LYON PEOPLE Juin 2019 / Les Secrets de Caluire et Cuire

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CALUIRE ET CUIRE

La maison construite au XVIIIe siècle a été remaniée au XIXe. Elle est aujourd’hui divisée en trois lots. En arrière-plan, l’immeuble de l’oratoire.

21 ET 21BIS RUE DE L’ORANGERIE

MARC BLOCH

Une histoire de Résistance

Propriétés de la famille Nithard, les 21 et 21 bis rue de l’Orangerie ont rapidement été loués à Blanche et René Molino, lesquels s’offrent d’abord le 21 bis en 1926, lorsque René est nommé inspecteur des écoles primaires pour l’Isère. Le couple agrandit finalement sa demeure en louant avant guerre, le 21, doté d’une belle véranda. Les maisons s’ouvrent alors sur un vaste jardin, qui s’étend jusqu’à la rue de Verdun. Une petite porte permet d’atteindre les nombreuses descentes vers la Boucle. Texte : Micha Roumiantzeff - Photos © Fabrice Schiff et DR

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uis vint la guerre, où la famille Molino fait la rencontre de Marc Bloch, nouveau venu dans les rangs de la Résistance lyonnaise. Enrôlé au début de l’année 1943, ce dernier vient d’arriver entre Rhône et Saône, après avoir sympathisé avec Maurice Pessis, permanent de Franc-Tireur (FT), qu’il découvre à Clermont-Ferrand. D’abord logé dans une chambre de bonne par Madame Avenin, Marc Bloch doit trouver un logis calme et sûr, d’autant que ce dernier connait des soucis d’intégration. Les responsable FT de Lyon refusent de le voir, jugeant celui-ci trop âgé et trop distingué. Mais à force de supplications, un certain Georges Altman accepte de le rencontrer. Il écrira : « Maurice Pessis, son visage de 20 ans rouge de joie me présenta sa ‘‘nouvelle recrue’’, un monsieur de 50 ans, décoré, le visage fin sous des cheveux gris argent, le regard aigu derrière ses lunettes, sa serviette d’une main, sa canne de l’autre. C’est ainsi que le professeur Marc Bloch

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entra dans la Résistance ». Accepté, Marc Bloch bénéficie enfin de l’aide bienveillante de ses compatriotes. Jean Mallen, huissier de justice, résistant important, le présente ainsi à ses amis, la famille Molino. Mais leur demeure déjà trop occupée, Blanche Molino propose de le cacher au 23 rue de l’Orangerie, un logement en ruine, lequel hébergeait anciennement les employés de l’usine Gramont. Un hébergement de fortune pour le quinquagénaire, les conditions de vie étant forcément spartiates dans ce taudis. Un calvaire d’un an pour Marc Bloch, qui finit par louer, fin 43, une pièce au sommet du beau «Building Cordeliers», au 1 rue des Quatre Chapeaux. Enfin logé, le résistant se fait discret, se rendant à son bureau par différents itinéraires dissimulés. Il atteint le pont de la Boucle, pour prendre le tram n°8. Quant à son trajet de retour, il préfère revenir à son logis par un long périple à travers les vieilles rues des Terreaux. La «Ficelle» de la rue Terme facilite sa

remontée. De temps à autre, Marc Bloch s’autorise quelques excursions au restaurant Luquet, au 9 rue des Pierres Plantées, un lieu de rencontres heureux mais dangereux, où il peut retrouver sa femme Simone, confortablement hébergée par Blanche au 21 rue l’Orangerie.

HAUT GRADÉ DE LA RÉSISTANCE Seulement, Marc Bloch se montre de plus en plus actif au sein de la résistance. Il est chargé par Franc-Tireur d’établir le Mouvement

L’historien Marc Bloch, fondateur des Annales d’histoire économique et sociale a été caché dans cette maison durant sa première année de résistance


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