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Homo bricolus

La crise sanitaire a boosté le phénomène du «do it yourself» (DIY). Une nouvelle génération d’artisans bricoleurs a trouvé dans le faire tout soi-même plus qu’un hobby: un art de vivre.

Texte: Patricia Brambilla, Sid Ahmed Hammouche Photos: Niels Ackermann / Lundi13

On les appelle des «do-iteurs». Cette nouvelle espèce d’Homo bricolus, qui tient aussi bien le pinceau que la scie à onglet. Sait changer un papier peint, poser une bande de calicot ou restaurer une vieille commode en meuble patiné hyper en vogue. Les «do-iteurs» (ou «do-iteuses») se sont révélés lors du semi-confinement de 2020. Leur devise: faire tout soimême ou presque, recycler les matériaux qui peuvent l’être, prolonger la vie des objets et, surtout, embellir le quotidien.

Sur la Toile aussi, les blogs de rénovation et les comptes Instagram de décoration d’intérieur ont fleuri comme des primevères sur une tapisserie. De l’élégante Sofia Clara au décroissant Barnabé Chaillot, en passant par la glamoureuse Andy, mannequin française convertie dans la déco d’intérieur – sa chaîne Youtube collecte plus de deux millions d’abonnés –, on trouve toutes les inspirations possibles: du petit bricolage hype à la grande rénovation, comme faire un vase en carton texturé, repeindre ses toilettes ou carrément décaper un lavabo!

Changement de comportement Le trend du «do it yourself» (DIY) est bien là, semble parti pour durer et se vérifie jusque dans les rayons des grandes surfaces. «Cette tendance a commencé en même temps que le semi-confinement, en mars 2020, et on en a encore profité cette année. Pour tout ce qui est revêtement de sols, murs, plafonds, le chiffre d’affaires fin août a encore bondi de 20% par rapport à l’année dernière. On le voit dans tous les secteurs, jusque dans la literie!», observe Patrick Boos, chef de marché Obi, Do-it et Micasa à Migros Vaud. Qui ajoute: «Les gens, qui ne sont pas partis en vacances, ont vu leur pouvoir d’achat

Pour Adeline Scherantz, le «do it» permet de devenir plus éco-responsable.

«Réaliser quelque chose de ses dix doigts augmente l’estime de soi»

Adeline Scherantz, 32 ans, spécialiste en environnement, Yverdon (VD)

«J’ai commencé le «do it» lors de mes études en environnement à l’Université de Genève. Avec un groupe d’étudiants, nous avons créé l’association DIY Geneva pour organiser des ateliers de bricolage afin de stimuler l’échange et la transmission de savoir- faire, actuels ou anciens, réparer, recycler et surtout retrouver du bonheur à faire des objets avec ses mains. Le bricolage apporte un sentiment d’authenticité et d’accomplissement. Réaliser quelque chose de ses dix doigts augmente l’estime de soi. Loin de moi l’idée de culpabiliser sur la société de consommation ou sur l’environnement, mais le «do it» est une manière d’agir, un moyen d’être plus autonome, plus éco-responsable.

Avec l’aide des réseaux sociaux, le DIY est devenu très tendance. Il se retrouve dans toutes les activités visant à créer, customiser, recycler des objets de la vie courante. Sincèrement, j’aime m’adonner à «l’upcycling», ou surcyclage, qui vise à faire du beau avec du vieux ou récupérer des éléments qui sont normalement des déchets. Dernièrement, j’ai fabriqué une table basse en offrant une seconde vie à une palette en bois. Réaliser des objets de ses mains, c’est magnifique. D’autant qu’ils ont toujours une touche personnelle. Je ressens même du plaisir créatif. Aujourd’hui, le développement des «fab-labs», des «makerspaces», des «wiki», des tutos, des bibliothèques d’objets pour emprunter des outils fait que le monde du bricolage attire de plus en plus de jeunes et de novices.»

«Nous sommes des passionnés du faire soi-même. Nous avons acheté un chalet que nous avons rénové de fond en comble. Cela nous a permis d’économiser mais aussi d’apprendre plein de métiers; de la plomberie à la peinture, sans parler de la maçonnerie. Nous sommes des «do-iteurs» aguerris, même si nous avions déjà grandi dans une culture du bricolage et du fait maison.

Avec nos enfants, on aime bien fabriquer, rafistoler et créer des objets. C’est pratique et ludique à la fois et ça donne plus de saveur au quotidien. Nous avons, par exemple, réalisé une table basse pliable qui répondait exactement à nos besoins et à notre style. Avec le DIY, notre famille gagne beaucoup en temps, en énergie et en passion. Nous aimons bien remettre au goût du jour d’anciennes techniques, travailler le cuir, le bois, souder, réaliser des manches de couteaux, retaper des appareils et surtout faire du surmesure. Ce mode de vie est aussi source de fierté et de joie dès l’instant où l’on est content de l’objet bricolé. Nous sommes toujours à l’affût des produits difficiles à trouver, de techniques nouvelles.

Aujourd’hui, grâce à Youtube et internet, le savoir- faire est accessible. Le net regorge de sites et de blogs consacrés au DIY. L’inspiration vient souvent en regardant les autres, même des tutos de bricoleurs polonais, japonais, chinois. Nous faisons partie d’une génération qui veut réapprendre le savoir-faire avec nos mains et c’est pour cela que le «do it» est magique.»

«Nous aimons bien remettre au goût du jour d’anciennes techniques»

Céline Battiaz Golay, 36 ans, physiothérapeute, et Fabrice Golay, 41 ans, collaborateur au Jardin botanique, Saint-Cergue (VD) De la plomberie à la peinture, Fabrice Golay et sa femme Céline ont appris plein de métiers grâce au «do it».

augmenter. Ils ont réinvesti cet argent dans la rénovation de leur appartement ou de leur maison. Cela correspond aussi à un besoin clair de bien-être. Depuis une année, le comportement des gens a changé. Beaucoup quittent la ville pour la campagne, ils veulent de la verdure, un espace extérieur. Et surtout se sentir bien chez eux, pour se ressourcer et se déstresser. Le nouveau trend, c’est le cocooning.»

Il y a, dans ce retournement vers l’intérieur, comme un besoin de reprendre le contrôle de sa vie, confisquée pendant plusieurs mois par la crise sanitaire. À cela s’ajoute le télétravail, qui a bouleversé les habitudes et donné l’occasion de voir tous les défauts du mobilier: «À cause du télétravail, beaucoup ont installé un coin bureau chez eux, ils se sont équipés de produits un peu plus haut de gamme. Les gens ont besoin de se sentir bien à la maison, surtout quand ils y passent toute la journée», commente Benoît Delbrouck, acheteur chez Micasa à Genève. Qui précise encore que, depuis deux ans, les vendeurs reçoivent une petite formation en déco pour pouvoir mieux accompagner et orienter les clients avides de conseils.

Sobriété et écologie Dans la galaxie du «do it yourself», on retrouve les mêmes codes qu’ailleurs, l’envie de bois naturels, le souci écologique, l’aspiration à la sobriété façon scandinave. D’où le succès des meubles palettes en matériau brut, emblèmes parfaits du recyclage, qui se vendent comme des petits pains. D’autant que, sans être un virtuose du pinceau, on peut les peindre et les personnaliser à volonté. «On en propose

«J’aime détourner l’utilisation première des objets»

Adrien Waelti, 40 ans, économiste de formation, Froideville (VD)

dans l’unité bricolage en quatre couleurs, blanc, brun, gris ou nature. On peut les customiser, ça ne coûte pas cher et cet objet, en vente depuis trois ans, marche vraiment de mieux en mieux», confirme Patrick Boos.

Bon à savoir, pour les occasionnels de la perceuse, qui hésitent à acheter ce genre d’accessoires, il est toujours possible de les louer, soit dans une bibliothèque d’objets (genre La Manivelle à Lausanne), soit chez Obi, qui propose la location de divers outils, de la scie sauteuse à la débroussailleuse à partir de la demi-journée. Il n’y a vraiment plus aucune raison de rester les bras croisés. D’autant que, d’après une enquête de l’Observatoire des changements sociétaux à Paris (ObSoCo), le faire soi-même procurerait du bonheur. Le DIY, mieux qu’un hob-

«J’aime le bois et l’électricité. J’ai déjà fabriqué une serre, une volière, un abri à vélos, des lits escamotables, une mezzanine autoportante pour mes enfants... Là, je suis en train de construire une porte automatique pour le poulailler, avec des cellules photosensibles, pour qu’elle se ferme toute seule à la tombée du jour! J’ai toujours bricolé d’abord avec mon père et puis tout seul. Rien ne me fait peur, je regarde comment font les autres et j’essaie.

À 6 ans, je moulais des petites figurines en plomb, à 12 ans, je vendais des t-shirts et à 17 ans, je lançais ma petite entreprise informatique. J’adore faire par moi-même, l’aspect économique fait partie de l’équation, mais n’est pas prioritaire. J’aime surtout détourner l’utilisation première des objets, construire une trappe d’escalier automatique avec un moteur de store, convertir des rails de lampe en gonds de portail… 95% de mes matériaux proviennent du recyclage, des objets que je récupère à la déchetterie ou ailleurs. Ma prochaine réalisation? Construire un kota à la scandinave en pin autoclave pour abriter un jacuzzi dans le jardin. J’ai plein d’idées, je ne m’ennuie jamais. Dans mon garage, j’aurais tous les outils pour construire une maison entière!»

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Le petit lexique du «do-iteur»

• «Do it» ou DIY: C’est-à-dire

«do it yourself» ou faites-le par vous-même. Il y a aussi le DIT pour «do it together» ou faites-le ensemble et le DIWO pour

«do it with others» ou faites-le avec les autres. • Customiser: Adapter un produit en le personnalisant. • «Creative Commons»:

Faciliter l’utilisation de ses créations par d’autres, autoriser gratuitement leur reproduction et leur diffusion. • «Fab-lab» ou «Makerspace»: Ateliers locaux ouverts à tous, où l’on peut louer, concevoir, modifier, personnaliser et fabriquer toutes sortes d’objets. • Hacker: de l’anglais «hack», bidouiller, modifier et bricoler. • «Makers»: désigne les artisans bricoleurs. • Kits: Ensemble des pièces détachées constitutives d’un objet, vendues avec un plan de montage, et que l’on assemble soi-même. • «Staging»: Transformer à moindres frais. • Surcyclage ou «upcycling»:

Donner une nouvelle vie à un objet loin de sa première fonction, comme la transformation des palettes de manutention usagées en mobilier de jardin. • Tutoriel ou tuto: Guide d’apprentissage pratique utilisant des supports divers (logiciel, vidéo, texte, images) et portant sur toutes sortes d’activités. • «Wiki»: Système informatique de gestion de contenu participatif basé sur la libre contribution. • «Wikifab»: Un mini

Wikipedia du «do it». La plateforme regroupe des tutoriels allant de la décoration à la fabrication d’objets divers et variés.

Les indispensables

Clé à molette, perceuses, visseuses, niveau à bulle et autres outils de bricolage... Chez Do it + Garden, vous trouverez tout ce dont vous avez besoin pour assouvir votre passion du faire soi-même et attiser votre créativité.

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1 Clé à molette 250 mm Lux, Fr. 10.95 2 Jeu de clés mâles Swiss Tools, Fr. 29.95 3 Perceuse à percussion Stanley, Fr.199.4 Ponceuse orbitale Blue 125-1 AE Bosch, Fr. 169.- 5 Jeu de mèches,

kwb, Fr. 19.95 6 Marteau de serrurier 500 g Lux, Fr. 16.95 7 Coffre à outils, Fr. 49.95 8 Tournevis PB Swiss Tools, Fr. 9.95 9 Rouleau à poils ras Schöner Wohnen, Fr. 14.95 10 Niveau à bulle Stabila, Fr. 14.95

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