Magazine Maisons Créoles N°139 Martinique

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.1 MÉTIER D’ANTAN

Texte : Corinne Daunar Crédit photo: Fondation Clément collection L.Hayot

La vannerie, Ă©cheveau d’histoire et de culture La vannerie est un autre de ces arts sĂ©culaires, que l’humanitĂ© se partage, oĂč d’improbables dĂ©couvertes simultanĂ©es et de profonds brassages ont diffusĂ© Ă  travers monde. Sans doute l’une des pratiques les plus emblĂ©matiques, elle en est aussi l’un des fondements les plus anciens de l’histoire de nos Ăźles et de leurs Ă©paisseurs culturelles.

Production et origine L’art de tisser les fibres vĂ©gĂ©tales n’est pas circonscrit Ă  nos Ăźles, tant s’en faut, mais y porte une importance immense : avant mĂȘme la naissance de la sociĂ©tĂ© antillaise crĂ©ole se retrouve le savoir-faire. Sur ces Ăźles prĂ©colombiennes, l’on entrelace donc depuis longtemps : dĂ©jĂ  se forment sous les mouvements habiles des AmĂ©rindiens, des CaraĂŻbes, des objets usuels, confectionnĂ©s Ă  partir de filaments savamment rĂ©coltĂ©s. Durant la colonisation, la vannerie se conserve en hĂ©ritage flou de ces premiers habitants, s’enrichit d’autres modes de tressage et nourrit

encore l'artisanat local. Éminemment utilitaire, la "sparterie" ne semble limiter ses rĂ©alisations qu’aux inspirations et habilitĂ©s de ses fabricants : paniers, plateaux, corbeilles, protections de carafes, chapeaux bakoua de mer ou de champ et parfois mĂȘme, lorsque la technique investit les ateliers d’ébĂ©nistes, fonds de chaises ou de fauteuils Ă  bascule.

Les techniques ancestrales Dans la pratique, deux champs immenses se rencontrent : le premier du dessin et du style d’enchevĂȘtrement, le second de la matiĂšre premiĂšre. Dans le premier cas, spiralĂ©e, tressĂ©e, Ă  nappe, clayonnĂ©e, la vannerie, pour ĂȘtre un artisanat monde, s’est dĂ©veloppĂ©e sur une infinitĂ© d’entrelacements et de mĂ©thodes. Ici compteront la tension, la pression appliquĂ©e, le nombre de brins et l’écheveau dĂ©coupĂ©, pour adapter Ă  l’usage la meilleure composition, de la corbeille Ă©tanche au panier de transport de charge. Pour ce qui est de la matiĂšre, c’est une variĂ©tĂ© de plantes qui se laissent enrouler. En Martinique et en Guadeloupe, les fils sont souvent issus de feuilles de bakoua, de latanier, de palmier : l’arouman et le cachibou cependant, restent les maĂźtres-tiges pour l’exercice prĂ©cis de la vannerie antillaise. Parfois, et suivant les usages, d’autres vĂ©gĂ©taux se prĂȘteront bien Ă  la torsade, oĂč l’osier, le rotin, la paille, les lianes ou le bambou constituent, selon la disponibilitĂ©, de fameuses bases de travail. LĂ , un savoir bien particulier indique au facteur les bonnes techniques de ceuillette et de sĂ©chage de ses trouvailles. Quant aux porteurs de la tradition, ils se perdent loin dans les limbes de l’histoire et des pratiques quotidiennes :

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art de femmes, il aura permis de complĂ©ter, sinon de former l’ensemble des revenus d’une population prĂ©caire. Art rural, il est aussi celui des pĂȘcheurs et agriculteurs, oĂč les intersaisons creusent les bourses et le ventre. La vannerie antillaise s’esthĂ©tise souvent : teintĂ©es, les fibres s’entremĂȘlent pour construire de prĂ©cises compositions angulaires. Les Ɠuvres s’augmentent de tonalitĂ©s chaudes, en alternance de beige, de noir profond, obtenu au cul du canari posĂ© au feu ou de rouge intense, lorsque frottĂ©es Ă  la puissante poudre de roucou.

Aujourd’hui, un patrimoine immatĂ©riel ardemment dĂ©fendu Il est aussi des replis de terre, des quartiers des familles que l’on associe bien volontiers Ă  cette pratique immĂ©morielle : Ă  la Martinique, c’est Ă©videment au Morne des Esses que l’on songe, au creux duquel s’est dĂ©veloppĂ©e, forte de l’abondance de sa matiĂšre premiĂšre, une intense activitĂ© de vannerie. Aujourd’hui, cet artisanat s’est imposĂ© au registre des hĂ©ritages immatĂ©riels unanimement reconnus, de ceux qui composent le paysage culturel et identitaire d’un peuple et de son terroir. Ses dĂ©fenseurs sont passionnĂ©s, leurs crĂ©ations inspirĂ©es : paniers, plateaux, corbeilles, rĂ©cipients Ă©tanches ou colorĂ©s trouvent encore un usage autant traditionnel que militant dans les intĂ©rieurs antillais.


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