Atelier Candilis au MSAPC 2019.

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II.IV. Modèle-messager La perspective kantienne met l’accent sur l’activité de communication entre les hommes. Elle est reprise par Jauss dans la notion d’effet produit Fabienne Chevallier ce qui nous est donné à percevoir nous conditionne Bernard Deloche

L’étude des publications de Georges Candilis (1913-1995) s’appuie sur la base de données en ligne du projet de recherche sur le Team X promu par les universités techniques de Delft et Eindhoven et par le Dutch Institute of Architecture (NAi), ainsi que dans les archives de l’Académie d’architecture, Ville d’architecture et du patrimoine, Archives d’architecture du XXe siècle. A cette occasion, les documents écrits ont été pris en compte et les enregistrements audio et vidéo ont été exclus. Entre 1953 et 1980, Candilis publie plus de 30 écrits, dont six livres. Parfois signé seulement par lui, d’autres en collaboration. Parallèlement à la réalisation de son œuvre construite, il se consacre à la publication et à la diffusion de ses projets, de ses réflexions sur l’architecture, l’urbanisme, la discipline elle-même, ainsi que sur l’enseignement de l’architecture. Pour certains, l’immersion de Candilis dans le monde des publications remonte à l’offre de Le Corbusier lorsqu’il l’a invité à devenir le rédacteur en chef de la Collection Ascoral44. Vers 1946, il rejoint l’étude de la rue de Sèvres et se voit confier la réalisation de l’Unité d’Habitation de Marseille. En 1949, il sera chargé de représenter Le Corbusier au 7ème. Congrès International d’Architecture Moderne, à Bergame, en Italie. Cette participation prend la forme d’un dépliant explicatif de l’Unité d’habitation de Marseille, produit par le groupe ASCORAL, dont Candilis est le responsable du comité de rédaction45. Quelques années plus tard en 1953, dans le cadre du CIAM IX d’Aix-en-Provence, dont le thème est «L’ habitat humain», il apparaît pour la première fois comme auteur d’un article, « L’habitat individuel minimum » dans la revue l’Architecture d’aujourd’hui. Après sa publication en 1954, Candilis sera membre du Comité de rédaction pendant vingt ans et utilisera la revue assidûment comme support de diffusion de sa pensée.

44  Laurent Duport, Georges Candilis (1913-1995) architecte pour le plus grand nombre. 45  Laurent Duport, Georges Candilis (1913-1995) architecte pour le plus grand nombre.

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Ses publications peuvent être regroupées en trois thématiques : celles qui sont orientées ou liées à l’enseignement, celles qui sont à caractère de recherche et celles qui concernent un projet particulier. Lorsque l’on énumère les publications produites et leurs liens avec les œuvres, on constate que les publications rédigés par Candilis apparaissent avant, pendant et après la réalisation des projets architecturaux. On comment chronologiquement les publications importantes: Entre 1953 et 1954, Candilis publie «L’habitat individuel» a titre personnel, et «L’habitat pour le plus grand nombre» dans le programme d’études du CSTB de l’étude ATBAT, tous les deux publiés dans l’Architecture d’Aujourd’hui. Ce premier ensemble de diffusion d’idées prend racine au IX CIAM d’Aix-en-Provence, où le groupe GAMMA présente le bâtiment Sémiramis, construit au Maroc. Une deuxième série de publications a eu lieu en 1959 autour du thème de l’habitat évolutif, qui est à son tour le thème du XI et dernier CIAM. Cette fois, certaines des publications sont signées aussi avec Josic et Woods. Dans un troisième moment pendant les années soixante, les thématiques apparent sans noyau pour les définir: questions disciplinaires et pédagogiques46, nouvelles recherches sur la structure de l’habitat et la structure urbaine47, et un retour en 1968, au thème de son premier article et de sa première maison d’édition, sous le titre: «Le mythe de l’habitat individuel48». En 1960, un premier texte sur Bagnols-sur-Cèze49 toujours en chantier, est publié dans Architectural Design, et en 1968, «Toulouse50», un autre projet également en cours. Dans les années soixante-dix, on trouve des publications rétrospectives, comme celles dédiées à l’Université Libre de Berlin et au quartier Le Mirail, à Toulouse51. Dans la même veine, il publie Bâtir la vie en 197752. Mais cette dernière période soulève aussi de nouveaux thèmes: En 1972, Candilis publie: Recherches sur l’Architecture des Loisirs, a Stuttgart, édition trilingue, en développant encore le projet pour la Station Village Vacances a Port Leucate-Barcarès. Parmi toutes les revues qui publient sur Candilis et dans lesquelles Candilis publique-ci, certaines occupent une place très importante dans la diffusion de l’architecture moderne: 46  «La formation de l’architecte» Georges Candilis. Architectures, formes et fonctionnes 12. Lausanne, 1965. 17. 47  «A la recherche d’une structure urbaine» Georges Candilis, Architecture d’ Aujourd’hui #101, Paris 1962. 50-51. 48  «Le mythe de l’habitat individuel» Georges Candilis, Architecture d’ Aujourd’hui #138, Fev-Mars. Paris, 1968. 23. 49  «Bagnols-sur-Cèze» Georges Candilis. Architectural Design, Londre, 1960 #5 182-185. 50  «Toulouse» Georges Candilis, Alexis Josic, Shadrach Woods, Paris, 1968. Architecture d’aujourd’hui #139, Avril 57-60 51  «Berlin free University» Londre, 1974. Georges Candilis, Alexis Josic, Shadrach Woods, Architectural Design #1, 14-17. 52  «Bâtir la vie: un architecte témoin de son temps» Georges Candilis, Stock. Paris, 1977.

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il s’agit de l’Architecture d’Aujourd’hui (1954- ), Architecture, formes + fonctions (1950- 1971), Architectural Design (1930-1989), Techniques et Architectures (19412007), ou Le Carré Bleu (1958-2019). (Selon l ordre des quantités des publications de Candilis). Il est impossible de penser l’œuvre de Candilis sans considérer les connexions et influences sur les médias. Ainsi les années 50 inscrivent le début de la présence de l’architecte dans les médias suite au IX CIAM (1953). Les années 60 sont par la suite la période la plus marquante avec la création de TEAM X et la réalisation de nombreux projets largement publiés comme Toulouse le Mirail, l’Université libre de Berlin ou encore l’extension de Bagnols-sur-Cèze. Architecture d’Aujourd’hui (1954- ) Fondée en 1930 par l’architecte, sculpteur et éditeur André Bloc, l’Architecture d’Aujourd’hui est une revue ouverte sur les disciplines de l’urbanisme, du design, des arts et du paysage. Dès le premier numéro, le rayonnement est l’international grâce à un comité de rédaction prestigieux rassemblant notamment Le Corbusier, Robert Mallet-Stevens ou encore Auguste Perret. Architecture, formes + fonctions (1950- 1971) Revue annuelle suisse d’architecture, d’urbanisme et d’arts plastiques dirigé par Anthony Krafft. Chaque fascicule contient des résumés en anglais, allemand et italien. Architectural Design (1930-1989) La revue AD est fondée au Royaume-Uni en 1930 sous le nom de « Architectural Design and Construction ». En 1946 elle est dirigée par Monica Pidgeon alors rédactrice en chef. Charles Jencks le père théorique de l’architecture postmoderne prend le relais à la fin des années 1970. De nombreuses disciplines jumelées au développement architectural de l’époque sont proposées par les rédacteurs de la revue telle que les théories avantgardistes du mouvement postmoderne de 1970 à 1980, le déconstructiviste, l’architecture BLOB, l’architecture numérique. Techniques et Architectures (1941-2007) Revue de renommée internationale spécialisée en architecture et design, elle est fondée en 1941 sous l’égide de Georges Massé, alors directeur de la rédaction. Ce dernier est accompagné d’Auguste Perret, Le Corbusier, Robert Le Ricolais et Jean Prouvé. Le Carré Bleu (1958-2019) La feuille internationale d’architecture, le carré Bleu parait en 1958 grâce au groupe des CIAM finlandais suite au dernier Congrès International d’Architecture Moderne à Helsinki. La revue est axée sur trois thématiques majeures : les formes architecturales et les techniques constructives, et les fonctions socioéconomiques et culturelles. 38 | Les Carrats


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Couvertures des principaux revues de diffusion de la pensĂŠe de Candilis.

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A gauche: «Candilis sur les Médias» issue du travail collectif de l’Atelier sur Candilis, MSAPC, 2019. A droite en haut: Couverture de la revue russe «Architecure Contemporaine»,1927 propriété de George Candilis. A droite en bas: Couverture de la revue ASCORAL, dirigé par Le Corbusier, 1945.

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III. Les Carrats [1969 a 2019] les bâtiments, le paysage le détail la route l’ individu le collectif les connexions possibles la possibilité de changer les vacances pour tous la carte opérationnelle les cartographies des acteurs.

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III.I. Présentation Leucate Leukos Blanc Laucata

Le Village de Vacance Les Carrats conçu par les architectes Candilis, Wursteisen, Raoux et Knyszewsky en 1969, fait partie de la station balnéaire de Port LeucateBarcarès, une des six unités touristiques prévues par la Mission Racine, pour lequel Candilis a été nommé en 1964. Les Carrats, encore en activité jusqu’en 2012, est un de ces ensembles bâti et paysager remarquablement conservé, labellisé Patrimoine XXe siècle puis inscrit Monument Historique53. A l’heure de la crise environnementale et de la destruction de l’héritage contemporain, le projet des Carrats est un cas d’étude virtuose dans son mode opératoire54.

III.II La culture des loisirs La mission Racine et le tourisme de masse La mission interministérielle d’aménagement du littoral du LanguedocRoussillon, dite Mission Racine, est une structure administrative créée le 18 juin 1963 par l’État pour conduire de grands travaux d’infrastructure en vue de développer le littoral dans les départements du Gard, de l’Hérault, de l’Aude et des Pyrénées-Orientales. Cette mission était rattachée à la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale, créée par le général de Gaulle et Georges Pompidou et confiée à Pierre Racine, conseiller d’État. Elle a fonctionné de 1963 à 198355. La Mission Racine s’inscrit dans les décennies qui suivent la fin de la Seconde Guerre Mondiale, période dite des «Trente glorieuses». Elle commence par la reconstruction des pays déchirés par la guerre, le retour au plein emploi, une forte croissance de la production industrielle et une hausse significative du taux de natalité. Le boom prend fin en 1973 avec la crise pétrolière. Dès les années 1950, l’accroissement du pouvoir d’achat des ménages, la baisse du temps de travail, la généralisation de la voiture permettent à chacun de se tourner vers les loisirs56. 53  Novembre 2010 attribution du label « Patrimoine du XXe siècle » attribué par le Ministère de la Culture au Port Leucate et Port Barcarès. Juillet 2014 Le Village de Vacances Les Carrats est inscrit MH. 54  Cisterne et Py, «Les Carrats une ressource en chantier» 55  Direction Regional d’Affaires Culturelles. (La Mission Racine. Les nouvelles stations Balnéaires du Golf du Lion, 2018 ) 56  DRAC (La Mission Racine. Les nouvelles stations Balnéaires du Golf du Lion, 2018 )

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Les pouvoirs publics développent alors une offre de tourisme sur le littoral méditerranéen puis aquitain et, parallèlement, en haute montagne. Souhaitant capter les flux de touristes d’Europe du Nord circulant vers l’Espagne ou la Côte d’Azur, les aménageurs projettent de diversifier l’économie régionale trop spécialisée autour de la viticulture. La Mission Racine est notamment à l’origine de la création des stations balnéaires de Port-Camargue (Gard) et la Grande-Motte, (Hérault), architecte Jean Balladur (1924-2002); Le Cap d’Agde, architecte Jean Le Couteur (1916-2010 ), Gruissan (Aude) Architectes Raymond Gleize (1913-1992) et Édouard Hartané (1910-2003), Port Leucate (Aude), Port Barcarès et Saint Cyprien (PyrénéesOrientales ) Architecte Georges Candilis (1913-1995). La culture (architectonique) des loisirs En 1936, sous la présidence de León Blum, la France créa les congés payés, avec lequel s’installa le débat sur l’accès social au tourisme. Ce n’est qu’après la guerre que des politiques publiques robustes ont été mises en œuvre en termes de tourisme de masse, associé aux politiques de transport et de déplacement. Selon Avermaete, deux événements cruciaux définiront la présence du tourisme et des loisirs dans l’agenda architectural d’après-guerre: le CIAM V et l’exposition de l’esprit nouveau de Le Corbusier à Paris. Au début de 1937, Le Corbusier nomma la cinquième réunion du CIAM prévue pour cette année-là, «Logis et Loisirs» modifiant l’accord conclu à La Sarraz57. A partir de ce moment, le sujet des loisirs instaure une nouvelle relation entre la ville et la campagne, l’urbain et le rural, où ils vont de l’opposition au complément. La même année, Le Corbusier expose au pavillon de l’Esprit Nouveau à Paris, «le site des pratiques modernes du tourisme de masse». Le tourisme et les vacances sociales se sont énormément développés dans les décennies d’après-guerre. Le tourisme de masse devient une partie intégrante du développement de la nouvelle France58. Des politiques publiques, une offre touristique axée sur la côte sud-ouest de la France est générée, la côte de la région Languedoc-Roussillon aujourd’hui Occitanie, associée à la mer, ainsi que dans les hautes montagnes, associée à la neige. C’est dans le cadre de l’élaboration des 90 projets de tourisme de masse que Candilis Josic et Woods ont développée dans leur agence (1956-1970), La réflexion menée par les architectes modernes s’inscrit dans les trois 57  Avermaete, Anothern modern. 58  Avermaete, Anothern modern.

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décennies suivant la seconde guerre mondiale. Le sociologue français Joffre Dumazedier (1915-2002) avec sa publication de 1962, «Vers une civilisation du loisirs59?» longtemps cité par Candilis, nourrit le sujet de recherche. Dumazedier reconnaîtra l’importance croissante des loisirs dans la vie quotidienne et dans les pratiques architecturales d’après-guerre. En 1964, Candilis est convoqué par le Ministre de l’équipement pour élaborer un plan pour la côte Languedoc-Roussillon, longue de 180 km entre la Camargue et l’Espagne. Le projet de Candilis pour Port Leucate-Barcarès fait partie de la ligne de recherche de l’agence sur le sujet de tourisme, de même que les projets «Equipement touristique sous les tropiques» de 1956, et la station de ski de Valle de Belleville en collaboration avec Jean Prouvé et Charlotte Perriand. Port Leucate, station entre la mer et l’étang, est imaginée comme une seule entité avec Port Barcarès. Pour favoriser l’accès aux vacances au plus grand nombre, priorité définie par la mission Racine, Candilis crée des Villages Vacances Familles économiques, offrant des équipements sportifs et de plein air. Les données: étendue horizontale de 700 ha, entre la mer et le lac, forts vents saisonniers, contraignants pour des simples vacances, mais indispensables au développement de la navigation de plaisance60.

Candilis établira trois objectifs pour son intervention dans l’unité touristique de Port Leucate - Barcarès, avec 70 000 lits: Premièrement, les infrastructures nécessaires pour un site de vacances nautiques: ports sur la mer et le lac, canaux, marinas et quais. Ensuite, les chambres, les hôtels, les villages et les équipements, «une nouvelle architecture conçue à partir de simplicité, d’économie et de conditions climatiques». Où spécifie: espaces clos, habitations avec patios et jardins associés à un groupe de pièces. Finalement, comme troisième objectif, il propose la création d’un élément architectural «fondamental», le centre urbain linéaire, qui relie l’étang à la mer en traversant les rues et les routes de l’Unité.

59  Joffre Dumazedier. Vers une civilisation du loisirs? 60  Georges Candilis, Recherches sur l’architecture des loisirs.

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En haut: Extension de la Mission Racine et Les Carrats au Sud de la France. En bas: | Unités touristiques de la Mission Racine. Techniques &architectures Numéro Spécial 31e série #2, 1969. MICHÈLE FRANÇOIS, DRAC, 2014.

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En haut: Photo aérienne de «l’île» entre l’étang de Leucate et la Méditerranée. En bas: Port LeucateBarcarès. Plan d’aménagement de l’UT Barcarès-Leucate 2/04/1966 CandilisWursteisen.

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III.III Les Carrats #1969

L’ exemple de Languedoc-Rousillon (...) à devenu un archétype pour les innombrables réalisations. Georges Candilis Recherches sur l’architecture des loisirs.

La station balnéaire de Barcarès-Leucate, confiée à Georges Candilis, regroupe des ensembles de logements de tourisme social (Village de Vacances Famille) dans les zones de Port Barcarès (ensemble de l’Estangot) et de Port Leucate (ensembles Les Carrats et Las Paloumbos). Dans les trois ensembles, Candilis met en jeu des dispositifs de projet liés aux expériences et aux recherches au cours des années précédentes. Dimensions et programme Dans le devis descriptif du 7 juin 1967, rédigé par l’agence Candilis pour la partie CAF établit le village de vacances des Carrats situé sur un terrain de 2,55ha, entre les zones N et O du Plan d’Aménagement général. Le projet comprends au total 572 lits, et Il se compose de: 68 bungalows type A de 4 lits, 24 bungalows type B de 6 lits, 10 appartements type C à 2 lits, 20 appartements type D a 4 lits. Da sa part, la cité des jeunes avec 56 chambres individuelles, et les logements de personnel avec 32 chambres à 1 lit et 16 chambres à 2. Restaurant, cuisine, équipement de plage et de loisirs, divers locaux administratifs et services généraux, 144 emplacements de voitures. Dans le projet Les Carrats, la cour des habitations marocaines des années 1950 réapparaît comme un élément clé de la composition. D’autre part, Candilis compose avec un gradient d’intimité qui va de la cellule d’habitation à l’espace du collectif. Cette conception programmatique et spatiale, ainsi comme la création d’une «cite des jeunes», remonte aux projets architecturaux soviétiques de la fin des années 1920, des cellules minimes, et collectivisation des espaces partagés, comme le célèbre projet du commissaire aux finances, connu sous le nom de Narkomfim. Selon Avermaete, Les Carrats poses une nouvelle notion de paysage et une nouvelle relation entre architecture et paysage, la figure du Stem en tant qu’infrastructure du collectif, les niches, en tant qu’intermédiaire entre le collectif et le privé, et aussi entre architecture et paysage.

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Paysage et environnement A partir de 1937, le paysage a une double signification: lieu où se situent les processus de modernisation et source d’authenticité. L’article de Charlotte Perriand intitulé «Prendre conscience de nos responsabilités» sur la Station d’hiver de Belleville illustre la connotation naturelle que le paysage a pour elle en tant que «parc», et donc une idée d’espace public liée au Idée de démocratie. Les projets touristiques de C-J-W doivent être lus de cette tension posée par Perriand: l’intention démocratique de donner accès aux ressources naturelles et la prévention de la disparition de ces ressources61.

Conception Les projets de tourisme de masse de C, J, W sont des tentatives de connexion de schémas d’urbanisation plus denses: la stratégie générale adoptée par C-J-W pour façonner la nouvelle culture de l’habitation repose sur deux mouvements: la dissection et la reconnexion. Avec la dissection, le projet d’habitation touristique est mené au minimum, de cellules de chambre ou même de parties de ces cellules. Avec le mouvement de reconnexion, les différentes parties sont combinées, juxtaposées ou superposées, formant une figure urbaine. Dans le projet Barcarès-Leucate, deux stratégies de reconnexion sont mises en œuvre: dans la conception des maisons-rubans et dans celle des maisonspuzzle, l’instrument urbain pour le brassage et pour la génération de densité est une grille sous-jacente. Dans le cas des maison-bande, la grille adopte le motif des murs cloisons à des distances régulières qui définissent des bandes linéaires. Les patios ou niches, sont les perforations de ces bandes et les murs perpendiculaires définissent les logements et le tissu urbain. L’approche adoptée par le conglomérat est une tentative de définition d’un mode de conception offrant une alternative au plan de masse du CIAM, dans lequel la conception consiste en la définition des enveloppes des bâtiments et de leur disposition mutuelle. Dans les projets de tourisme de masse de C-J-W, le point de départ de la conception est l’interrelation entre typologie et morphologie urbaine, entre typologie et paysage. Le double objectif est de produire de la densité et de répondre au nouvel idéal d’habitation du tourisme.

61  Avermaete, Anothern Modern.

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Espace collectif Le cas de Belleville, les équipements pour les tropiques et les ensembles de Barcarès-Leucate ont en commun la présence de la figure architecturale collective. Dans le cas de Barcarès-Leucate, des structures publiques tridimensionnelles couvertes croisent le tissu urbain et se connectent à la plage. Ces structures collectives expriment des aspects du tourisme de masse. Le rythme différent des vacances offre de nouvelles possibilités pour la conception du collectif. Le concept de vacances dans les années 50 et 60 comme une évasion des habitudes domestiques ouvre la possibilité d’une nouvelle attitude à l’égard du domaine public. Cette alternative est étroitement liée aux représentations que Wood a théorise dans les années soixante avec le stem. Pour C-J-W, le Stem est une infrastructure permettant de s’adapter à la diversité des aménagements (facilities) et des propres rythmes de la société de masse émergente. À Barcarès-Leucate, le jeu Meccano a été appliqué comme une métaphore: le stem est une structure tridimensionnelle polyvalente composée de modules d’un poteau et de deux poutres. Cet dispositif prend en charge une infinité d’espaces couverts, de passages et de rues extérieurs. Candilis décrit le stem comme une grande structure dématérialisée unificatrice, un menuiserie urbain qui définit des activités auxiliaires et assure spontanéité et mobilité.

Niches Du point de vue de cette nouvelle idée d’une grande infrastructure urbaine (stem) et des significations et pratiques du collectif, on peut comprendre le rôle des petits espaces ouverts, «patios» ou «niches». Ils sont situés entre l’espace privé de la famille et l’espace public du collectif. Ce sont de petits espaces ouverts. Ces espaces ont un caractère douteux ou peu clair en ce sens qu’ils sont fortement associés au domaine privé des touristes et en même temps étroitement liés aux infrastructures collectives et naturelles de plus grande envergure. C-J-W élève constamment la relation multiscalaire entre la petite échelle humaine et la grande échelle des processus, techniques et infrastructures de modernisation. Ses projets visaient à reconnecter différentes échelles qui semblent s’être déconnectées au cours du processus de modernisation. Les niches sont, selon de mots de Candilis, un moyen de reconnexion: «elles servent de lien entre la propre habitation, conçue pour le reste d’une vie de famille simplifiée, et l’environnement naturel (plage, mer, soleil)62.»

62  Avermaete, Anothern Modern.

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A gauche: Les Carrats. Archives INA. Fond Candilis. A droite: Principe architectural. Groupement de quatre logements. Recherches sur l’architecture des loisirs. G. Candilis.

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«Une structure primaire réalisée d’avance provoque les contacts les échanges crée les cheminements et les rues devient génératrice d’un environnement écologique»

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A droite, Typologie Collectif (en haut) et typologie Bungalow (en bas). A gauche: Espace collectif, Meccano. Archives INA. Fond Candilis. Archives INA. Fond Candilis.

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A gauche: Cartuche de l’agence de Candilis, rue Dauphine. Archives INA. Fond Candilis. A droite, Bungalow Plan de chaussée et coupes Typologie Assemblage TB INA. Fond Candilis.

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III. V L’architecture des loisirs. Le loisir «possibilité d’une classe» hier, est devenu loisir «droit des masses» aujourd’hui.

G.C.

Le livre «Recherches sur l’architecture des loisirs» de George Candilis est publié en 1972 en Stuttgart dans la collection Documents d’Architecture Moderne de l’éditorial, Krämer Verlag. Cette première édition trilingue (français, anglais et allemande) rassemble des illustrations, plans, schémas et photographies des nombreux projets touristiques réalisés par l’agence Candilis, Josic et Woods au cours des 15 années d’existence de l’agence (1956 et 1970). Le livre est un manifeste sur la culture du loisirs et une synthèse de la méthodologie du projet et des dispositifs architecturaux développés et mis en pratique par la société dans ses nombreux projets de tourisme de masse. La date de sa publication coïncide avec la date de publication de l’ouvrage de Joffre Dumazedier, «Vers une civilisation des loisirs?», fréquemment mentionné par Candilis. Le volume présente déjà dès le Sommaire les cinq chapitres qui ordonnent le contenu: Assemblages horizontaux, Assemblages verticaux, Hôtels, Équipements, et Urbanisme. La publication inclut dès détails techniques au 1/10 aux directives urbaines pour les 180 km de côtes du Languedoc-Roussillon aménagées par la Mission Racine. Dans ce mouvement d’échelles, Candilis va coudre des spatialités «déconnectées» par la modernisation. 58 | Annexes


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III. IV Les Carrats #2019 Cartographie des acteurs et outils de la transformation des Carrats Le cas des Carrats, en tant que patrimoine de l’architecture moderne, est vertueux car il parvient à réunir les éléments nécessaires pour sa transformation. L’ensemble bâti est mis en vente au prix de 7.5 millions d’euros, pour une accession au prix de 3 400euros le m²63. Selon la loi Malraux, le bien est concédé avec une obligation de location sur un bail de 9 ans. Le monument est alors cible d’acquisition par des groupes spécialisés dans la restauration d’ensembles patrimoniaux à des fins d’investissement locatif. C’est Histoire et Patrimoine, le promoteur qui rachetéra le site en 2015, et en tant que maître d’ouvrage délégué pour le groupe NEMEA, assurera la gestion locative du site. Le groupe Histoire & Patrimoine est une référence dans la réhabilitation et la restauration de biens immobiliers anciens d’exception, en proposant des solutions globales, à travers ses activités de conception, de promotion, de commercialisation et d’administration de biens neufs et anciens, que ce soit à des fins de défiscalisation ou de constitution d’un patrimoine64 Histoire & Patrimoine est une société du groupe Altarea Cogedim, premier développeur immobilier des territoires en France. Ainsi, Histoire & patrimoine réalise dans Les Carrats sa deuxième intervention sur l’héritage XXe siècle. Auront quant à eux le rôle de syndicat, lien entre NEMEA et les propriétaires des logements. Ce mode opérationnel est récent sur la question des objets patrimoniaux encore contemporains mais tend à se développer. Ce marché naissant demande un double travail de sensibilisation: auprès des acquéreurs, ainsi qu’auprès des collectivités locales. Il permet certes une accession à la propriété très intéressant au regard de la construction neuve mais surtout la préservation fragile des patrimoines contemporains65. Architecture XXe siècle et architecture Contemporaine remarquable Le label « Patrimoine du XXe siècle » a été institué par une circulaire signée le 18 juin 1999 par le Ministère de la Culture et de la Communication. Cette circulaire a ensuite été précisée par des circulaires d’application du 25 octobre 1999 et du 1er mars 2001. 63  Cisterne et Py, «Les Carrats Patrimoine XXe siècle». 64 Web site d’Histoire et Patrimoine: http://www.histoire-patrimoine.fr/ 65  Cisterne et Py, «Les Carrats».

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La loi LCAP relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, promulguée le 7 juillet 2016, a remplacé le label XXe par le Label « Architecture contemporaine remarquable » label ACR. « Patrimoine du XXe siècle » identifier et signaler à l’attention du public, au moyen d’un logotype, les édifices et ensembles urbains qui sont des témoins matériels de l’évolution architecturale, technique, économique, sociale, politique et culturelle. Sans incidence juridique, l’attribution du label Patrimoine du XXe siècle s’applique à tout immeuble ou territoire représentatif des créations du XXe siècle, déjà protégé au titre de la législation sur les monuments historiques ou par une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), ainsi qu’à tout immeuble ou territoire non protégé retenu par les commissions régionales du patrimoine et des sites. Diffusion De nombreuses actions de sensibilisation et de diffusion ont été conduites par le ministère de la Culture et de la Communication et plus particulièrement les directions régionales des affaires culturelles : expositions, publications. Le réseau des Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), ainsi que celui des Villes et Pays d’art et d’histoire (VPAH) concourent également à la promotion des édifices labellisés. En Languedoc-Roussillon, 2010 création du groupe de travail DRAC Label «Patrimoine du XXe siècle» : les stations balnéaires de la Mission Racine 16 novembre 2010 La Drac a lancé fin 2009 une opération de reconnaissance et de labellisation de l’architecture tant décriée de ces stations des années 1970.

Le nouveau label ACR66 La loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP) cherche valoriser les territoires par la promotion de la qualité architecturale Les modalités d’application sont fixées par décret en Conseil d’Etat : Décret n° 2017-433 du 28 mars 201767 relatif au label Architecture contemporaine remarquable pris en application de l’article L.650-1 du Code du patrimoine Code du patrimoine, Livre VI, Titre V article L. 650-1 :

66 https://www.culture.gouv.fr/Aides-demarches/Protections-labels-et-appellations/LabelArchitecture-contemporaine-remarquable 67  https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte. do?cidTexte=JORFTEXT000034308019&categorieLien=id

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“Les immeubles, les ensembles architecturaux, les ouvrages d’art et les aménagements, parmi les réalisations de moins de cent ans d’âge, dont la conception présente un intérêt architectural ou technique suffisant reçoivent un label par décision motivée de l’autorité administrative, après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture.” L’attribution du label «Architecture contemporaine remarquable» n’est pas une protection, elle a un objectif avant tout didactique et permet d’accompagner et suivre les évolutions des immeubles considérés. En effet, l’objet du label n’est pas la « patrimonialisation ». Cette nouvelle version du label s’applique donc aux édifices de moins de cent ans qui ne font pas l’objet d’une protection au titre des Monuments historiques. L’autre apport important de la loi à ce label est d’imposer au maître d’ouvrage le signalement de tous les projets l’administration peut émettre des recommandations (c’est prévu dans le texte) et le cas échéant entamer un dialogue pour que les évolutions demandées ne dénaturent pas la réalisation initiale. Si par malheur le projet envisagé est trop destructeur, il y a alors la possibilité de supprimer le label et, de façon plus exceptionnelle, à la manière d’un ultima ratio regnum, de lancer une instance de classement.

Les critères 1. La singularité de l’œuvre 2. Le caractère innovant ou expérimental de la conception architecturale, urbaine, paysagère ou de la réalisation technique, ou sa place dans l’histoire des techniques 3. La notoriété de l’œuvre (publications) 4. L’exemplarité de l’œuvre dans la participation à une politique publique 5. La valeur de manifeste de l’œuvre en raison de son appartenance à un mouvement architectural 6. L’appartenance à un ensemble ou à une œuvre dont l’auteur fait l’objet d’une reconnaissance nationale ou locale La distinction par le label n’a pas de conséquence fiscale ou financière (subvention par exemple) ou réglementaire directe. Une fois l’édifice labellisé, l’objectif étant la sensibilisation du public, la DRAC peut fournir une plaque signalétique indiquant le nom de l’édifice, ses dates de construction ainsi que l’identité du maître d’œuvre. La mise en valeur de ce patrimoine s’appuie également sur les différents supports de diffusion : ouvrages papiers, ressources numériques et outils pédagogiques notamment. Les interventions, notamment celles liées à l’amélioration des performances énergétiques et environnementales ne doivent cependant pas avoir pour effet de dénaturer l’architecture du bâtiment. Les collectivités, sensibilisées Epilogue | 61


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à la préservation de ce patrimoine récent, peuvent prendre des mesures de protection dans le cadre de leur plan local d’urbanisme. Les Carrats Monument Historique68 En France une loi relative aux Monuments historiques existe depuis 191369. Le Village Vacance des Carrats est inscrit au titre de Monument Historique le 23 de juillet du 2014. Sont protégés les façades et toitures de tous les bâtiments du village et les bungalows T 3, 4, 5, 10, en totalité, ainsi que le sol des parcelles, y compris les aménagements situés sur la plage. On dirait, une stratégie que reprends l’ esprit didactique qu’affirmé Viollet Le Duc. Le VVF « Les Carrats » est une œuvre de Georges Candilis, architecte du logement social par excellence. Sa conception de la « maison abri » ou maison patio est adaptée au climat méditerranéen et au mode de vie de loisir : le plan tient compte d’un mode d’existence estival résolument orienté vers l’extérieur.

68  http://www2.culture.gouv.fr/public/mistral/dapamer_fr 69  https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000315319

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Logotype «Monument Historique» (Loi 1913) «Patrimoine du XXe siècle» (Ministère de la Culture, 1999) et «Architecture Contemporaine Remarquable» (Loi LCAP, 2016).

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Chronologie du projet Les Carrats 64 | Les Carrats


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IV. Epilogue

«Si la durée de vie moyenne de chaque produit circulant dans l’économie humaine pouvait être multipliée par deux, si l’on pouvait recycler deux fois plus de matériaux, si on avait besoin de mobiliser moitié moins de matière pour fabriquer un produit, on pourrait diviser le flux de matière par huit. Voici l’une des (nombreuses) recommendations formulées, il y a plus de quarante ans, par le fameux «Rapport Meadows»» Rapahël Ménard

A gauche: croquis Plaquette Les Carrats. Histoire et Patrimoine, 2019. A droite: Evolution des surfaces bâties dans le monde par rapport a l’augmentation de la population mondiale. Raphaël Ménard.

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EPILOGUE Ce travail sur l’histoire et la gestion du patrimoine culturel à l’ère de l’ Anthropocène s’inspire de l’étude de la figure de Candilis et des Carrats, comme axes permettant de comprendre une partie de l’historiographie de l’architecture moderne Française. La possibilité de travailler avec un architecte nationalisé français a facilité les travaux de recherche dans le foisonnant univers de fonds et de bases de données français, ainsi que le fait de travailler avec un chantier localisé en Occitanie, non loin de Montpellier, a offert la possibilité de le visiter et de pouvoir discuter avec les acteurs clés du projet. D’autre part, la possibilité de compter avec un tuteur trampée dans la biographie et bibliographie sur Candilis a été à son tour une contribution décisive au développement de cette thèse professionnelle. Le travail présenté ici s’appuie sur l’histoire de l’architecture et vise à son tour à contribuer à une réflexion opérationnelle sur le patrimoine. Reconnaître les regards et les outils pouvant être mis en œuvre dans la transformation d’architectures abandonnées et dans la configuration de modes de fonctionnement et de réseaux d’acteurs. Le patrimoine à l’ère de l’Anthropocène Les Carrats constituent un cas d’étude vertueux en tant qu’opération de rénovation et de valorisation d’un ensemble éminent d’architecture moderne, Labellisée «Patrimoine du XXe siècle» (2012) et inscrit Monument Historique (2014). Dans la conception de Candilis, Les Carrats est une sorte de laboratoire social, un compromis entre innovation architectonique et politiques sociaux. Dans le contexte de la crise environnementale actuelle, de l’abandon, de la vacance de logements et de la destruction d’architectures protégées, cette thèse professionnelle tente de s’approcher aux cartographies d’acteurs, les outils et les modes de fonctionnement qui ont permis la transformation de l’ensemble des Carrats, en tant que ressource moderne. Comme jamais auparavant, l’activité de l’homme se répercute sur l’environnement dans lequel il habite, transformant son environnement pour modéliser les exigences de la vie urbaine actuelle. Le parc immobilier planétaire s’agrandit à grande vitesse et le patrimoine architectural se multiplie. Dans le même temps, une partie importante de ce parc immobilier est vacante.

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Le montant d’immeubles vacants étudiées par l’Institut national de la statistique (Insee) en France, a augmenté en 2018 a 2,8 millions. Selon la même agence, le parc de logements a augmenté entre 2010 et 2015, deux fois plus que la population70. Le patrimoine architectural protégé est important dans des villes telles que Montevideo, où, même s’il existent de nombreuses enquêtes sur les monuments historiques et les immeubles présentant un intérêt, les protocoles et les modes opérationnels pour les gérer n’apparaissent pas aussi généreusement. Des études récentes sur l’univers des propriétés vacantes dans la vieille ville de Montevideo montrent que deux tiers d’entre elles jouissent d’une protection patrimoniale importante (3 et 4 sur une échelle de 1 à 4, où 1 est la protection la plus faible et 4 le plus fort). Le patrimoine architectural de l’architecture moderne fait partie de ce parc immobilier. Massivement négligé, le patrimoine moderne est aujourd’hui en danger. L’intervention sur ces ensembles est souvent un dilemme pour les architectes et les maîtres d’ouvrage. La démolition est une réponse trop fréquente, pratiquée sans avoir un vrai diagnostic et sans une solution de recyclage des éléments constructifs. Cependant, le débat actuel en architecture et en urbanisme ne reflète pas ce problème des valeurs que représentent les bâtiments patrimoniaux. Ainsi, la démolition génère d’énormes déchets de faible valeur, lorsque les nouveaux bâtiments qui les remplacent exigent une énergie et des ressources considérables. Outils pour la réhabilitation du patrimoine à Montevideo La théorie de la réception ouvre le champ de la recherche strictement sur l’auteur et l’œuvre, à déplacer l’attention et l’objet d’analyse vers le lecteur, le spectateur, l’auditeur, à étudier la fonction historique du destinataire. La possibilité de faire une lecture de l’architecture moderne qui inclut les décideurs politiques et les acteurs qui ont rendu cela possible, nous permet non seulement de formuler une lecture plus riche et plus complexe de l’objet architectural et de son auteur, mais peut nous donner la clé pour récupérer des indices sur sa transformation vertueuse. Penser à la réception de l’architecture moderne à l’ère de l’Anthropocène et du patrimoine à l’ère de l’Anthropocène implique, pour ce travail, de situer le cas vertueux des Carrats dans le contexte de l’ingénierie politique, culturelle et architecturale qui a rendu possible sa réhabilitation.

70 https://www.insee.fr/fr/statistiques/3572689#consulter

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Le fonctionnement des Carrats témoigne d’une ingénierie naissante d’acteurs et de procédures visant à résoudre la gestion et la transformation d’architectures protégées. On interroge le patrimoine non seulement dans ses valeurs historiques et esthétiques, mais aussi dans sa valeur contemporaine, dans sa capacité à répondre aux principaux problèmes de notre temps. Sans présenter comme un seul mode opératoire, cette expérience ne fait que commencer et offre déjà de réelles solutions de réplication.

3 leçons et plus de questions Dans le contexte de l’urgence sociale, environnementale et climatique que traverse le XXIème siècle, nous pensons qu’il y a des leçons à tirer des Carrats: 1. Dans son livre, The Craftsman, Richard Sennet, déclare: «Nous devrons apprendre d’autres façons de construire des bâtiments ... Nous devrons devenir de bons artisans de l’environnement.» Aux yeux de Candilis Josic et Woods, ainsi que de Charlotte Perriand, une prise en compte de ce qui existe, existe en tant que prémisse de projet, comme un fait inévitable. en tant que valeur à protéger. Il semble y avoir un regard artisanal sur le bâti, le paysage. Comme disait Francis Rambert71, «c’est sans doute cela la nouvelle expérimentation technique et programmatique du XXe siècle. Ce renouvellement urbain nous plonge dans l’ère de la superposition, du palimpseste, il ouvre le champ de la réinterprétation, voire celui de la réinvention» 2. Une cartographie des acteurs est présentée comme une clé de la viabilité de la transformation de Carrats. Un groupe d’acteurs qui sensibilisent et travaillent sur la valeur du bâtiment: CAUE, DRAC. Tandis qu’un autre ensemble rend possible la commercialisation du bâtiment pour son utilisation: NEMEA, Histoire & Patrimoine, en l’occurrence, les acteurs de l’orbite privée. 3. Le travail de diffusion des idées du projet et de son auteur. Depuis la publication presque en même temps que l’achèvement de Carrats, de Recherches sur l’architecture des loisirs, le parcours architectural de Candilis est toujours accompagné de l’œuvre imprimée. Héritage de Le Corbusier, peut-être. Sans aucun doute, le travail écrit prolifique joue comme un objet de réception et trouve une évaluation et une conscience qui joueront toujours en faveur de la vie du bâtiment. Ces leçons peuvent-elles être utiles pour réfléchir à la transformation de l’ensemble des bâtiments patrimoniaux vacants à Montevideo? Quels sont les 71

Francis Rambert, Un édifice, combien des vies? (Paris: Silvana editoriale, 2015)

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outils dont dispose déjà Montevideo et qui pourraient constituer une nouveauté? En champ des possibles que s’ouvre à nous.

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V. Annexes V.I Fonds Candilis IFA Candilis/Pompidou TeamXProject Base Mérimée Legifrance

Fond Georges Candilis, Institute Français d’ Architecture, Paris, France. Fond Georges Candilis, Centre Georges Pompidou. Paris,France. http://www.team10online.org/index.html Immeubles protégés au titre des Monuments Historiques Legifrance https://www.legifrance.gouv.fr/

V.II Sélection des sources primaires: un projet et une publication de Candilis. 1969 Village de Vacance Les Carrats, Barcarès-Leucate, Occitanie (Languedoc- Rousillon), France. 1972 Recherches sur l’architecture des loisirs. Stuttgart, 1972, Krämer Verlag.

V.III Sélection des sources secondaires «A Port-Leucate, la CAF met en vente les Carrats pour 7,5 millions d’euros» L’indépendant, le 24.09.2013. https://www.lindependant.fr/2013/09/24/a-port-leucate-la-fin-des-vacancessociales-aux-carrats,1792802.php «Aménagements à Leucate et le Barcarès» Office national de radiodiffusion télévision française Toulouse, JT Toulouse, INA, le 01.12.1694 https://www.ina.fr/video/RBF01007237 Anderson, Alex. «What can the utopian communities of the 60s teach today’s designers about co-living?» Harvard University Graduate School of Design. (2019): https://www.gsd.harvard.edu/2019/03/what-can-the-utopian-communities-ofthe-60s-teach-todays-designers-about-co-living/ Avermaete, Tom. Anothern Modern. The post war architecture and urbanism of Candilis, Jossic et Woods. Rotterdam: NAI Pulishers, 2005.

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Avermaete, Tom. «A thousand youth clubs: Architecture, mass leisure and the rejuvenation of post-war France» The Journal of Architecture. (2018) https://www.researchgate.net/publication/325839017_A_thousand_youth_ clubs_Architecture_mass_leisure_and_the_rejuvenation_of_post-war_France Avermaete, Tom. «Counter-arrangement». Dans Vacant City: Brussels’ Mont des Arts reconsidered, édité par Bruno de Meulder et Karina van Herck. Rotterdam: NAi Publishers, 2000. Blain, Catherine. «L’apparition du Team Ten en France». Les cahiers de la recherche architecturale et urbaine 15, (2004). Bustillo, Gonzalo, y Mariana Ures. “REHABITA_MVD2020. Propuestas de reutilización del stock edilicio de inmuebles vacantes en áreas centrales de Montevideo para la resolución de problemas de inclusión social”. Comisión Sectorial de Investigación Científica de la UdelaR, Facultad de Arquitectura, Diseño y Urbanismo. 2018. Candilis, Georges. Bâtir la vie. Un architecte témoin de son temps. Paris: Éditions Stock, 1977. Candilis, Georges. Recherches sur l’architecture des loisirs. Stuttgart: Krämer Verlag, 1972. Candilis, Georges. «L’habitat individuelle». Dans L’ Architecture d’Aujourd’hui, no. 49. Paris, 1953 Chevallier, Fabienne «La réception, les objectifs et les méthodes de l’histoire de l’architecture». Dans Cahiers thématiques. La Réception de l’architecture, édité par: Richard Klein et Phillipe Louguet. Lille: Ecole d’Architecture de Lille, 2002. Choay, Françoise. Le patrimoine en question. Anthologie pour un combat. Paris: Ed. Seuil, 2009. Cisterne, Julie. «Ressources Modernes». Thèse Professionnelle. Mastère Spécialisé Architecture et Patrimoine Contemporaine. ENSAM. Montpellier, 2018. https://issuu.comjuliecisdocsressources_modernes_cisterne Cisterne, Julie et Johan Py. «Les Carrats, une ressource en chantier». Patrimoine XXème Mastère Spécialisé Architecture et Patrimoine Contemporaine. ENSAM. Montpellier, 2018. Duport, Laurent. «Georges Candilis (1913-1995) architecte pour le plus grand nombre» Conférence: LC2015 - Le Corbusier, 50 years later. Universidad Politécnica de Valencia, 2015. Annexes | 73


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Washington: Potomac Associates, 1972 . Ménard, Raphaël. Recueil des publications, 2015. https://issuu.com/raphael_menard/docs/150214_recueil_publications_rm__nar Mumford, Eric. The CIAM discourse on urbanism, 1928-1960. Cambridge: Massachussets MIT press, 2000. Riegl, Aloïs. Le culte moderne des monuments: sa nature et ses origines. Paris, Allia, 2016. Ures, Mariana et Gonzalo Bustillo “IVAbc: Relevamiento, conceptualización y caracterización de los inmuebles visiblemente abandonados de los Municipios B y C”. Dans Fincas Abandonadas I. Serie Investigaciones: Derechos Humanos en Políticas Publicas. No4. Montevideo: Defensoría del Vecino, 2014. Ures, Mariana et Gonzalo Bustillo “IVAacm. Estudio sobre inmuebles visiblemente abandonados en áreas centrales de Montevideo y mapeo de políticas públicas” Dans Fincas Abandonadas II. Serie Investigaciones: Derechos Humanos en Políticas Publicas. No5. Montevideo: Defensoría del Vecino, 2016. Smoluch, Alma, «Les Villages Vacances Familles (1959-1989). Quand le tourisme social devient générateur d’architectures». Dans L’Atelier de la recherche. Annales d’histoire de l’architecture # 2015 # actes de la journée des jeunes chercheurs en histoire de l’architecture du 22 octobre 2015, dirigé par Éléonore Marantz. Paris: HiCSA, 2016. Rambert, Francis, Un bâtiment, combien de vies? La transformation comme acte de création. Paris, Silvana Editoriale, 2015. Turpin, Étienne (Editeur) Architecture in the Anthropocene. Encounters Among Design, Deep Time, Science and Philosophy. Ann Arbor: Michigan University Press, 2013. Younès Chris, et Roberto D’Arienzo. Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités. Paris: Métisse Presses, 2014. Williams Goldhagen, Sarah et Réjean Legault (editéurs), Anxious Modernism. Experimentation in Postwar Architectural Culture. Cambridge: MIT Press, 2000.

Les références bibliographiques de cette thèse professionnelle ont été établies conformément au Manuel de style Chicago (Notes et Bibliographie). La police de caractères utilisée est la famille Simplon. Sauf mention, les éléments graphiques, photographies et textes ont été réalisés Annexes | 75


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par mes soins.

V.IV Publications de Candilis Candilis, Georges. L habitat individuelle. Paris, 1953 L’ Architecture d’Aujourd’hui, no. 49, 1-2 Candilis, Georges. Habitat pour le plus grand nombre, collectif horizontal. programme d étude du C.S.T.B. étude ATBAT Techniques et Architecture 1953, November, 8-15. Paris, 1953 Candilis, Georges. L’esprit du plan de masse de l habitat. Architecture d’Aujourd’hui. PARIS. 1954, no. 57, Décembre, 1-7 Candilis, Georges. Matières plastiques. Paris, 1959 Techniques et Architecture, 1959, no. 1, 78 Candilis, Georges. Matières plastiques. Paris, 1959 L habitat évolutif. Helsinski-Paris. 1959 Le Carré Bleu 1959, no. 2 Candilis, Georges. A. Josic and S. Woods Proposition pour un habitat évolutif. Paris, 1959 Techniques et Architecture 1959, no. 2, 82-85 Candilis, Georges. A. Josic and S. Woods Repenser le problème. Paris, 1959 l Architecture d’Aujourd’hui, no. 87, 1959, 8-12 Candilis, Georges, Dony, A. Josic and S. Woods Recherches pour une structure de l’habitat. Paris, 1960. L’ Architecture d’Aujourd’hui 1960, no. 91- 92, 124-127 Candilis, Georges. Bagnols-sur-Cèze. Londre, 1960. Architectural Design 1960, no. 5, 182-185 Candilis, Georges. CIAM Resurrection Move Fails at Otterlo. Londre, 1960 The Architectural Review 1960, no 756, February, 78-79 Candilis, Georges. A la recherche d’une structure urbaine. Paris, 1962 l’Architecture d’Aujourd’hui’ hui 1962, no. 101, 50-51 Candilis, Georges. La formation de l’architecte. Lausanne, 1965 76


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Architecture Formes Functions 12, Lausanne 1965, 17 Candilis, Georges. Candilis, G., A. Josic et M. Emery À la recherche de l espace. Paris, 1967 l Architecture d’Aujourd’hui1967, no. 132, 2-3 Candilis, Georges. A. Josic and S. Woods Proposition pour une université. Lausanne, 1967 Architecture Formes Fonctionnes 13, Lausanne 1967, 22-24 Candilis, Georges. A. Josic and S. Woods Une décennie d’architecture et d’urbanisme Paris, 1968. Eyerolles Candilis, Georges. Le Mythe de l Habitat Individuel. Paris, 1968 l Architecture d’Aujourd’hui 1968, no. 138, February/March, 23 Candilis, Georges. A. Josic and S. WOODS Toulouse. Paris, 1968 l Architecture d’Aujourd’hui, 1968, no. 139, April, 57-60 J. Beaujeu-Garnier, G. Candilis, and P.-H. Chombart de Lauwe (eds.) L’ homme et la ville dans le monde actuel, 1969 Université de Nice Candilis, Georges. À la recherche d’un sens nouveau au mot: architecte. Lausanne, 1969 Architecture Formes Fonctionnes 15, Lausanne 1969, 18-21 Candilis, Georges. A. Josic and S. Woods Previ/Lima, Low Cost Housing Project. Londre, 1970 Architectural Design 1970, no. 40, April, 197 Candilis, Georges. Ideas. Lausanne, 1971 Architecture Formes et Fonctions 16, Lausanne 1971, 71-76 Candilis, Georges. A. Josic and S. Woods Toulouse-Le Mirail. Londre, 1971 Architectural Design 1971, no. 41, October, 599-604 Candilis, Georges. A. Josic and S. Woods Toulouse-Le Mirail: cité de 100000 habitants Architecture Formes et Fonctionnes 16, Lausanne 1971, 346-358 77


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Candilis, Georges. Planen und Bauen für die Freizeit Planning and Design for Leisure Recherches sur l architecture des loisirs. Stuttgart, 1972 Candilis, Georges. Recherche sur l’architecture de loisirs. Eyrolles. Paris,1973. Candilis, Georges. A. Josic and S. Woods Berlin Free University. Londre, 1974 Architectural Design 1974, no. 1, 14-17 Candilis, Georges. A. Josic and S. Woods Free University and the Language of Modern Architecture (Berlin) Domus 1974, no. 534, May, 1-8. Milan, 1974 Candilis, Georges. A. Josic and S. Woods Toulouse le Mirail. Geburt einer neuen Stadt La naissance d’une ville nouvelle Birth of a New Town [postf. par Jürgen Joedicke] Stuttgart [Paris] 1975 Candilis, Georges. Bâtir la Vie: un architecte témoin de son temps. Stock. Paris, 1977 Candilis, Georges. Bugholzmöbel = Meubles en bois courbé = Bent wood furniture . Stuttgart, 1980 Candilis, Georges. Housing and Developement. 1980 CAU 1980, no. 68, 46-57 .

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Mes remerciements vont au corps enseignant et administratif du Mastère Spécialisé Architecture et Patrimoine Contemporain de l’ ENSAM Spécialement à Emmanuel García, Theodore Guinnic et Claudia Hernández. Je voudrais aussi remercier mes camarades du cours, par l’expérience intellectuelle et humain partagée. Je tiens à remercier aussi Laurent Duport et Nicolas Crégut, qui m’ont ouvert les portes de leur agence en tout confiance. Et tout particulièrement Laurent Duport pour partager sa passion sur Candilis. Merci à Eva Ruiz, Lauren Etxepare et à Julie Cisterne par sa générosité et ses encouragements. Par ailleurs, je voudrai également remercier la Facultad de Arquitectura Diseño y Urbanismo de la UdelaR, pour m’avoir soutenu dans ce défi tout particulièrement Gonzalo Bustillo, Mariella Russi et mes camarades enseignants. Et finalement, merci à Jean Hercher-Pasteur, compagnon de vie, pour m’avoir soutenue dans cette aventure transatlantique.

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