3 minute read

Mon enfant veut devenir influenceur

Être star du web en présentant des produits dans un décor paradisiaque?

L’activité fait rêver, mais cache de nombreuses désillusions. Conseils aux parents pour encadrer les jeunes, sans être largués.

Texte: Patricia Brambilla

Influenceur, un vrai métier

Être une star YouTube ferait davantage rêver les jeunes que le métier d’astronaute, à en croire une récente enquête de la plateforme de recrutement SignalFire. Sauf que, devenir influenceur ne s’improvise pas. «Il ne suffit pas de poster une photo pour devenir riche! Ça demande beaucoup de compétences et de travail», avertit Laura Golay, responsable communication de l’association CIAO, qui vient de publier, avec Action Innocence, une vidéo de prévention sur le sujet.

Le mythe de la vie facile

Il ne suffit pas de sourire à la caméra dans un décor de rêve pour devenir influenceur. Il faut surtout un arsenal de savoir-faire: écrire un script, monter un film, éditer des photos, faire un planning, référencer la vidéo sur les plateformes, analyser les statistiques... Mais l’atout essentiel, pour Laura Golay, demeure la créativité: «Il y a des millions de créateurs de contenu, il faut pouvoir se démarquer et constituer une communauté, sans laquelle le youtubeur n’est rien.» Autrement dit, persévérance, régularité et travail assidu. «C’est un job à temps plein, voire même plus. Quand on est employé, on a un salaire fixe à la fin du mois, alors que pour l’influenceur, le salaire varie énormément et n’est jamais garanti.»

Discuter plutôt que dissuader

Avant d’asséner un non catégorique, mieux vaut privilégier le dialogue. D’autant que, si l’ado a un réel projet, il vaut la peine de l’accompagner. Car poster du contenu sur internet n’est pas sans risques: une vidéo peut devenir virale pour le meilleur… ou pour le pire, et susciter moqueries, voire cyberharcèlement. Ainsi, Laura Golay recommande d’utiliser un pseudo, de ne pas montrer son visage, d’éviter de montrer des lieux reconnaissables pour éviter que des personnes mal intentionnées ne repèrent le domicile. «Il faut rester le plus anonyme possible.»

Une motivation solide

Quelles sont les raisons de cette envie? Voilà peut-être la première question à poser à son ado. S’agit-il de gagner de l’argent facile ou d’une vraie aspiration à échanger sur une passion? «On ne voit que la partie conso, mais les youtubeurs ont généralement un vrai contenu à partager, que ce soit le piano, le cinéma, les voyages ou toute autre activité.»

Quant à celles et ceux qui misent sur la célébrité, attention:

«Ce n’est pas parce que l’on commence à poster quelque chose que le succès est garanti. C’est même souvent le contraire. Les vidéos qui deviennent virales et boostent une carrière d’un coup, c’est hyper-rare», affirme Laura Golay.

Des millions qui tombent du ciel?

La rumeur laisse entendre que les dollars tombent en même temps que les vues. Mais ce n’est pas le cas. Les youtubeurs vivent en partie grâce aux publicités sur leurs vidéos, ils ont des partenariats avec des marques, vendent parfois eux-mêmes des produits. Le revenu généré varie en fonction de nombreux paramètres. «Une vidéo qui fait un million de vues, ce qui est énorme, va peut-être générer 1000 francs de revenu. En tout cas, ce n’est pas de l’argent facile.»

Sois belle et disruptive

La tentation est grande pour une jeune fille de jouer avec son look pour espérer gagner de l’argent en vendant bijoux ou cosmétique. Mais il ne suffit pas d’être jolie et de multiplier les codes promo pour devenir Kim Kardashian. «Le domaine de l’influence mode-beauté est saturé, avec beaucoup de concurrence. C’est très difficile de percer. Il faut pouvoir se démarquer, aller contre les stéréotypes, disrupter, être créatif, en misant sur d’autres valeurs comme le body positive ou les images sans filtre. Mais encore une fois, c’est une loterie.»

influenceur demande beaucoup de compétences et de travail»

Laura Golay, responsable communication pour l’association CIAO

Peu d’influenceurs en Suisse

Pour 50 millions de créateurs de contenu dans le monde, 2 millions seulement en vivent*. En Suisse, seuls le grand JD brasse des millions de vues avec ses vidéos sur le paranormal et la mannequin Kristina Bazan cumule les followers en jouant la Shiva artistique (photo, chant, écriture). «Les influenceurs ont généralement d’autres sources de revenu, et souvent un métier dans la communication. Les compétences apprises sont très utiles dans le monde professionnel, pour gérer les réseaux sociaux d’une entreprise, par exemple», conclut Laura Golay.

Cadre légal

En Suisse, la loi sur le travail interdit, à quelques exceptions près, d’employer des mineurs de moins de 15 ans. Mais une personne qui génère des recettes grâce à son compte Instagram, TikTok ou sa chaîne YouTube tombe sous le statut d’indépendant. Auquel cas, les parents sont les représentants légaux de leur enfant jusqu’à sa majorité. L’autorité de protection de l’enfant peut toutefois intervenir si le bien-être de celui-ci est menacé ou qu’il existe un conflit d’intérêts entre les parents et l’enfant. À noter que la Suisse a ratifié la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant en 1997.

This article is from: