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Migros Magazine | No 5, 30 jaNvier 2012 |
cuisine de saison
benoît violier | 49
Benoît Violier, l’exigence du bon goût
après Frédy Girardet et Philippe Rochat, Benoît Violier va s’installer en avril aux commandes du restaurant de l’Hôtel de Ville de crissier. il nous offre, juste avant le coup de feu, une recette inédite à base d’ingrédients hors du commun.
A
vez-vous déjà vu un grand chef poivrer une queue de langoustine? Détail négligeable diront certains. Pourtant, lorsque l’on observe Benoît Violier tourner un moulin, laisser s’échapper l’épice qui va magnifier le crustacé, se plier vers l’assiette pour vérifier que chaque élément est bien à sa place, on se surprend à s’émouvoir. Avec l’impression de vivre un moment clé pour l’humanité. Si, si. Le cuisinier d’origine française sait communiquer son enthousiasme, contrôlé, avec une délicatesse rare. Un petit je-ne-sais-quoi qui a sûrement fait que dès le mois d’avril, on ne se rendra plus chez Rochat, mais chez Violier. «Je n’y pense pas. Ce qui me plaît, c’est de pérenniser une belle entreprise. Ici, on cultive la philosophie du vrai. On ne triche pas.»
les trois meilleurs maîtres en cuisine Dans la cuisine de l’Hôtel de Ville de Crissier, refaite à neuf selon ses souhaits, «économique et écologique, c’est la perfection après cinq ans de travail», le quadra évoque ses maîtres, «les trois
meilleurs, tous différents, avec en commun une maîtrise parfaite de leur art». Joël Robuchon, qui lui a enseigné «la discipline et la rigueur», Frédy Girardet, dont il retient «le génie, la spontanéité et le respect des collaborateurs» et bien sûr Philippe Rochat.
les plats qui ont fait la réputation du lieu resteront à la carte «Il n’est pas bougon ni inaccessible comme on le raconte. Oui, il a poussé des gueulées mémorables, mais il m’a surtout appris le goût. Son palais est tellement développé!» D’ailleurs, les plats emblématiques du lieu, tel le lièvre à la royale, resteront à la carte. «Avec des évolutions. Je ne peux pas cuisiner comme il y a vingt ans. Aujourd’hui, j’ai acquis la certitude qu’un seul goût permet de sublimer un plat. Il suffit d’avoir les bons produits.» Les espèces menacées, thon, colin ou cabillaud, sont bannies de ses menus. «Ce qu’on leur fait subir est honteux. Et quand le carnage s’arrêtera, il sera trop tard.» La nature reste sacrée pour cet enfant d’agriculteur et de viticulteur qui a grandi sur un domaine de 50 hectares
en Petite-Champagne, entouré de six frères et sœurs. En été, la famille pêchait. En automne, elle chassait, se détournant parfois du chemin de l’église pour partir à l’affût du gibier. «Le curé venait nous retrouver le dimanche après-midi et on lui offrait un perdreau. Ma mère ne se doutait de rien.» Une maman, reine des plats en sauce, qu’il aidait aux fourneaux. A 5 ans déjà, le petit Benoît préparait des ragoûts de petits pois. «On avait chacun notre coin de jardin. A 11 ans, je m’occupais des vaches avec un de mes frères. On avait aussi des grandes volières, une basse-cour gigantesque. Je me souviens de l’odeur du canard dans la rôtissoire. Et des alouettes, et des grives. Une vraie arche de Noé.» Il quitte pourtant ce foyer idyllique à 17 ans pour sillonner la France grâce au compagnonnage. Saintonge Cœur Vaillant – son nom de baptême au sein de la confrérie – côtoie la crème des
«Je me souviens de l’odeur du canard dans la rôtissoire.»
Cette recette nécessite un doigté particulier, notamment pour décortiquer et paner les langoustines, avant de les faire frire.