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70 Vie pratique

Migros Magazine 5, 28 janvier 2008

Larguer son copain? Sa copine? Tout un art! Plus que jamais, l’adolescence est l’âge des idylles sans lendemain. Savoir rompre s’avère donc primordial. A chacun ses trucs et malices.

L’

éducation sentimentale, tu parles. A l’heure où la durée des relations amoureuses entre adultes se compterait plutôt en mois qu’en années, le vert paradis des amours enfantines, déjà pas précisément connu pour la longévité de ses idylles, semble prendre des allures de jeu de massacre. A tendre l’oreille dans les bus, les trains, à jeter un œil sur les forums d’adolescents, à écouter enfin les doléances de petites nièces en larmes ou de grands neveux boutonneux, on arrive à cette évidence: le problème ne consiste plus tant à nouer une liaison qu’à trouver le meilleur moyen d’en sortir. Comment larguer son copain, sa copine? Voilà, désormais, la question. Au départ, il semble y avoir consensus et une seule consigne: de la sin-cé-ri-té. Parce qu’il, parce qu’elle a droit à la vérité: «Le plus dur très souvent pour le ou la largué(e) c’est de ne pas savoir pourquoi!!! Eh oui, très peu de monde a le courage de dire pourquoi, comment.» «Oui, tchac. Un grand coup sur la tête pour que les choses soient bien claires. Rien n’est pire que le flou.» Mais les objections contre le parler vrai fusent vite: «Tu ne peux pas, tu vas lui faire mal, très mal, car il n’y a que la vérité qui blesse.» L’auteur de cette remarque s’est attiré, sur un chat, la réponse suivante: «La vérité blesse, mais le silence tue.» Aïe, aïe, aïe: impossible de plaquer sans semer la

Pour un nouvel art de la rupture La plupart des ouvrages consacrés à la rupture traitent, unilatéralement, des multiples façons de se remettre d’un plaquage assassin. Signe que celui ou celle qui rompt continue d’endosser l’habit du diable. Quelques exceptions quand même, comme ce «Je te quitte, moi non plus ou l’art de la rupture amoureuse» (Calmann-Lévy) de l’anthropologue italien Franco La Cecla. Dont les thèses peuvent se résumer en trois points: 1) La rupture amoureuse est considérée comme infamante. Nous continuons à mélanger des clichés romantiques et soixante-huitards – l’amourpassion, donc libre, anarchique, incontrôlable – avec des valeurs judéochrétiennes perverties par le mode de vie américain: la réussite conjugale est mise sur le même pied que la réussite professionnelle. Le mariage, même sous forme de pacs, reste la norme.

désolation? Certains s’y résignent: «Je pense qu’on ne peut pas rompre sans faire de mal. En fait, rompre c’est dire à la personne en face que tu t’es aperçu qu’elle n’est pas aussi bien que ça.» Avec quand même une petite lueur, une infime porte de sortie: «Il faut donc persuader la personne que ce n’est pas de sa faute mais de la vôtre.» Réplique: «Ça ne marche jamais. J’ai essayé.»

Larguer par post-it? Alors quoi? Rester quand même pour n’offenser personne? Galère assurée, selon un jeune Don Juan: «Si tu l’aimes pas et tu restes avec

2) Or, ces vieux idéaux de passion et de durée, outre qu’ils sont intenables parce que parfaitement contradictoires, se révèlent de plus en décalage avec la réalité. Les gens divorcent en effet de plus en plus, le nombre de célibataires augmente, l’habitude consisterait plutôt à vivre désormais trois ou quatre relations importantes dans sa vie. Mais comme la relation unique reste la valeur officielle, la séparation continue de véhiculer honte pour celui qui quitte et souffrance pour celui qui est quitté. 3) Pour sortir de l’engrenage, il conviendrait d’inventer un nouvel art de rompre, une sorte de savoir-vivre du congé, qui dédramatiserait l’importance de nos histoires d’amour. Celui qui quitte n’aurait plus besoin de déverser des tombereaux de reproches et celui qui est quitté n’aurait plus à prendre ce galimatias pour argent comptant.

elle, ça va lui faire encore plus mal, parce que tu n’es plus avec elle par amour mais par pitié...» Pour éviter le double écueil du psychodrame et du sentiment de culpabilité, reste l’astuce, la roublardise, le truc qui vous sortira de la panade en vous laissant même, parfois, le beau rôle. Chacun semble connaître quelques recettes, pour les avoir pratiquées et /ou subies: «La manière la plus bizarre, c’est avec un post-it sur le frigo, eh oui, y a des culottées dans ce monde.» Parmi les manœuvres classiques: le silence radio jusqu’à épuisement de la partie adverse, lasse de canonner des SMS dans le

vide. Ou le piège, tel que celui raconté par Tatiana dans un quotidien fribourgeois: envoyer un SMS ambigu et aguicheur à partir d’un portable dont votre chéri(e) ne connaît pas le numéro, pour voir s’il/elle se laisse tenter par la première aventure venue. Avec, ensuite, un prétexte en béton pour se débarrasser du félon/de la traîtresse. L’expérience joue, forcément, un rôle et les serial killers aux multiples encoches à leur palmarès finissent par ne plus trop se poser de question: «J’ai la réputation que c’est toujours moi qui plaque le mec (à part deux ou trois fois)... Il


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