Roman d'un voyageur, Victor Collin de Plancy – L'histoire des collections coréennes en France

Page 1

Roman d'un voyageur

Victor Collin de Plancy ‘ l'histoire des collections coreennes en France

LOUBATIÈRES


Catalogue rédigé à l’occasion de l’exposition Roman d’un voyageur, du 21 janvier au 20 juillet 2015 à Sèvres – Cité de la céramique, dans le cadre de Corée mania, une saison coréenne à Sèvres produite à l’occasion de l’Année croisée France-Corée.

Directrice de la publication : Romane Sarfati, directrice générale de la Cité de la céramique – Sèvres & Limoges. Direction scientifique : Éric Moinet, directeur du département du patrimoine et des collections. Laurence Tilliard, chef du service des collections. Commissaire de l’exposition : Stéphanie Brouillet, conservatrice du patrimoine chargée des collections asiatiques de Sèvres – Cité de la céramique. Production : Laurence Maynier, déléguée au développement culturel. Coordination éditoriale : Sandrine Vallée-Potelle, chef du service des éditions et du multimédia. Production de l’exposition : Mayumi Kervella, chef du service des expositions et de la diffusion. Scénographie : Vincent Dupont-Rougier, designer, assisté de Savannah Lemonnier. Clarence Jaccard-Briat, secrétaire générale René-Jacques Mayer, directeur du département de la création et de la production Laurence Maynier, déléguée au développement culturel Éric Moinet, directeur du département du patrimoine et des collections Céline Paul, directrice du Musée national Adrien Dubouché à Limoges Cité de la céramique – Sèvres & Limoges 2 place de la Manufacture 92310 Sèvres www.sevresciteceramique.fr ISBN : 978-2-86266-719-5 © Nouvelles Éditions Loubatières, 2015 20 avenue Pierre-Marty 31390 Carbonne www.loubatieres.fr Tous droits réservés pour tous pays.


PRÉFACE

Admirateur des œuvres de la Manufacture, il s’en fit le promoteur en Corée, offrant au nom de la France des vases au roi de Corée et encourageant ce dernier à créer sur place une manufacture sur le modèle français, avec l’aide d’un ancien employé de Sèvres.

L’exposition se propose de retracer le voyage de Collin de Plancy et de ses proches, interprètes, chimistes ou simples voyageurs, à la rencontre de ce pays mystérieux. De la frugale vie quotidienne des Coréens de l’époque Chosŏn aux charmes des ballets des danseuses du palais, photographies, peintures, meubles et céramiques restituent un pays aujourd’hui disparu, évoquent les figures étonnantes de ces découvreurs passionnés que furent les premiers diplomates et voyageurs. Les collections rapportées illustrent dans un second temps la richesse et le raffinement de l’art coréen, des céladons de l’époque Koryŏ aux motifs pittoresques de l’art populaire du XIXe siècle, jusqu’aux créations toutes contemporaines si précieuses de « Trésors nationaux vivants ». Dans ce catalogue qui accompagne l’exposition, conservateurs et chercheurs partagent à leur tour leurs connaissances sur cette culture et ces œuvres d’art, témoignages sensibles d’un art de vivre singulier, et commentent le contexte dans lequel ces objets furent rassemblés et rapportés en France. Que cette invitation soit une incitation à mieux connaître encore ce beau pays des matins calmes.

Romane Sarfati Directrice générale Cité de la céramique – Sèvres & Limoges

la revelation de la ceramique coreenne en france

En effet, Collin de Plancy entretint des liens étroits avec le Musée et la Manufacture de Sèvres. Généreux donateur, il choisit Sèvres pour présenter quelque 250 céramiques parmi les plus beaux exemples des productions coréennes qu’il avait pu rassembler, notamment la grande jarre à décor de dragon qui est aujourd’hui encore l’un des chefs-d’œuvre de nos collections, ainsi que de précieuses informations sur leur production.

Il s’agit d’une invitation à un double voyage : un voyage dans l’espace vers la péninsule coréenne, au cœur de l’Extrême-Orient, à la découverte d’une culture ancienne et raffinée, mais aussi un voyage dans le temps, vers le « royaume ermite » de la fin de l’époque Chosŏn, cette Corée de la fin du XIXe siècle, qui venait de s’ouvrir au monde.

5

Victor Collin de Plancy fut le premier représentant de la France en Corée entre 1888 et 1906. Interprète puis diplomate, il se passionna pour l’histoire et l’art de ce pays resté longtemps fermé pour les Occidentaux. Désireux de le faire connaître en France, il rassembla un grand nombre d’objets – céramiques, manuscrits, livres, meubles ou costumes – dont il fit don à des institutions françaises au rang desquelles figure le Musée national de la céramique. Il fut également au cœur d’un petit groupe de voyageurs passionnés par la Corée qui, à leur tour, enrichirent les collections françaises. L’occasion des célébrations des relations franco-coréennes dans le cadre des Années croisées France – Corée en 2015 puis 2016 est l’opportunité rêvée pour rendre hommage à ce grand voyageur érudit, amateur d’art et de culture, qui sut contribuer d’une manière exceptionnelle à l’enrichissement des collections nationales comme à la découverte d’un pays fascinant. Cette exposition s’inscrit dans le cadre de Corée mania, une saison consacrée à la Corée à Sèvres, en 2015.


LA COLLECTION DE PHOTOGRAPHIES DE VICTOR COLLIN DE PLANCY CONSERVÉE AUX ARCHIVES DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES Le goût des diplomates français pour les photographies d’Asie est précoce. Dès 1844, Théodose de Lagrenée, envoyé extraordinaire en Chine, se fait accompagner par un photographe, Jules Itier, qui réalise pendant sa mission de nombreux daguerréotypes, remarquables objets de curiosité pour beaucoup encore conservés. Au XIXe siècle, la photographie ne fait pas encore partie du protocole diplomatique. Pour beaucoup de diplomates, elle est à la fois une distraction, un passe-temps, une pratique mondaine et un outil de travail. Nombre de ministres plénipotentiaires et de consuls collectionnent ou font réaliser des tirages, qu’ils assemblent dans des albums ou envoient à leurs proches, pour montrer les lieux où ils vivent et les personnes qu’ils rencontrent. La photographie les aide aussi à analyser les hommes et les situations. Comme le note le comte de Saint-Aulaire, ambassadeur à Londres : « Le métier, pour qui le prend au sérieux, absorbe son homme et l’isole. » Le souvenir d’un événement gagne en profondeur quand la photographie en a gardé la trace. L’image donne au passé une vigueur qu’il n’a parfois jamais eue. Se livrer à l’écriture, tenir un journal ou pratiquer la photographie permet d’étudier ce qui vous entoure tout en sortant de son isolement. La collection de photographies d’Extrême-Orient rassemblée par Victor Collin de Plancy est à la fois remarquable par sa variété et typique par les usages qu’elle révèle. Parmi la centaine de clichés qu’il a donnés au Quai d’Orsay, on trouve aussi bien des photographies officielles, des tirages destinés à commémorer les événements auxquels il a participé, que des portraits intimes ou mondains. Certains ont une forte portée politique, comme les portraits du corps diplomatique et consulaire à Séoul en 1899, qui figurent le représentant nippon au centre de l’image, symbole de la place occupée par son pays dans les affaires coréennes.

66

roman d’un voyageur

Quelques images présentent les principales réalisations auxquelles Collin de Plancy a participé, notamment la construction de la légation de France et celle de la cathédrale. L’essentiel présente la vie de la communauté française de Séoul, à l’occasion de mariages, d’excursions, de visites ou lors de la célébration de la fête nationale, le 14 juillet. Comme le note Jules Patenôtre dans ses Mémoires : « La vie diplomatique, telle qu’on la pratique ou du moins telle qu’on la pratiquait en Extrême-Orient, était alors toute familiale. Non seulement une même résidence groupait en son entier le personnel des secrétaires et interprètes, mais une même table les réunissait, matin et soir, sous la présidence du chef de mission. » Le représentant de la France intervient auprès des autorités coréennes pour défendre ses compatriotes. Il se préoccupe notamment des ingénieurs E. Bourdaret et J. de Lapeyrière, qui travaillent à l’établissement d’une ligne de chemin de fer et ont été dépossédés de leur maison construite près du palais des Muriers, sous prétexte qu’elle « dominait la demeure impériale ».

Jean-Philippe Dumas

)

N° 34 L’EMPEREUR DE CORÉE ET SON FILS, LE PRINCE HÉRITIER YI-SYEK, VERS 1900 Photographie Corée, XIXe siècle Hauteur : 16,5 cm Largeur : 11 cm Collection Collin de Plancy Archives du ministère des Affaires étrangères, A000138


Photographie Corée, XIXe siècle Hauteur : 16,3 cm Largeur : 10,6 cm Collection Collin de Plancy Archives du ministère des Affaires étrangères, A000139

Photographie Corée, 1890 Hauteur : 35 cm Largeur : 44,5 cm Collection Collin de Plancy Archives du ministère des Affaires étrangères, A000018

a la rencontre du « pays du matin calme »

)

N° 36 REMISE D’UNE ADRESSE À M. DUISMORE, MINISTRE DES ÉTATS-UNIS À SÉOUL

67

)

N° 35 LE TAI OUON KOM (TAEWON’GUN) : RÉGENT DE CORÉE


COLLIN ET SÈVRES, DES RELATIONS PRIVILÉGIÉES 콜 랭 과 세 브 르

Fondé par Alexandre Brongniart (1770-1847) le Musée des arts céramiques et vitriques est étroitement associé à la Manufacture de Sèvres dont Brongniart a été l’administrateur de 1800 à sa mort en 1847. Scientifique curieux de tout, Brongniart se trouvait au centre d’un réseau d’intellectuels et de savants qu’il mettait à contribution pour accroître les collections d’un musée qu’il voulait consacrer à toutes les créations céramiques du monde afin d’en faire un centre de référence pour l’étude de la céramique. Il encourageait ainsi les voyageurs à collecter des échantillons de céramiques pour le musée. Les diplomates furent nombreux à répondre à ces sollicitations et à faire parvenir des pièces à la Manufacture et à son Musée.

Un donateur généreux et avisé

92

roman d’un voyageur

Victor Collin de Plancy suivant l’exemple de ces prédécesseurs envoie des objets au Musée de Sèvres afin d’accroître ses collections, avant même d’arriver en Corée. En 1887, alors qu’il s’apprête à quitter son poste de consul de 2e classe à Shanghaï pour une mission en Corée, le diplomate fait don à Sèvres d’un « chapiteau ou vase en forme de vasque à fleurs, posant sur un socle rond fond turquoise, frise circulaire d’oves en relief. Le corps du vase bleu turquoise avec des feuillages et des ornements en relief, les anses en S à feuillages ornemanisées en haut relief et le bord fond jaune de cire. Provenant du palais d’Eté des empereurs de la Chine 1. » Cet objet a été retrouvé par le diplomate sur les ruines du palais, détruit en 1860 par les troupes françaises et britanniques 2. À cet envoi s’ajoute en 1888 le don d’un vase chinois « destiné à la Birmanie ou peut-être à l’Inde 3 ». Il indique également dans ses courriers vouloir enrichir le Musée de pièces chinoises destinées à la Mongolie : « La Manufacture ne possède aucun spécimen de porcelaine chinoise fabriquée pour la Mongolie. Si j’ai l’occasion de retourner à Pékin, je tâcherai de vous en procurer un […]. Ces vases sont d’autant plus remarquables qu’ils portent toujours une inscription en mongol. Enfin, on en trouve quelquefois avec des caractères arabes, mais ils sont fort rares et je ne me rappelle plus si le musée en possède de ce genre 4. » À son arrivée au Japon, Collin demande également au conservateur de lui indiquer « ce qui pourrait être intéressant pour compléter vos collections. Je m’efforcerai de le trouver. J’ignore ou plutôt je ne me souviens plus de ce que vous possédez en fait de porcelaine même si je crois me rappeler que vous n’avez pas d’émaux ni de cloisonnés japonais 5. » C’est donc naturellement que Collin de Plancy poursuit ses envois au Musée une fois en poste en Corée. Il indique dans ses courriers son désir de renforcer les collections du Musée de la céramique, mais également les

connaissances générales en matière de céramiques coréennes. Parmi les objets envoyés par Collin figurent, au côté des pièces coréennes, une pièce japonaise pittoresque et exceptionnelle qui va frapper l’imagination des commentateurs de l’époque : une statue en terre cuite laquée représentant une statue de Bouddha en cours de réalisation par seize moines minuscules (Catalogue 58). L’ensemble de ces dons permet à Collin de figurer sur la liste gravée dans le marbre des donateurs du Musée national de la céramique 6.

Client et promoteur de la Manufacture à l’étranger Mais Collin de Plancy ne s’intéresse pas qu’aux collections du Musée national de céramique. Il apprécie également les productions récentes de la manufacture. En échange du don de céramique coréennes, Collin se voit offrir des productions de la Manufacture de Sèvres pour une valeur totale de deux mille francs 7. Désireux de choisir lui-même les objets, il préfère attendre son retour en France pour venir directement à la Manufacture.

Des assiettes de Sèvres décorées en Asie Dès son séjour en Chine, Collin de Plancy propose au conservateur du Musée de faire décorer en Chine ou au Japon des échantillons de porcelaine de Sèvres 8. Cette proposition s’est peut-être réalisée. En effet, le Musée possède deux assiettes en porcelaine blanche de forme dite « Duplessis » portant une marque de Sèvres datant de 1880, et portant un décor d’émaux polychromes réalisé à Yokohama par « Kioguetzou Kwan » et représentant un paysage lacustre avec un pêcheur (MNC 10367). Ces deux assiettes ont été offertes au Musée en 1890 par M. Constans (1833-1913) qui fut député et gouverneur général de l’Indochine française de 1887 à 1888. Ces assiettes surdécorées sont peutêtre celles envoyées par Champfleury à Collin pour les faire peindre en Asie, bien qu’il soit difficile de retracer leur parcours avec certitude.

Sèvres à la cour de Corée Lorsqu’il prend son poste en Corée, Collin désire également faire connaître au roi de Corée les productions de la manufacture. Il est ainsi l’artisan d’un échange de cadeaux entre le roi et le président de la République française qui offre trois vases de Sèvres au souverain 9. C’est Collin lui-même qui les remet au souverain coréen : « J’ai présenté ces jours-ci au Roi de Corée les trois vases que le ministère des Beaux-Arts avait bien voulu me donner pour ce souverain. Le cadeau a été accepté avec beaucoup de plaisir et sa Majesté Coréenne m’a avoué n’avoir jamais rien vu d’aussi beau 10. »


)

N° 62 VASE CORÉEN À COUVERTE CÉLADON Grès porcelaineux à couverte céladon Corée, XIIe siècle Hauteur : 28,5 cm Diamètre : 15,6 cm Don Collin de Plancy, 1894 Sèvres – Cité de la céramique, MNC 9732


) )

N° 83 BOUTEILLE Porcelaine blanche Corée, XVIIIe siècle Hauteur : 29,7 cm Diamètre : 21 cm Don Billequin, 1878 Sèvres – Cité de la céramique, MNC 7373

N° 81 ENCRIER EN FORME DE GRENADE Porcelaine à décor en relief et couverte bleue Corée, XIXe siècle Hauteur : 5,7 cm Longueur : 12 cm Don Billequin, 1878 Sèvres – Cité de la céramique, MNC 7333


)

N° 82 VASE DE FORME IRRÉGULIÈRE Porcelaine à couverte blanche Corée, XVIIIe siècle Hauteur : 26 cm Diamètre : 17,6 cm Don Billequin, 1878 Sèvres – Cité de la céramique, MNC 7377


roman d’un voyageur 144

)

N° 107 REPRÉSENTATION D’UN TOUR DE POTIER Kim Chun-gun (Kisan) Papier Corée, XIXe siècle Hauteur : 16 cm Largeur : 13 cm Mission Varat, 1888 Musée national des arts asiatiques – Guimet


)

N° 108 REPRÉSENTATION D’UN TOUR DE POTIER Kim Chun-gun (Kisan) Papier Corée, XIXe siècle Hauteur : 16 cm Largeur : 13 cm Mission Varat, 1888 Musée national des arts asiatiques – Guimet



) )

N° 124 JATTE À DÉCOR DE FLEURS DE LOTUS Grès porcelaineux à décor incisé sous couverte céladon Corée, XIIe siècle Hauteur : 7,8 cm Diamètre : 16,3 cm Don Collin de Plancy, 1894 Sèvres – Cité de la céramique, MNC 9767

N° 126 BOL Grès porcelaineux à décor gravé sous couverte céladon Corée, XIIe siècle Hauteur : 5 cm Diamètre : 8,2 cm Don Collin de Plancy, 1894 Sèvres – Cité de la céramique, MNC 9780.3

)

N° 125 BOL À DÉCOR DE PIVOINES Grès porcelaineux à décor moulé sous couverte céladon Corée, XIe siècle Hauteur : 7,3 cm Diamètre : 17,8 cm Don Collin de Plancy, 1894 Sèvres – Cité de la céramique, MNC 9769


)

N° 127 VASE À DÉCOR FLORAL Corée, XIIIe siècle Grès porcelaineux à décor incrusté (sanggam) sous couverte céladon Hauteur : 28,2 cm Diamètre : 14,3 cm Don Collin de Plancy, 1894 Sèvres – Cité de la céramique, MNC 9759

C

ette bouteille est caractéristique de la production de céladons à décor incrusté, dit sanggam, du XIIIe siècle. L’objet, dont le col est fragmenté, devait à l’origine comporter un bouchon et un anneau glissé dans le cercle restant. Une bouteille de forme identique est conservée au Musée national de Corée (Dongwon 127).

164

roman d’un voyageur

Le vase porte un décor de chrysanthèmes en bouquets répartis à quatre endroits sur la panse dont une grande partie est ainsi laissée libre de tout décor. Le sommet de la panse s’orne d’une frise de ruyi. Les fleurs sont rendues en engobe blanc, le noir représentant les feuilles et les tiges. Cette bouteille pourrait correspondre aux débuts de la technique d’incrustation ou sanggam apparue au milieu du XIIe siècle. Cependant, le motif des chrysanthèmes se retrouve surtout sur des objets datant du début du XIIIe siècle, comme la très belle bouteille du Musée national de Corée (Sinsu 13561). Le décor de cette bouteille se rapproche beaucoup de celle de Sèvres, mais les fleurs de chrysanthèmes y sont au nombre de trois, contre quatre pour notre bouteille.

Cet objet a été acquis par Collin de Plancy en Corée comme il l’indique au conservateur du musée : « J’ai acquis deux jolis vases fort anciens, l’un notamment de forme lagène, décoré de charmants bouquets blancs sous émail céladon […] que je réserve au musée 1. » La bouteille ne fait pas partie du premier envoi de porcelaines coréennes destinées à Sèvres de 1889, mais est expédiée plus tard par Collin quand sa mutation au Japon l’oblige à abandonner ses recherches sur la céramique coréenne 2. Stéphanie Brouillet 1. Archives du Musée national de la céramique, 4W57, lettre de Collin de Plancy à Champfleury, administrateur adjoint de la Manufacture nationale de Sèvres, conservateur du musée, Séoul, le 10 octobre 1889. 2. Archives du Musée national de la céramique, 4W389, note de Collin de Plancy pour le directeur de la Manufacture nationale de Sèvres. Objet : Envoi de 11 caisses de porcelaines coréennes pour le musée, 21 juillet 1891.



192

roman d’un voyageur

)

)

b. GODET À RINCER LES PINCEAUX Porcelaine blanche à décor bleu et brun Corée, XIXe siècle Hauteur : 9,6 cm Diamètre : 16,9 cm Don Collin de Plancy, 1894 Sèvres – Cité de la céramique, MNC 9803

d. VERSEUSE EN FORME DE PÊCHE Porcelaine à décor bleu et brun Corée, XIXe siècle Hauteur : 8,9 cm Diamètre : 7,1 cm Don Collin de Plancy, 1894 Sèvres – Cité de la céramique, MNC 9813.7


Porcelaine à décor ajouré Corée, XIXe siècle Hauteur : 11,2 cm Diamètre : 10,6 cm Don Collin de Plancy, 1894 Sèvres – Cité de la céramique, MNC 9802

f. AIGUIÈRE AU HAETAE

’ ’

’ choson, le pays des lettres

Porcelaine à décor bleu et rouge Corée, XIXe siècle Hauteur : 12,9 cm Largeur : 10,5 cm Don Collin de Plancy, 1889 Sèvres – Cité de la céramique, MNC 8750

193

) )

e. POT À PINCEAUX À DÉCOR DE GRUES


)

VASE BOUTEILLE À DÉCOR D'OXYDE DE CUIVRE Lee Hak-Cheon Corée, 2008 hauteur : 32 cm Diamètre : 23,4 cm Don de l'artiste en 2009 Sèvres – Cité de la céramique, MNC 28621


L’ART ANCESTRAL DE LA PORCELAINE RÉINTERPRÉTÉ Dès la fin des années 1950 les céramistes conscients de la nécessité de se réapproprier les fondamentaux de l’histoire de la céramique coréenne, focalisent leur attention sur la porcelaine et les techniques héritées de la période Chosŏn. Parmi les potiers coréens contemporains ayant ce respect des traditions et dont les œuvres sont conservées à Sèvres, Won Dae-chung (né en 1920) est incontestablement de ceux qui ont le plus renouvelé le décor sur porcelaine. Après avoir étudié la peinture à l’Université de Hongik à Séoul, le céramiste a choisi de s’exiler un temps au Japon, pour compléter sa formation dans le domaine de la céramique au Tokyo National College of Arts. Il a achevé son solide cursus artistique aux États-Unis, au sein du prestigieux département céramique de la Alfred University, près de New York. D’une génération antérieure à celle des précédents potiers évoqués, Won Dae-chung est au point de départ de cette redécouverte de la tradition céramique coréenne. Lors de ses premières expositions, le potier montrait de simples porcelaines d’usage blanches, dans la tradition Chosŏn. Puis il a affirmé progressivement un style plus personnel, au cœur des années 1970, en travaillant notamment l’aspect pictural des surfaces avec un émail à l’oxyde de cuivre ou au cobalt, jeté en éclaboussures

)

BOL À THÉ

Cheon Han-Bong Grès à décor gravé, Corée, 2008 Hauteur : 8,8 cm Diamètre : 13,5 cm Don de l'artiste en 2009 Sèvres – Cité de la céramique, MNC 28627

graphiques, mais contrôlées. Proches de la forme ancestrale maebyŏng (meiping en chinois), ses grands vases ou bouteilles à cols courts et étroits ont le profil élancé qui évoque bien l’âge d’or de la production des céramistes Koryŏ. Devant ce bel équilibre entre respect formel et liberté gestuelle, les collectionneurs autochtones ne s’y sont pas trompés : la reconnaissance officielle de son élégance formelle a été récompensée en 1975 par un prix décerné par le président de la République coréenne. À partir de 1967 et jusqu’à sa retraite, Won Dae-jong a enseigné la céramique à l’Université de Hongik. Si l’on observe sa grande bouteille ovoïde en porcelaine dure, datée 1985 et que le Musée a acquis en 2001 (MNC 27709), on constate que le potier utilise encore les émaux traditionnels bruns à l’oxyde de fer qui étaient si courants au XVIIe siècle en Corée. Mais là où ses prédécesseurs traçaient patiemment des motifs au pinceau, le potier contemporain tache plus librement la porcelaine satinée de points sombres, dans un souci d’abstraction sévère et tendue. La simplicité volontaire de sa forme blanche – comme s’il s’agissait pour lui d’une page vierge à investir – lui permet de retrouver son instinct et sa formation première de peintre. Les différentes régions de la Corée choisissent leurs propres « Trésors Vivants ». Désigné par exemple comme « Bien Culturel Intangible » pour la province du


TABLE DES MATIÈRES préface, Romane Sarfati

........................................................................................................................................................... 5

introduction, Éric Moinet .................................................................................................................................................... 7

Articles Diplomatie culturelle, de Varat à Collin de Plancy, Les collections coréennes du Musée Guimet, au XIXe siècle, Pierre Cambon Victor Collin de Plancy : la révélation de la céramique coréenne en France, Stéphanie Brouillet Les voyageurs français en Corée au XIXe siècle, Laurent Quisefit

.......................................... 8

................................................. 16

.................................................................. 30

Diplomates et consuls en Asie au XIXe siècle, Jean-Philippe Dumas ............................................................... 34

Catalogue I. À la rencontre du « Pays du matin calme » La Corée à la fin du xixe siècle : un « royaume ermite »

............................................................................... 38

La vie quotidienne en Corée à la fin du XIXe siècle, Stéphanie Brouillet .............................................................. 39 La collection de photographies de Victor Collin de Plancy conservée aux Archives du ministère des Affaires étrangères, Jean-Philippe Dumas ........................................ 66

Collin de Plancy, un diplomate érudit, amoureux de la Corée .............................................................. 72 Le fonds Collin de Plancy à la médiathèque du Grand Troyes, François Berquet ............................................ 72 Victor Collin de Plancy « Un homme curieux de choses et ouvert aux autres », Chantal Rouquet ............ 76 Une carrière atypique et centrée sur l’Extrême-Orient, Stéphanie Brouillet ....................................................... 77

262

roman d’un voyageur

Collin et Sèvres, des relations privilégiées, Stéphanie Brouillet .............................................................................. 92


Li Chin, le roman de Collin de Plancy .................................................................................................................... 98 Un épisode mystérieux : l’épouse de Collin de Plancy, une danseuse du palais ? Stéphanie Brouillet ......... 99 Les instruments de musique du pavillon coréen, Philippe Bruguière ................................................................ 102

Les proches de Collin au service de la Corée

.................................................................................................. 112

Billequin ......................................................................................................................................................................... 112 La collection Varat, de la mission en Corée, 1888, à l’exposition de Paris, 1889, Pierre Cambon ........... 118 Le pavillon de la Corée à l’exposition universelle de 1900, Stéphanie Brouillet ............................................. 126

II. De la « couleur secrète » des céladons coréens aux « Trésors nationaux Vivants » Les grès de l’époque des Trois Royaumes et du royaume de Silla, Stéphanie Brouillet ........................ 135 La couleur secrète des céladons coréens ......................................................................................................... 142 Les céladons de l’époque Koryŏ « Premiers sous le ciel », Stéphanie Brouillet ................................................. 142

Chosŏn, le pays des lettrés .......................................................................................................................................... 178 Les yangban, aristocrates lettrés de l’époque Chosŏn (1392-1895), Stéphanie Brouillet .............................. 179 Confucianisme, bouddhisme et chamanisme ....................................................................................................... 194

L’art populaire coréen : le Minhwa ........................................................................................................................ 224 Les artisans d’un renouveau de la tradition coréenne, aujourd’hui, Frédéric Bodet et Stéphanie Brouillet ........................................... 240

263

table des matieres

index .......................................................................................................................................................................................... 255 auteurs ..................................................................................................................................................................................... 256 crédits photographiques .............................................................................................................................................. 257 bibliographie sélective .................................................................................................................................................. 259 remerciements ..................................................................................................................................................................... 260


En couverture :

VASE Corée, XIXe siècle Porcelaine à couverte blanche Collection Sèvres – Cité de la céramique

ISBN 978-2-86266-719-5

GRAND VASE AU DRAGON Corée, seconde moitié du XVIIIe siècle Porcelaine à décor bleu de cobalt sous couverte Collection Sèvres – Cité de la céramique

39 € 9 782862 667195


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.