Magazine Maisons Créoles N°112 Martinique

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Tunique à l’anglaise ajourée, elle est portée par toutes, qui l’adaptent aux labeurs du quotidien : porteuses, blanchisseuses, poissonnières, marchandes et pacotilleuses la retroussent à la « rivière salée », au moyen d’un foulard ou madras utlilisé en ceinture, dont les variantes en motifs et styles ne dépendent que de l’inspiration du moment.

La peinture d’une société À l’analyse, le costume créole devient une résultante d’une société de l’apparence, qui marque l’ensemble de ses strates, d’esclaves arrivés nus à la reconquête d’une existence sociale aux colons soucieux d’exhiber fortune et opulence. Et au cœur de ces dynamiques, l’avènement d’une caste de gens de couleur libre, l’influence de mulâtresses séductrices complexifient encore cette tenue et sanctifie les mélanges de codes et de genres. D’ailleurs, son emblématique témoin reste l’indémodable Gran’Robe, portée à la ville autant que pour les agapes: son ajustement et sa valeur dépendront alors du motif de sa sortie et elle s’égaie de nombreuses parures, de corsages de dentelle et de foulards aux imprimés madras, aux reins et dans la coiffe. Parfois, les cérémonies reçoivent des jupons doubles surmontés de corsets ouvragés, dans un constant effort de surenchère et d’ostentation. C’est sur cette base qu’évoluera l’habillement, enrichi à mesure des moyens et des évènements politiques. Et dans cette revue aux multiples entrées, il serait indélicat d’omettre le rôle des bijoux et des coiffes dans la transmutation et l’affirmation du costume créole. Le bijou, accessoire final de la tenue, dévoile autant sur son porteur qu’il achève la toilette: les Das, les Matadors, les Favorites s’en parent presqu’au quotidien, tandis que l’extraordinaire d’un mariage ou d’un baptême en révèle l’existence chez les femmes du peuple. La coiffe aussi raconte, et s’étoffe : elle indique les cœurs à prendre, éclaire sur les années de vie. Chaudières ou calendées, elles deviennent même outil de travail, lorsqu’une toshe, tissu enroulé sur lui-même, s’y pose pour faciliter le transport de charges sur la tête. Et que dire des patrons pensés pour hommes, garçonnets et fillettes ? Dans ces traditions vestimentaires qui tracent des voies infinies, le mélange des cultures est à l’œuvre. Et si l’usage le veut aujourd’hui quelque peu désuet, et ce malgré d’intenses et ingénieuses campagnes de réhabilitation, le costume créole reste l’un des jalons les plus essentiels de notre identité.

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