10â MM5, 29.1.2018 | SOCIĂTĂ
Dossier
Vivre aprĂšs le suicide dâun proche
Comment se relever aprĂšs quâun enfant, une sĆur, un mari ou un parent a mis fin Ă ses jours? Comment affronter les prĂ©jugĂ©s et ne pas se sentir coupable? Vers qui se tourner? Face Ă un tel cataclysme, faire son deuil se rĂ©vĂšle complexe et douloureux pour ceux qui restent. Texte: Viviane MenĂ©trey et Pierre LĂ©derreyâ Photos: François Wavre/ Lundi 13
H
onte, colĂšre, effroi, mais une trajectoire de vie diffĂ©rente et surtout culpabilitĂ©. Lâanquâil nây a pas de fatalitĂ©, que ce nâest nonce du suicide dâun pas «parce quâun membre de la proche agit comme un vĂ©ri- famille a commis cet acte quâil va y en table cataclysme sur lâentourage. avoir un autre». Le processus de deuil sera forcĂ©ment long et douloureux. Dans une sociĂ©tĂ© Un cercle vicieux oĂč tout ce qui nâest pas rĂ©ussite Des espaces de parole existent dans le ressemble Ă une maladie honteuse, cadre associatif. Chez Asâtrame sous mettre fin Ă ses jours demeure un forme de soutien aux enfants, familles tabou. Le suicide continue de faire et proches, ou au sein de groupes Ă peur, marquant du sceau du malheur lâintention des endeuillĂ©s par suicide parents et conjoints dans le regard chez Pars Pas. Nathalie Reynard, des autres. membre du comitĂ©, dĂ©crit le long Pourtant la parole est le processus auquel ceux qui meilleur remĂšde pour la rerestent doivent faire face construction des proches qui comme une histoire oĂč le mot en ressentent le besoin, mais fin est difficile Ă Ă©crire: aussi ce qui a permis de dimi«Perdre un ĂȘtre cher reste de nuer le nombre de suicides toute maniĂšre une Ă©preuve. en Suisse comme ailleurs. Mais le suicide ajoute cette «La âčpostventionâș, soit les Patrice dimension dâinterrogation mesures dâaccompagnement Croquette, culpabilisante extrĂȘmeproposĂ©es aux familles, cadre infirmier ment douloureuse. On se donne lâoccasion de traverser aux HUG refait le film Ă lâenvers, encore cette Ă©preuve et de se reconset encore, en se demandant truire», confirme Patrice Croquette, pourquoi on nâa pas notĂ© tel signe de cadre infirmier aux HĂŽpitaux universouffrance ou relevĂ© telle phrase. Un sitaires genevois (HUG) dans le cercle vicieux dont on ne sort quâavec DĂ©partement de santĂ© mentale et de le temps en pouvant verbaliser et psychiatrie. Avec notamment la pospartager avec des personnes dans la sibilitĂ© de faire comprendre que le mĂȘme situation.» Et puis, poursuit suicide reste avant tout de la responAnne de Montmollin, prĂ©sidente sabilitĂ© de la personne, que chacun a dâAsâtrame, une fondation prĂ©sente
dans toute la Suisse romande, les adultes sâinquiĂštent avant tout de la douleur des enfants, «oubliant que câest lâensemble de la famille qui est en deuil. Le processus prend du temps. Il est plus difficile de donner du sens Ă un suicide quâĂ un autre type de dĂ©cĂšs. Il faut respecter le rythme de chacun.» Les mots comme remĂšde
La parole, mĂȘme en partie libĂ©rĂ©e, a permis une diminution sensible du nombre de suicides. La prĂ©vention a gagnĂ© les classes oĂč interviennent parfois les endeuillĂ©s eux-mĂȘmes pour partager leur expĂ©rience. Marielle, qui a perdu son mari il y a cinq ans, veut aujourdâhui tĂ©moigner pour faire tomber les prĂ©jugĂ©s. Les professionnels de la santĂ© et du social sont de plus en plus sensibilisĂ©s Ă une prise en charge adĂ©quate. Mais se mettre Ă disposition ne suffit pas toujours, estime de son cĂŽtĂ© Patrice Croquette. «Si lâon contactait systĂ©matiquement les proches endeuillĂ©s, on rĂ©duirait sans aucun doute le risque de suicide par contagion.»âMM Les sites des associations: - Pars Pas: www.parspas.ch - Asâtrame: www.astrame.ch Version pour les adolescents: www.astrame4you.ch - Stop Suicide pour lutter contre le suicide des jeunes: www.stopsuicide.ch