Expressions publiques

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Expressions publiques

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Mémoire — Loïc Loréa — Promotion 2017 — 2018

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Avant-propos

Ce mémoire vient clôturer mes 5 années passées à l’École Supérieure de Design de Troyes, 5 ans à travers lesquels j’ai acquis de nombreuses connaissances théoriques et pratiques sur le métier de designer et sur sa place dans la société. Étudier entre ces murs m’a permis de me forger un esprit critique et à être plus ouvert. L’ambiance générale, les rencontres humaines dans la promotion ainsi qu'au sein de l’équipe pédagogique de l’école ont offert un cadre de travail constructif.

Ce travail de recherche est réalisé en amorce de mon projet de diplôme en collaboration avec Gravotech, une entreprise internationale spécialisée des les machines de gravure numérique.

Sommaire

Introduction

ÉCRITURE & ESPACE PUBLIC

13

Les mutations techniques de l'écrit Écriture manuelle Écriture mécanique Écriture numérique L'écriture de l'espace public La signalétique Typologie des signes Le rôle du support

ENJEUX CONTEMPORAINS

39

Derrière le panneau Historique de la signalétique du métro parisien « Le fil d'Ariane » Concevoir, faire vivre, entretenir Le réseau de demain Créer de nouveaux langages Manifeste Le précurseur Otto Neurath Pluralisme visuel selon Ruedi Baur De la théorie au projet

GRAVOTECH & LES OUTILS NUMÉRIQUES Contexte Présentation de l'entreprise Cible Collaboration Projet

79

Introduction

Dans les rues, sur les routes, dans les bureaux, les panneaux d’informations sont présents partout. La ville regorge d’inscriptions

Denis Jérôme, Pontille David, « Écologie graphique & signalétique urbaine », Graphisme en France 2013, Signalétiques, Paris, Éditions du cnap, 2013, p.11.

qui portent un message. « Les lieux publics constituent de véritables écologies pour les signes : affiches, enseignes, panneaux publicitaires, inscriptions, graffiti, autocollants, marquages, écrans sont autant d’espèces graphiques qui les peuplent et y pullulent. Ces espèces coexistent parfois dans une sorte de respect mutuel, chacune se voyant attribuer une place par rapport à l’autre. D’autres se répliquent dans l’espace de manière organisée et sont mises en correspondance par une typographie commune »

Time square (New-York) est envahi par les visuels de promotion.

Les individus circulant dans l’espace urbain sont totalement submergés par les signes qui s’y trouvent. Ils font face à une surabondance d’éléments graphiques.

Cependant, ils doivent tout de même prêter attention à certains d’entre eux. La signalétique, objet d’orientation de l’espace public offre aux usagers des informations nécessaires pour leurs déplacements.

En tant que designer, l’enjeu lors d’une intervention dans l’espace public est de parvenir

Ibid, p.21.

à trouver une harmonie visuelle dans l’espace. « Les questions de pollution visuelle sont aujourd’hui cruciales et les signalétiques institutionnelles peuvent difficilement se permettre d’ajouter à la cacophonie graphiques des villes »

Néanmoins la signalétique est un dispositif essentiel des pratiques de mobilité espaces seraient considérés comme des labyrinthes pour les usagers. Tout au long de cette réflexion, nous

La signalisation routière est une nécessité vitale pour la circulation.

contemporaine. Sans celle-ci, de nombreux

allons aborder le sujet de la signalétique comme un objet graphique, porteur de sens, mais aussi comme un objet physique, prenant place dans l’espace et générant des comportements auprès des usagers.

La signalétique intervient dans l’espace public, c’est pourquoi définir ce terme semble primordial pour débuter. Selon Wikipédia :

wikipedia.org

« L’espace public représente dans les sociétés humaines, en particulier urbaines, l’ensemble des espaces de passage et de rassemblement qui sont à l’usage de tous. Ils appartiennent soit à l’État (domaine public), soit à aucune entité juridique de droit ou, exceptionnellement, au domaine privé »

L’espace public est un lieu collectif, civique.

Il est destiné à accueillir les individus (parcs, rues, etc.), qu’ils soient citoyens de l’État ou touristes étrangers par exemple. Dans cette typologie de lieu, la circulation est totalement libre pour tous.

Notons aussi les espaces privés à usage public (les cinémas, les cafés, etc.). La signalétique doit intervenir dans tous ces espaces, elle est présente dans chaque lieu destiné à recevoir des visiteurs.

La signalétique permet d’écrire l’environnement urbain, elle le façonne. Elle emploie des signes, principalement l'alphabet.

C’est pourquoi nous ferons un point historique

sur les mutations de l’écrit et ses ouvertures sur l’espace public. L’objet graphique qu’est le dispositif signalétique sera ensuite étudié selon les principes de deux spécialistes. Ces deux travaux feront office de première partie.

Dans un second temps, il sera question de rendre compte de l’existant en terme d’artefacts graphiques d’orientation et de leurs fonctionnements. Comment concevoir et gérer, au sens le plus large du terme, le dispositif signalétique. Nous réfléchirons aux perspectives d’ouverture d’un tel dispositif et de son rapport avec les usagers à travers un exemple.

ÉCRIT URE & ESPA CE PUBLI C

017

Les mutations techniques de l’écrit

018

L’Homme a toujours eu besoin de concevoir des objets techniques, qui ont évolué au cours de l’histoire de l’humanité, afin de s’adapter à nos pratiques et de répondre aux nouveaux besoins. → « N’oublions jamais, que l’objet technique, comme le rappelle si

bien François Dagognet, est avant tout le : « ce sans quoi nous sommes sans pouvoir » » ¹.

Aujourd’hui, il est évident pour chaque être humain que l’Homme a besoin d’outils pour pratiquer ses activités. Cependant, toutes les techniques ne sont pas liées aux objets. À travers cette recherche, nous allons étudier les mutations techniques qui caractérisent l’écrit, ce système qui offre aux individus la possibilité de transmettre des connaissances, de communiquer, et ainsi de les structurer en société. L’écriture est une des techniques qui est à la genèse de l’évolution de la civilisation. Dans cette partie, nous allons mettre en lumière les évolutions de l’écrit et des techniques qui y sont associées. L’écrit va changer de formes à travers l’histoire de l’humanité, le plongeant à chaque fois dans de nouveaux paradigmes. Ces mutations singulières ont provoqué des transformations dans notre civilisation, elles sont le reflet de la société.

grâce à des énergies » 2. Selon Stéphane Vial,

chercheur en design, la technique est un ensemble de procédés propres à une activité.

L’écriture est en soit une technique.

En effet, lorsque nous écrivons nous avons recours à un certain savoir-faire, il en va de même lors d’une discussion avec un semblable. Partout dans l’environnement contemporain se trouve de la technicité, dans les objets manufacturés, les procédés que nous appliquons tous les jours pour nos tâches quotidiennes. Elle est ce qui nous permet de nous structurer en société, et d’y évoluer.

Dans cette partie, nous aborderons trois temps distincts qui ont été déterminants pour les mutations de l’écrit et comment ces évolutions ouvrent à chaque fois sur un nouveau paradigme de l’espace public.

Nous commencerons par interroger le sens du mot technique. Il est nécessaire avant d’entrer dans le vif du sujet de définir ce terme. → « [la technique] peut être décomposée

en opérations, qui nécessitent des outils, qui

s’appliquent à des matières, que l’on transforme

→

→ ¹ Vial Stéphane, « De quoi la révolution numérique estelle la révolution ? », L’être & L’écran, édition originale, Paris, Presses Universitaires de France, 2013, p.61.

ÉCRITURE & ESPACES PUBLICS

² Ibid, p.32.

019

Les mutations techniques de l'écrit

Écriture manuelle Naissance de l'écriture

Les êtres humains ont toujours été des individus sociaux, c’est-à-dire qui se structurent en société. Ils vivent ensemble.

La communication entre ces individus s’est révélée essentielle pour le développement de ces sociétés, afin de pouvoir transmettre des informations et des connaissances. Ainsi, nos ancêtres ont mis an point des techniques pour pouvoir échanger des messages, aussi bien oraux que visuels. En s’intéressant à l’art rupestre, nous pouvons observer la volonté d’illustration du réel, des expériences vécues.

Ce système de représentation n’était en aucun cas normé, chaque individu avait sa propre volonté d’illustration.

Puis les dessins ont évolué en une écriture plus complexe. Il y a un peu plus de cinq mille ans, en Mésopotamie et en Égypte se développent des signes figuratifs, que l’on pourrait aussi qualifier de dessins simplifiés.

L’écriture égyptienne et l’écriture cunéiforme (conçue en Mésopotamie), se composaient de signes représentants des objets (on parle de pictogrammes), ou alors d’une idée (il s’agit d’idéogrammes). → « Les premiers systèmes d’écritures s’attachent à dessiner le monde » 3. À la manière des peintures préhistoriques, ces systèmes se construisent sur la représentation du réel. → fig.1

→

démocratisation et [d’]un facteur de dynamisme social » 4. L’enseignement de ce nouveau

langage va permettre aux peuples d’évoluer.

→ fig.2

→ ³ Banque nationale de France, L’aventure des écritures, disponible sur classes.bnf.fr/ecritures/.

020

Plus tard, le système d’écriture va encore évoluer pour faire émerger l’alphabet.

C’est un système phonétique, c’est-à-dire qu’un signe représente un son. L’association des signes en syllabes va permettre de générer des mots puis des phrases. Ces signes nouveaux dessinent la parole, alors que jusqu’à maintenant ils se contenaient de dessiner le monde. Le système alphabétique va permettre de lier langage et écrit. De plus, il suffit d’un nombre raisonnable de signes pour composer un alphabet et permettre de nombreuses combinaisons. Ces signes seront les ancêtres de nos lettres actuelles. Plus simple à apprendre, le système va rapidement se répandre. → « [c’est] le début d’un processus de

⁴ Ibid.

Les mutations techniques de l'écrit

Eau

Oiseau

Soleil

← fig.1 Écriture égyptienne (en haut) et écriture cunéiforme (en bas). Nous pouvons observer que la culture de chaque peuple influence la forme de ces signes.

→ fig.2 L'alphabet phénicien (env. 1050 av. j.c.) est l'ancêtre de la plupart des systèmes alphabétiques modernes.

ÉCRITURE & ESPACES PUBLICS

021

Les mutations techniques de l'écrit

Support(s) de l’écrit

→ « Écrire, c’est au minimum inscrire une trace sur un support » 5. L’écriture est indissociable de la notion de support. Il semble évident que pour écrire il est nécessaire de posséder un support sur lequel on vient laisser une trace par diverses techniques. En fonction des peuples et des zones géographiques, différents matériaux ont été utilisés en guise de support de l’écrit : → « Les premiers scribes ont emprunté à leur environnement immédiat le matériaux le plus propice à recevoir leurs écrits » ⁶. Chaque support nécessitait la maîtrise d’une technique particulière pour pouvoir y inscrire le texte.

En Mésopotamie, l’argile a été pendant longtemps utilisée pour y inscrire les écrits. Cette civilisation a capitalisé toute son histoire sur ce matériau, très abondant dans l’actuelle Irak/Syrie. L’argile était constituée en petites tablettes à l’aide de la paume de la main. Ainsi, le dos était bombé puisqu’il prenait la forme de la main et la face restait plate, prête à recevoir des inscriptions. Pour retranscrire ses pensées dans la matière, il était nécessaire de posséder un outil, appelé calame. C’est un roseau taillé en pointe, qui venait inciser l’argile pour y écrire les signes. La forme de pointe de l’outil et son usage a donné son nom à l’écriture cunéiforme, c’est-à-dire en forme de « coins » (du latin cuneus). Ainsi, l’outil utilisé et le processus de rédaction a → ⁵ Petit Victor & l’équipe precip, « Du support de notre esprit », Qu’est-ce que le numérique ?

⁶ Banque nationale de France, L’aventure des écritures, disponible sur classes.bnf.fr/ecritures/.

022

donné cette singularité graphique à l’écriture cunéiforme.

L’´Égypte utilisait aussi un matériau abondant dans sa région comme support de l’écrit. Le papyrus, végétal très commun sur les rives du Nil était utilisé pour de nombreux usages quotidiens par les égyptiens. C’est pourquoi il a été logiquement employé pour venir recevoir les écrits. Là encore un outil était nécessaire pour inscrire les signes dans la matière, et là encore le calame était utilisé.

Cependant, les égyptiens utilisèrent cet outil avec de l’encre, comme un pinceau, afin d’imbiber la matière selon les gestes du scribe.

Plus fluide, cette technique engendrait des signes plus complexes et plus organiques que l’écriture cunéiforme. → fig.3

Les mutations techniques de l'écrit

Ouverture sur l’espace public

L’émergence d’un système écrit codifié ne s'est pas fait par hasard.

→ « [L’écriture naît du] besoin de fixer des messages et de consigner faits et pensées de façon durable » 7. Dans les régions de

Mésopotamie & d’Égypte, les individus ont commencé à se rassembler pour se sédentariser dans les régions propices à la construction des cités. Ainsi, ces peuples se sont urbanisés et ont dû faire face à de nouveaux besoins : → « […] mettre au point des techniques de gestion, d’organisation de la cité et de l’économie qui en découlait » ⁸.

C’est pour répondre à ces besoins que l’écriture a été développée, elle a permis aux cités de se structurer et de commencer à vivre en société. Le système de signes mis au point a permis de faciliter les échanges et le commerce entre individus. En effet, le système codifié qu’est l’écriture offre la possibilité de conserver des traces administratives, des répertoires ou encore des marques de propriétés…

↑ fig.3 Tablette d'arigle (en haut) contenant des signes cunéiformes, env. 2600 av. j.c. et extrait d'un papyrus égyptien, non daté.

→ 7 Banque nationale de France, L’aventure des écritures, disponible sur classes.bnf.fr/ecritures/.

⁸ Lantenois Annick, « Récit historique & design

graphique », Le Vertige du Funambule, Paris, 2ème édition, édition originale parue en 2010, coéditée avec la Cité du design à St-Étienne, Éditions B42, 2013, p.34.

ÉCRITURE & ESPACES PUBLICS

023

Les mutations techniques de l'écrit

Écriture mécanique L’imprimerie comme nouveau langage

À la fin du Moyen-Âge, l’écrit va prendre une nouvelle forme avec l’invention de l’imprimerie selon les principes de Gutenberg. Grâce à ses caractères mobiles, qui sont la base de son procédé d’impression, il va offrir de nouvelles possibilités de diffusions et d’usages de l’écrit. → « […] L’imprimé repose

Néanmoins, dans un premier temps, les typographies réalisées cherchent à imiter l’écriture manuscrite, puis elles finiront par s’en détacher → « […] l’invention des caractères

italiques, à la fin du XVème siècle et, surtout, le dessin du caractère romain […] donnent définitivement à chaque typographe, dans

fondamentalement sur la combinaison de trois

les premières décennies du XVIème siècle, les

éléments essentiels : la forme imprimante (en

éléments fondamentaux de ce langage, auquel

relief, en creux ou à plat), le médium (l’encre),

s’habitue la majorité des lecteurs » ¹¹. La mobilité des caractères typographiques offre une modularité dans la conception des textes afin de pouvoir rapidement créer une page de texte, puis une autre, afin d’accroître la vitesse de production d’un document. → fig.5

et le support (le papier) » ⁹. Les caractères

mobiles de Gutenberg ont mécanisé l’écriture pour permettre à l’impression de devenir une technique pertinente pour produire des textes à grande échelle.

Conçus en plomb, Gutenberg a fait appel aux savoirs-faire métallurgiques de l’époque → « des orfèvres et des armuriers » ¹⁰ pour créer des formes imprimantes de lettres qui puissent être associées pour former des mots puis générer un texte → fig.4. C’est à cet instant que nous passons de l’écriture manuscrite à l’écriture typographique mécanique, qui constitue, d’une certaine manière, un nouveau langage, une nouvelle manière de coder les écrits.

→

→ ⁹ Darricau Stéphane, « L’ère des pionniers », Culture graphique, une perspective de Gutenberg à nos jours, édition originale, Paris, Éditions Pyramyd, 2014, p.9.

¹⁰ Ibid, p.13.

024

¹¹ Quéniart Jean, « Les débuts du livre imprimé », Les Français et l’écrit XIIIème - XIXème siècle, édition originale, Paris, Hachette Livre, 1998, p.35.

Les mutations techniques de l'écrit

← fig.4 Ligature fi de la typographie Garamond en caractère mobile d'impression.

→ fig.5 Gravure de Joost Amman, 1568.

Elle illustre le procédé d'impression mis au point par Gutenberg.

ÉCRITURE & ESPACES PUBLICS

025

Les mutations techniques de l'écrit

Le papier comme support de démocratisation

« Il fallait un matériaux […] suffisamment bon

marché et disponible en quantités suffisamment importantes » ¹². En effet le parchemin était trop coûteux à produire, cette peau traitée demandait beaucoup de temps de préparation, donc le parchemin n’était pas disponible en grande quantité.

C’est le papier, une invention provenant de Chine, qui va être utilisé dans l’imprimerie. Sa simplicité de production et son accessibilité au niveau économique lui ont permis d’être le support idéal de l’imprimerie.

Cette matière s’est banalisée grâce à l’imprimerie, car elle était au départ critiquée pour sa fragilité par les européens, mais ses avantages lui ont permis de durer dans le temps et d’être encore aujourd’hui un support d’impression majoritairement exploité.

Accessibilité des textes & écriture promotionnelle

Partout à travers l’Europe, les imprimeries vont voir le jour. Grâce à cette invention, la disponibilité des textes va s’accroître et démocratiser l’alphabétisation des peuples, notamment à travers l’apparition de la presse. De nombreuses informations → ¹² Darricau Stéphane, « L’ère des pionniers », Culture graphique, une perspective de Gutenberg à nos jours, édition originale, Paris, Éditions Pyramyd, 2014, p.9.

026

écrites vont être échangées dans les pages des journaux, développant l’accès à l’information et à la connaissance pour les individus.

De plus, nous pouvons souligner que sans l’apparition de l’écriture mécanique et de l’imprimerie, le mouvement des philosophes des Lumières n’aurait jamais vu le jour. En effet, c’est la possibilité de pouvoir diffuser facilement leurs théories dans des livres qui a permis aux intellectuels du XVIIIème siècle de partager leurs savoirs et de lutter contre l’obscurantisme. Que resterait-il de ce pilier de la civilisation moderne si les livres n’avaient pu être imprimé ? Nous n’aurions jamais pu avoir accès à des œuvres telles que l’Encyclopédie → fig.6, dirigé par Diderot, D’Alembert et Voltaire, un ouvrage majeur du siècle des Lumières.

Page de titre du premier tome de l'Encyclopédie, 1751.

Comme nous l’avons évoqué, l’imprimerie a pu voir le jour grâce à l’évolution des supports de l’écrit de l’époque. Le parchemin était le support principalement utilisé pour recevoir des textes au Moyen-Âge, mais celui-ci ne remplissait pas les critères nécessaire pour être utilisé en imprimerie. →

← fig.6

Les mutations techniques de l'écrit

À la fin du XVIIème siècle, les sociétés vont être bousculées par un changement fondamental. → « Bientôt baptisé « Révolution indsutrielle », il constitue de fait un véritable changement de civilisation, qui voit évoluer en profondeur tous les aspects (politiques, économiques, sociaux, culturels, institutionnels, médiatiques, etc.) de la vie quotidienne » ¹³. Le monde de l’imprimerie

va être heurté par les modifications qu’entraîne la révolution industrielle. La technique d’impression va être utilisée à des fins économiques et esthétiques pour répondre aux enjeux de ce nouveau monde.

Ainsi, chaque industriel veut se démarquer. Pour cela, ils souhaitent un travail de la typographie qui soit inédit, propre à leur entreprise. → « L’exigence de visibilité prend d’un seul coup le pas sur celle de la lisibilité » ¹⁵. Le dessin des caractères va

fondamentalement changer. Il se traduit par le passage des caractères à empattements, qui facilitent la lecture, vers des polices linéales, c’est-à-dire sans empattements. L’objectif était de favoriser l’impact visuel en compactant les lettres. Ainsi, la typographie devient un véritable élément publicitaire et promotionnel.

→ « L’accroissement de l’activité industrielle, la diffusion élargie […] des biens manufacturés […], l’exode rural et le développement d’un mode de vie urbain […] : tous ces facteurs entraînent en premier lieu l’explosion de la publicité commerciale. La naissance de l’affiche crée une véritable onde de choc parmi les imprimeurs : ce nouveau support de communication […] introduit une rupture décisive dans les usages de la typographie » ¹⁴ → fig.7. L’affiche,

ce nouveau support de composition typographique, devient un enjeu majeur pour les industriels, Elle se multiplie dans l’espace public et provoque une concurrence féroce entre commerçants.

→

→ ¹³ Ibid, p.63.

¹⁵ Ibid, p.64.

¹⁴ Ibid, p.63. ÉCRITURE & ESPACES PUBLICS

027

Les mutations techniques de l'écrit

↑ fig.7 John Orlando Parry, 1835.

Cette aquarelle de l'artiste anglais représente une rue de Londres lors de la première révolution industrielle.

L'espace urbain est complètement envahit par l'affichage publicitaire.

028

Les mutations techniques de l'écrit

ÉCRITURE & ESPACES PUBLICS

029

Les mutations techniques de l'écrit

Écriture numérique Nouveau support, nouveau langage

Les civilisations occidentales n’ont jamais cessé de vivre avec les mutations technique. Au XXème siècle, l’innovation technique va prendre un nouvel élan avec l’apparition des machines informatiques qui vont bouleverser notre rapport au monde.

Dès la fin de la seconde guerre mondiale, une société du nom d’ibm travaille sur un calculateur à séquence complexe. → « La

machinisation […] est l’innovation technique

fondamentale de notre époque et le point de départ de cette révolution technique que nous appelons « révolution numérique » » ¹⁶. Celle-ci

va s’accélérer lorsque ibm prend conscience du potentiel de sa technologie de calcul. Les ingénieurs de la compagnie imaginent pouvoir exploiter la technologie afin qu’elle soit utilisée à des fins domestiques. ibm crée le premier ordinateur personnel en 1981. → fig.8

Néanmoins, il était nécessaire aux individus de pouvoir interagir directement avec ces micro-ordinateurs, la technologie de calcul leur étant totalement inconnue.

L’interface, boîte de dialogue entre l’Homme et la machine a permis aux usagers de communiquer directement avec celle-ci pour déclencher des actions. Les ingénieurs informatiques ont mis au point le système d’exploitation, un principe graphique qui permet à l’utilisateur de traduire le langage de la machine → fig.9. Afin de créer un système qui soit le plus intuitif possible pour les individus, les concepteurs ont repris de nombreux codes de l’univers de la bureautique (le bureau, les dossiers, la corbeille,…) comme représentations graphiques des actions à effectuer sur l’ordinateur.

→ « En plus d’avoir conçu un ordinateur, nous avions créé une industrie » ¹⁷. À partir de

l’apparition du premier micro-ordinateur, une industrie gigantesque va se mettre en place autour de la technologie et de nombreuses innovations vont sans cesse la faire évoluer.

→ ¹⁶ Vial Stéphane, « Le « système technique » à l’époque de la « technologie » », L’être & L’écran, édition originale, Paris, Presses Universitaires de France, 2013, p.58. ¹⁷ McHugh Patty, They Were Here, témoignages d’ibmeurs à l’origine d’innovations qui ont transformé notre quotidien, disponible sur youtube.com.

030

↑ fig.8 L'ibm pc, le premier ordinateur à usage personnel, 1981.

Les mutations techniques de l'écrit

↑ fig.10 Le premier Macintosh sort en 1989.

Cette machine est un tournant dans l'histoire de l'ordinateur. En plus de son inteface innovante, il utilise une souris pour commander les actions à l'écran.

Macintosh Operating System, ou Mac os est le premier système d'exploitation de la marque à la pomme (1984). C'est elle que nous devons l'interface graphique qui emploie des métaphores du monde de la bureautique. Nos interfaces d'ordinateurs utilisent toujours cette typologie.

À l’aide de deux dispositifs, le clavier et la souris, il est possible d’interagir avec l’écran de la machine → fig.10 . Le clavier emploie principalement des lettres alphabétiques et d’autres symboles liés à l’écriture. Ce système de communication est aussi employé par la machine comme traducteur de son langage de calcul pour faire passer une information à l’usager, notamment à travers l’interface. Celleci est le point de contact entre deux entités de nature différentes, l’humain et le non-humain, l’informatique.

← fig.9

ÉCRITURE & ESPACES PUBLICS

031

Les mutations techniques de l'écrit

En plus d’utiliser l’écrit comme interface, l’ordinateur va transformer notre manière de pratiquer ce dernier. Le numérique plonge l’écrit dans un nouveau paradigme dans lequel le texte est à présent dissociable de son support. En 1983, un micro-ordinateur ibm va utiliser le premier logiciel de traitement de texte de l’histoire, Microsoft Word → fig.11.

Cette invention est totalement inédite, elle permet à l’utilisateur d’écrire un texte à l’aide d’un calibre et de voir son écrit s’afficher instantanément sur son écran. L’écrit prend ici une nouvelle forme, il se numérise. Cette typologie de logiciel va entraîner une mutation formelle de l’écrit, avant de peut-être se matérialiser sur une feuille de papier.

Le « web » de Berners-Lee a permis de lier les pages Internet entre elles et donc de connecter tous les utilisateurs entre eux. C’est cette application qui a permis de populariser Internet et de rendre son usage démocratique.

Internet, une plateforme publique universelle

→ fig.11 Interface de World 1.1a, lancée en 1989. Il s'agit de la première interface « What You See Is What You Get » (ce que vous voyez est ce que vous obtenez) qui permet de visualiser le résultat instantanément à l'écran sans passer par le code. C'est une véritable révolution pour l'expérience utilisateur dans le domaine de l'interface.

Si l’ordinateur permet de produire des écrits, il offre aussi la possibilité de les diffuser. L’invention de la connexion en réseau va accélérer la révolution numériques.

En 1989, des informaticiens membres du cern (Organisation Européenne pour la rechercher nucléaire) travaillent sur un système hypertexte ¹⁸ pour pouvoir partager des données sur le réseau informatique. Tim Berners-Lee, l’un des informaticiens du projet, ambitionne de diffuser son système.

→ fig.12

→ « […] le World Wild Web [www.] est arrivé et a transformé l’Internet, technologie

d’interconnexion des réseaux d’ordinateurs » ¹⁹. → ¹⁸ « Fonction qui permet de passer d'un document à l'autre grâce à un système de liens. Ce système est à la base du fonctionnement d'Internet » Définition d’après linternaute.fr ¹⁹ Vial Stéphane, « De quoi la révolution numérique est-elle la révolution ? », L’être & L’écran, édition originale, Paris, Presses Universitaires de France, 2013, p.20.

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↑ fig.12 Tim Berners-Lee devant un écran d'ordinateur qui affiche la première version du World Wibe Web, 1994. Le code source du web était alors déjà dans le domaine public.

Les mutations techniques de l'écrit

Internet est désormais présent dans tous les domaines de la vie sociale et professionnelle. Aujourd’hui nous créons, partageons tous de l’information en ligne, que ce soit de la connaissance, du contenu multimédia, l’outil numérique a littéralement transformé notre moyen de communiquer avec le monde. → « La rédaction d’un texte, l’envoi

d’un message, le dialogue en direct, la création

d’une photo, l’écoute d’une musique, le partage d’une vidéo, […], tout cela relève du calcul, parce que tout cela est réductible à de l’information calculable par des ordinateurs en réseau, capables de traiter de grandes masses de données » ²⁰. Grâce à l’Internet, nous pouvons

trouver le même écrit sur tous les ordinateurs qui y sont connectés. Tous les individus qui ont accès au réseau sont égaux dans leur accès au contenu, le support d’information est devenu totalement immatériel.

L’arrivée des terminaux mobiles ainsi que l’explosion des réseaux sociaux confirment le fait que le numérique est une technologie totale. Nous pouvons considérer que l’éclosion mondiale des réseaux sociaux est liée à la sortie des smartphones, outils qui nous permettent d’accéder à Internet depuis n’importe où → fig.13 . Ils offrent la possibilité aux individus d’être constamment connectés afin de pouvoir consulter leur profil, diffuser et produire du contenu, qui sera accessible sur tous les autres appareils connectés à Internet pour tous les autres utilisateurs. → « On a vécu dans des grottes, dans des fermes, puis dans

les villes et on finira par vivre sur Internet » ²¹.

Aujourd’hui, Facebook, le réseau social créé par Mark Zukerberg capitalise plus de 2 milliards (2 000 000 000)d’utilisateurs sur sa plateforme. Nous pourrions qualifier ce réseau de « plus grand espace public de toute l’histoire ». ↑ fig.13 Steve Jobs lors de la présentation du premier iPhone, le 9 janvier 2007.

L'arrivée du smarthone sonne comme une révolution.

ÉCRITURE & ESPACES PUBLICS

→ ²⁰ Ibid, p.80. ²¹ Citation tirée du film The Social Network, il retrace la création de Facebook par Mark Zukerberg, réalisé par David Fincher.

033

L'ĂŠcriture de l'espace public

034

→ « Le design graphique comme

de l’écriture […] fut la nécessité de mettre au

traitement des informations, des savoirs, et des

point des techniques de gestion, d’organisation

fictions s’inscrit dans une filiation génétique

de la cité et de l’économie qui en découlait, le

avec l’écrit dont il devient indissociable » ²².

L’histoire du design graphique est étroitement liée à celle de l’écriture et de ces mutations.

En effet, il paraît cohérent de considérer que les peintures des grottes préhistoriques, les premiers systèmes d’écriture comme des prémices de communication visuelle, de graphisme.

design graphique fut inventer pour contribuer

Annick Lantenois, historienne et théoricienne du design graphique définit la pratique comme → « l’un des outils dont

le contexte économique, culturel, social » ²⁵. En effet, de par la complexité des situations que génère notre monde contemporain, le designer graphique va avoir une position assez inédite où il va devoir arbitrer entre une demande, sa volonté et le contexte.

les sociétés occidentales se dotent […] pour

traiter, visuellement les informations, les savoirs et les fictions, il est l’un des instruments de l’organisation des conditions du lisible et du

à l’organisation de nouvelles conditions de circulation » ²⁴. Au fil du temps, la discipline

a évolué et s’est complexifiée, à l’image de la société contemporaine. → « […] La place

symbolique du designer, qui est celle du

traducteur ou de l’interprète le contraignant à trouver un équilibre entre sa subjectivité, celles du commanditaire et du lecteur et ce qui définit

visible, des flux des êtres, des biens matériels et immatériels. […] Le designer graphique est le traducteur ou l’interprète qui conçoit soit la syntaxe d’un objet (affiche, etc.), soit un dispositif global où se déploiera la réponse graphique à la demande initiale (identification, signalisation, etc.) » ²³.

Grâce aux propos de Lantenois, nous pouvons voir que si le terme « design graphique » est apparu seulement au XXème siècle, l’organisation visuelle des informations a toujours été au cœur des civilisations, qu’il s’agisse de commerce, où de vie en société. → « […] Si une première raison de l’invention

→

→ ²² Lantenois Annick, « Récit historique & design graphique », Le Vertige du Funambule, Paris, 2ème édition, édition originale parue en 2010, coéditée avec la Cité du design à St-Étienne, Éditions B42, 2013, p.7.

²⁴ Ibid, p.34. ²⁵ Ibid, p.37.

²³ Ibid, p.7. ÉCRITURE & ESPACES PUBLICS

035

L'écriture de l'espace public

La signalétique Notre sujet d’étude ici sera une pratique particulière du design graphique : la signalétique. Le designer utilise l’espace comme support de son intervention. La signalétique a pour objectif principal d’informer et d’orienter les individus dans les espaces publics. Elle est ce qui permet de façonner l’espace public. Ce système d’identification et d’organisation nécessite un travail de composition visuelle qui fait intervenir la typographie, les signes et les principaux outils que maîtrise habituellement le graphiste.

En 1960, Kevin Lynch, un urbaniste américain diffuse ses théories dans un livre intitulé « L’image de la cité ». Dans celui-ci, l’urbaniste étudie la façon dont les individus perçoivent et organisent l’information spatiale lorsqu’ils se déplacent dans une ville. Les mutations urbaines de la seconde moitié du XXème siècle ainsi que l’évolution des modes de vie l’incitent à remettre en question la manière d’appréhender nos espaces. Lynch revendique dans son livre souhaiter générer une image forte de la ville pour garantir aux individus de s’orienter facilement à travers celles-ci. C’est ici que sera employé pour la première fois le terme « wayfinding », principe fonctionnaliste de la signalétique. L’enjeu principal du wayfinding est de garantir l’orientation du maximum de personnes au sein d’un espace à forte mobilité. Nous

énoncerons les préceptes qui ont dessiné ce système d’orientation devenu universel dans notre monde contemporain.

Ainsi, la signalétique a une véritable « mission d’utilité publique ». Ses objectifs sont résolument tournés vers les citoyens. La mise en place de dispositifs signalétiques va permettre à ces derniers de s’orienter dans des espaces qui leurs sont inconnus. → « Dans le graphisme d’intérêt public, s’il y a à annoncer, il n’y a rien à vendre » ²⁶. La signalétique est

parfaitement dans cette configuration. Celleci va servir à informer les gens et les aider à choisir leurs directions, il n’y a aucun message publicitaire ou une quelconque volonté de vendre quelque chose.

La signalétique est un ensemble de supports sur lesquels sont associés une composition visuelle de signes. Encore aujourd’hui, elle est principalement un association de ces deux éléments de façon pérenne, c’est pourquoi nous allons à présent étudier ces deux éléments qui composent un objet de signalétique, de manière à pouvoir comprendre un dispositif et son contexte de conception. Nous commencerons par les signes, leur sens est déterminant pour la compréhension d’un objet signalétique par les individus. Ensuite, nous porterons une réflexion sur le support, l’autre élément majeur de l’objet signalétique.

→ ²⁶ Marsha Emanuel, à propos du Graphisme d’utilité publique.

036

L'écriture de l'espace public

Les principales règles du Wayfinding

1 2 3 ÉCRITURE & ESPACES PUBLICS

Hiérarchiser les espaces visuellement pour les distinguer entre eux

Garantir l’accès à toutes les informations pour choisir librement la destination

Utiliser la répétition raisonnable des informations graphiques

037

L'écriture de l'espace public

Typologie des signes

Une lettre est un signe, tout comme peut l’être une couleur, ou une forme. Il sera fait ici la

présentation de plusieurs signes selon la science de la sémiologie, c’est-à-dire l’étude des signes. Nous nous appuierons sur les travaux de Charles Sanders Peirce, l’un des sémiologues, ou « sémioticien » pour reprendre ses termes, les plus réputés. Il est l’un des pères de la sémiologie. Ses travaux seront notre point de départ pour constituer une typologie des signes que nous rencontrons dans notre quotidien. Peirce distingue trois niveaux de signes que nous allons détailler à travers des exemples : l’icône, le symbole et l’indice.

L'icône

Le symbole

L'indice

L’icône est représentatif de l’objet, c’est un signe qui y fait directement référence. Il entretien une relation de ressemblance avec l’objet. Par exemple, nous pouvons citer la photographie, la sculpture ou le dessin comme étant des icônes, ils reconstruisent tous l’image de l’objet.

Le symbole, entretient quant à lui une relation qui est générée arbitrairement, mais il fait tout de même référence à l’objet. Pour donner un exemple, nous pouvons citer la colombe qui symbolise la paix.

L’indice entretient une relation métonymique avec l’objet, c’està-dire une relation de cause à effet. Par exemple, le concept du feu va être remplacé par celui de la fumée. Il existe une étroite relation iconique avec l’objet. Cette représentation de l’objet se trouve être la continuité de l’objet lui-même.

Les signes icônes tels que les dessins 1 ou les photographies 2 par exemple, sont compréhensibles aux yeux de tous, car il s’agit là de représentation du réel, de même que les dessins dans les grottes préhistoriques.

Les signes symboles nécessitent quant à eux un apprentissage, les glyphes alphabétiques, ou idéogrammes 3 en sont un bon exemple, ils nous sont tous enseignés, afin de pouvoir apprendre à lire et à écrire, dans le but de pouvoir s’intégrer dans la société.

3

Nous pouvons définir que les indices sont issus de normes culturelles. En effet, la fourchette 5 est l’indice du repas dans la société occidentale, mais elle ne l’est pas dans la société asiatique.

5

1

2

De même pour les symboles utilisés pour le code de la route 4, ce système de signes a été défini arbitrairement et il nous est nécessaire de l’apprendre pour pouvoir circuler en véhicule.

4

Il en va de même pour un bouton 6 sur un appareil électronique.

Des populations n’ayant jamais aperçu ce type de machines par exemple, ne peuvent pas identifier intuitivement la nécessité d’appuyer sur un bouton afin de déclencher une action.

6 038

L'écriture de l'espace public

Il est important de comprendre ici que l’indice n’est pas iné, il serait plutôt issus de la société dans laquelle nous évoluons, grandissons et apprenons. Cependant, tous les signes qui nous entourent ne sont pas si simples à classifier, c’est pourquoi nous allons prendre le temps de détailler plusieurs cas.

Les cas particuliers Le pictogramme 7 représente un objet, une action. Nous pourrions ainsi le catégoriser comme icône. Il est la représentation d’une action, est explicite. Théoriquement, toute personne ayant connaissance du lieu, ou de l’action qu’il représente, le comprend.

7

Néanmoins, certains pictogrammes pourraient être interprétés comme des symboles, car ils ont été définis arbitrairement. Le symbole représentant le monde médical 8 est un très bon exemple. La forme du signe, la croix, a été définie de manière arbitraire à un temps donné. Depuis, il est nécessaire de l’apprendre afin de savoir que ce signe est la représentation du milieu médical. Ce signe pose un autre problème, sa ressemblance avec de nombreux autres signes existants peuvent créer une situation de confusion.

8

Le drapeau Suisse possède les mêmes caractèristiques visuels que la croix.

Le logotype 9 est un signe qui a pour objectif de représenter et d’identifier une marque. Il est classé comme un symbole. D’après le designer graphique Paul Rand : « un logo est rarement la description d’une activité ». Cela ne nous empêche pas de pouvoir distinguer des marques, la communication et le marketing de celles-ci aidant.

9

Cependant, il existe des logotypes qui pourraient plutôt être catégorisés comme des icônes.

C’est le cas notamment de nombreuses marques qui vont utiliser des signes pictographiques comme logotype, afin de faire directement référence à son activité via ce signe connu de tous. 10 10

L’émoticône, ou emoji, est une représentation symbolique d’une émotion 11. De ce fait, ce signe est par déduction un symbole. Même si cette représentation est plus explicite que l’alphabet par exemple, cette famille de signes requiert tout de même un apprentissage.

11

ÉCRITURE & ESPACES PUBLICS

La flèche est l’un des signes les plus utilisés en signalétique, il semble assez complexe à classifier.

Concernant la signalétique, nous pourrions intuitivement estimer que la flèche est un indice, car elle va signifier « aller dans cette direction » sur un panneau 12.

12

Cependant, la flèche est aussi la représentation symbolique du mouvement, que ce soit un vecteur en mathématiques, ou encore une souris d’ordinateur. Nous pourrions même évaluer la flèche comme étant un icône d’une flèche prête à être décochée avec un arc.

Le « ce dont la flèche fait signe » dépends du contexte dans lequel elle est utilisée.

La couleur est incontestablement un symbole 13. En effet, chaque société possède des codes couleurs arbitraires qui font que telle ou telle couleur est employée dans telle ou telle situation. L’exemple de la signalisation routière est très pertinent, celle-ci est fondée sur des codes couleurs définis qu’il est nécessaire d’apprendre afin de parvenir à maîtriser le code de la route et pouvoir circuler. Pourtant, il n’empêche que cette symbolique des couleurs change d’un pays voisin à un autre.

13

Comment expliquer que la France utilise le bleu pour ses panneaux d’autoroute et que la Suisse utilise le vert ?

039

L'écriture de l'espace public

Le rôle du support Les signes qui sont employés en signalétique doivent prendre place sur un support afin de pouvoir s’implanter dans l’espace public. Un objet de signalétique est un dispositif physique qui doit être considéré dans sa globalité et non uniquement par les signes qui le compose. Nous prendrons comme référence pour cette recherche la célèbre phrase du philosophe Marshall McLuhan : « The medium is the message ».

Ses propos semblent s’appliquer à notre sujet d’étude, la signalétique. Selon l’intellectuel canadien → « […] en réalité et en pratique,

le vrai message, c’est le medium lui-même,

c’est-à-dire, tout simplement, que les effets d’un médium sur l’individu ou sur la société dépendent du changement d’échelle que produit chaque nouvelle technologie, chaque prolongement de nous-mêmes, dans notre vie » ²⁷. McLuhan énonce à travers son livre le fait que le médium (ou support) et le message fonctionnent ensemble. Le support influence tellement le message que les deux deviennent indissociables, aucun des deux ne peut être étudié indépendamment.

Cette définition s’applique parfaitement à notre discours à propos de l’écriture et de son lien indissociable avec son support, peu importe soit-il. Il en va de même avec le cas de l’objet signalétique. Par exemple, si nous décidons de partir en vacances, il n’est pas rare → ²⁷ McLuhan Marshall, citation de son livre The Medium is the message.

040

d’entendre lors d’une discussion en voiture « Le panneau m’indique de prendre direction Avignon ». Si nous regardons de plus près cette phrase, nous pouvons nous rendre compte que le médium (ici le panneau) participe la communication du message (direction Avignon), alors qu’en réalité ce n’est qu’une plaque de taule émaillée gigantesque. Sans l’inscription typographique sur celle-ci, il serait impossible de savoir que la route est en direction d’Avignon. → fig.14

L'écriture de l'espace public

↑ fig.14 Le panneau fait plus que porter le message, il l'incarne.

ÉCRITURE & ESPACES PUBLICS

041

043

EN JEU CON X TEM POR AIN

S

Derrière le panneau

044

La signalétique est un outil essentiel des pratiques de mobilité contemporaine.

Les différents éléments qui la compose (les signes et le support) ont été étudié dans la partie précédente. C’est pourquoi ici il sera plutôt question de sa mise en place dans l’espace et des réactions qu’elle provoque auprès des usagers. L’installation d’un système signalétique complet va faire intervenir de nombreuses ressources et nécessiter l’implication de nombreuses personnes quotidiennement. Nous nous appuierons sur le livre : « Petite sociologie de la signalétique » ¹, écrit par Jérôme Denis et David Pontille. Il s’agit d’une étude réalisée sur la signalétique du métro parisien.

Ce livre semble être un support de réflexion pertinent car ces deux chercheurs ont décidé de considérer la signalétique non pas comme un objet graphique, comme aurait pu le faire un designer, mais plutôt de l’appréhender de manière plus globale et dynamique. Ils ont estimé que la signalétique était un mode d’emploi du réseau ferroviaire et on décidé de l’observer et de s’interroger sur son fonctionnement.

→ ¹ Denis Jérôme, Pontille David, Petite sociologie de la

signalétique : les coulisses des panneaux de métro, Paris, Presses des Mines, Collection Sciences sociales, 2010.

ENJEUX CONTEMPORAINS

045

Derrière le panneau

Historique de la signalétique du métro parisien

1970

19

1970

1977

→ Adrian Frutiger, typographe

→ La ratp décide de valoriser

suisse, dessine la police de caractères Métro.

→ Il étudie le constrate entre les formes de voûtes du métro et les panneaux de signalisation rectangulaires qui intègrent l'espace.

046

l'expérience utilisateur. Elle voit en la signalétique un média de communication qui participe à la marque ratp.

→ Le programme est dirigé par

Roger Tallon qui s'entoure de Massimo Vignelli.

Derrière le panneau

Parisine ABCDEFGHIJKLMNOPQ RSTUVWXYZ abcdefghijklmnopqrstuvwxyz 1234567890

977

1996

1996 → Le manuel graphique mis au point sera exploité sur les réseaux rer.

→ C'est les bases d'une réflexion théorique sur la signalétique.

ENJEUX CONTEMPORAINS

→ Critique du système mis

en place, il est jugé trop hétérogène et créateur d'incohérence.

→ Pour la première fois, une

signalétique multimodale est installée (commune au métro, au rer et au bus).

→ Création d'une police inédite

par Jean François Porchez, la Parisine.

→ Utilisation de couleurs pour distinguer les lignes.

→ Économie d'informations.

047

Derrière le panneau

« Le fil d’Ariane » ² Qui orienter ?

La population qui emploie les dispositifs de signalétique est difficile à évaluer, elle est très nombreuse. → « Habitués,

occasionnels, novices, touristes,… toutes les catégories de personnes qui traversent des

espaces urbains sont nombreuses et déclinables à volonté » 3. En fonction des lieux, les

catégories de personnes ne sont pas forcément identiques. Cependant, certains lieux les regroupent toutes, c’est le cas des transports en commun. Les usagers des artefacts graphiques peuvent être journaliers comme occasionnels.

Certaines personnes vont se rendre tous les jours dans le même lieu et donc croiser les mêmes éléments de signalétique. En revanche, la signalétique va s’avérer déterminante pour les usagers occasionnels, elle va jouer un rôle de guide dans l’espace pour les aider à prendre leurs décisions.

Comment on s’oriente ?

L’usager doit consulter les panneaux présents dans l’espace pour trouver son chemin. Dès lors, il accepte de déléguer le contrôle de son trajet à l’environnement. Cette collecte d’éléments variés (numéro d’une ligne, nom d’un station, horaire, etc.) va permettre à l’individu d’avancer jusqu’à atteindre sa → ² Wiart, Le Roux, Lomazzi, 1998.

Dans la mythologie grecque, Ariane confie un fil à Thésée afin qu’il puisse retrouver son chemin dans le labyrinthe de Dédale après avoir vaincu le Minotaure.

³ Denis Jérôme, Pontille David, « Helvetica et le métro de New-York City », Graphisme en France 2013, Signalétiques, Paris, Éditions du cnap, 2013, p.28.

048

destination finale. Par collecte, nous entendons ici que les dispositifs signalétiques comportent toutes les informations qui représentent les possibilités d’itinéraires, et que l’usager va devoir travailler à sélectionner celles dont il a besoin.

Néanmoins, le dispositif signalétique emploie des éléments graphiques spécifiques pour permettre à l’individu de s’y repérer et de trouver plus simplement les informations qu’il recherche. La couleur est notamment un élément d’aide à l’orientation, chaque ligne de métro et de bus possède sa propre couleur pour les distinguer entre elles → fig.1.

Tous les éléments de signalétique en lien avec les sorties des couloirs du métro possèdent aussi leur couleur, le « bleu azur » → fig.2. La répétition de ces artefacts graphiques dans l’espace génère une sorte de fil conducteur qui va guider et accompagner l’usager pour sortir du métro. Répétées à l’échelle de toutes les stations, les couleurs produisent de l’intelligibilité pour les usagers.

Derrière le panneau

↑ fig.1 Chaque ligne de métro est symbolisée par une couleur spécifique afin de les distinguer. Il en va de même pour le rer.

↑ fig.2 La couleur bleu azur permet de sortir des souterrains du métro.

Elle symbolise la sortie et provoque directement un déclic auprès des usagers.

ENJEUX CONTEMPORAINS

049

Derrière le panneau

Analyse comparative avec le métro de New-York

En 1977, Roger Tallon, l’instigateur de la requalification de la signalétique du métro parisien, s’est entouré de Massimo Vignelli pour dessiner les prémices d’un sytème d’orientation homogène. Vignelli a dirigé avec Bob Noorda la signalétique du réseau de métro de New-York au milieu des années 60. Comparons le travail qui a été mis en place à New-York avec la signalétique actuelle du métro parisien. Tout d’abord, notons que le système d’orientation conçu par Vignelli et Noorda est toujours en place aujourd’hui. Cependant, il n’a été véritablement installé qu’en 1989, les nombreux protagonistes du projet ainsi que ses enjeux l’ont entraîné dans un processus lent et fastidieux.

La signalétique d’un espace d’une telle ampleur est passée pour les deux projets par le choix méticuleux d’une police de caractère « fonctionnelle », c’est un enjeu capital. Le choix s’est arrêté sur Helvetica pour les deux designers graphiques afin de représenter le métro new-yorkais. Conçue en 1957 par Max Miedinger, la police est devenue le symbole de la typographie suisse.

→ « L’Helvetica est une police de caractère qui a été générée par le désir d’avoir une meilleure lisibilité » ⁴. Aujourd’hui encore, Massimo

Vignelli ne cesse d’en vanter les mérites.

Pour ce qui est de son homologue français, l’histoire de la police du métro parisien a été tumultueuse durant de nombreuses années à cause du manque d’homogénéité. En 1996, lors de la dernière évolution de la signalétique, il a

→ ⁴ Vignelli Massimo, Helvetica movie, documentaire sur la fameuse famille de caractères, réalisé par Gary Hustwit.

050

été décidé de concevoir une police inédite, la Parisine. Créée par Jean François Porchez elle est aujourd’hui toujours employée → fig.3. De plus, les deux réseaux ferroviaires emploient la couleur pour différencier les lignes → fig.4.

Cet élément, novateur lors de la réalisation du système d’orientation à New-York semble s’être imposé comme un standard fonctionnel et efficace pour mémoriser les lignes de métro.

De même que l’information de sortie sur les panneaux est mise en avant par une couleur (rouge pour le « exit » aux USA et bleu pour « sortie » à Paris). → fig.5 Une différence majeure réside dans ces deux systèmes signalétiques, il s’agit de la posture que doit adopter l’usager face à un panneau d’information. En effet, les panneaux mis en place à New-York contiennent beaucoup d’informations rédigées, l’individu doit faire acte de lecture pour absorber l’information → fig.6. La typographie est l’outil principal, presque unique, pour diffuser les itinéraires dans l’espace. À Paris la posture semble différente, la signalétique prône l’observation et la déduction. En effet, si la typographie est elle aussi employée en majorité pour diffuser le contenu, plusieurs symboles sont employés pour minimiser les informations textuelles → fig.7. De plus, la ratp emploie sa famille typographique pour créer des « mots-dessinés ».

Derrière le panneau

AaEe

ABCDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZ

abcdefghijklmnopqrstuvwxyz

abcdefghijklmnopqrstuvwxyz

ABCDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZ

AaEe

0123456789

0123456789

↑ fig.3 Helvetica bold

Parisine bold

New-York

Paris ↑ fig.6 L'usager doit prendre le temps de lire pour obtenir l'information.

↑ fig.4

Exit ↑ fig.5

ENJEUX CONTEMPORAINS

↑ fig.7 L'économie visuelle et l'utilisation de symboles permettent d'identifier l'information d'un coup d'œil rapide.

051

Derrière le panneau

Concevoir, faire vivre, entretenir La signalétique est un travail de tous les instants, surtout lorsque celle-ci est complexe. Il est important de la prendre en compte lors de la conception d’un espace.

En effet, faire intervenir ces concepteurs le plus en amont possible d’un projet permet de générer de la cohérence entre le projet d’espace et la signalétique qui va s’y installer.

→ « la signalétique et l’information doivent être

contient toutes les normes écrites à propos de la signalétique du réseau multimodale. Celuici doit pouvoir couvrir toutes les situations (identification, jalonnements, informations de sécurité, guichets, etc.). Ce document est mis à jour régulièrement depuis 2001, il comprends 3 volumes qui précisent la totalité du système : →

considérées comme un des éléments de base autour duquel se construit l’architecture » 5.

Un espace architectural qui ambitionne d’être investis par le public doit prendre en compte son orientation dans celui-ci. Il semble encore plus vital d’appliquer la signalétique dans tous les projets de la ratp, qui sont des espaces dédiés à la mobilité. Néanmoins, il arrive que des projets d’une ampleur conséquente bouleversent la procédure et qu’ils démarrent sans fait intervenir un membre du service de normalisation…

Faire vivre la norme

Rationaliser & standardiser un système d’une telle ampleur est très complexe. L’espace regroupe la totalité du réseau de métro, de rer ainsi que de bus, cette standardisation ne peut être jamais parfaitement aboutie. Cependant, plusieurs individus ont pour objectifs de faire vivre cette norme, d’abord au sein de l’entreprise, puis dans tous les espaces où elle doit s’implanter.

Pour ce faire, la ratp possède un document qui → 5 Sancho de Coulhac Lorenzo, Viaut, 1998, p.9.

052

Signes, symboles et codes, il présente le vocabulaire graphique de base du système → fig.8

→

Vocabulaire et mentions, il définit les appellations spécifiques et l’orthographe → fig.9

→

Composition graphique des supports rer et Métro, ce dernier fixe les règles de construction des panneaux de signalétiques pour tous les espaces. → fig.10

Derrière le panneau

↑ fig.9 Le volume 2 précise le nom de stations ainsi que les abréviations à utiliser.

Cet extrait du premier volume illustre les principes de construction de la flèche, symbole capital en signalétique.

Le dernier volume précise les règles qui permettent la construction des supports de la signalétique. ↓ fig.10

← fig.8

ENJEUX CONTEMPORAINS

053

Derrière le panneau

Faire respecter cette charte est un travail quotidien fastidieux. D'après les recherches de Denis et Pontille, la ratp ne considère pas la signalétique et sa cohérence comme une préoccupation essentielle, elle estime que l’importance n’est pas dans l’uniformisation du système mais plutôt dans la présence ou non de l’information. Le choix typographique, les couleurs, la composition visuelle des panneaux, tout cela est considéré comme ornemental et superficiel.

Le service de normalisation du système doit promouvoir l’intelligibilité interne avant de la mettre en place dans l’espace et assurer la cohérence du système graphique.

Pour ce faire, elle organise des présentations afin de sensibiliser les autres employés de la ratp à la signalétique et à l’importance de son uniformité. Le service de normalisation démontre à travers des exemples la nécessité d’avoir une réflexion intellectuelle et visuelle sur les informations présentent dans l’espace. → fig.11

054

Derrière le panneau

↑ fig.11 En utilisant les capitales au début de chaque mot puis les bas de casses, l’objectif est de faire du mot une forme qui va être identifiée par l’usager sans qu’il le lise vraiment (en haut).

← fig.11 À l'aide de démonstrations par l'absurde, le service de normalisation montre aux salariés de la ratp l'importance des symboles pour les usagers dans la prise d'informations.

ENJEUX CONTEMPORAINS

055

Derrière le panneau

Maintenance du système

Pourtant, ce sont eux qui sont le plus mis de côté. En effet, nous pouvons critiquer le manque de considération des concepteurs qui persistent à utiliser un type d’installation alors que celui-ci est très compliquée et très chronophage à changer ou à réparer. C’est le cas par exemple des caissons lumineux, qui demandent une certaine dextérité et beaucoup de temps pour procéder à sa maintenance. → « Il faut avouer qu’en matière de signalétique une bonne connaissance des problèmes typographiques et pictographiques ne suffit pas, l’expérience pratique est déterminante » ⁶.

→ ⁶ Tallon Roger, Jeudy Henry-Pierre, « Signalisation,

signalétique, la différence ? », Communication & langage, n°36, 1977, p.32-43.

056

Il semblerait plus pertinent de prendre en compte les problématiques de réparabilité et de maintenance lors de la réalisation d’un système signalétique, afin de le rendre plus pérenne mais surtout plus efficace pour tous.

Transporter l'objet

Procéder au changement sur un caisson lumineux, une démarche fastidieuse et complexe.

La signalétique n’est pas qu’une affaire de conception graphique puis d’installation, cela ne s’arrête pas là. À partir de son placement dans l’espace, elle fait l’objet d’un travail de maintenance permanent.

Les opérateurs de maintenance sont chargés d’installer les panneaux et de gérer l’entretien du réseau signalétique. Ils doivent constamment faire face à des remplacements de panneaux, ou des réparations imprévues.

Gérer un dispositif d’une telle ampleur requiert parfois du bon sens pour permettre la fonctionnalité de la signalétique. En effet, il n’est pas rare que certains objets du dispositif nécessitent des petits ajustements, ou que l’emplacement prévu pour un panneau ne soit pas judicieux. Les opérateurs ont le rôle le plus pragmatique de la « chaîne de montage » du système signalétique. → fig.12

Stocker les panneaux

Derrière le panneau

↑ ← fig.12 → ↓

Mesurer l'emplacement

ENJEUX CONTEMPORAINS

057

Derrière le panneau

Le réseau de demain Vers une signalétique numérique ?

→ « Aujourd'hui, les entreprises de

formes d'équipement individuel de la mobilité,

transport fournissent bien plus qu'un service

les panneaux qui la composent s'utilisent, si

de déplacement : elles offrent des systèmes

l'on peut dire, à plusieurs. Ils sont consultables,

complets d'aide à la mobilité » ⁷. Cependant, interrogeons nous sur l’avenir du panneau de signalétique tel que nous le connaissons. En effet, à l’ère d’une société où les technologies numériques envahissent notre quotidien, ces dispositifs restent fixés, statiques.

dans un même temps et dans un même espace,

→ « N'assistons-nous pas aujourd'hui, via

l'informatique en réseau, à un renouvellement radical des services d'aide à la mobilité ? Le temps réel, les bases de données publiques, les

par la foule des voyageurs qui y trouvent des appuis solides pour harmoniser leurs déplacements. Les panneaux du métro offrent les moyens d'un usage commun des lieux » ⁹. Si ces deux entités se complètent, dans ce

cas comment envisager la place et le rôle des systèmes de panneaux indicateurs dans le futur ?

systèmes de guidage par satellite ne vont-elles

Multimodalité de tous les transports

pas sonner le glas, à terme, de la signalétique

En effet, les sites web et les smartphones sont dédiés à une consultation personnelle de données mises à jour automatiquement, contrairement à la signalétique actuelle qui expose une information stabilisée, destinée à un usage collectif. Nous pourrions plutôt parler de complémentarité plutôt que de concurrence, surtout au niveau des modalités de leur consultation. → « À l'opposé des différentes

Au milieu des années 1990, la ratp a harmonisé sa signalétique entre tous les modes de transports. Cependant, le réseau multimodal mis en place s’arrête aux frontières des autres sociétés de transports de la ville.

Pourtant, de nombreux usagers effectuent leur trajet d’un réseau de transport à un autre (métro, rer, bus, tramway, train, vélib, voiture, avion, etc.). Le paysage de l’offre en transports devient de plus en plus complexe et les passages d’un mode de déplacement à un autre encore plus variés. Comment la signalétique va accompagner les individus d’un moyen de transport à un autre en créant une continuité, un fil conducteur ? Faut-il harmoniser toute la signalétique liée à la mobilité urbaine, en

→

→

telle que nous la connaissons ? » ⁸. Il semblerait

que la mort du panneau ne soit pas pour tout de suite car ces deux régimes d’informations sont complètement différents.

⁷ Denis Jérôme, Pontille David, « Information voyageurs : inventer une signalétique collective à l’ère du 2.0 », Ville, Rail & Transport, 2010, p.40-46. ⁸ Ibid.

058

⁹ Ibid.

Derrière le panneau

décidant de casser les identités et les codes de chaque entreprise de transport ?

un autre mode : ce constat rend impérative

Cependant, le numérique est aussi pris en compte comme un enjeu de la gare de demain. La Société du Grand Paris souhaite faire du nouveau réseau « le réseau le plus digital du monde ». Le numérique permet de générer des interactions et de la participation, et ainsi, d’offrir aux usagers l’occasion de s’investir et de s’approprier le lieu. Nous pouvons citer les pianos en libre service en exemple d’appropriation.

d’information des réseaux existants. » ¹⁰.

Le projet de mobilité urbaine du Grand Paris Express va devoir faire face à ces questions. L’extension du réseau ferroviaire parisien va être l’occasion de s’interroger sur le système d’information qui va être mis en place. Ruedi Baur, designer graphique franco-suisse, a été consulté pour proposer un nouveau système signalétique. Avec son équipe pluridisciplinaire, ils ont conscience de ces nouvelles problématiques. → « Près des trois

quarts des gares du Grand Paris sont connectées avec des gares existantes de métro, rer ou Transilien, des gares tgv ou des aéroports (Orly, Roissy-cdg et Le Bourget), et la majorité

la bonne articulation de l’information dans les gares du Grand Paris avec les systèmes

De plus, le designer a déjà eu l’occasion de travailler sur ces nouvelles formes d’orientation numériques dans l’espace. Dans le cadre du concours de la ville de Montréal pour le quartier des spectacles, R.Baur a proposé un système d’identification conçu à partir de deux notions qui sont la lumière et le déploiement → fig.13. Le projet met en avant la richesse des activités que propose le quartier à l’aide de dispositifs lumineux et interactifs, créant ainsi une identité globale très singulière au quartier. → « Ce processus appliqué par chacun apporte une réelle lisibilité de l’activité du quartier. Il ne s’agit pas juste d’illuminer chaque élément particulier, mais de mettre en œuvre une synchronisation qui reliera les différentes enseignes des sites cultures aux mille points rouges du quartier » ¹¹. Créer de l’interaction et de la participation, voici les objectifs du dispositif numérique qui seront mis en place pour le système d’information du Grand Paris.

des futurs usagers du Grand Paris Express effectueront leur trajet en correspondance avec

→ ¹⁰ irb-paris.eu ¹¹ Baur Ruedi, Ruedi Baur, Intégral, Anticiper, Questionner, Traduire, Irriter, Distinguer, Orienter, Inscrire, Lars Müller Publishers, 2009, p.42.

ENJEUX CONTEMPORAINS

059

Derrière le panneau

fig.13 L'installation lumière mise en place offre la possibilitÊ au quartier de muer au fil des manifestations culturelles.

060

Derrière le panneau

L'identité proposée a pour objectif d'évoluer en fonction des évènements et de maintenir une richesse visuelle.

ENJEUX CONTEMPORAINS

061

CrĂŠer de nouveaux langages

062

La signalétique est un dispositif figé, qui possède ses propres règles. Conçu à un temps donné, le dispositif n’intègre pas une perspective d’ouverture et d’évolution sur le long terme. Nous l’avons vu à travers l’exemple du système de signalétique du métro parisien, les concepteurs ne prennent même pas en considération la maintenance du dispositif ainsi que les opérateurs qui l’exécutent. Concevoir une signalétique pour un espace accueillant une quantité d’individus c’est réaliser un système qui soit compris par le maximum de personnes pour assurer sa fonctionnalité.

Devant une tâche d’une telle ampleur, de nombreux créatifs réalisent des projets de signalétique qui emploient des bases communes, créant des systèmes similaires, voir identiques. → « Si une telle standardisation des usages graphiques s’opère sans doute

au bénéfice des usagers — qui peuvent ainsi trouver leur chemin dans n’importe quel aéroport où que ce soit dans le monde —, elle engendre aussi une uniformité, voire un conformisme » ¹². La répétition d’un principe fonctionnel à travers le monde engendre un conformisme visuel qui ne devrait pas être accepté par le monde du graphisme. → fig.14

→ ¹² Darricau Stéphane, « L’ère des pionniers », Culture graphique, une perspective de Gutenberg à nos jours, édition originale, Paris, Éditions Pyramyd, 2014, p.160-161.

ENJEUX CONTEMPORAINS

063

Créer de nouveaux langages

Schipol Airport, Amsterdam

Jfk Airport, New-York

Charles-de-Gaulle Airport, Paris

Heatrow Airport, London

Aéroports

fig.14 Concernant les aéroports, celui de Schipol a été l'un des premiers a être réalisé sous cette forme. Conçu selon les principes du wayfinding, la signalétique de l'aéroport deviendra par la suite une référence pour son époque (elle a été conçue en 1967).

L'usage d'une police sans empattement, l'utilisation de supports rétro-éclairés avec un fond jaune, ces caractéristiques seront répétées dans de nombreux aéroports. Nous pouvons en voir l'exemple à Londres ou à New-York.

064

Créer de nouveaux langages

Métro de Londres, Angleterre

Métro de Madrid, Espagne

Métro de Berlin, Allemagne

Métro de Séoul, Corée du Sud

Métros

Les signalétiques des métros semblent être plus hétérogènes. Elles incarnent la ville où elles se trouvent. Néanmoins, de nombreux principes paraissent tout de même être issus du wayfinding.

ENJEUX CONTEMPORAINS

065

Créer de nouveaux langages

Manifeste Ruedi Baur revendique quant à lui la création de systèmes plus ouverts et plus singuliers. Le designer graphique critique ouvertement → « [les artefacts graphiques]

croyant que l’être humaine ne reconnaît que ce qui est absolument identique » ¹³. Il juge

le conformisme visuel infantilisant pour l’Homme. Pour défendre son opinion, le franco-suisse prend l’exemple du système alphabétique.

→ « J’évoquerai tout d’abord ces

vingt-six signes alphabétiques abstraits et ces quelques accents, qui, sans grandes variations,

potentielle, des systèmes qui ne sont pas basés sur la tentative d’une parfaite maîtrise de l’usage mais qui cultivent du potentiel d’expression, des capacités d’adaptation, de différentiation voir d’évolution en leur sein. » ¹⁴.

Selon lui, un système doit avoir pour ambition de pouvoir devenir un langage. Il doit être complet et permettre une évolution, une transformation en fonction des besoins. De ce fait, le designer doit produire des outils riches qui pourront être approprié par d’autres et laisser place à un potentiel développement. → fig.15

parviennent à intégrer les particularités d’un si grand nombre de langues, pourtant si différentes. […] Je ne suis on ne peut plus fasciné par la capacité d’intégration des langues.

fig.15.a Schéma classique. Un concepteur imagine une signalétique pour un espace. Il est complet et tente de répondre à toutes les situations.

Cependant, il n'est pas ouvert à l'évolution ni à la transformation.

Personne n'intervient par la suite, la charte est appliquée.

Les situations ou le vocabulaire nouveaux ne parviennent aucunement à perturber cette capacité d’être identifié comme français, anglais, […], ou catalan. Sommes-nous capables de développer des équivalents au niveau visuel, c’est-à-dire de mettre en place des systèmes qui permettent à la fois l’identification et la

fig.15.b Dans ce cas de figure, le système graphique mis en place permet une certaine liberté. Le concepteur livre un langage, complet et complexe, qui pourra évoluer par la suite. Par exemple nous pourrions imaginer un autre designer prendre le relais en employant le système mais de manière différente.

De plus, l'apprentissage du système par ses usagers permet son appropriation donc son utilisation.

libre expression voir l’altérité contextuelle ? […] Il me semble nécessaire de proposer […], des concepts qui offrent plus de richesse

→

→ ¹³ Baur Ruedi, De la norme au langage visuel, colloque « Edit ! », organisé par l’École des Beaux-arts de Bordeaux, 2009.

066

¹⁴ Baur Ruedi, Ruedi Baur, Intégral, Anticiper, Questionner, Traduire, Irriter, Distinguer, Orienter, Inscrire, Lars Müller Publishers, 2009, p.xvi.

Créer de nouveaux langages

fig.15.a

fig.15.b

ENJEUX CONTEMPORAINS

067

Créer de nouveaux langages

Le précurseur Otto Neurath Cette ambition de système fécond n’est pas nouveau. Le fonctionnalisme graphique du XXème siècle peut être considéré comme ses prémices → « Le fonctionnalisme s’érige en un programme, un système

d’explication scientifique et global propre à éclairer et organiser la complexité du monde durant les années 1920 et 1930. Sa radicalité répondait à une urgence : celle de rendre sa lisibilité, son intelligibilité à un monde profondément traumatisé par la Première Guerre mondiale » ¹⁵. Lors de cette période

de reconstruction, le philosophe-sociologue Otto Neurath a œuvré pour permettre une nouvelle lisibilité du monde qui était en train d’émerger.

En s’émancipant des formes de diffusions graphiques de son époque, il a mis au point un système de représentation nouveau. → « Otto Neurath développa la

notion de « transformateur » afin de décrire le processus qui consiste à analyser, sélectionner, ordonner puis rendre visuelles certaines informations, données, idées et implications » ¹⁶.

→ ¹⁵ Lantenois Annick, « Expérience du temps & organisation sociale », Le Vertige du Funambule, Paris, 2ème édition, édition originale parue en 2010, crédité avec la Cité du design à St-Étienne, Éditions B42, 2013, p.26. ¹⁶ Kinross Robin, « Préface », Le Transformateur, Paris, Éditions B42, 2013, p.4.

068

Le bureau de Neurath mis au point l’ISOTYPE → fig.16 (International System of TYpographic Picture Education ou Système international d’éducation par l’image typographique), un système graphique dédié à la représentation des données à l’aide de signes explicites.

L’objectif était de permettre la compréhension des informations par le maximum d’individus possible. → fig.17

Créer de nouveaux langages

← fig.16 Logotype utilisé pour représenter l'Isotype, réalisé par Guerd Arntz, un designer graphique avec qui Neurath avait l'habitude de collaborer.

Ce diagramme représente la répartition des groupes ethniques dans le monde.

Neurath utilisait la couleur pour différencier les populations. Cela permettait de renforcer la signification des symboles d'un diagramme à l'autre. ↓ fig.17

ENJEUX CONTEMPORAINS

069

Créer de nouveaux langages

Marie Neurath qui travaillait au sein du bureau, met en parallèle l’invention Isotype avec l’anglais « basic », ce langage destiné à être international. → « Nous nous

rendîmes compte à quel point il était difficile d’écrire en anglais basic, et à l’inverse, à quel point il était facile de le lire. Or c’était exactement la même chose avec notre système langage par l’image. D’une certaine façon, nous avions également le sentiment de faire partie d’une même famille, dans une lutte pour la communication internationale. […] Neurath expliqua alors le caractère de notre langage par l’image par rapport au langage verbal, décrivant l’Isotype comme un langage d’aide : quelques mots d’explication sont toujours nécessaires, quel que soit le diagramme. » ¹⁷. Le collectif souhaitait constituer un système qui devait accompagner les textes et non pas les remplacer. → fig.18

Néanmoins, nous pouvons tout de même observer que ce système était en soi un langage, ouvert au développement et à son évolution, la richesse des signes produits le prouve. De nombreux spécialistes définissent Neurath comme le père du pictogramme contemporain, utilisé notamment dans la création de dispositifs signalétiques. ↑→ fig.18 Voici un aperçu des symboles qui ont été dessinés par Gerd Arntz pour l'Isotype. Il s'agit ici que de quelques signes, il en existe une grande quantité.

Nous pouvons observer qu'il existe un symbole pour chaque activité. Neurath souhaitait pouvoir appliquer sur système à de nombreux cas de figure.

→ ¹⁷ Neurath Marie, « « Wienner Methode » & Isotype », Le Transformateur, Paris, Éditions B42, 2013, p.49.

070

Créer de nouveaux langages

ENJEUX CONTEMPORAINS

071

Créer de nouveaux langages

Pluralisme visuel selon Ruedi Baur Du travail de Neurath à l’idéologie de Ruedi Baur, il n’y a qu’un pas. → « J’ai

essayé de voir quelle était la valeur du rôle du

pictogramme dans le lieu où ces pictogrammes étaient mis en place. » ¹⁸. À travers ces projets, le designer s’est interrogé sur cette typologie de signe. Il dénonce le fonctionnalisme pur du pictogramme dans les signalétiques contemporaines.

Son projet d’identité et signalétique pour l’aéroport de Cologne-Bonn sera l’occasion pour son atelier Intégral Ruedi Baur de répondre aux questions qui concernent les pictogrammes. Ils ont souhaité réformer son usage fonctionnel. Pour le designer, cet espace lié à la mobilité qu’est l’aéroport est très important car il accueille de nombreux usagers. → « Un aéroport n’est-il pas aussi la porte d’entrée ou de sortie d’un territoire spécifique ? » ¹⁹. De ce fait il était question

de proposer quelque chose d’inédit qui permettrait d’incarner et de rendre reconnaissable l’aéroport. → fig.19

→ ¹⁸ Baur Ruedi, De la norme au langage visuel, colloque « Edit ! », organisé par l’École des Beaux-arts de Bordeaux, 2009. ¹⁹ Baur Ruedi, Ruedi Baur, Intégral, Anticiper, Questionner, Traduire, Irriter, Distinguer, Orienter, Inscrire, Lars Müller Publishers, 2009, p.84.

072

Créer de nouveaux langages

fig.19 Ces quelques photographies illustrent comment le projet de signalétique s'est transformé en véritable identité globale de l'aéroport. L'intervention graphique a utilisé l'environnement complet qu'est l'aéroport comme support de création.

ENJEUX CONTEMPORAINS

073

Créer de nouveaux langages

Intégral s’est associé au duo de Norm studio pour réaliser une typographie singulière. Très géométrique, La « Simple KölnBonn » va permettre de créer un langage pictographique à partir des éléments de construction de la police, donnant naissance à la « Simple KölnBonn Symbols ». → « Cette

structure constante permet à chacun des signes d’être précisément reconnu comme participant

→ « Chaque nouveau signe est sur-le-champ perçu comme participant du langage identifiant puisque c’est sa construction et non son existence qui le rattache au système » ²³. → fig.23

Ruedi Baur semble ici avoir réussi son pari de générer un système qui s’ouvre aux usagers, il a permis aux salariés de l’aéroport de se l’approprier et de le faire vivre eux-mêmes.

du langage visuel commun » ²⁰. → fig.20

À partir de ce principe de conception, une multitude de pictogrammes va être générée. → « Les pictogrammes peuvent

renforcer un mot ou parfois même le remplacer.

Ils se fondent dans le texte ou au contraire ressortent par la mise en couleur » ²¹.

Néanmoins, la silhouette humaine va venir « perturber » le système géométrique tout en le singularisant. → « Par sa présence

l’idéogramme se met en mouvement et agit […].

Les pictogrammes peuvent à la fois répondre à des fonctions signalétiques […], mais aussi séduire en racontant de petites histoires. Ils deviennent ainsi outils de communication » ²² → fig.21.

Le système est ainsi unique à chaque usage et contribue à l’identité forte du lieu.

Ce principe ouvert continue de s’enrichir.

Régulièrement, l’aéroport demande de nouveaux pictogrammes pour répondre à leurs besoins. → fig.22

→

→ ²⁰ Baur Ruedi, Ruedi Baur, Intégral, Anticiper, Questionner, Traduire, Irriter, Distinguer, Orienter, Inscrire, Lars Müller Publishers, 2009, p.84. ²¹ irb-paris.eu. ²² Ibid.

074

↑ fig.21 Exemples d'interactions entre les deux systèmes pictographiques.

²³ Baur Ruedi, Ruedi Baur, Intégral, Anticiper, Questionner, Traduire, Irriter, Distinguer, Orienter, Inscrire, Lars Müller Publishers, 2009, p.84.

Créer de nouveaux langages

→ fig.20 SimpleKölnBonn & SimpleKölnBonn Symbols sont construits sur la même base par Norm Studio, un duo composé de deux graphistes : Dimitri Bruni et Manuel Krebs.

↑ fig.22 Le principe sur lequel est construit les symboles permet d'en créer d'autres en conservant l'unicité visuelle.

Quelques exemples d'applications du système. S'il s'applique évidemment pour la signalétique du lieu, il est aussi utilisé pour sa communication. ←↓ fig.23

ENJEUX CONTEMPORAINS

075

De la thĂŠorie au projet

Dans cet écrit de recherche nous avons abordé le sujet de la signalétique, de manière très vaste. Il n’était pas question ici de faire état d’une veille de plusieurs projets de signalétique mais plutôt de l’inscrire dans l’histoire et d’étudier ses enjeux contemporains. Le dispositif d’orientation est lié aux origines de l’écriture, qui est son principal composant, sans invention d’un système comme l’alphabet, il aurait été compliqué de concevoir un dispositif d’information complexe. La signalétique écrit l’espace public, elle le structure à travers une association de signes qui s’agencent sur un support matériel.

Puisqu’il s’agit de ses principaux composants, nous les avons étudiés grâce aux théories de Peirce et de mcLuhan.

Ensuite, l’étude de la signalétique du métro parisien nous a permis de mettre en lumière le rapport entre la conception d’un tel dispositif et son installation plus pragmatique dans l’espace. Si la lisibilité et la clarté du panneau est

importante pour prendre l’information, permettre l’accessibilité de l’information pour les usagers l’est d’autant plus. Le panneau ne prends sens que lorsqu’il est installé dans l’espace et qu’il fait écho à ses semblables. À travers l’exemple parisien, nous avons pu apprendre que le sujet de la maintenance et de la durabilité du dispositif n’est pas réellement pris en compte par les concepteurs. Il semblerait pourtant plus efficace pour tous d’essayer de concevoir un système qui soit plus durable et qui est ouvert aux modifications et à l’évolution.

Ce type de problème nous a amené à se demander quel serait la signalétique de demain. Si l’usage du numérique va devoir être pris en compte dans les années à venir, la richesse du dispositif et ses perspectives d’évolutions semblent être l’enjeu majeur. En effet, dans une société en constante mutation, où tout va de plus en plus vite, la flexibilité

semble devenir capital. Le projet de R.Baur pour l’aéroport KölnBonn illustre parfaitement cette notion. Le dispositif créé pour l’aéroport est un langage pictographique exhaustif, qui continue encore aujourd’hui de s’enrichir de nouveaux pictogrammes. La réussite du projet réside dans le fait que, une fois terminé, ce langage a été confié au département marketing de l’aéroport qui l’utilise dorénavant pour représenter l’aéroport.

Le système est ainsi devenu pérenne, évolutif, et l’intéressé a pu se l’approprier.

Si la flexibilité d’un tel dispositif semble être issue de l’évolution de la société, interrogeonsnous sur le fait que l’ouverture vers les usagers est peut-être permis par l’outil numérique. La connexion et la démocratisation des savoirs-faire que provoque la technologie numérique semble être la clé de voûte pour créer quelque chose d’évolutif et d’ouvert en terme de système.

G

& H C E T O V A R G S L I T U O LES S E U Q I R É M NU 083

Contexte

Ce projet en collaboration avec va être l'occasion pour moi d'appliquer tout ce que j'ai pu apprendre grâce à mon travail de recherche et de me positionner sur l'avenir de l'objet signalétique.

GRAVOTECH & LES OUTILS NUMÉRIQUES

085

Contexte

Présentation de l'entreprise

est une société qui réalise des machines à commande numérique pour la gravure et le marquage.. Il en existe de nombreux modèle, le catalogue de la compagnie est très riche & les prix sont très variés (de 3 500 à 70 000 €). De plus, il est même question pour l’entreprise de personnaliser certaines machines pour répondre aux problématiques particulières de ses clients. Il est possible de classifier son offre selon plusieurs typologies de produits.

Gravure mécanique

Les machines de gravure mécanique fonctionnent à l’aide d’un outil coupant (une fraise) qui vient trancher dans la matière. Ces machines permettent de découper & marquer de nombreuses matières. → fig.1 Gravure laser

Ces machines utilisent le contact thermique d’un laser pour venir graver ou marquer un matériau. Cette typologie de machine est l’une des plus vendues aujourd’hui par l’entreprise. → fig.2 Micro-percussion

la technologie par micro-percussion emploie une pointe mécanique qui va venir frapper par points le matériau. L’industrie lourde utilise cette technique afin d’effectuer la marquage des pièces usinées pour leur traçabilité. → fig.3

086

Solutions logiciels

Dans une volonté de livrer un service global, développe ses propres logiciels de conception & d’exécution pour la gravure & le marquage. Il en existe de nombreux avec chacun ses particularités. → fig.4 Consommables

Toujours dans un soucis de livraison de solution complète, la compagnie met aussi au point des matières prêtes à être graver pour toutes ses machines. Là encore, le catalogue de matériaux, de couleurs & de textures est très dense. → fig.5

Contexte

↑ fig.2 La machine IS400 en action.

Marquage par micropercussion.

↑ fig.1 La machine IS400 en action.

→ fig.3

GRAVOTECH & LES OUTILS NUMÉRIQUES

FLEXILASE™

Finition

Mat, Brossé, Brillant

Acrylique

Composition

Acrylique

Profondeur de gravure

0.025 mm (.001”)

Profondeur de gravure

0.1 mm (.004”)

rouge / blanc violet / blanc

Feuille entière

120 mm x 10m (4.75” x 32’)

Feuille entière

610 mm x 305 mm (24” x 12”)

Demi feuille

-

Demi feuille

-

Quart de feuille

-

Quart de feuille

-

Autres dimensions

-

Autres dimensions

-

vert pomme / blanc vert sapin / blanc

CARACTERISTIQUES

bleu ciel / blanc

Intérieur

■

Intérieur

Extérieur

-

Extérieur

-

Cisaille

■

Cisaille

■

Scie

-

Scie

-

■

Sérigraphie

■

Sérigraphie

-

Marquage à chaud

-

Marquage à chaud

-

Pliage à chaud

-

Pliage à chaud

-

Résistant aux rayures

-

Résistant aux rayures

-

Flexible

■

Flexible

■

Résistant aux cassures

■

Résistant aux cassures

-

Résistant aux UV

-

Résistant aux UV

-

Température min.

-60°C (-76°F)

Température min.

-20°C (-4°F)

Température max.

200°C (400°F)

Température max.

100°C (210°F)

ASTUCES

ASTUCES

Livré en rouleau avec adhésif au dos. Parfait pour les petites étiquettes sur des surfaces courbées.

Pour un plus grand choix de couleurs, voir Flexilase™ p. 24.

Matière haute résolution, flexible et lasérable.

bleu / blanc bleu air force/ blanc marron / blanc aluminium brossé / noir argent brillant/ noir aluminium mat / noir or européen / noir

66985

gris / blanc

67003

noir / blanc

66995

jaune / noir orange / noir

Mat

Composition

66986

SPECIFICATIONS

Finition

2-ply

or brillant/ noir

66997

SPECIFICATIONS

blanc / noir

67002

Étiquettes d’identification, plaques de trophées, étiquettes pour surface courbe.

66984 0.25 mm (.01")

2-ply

surface / couleur de base

APPLICATIONS

Étiquettes, codes à barres, plaques de trophées

Surface

67001

• Gravure fine, découpe nette • Livré avec adhésif au dos

• Livré avec adhésif au dos • Gravure ou découpe de formes spéciales au laser CO2 APPLICATIONS

Intérieur

71673

• Rouleau de 10 mètres (32’) • Très fin

Impression UV

66988 0.25 mm (.01")

Mécanique

67000

CO 2

• Très fin et flexible

71670

• Idéal pour les étiquettes

Couleurs métalliques pour plaques de trophées.

Livré avec adhésif au dos.

Pour des combinaisons de couleurs, voir Personnalisation à la demande p.10

Couleurs imprimées à titre indicatif seulement. Ne peuvent se substituer à l’échantillon de matière.

124 pages regroupent l'offre de matériaux.

Couleurs imprimées à titre indicatif seulement. Ne peuvent se substituer à l’échantillon de matière.

Matières plastiques Laser/Mécanique

AVANTAGES

• Gravure et découpe laser et mécanique

• Disponible en noir et blanc ou argent et noir

CARACTERISTIQUES

↑ fig.4 TypeEdit, le logiciel le plus global de Gravotech.

24

• Gravure et découpe laser

71671

25

AVANTAGES

67004

Surface

66991

Intérieur

66990

noir / blanc

19871

argent / noir

19872 0.09 mm (.004")

2-ply

surface / couleur de base

Impression UV

67558

CO 2

66989

Matières plastiques Laser/Mécanique

STICKALASE™

← fig.5

087

Contexte

Cible

travaille avec d’autres entreprises dans de nombreux secteurs d’activités. En effet, la compagnie estime son nombre de clients à 60 000, répartis dans plus de 100 pays. Ses machines sont vendues directement à leur clients sans passer par des intermédiaires. Dans les collaborateurs, 2/3 sont des sociétés de 1 à 10 personnes, le tiers restant sont des grosses entrerpises.

Toutes les 7 minutes, une machine de la gamme de la compagnie se vend quelque part dans le monde. De ce fait, nous pouvons estimer que l’entreprise usine ses produits uniquement à la commande. Les clients de emploient les machines de manière totalement différente en fonction de leurs besoins. Ses clients peuvent être séparés en trois marchés principaux. → fig.6 Industrie

Ce marché est certainement le plus gros pour , il comprends de nombreux domaines d’activités : transports, aéronautique, énergie, etc… La majorité des entreprises appartenant à ce marché vont utiliser les machines de pour marquer les pièces mécaniques produites en série afin d’en garantir la traçabilité.

088

Personnalisation

Une partie des clients de appartiennent au « marché de la personnalisation ». Il s’agit ici de vendre des machines de gravure & de marquage pour personnaliser des objets en tous genre (médaillons, portes-clés, parfums, etc…).

Signalétique

Le dernier marché est celui de la signalétique. Dans ce cas les machines vont être utilisée comme un outil pour créer une inscription sur un support afin de donner une information. Les machines sont vendues à des professionnels de la gravure.

Contexte

Plateformes de développement, production et distribution Centres de distribution et de service

↑ fig.6 La présence mondiale de la firme est une force pour elle.

GRAVOTECH & LES OUTILS NUMÉRIQUES

089

Contexte

Collaboration

a une véritable volonté d’évolution technique de ces machines.

Constatant l’essor de l’impression 3D, l’entreprise souhaite prendre un nouveau virage en passant de la soustraction de matière (gravure) à l’addition de matière (impression 3D). À travers cette nouvelle typologie de machine, l’entreprise souhaite diversifier les possibilités pour ses clients qui pratiquent la conception de signalétique. De plus, a l’intention de livrer une solution globale à ses clients. En effet, l’entreprise est en train d’élaborer une solution de conception logicielle dans laquelle elle souhaiterait intégrer une bibliothèque de signes, notamment une typographie en volume.

C'est ici que mon travail de designer intervient. Tout d'abord, il est question de s'interroger sur l'impression 3D. « L’impression 3D permet de

réaliser un objet réel : un concepteur dessine

Le principe reste proche de celui d’une imprimante 2D classique à cette grande différence près : c’est l’empilement des couches qui crée le volume.

Les applications de l’impression

3D sont multiples. D’abord cantonnée au prototypage, et à la visualisation d’ergonomie pour l’architecture ou les études de design. puis à l’appareillage et à la prothèse, elle gagne peu à peu des secteurs industriels qui vont de la production de pièces de voitures, d’avions, de bâtiments, de biens de consommation, etc... »

La force d'un tel outil réside dans la possibilité de pouvoir réaliser des pièces uniques, en très petites séries → fig.7.

Nous sommes donc dans quelque chose de personnalisable et de flexible. Cette technologie semble correspondre à l'ouverture d'un système dont nous parlions précédemment.

l’objet 3D grâce à un outil de conception assistée par ordinateur (CAO). Le fichier 3D obtenu est traité par un logiciel spécifique qui organise le découpage en tranches des différentes couches nécessaires à la réalisation de la pièce. Le découpage est envoyé à l’imprimante qui dépose ou solidifie la matière couche par couche jusqu’à obtenir la pièce finale.

wikipedia.org

090

.

Carte mentale autour de la thÊmatique de l'impression 3D et du système de distribution de Gravotech. L'objectif est de mettre en avant les potentiels pour un projet. ↓ fig.7

Contexte

Projet Ma volonté à travers ce projet est de créer quelque chose de fonctionnel et d’actuel. L’entreprise m’a consulté avec une problématique précise :

« Concevoir une bibliothèque de signes pour la fabrication additive » Je souhaite développer un projet typographique en 3 dimensions flexible.

Concrètement, mon intention n’est pas de réaliser des lettres en volumes, mais plutôt de créer quelque chose de plus personnalisable qui réponds aux besoins des entreprises.

J’ai commencé à travailler sur les lettres modulables selon les caractéristiques de l'impression 3D. Cependant, mon intention n’a jamais été de concevoir uniquement une typographie, mais plutôt quelque chose que les usagers pourraient s’approprier. À partir de quelques pièces, il doit être possible de pouvoir composer de plusieurs manières différentes la même lettre, et mêmes des pictogrammes. En employant un support modulable, l’objectif est de pouvoir monter et démonter son système d’information.

092

Dans quel cadre il s’emploie ?

Bureaux, hôpitaux, institutions publiques, de nombreux espaces ont un besoin de flexibilité dans la communication de l’espace. L’idée à travers ce projet et de leur fournir une solution complète qui soit ouverte et qu’ils puissent se l’approprier.

De plus, le projet ne s’arrête pas là, il ambitionne de proposer une plateforme numérique qui permettra aux individus de concevoir de nouvelles pièces et ainsi avoir la possibilité de créer autrement les lettres où les pictogrammes. Le principe typographique s'ouvre sur ces utilisateurs, afin qu'ils le fassent vivre eux-mêmes. → fig.8

Contexte

1

3

www.

5

+

6

2

↑ fig.8 Ce schéma représente le scénario mis en place pour le projet. Gravotech 1, vendeur de machines pour les enseignistes et graveurs professionnels 2, livre avec l'imprimante une solution modulaire de lettres 3. Les enseignistes 2 vont ensuite réaliser des projets pour leurs clients 4. Le schéma classique s'arrêterait là.

4

GRAVOTECH & LES OUTILS NUMÉRIQUES

Cependant, le client 4 à la possibilité d'intervenir sur le système de signes modulables 3. Grâce à une plateforme web 5, il peut créer de nouvelles pièces 6, selon la typologie du système, permettant ainsi d'enrichir la famille.

Les pièces seront ensuite imprimées par les enseignistes 2.

093

Mastère Design Strategy

Expressions publiques

Projet de collaboration

2017-2018

Mémoire de fin d'études Loïc Loréa dirigé par Victor Petit

Gravotech tutorat effectué par Pierre Rodière

Rédaction, mise en page & façonnage

Loïc Loréa Relecture

Camille Bertrand Typographies

Fira Sans, Brill Remerciements

Victor Petit Pierre Rodière Camille Bertrand Maxime Beaulieu Toute la promotion pour la dynamique de travail et les nombreux échanges

— La

signalétique

est un dispositif

[d'orientation] [fonctionnel] [visuel] [d'informations] [graphique] [d'ordonnancement] [pédagogique] [—composé— de signes] [directionnel] [d'organisation —de l'espace—] [pragmatique] [lumineux] [utile]

Mémoire — Loïc Loréa — Promotion 2017 - 2018