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Géopolitique
«Le plus grand danger pour nous vient des États-Unis»
La crise démocratique que vivent actuellement les USA menace la paix dans le monde, selon Lars-Erik Cederman, chercheur spécialisé dans les conflits à l’EPFZ. Il estime que la Suisse devrait dans ce contexte davantage coopérer avec l’UE et l’OTAN.
Texte: Ralf Kaminski
Lars-Erik Cederman, le chancelier allemand Olaf Scholz a parlé d’un «changement d’époque» après l’attaque de la Russie contre l’Ukraine. Vous êtes d’accord? Oui, nous vivons actuellement un tournant dans la politique mondiale, comparable à la fin de la Guerre froide il y a trente ans. Où ce tournant dans la politique mondiale pourrait-il mener? En Europe occidentale, après trois belles décennies de paix, nous devons nous préparer à l’arrivée de temps plus difficiles. On assiste au retour de forces qui ont longtemps fait partie du quotidien de la politique mondiale – et qui n’ont jamais disparu dans de nombreuses parties du monde: le nationalisme et la loi du plus fort. Tous deux représentent un grand danger pour l’équilibre mondial et la paix, puisqu’ils mettent sous pression le droit international et la coopération entre les nations. Dans quelle mesure cela est-il problématique pour l’Europe? L’ordre pacifique qui a été établi après la Seconde Guerre mondiale tient toujours. Mais il y a maintenant une sorte de compétition; nous devons défendre activement l’ordre mondial actuel si nous voulons le conserver. Et il me semble que beaucoup n’ont pas encore compris ce qui était en jeu pour nous: la démocratie, l’État de droit, la liberté, la paix, les idéaux des Lumières. Cela pourrait mal tourner, et même très vite. On peut actuellement le voir en direct aux États-Unis.
Vous estimez que la situation là-bas est si grave? La crise démocratique aux ÉtatsUnis représente aujourd’hui la plus grande menace pour notre sécurité. Si la plus puissante et la plus ancienne démocratie du monde ne parvient pas à maîtriser ses ennemis dans son propre pays, nous aussi, en Europe, avons un problème, car les États-Unis sont les garants de l’ordre pacifique actuel. Donald Trump a mis la main sur le Parti républicain, qui se dirige désormais vers l’autocratie; il faut malheureusement le dire avec cette dureté. La preuve en est que nombre de membres du parti se moquent que leur président ait tenté un coup d’État à la fin de son mandat.
L’attaque du Capitole le 6 janvier 2021 a montré que Donald Trump et son emprise sur le Parti républicain menaçait la démocratie aux États-Unis.
Les Républicains ont de bonnes chances de remporter les élections législatives cet automne... Oui. Et si, dans leur état actuel, ils reprennent également la Maison Blanche en 2024, ce qui est tout à fait possible compte tenu de la crise économique qui s’annonce, il y a un risque élevé d’effondrement du front international contre la Russie et les autres autocraties. Même si quelqu’un d’autre que Donald Trump gagne? C’est à craindre, malheureusement. Car il s’agira de quelqu’un ayant des positions très similaires, comme Ron DeSantis, gouverneur de Floride. La probabilité que les États-Unis se retirent alors de l’OTAN est élevée, ce qui serait catastrophique pour la situation sécuritaire en Europe. Et aux ÉtatsUnis, la démocratie et l’État de droit seraient soumis à une pression encore plus forte. Les Républicains sont de grands admirateurs du Premier ministre hongrois autocratique Viktor Orbán.

L’Europe devra-t-elle donc bientôt assurer sa propre sécurité, sans l’aide des États-Unis? Nous devrions en tout cas nous préparer dès maintenant à ce scénario.
Avez-vous été aussi surpris que la plupart des gens lorsque Vladimir Poutine a ordonné l’attaque contre l’Ukraine? Non, je craignais déjà en 2014, après l’occupation de la Crimée, que cela ne s’arrête pas là. La vision du monde de Vladmir Poutine est très nationaliste et révisionniste. De son point de vue, le territoire de la Russie s’étend au-delà de ses frontières, qu’il faut donc repousser. Il se voit comme un nouveau tsar avec pour mission de redonner à l’empire sa grandeur d’antan. Au moins, l’Occident a réagi de manière inhabituellement unie et déterminée. Cela vous rendil un peu optimiste? Il y a là matière à se réjouir. Comme lorsque les chefs de gouvernement comme Olaf Scholz parlent de «changement d’époque», signalant ainsi qu’ils ont reconnu la gravité de la situation. Sachant aussi que l’Allemagne, en tant que plus grande puissance d’Europe, devrait se montrer un peu
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moins hésitante dans son soutien à l’Ukraine. Mais dans l’ensemble, je suis plus pessimiste qu’il y a dix ans: la désunion mondiale est grande, des organisations comme l’ONU, qui devrait œuvrer pour la paix et la coopération mondiale, sont affaiblies.
Quel peut être l’impact des sanctions contre la Russie? Il ne faut pas espérer un changement de pouvoir à court terme, Poutine est bien installé dans son fauteuil. Mais si la situation économique de la population venait à se détériorer, son régime pourrait, à terme, se retrouver sous pression. Dans tous les cas, les sanctions sont nécessaires pour montrer clairement que le comportement de Poutine est inacceptable et ne doit en aucun cas être copié par d’autres. Voyez-vous d’autres conflits qui pourraient avoir une importance mondiale similaire? Le plus dangereux serait sans doute une attaque de la Chine sur Taïwan, ce qui offrirait un énorme potentiel d’escalade. Le dernier changement d’époque a été la fin de la Guerre froide. On espérait la paix, la coopération et la démocratie partout dans le monde. N’était-ce qu’une belle illusion? C’était déjà plus que ça. La situation s’est améliorée dans certaines parties du monde. Il y a moins de famine, de pauvreté, de violence, de tensions dans les États multiethniques et aussi plus de démocratie qu’en 1990. Mais beaucoup de ces progrès se sont produits au cours des vingt premières années qui ont suivi la fin de la Guerre froide. Depuis, les choses ont peu évolué – ou alors en sens inverse. Pourtant, ces progrès montrent qu’un monde meilleur est possible. Était-ce une illusion de croire que l’on vivait désormais dans une paix éternelle et que l’on pouvait faire des économies sur l’armée? Il semble que beaucoup se soient bercés d’une fausse sécurité. Ce sont notamment les États-Unis qui ont contribué à cette sécurité Bio express
Lars-Erik Cederman, 59 ans, est professeur d’université et spécialiste des conflits internationaux à l’EPF de Zurich. Ce Suédois d’origine fait de la recherche à l’EPFZ depuis 2003 déjà et possède aussi la nationalité suisse. Il vit à Uetikon (ZH) et a un fils de onze ans.
et à cette liberté pendant la Seconde Guerre mondiale, au prix de grands sacrifices, et qui les ont garanties par la suite, malgré les échecs au Vietnam et en Irak. Ce n’est pas tombé du ciel. L’Europe doit-elle s’armer? Oui, nous nous dirigeons vers une nouvelle Guerre froide. Et ce n’est pas parce que les Russes ont des difficultés militaires en Ukraine que le danger pour l’Europe est écarté. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous défendre, par les armes si nécessaire. On peut voir actuellement en Russie à quoi ressemblerait l’alternative. La neutralité suisse fonctionnet-elle dans cette nouvelle situation mondiale? Seulement si on l’interprète de manière aussi flexible que le fait actuellement le Conseil fédéral. La Suède et la Finlande sont déjà plus avancées et souhaitent intégrer l’OTAN. Il faut maintenant un changement radical de mentalité, et heureusement, cela a déjà commencé dans de nombreux pays, même si la mise en pratique prendra peut-être encore du temps. La Suisse devrait-elle aussi faire partie de l’OTAN? C’est politiquement irréaliste. Mais j’ai constaté avec plaisir que même certains conservateurs pouvaient au moins envisager un rapprochement. Vous plaidez pour plus de coopération? Oui, il faut une réorientation stratégique. Ce n’est qu’alors qu’il sera logique d’augmenter le budget de l’armée comme le Parlement l’a décidé. Avec ces moyens de guerre, la Suisse serait alors intégrée dans une stratégie de défense commune du continent. Une meilleure relation avec l’UE serait également utile. Je suis étonné de voir comment la politique a conduit la Suisse dans une impasse. Au fond, seul le Parti vert’libéral a une position constructive. Je suis particulièrement déçu par le Parti socialiste.
Pourquoi justement par lui? Ce parti trahit les valeurs qu’il est censé représenter: ouverture, internationalité, coopération. Au lieu de se concentrer sur les dangers de la situation géopolitique générale, on fait du nombrilisme syndical populiste à courte vue, juste pour quelques francs. L’UDC, quant à elle, prévoit une initiative visant à consacrer une forme très traditionnelle de neutralité. Qu’en pensez-vous? Rien. Monsieur Blocher vit dans le mauvais siècle. Lui et son parti ne voient pas à quel point la Suisse est dépendante des autres pays européens. Si elle n’avait pas soutenu les sanctions actuelles contre la Russie, cela aurait été dévastateur pour l’économie et la place financière. La notion de neutralité a toujours évolué, elle n’est pas sacrée; il s’agit plutôt d’un instrument visant à préserver la prospérité et les intérêts de la Suisse. Si la situation mondiale change, il faut aussi adapter les instruments. De quelle manière? Aujourd’hui, la neutralité devrait être interprétée de manière à ce qu’elle serve l’ordre pacifique actuel et le droit international. C’est la condition sine qua non pour que la Suisse puisse se permettre quelque chose comme la neutralité. De plus, le type de populisme que l’UDC pratique entre autres avec son initiative fait en réalité partie du problème. Vous voulez dire la division de nos sociétés? Oui, la polarisation, alimentée et utilisée par les populistes. Nous voyons aux États-Unis et en Grande-Bretagne à quel point cela peut être dangereux, mais des divisions similaires existent presque partout en Europe et sont habilement exploitées par Poutine. Nous n’avons donc pas seulement des ennemis extérieurs, mais aussi des ennemis intérieurs, qui ne sont pas moins problématiques pour l’ordre pacifique actuel. Les populistes et les autocrates sont élus démocratiquement. Pourquoi tant de gens ne voient-ils pas le danger contre lequel vous mettez en garde? D’une part, pour beaucoup, les trente dernières années ont été si idylliques qu’ils n’imaginent même pas à quel point les choses pourraient aller mal. D’un autre côté, tout le monde n’a pas pu en profiter. Les inégalités sociales et économiques se sont accrues, les peurs, l’insécurité et la frustration ont augmenté. La classe ouvrière occidentale, en particulier, fait partie des perdants de ces dernières décennies. Les populistes s’adressent habilement à ce sentiment d’insécurité et promettent des solutions simples qui ne fonctionnent évidemment pas. Mais avec les thèmes de la lutte culturelle et de la xénophobie, ils sont devenus des acteurs politiques pertinents. Comment pouvons-nous réagir? Les profiteurs du système – les entrepreneurs, l’élite financière, les personnes aisées – devraient être prêts à partager une partie de leur richesse. Les filets de sécurité sociale devraient être plus solides et plus généreux. Il faudrait des normes minimales pour tous, une sorte de New Deal social – cela couperait l’herbe sous le pied des populistes. Et comment gagner contre les autocrates? En veillant à ce que la vie dans notre partie du monde soit plus attrayante que dans les États autoritaires. Nous resterons alors un modèle désirable pour les gens làbas aussi. C’est la manière de gagner cette lutte à long terme. MM