.1 MĂTIER DâANTAN
Texte : Corinne Daunar Crédit photo: Fondation Clément collection L.Hayot
La vannerie, Ă©cheveau dâhistoire et de culture La vannerie est un autre de ces arts sĂ©culaires, que lâhumanitĂ© se partage, oĂč dâimprobables dĂ©couvertes simultanĂ©es et de profonds brassages ont diffusĂ© Ă travers monde. Sans doute lâune des pratiques les plus emblĂ©matiques, elle en est aussi lâun des fondements les plus anciens de lâhistoire de nos Ăźles et de leurs Ă©paisseurs culturelles.
Production et origine Lâart de tisser les fibres vĂ©gĂ©tales nâest pas circonscrit Ă nos Ăźles, tant sâen faut, mais y porte une importance immense : avant mĂȘme la naissance de la sociĂ©tĂ© antillaise crĂ©ole se retrouve le savoir-faire. Sur ces Ăźles prĂ©colombiennes, lâon entrelace donc depuis longtemps : dĂ©jĂ se forment sous les mouvements habiles des AmĂ©rindiens, des CaraĂŻbes, des objets usuels, confectionnĂ©s Ă partir de filaments savamment rĂ©coltĂ©s. Durant la colonisation, la vannerie se conserve en hĂ©ritage flou de ces premiers habitants, sâenrichit dâautres modes de tressage et nourrit
encore l'artisanat local. Ăminemment utilitaire, la "sparterie" ne semble limiter ses rĂ©alisations quâaux inspirations et habilitĂ©s de ses fabricants : paniers, plateaux, corbeilles, protections de carafes, chapeaux bakoua de mer ou de champ et parfois mĂȘme, lorsque la technique investit les ateliers dâĂ©bĂ©nistes, fonds de chaises ou de fauteuils Ă bascule.
Les techniques ancestrales Dans la pratique, deux champs immenses se rencontrent : le premier du dessin et du style dâenchevĂȘtrement, le second de la matiĂšre premiĂšre. Dans le premier cas, spiralĂ©e, tressĂ©e, Ă nappe, clayonnĂ©e, la vannerie, pour ĂȘtre un artisanat monde, sâest dĂ©veloppĂ©e sur une infinitĂ© dâentrelacements et de mĂ©thodes. Ici compteront la tension, la pression appliquĂ©e, le nombre de brins et lâĂ©cheveau dĂ©coupĂ©, pour adapter Ă lâusage la meilleure composition, de la corbeille Ă©tanche au panier de transport de charge. Pour ce qui est de la matiĂšre, câest une variĂ©tĂ© de plantes qui se laissent enrouler. En Martinique et en Guadeloupe, les fils sont souvent issus de feuilles de bakoua, de latanier, de palmier : lâarouman et le cachibou cependant, restent les maĂźtres-tiges pour lâexercice prĂ©cis de la vannerie antillaise. Parfois, et suivant les usages, dâautres vĂ©gĂ©taux se prĂȘteront bien Ă la torsade, oĂč lâosier, le rotin, la paille, les lianes ou le bambou constituent, selon la disponibilitĂ©, de fameuses bases de travail. LĂ , un savoir bien particulier indique au facteur les bonnes techniques de ceuillette et de sĂ©chage de ses trouvailles. Quant aux porteurs de la tradition, ils se perdent loin dans les limbes de lâhistoire et des pratiques quotidiennes :
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art de femmes, il aura permis de complĂ©ter, sinon de former lâensemble des revenus dâune population prĂ©caire. Art rural, il est aussi celui des pĂȘcheurs et agriculteurs, oĂč les intersaisons creusent les bourses et le ventre. La vannerie antillaise sâesthĂ©tise souvent : teintĂ©es, les fibres sâentremĂȘlent pour construire de prĂ©cises compositions angulaires. Les Ćuvres sâaugmentent de tonalitĂ©s chaudes, en alternance de beige, de noir profond, obtenu au cul du canari posĂ© au feu ou de rouge intense, lorsque frottĂ©es Ă la puissante poudre de roucou.
Aujourdâhui, un patrimoine immatĂ©riel ardemment dĂ©fendu Il est aussi des replis de terre, des quartiers des familles que lâon associe bien volontiers Ă cette pratique immĂ©morielle : Ă la Martinique, câest Ă©videment au Morne des Esses que lâon songe, au creux duquel sâest dĂ©veloppĂ©e, forte de lâabondance de sa matiĂšre premiĂšre, une intense activitĂ© de vannerie. Aujourdâhui, cet artisanat sâest imposĂ© au registre des hĂ©ritages immatĂ©riels unanimement reconnus, de ceux qui composent le paysage culturel et identitaire dâun peuple et de son terroir. Ses dĂ©fenseurs sont passionnĂ©s, leurs crĂ©ations inspirĂ©es : paniers, plateaux, corbeilles, rĂ©cipients Ă©tanches ou colorĂ©s trouvent encore un usage autant traditionnel que militant dans les intĂ©rieurs antillais.