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cordonnier
La pandémie a changé certaines de nos habitudes. Selon Edgar Soares, cordonnier à Neuchâtel, beaucoup de gens prennent davantage soin de leurs chaussures et les font réparer pour prolonger leur durée de vie.
1 Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce métier?
Mon grand-papa était déjà cordonnier, mais je suis le seul de ma famille à avoir voulu apprendre ce métier. J’ai fait mon apprentissage au Portugal. En Suisse, j’ai refait une formation avec un maître cordonnier de Fribourg. J’aime bien tout ce qui est manuel et j’aime me salir les mains! L’odeur du cuir me plaît aussi beaucoup! Ce que j’aime par-dessus tout, c’est le sourire des gens quand ils retrouvent leurs chaussures réparées.
2 Quelles qualités faut-il avoir pour faire ce métier?
Il faut être délicat pour traiter le cuir. Il faut aussi du respect pour les chaussures des clients. Je me demande toujours si la réparation est possible. Ensuite, il faut faire le travail comme si c’était sa propre chaussure. La moindre faille sur une réparation fera que le client ou la cliente ne prendra plus la chaussure. Je pense qu’il faut aussi aimer le contact. Je cause beaucoup avec mes clients!
3 Y a-t-il un type de chaussures que vous devez traiter plus qu’un autre?
Je répare toutes sortes de chaussures, des chaussons de danse et d’escalade aux chaussures de l’armée suisse. Nous avons une gamme très large de choix. Pour les chaussures de ville, étonnamment, il y a encore beaucoup de cuir. Les gens achètent plus de qualité et conservent leurs chaussures plus longtemps.
4 Quels types de réparations vous sont les plus commandées?
Ce ne sont pas que des réparations! Certains clients viennent avec des chaussures neuves et demandent comment faire pour les protéger, parce qu’elles sont précieuses. Par exemple, pour que la semelle rouge d’un modèle Louboutin reste en bon état, je refais un patin en caoutchouc qui la protège, pour que la semelle d’origine ne s’abîme pas. On peut aussi imperméabiliser une chaussure en daim neuve afin que la poussière ne pénètre pas. Mais j’aime aussi beaucoup les clients qui viennent faire réparer des chaussures ayant déjà un certain âge et qui veulent prolonger leur existence, leur donner une seconde vie. Je propose un grand service: changer la semelle, le talon, contrôler la colle, les coutures, faire un cirage.
5 Est-ce que vous réparez aussi d’autres objets, comme les sacs ou les ceintures?
Je donne la priorité à la chaussure. Actuellement, les cordonniers peuvent faire beaucoup d’autres choses. Je pourrais m’occuper de vestes, mais il y a des couturiers. Je pourrais faire des sacs, mais il y a des maroquiniers. Si un maroquinier installe une machine pour réparer des chaussures dans son atelier, je ne serai pas content non plus! Mon travail, ma formation, c’est donc la chaussure.
Bio express
Portugais d’origine, Edgar Soares est arrivé en Suisse il y a dix ans. Aujourd’hui âgé de 36 ans, il a suivi une nouvelle formation de cordonnier pour faire valider son premier diplôme, non reconnu en Suisse. Il a aménagé la Cordonnerie de Neuchâtel, créée en 1890, en un atelier avec une petite boutique. «Monsieur Edgar», comme les clients l’appellent, est marié et a deux jeunes enfants.
6 Est-ce que les clients ont changé?
Après le Covid, oui! Les gens ne jettent plus rien. En Suisse, on réparait déjà beaucoup, avant. Mais désormais, je vois beaucoup de personnes prendre grand soin de leurs chaussures. Certains veulent faire réparer même des chaussures qui avaient été très bon marché…
Ce qui me fait le plus plaisir, ce sont les chaussures de grandes marques achetées vingt ou trente ans en arrière, que les gens apportent pour faire le grand service. Ces cuirs sont increvables. Toutes les coutures restent nickel! Ces chaussures, ce sont comme des voitures classiques.
7 Formez-vous des apprentis?
Pas pour le moment. Je suis la quatrième génération dans ce commerce, que j’ai repris juste avant la pandémie. Je suis seul et n’ai pas le temps. Mais, à long terme, j’aimerais effectivement pouvoir transmettre mes connaissances, comme l’a fait mon maître d’apprentissage, monsieur Dagli, à Fribourg.
8 Est-ce que vous concevez aussi des modèles?
Je pourrais, mais je ne le fais pas, par manque de temps. Mais la maison Dagli propose quelques créations, en collaboration avec une petite manufacture de Naples. Les Italiens sont les grands maîtres de la cordonnerie, comme le sont les Allemands pour la voiture. MM