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Le fer à repasser

Texte et photo : Corinne Daunar

l’incontournable icône

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Place aux objets, et à leurs petites histoires qui en racontent une grande ! Première icône de poids, le fer à repasser, ce kawo ou coco nèg, autant ancrés dans l’imaginaire populaire antillais qu’ils devaient se manier avec dextérité. Plongée dans la braise, la fonte pesante et la cire de bougie lubrifiante.

La pièce maitresse d’une garderobe bien entretenue

Mais d’abord, depuis quand se préoccupe-t-on des plis ? Si les techniques ancestrales sont nombreuses, et que l’utilisation de la chaleur pour défroisser l’étoffe n’est pas nouvelle, c’est finalement assez tard que les premiers fers à repasser en tant que tels apparaissent, à partir du XVIIIe siècle. Dans la Martinique coloniale, où les costumes se succèdent en complexité et épaisseurs de toile, il va rapidement prendre toute son importance. Il faut dire qu’à l’époque ce sont les rétifs coton et lin, deux fibres aux caprices bien connus, qui fournissent l’essentiel des garde-robes. Pour leur donner leur entière splendeur, c’est donc un petit objet pesant qui s’est imposé dans l’arsenal des blanchisseuses, ces sommités du nettoyage de l’étoffe, le fameux fer à repasser. Si, les appellations sont nombreuses, du kawo ou carreau guadeloupéen au coco nèg martiniquais, les variantes en sont tout aussi diverses : ils évoluent en poids, en taille et en finition. À l’époque, il se compose essentiellement d'une épaisse pièce de métal, surmontée d’une poignée, souvent en bois, qui devait préserver l’intégrité de la main experte qui s’en servait. Et pour cause, les plis devaient se dompter grâce à la chaleur, que le fer accumulait au contact même des réchauds ou chaufferettes à braise. Les semelles de fonte, très lourdes, se détachaient sous des formes triangulaires pour pouvoir atteindre toutes les doublures, coutures et piqûres subtiles des cols et dentelles à traiter. Chaque repasseuse s’équipait d’au moins deux fers, souvent de tailles différentes, afin de pouvoir empeser le tissu en continu, là où la fonte refroidissait très rapidement.

Le fer au cœur du rituel

Pour le reste, tout est question de pratique et d’un soupçon de tradition : les repasseuses sont d’abord des blanchisseuses au savoir-faire consciencieusement hérité. Au terme du long processus de frotté-fessé-chauffage-amidonnage, le linge précautionneusement transporté est prêt pour l’étape décisive et complexe du défroissage, dont la maitrise vient marquer la fin de l’apprentissage de la jeune lavandière. Celle-ci, peu rompue au métier, manie surtout le fer ti nèg, plus léger et accessible aux bras moins vigoureux.

Car c’est encore ici dans la transmission que l’art se perpétue le plus aisément : la blanchisseuse « ouvrière », forte de sa longue expérience, forme autour d’elle ses successeures et jeunes apprenties : il est déjà temps de se saisir du fer, dans un environnement surchauffé, pour attaquer le pli tout en préservant la matière. À chacune son coup de main dans cet ouvrage d’art : là, l’on repasse à l’envers pour garantir l’intégrité du tissu, surtout s’il est clair. Ici, on amidonne à la moussache chaude pour faciliter le maintien du vêtement. Pour laisser glisser la semelle et la nettoyer, on la frotte vivement à la cire de bougie. La chaleur ambiante, le poids des fers, le volume des pièces à repasser en rendaient la journée lourde pour les âmes et dangereuse pour les corps, autant que pouvait l’être le froid des pieds dans l’eau de rivière et l’incisive morsure du soleil plein.

Le fer à repasser, ou l’antan fantasmé; Au-delà du fer, c’est aussi tout un panorama qui se dessine, là sous la plume un brin doudouiste de Lafcadio Hearn, ici derrière la photographie sépia du temps passé : la communauté des blanchisseuses, dont les destins se réunissent en creux de torrent. Le métier est souvent le fait de femmes, qui s’y consacrent entièrement ou y trouvent un appoint d’intersaison, lorsque les champs se vident. D’autres sont employées au service des maisons cossues, certaines encore en font profession et sont reconnues pour leur savoir-faire hors pair. C’est fin XIXe que le fer à repasser à résistance, une révolution, voit le jour. Il faut bien sûr attendre l’arrivée de la mondialisation en Martinique, et la généralisation de l’électricité, tout comme de la consommation, pour voir le fer à repasser moderne s’imposer au foyer, au même rythme peut être que disparait la pratique de blanchisseuse à proprement parler. Le fer, lui, qu’il soit encore en fonte ou déjà électrique, ne quittera pas les habitudes, bien au contraire.

Le projet de Promotion et Développement du Génie Écologique sur les Rivières de Guadeloupe ou projet « PROTÉGER » vise à préserver la biodiversité des milieux aquatiques de Guadeloupe, tout en protégeant la population et leurs biens des risques encourus lors des crues de rivière ou des évènements cycloniques, grâce à l’utilisation de techniques de génie végétal.

Un constat alarmant…

En Guadeloupe, les rivières et les forêts qui les bordent sont très dégradées, principalement à cause d’interventions humaines sur les milieux (aménagements, pollutions, travaux réalisés en génie civil). Les écosystèmes altérés sont alors colonisés par des espèces exotiques envahissantes, des plantes qui ne sont pas natives de Guadeloupe et qui représentent une menace pour la biodiversité de l’archipel. Il est donc nécessaire de mettre en place des solutions pour lutter contre la dégradation des milieux aquatiques tout en garantissant des rivières sûres pour les habitants, notamment en cas de crue.

Qu’est-ce que le génie végétal ?

Le génie végétal désigne l’ensemble des techniques utilisant des végétaux et leurs propriétés mécaniques dans les ouvrages de construction en imitant les modèles naturels efficaces. C’est une alternative plus respectueuse de l’environnement et moins coûteuse comparée aux techniques de génie civil, habituellement utilisées, qui ont un impact fortement négatif sur le bon fonctionnement des écosystèmes. Il permet de répondre à deux problématiques : la préservation de la biodiversité et la restauration des milieux dégradés ainsi que la protection des biens et des personnes.

Quel avenir pour le projet « PROTÉGER » ?

Les analyses, recherches et expérimentations scientifiques menées dans le cadre du projet permettent d’affirmer qu’il est possible de faire du génie végétal en Guadeloupe avec des espèces locales. La Région Guadeloupe va lancer prochainement les premiers chantiers pilotes utilisant des techniques de génie végétal et va ainsi réaliser des « tests » grandeur nature. L’enjeu de demain sera ensuite de former et d’accompagner les acteurs du territoire (les collectivités, les bureaux d’étude, les entreprises de travaux,…) à l’utilisation de ces techniques et sa mise en œuvre sur le territoire, avant de pouvoir être exporté, à terme, à l’ensemble des Petites Antilles.

Plus d’informations > genie-vegetal-caraibe.org

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