VOTRE RÉGION MIGROS JURA-BÂLE
Migros Magazine 10, 8 mars 2010
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Une chronique jurassienne au ton personnel et attachant
Un livre où le regard décalé de la Bernoise Katharina Zimmermann sur le Jura fait merveille.
U
n beau jour des années nonante, la curiosité est plus forte que tout. Katharina Zimmermann décide d’aller voir de tout près le pays jurassien qu’elle devine au loin depuis chez elle. La chaîne jurassienne pare l’horizon de toutes ses nuances de bleu, à la fois proche et lointaine. Ce qu’elle entend dire de ce coin de terre n’est pas très élogieux, vu du côté bernois. Elle devine que les préjugés sont nombreux, qui en brouillent l’image. En plein conflit des Balkans, le problème des minorités l’intéresse. Pour cette femme bienveillante et d’une grande honnêteté intellectuelle, la meilleure façon de connaître et de comprendre le Jura, c’est de s’y rendre sans a priori, de s’immerger dans la vie quotidienne et d’observer les yeux grands ouverts, «en gros plan» n» comme elle l’écrit. Elle arpen-te les chemins de campagne,, visite les villes et les villages, s, suit la route des vitraux, se documente. Elle fait de nombreuuses rencontres, notamment celle de l’écrivain, aubergiste et cuisinier Jean Gigon, auquel le livre est dédié. Rien de ce qui a trait à l’histoire, à la géographie, à la vie culturelle, aux us et coutumes n’est oublié.
Un livre subtilement composé
De cette expérience, elle décide ensuite de tirer un livre. Elle imagine alors pour celui-ci une forme tout à fait originale: la première partie sera consacrée à la genèse du projet, à la description de sa démarche, ce qu’elle appelle son «atelier»; la seconde partie développera un récit fictif, avec des personnages imaginaires, dans le contexte réel de la Question juras-
mermann Katharina Zim
BLEUE LA CRÊTEssie nne Chronique jura
mand par Traduit de l’alle ler mül Édouard Höll
L’auteure Katharina Zimmermann et son traducteur Edouard Höllmüller.
sienne. On y fait la connaissance de Lisbeth, infirmière bernoise, de son mari Hans et de la jurassienne Adeline, un amour de jeunesse de celui-ci alors qu’il travaillait comme ingénieur dans la région. L’intrigue se déroule durant une semaine riche de rencontres et d’émotions. Sous le prétexte d’un cours de perfectionnement à Porrentruy, Lisbeth part à la recherche du passé de son mari, tout en cherchant à comprendre les racines du conflit jurassien. Dans le même élan, cette femme sensible et lucide s’interroge beaucoup sur elle-même, sur la condition de la femme (n’est-elle pas elle aussi parfois assujettie?) sur le sens de la vie en général. Ces différentes facettes confèrent à cette chronique un ton très personnel et atta-
chant et une forme d’universalité dans son approche de problèmes tels que les minorités, le droit de parler sa langue, les rapports multiculturels, le sens de la destinée individuelle. Sans oublier une délicieuse pincée d’humour qui fait de cette lecture un moment de plaisir et de connivence.
Une traduction fidèle et fluide
L’édition du livre en allemand a paru en 1995 à Berne chez Zytgloggeverlag, sous le titre de Blaue Mauer. Grâce au remarquable travail de passeur culturel effectué par Edouard Höllmüller, le lecteur francophone a la chance de le lire aujourd’hui dans une traduction fidèle et fluide, publiée par les Editions d’En Bas. Katharina Zimmermann est née à Berne, où elle réside. Enseignante,
musicienne, journaliste, elle a vécu de nombreuses années en Indonésie et élevé neuf enfants, dont cinq adoptés. Depuis son retour en Suisse en 1980, elle écrit des livres pour enfants et des romans. Edouard Höllmüller est enseignant retraité. Après avoir vécu dans différentes régions de Suisse et au Congo, il s’est établi dans le Jura en 1979. Guide touristique, passeur culturel, on lui doit également la traduction de Nebenaussen (Aux bornes, 2005) de Christian Schmid et un récit dans Le chameau dans la neige (2007), recueil collectif sur la migration. Chantal Calpe
Katharina Zimmermann, «La crête bleue», chronique jurassienne, traduit de l’allemand par Edouard Höllmüller, postface de Pierre Philippe, Ed. d’En Bas, Lausanne 2009, 193 pp.