SAINT-VALENTIN
Migros Magazine 7, 14 février 2011
COUPLES BILINGUES
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L’amour à e l’américano-suiss Geneviève Mathier Scher, styliste, et Dan Scher, artiste peintre, Lausanne ➔ Ils s’aiment en… deux langues. «L’anglais, c’est joli. Mais j’aurai tendance à utiliser le français lorsque ça devient plus intime. C’est plus naturel pour moi», révèle Geneviève, 56 ans. Dan, 54 ans, originaire des Etats-Unis, sourit: «Pour l’intime, on n’a pas besoin des mots.» Il dit parfois je t’aime en français. «On fait sans cesse des phrases à moitié en anglais et à moitié en français. Et je trouve cela très drôle, rigole sa femme. Parfois, on comprend tout de travers et on loupe un rendez-vous.»
L’amour à la russo-suisse
➔ Ils se disputent en… «Quand je me fâche, c’est en anglais», signale Dan. Pour Geneviève, cela dépend. «Si je veux être sûre qu’il comprenne, je ferai un effort dans sa langue. Ça me permet aussi de structurer ma pensée plutôt que de l’insulter.» ➔ Leur histoire: En 2001, ils ont sympathisé sur une plage grecque. Leur goût pour l’art les a réunis. Dan est rentré à New York, Geneviève en Suisse, une relation épistolaire s’est construite, ponctuée de téléphones. Toujours en anglais, car il ne connaissait pas un mot de français. Leur amitié s’est transformée en amour et Dan est venu s’installer à Lausanne. «Geneviève possède une entreprise, alors que je suis indépendant. C’était plus simple pour moi. Mais j’ai pris un risque.» De toute façon, sa femme ne voulait pas habiter New York. Les débuts ont été difficiles pour l’Américain, qui est arrivé au moment où les Etats-Unis étaient associés à Bush et à la guerre en Irak. «J’ai rencontré des résistants, des personnes qui parlent l’anglais mais n’osent pas le pratiquer.» Sa femme complète: «Quand on vit avec un étranger, on constate les défauts de son pays. J’ai trouvé les gens beaucoup plus fermés que ce que l’on peut lire dans les journaux.» Mais il y a aussi ces
Tanya, aide-comptable, et Olivier Rey-Bellet, assistant de gestion, Lausanne ➔ Ils s’aiment en… «Russe, une évidence, affirme Olivier, 31 ans. C’est la langue de notre couple, celle qui ne nous demande aucun effort.» Il l’a apprise à l’université, puis lors de différents longs séjours en Russie. «Pour Olivier, le russe est au niveau d’une langue maternelle», précise Tanya, 42 ans, originaire de SaintPétersbourg. Chez eux, «je t’aime» se dit donc «ya tibia lioubliou». Geneviève et Dan: «Pour l’intime, on n’a pas besoin de mots.»
➔ Ils se disputent en… russe.
instants délicieux. Telle la première phrase enseignée par Geneviève en français à Dan: «Je suis allé à SaintSaphorin pour boire un verre de vin blanc», lors d’une excursion en Lavaux. Après leur mariage, Geneviève a décidé qu’ils ne parleraient, si possible, plus que le français. «Il fallait qu’il l’apprenne. Ne serait-ce que pour son travail. Et j’en ai eu marre de m’exprimer dans une autre langue que celle où j’habitais. Avec une envie aussi de
➔ Leur histoire: A Saint-Pétersbourg, Tanya, qui était directrice-adjointe d’une entreprise de traduction, a engagé Olivier. Ils se sont côtoyés au travail. Jusqu’à un certain soir, le 21 juin 2007, où «enhardis par la bière», selon Olivier, et surtout loin du bureau, ils ont fait «Bruderschaft» (schmolitz, n.d.l.r.). Depuis, ils ne se sont plus quittés. «Quand on s’est rencontrés, je revenais d’une période de douze ans au Pakistan, où je pratiquais peu le russe, indique Tanya. Du coup, il
ne plus parler que de l’essentiel en couple, de pouvoir faire des gags.» Le dictionnaire à portée de main, ils s’intéressent ensemble aux racines des mots, s’en étonnent, en rient. «C’est à la fois stimulant et énervant, explique Geneviève. Rien n’est établi, nous nous remettons en question quotidiennement.» Pour Dan, leur relation est bénéfique. «On a plus de libertés en pouvant communiquer dans deux langues.»