Magazine Maisons Créoles N°126 Guadeloupe

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Métier d’artisan

convenu que la rénovation doit venir conserver le matériau d’origine, pour ne rien perdre de l’authenticité de la création originale, pourtant grignotée par le temps. Heureusement, les artisans déploient des trésors d’ingéniosité : l’astuce, ici : retrouver un modèle existant, fidèle à la rénovation et riche des façons utilisées à l’origine sur ce meuble à sauver. Et puis, enfin, il y a cette partie d’innovation, d’inspiration pure, où le maître-ébéniste est convoqué sur le terrain de la création, originale en tant qu’il peut se voir confier de diverses missions : revisiter ce modèle qui aura tant plu, se plonger dans une œuvre unique ou satisfaire une commande singulière, là où la beauté du modèle rencontre l’imagination du créateur.

Le bois, l’essence première ! Il peut paraître cocasse de le rappeler, mais tout débute, dans l’ébénisterie, dans l’essence de bois qui emportera l’affection et sera la plus adaptée au projet. Sous nos latitudes, le Mahogany, ou acajou, reste le maître-bois, largement vanté et intégré aux in-

térieurs créoles martiniquais. Il faut dire qu’au-delà de sa teinte sombre et puissante, sa résistance, ses différentes densité et l’amertume de sa sève, qui n’est pas sans faire fuir les indésirables grignoteurs, en fond un matériau de prédilection pour ce travail artisanal. Dans l’atelier de cette femme de ressources, d’autres essences peuvent être exploitées, comme récemment, ce Mahaut bleu, issu des bords de rivières du Morne Rouge et dont les polis et patiné ciré forment un rendu parfait. Sa couleur, la modernité qui s’en dégage offrent une essence d’excellente facture pour la réalisation de meubles, au premier rang desquels le lit à colonnes, si typique de l’île, se retrouve. Derrière ces enjeux, il y a aussi celui de l’approvisionnement, dans une région où l’exploitation forestière disparait, et ou les talents, de bucherons notamment, se font rares.

L’évolution du métier L’ébénisterie, à la Martinique, tient toute une histoire : de ses temps de

gloire, jusqu’au mitan du XXe siècle, où l’habitat martiniquais s’habille de ces beaux objets, tout en solidité et élévation sociale, à la survivance de ces maître-artisan, le meuble a vu s’imposer, en creux la société de consommation et la désaffection, à mesure, de la population pour les bois élégants et les belles factures. Et pourtant, sur l’île, le style colonial, que l’ébénisterie locale a fait prospérer, n’en a pas fini d’exister. Fermement reconnaissable, dans un métissage de mobilier français et de style anglosaxon, le meuble antillais porte désormais vivace la mémoire de toute une société, elle-même créole et hybride. Et si l’avènement des grands distributeurs de meubles en kit semble vouloir menacer un talent hors-norme, l’ébénisterie d’art entend encore répondre aux envies et idées originales de clients friands du bel objet. Et sans doute que ces prestations uniques, sur-mesure et richement tournées, sculptées ou gravées, sauront encore séduire amateurs, patrimoines et habitations coloniales de l’île ! MAGAZINE MAISONS CRÉOLES 17


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