Ecriture - Architecture

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« construction mentale », au sens de Vaihinger ; il relève d’une opération de recomposition analytique de l’histoire, afin d’en faire surgir « l’inconscient », c’est-à-dire – au sens de Freud – le « savoir insu ». En ce sens New York Délire désigne une « fiction théorique » ; une opération à la fois cognitive et projective qui vise à dévoiler un sens masqué, mais aussi à faire de ce « savoir insu » le moteur d’une action architecturale : la « production consciente » du manhattanisme. Cette double visée spécifie l’ambition intellectuelle du manifeste »82 Ainsi, nous comprenons bien que Koolhaas est en train d’élaborer un vrai propos dont lui seul est le maître et dévoile « le pouvoir de l’illusion, le vertige du factice » et fait de sa fiction « un instrument heuristique » selon l’expression de Paul Ricoeur. Enfin, Frank Vermandel conclut que « le quasi- passé de la fiction devient ainsi le détecteur des possibles enfouis dans le passé effectif »83 En d’autres termes, c’est la relecture du passé à travers la capitalisation des données du présent, processus rétroactif, qui donne des possibilités futures. Rem Koolhaas utilise l’analyse rétroactive comme procédé principal dans New York Délire. Observons de manière succincte des mots clés utilisés par Rem Koolhaas pour diriger son manifeste choisi pour leur efficacité. Nous pouvons identifier des séquences narratives constituées de plusieurs mots : astronaute, théorie, infrastructure, apparence, toit, saut, bureau. Dans ces 7 courts paragraphes, l’auteur amorce l’histoire de Luna Park et de Thomson. De manière chronologique, nous suivons le développement du parc et des créations de Thomson. Koolhaas arrive à rendre l’histoire comme une intrigue, avec rebondissements et dénouement tragique. Koolhaas utilise des mots descriptifs simples pour cette partie sur Coney Island où nous pouvons presque sans le lire comprendre l’évolution de l’île et ses inventions, sous un titre très métaphorique « Coney Island : la technologie du fantasme » : modèle, bande, liaison, rails, tour, épaves, pont, trajectoire, éléphant, électricité, cylindres, chevaux, formules, astronautes, théorie, infrastructure, apparence, toit, saut, bureau, cartographie, pénurie, avant-postes, révolution, fiasco, réquisitoire, casernes, globe, sphère, socles, stations, écart, fondations, feu, fin, gaité, conquête. Ces mots ont tous leur sens au premier degré. Koolhaas développe un récit très descriptif et soucieux de raconter des faits historiques vérifiés. Par la suite, dans sa partie sur le gratte-ciel, Koolhaas utilise des mots plus imagés, plus conceptuels ou plus métaphoriques et s’amuse à juxtaposer des mots très éloignés dans 117


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