Migros magazin 29 2013 f vd

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aU QUotidieN

Migros MagaziNe | No 29, 15 JUILLET 2013 |

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otre enfant vous énerve, n’en fait qu’à sa tête, argumente avec plus de ténacité qu’un vendeur d’assurances? Chaque repas se termine en crise de larmes? Bref, vous ne voyez plus de solution à ces tsunamis quotidiens. Le psychologue américain Lawrence Cohen propose une seule réponse: jouez, jouez, jouez! Mais oui, dans son dernier ouvrage, justement intitulé Qui veut jouer avec moi? (Ed. JC Lattès, 2013), Lawrence Cohen ne jure que par l’amusement. Et invite les parents à participer aux jeux de leurs enfants et surtout à entrer en communication avec eux sur un mode ludique. Que ce soit pour accomplir ensemble les tâches ménagères, faire les devoirs, regarder la télé, pourquoi ne pas créer des moments de complicité joyeuse qui transforment le quotidien? «Rire, c’est guérir. La plupart des difficultés entre parents et enfants viennent d’une carence d’attachement», écrit-il en préambule. Ainsi les crises seraient le signal que le réservoir affectif de l’enfant est vide et qu’il est temps de remettre du carburant: l’amour. Simpliste, la proposition? Pas tant que ça, quand on sait que le jeu sert justement à créer du lien. «Le jeu est une manière de promouvoir l’esprit de famille, de montrer son affection, puisqu’on donne du temps et que l’on montre du plaisir. Jouer avec son enfant, c’est l’autoriser à être heureux», approuve France Frascarolo, psychologue à l’Unité de recherche du Centre d’étude de la famille à Lausanne et auteure d’Option bonheur (Ed. Albin Michel). Evidemment, il ne s’agit pas de passer tout son temps à jouer, mais de recourir à cet état d’esprit aussi souvent que possible, surtout dans les moments de tension. Histoire de renouer avec l’enfant plutôt que d’agrandir le fossé. Mais

«Jouer avec son enfant, c’est l’autoriser à être heureux» France Frascarolo, psychologue

assumer son rôle de parent par le rire, n’est-ce pas paradoxal? «C’est déstabilisant par rapport à nos attitudes mentales. Mais cela permet surtout que la fonction de parent soit vécue avec plus de joie et moins de conflit. Tous les rapports de force sont déjoués par le jeu», souligne Isabelle Filliozat, psychologue française et auteure de plusieurs ouvrages d’éducation positive. Une seule restriction: quand il s’agit de poser des règles de vie ou de sécurité. «Si on rit quand un enfant traverse la route alors qu’on lui avait dit de rester sur le trottoir, il ne comprendra pas le message», confirme France Frascarolo. Comme le souligne l’auteur, le jeu est un lieu où l’enfant se sent libre d’être pleinement lui-même. Une soupape indispensable pour grandir. Mais tous les jeux ont-ils vraiment la même valeur? «Ils ont tous une place, qu’ils soient symboliques, de construction, de réflexion ou de stratégie. Ils servent à entraîner des compétences», répond Isabelle Filliozat. Course poursuite, interminable partie de Monopoly, bataille de polochons, tout est bon. Même les jeux violents, quand frère et sœur se tirent dessus à coups de

balle en mousse? Pour Lawrence Cohen, rien ne sert de les interdire, mieux vaut accompagner l’enfant, voire «s’y livrer, un temps, avec lui, pour lui ouvrir un nouveau champ de possibles, lui permettre d’expérimenter d’autres moyens de gérer ses impulsions agressives». Autrement dit, si votre enfant adore arracher les têtes des poupées, installezvous à côté de lui et faites pareil, même si cela vous hérisse! Rien ne sert donc de se cabrer, de vociférer ou d’interdire – les réactions exagérées ne sont que des renforcements qui encouragent le comportement réprouvé. Mieux vaut enlever son costume de parent fatigué, se mettre à quatre pattes et courir sur la moquette derrière ses galopins. Et si votre enfant n’aime pas perdre? Pas grave, c’est normal! «Aucun enfant n’aime perdre. Il faut d’abord reconstruire son pouvoir personnel, trouver un jeu qui lui permette de gagner. Les parents sont des entraîneurs. A eux d’aider l’enfant sans l’humilier. Plus il apprendra à gagner avec ses parents, plus il saura perdre avec les autres!» explique Isabelle Filliozat. Texte: Patricia Brambilla Photos: Getty / S. Têtu - La company

«Tous les rapports de force sont déjoués par le jeu» Isabelle Filliozat, psychologue

La réunion sur canapé pour faire tomber la tension Comment redonner confiance à un enfant, vaincre un repli? En regonflant son estime personnelle et en jouant avec lui. Et pourquoi pas en instaurant des temps de jeu particuliers, comme les appelle Lawrence Cohen. Autrement dit, des moments pas forcément longs, où le parent donne carte blanche à l’enfant et lui accorde une attention exclusive. A lui de choisir le jeu et d’y entraîner

l’adulte consentant. Autant de moments privilégiés qui resserrent les liens. Plus facile à dire qu’à faire, quand la moutarde vous monte au nez, difficile de se changer en humoriste! N’empêche, plutôt que de se mettre à hurler sur un comportement qui vous agace et envoyer le garnement dans sa chambre, mieux vaut opter pour une réunion sur le canapé. De quoi

s’agit-il? De faire tomber la tension en s’offrant un temps de pause à deux. L’important est que chacun, parent et enfant, puisse vider son sac et restaurer l’attachement. Une façon de repartir du bon pied. A force de répéter plusieurs fois les mêmes recommandations – «range ta chambre, sors la poubelle, débarrasse la table!» – qui passent totalement inaperçues, mieux vaut parfois

surprendre. Comment? En donnant les mêmes injonctions mais en imitant, par exemple, une voix d’opéra. Ou en prenant le contre-pied. Genre: «Au lieu de sortir les poubelles, ça t’ennuierait de te vautrer sur le canapé?» Des répliques pas forcément efficaces, mais qui ont le mérite de prendre l’ado au dépourvu et de relancer la dynamique familiale sur le mode humoristique.

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