Mémoire

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

LA CULTURE POUR TOUS En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

Puillet Violette / Lejeune Loïc Master 2 Communication / Management artistique et culturel

Maître de mémoire : Ferré Pauline Chargée de la connaissance et du développement des publics au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris

Promotion 2013


En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?


En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?


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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

« Convaincre, sans humilier l'œuvre choisie. L'éclairer et non l'endimancher. Evitant de l'encanailler, la rendre belle et accessible à tous. » Jean Vilar


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Remerciements

En préambule à ce mémoire, nous souhaitons adresser nos remerciements les plus sincères aux personnes qui nous ont apporté leur aide et qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire. Nous tenons à remercier sincèrement Mademoiselle Ferré, chargée de la connaissance et du développement des publics au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, qui, en tant que maitre de mémoire, s’est toujours montrée à l’écoute et très disponible tout au long de sa réalisation. Nos remerciements s’adressent également à toutes les personnes qui ont bien voulu nous rencontrer pour la réalisation de ce mémoire. Ces échanges nous ont été précieux et d’une grande aide. -

Monsieur André, secrétaire général et conseiller à la programmation au Théâtre National de Chaillot

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Madame Héroult, responsable du blog de l’Athénée Louis-Jouvet

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Madame Le Gall, responsable de la communication au Théâtre du Rond Point

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Monsieur Massoni, chargé du développement des publics au Théâtre National de Chaillot

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Madame Watteau, responsable des relations avec les publics au Théâtre du Rond Point

Nous tenons à exprimer notre reconnaissance envers Mademoiselle Lequerré qui a eu la gentillesse de nous conseiller lors de l’élaboration du mémoire ainsi que Madame Lejeune et Monsieur Puillet pour la relecture du mémoire.


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01 | Introduction 07 | 1 - État des lieux 07 | 1.1 - La culture en France 07 | 1.1.1 - Bilan des années Jack Lang 08 | 1.1.2 - Un budget dédié à la culture en constante évolution 09 | 1.1.3 - Focus sur le secteur du spectacle vivant

10 | 1.2 - Le spectacle vivant et les français 11 | 1.2.1 - Une fréquentation des théâtres selon l’âge 12 | 1.2.2 - Une fréquentation des théâtres selon la catégorie socioprofessionnelle 12 | 1.2.3 - Une fréquentation des théâtres selon la zone géographique

13 | 1.3 - L’importance de la culture 13 | 1.3.1 - La place de la culture au sein d’une société 15 | 1.3.2 - Un capital culturel pour tous

17 | 1.4 - Favoriser l’accès à la culture 17 | 1.4.1 - L’aménagement culturel du territoire français 18 | 1.4.2 - Susciter la consommation de biens culturels 19 | 1.4.3 - Les concepts de démocratisation et de démocratie culturelle 20 | 1.4.4 - L’importance de la médiation culturelle 22 | 1.4.5 - Les relais de la médiation culturelle, acteurs majeurs de la démocratisation

24 | 1.5 - L’évolution des publics dans les salles de théâtre 25 | 1.5.1 - Le public et ses différences 26 | 1.5.2 - Le potentiel du spectateur 26 | 1.5.3 - Le rôle majeur des relations publiques

28 | 1.6 - L’engouement pour le numérique 28 | 1.6.1 - L’historique du numérique 29 | 1.6.2 - Quel rôle a le web 2.0 pour la culture


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33 | 2 - Le département des relations avec le public met en place des actions spécialement dédiées au public dit « empêché » 33 | 2.0.1 - Du public empêché au spectateur possible

34 | 2.1 - Créer une véritable relation entre le spectateur possible et les théâtres 34 | 2.1.1 - Entrer en contact avec le spectateur possible 36 | 2.1.2 - Apprendre à se connaître pour créer des actions avec le spectateur possible

40 | 2.2 - Valoriser le spectateur possible grâce aux actions du départements des relations avec le public 41 | 2.2.1 - Concevoir des actions sur mesure pour le spectateur possible 47 | 2.2.2 - Pérenniser les relations avec le spectateur possible

51 | 3 - Le département de la communication utilise différents outils numériques pour valoriser les actions avec le spectateur possible 51 | 3.0.1 - De la valorisation à l’oubli

52 | 3.1 - Utiliser les outils numérique dans la communication d’un théâtre 52 | 3.1.1 - Utiliser le numérique comme un média à part 56 | 3.1.2 – Créer une relation numérique entre théâtre et public

59 | 3.2 - Le paradoxe du numérique dans les théâtres 59 | 3.2.1 - Trouver une place pour le numérique dans un théâtre 64 | 3.2.2 - Considérer le numérique comme un média d’avenir

71 | Conclusion 74 | Bibliographie 79 | Annexes


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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

Introduction En tant qu’étudiants en Master Communication / Management artistique et culturel au sein de l’école Pôle Paris Alternance, nous travaillons actuellement au sein de différentes structures culturelles (Théâtre de Suresnes et Festival d’Automne à Paris). Nous souhaitons poursuivre notre vie professionnelle dans ce milieu pour les valeurs qu’il dégage ; celles de loisir, de divertissement, de partage, de découverte… Le choix de réaliser ce mémoire sur le spectacle vivant s’est décidé en fonction de notre goût pour ce milieu mais également face à la vision négative dont certaines personnes peuvent avoir pour le spectacle vivant. A savoir une perception ennuyeuse, élitiste, cher et inaccessible. Nous remarquons de nombreuses personnes estimant que le spectacle vivant n’est pas à leur portée. Certains sociologues parleront de public « empêché ». Il s’agit souvent de novices dans le domaine culturel ayant une appréhension quant à la fréquentation de lieux culturels, notamment les théâtres, intimidés la plupart du temps, par des codes imposés par ces lieux et dont ils ne possèdent pas encore les clés. Ce public dispose cependant, d’une grande capacité dans l’appréciation d’une œuvre, dans la disposition à la critiquer. Cette compétence est nommée « le potentiel du spectateur »1. Il est donc important de montrer à ce public qu’il dispose d’un réel potentiel et qu’il peut tout à fait trouver sa place dans une salle de spectacle. « La culture pour tous », qui a pour ambition d’ouvrir la sphère culturelle à des publics venus d’horizons différents, est apparue après la Seconde Guerre Mondiale avec la démocratisation culturelle. Ce concept a pour finalité l’accessibilité à la culture dite noble (théâtre, opéra, musique) de tous les publics mais il impose cependant une restriction dans l’ouverture de la culture. Ainsi apparaît une notion différente, celle de la démocratie culturelle qui défend la diversité des formes d’expression et prône leur intégration au quotidien, allant d’une œuvre la plus noble à une œuvre la plus marginale. La décentralisation prend ici tout son sens, puisqu’elle pénètre dans des zones dans lesquelles les citoyens n’ont peu ou pas accès à la culture, favorisant leur participation à une vie culturelle et à la découverte des

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SAADA, Serge, 2011, page 25

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œuvres. La démocratisation culturelle est adaptée à chaque domaine artistique et va ainsi générer la décentralisation théâtrale1. Le terme de décentralisation est adopté à partir de 1945. Il existe en vérité depuis des siècles puisque le dramaturge Molière et sa troupe arpentaient déjà les routes de France pour diffuser leur spectacle. Cette pratique va continuer historiquement à vivre, avec par exemple, sous le régime de Vichy, le développement de l’association Jeune France qui contribuait, entre autres, aux tournées des troupes en province. Puis cette notion a atteint son apogée après la Seconde Guerre Mondiale. Une question se pose : pourquoi décentraliser le théâtre ? Les raisons sont simples, il faut relever un pays qui a souffert et qui est en perte d’identité. Le théâtre est un art politique qui rassemble des hommes, des citoyens, qui y trouvent une force politique, une éthique. Dans le préambule de la constitution de 1946 est stipulé un droit à la culture en miroir de la constitution de 1789, qui prônait la culture pour tous2. La décentralisation trouve alors tout son sens puisque son but est d’offrir la culture au peuple, un peuple assoiffé de nouveautés, curieux de découvrir un art vivant, puissant. Ce peuple ne se restreint pas au prolétariat, il représente la nation entière. Tous les publics sont alors visés, afin de les réunir, un soir, autour d’un thème, d’une idée, diffusés grâce à un spectacle. De grands noms du théâtre, actifs dans la décentralisation, tel que Jean Vilar, vont permettre de perpétuer cette définition du peuple, qui constitue tout simplement, un public. Il en vient alors d’étudier la façon dont les théâtres procèdent afin de toucher ce public et d’éveiller le potentiel qui sommeille en lui. Cette étude trouve sa place dans le processus d’éducation souhaité par Aurélie Filippetti dans son programme en tant que nouvelle ministre de la Culture et de la Communication. La ministre a pour projet d’établir un Tour de France afin de réaliser un état des lieux de l’éducation artistique sur le territoire français durant l’année 2013, le but étant d’en rencontrer les différents acteurs afin de confirmer l’engagement du Ministère à combattre les inégalités culturelles 3 . Cette analyse prouve alors que les inégalités sociales et

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PFLIEGER, Sylvie, 2011, page 42 à 48 RICHEZ, Marion, 2006, page 13 3 http://www.culturecommunication.gouv.fr/Actualites/Dossiers/Le-Tour-de-France-de-l-education-artistique-etculturelle 2

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culturelles persistent encore de nos jours, qu’elles soient de l’ordre de la géographie, de l’économie ou bien du savoir culturel. Chaque individu ne dispose pas du même bagage culturel et peut ainsi ne pas prendre l’initiative d’avoir des pratiques culturelles surtout dans domaines perçus comme élitiste tel que le théâtre. Il est alors possible de s’interroger sur la façon dont les théâtres œuvrent pour accueillir les publics afin de contribuer à leur éducation artistique. Comment font-ils pour susciter leur intérêt ? Eveiller le potentiel de chacun ? Les inciter aux pratiques culturelles ? Leur donner envie d’aller voir un spectacle ? Et ainsi leur donner la preuve que cela est un loisir à portée de tous. Afin de placer cette étude dans un contexte plus détaillé, nous débuterons ce mémoire par un état des lieux de la culture en France en s’axant principalement sur le spectacle vivant. Celui-ci sera l’occasion d’analyser l’importance de la culture, les pratiques culturelles des français ou encore les dispositifs mis en place par l’État afin de favoriser l’accès à la culture. Tout en constatant l’évolution des publics dans les salles de spectacle dans une ère où le numérique prend toute son ampleur changeant les conditions d’accès à la culture1. Au sein des théâtres les départements qui ont des relations extérieures sont ceux des relations publiques et de la communication. Il en convient donc d’étudier les méthodes et actions développées pour entrer en contact avec les publics et ainsi éveiller leur curiosité à découvrir un spectacle. Le département des relations avec le public engage t-il des actions spécifiquement en faveur du public dit « empêché » ? Le numérique est un outil réactif et simple pour communiquer auprès d’un public large 2 et qui répond à l’équipement croissant des ménages aussi bien pour l’audiovisuel (câble, lecteur DVD) que pour la communication (Internet, Smartphone, tablette numérique) 3 . Cependant est-il un outil adapté par les théâtres pour communiquer auprès du public dit « empêché » ? Paris regorge de nombreux théâtres, on en compte aujourd’hui plus d’une centaine4.

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DONNAT, Olivier, 2009, page 13 Benoît ANDRÉ, Secrétaire général et conseiller à la programmation au Théâtre National de Chaillot, échange réalisé le 23 avril 2013 3 Idem 4 http://www.paris.fr/loisirs/lieux-de-spectacles/theatres/p589 2

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Le public peut se perdre dans ces choix variés de spectacle, de plus le manque d’information vient s’ajouter ainsi cela peut constituer un frein à la pratique culturelle et à la sortie théâtrale. Comment un public dit « empêché » peut il trouver sa place dans les théâtres ? Nous avons choisi trois théâtres parisiens ayant les capacités de guider ce public vers des pratiques culturelles. Le choix s’est porté tout d’abord sur le Théâtre National de Chaillot, le théâtre fait parti des cinq théâtres nationaux (Comédie Française, Théâtre National de Chaillot, Théâtre de l’Odéon, Théâtre de la Colline, Théâtre National de Strasbourg)1. Les Théâtres nationaux ont chacun une mission de service public donnée par le Ministère de la Culture et de la Communication2 et ils sont contrôlés par l’Etat. Alors, le Théâtre National de Chaillot a pour mission la promotion de la danse auprès du grand public pouvant prendre un sens d’éveil à cette discipline. Le directeur du théâtre depuis 2011, Didier Deschamps, offre un lieu exceptionnel de part son emplacement géographique mais aussi un lieu riche historiquement avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui fut signé en ce même lieu en 1948. Le Théâtre ayant adopté le nom de 1920 à 1935 par Firmin Gémier de Théâtre National Populaire et géré par Jean Vilar qui instaura la démocratisation culturelle, il garde encore aujourd’hui l’esprit d’un lieu accessible et ouvert à tous. Puis, nous nous sommes intéressés au Théâtre du Rond-Point, qui est un théâtre municipal étant géré par la municipalité de la ville dans laquelle il est situé3. Dirigé par Jean-Michel Ribes depuis 2002, il est devenu un lieu important pour la création contemporaine et ne s’engage à diffuser et produire uniquement les œuvres d’artistes d’auteurs vivants 4 . Ce théâtre est aussi très dynamique dans le secteur du numérique. Il développe de nombreux outils avec notamment sa revue collaborative www.ventscontraires.net où chacun est libre de s’exprimer en tant que chroniqueur. D’autres théâtres ont compris l’importance du numérique dans une stratégie de communication et ont su l’adapter à leur structure. A l’exemple du théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, théâtre public et subventionné par l’Etat, il est dirigé par Patrice Martinet depuis 1993. Le théâtre a pour vocation de guider ses publics lors de sa venue pour une représentation et de rester toujours

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http://www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/Theatre spectacles/Organismes/TheatresNationaux 2 idem 3 http://www.cnrtl.fr/definition/théâtre 4 Joëlle WATTEAU, Responsable des relations avec les publics du Théâtre du Rond-Point, entretien réalisé le 9 avril 2013

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disponible pour répondre à ses moindres interrogations. Cette présence pour le public s’exprime par sa présence dans les outils numériques, notamment par la création d’un blog présentant l’envers du décor du théâtre et sur les réseaux sociaux adoptant un ton décalé. Trois théâtres, trois statuts. Chacun ayant une programmation mêlant différentes disciplines artistiques que ce soit du théâtre ou encore de la danse. La programmation est cependant différente en vu de leur accessibilité, le Théâtre National de Chaillot garde ses valeurs populaires alors que le Théâtre du Rond-Point vise la création contemporaine pouvant se révéler être un frein. Ils sont donc à la fois proche par rapport aux disciplines artistiques proposées mais éloignés quant aux auteurs et pièces proposés. C’est à travers différentes rencontres avec le personnel du département des relations avec le public et celui de la communication des différents théâtres choisis, que nous avancerons dans notre recherche. Le but étant de connaître leurs actions tournées vers leur public dit « empêché », la façon dont ils valorisent ces actions sur les outils numérique ainsi que la manière dont ils perçoivent leur avenir de communication avec ces outils. Nous nous sommes placés du point de vue des spécialistes afin qu’ils nous expliquent tous les mécanismes permettant d’éveiller le potentiel de tout public et de les inciter aux pratiques culturelles. Ainsi nous disposerons pour notre avenir de savoirs qui seront primordiaux pour continuer dans cette voie professionnelle.

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1 - État des lieux 1.1 - La culture en France 1.1.1 - Bilan des années Jack Lang « Le ministère chargé de la culture a pour mission : de permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d’inventer et de créer, d’exprimer librement leurs talents et de recevoir la formation artistique de leur choix, de préserver le patrimoine culturel national, régional ou de divers groupes sociaux pour le profit commun de la collectivité tout entière, de favoriser la création des œuvres de l’art français dans le libre dialogue des cultures du monde »1.

C’est après un poste de directeur au Théâtre National de Chaillot, où Jean Vilar avait déjà mis en place une démarche de démocratisation culturelle, que Jack Lang devient ministre de la culture. Il souhaite alors bâtir un grand chantier de démocratisation de la culture et bénéficie du soutien du Président François Mitterrand qui double le budget entre 1981 et 19822. Il s’inscrit alors dans la lignée de Jean Vilar et d’André Malraux, respectivement pour le Festival d’Avignon et les maisons pour la culture. Dans cette optique, Jack Lang lance grands travaux sont alors lancés : 22 FRAC, les deux Conservatoires supérieurs de musique, de nouvelles disciplines sont enseignées (le théâtre, l’histoire des arts…), la définition de la culture s’ouvre à de nouvelles formes (la chanson, l’art de la rue, la mode, la gastronomie…). On notera également la création d’événements et de rendez-vous culturels (journées du patrimoine, fête de la musique) ou encore la protection du livre et l’aide à la création cinématographique… Jack Lang a alors réussi le pari de créer de nombreux lieux de pratiques et de diffusion culturelle, la rendant ainsi présente au cœur de notre société mais également dans le quotidien des Français.

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LANG, Jack, in Décret du 10 mai 1982, 1982 Les politiques culturelles en France depuis 1945, Université de Rouen, page 3

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1.1.2 - Un budget dédié à la culture en constante évolution Le budget de la culture a doublé entre 1981 et 1982, passant ainsi de 454 à 914 millions d’euros (dépenses ordinaires et crédits de paiement)1. Même si le budget dédié à la culture n’a cessé d’augmenter chaque année, cette progression reste encore aujourd’hui la plus importante. En 2011, ce budget atteint 4250 millions d’euros

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(missions cultures, programme de recherches culturelles et culture

scientifique). Le budget total s’élevait alors à 7,5 milliards d’euros, soit une hausse de 2,1% par rapport à 20103. Le ministère avait alors définit huit priorités d’actions. -

La mise en valeur du patrimoine des régions

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Préserver le dynamisme du secteur du spectacle vivant en bénéficiant de la même enveloppe budgétaire qu’en 2010, soit 663M€4

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Poursuivre les grands projets culturels et architecturaux

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La transmission des savoirs

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La promotion des savoirs

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La promotion de la culture numérique

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Le soutien aux industries culturelles

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Le soutien de la presse

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Le secteur audiovisuel public

Cette hausse du budget révèle l’importance et l’intérêt de la culture pour la France mais aussi ses ambitions pour les années à venir. Frédéric Mitterrand, alors Ministre de la Culture et de la Communication, concluait ainsi son allocution : « Je suis persuadé que le modèle français de développement culturel reste pertinent, à condition de se transformer et de miser sur l'innovation et la création. C'est toute l'ambition qui guide mon action rue de Valois, afin de faire du « petit ministère » créé il y a un peu plus de 50 ans le conservatoire par excellence de la mémoire, d'un rapport au monde où, pour reprendre la formule de Malraux : l'art est un « anti-destin » mais aussi le grand ministère ouvert à la nouvelle création, à l'innovation et au dialogue entre les cultures. »

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DEPS : chiffres clefs de la culture en 2011, Ministère de la Culture et de la Communication, 2012, page 1 Idem 3 Culture et communication : un budget en hausse de 2,1%, Ministère de la Culture et de la Communication, 2010, page 1 et 2 4 Idem 2

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Depuis 2012, le budget tend à évoluer vers la baisse (-1,3%). Il faut alors redistribuer le budget total autrement. Certains secteurs voient leur part augmenter, comme celui de spectacle vivant (+3,5M€)1 et d’autres voient leur part baisser. C’est en 2013 que le budget alloué au ministère de la Culture et de la Communication connaît sa plus forte baisse (-2,37%) pour atteindre 7364 millions d’euros2. Pour la première fois tous les secteurs culturels ont vu leur part baisser avec une plus ou moins grande importance. Certains projets sont alors abandonnés ou reportés. Tout ce que Jack Lang a établi, a évolué en fonction des ministres qui lui ont succédés mais aussi en fonction du budget alloué au ministère de la Culture et de la Communication. Valorisant ainsi certains secteurs au détriment d’autres.

1.1.3 - Focus sur le secteur du spectacle vivant En 2012, le budget alloué au spectacle vivant s’élevait à 719M€ dont 347m€ pour le fonctionnement des structures (théâtres, salles de concert…)3. Le reste du budget étant principalement consacré à la création des œuvres ainsi qu’à la (re)construction de certains lieux. Le plan d’action avait quatre objectifs principaux, tous suivants les idées des précédents ministres et notamment Jack Lang. -

Renforcer la place de l’art et des artistes

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Poursuivre la structuration de l’emploi artistique

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Accroitre l’irrigation des territoires et l’élargissement des publics

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Consolider la présence européenne et internationale

En ce sens les projets visent au lancement de nouvelles actions mais aussi la poursuite des chantiers en cours comme les grands travaux de l’Opéra Comique, de la Cité de la Musique avec le projet Philarmonique ou encore une opération de modernisation du Théâtre National de Chaillot qui est un lieu majeur pour l’art chorégraphique. Pour 2013, le ministère a fait le choix de sanctuariser les budgets

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Budget 2012 du ministère de la Culture et de la Communication, Ministère de la Culture et de la Communication, septembre 2011, page 3 2 Budget : les chiffres clés pour 2013, Ministère de la Culture et de la Communication, octobre 2012, page 1 3 Budget 2012 du ministère de la Culture et de la Communication, Ministère de la Culture et de la Communication, septembre 2011, page 3

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alloués au spectacle vivant et aux arts plastiques1.

Afin de comprendre pourquoi le ministère accorde tant d’importance au secteur du spectacle vivant, il semble primordialement d’en évaluer la place dans le quotidien des français.

1.2 - Le spectacle vivant et les français « On appelle spectacle vivant, un spectacle exécuté en direct devant un public avec la présentation physique d’artistes. Sont classés dans cette catégorie, les pièces de théâtre, opéras, opérettes, comédies musicales, chorales, fanfares, pantomimes, ballets, récitals d’artiste de variété, spectacles de cirque ou encore de rue. »2. Le spectacle vivant comprend alors de nombreux domaines. Certains plus accessibles que d’autre mais il paraît évident que chacun peut trouver un domaine qui lui convient. Malgré ce constat, peu de français fréquentent les lieux dédiés au spectacle vivant. En 2008, le ministère de la Culture et de la Communication annonçait que 51% de la population n’est pas allée dans un de ces lieux au cours des douze derniers mois 3 . Ce pourcentage ne tend pas à connaître une réelle évolution pour les prochaines années. En effet, seulement 22% déclare fréquenter habituellement (9%) ou régulièrement (13%) les équipements culturels. La plupart des fréquentations étant exceptionnelles (29%)4.

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Budget : les chiffres clés pour 2013, Ministère de la Culture et de la Communication, octobre 2012, page 1 Guide de la réglementation des activités associatives occasionnelles, fiche spectacle vivant, 2005 3 DONNAT, Olivier, 2009, page 164 4 Idem 2

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En France, la situation est alors pratiquement identique que celle de 1997. Un quart de la population n’a eu aucune activité culturelle, quel qu’elle soit (cinéma, bibliothèque, spectacle...). Cela souligne le fait que beaucoup de français peuvent faire face à des handicaps en matière d’accès à la culture et que certains ne manifestent que peu ou pas d’intérêt à la culture de manière générale.

1.2.1 - Une fréquentation des théâtres selon l’âge Contrairement à ce que beaucoup pourrait penser, ce sont les jeunes de 15 à 19 ans qui fréquentent le plus les théâtres, 32% affirmant y être allé au moins une fois dans l’année. Toutefois, seulement 1% affirment fréquenter ces lieux seul alors que 37% les ont fréquentés en groupe1. Cela s’explique de façon simple. Ce pourcentage inclus les sorties de types scolaires. Les jeunes ne vont donc pas au théâtre de leur plein gré, mais plus par obligation que cela soit une sortie scolaire ou en famille. A partir de 20 ans on remarque nettement une baisse des sorties dans les théâtres en groupe. Les français privilégient les sorties en groupes notamment chez les 20-24 ans (57%2) ou en couple (de 45% à 64% des 25 ans et +3) Si 23%4 des français âgés de 20 à 24 ans déclarent être allés au moins une fois dans un théâtre, on remarque alors que 55% de la population française qui fréquente ces structures à entre 15 en 24 ans. Entre 25 et 54 ans, les français fréquentent moins ces structures principalement par manque de temps libre, la plupart ayant un emploi. Cela peut aussi s’expliquer par la fatigue des journées de travail ou encore le rythme de la vie de famille qui n’est pas toujours compatible avec des pratiques culturelles. Arrivé à l’âge de la retraite on remarque une légère hausse puis une baisse de la fréquentation des théâtres à partir de 65 ans. Cela souligne les problèmes d’accès aux différents théâtres face aux problèmes de motricité des personnes âgées. Beaucoup de ces théâtres ayant étant construit sans accès aux personnes handicapés moteurs. On remarque alors que, plus le français avance dans sa vie, moins celui-ci fréquentera les théâtres.

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DONNAT, Olivier, 2009, page 174 DONNAT, Olivier, 2009, page 174 3 Idem 4 Idem 2

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1.2.2 - Une fréquentation des théâtres selon la catégorie socioprofessionnelle Le théâtre a une image d’élitisme et cela se confirme par les personnes qui le fréquentent. Près de la moitié (41%1) sont des cadres ou des personnes issues des professions intellectuelles supérieures. Ce chiffre montre parfaitement qu’il est nécessaire d’avoir un certain bagage culturel pour avoir l’idée, l’envie d’aller au théâtre. Plus de la moitié d’entre eux déclarent y être allé 1 à 2 fois au cours des douze derniers mois et plus du tiers 3 fois ou plus. Il est alors fortement possible que le peu de français qui fréquentent les structures culturelles fassent partie de cette catégorie socioprofessionnelle. A l’inverse les agriculteurs (9%), les ouvriers (9%) et même les employés (13%) ne fréquentent que très peu les théâtres2. La majeure partie d’entre eux déclarant n’y être allée qu’une fois au cours des douze derniers mois. L’écart entre les catégories socioprofessionnelles est considérable. Il est alors facile d’imaginer que de naître dans une famille d’origine ouvrière, ne favorisera pas la possibilité de pratiques culturelles même si cela n’est pas toujours le cas.

1.2.3 - Une fréquentation des théâtres selon la zone géographique Plus de la moitié des personnes ayant fréquentées un théâtre au cours des douze derniers mois vivent à Paris (56%) et 35% d’entre eux déclarent y être allés au moins trois fois3. Il y a donc une réelle centralisation des pratiques culturelles. La ville de Paris est connue pour sa richesse culturelle (monuments historiques, musées ou encore théâtres) et compte plus d’une centaine de théâtres4, offrant ainsi un éventail très varié de spectacles. Il est alors plus facile d’aller régulièrement au théâtre lorsque l’on vit à Paris ou sa proche banlieue que lorsque l’on vit dans de petites villes ou en milieu rural.

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Idem DONNAT, Olivier, 2009, page 174 3 Idem 4 http://www.paris.fr 2

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On remarque en effet que plus la taille de la ville est petite, moins ses habitants vont au théâtre. Cela s’explique par le fait que ces villes n’ont pas toujours de théâtre. Par conséquent, il faut se déplacer, parfois loin, par ses propres moyens, par le biais de transport en commun. Dans ces conditions, une sortie au théâtre ne s’improvise pas. Le transport peut alors être un véritable frein d’un point de vue organisation mais aussi économique.

La fréquentation au théâtre peut varier en fonction de l’âge, de la catégorie socioprofessionnelle ou encore de la zone géographique. Toutefois ces variations de fréquentation soulignent l’importance des pratiques culturelles chez les jeunes notamment grâce à des sorties organisées avec leur établissement scolaire. Ces sorties entrent donc dans un contexte d’éducation artistique montrant ainsi l’importance de la culture dans la société. La France est un pays ayant toujours défendu avec ferveur ses œuvres artistiques et ses artistes. Elle est perçue à l’extérieur comme un pays ayant une culture riche. De plus, ceci se prouve aussi par le fait que l’Etat consacre depuis 1990, 1 % du budget total à la culture1.

1.3 - L’importance de la culture 1.3.1 - La place de la culture au sein d’une société La définition de la culture donnée par l’UNESCO : « Dans son sens le plus large, est considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une

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PFLIEFLER, Sylvie, 2011, page 153

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances.»1

La culture au sens individuel représente les connaissances acquises par l’Homme lors de sa vie, grâce à l’éducation parentale, scolaire et ses découvertes personnelles. La culture au sens collectif représente les croyances religieuses, les valeurs d’une société, ses cultures artistiques, intellectuelles représentant un pays. Ainsi, la culture constitue un ensemble, permettant aussi bien de caractériser un groupe social ou une société, pour définir un être humain individuellement et dans son ensemble. Cette culture, si spécifique d’un être humain à un autre, s’acquiert de différentes manières. L’éducation, l’instruction sont des moyens majeurs dans le développement de la culture. Chaque valeur inculquée, réfutée ou non par la suite, aide à la construction d’une personne aussi bien dans sa construction primaire (enfance, adolescence) que dans sa construction secondaire (âge adulte) pour aussi se retrouver dans un groupe social détenant les mêmes aboutissants et valeurs. Ce rapprochement des valeurs, d’une culture générale peut être liée de l’habitus, si cher au sociologue Pierre Bourdieu. L’habitus 2 désigne la manière dont les valeurs sociales, la culture d’un groupe, s’imprègnent chez un individu aussi bien interne qu’externe et ainsi le conditionne pour rentrer dans une classe. Ainsi, l’Homme constitue sa personnalité, son mode de vie à travers différents groupes sociaux et construit son capital culturel. Pourtant, ceci n’est pas sans savoir l’importance d’une culture dans une société, elle développe et inculque des valeurs et permet de la situer. La culture se divisant en plusieurs parties distinctes, elle se retrouve aussi dans l’art. L’art au sens général du terme signifie : « La création d'objets ou de mises en scène spécifiques destinées à produire chez l'homme un état particulier de sensibilité, plus ou moins lié au plaisir

1

Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet - 6 août 1982. 2 http://www.universalis.fr

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

esthétique. »1

Cet état de sensibilité généré grâce à l’art chez l’Homme, se retrouve dans les diverses disciplines (arts plastiques, théâtre, opéra, musique, danse) et ainsi éveille une émotion, vive ou non, appréciée ou non à travers la découverte de l’art. L’art amène l’Homme à penser, à juger, à critiquer, à avoir des références sur l’histoire mais aussi sur la société actuelle. L’art conduit les personnes à se retrouver pour débattre autour d’une idée2, d’un thème et ainsi développer un esprit critique. Le théâtre a notamment cette notion de débat. Ce domaine artistique est un art politique rassemblant des hommes et permettant grâce à sa puissance, à son vivant de pouvoir exprimer des idées à travers des répliques, des comédiens, une mise en scène. C’est grâce particulièrement à l’art que l’homme peut constituer son capital culturel.3

1.3.2 - Un capital culturel pour tous Le capital culturel diffère d’une personne à l’autre, chacune disposant d’un bagage culturel qui lui est propre. Cette distinction amène à une différenciation des classes sociales, imposant une séparation qui indique clairement les différents groupes et les cultures dominantes en eux. Ces personnes si différentes les unes des autres, ont un droit d’accès à la culture. Ce droit est commun de tous et reprend les grandes valeurs de la démocratisation culturelle. Le développement culturel qui doit permettre de faire naître en chacun un épanouissement, une sorte de révélation culturelle. Augustin Girard collaborateur d’André Malraux, affirmait l’importance d’une politique culturelle au même titre qu’une politique économique. « La culture est un combat… c’est pourquoi une politique culturelle ne peut être simplement une gestion des beaux-arts, aussi avisée soit-elle. Si elle ne se rattache pas explicitement à un ensemble de finalités acceptées par le corps

1

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/culture/21072 RICHEZ Marion, 2006, page 15 3 WALLACH, Jean-Claude, 2006, page 24 2

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social… »1

Un grand débat va alors naître autour de la démocratisation culturelle et de la démocratie culturelle. La première étant une politique de diffusion des arts dits nobles (théâtre, opéra) confrontée à une légitimation des arts dits populaires. Lors de la conférence intergouvernementale de l’Unesco sur les politiques culturelles en Europe, il en ressort l’importance de la culture dans la vie de l’Homme, ceci devient une partie intégrante dans le développement socioculturel d’un pays.2 Ainsi l’ouverture et l’accessibilité à la culture pour le grand nombre deviennent une finalité dans la politique culturelle française. Cette accessibilité vise de plus à ne pas se restreindre aux arts et aux lettres et à la conservation du patrimoine, mais bel et bien de développer la promotion, la diffusion et la formation de l’art dans son ensemble, toutes formes d’art confondues. La démocratie culturelle prend de plus compte d’un métissage culturel, d’une variété dans ses publics et ainsi abolit la frontière entre culture élitiste et populaire. Cette démocratisation abat les barrières et l’intimidation que peut créer la culture. Aujourd’hui, rendre « accessible » prend diverses définitions, réduire les inégalités économiques et géographiques afin de faciliter l’accès à la culture3. Cette facilité d’accès à la culture devient le rôle des médiateurs culturels, qui ont pour mission de créer le lien entre le public et une œuvre. Ils sont une partie indispensable dans le développement culturel4.

Ainsi son importance doit engendrer des solutions pour favoriser l’accès à la culture. Ces solutions peuvent être de l’ordre de l’aménagement du territoire confortant ainsi la notion de démocratisation culturelle mais aussi celle de la médiation culturelle qui

1

La démocratisation culturelle dans tous ses états - CH / GT Hist. dém. cult. / DT. 12 – rev. 28 avril 2011 - révisé juillet 2012, page 8 2 Idem 3 WALLACH, Jean-Claude, 2006, page 27 4 Conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles en Europe, Unesco, Helsinki, 19-28 juin 1972, 1972 in La démocratisation culturelle dans tous ses états - CH / GT Hist. dém. cult. / DT. 12 – rev. 28 avril 2011 révisé juillet 2012 page 9

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comportent des acteurs primordiaux tels que les relais, les associations et les départements des relations avec le public.

1.4 - Favoriser l’accès à la culture 1.4.1 - L’aménagement culturel du territoire français Afin de rendre les concepts de démocratisation et de démocratie culturels réalisables, il est important de décentraliser l’offre culturelle. Cela passe par un aménagement culturel du territoire français. Il a souvent été montré que les coûts d’accès aux biens culturels, comme les moyens de transport, sont un frein considérable à la consommation de la culture. Plus encore que le prix du billet d’entrée lui-même1. La décentralisation théâtrale, impulsée par Jeanne Laurent dès les années 1940, est l’origine de la décentralisation des lieux dédiés aux spectacles vivants avec notamment la création des Centres Dramatiques Nationaux (CDN) 2 . Nous en comptons 39 actuellement sur le territoire français. Ces CDN ont une double mission. Un soutien à la création et une obligation d’offrir un nombre minimal de représentations de ces créations dans leur zone d’implantation tout en menant des opérations de sensibilisation au théâtre en milieu scolaire ou encore auprès des amateurs. Les CDN se rapprochent des Maisons de la Culture d’André Malraux. Ces dernières avaient pour mission d’offrir à tout individu un attrait pour la culture. Elles sont là pour organiser une rencontre entre Homme et art 3 . En s’implantant dans les villes

1

PFLIEGER, Sylvie, 2011, page 48 PFLIEGER, Sylvie, 2011, page 52 3 Les maisons de la culture : au-délà de leur « échec », leur vraie réussite, Ministère de la Culture et de la 2

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moyennes elles devaient stimuler la création artistique contemporaine et diffuser la culture à grande échelle. Quatre mois après sa nomination, André Malraux annonçait que chaque département français aurait sa propre maison de la culture dans les trois prochaines années. Seulement 7 sept furent mises en place avant son départ en 19691. Jugé trop onéreux par ses successeurs, le programme fut abandonné au profit des Centres d’action culturelle et Centre de développement culturel. Aujourd‘hui, la France compte plus de 60 Scènes Nationales réparties dans 54 départements2 recouvrant ainsi prêt de la moitié du territoire et répondant ainsi à un objectif de décentralisation culturelle tout en gardant une volonté de démocratisation. En revanche, leur mission se réduit à une diffusion pluridisciplinaire et n’a plus d’engagement à l’éducation.

1.4.2 - Susciter la consommation de biens culturels Rendre l’art géographiquement accessible, n’en suscite pas forcément la consommation. Il faut qu’il y ait une véritable appropriation de l’art par la population pour que des pratiques culturelles s’installent dans leur quotidien. Les freins aux pratiques culturelles ne sont pas simplement matériels mais résultent également de l’approche personnelle que l’individu a de l’art. On peut parler d’« auto-exclusion » de certaines populations ne se sentant pas concernées et n’éprouvant aucun besoin d’une consommation culturelle. La démocratisation culturelle rencontre alors un obstacle qu’elle ne peut franchir avec des outils mais avec des actions. Il faut donc assurer une (in)formation riche sur les biens culturels ce qui implique en premier lieux des structures culturelles elles-mêmes. Celles-ci développent alors des départements de relation avec les publics mettant en place des actions ciblées pour chaque

public

permettant

ainsi

de

sensibiliser

directement

la

population.

Nombreuses de ces actions se faisant en partenariat avec des milieux associatifs ou encore dans les institutions scolaires pour toucher les plus jeunes.

Communication, 2001, page 1 1 Idem 2 http://scenes-nationales.fr

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Dans le secteur du spectacle vivant, les expériences lancées par le Théâtre national populaire, actuellement Théâtre National de Chaillot, sous la direction de Jean Vilar, lui même nommé par Jean Laurent, restent d’actualités. Depuis, les théâtres ont avancé les horaires de représentation, mis en place des navettes pour faciliter l’accès à tous, mis à disposition des lieux conviviaux comme des restaurant ou des librairies au cœur même du théâtre, aménagé au mieux leur théâtre en rapport avec la vie de tous les jours. À travers ces expériences, Jean Vilar a su rendre pensable et possible la démocratisation culturelle1. Elles servent aujourd’hui de modèles à de nombreuses structures culturelles.

1.4.3 - Les concepts de démocratisation et de démocratie culturelle Le concept de démocratisation culturelle donne lieu à de multiples interprétations comme l’accession du plus grand nombre aux consommations de biens culturels, la conversion d’un public de plus en plus large à des pratiques culturelles… Depuis une cinquantaine d’années, de nombreux débats ont essayé de trouver le sens qu’il convenait de donner à l’accessibilité à la culture. Les concepts de démocratisation culturelle, de démocratie culturelle ou encore de désacralisation ont été évoqués. On parle également de culture pour tous ou de culture pour chacun. Tous ces débats renvoyant également aux oppositions entre culture légitime et culture populaire, culture élitiste et culture de masse, beaux-arts et industries culturelles… Sur un plan esthétique, la démocratisation culturelle implique une confrontation directe avec l’œuvre. L’individu accédera alors « à la jouissance de l’art légitime par le seul fait magique du choc réalisé par l’œuvre »2. D’un point de vue économique ce concept suppose qu’il existe une offre et une demande accrues. Cela se traduisant par deux objectifs principaux : veiller à ce qu’il existe une offre diversifiée de biens culturels répartie sur l’ensemble du territoire, appelé alors décentralisation culturelle, et veiller à ce que la demande ne soit pas freinée que ce soit par un prix

1 2

FLEURY, Laurent, 2006, page 231 CAUNE, Jean, in FLEURY, Laurent, 2006

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trop élevé ou un manque de formation. C’est face à cette démocratisation culturelle qu’est apparu le concept de démocratie culturelle qui a pour objectif de fournir un bagage culturel à tous les citoyens et pas seulement au plus grand nombre. Cela passe notamment par l’intérêt de la participation de tous en tant qu’acteur et critique.

« Il s’agit d’offrir à chacun le développement et le plein exercice de sa capacité de création, d’expression et de communication en vue de donner une qualité culturelle à tous les aspects de la vie en société »1.

La démocratie culturelle fait ses preuves et se concrétise à travers divers évènements comme la Fête de la Musique2.

1.4.4 - L’importance de la médiation culturelle Les concepts de démocratisation et de démocratie culturelle ont, malgré leurs différences, un objectif commun : favoriser l’accès à la culture. Ils peuvent fonctionner indépendamment l’un de l’autre mais peuvent aussi se compléter et ainsi se rendre plus « puissants ». La médiation culturelle peut être une passerelle entre démocratisation et démocratie culturelle. « Le médiateur culturel est censé assurer au plus grand nombre l’accès, aussi bien physique que social et intellectuel, à l’art. Il est l’intermédiaire (et non plus le prescripteur) entre deux espaces, celui de l’offre d’œuvres d’art et celui de la personne ou du groupe concerné, et se fait l’interprète de l’art et des artistes, pour une meilleure compréhension de la part des spectateurs »3. Or la médiation connaît de vives critiques, rappelant le lien banni entre l’homme et l’art. Par exemple, le théâtre est un art de rassemblement, où des personnes se retrouvent devant des comédiens, sur scène, interprétant des rôles pour raconter

1

Projet « Culture et régions », Conseil de l’Europe présenté, Florence, 1987 Créée en 1982 par le ministère de la Culture dirigé par Jack Lang 3 GREFFE, Xavier, PFLIEGER, Sylvie, 2009, in PFLIEGER, Sylvie, 2011 2

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une histoire, aborder un sujet, susciter un débat. Certains penseront qu’il n’est nul besoin d’avoir recours à une quelconque médiation culturelle, d’autres estimeront que le théâtre tout comme la danse, les arts plastiques, nécessitent un accompagnement, une découverte commune grâce à l’acquisition de clefs de compréhension. Cette notion naît en 1997 grâce au programme « nouveaux services, emplois jeunes », malgré l’échec de ce programme, la médiation commence à prendre de l’envol, en introduisant un nouveau métier, celui de médiateur culturel. Afin de rendre la culture accessible, de démystifier les lieux se dotant d’une image élitiste, intimidante voire même ennuyeuse, les médiateurs culturels accompagnent les publics à la découverte des œuvres. Ils sont les « nouveaux intermédiaires culturels » 1 . André Malraux désignait l’art comme une révélation, nul besoin d’accompagnateur, l’art se découvre seul, il représente la médiation par lui-même. Cependant, la médiation culturelle est un moyen primordial pour permettre une ouverture au monde de l’art, ouvrir la sphère culturelle à différents publics, individus curieux de découvrir ce qui les entourent. La médiation a connu diverses facettes, aussi bien dans une action culturelle gouvernementale, avec l’idée d’une diffusion massive des œuvres dans les années 60, puis dans les années 70 la notion de sociale entre alors dans le domaine culturelle, sous l’impulsion de Jacques Duhamel, alors ministre de la culture, nommant ainsi cette idée Les interventions culturelles. Enfin, dans les années 80, la culture prend une tournure économique et géographique2. Ainsi, l’accessibilité à la culture se concrétise grâce aux effectifs humains mais aussi matériels permettant à la culture de rencontrer vers les différents publics, ils ne sont plus obligés de se déplacer pour la retrouver. Le médiateur vient aussi à la rencontre des publics et ainsi déculpabilise l’individu qui pense que « ce n’est pas pour moi », phrase tant entendue, un slogan désignant la volonté de démocratiser la culture et de donner envie, raviver le plaisir d’aller voir un spectacle. Les raisons d’ouvrir la sphère culturelle à un large public sont simples, la culture rapproche les individus, leur permet d’aiguiser leur sens critique, faire ressentir des sentiments variés tout en

1 2

M et N, Ministère de la Culture et de la Communication, page 3 Culture pour tous, Colloque international sur la médiation culturelle Montréal, décembre 2008

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

les partageant. Ainsi la culture devient un véritable vecteur social et évitent le repli sur soi. Les théâtres développent leurs publics grâce à de nombreuses actions culturelles. Pourtant, certaines personnes gardent une image de ces lieux comme étant inaccessibles. Cette inaccessibilité peut-être de différentes sortes. Qu’elle soit pour des raisons économiques, géographiques, culturelles ou bien physiques, la culture peut constituer un frein pour de nombreux individus.

1.4.5 - Les relais de la médiation culturelle, acteurs majeurs de la démocratisation Les relais culturels sont des moyens de contacter les publics qui n’ont pas accès à la culture et leur rend cet accès possible grâce à des sorties organisées dans des structures culturelles. Ainsi, un groupe se forme, se retrouve et partage un véritable moment de convivialité, d’échange et de culture. Les lieux ont depuis les années 90, commencé à développer la notion de relai culturel, par exemple, l’Opéra National de Paris a depuis 1991 un partenariat avec le Ministère de l’Éducation Nationale pour mettre en place un projet regroupant 800 élèves en Zones d’Education Prioritaire leur permettant de venir à l’Opéra. Le Louvre a mis en place en 1996 un dispositif rassemblant des associations, des relais et des travailleurs sociaux1. Ces deux exemples, prouvent l’importance des relais, justifiant ainsi de l’engouement pour le développement des publics dans les années 90. Les lieux se concertent aussi entre eux, afin de partager l’expérience vécue par les relais et permettre un échange. Ils forment les personnes relais, qui ainsi, ont la capacité de s’occuper des différents groupes. Ces relais sont tout d’abord, des personnes possédant une expérience dans le social. Elles ciblent au mieux le public qu’ils souhaitent accompagner et connaissent les enjeux qui suivent cette sortie en prenant en compte les obstacles aussi divers soient-ils comme, par exemple, la barrière de la langue. Les lieux et les relais créent une véritable relation entre eux, une relation pérenne basée sur la confiance.

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RIDEL BROUILLARD, Camille, 2009, page 5

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La mission Vivre Ensemble fut lancée en 2003 sous l’impulsion du ministre de la culture Jean-Jacques Aillagon. Tout d’abord, la commande fut engagée pour permettre aux handicapés moteurs et physique d’accéder à la culture, cette opération s’intitula « Culture et Handicap ». Puis, une seconde mission fut commandée portant le nom encore connu aujourd’hui « Vivre Ensemble ». Huit lieux (Cité de sciences et de l’industrie, Musée du Louvre, Parc et grande halle de la Villette, Château de Versailles, Cité de la musique, Centre National de la Cinématographie, Bibliothèque Publique d’Information, Centre des monuments nationaux)1 se rassemblent pour la première fois en 2004, en se questionnant sur le type de public à viser. En effet, pour quel type de public cette mission est-elle créée ? Quel public caractérise la culture comme une personne étrangère, dont il n’ose pas s’approcher ? Après cette première réflexion, une première présentation auprès de 100 relais a lieu en 2005, pour exposer les projets, les buts de la mission Vivre Ensemble. La mission ne cessera d’évoluer, avec l’entrée en 2006 de trois nouveaux lieux l’Opéra National de Paris, le musée Guimet et la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration. Chaque année est marquée par des pistes de réflexions afin d’améliorer les actions entreprises par les différents lieux, instaurer une relation de confiance entre les relais et la personne du lieu en charge de ces actions culturelles. Toutes ces modifications sont pérennisées par la Ministre de la Culture et de la Communication en 2007, Christine Albanel. Les lieux définissent le public visé comme étant le public dit du champ social. Celui-ci est de différent ordre, il peut être aussi bien un public avec des personnes à mobilité réduite, des personnes sans-papiers, des prisonniers, des personnes n’ayant pas les moyens économiques ou géographiques d’aller voir des spectacles. Ainsi, elles se rassemblent grâce aux relais, se rencontrent et partagent et échappent aussi à un quotidien qui n’est pas des plus jovial. Quant aux relais qui sont des bénévoles ou des salariés, ils sont experts en matière sociale. Chaque mission est parfaitement divisée entre le lieu et eux-mêmes. Les

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RIDEL BROUILLARD, Camille, 2009, page 4

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lieux diffusent un savoir culturel, les relais diffusent un savoir social et ainsi, ensemble, ils créent une cohérence sociale et culturelle. Les associations, maisons de quartiers constituent eux aussi des relais, ils conçoivent un partenariat avec les structures culturelles pour donner la possibilité aux publics cibles, de pouvoir sortir des quartiers et lieux dans lesquels ils sont bloqués. L’exemple de la mission Vivre Ensemble ouvre un champ de réflexion sur le travail de ces lieux et des relais dans l’ouverture de l’espace culturel aux publics dit du champ social. En effet, la visite de chaque groupe, leur ressenti à travers ces visites, leur critique et leur désir permettent de travailler sur l’offre pour tous les publics. Car le but de ces missions est d’accompagner l’individu vers une découverte et une ouverture culturelle pour qu’il puisse par la suite, y retourner seul. Ainsi, tous les publics ont des approches et désirs différents de la culture, qu’il est intéressant d’étudier afin que le lieu est une image dynamique, ouverte et soit à la portée de tous.

Ainsi la médiation culturelle aide pour le développement des publics dans les salles de théâtre. Grâce au département des relations avec le public qui sont présents pour ouvrir au plus large public ces salles et ainsi constituer un ensemble. Cet ensemble tend à évoluer par les actions réalisées par les relations avec le public

1.5 - L’évolution des publics dans les salles de théâtres « Le public est une collection d’individus apparemment autonomes et indépendants, qui ne se connaissent et ne se voient pas (contrairement à une foule), mais qui tendent malgré cette séparation spatiale à penser et à agir de la même façon, parce qu’ils « se retrouvent » circulairement dans les média qui informent leur sensibilité et leur idéologie, selon une logique qui relève des lois

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

du marché davantage que d’un contrôle politique direct »1.

Le public est aussi celui qui se retrouve autour d’une œuvre intellectuelle, littéraire, artistique. Malgré ses différences entre chaque individu, le public ne fait qu’un lorsqu’il se retrouve autour d’une œuvre. Au théâtre par exemple, assis dans la salle le public est accordé au singulier, afin d’éviter toutes distinctions. Nombreux théâtres souhaitent d’ailleurs, lorsqu’ils accueillent des groupes scolaires, à mobilité réduite… les disperser dans la salle afin qu’ils sentent aussi qu’ils ne font qu’un dans la salle. Le public créé un lien avec les comédiens, une relation scène-salle s’installe.

1.5.1 - Le public et ses différences Cependant, hormis la volonté des théâtres à ne pas distinguer les publics et la volonté de la décentralisation théâtrale d’ouvrir ses portes à un public mêlant différentes catégories sociales, certains publics se divisent par manque d’intérêt ou par peur d’incompréhension. De nombreuses phrases ont été entendues à ce sujet, dont une célèbre « Ce n’est pas pour moi »2, contribuant à qualifier ce public dit de « public dit empêché ». Le « public dit empêché » un des maillons du public, se caractérise comme ne détenant pas le même bagage culturel car il manque de moyen économique, géographique, ou bien tout simplement d’intérêt. Parfois, certains individus ne seront pas publics, ils n’auront aucune pratique culturelle, ce public est nommé par la sociologie de « non public »3 Le terme « non public » naît durant les événements de mai 1968, où à Villeurbanne, les états généraux de la culture se sont réunis pour réfléchir à l’organisation du théâtre en France. Francis Jeanson et Roger Planchon alors directeurs des Centres dramatiques et des Maisons de la culture adopte le 24 mai 1968, le Manifeste de Villeurbanne ». Il est une autocritique et une réflexion sur le terme de « non public ». Francis Jeanson qualifiait le « non public » ainsi :

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CITTON, Yves 2007, page 348 SAADA, Serge, 2011, Page 7 3 FLEURY, Laurent, 2011, Page 33 2

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

« Une immensité humaine composée de tous ceux qui n’ont encore aucun accès ni aucune chance d’accéder prochainement au phénomène culturel sous les formes qu’il persiste à revêtir dans la presque totalité des cas »1.

Ainsi, le non public est empêché par des événements indépendants de leur volonté à accéder à la culture et notamment au théâtre. Le théâtre a une image d’élitiste dans laquelle une bulle identitaire s’est créée. Ils ressentent une appréhension quant à la fréquentation de lieux culturels, intimidés, la plupart du temps, par des codes imposés par ces lieux et dont ils ne possèdent pas encore les clés. Ce public dispose cependant, d’une grande capacité dans l’appréciation d’une œuvre, dans la disposition à la critiquer. Il nomme cette compétence « le potentiel du spectateur »2. Dans chaque spectateur sommeille un potentiel, une capacité à apprécier ou non une œuvre, à la critiquer, la commenter. En ce sens, le potentiel du spectateur n’est pas dans les connaissances du lieu, d’un auteur ou d’une pièce de théâtre par exemple mais dans sa liberté à vivre l’œuvre.

1.5.2 - Le potentiel du spectateur Ce potentiel doit être éveillé grâce à la médiation culturelle qui est travaillée par le département des relations publiques installé dans les théâtres. Le département accueille da manière générale le public en le conseillant sur les spectacles proposés dans la programmation de l’année. Cependant, il est logique de penser que le public se divise. Chaque individu possède des goûts et une sensibilité qui diffère de l’un à l’autre.

1.5.3 - Le rôle majeur des relations publiques De ce fait, les relations publiques ont aussi un rôle de médiateur culturel, puisqu’elles accompagnent le public qui peut se sentir mal à l’aise, pas à sa place dans un tel lieu. Elles le guide, le rassure et lui permet de ressentir sa capacité à fréquenter des

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FLEURY Laurent, 2011 in JEANSON, Francis, 1972 SAADA, Serge, 2011, Page 25

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

lieux culturels sans aucun ressenti d’intrusion. Le département des relations publiques a un rôle majeur dans l’animation d’un théâtre. Leur objectif est de défendre une programmation en sensibilisant divers publics sur les sujets abordés au cours d’une saison théâtrale. Elles mettent en avant le travail des artistes présentés et trouvent des clés de compréhension qui vont susciter la curiosité des publics à venir découvrir une œuvre. Elles doivent avoir conscience de la spécificité du public et ainsi travailler leur stratégie pour attirer des publics différents, en prenant en compte leurs différences, leurs préférences, leurs désirs et leurs connaissances. Elles peuvent prendre connaissance des œuvres proposées par le théâtre afin d’ajuster au mieux les conseils donnés au public et pouvoir conseiller avec rigueur les relais, les groupes scolaires… Nous notons aussi que la difficulté pour les relations publiques est double. Elles vont devoir coopérer avec une politique culturelle imposée par les théâtres, qui peut parfois, être une politique « économique » prônant la hausse de fréquentation du lieu. Ce qui pallie au développement de public différent. Mais la politique culturelle d’un théâtre est influencée par la politique du pays, qui peut changer le fonctionnement de la culture et de son développement.

Cependant, la politique culturelle n’est pas le seul élément pouvant modifier les actions entreprises par un théâtre. Les mutations telles que le numérique modifie la perception de constituer une action culturelle en imposant au département des relations avec le public mais aussi à la communication de repenser à la manière donc le public peut-être touché.

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1.6 - L’engouement pour le numérique

1.6.1 - L’historique du numérique L’essor des industries culturelles et la reproduction des œuvres ont modifié les pratiques culturelles des français 1 . Elles deviennent de plus en plus privatives, l’écoute est complétement différé avec l’apparition du numérique2. Les personnes peuvent aujourd’hui arrêter à tout moment leur écoute, mettre sur pause, répéter un passage qui a pu plaire. Ces pratiques deviennent solitaires, la notion de partage diverge pour laisser place à une absence de jugement collectif. L’engouement pour le numérique et notamment Internet connaît une forte croissance entre 2006 et 2010 dans les 10 pays les plus riches d’Europe avec une croissance de plus de 19% durant ces 4 années3. Internet constitue un gain de temps tout d’abord en ce qui concerne l’achat de biens culturels (CD, DVD, appareils électroniques). Il permet aussi de réserver en ligne, un spectacle par exemple, c’est ce qui s’appelle la pratique du ticketing 4 , obtenir rapidement des informations sur un spectacle, commander sa place, payer, tout cela en quelques clics et quelques minutes. Internet permet alors de minimiser la contrainte de la réservation, notamment pour un spectacle. Cette contrainte constitue un frein pour la plupart des individus, devant rechercher l’information, se déplacer, choisir la pièce puis la commander, Internet compacte toutes ses contraintes pour rendre ceci accessible. 61 % des Internautes consulte Internet pour leurs sorties culturelles et de loisirs et 40 % pour acheter des billets5. Internet a développé aussi une notion de partage grâce aux réseaux sociaux tels Facebook, Twitter, Tumblr, MySpace… qui apportent de l’information aux internautes souhaitant des biens culturels. Cette nouvelle génération interactive, apparue en 2004, se nomme le web 2.0 ou « web social » ou encore « web de conversation ». Plusieurs définitions lui sont données mais nous pouvons la résumer ainsi, le web 2.0 est un Internet

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PFLIEGER, Sylvie, 2011, pages 16, 20 SAADA, Serge, 2011, Pages 36, 37 3 Etude Mediascope pour l’European Interactive Advertsing Association in PFLIEGER, Sylvie, 2011, page 17 2

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participatif dans lequel le mot d’ordre est l’échange, le partage, la rencontre. Ainsi, Internet n’est plus simplement rangé dans la catégorie d’achat et d’information simple, dialoguer via le web, devient une notion primordiale.

1.6.2 - Quel rôle a le web 2.0 pour la culture ? Si nous gardons l’idée de l’échange, du partage, l’internaute peut alors trouver les informations dont il a besoin pour pouvoir consommer un bien culturel. Le théâtre est une pratique culturelle difficile d’accès pour les internautes, notamment par son manque d’information1. De ce fait les internautes développent un « bouche à oreille », critiquent et donnent leur avis librement sur « la toile ». Cette visibilité sur Internet constitue ainsi une réputation des lieux culturels sur Internet et créé une image pour les Théâtres. Le paysage culturel change, la culture doit suivre cette évolution, chaque domaine culturel aussi bien l’audiovisuel que le spectacle vivant doit se laisser guider par ce mouvement et jouer avec les outils numériques, en comprendre les avantages. En terme de communication, le numérique donne des nouveaux outils, dynamiques et captivants, qui intriguent des générations variées. Aujourd’hui, le consommateur est en demande de nouveauté, il se lasse rapidement si l’image se trouvant en face de lui ne suscite guère sa curiosité. Un spectacle doit être promu, mis en valeur et le numérique donne un nouvel élan à la promotion de la programmation d’un lieu culturel. Il s’ajoute aux supports de communication dit « classiques ». Le public notamment le public dit « empêché » peut-il grâce à Internet, avoir l’envie de découvrir le théâtre. De sentir, qu’il a un accès plus simplifié à l’information et qu’il n’a nul besoin de se déplacer pour pouvoir trouver le spectacle qui est susceptible de lui plaire ? Ainsi, les départements des relations avec les publics et la communication vont devoir développer et renouveler leur position afin d’installer sur « la toile », être présents et novateurs dans les outils multimédias (réseaux sociaux, application

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PASQUIER, Dominique, 2013, page 4

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mobile, tablettes tactiles…) pour pouvoir continuer à susciter l’attention de tous les publics.

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2 - Le département des relations avec le public met en place des actions spécialement dédiées au public dit « empêché » 2.0.1 - Du public « empêché » au spectateur possible Bien qu’employé par des sociologues comme Serge Saada ou encore Laurent Fleury, le terme public « empêché » reste plus rarement employé au sein des structures culturelles. Il s’agit donc plus d’un terme sociologique que d’un terme de professionnel employé par les chargés de relation avec les publics. En quoi serait-il empêché puisque chacun est le bienvenu au théâtre ? Certains théâtres ne donne aucun qualificatif à ses publics, puisqu’ils créent un ensemble, ainsi il ne nécessite pas de le baptiser par un nom péjoratif. Aucun public n’est empêché de venir au théâtre et chacun a la capacité et la liberté de fréquenter une salle de spectacle et de profiter d’une pièce1. La mission principale du chargé de relation avec les publics étant de faire comprendre cela à ses publics, un terme si péjoratif qu’ « empêché » ne ferait que repousser davantage un public ne se sentant pas à sa place dans un théâtre. Être qualifié d’empêché empêche alors les pratiques culturelles d’un public au potentiel aussi fort que n’importe quel autre. Cependant, il en convient que le public est constitué d’individu à part entière, détenant chacun un bagage culturel qui lui est propre, leur aprioris, leurs craintes concernant le théâtre. En revanche, certains théâtre, comme le Théâtre National de Chaillot, parleront de public du champ social 2 notamment en raison de leur participation à la mission Vivre Ensemble. Il serait alors judicieux de trouver un terme aux connotations positives et valorisantes afin de qualifier ce public. Un terme qui mettrait en valeur leur potentiel ainsi que leurs capacités de compréhension et d’adaptation. Cela permettrait non seulement de prouver qu’ils sont les bienvenus, mais surtout de leur montrer qu’ils sont capables de comprendre une pièce et de prendre plaisir à y assister. En ce sens,

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Joëlle WATTEAU, Responsable des relations avec les publics du Théâtre du Rond-Point, entretien réalisé le 9 avril 2013 2 Laurent MASSONI, Responsable du développement des publics du Théâtre National de Chaillot, entretien réalisé le 7 mars 2013

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nous continuerons de qualifier ce public de spectateur possible1 pour la suite de ce mémoire. Par le terme possible, nous entendons la possibilité de venir au théâtre, que ce lieu est accessible. Ils ne sont empêchés de rien. Nous cassons alors cette image péjorative qui leur est attribuée. La discrimination peut être vaincue et le sentiment d’intrusion effacé.

2.1 - Créer une véritable relation entre le spectateur possible et les théâtres Créer une relation avec ses publics est le béaba du chargé de relation avec les publics. C’est son but final, sa mission principale. Cette relation est le souvenir que le public garde du lieu et donc l’image qu’il communique à son entourage. Le chargé de relation avec les publics doit alors soigner cette relation et faire en sorte qu’elle soit la plus chaleureuse et la plus conviviale possible. Il est alors important que chacune des parties apprennent à se connaître et travaillent, ensuite, main dans la main afin de mener à bien des actions permettant des pratiques culturelles futures.

2.1.1 - Entrer en contact avec le spectateur possible Le département de relations avec les publics dispose de plusieurs moyens pour entrer en relation avec le spectateur possible et, dans la majeure partie des cas, ces rencontres nécessitent plusieurs acteurs. La prise de contact peut alors se faire par le théâtre, par le public ou encore par des relais entre théâtre et public. En fonction de la programmation du théâtre, le chargé de relations avec les publics est en mesure de savoir à qui il peut s’adresser pour mener à bien ses actions. La programmation est son outil principal de démarche. C’est elle qui est au cœur des actions menées par le département, de relations avec les publics pour tous ses publics. Le but étant de rendre accessible à tout individu cette programmation. Elle

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peut alors servir de complément à une formation scolaire et/ou professionnelle. Dans ce cas le théâtre offre la possibilité d’apprendre en se distrayant. Le chargé de relations avec les publics a alors tout intérêt d’être capable d’établir un lien entre la programmation du théâtre dans lequel il travaille et le programme de l’éducation nationale, à titre d’exemple. De cette façon, il pourra lui-même cibler et entrer en contact avec le public adéquat ; qu’il s’agisse d’un établissement scolaire, d’une association ou encore d’un quartier. Par exemple pour la pièce Sainte dans l’incendie, de Laurent Fréchuret, le Théâtre du Rond-Point a contacté les UFR d’histoire médiéval. Atelier volant fut l’occasion d’entrer en contact avec des lycées car l’auteur, Valère Novarina, figure au programme scolaire. Une rencontre a alors pu se faire entre l’auteur et 250 élèves1. Ici c’est le théâtre qui fait la démarche de venir vers un spectateur possible, un spectateur auquel il estime pouvoir rendre service, faciliter l’accès à la culture et d’enrichir une formation. Dans certains cas, c’est le public, souvent par le biais d’un représentant, qui vient au devant du théâtre : un enseignant pour ces élèves ou encore un président d’association pour ses membres. Cette démarche émane bien souvent de besoins et/ou d’envies auxquels le théâtre peut apporter une solution principalement par le biais de sa programmation. Suivant ses besoins et envies, le chargé des relations avec les publics jouera un réel rôle de conseiller et dirigera alors les actions pouvant être mises en place. Ces représentants viennent au devant d‘un théâtre pour l’image qu’ils en ont. Cela passe par la programmation, ou le lieu, ce que le théâtre est. Dans certains cas, ce représentant prend rendez-vous avec le chargé de relation avec les publics avant même que la présentation de saison ne soit faite2. La démarche n’est donc pas anodine. C’est après une mure réflexion permettant d’établir ce que le lieu peut apporter en fonction de ses besoins et envies que le représentant fixera une mise en relation. L’envie de travailler avec le théâtre est donc forte. Certains relais font le lien entre une population, souvent démunie de pratique culturelle, et le théâtre. On peut alors parler de professionnels du champ social3. Eux

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Joëlle WATTEAU, Responsable des relations avec les publics du Théâtre du Rond-Point, entretien réalisé le 9 avril 2013 2 Idem 3 Laurent MASSONI, Responsable du développement des publics du Théâtre National de Chaillot, entretien réalisé le 7 mars 2013

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aussi cherchent à répondre à un besoin. Le besoin d’insertion d’immigrés dans la population, le besoin d’apprentissage d’une langue, le besoin de socialisation des handicapés psychiques… C’est ici que l’on retrouve la mission Vivre Ensemble. Dans ces différents cas de figure, la prise de contact n’est pas directe entre le théâtre et le public. Elle passe constamment par le biais d’intermédiaires, qu’il s’agisse d’un relai, d’un intervenant ou d’un représentant (enseignant, chargé de relation avec les publics). Par conséquent, une première distance est établie dès la prise de contact. Cependant, celle-ci servira d’aide afin de rapprocher le public au théâtre. Ces intermédiaires servent à ne pas brusquer le public et amorcer une future pratique culturelle en douceur. Ils permettent également de guider le public et de mettre un visage sur quelque chose pouvant les effrayer. Le théâtre s’humanise par le biais du chargé de relation avec les publics. Dans toutes situations, le chargé de relation avec les publics a un réel enjeu. Pour le théâtre mais aussi, pour le public. Etre en mesure d’accompagner un spectateur possible donne au théâtre une image positive. Cela montre une envie d’évolution et de rupture avec l’élitisme trop souvent associé aux structures culturelles. Mettre en avant son accessibilité. Concernant le public, le chargé de relation avec les publics devra leur prouver que le théâtre est un lieu pour tout le monde et non destiné à une certaine catégorie de la société. Bien souvent le choix des spectacles se fait en fonction de leur accessibilité. Les spectacles populaires où le métissage est présent sont privilégiés par exemple Don Quichotte du Trocadéro de José Montalvo où la danse classique rencontre la danse de rue mais aussi le théâtre.

2.1.2 - Apprendre à se connaitre pour créer des actions avec le spectateur possible Avant de connaître son public, le chargé des relations avec les publics doit parfaitement maitriser la programmation du théâtre dans lequel il travaille. Cela passe par une étude approfondie de celle-ci : lecture complète des textes, recherches sur l’univers des artistes invités ainsi que leur démarche artistique1…

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Joëlle WATTEAU, Responsable des relations avec les publics du Théâtre du Rond-Point, entretien réalisé le 9 avril 2013

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Sans ce travail de recherche, il ne sera pas en mesure de mettre en place des actions répondant aux réels besoins et envies de son public. En effet, son premier rôle est de conseiller en fonction des souhaits du public. Conseiller tel spectacle, conseiller de participer ou de mettre en place telle action… Afin qu’une proximité s’installe entre le théâtre et le spectateur possible, il est possible d’organiser plusieurs types d’évènements. Cela peut prendre la forme la plus simple, comme des rendez-vous réguliers permettant d’échanger et de se connaître. Il est important que cette rencontre soit physique, et non virtuelle par le biais d’internet ou du téléphone, afin qu’un réel contact humain puisse s’établir. Le public doit pouvoir mettre un visage sur le chargé de relation avec le public puisqu’il sera leur intervenant, leur lien avec le théâtre. En règle générale le premier rendezvous se fait dans un lieu connu et régulièrement fréquenté par le public (exemple : école pour les étudiants) afin que celui-ci se sente important. Ce lieu dans lequel il a ses repères et habitudes va faciliter l’échange. On peut également ajouter que le chargé de relations avec les publics se déplace et montre alors l’intérêt que celui-ci porte au public. Ce dernier se sent alors intéressant et mis en valeur. De façon générale le spectateur possible est accueillant et toujours volontaire. Travailler avec eux devient alors plus simple qu’il n’y paraît. Lors de ce premier échange, chacun va apprendre à se connaître mais le public n’aura qu’une vision imaginative du théâtre. Afin de concrétiser l’image qu’il perçoit de ce lieu, il est impératif que d’autres rendez-vous y soient organisés. Pour que le public puisse voir à quoi ressemble réellement le théâtre, mais aussi et surtout afin qu’il puisse y prendre ses marques. Il doit s’y sentir à l’aise, presque chez lui. Le chargé de relations avec les publics montre alors que s’il peut aller chez son public, mais aussi que ce public peut venir chez lui et donc au théâtre. Cette démarche est essentielle et aide à une préparation sur mesure d’actions à mettre en place tous ensemble. D’autres structures organisent de grands évènements en complément de ses rencontres privées. À titre d’exemple, le Théâtre National de Chaillot organise chaque année une présentation de saison à destination des professionnels du

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champ social soulignant ainsi les spectacles pouvant répondre à une demande1 (la prochaine présentation de saison aura lieu mercredi 26 juin au théâtre). Celle-ci permet alors d’apporter à ces professionnels des pistes de réflexion quant aux actions possibles à mettre en place avec le Théâtre National de Chaillot. En effet, en fonction de la programmation, ils pourront trouver un intérêt à travailler avec la structure en fonction de leur besoins et envies. Cette présentation de saison est aussi un moment de rencontres et d’échanges. A l’issue de celle-ci un cocktail se tient dans le Grand Foyer offrant une des plus belles vues sur la Tour Eiffel. Chacun s’approprie le lieu à travers un moment à la fois simple et convivial, personnel du théâtre et professionnels du champ social se retrouvant autour d’un verre. Chacun doit quitter le théâtre en ayant une vision positive de la structure, accueillante, agréable, conviviale. C’est cette perception qu’ils communiqueront par la suite à leur public. Lors de ce cocktail, les chargés de relations avec les publics sont alors disponibles afin de répondre à toutes questions éventuelles. C’est aussi pour eux l’occasion de montrer que le théâtre est accessible pour tous et qu’il est facile d’y prévoir une sortie ou toute autre action en faveur du spectateur possible. Il peut d’ores et déjà jouer un rôle de conseiller. Ce grand rendez-vous offre également la possibilité aux professionnels du champ social de discuter entre eux, échanger des idées, partager leurs pistes de réflexion. Certains pouvant alors faire le choix de travailler main dans la main. Favoriser la rencontre et la rencontre d’individus qui ont les mêmes ambitions permet d’ouvrir de nouvelles voies, d’envisager des actions plus grandes, complémentaires et plus efficaces. La mission Vivre Ensemble a bien compris cela et prépare elle aussi des rencontres entres les structures culturelles participant à la mission et les professionnels du champ social2. On compte alors trois événements majeurs par année dont un forum présenté sous forme de table ronde. Elle donne alors, tout comme la présentation de saison organisée par le Théâtre National de Chaillot, l’occasion de se rencontrer et d’échanger. C’est aussi un moment convivial où cette fois les professionnels ont la

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Laurent MASSONI, Responsable du développement des publics du Théâtre National de Chaillot, entretien réalisé le 7 mars 2013 2 Laurent MASSONI, Responsable du développement des publics du Théâtre National de Chaillot, entretien réalisé le 7 mars 2013

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possibilité de rencontrer plusieurs structures avec lesquelles il est possible de travailler et organiser les futurs projets. Lors de ce forum chaque structure culturelle associée à la mission Vivre Ensemble dispose d’un stand que les professionnels peuvent visiter, s’informer et dialoguer avec les représentants de la structure. Les différentes structures peuvent aussi profiter de ce moment pour amorcer un travail entre elles. De grand projet peuvent ainsi naître. Le dernier forum s’est déroulé au MAC/VAL, le 29 janvier dernier et chaque année une autre structure accueille cet après-midi de rencontre. Il est important que ce type de rencontre ait lieu au sein d’une structure connotée culturelle pour que les relais s’en imprègnent. Un lieu lambda n’aurait pas autant de force et de sens. Le maitre mot restant toujours la convivialité, un pique-nique est organisé chaque année. Cette journée, présentée elle aussi sous forme de table ronde, rassemble de nouveau les professionnels du champ social et des représentant de différentes structures culturelles. Cet autre rendez-vous se déroule à proximité de plusieurs structures culturelles. Le but étant de montrer qu’il est possible de créer des passerelles entre elles. Cette année, ce pique-nique aura lieu sur la colline de Chaillot1. Lors de ce pique-nique, il est important de faire comprendre aux relais qu’il est facile d’aller d’une structure à l’autre. Et qu’ainsi, une sortie culturelle peut en contenir plusieurs. L’an passé cet événement s’est déroulé dans les jardins du Trocadéro, montrant ainsi qu’il est simple de passer l’après midi au Musée d’Orsay ou au Musée d’Art Moderne puis poursuivre la soirée au Théâtre National de Chaillot 2 . Les structures travaillent donc entre elles afin de proposer une offre d’actions plus large aux différents relais. Optimisant ainsi les chances de répondre à leurs besoins. Autre temps fort organisé par la mission Vivre Ensemble, la visite des structures culturelles. Celles-ci permettent d’organiser un parcours entre elles ou alors au sein d’une même structure. C’est l’occasion pour les relais de ressentir le lieu pour en parler ensuite avec son public. Cela peut également donner l’idée d’organiser une simple visite avec son groupe. Par exemple, les bénéficiaires du RSA ont pour

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http://www.villette.com/fr/mission-vivre-ensemble-2012-2013.htm Laurent MASSONI, Responsable du développement des publics du Théâtre National de Chaillot, entretien réalisé le 7 mars 2013 2

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obligation de suivre des modules « métier ». La culture a une place importante. Une visite d’un théâtre accompagnée d’explications des différents métiers est alors possible1. En fonction des différents éléments le chargé de relation avec le public est en mesure de prévoir cette visite et d’organiser des moments d’échange avec certain membre du personnel disponible. Le public doit alors se présenter au théâtre tout comme le théâtre doit se présenter au public. Chacun est alors en mesure de savoir ce que va lui apporter cet échange. Les actions mises en place par la suite doivent aller dans les deux sens. Elles ont pour but de répondre aux besoins et envies des deux parties mais aussi d’anticiper certaines contraintes et/ou éléments incontrôlables. À titre d’exemple, les handicapés psychiques peuvent parler fort entre eux pendant une représentation et déranger le public ou encore quitter la salle sans raison apparente. Il en va de même pour certaines réactions d’enfants en salle.

2.2 - Valoriser le spectateur possible grâce aux actions du département des relations avec le public Le spectateur possible n’a pas l’habitude de venir de lui-même dans un lieu culturel. Cette décision est souvent prise par manque de temps, d’intérêt, une timidité handicapante, empêchant d’entrer dans un lieu culturel. Le Théâtre est d’ailleurs un des domaines qui effraye. Or, le département des relations avec les publics a été créé pour combattre les clivages culturels que peuvent rencontrer les différents publics. Ainsi, le chargé des relations avec le public organise tout un programme pour valoriser ce public, susciter l’envie et réveiller son « potentiel du spectateur »2. Les actions culturelles aussi variées soient-elles, sont présentes pour faire découvrir au public un univers, un artiste, pour lui transmettre les clés de compréhension dont il a besoin. C’est aussi et avant tout le moyen de lui prouver que le Théâtre est un domaine artistique vivant et accessible, proposant des œuvres variées et qui ne sont

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Laurent MASSONI, Responsable du développement des publics du Théâtre National de Chaillot, entretien réalisé le 7 mars 2013 2 SAADA, Serge, 2011, Page 25

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pas incompréhensibles. Toutes pièces a des points d’accroches différents et pour lesquels chaque spectateur sera sensibilisé ou non. Le chargé des relations avec le public prouvera cette diversité et voire même cette facilité.

2.2.1 - Concevoir des actions sur mesure pour le spectateur possible Le département des relations avec les publics réalise des actions culturelles, qui ont dans chaque structure une notion commune, celle de plaisir1. Donner envie est un objectif commun à tous, susciter la curiosité et permettre d’accompagner et de conseiller le public en demande. L’échange est aussi une notion primordiale. Le rôle du département des relations avec les publics ne se réduit pas à seulement conseiller sur une pièce de théâtre qui est susceptible d’être appréciée par le public en demande. Bien au contraire, le chargé des relations avec les publics créé une relation avec le public, demande son avis après qu’il ait assisté au spectacle et doit être toujours présent pour continuer à proposer des pièces et établir une évolution dans les demandes et les fréquentations. Car la réussite d’un département des relations avec les publics est l’indépendance acquise par le public pour fréquenter le théâtre, venir seul, sans accompagnateur de quelle nature qu’il soit (relai, association, chargé des relations avec les publics). Cependant, pour réussir à atteindre cet idéal, le département des relations avec les publics doit user d’ingéniosité et penser à mettre en place différentes actions à l’égard du public. Des action phares et récurrentes, sont souvent retrouvées dans les différents théâtres afin d’attirer les publics et leur offrir la possibilité d’acquérir des nouvelles clés de compréhension au regard du spectacle auquel ils assistent. Le public ne dispose pas du même bagage culturel, certains sont des initiés qui ont un regard critique sur chaque élément de la pièce, d’autres vont voir un ensemble et se laisser porter le temps du spectacle. Les rencontres avec les artistes en amont ou en aval de la représentation, sont une des actions appréciées par le public. En effet, ils vont comprendre les intentions du

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Joëlle WATTEAU, Responsable des relations avec les publics du Théâtre du Rond-Point, entretien réalisé le 9 avril 2013

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metteur en scène, pourquoi à telle minute le comédien a joué de cette manière, pour quelle raison tel ou tel élément est intervenu dans la mise en scène… Chaque spectateur se questionne et ces interrogations seront résolues grâce à ces rencontres. De plus, elles apportent une satisfaction pour le spectateur, pour différentes raisons. Premièrement elles offrent la sensation au public d’une rencontre privée unique. Puis elles permettent à un groupe réduit, d’avoir un échange, particulier et à part entière qui par la suite peut développer sur une réflexion autour de la pièce et surtout donner le sentiment que le théâtre n’est pas si inaccessible qu’il puisse paraître. Le but est selon la célèbre citation du metteur en scène et comédien Antoine Vittez « élitaire pour tous », visant ainsi une conception « égalitaire pour tous »1. Il est important de bien le cibler son public afin de le guider au mieux lors de sa venue au théâtre, en fonction de ses critères et de ses goûts de savoir quelle sera la meilleure pièce à lui conseiller. Cette idée de conseil est primordial car le public non initié au théâtre, construit petit à petit sa vie de spectateur, ainsi s’il connaît une mauvaise expérience lors de sa soirée, cela peut créer un « dégoût » de la pratique culturelle, justifiant sa pensée que le théâtre « n’est pas pour lui ». De ce fait, la sortie au théâtre devient-elle une expérience pour ce public ? « Le spectateur est-il encore prêt à prendre le temps de l’expérience ? »2. En effet, le spectateur possible doit être accompagné pour établir un véritable parcours, une relation avec l’artiste et pour concrétiser ses volontés, le département des relations avec le public peut créer différentes actions culturelles en plus des rencontres avec les artistes. Nous pouvons citer l’action phare du Théâtre National de Chaillot : Chaillot Nomade. Des pièces sont exportées en dehors du théâtre, un jour au musée, un autre dans tout autre lieu culturel à Paris (Musée Guimet, Musée d’Art Moderne de Paris , Musée du Louvre, Muséum d’histoire naturelle de Paris). Un dialogue se créé entre ces œuvres, dansées et jouées, et les lieux. De plus, ceci désacralise le lieu du théâtre, donnant la vision au public notamment par la surprise qu’il peut voir des pièces dans n’importe quel lieu. Il n’est plus dans l’obligation de devoir se déplacer dans un théâtre pour découvrir une œuvre. Ainsi, le théâtre aborde une vision plus

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WALLACH, Jean-Claude, 2006, page 34 SAADA, Serge, 2011, page 40

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accessible et originale, exporter une pièce hors des murs, embellit son image. Certaines actions peuvent demander en amont une certaine organisation. Par exemple, le Théâtre National de Chaillot travaille auprès d’un public appelé le public du champ social. Celui-ci est définit comme étant un public dans une situation économique négative, il n’a pas les moyens aussi bien économique que géographique pour pouvoir fréquenter un théâtre. Il peut aussi être une personne intimidée ne pensant pas pouvoir faire partie de la sphère théâtrale. Nous comptons aussi parmi ce public les personnes à mobilité réduite et les handicapés psychiques ; enfin, sont aussi regroupés dans ce même public les ressortissants étrangers. Afin de développer la venue de ce public au Théâtre, les relais vont constituer un apport primordial pour créer un lien entre le public et le théâtre puisqu’ils vont les accompagner à la découverte du Théâtre National de Chaillot. Ces actions sont réalisées dans le cadre de la mission Vivre Ensemble créée en 2003 par l’ancien ministre, en 2002, de la Culture et de la Communication JeanJacques Aillagon. La culture est, grâce à cette mission, rendue accessible pour tous et des lieux culturels tels que le Louvre, l’Opéra National de Paris et plus particulièrement le Théâtre National de Chaillot (depuis 20081) sont des structures listées pour accueillir ces types de publics et leur proposer des spectacles, avec une rencontre avec les artistes ou bien un atelier débat dans lequel ils pourront exprimer leur avis sur un spectacle vu autour d’un thème précis. Par exemple : Roméo et Juliette de David Bobee qui a été suivi d’une rencontre avec le public, le chargée du développement des publics du Théâtre National de Chaillot et les relais pour discuter autour de la pièce et permettre de constater ce que le public a ressenti et a pensé de la modernisation de la célèbre pièce de William Shakespeare. Les actions peuvent être aussi réalisées dans un cadre pédagogique. Les scolaires sont aussi un public qu’il est important de cibler. En effet, leur éducation scolaire comporte généralement des pièces classiques. Le contemporain n’est pour la plupart des établissements scolaires, pas au programme (nous ne tenons pas compte des lycées avec l’option théâtre). Beaucoup d’enfants et d’adolescents ont une image du

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théâtre ennuyeuse et chère 1 . Le contemporain a aussi pour accompagner cette image peu gratifiante du théâtre, une image élitiste voire incompréhensible. Ainsi, il est primordial de savoir conseiller au plus juste le professeur accompagnant les élèves afin de ne pas, par la suite, décourager les élèves à fréquenter un théâtre, car ils auront malencontreusement eu une mauvaise première expérience. Les relations avec les publics aident les jeunes élèves à construire leur vie de spectateur, ainsi elles doivent juger avec subtilité ce qui est accessible et ce qui les effrayent. Cette analyse s’effectue avec l’avis avisé du professeur qui selon son projet pédagogique et la connaissance de sa classe peut orienter les chargés des relations avec les publics à choisir les spectacles qui conviendront. Il faut avant tout déculpabiliser l’élève qui n’aime pas le théâtre, lui permettre de trouver un point d’accroche dans la pièce à laquelle il assiste. Ce lien créé peut se retrouver à travers un costume, un comédien, une mise en scène, la lumière2. Toutes ces actions ont un but commun, celui de transmettre une connaissance supplémentaire, avec plaisir. Le public doit avant tout ressentir une satisfaction de venir voir un spectacle. Le théâtre constitue une sortie à part entière et lorsqu’elle est accompagnée par des relais, elle doit avoir un côté festif. Le groupe peut se retrouver avant la représentation, profiter d’un instant tous ensemble pour se rencontrer, partager puis aller au théâtre. Ceci désacralise la sortie théâtrale, en lui donnant un aspect simple et plaisant. Ainsi, la sortie devient simple, les personnes se retrouvent pour aller au théâtre comme elles pourraient se donner rendez-vous pour aller au cinéma. Le chargé des relations avec les publics doit répondre à une demande, celle d’un spectacle accessible. La pièce n’est pas dans l’obligation d’être choisie pour son ton comique, elle peut traiter d’un sujet sérieux, demandant une réflexion et ainsi entrer par la suite dans le cadre d’un débat. Car les publics peuvent étonner de par leur curiosité et leurs intérêts, c’est en cela que le département des relations publiques doit concourir : prouver à ces publics qu’ils ont la même capacité que les initiés à apprécier une pièce.

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Joëlle WATTEAU, Responsable des relations avec les publics du Théâtre du Rond-Point, entretien réalisé le 9 avril 2013 2 Idem

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L’autre but principal des relations avec les publics est de constituer un ensemble. Le public forme un tout. Il n’est pas rare de constater dans une salle de théâtre lorsque la sortie est organisée avec des relais ou bien dans le cadre scolaire, que celui-ci soit dispersé dans la salle avec les autres spectateurs. Ainsi, ils ne ressentent pas ce sentiment d’intrusion, qui est couramment sentie par ce type de public. En effet, certains pensent ne pas connaître les codes adéquats pour pouvoir fréquenter un tel lieu. Ces codes peuvent être aussi bien vestimentaires que moraux. Ainsi le public est certes diversifié mais il constitue un ensemble à savoir des spectateurs unis dans une même salle pour découvrir un spectacle. Chacun a bien évidemment différentes manières de réagir lors de la représentation et c’est ce qui constitue aussi un des travails du département des relations avec les publics. En effet, elle doit anticiper les publics venant au spectacle. Car le public dit empêché est un terme sociologique péjoratif. Plusieurs chargés des relations avec les publics ne l’emploient pas et affirment qu’il n’existe pas de public empêché. Ils ne sont empêchés de rien1, la culture leur est accessible et c’est dans cet esprit que le travail des relations avec les publics s’achemine. Comment le département des relations avec les publics organisent-il ses actions ? La programmation est un repère essentiel pour les chargés des relations avec les publics, puisqu’elle est la source de leur travail. Chaque spectacle proposé au cours d’une saison est différent, certains seront considérés comme plus « populaires » d’autres seront jugés comme étant moins accessibles pour cause d’un sujet difficile, une mise en scène plus conceptuelle. C’est alors dans cette variété de propositions artistiques que le département des relations avec les publics doit œuvrer. Ainsi, les départements des relations avec les publics abordent une manière différente de construire leurs actions culturelles auprès de leur différent public. Au théâtre du Rond-Point une lecture préalable des pièces programmées pour la saison est nécessaire, afin d’ajuster au mieux les conseils pour le public en demande. Cette lecture avisée permettra de savoir quelle pièce peut convenir et lesquelles ne peuvent être présentées à des scolaires car le sujet est bien trop épineux ou bien ils

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n’adhérons pas à la pièce. Ainsi, ce regard aiguisé prouve l’attention portée au public et leur donne un sentiment d’appartenance au lieu car celui-ci leur propose une attention particulière, une offre de premier choix. L’égalité des chances, de la cohésion sociale se retrouve aussi dans la mission à laquelle se voue le Théâtre du Rond-Point. Depuis 2006, la fondation Culture et Diversité propose à des lycées classés en tant que zone prioritaire de découvrir le spectacle vivant par la participation à des représentations de théâtre et aussi par la pratique de cette discipline culturelle. Cet apprentissage culturel donne des repères aux élèves, favorise l’adhésion au groupe et aide à la confiance en soi. Cette initiative regroupe chaque année plus de 1 000 élèves, qui avant chaque représentation sont accueillis par l’équipe du théâtre afin de rencontrer les professionnels et de créer des dossiers pédagogiques sur les représentations auxquelles ils assistent. Mais le réel atout de cette fondation Culture et Diversité c’est ses ateliers de pratique qui donnent lieu à des représentations au Théâtre du RondPoint et dans les lycées participants1. Les lycéens, souvent dans des situations sociales difficiles, ont la parole, laisse court à leur imagination et peuvent monter sur une grande scène parisienne. L’image du Théâtre est alors enjolivée et rendue accessible. La discipline est ainsi vecteur d’une cohésion sociale, une expérience humaine qui aboutit à une fierté ressentie par les élèves et le chemin qu’ils auront parcouru.

2.2.2 - Pérenniser les relations avec le spectateur possible Toutes ces actions réalisées auprès du spectateur possible ont pour but de créer une véritable relation entre les relais, les médiateurs, les chargés des relations avec les publics et bien évidemment avec le public. L’importance est de renouveler les actions, construire un lien pérenne car c’est dans une démarche d’accompagnement à long terme. Il ne serait guère intéressant de proposer pour seulement une année des programmes destinés à ce public. Bien au contraire, la richesse d’un tel service est de constituer des groupes, savoir quelles sont leurs préférences et leurs

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http://www.fondationcultureetdiversite.org

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réticences, tout en analysant l’évolution d’un mois à un autre et même d’une année à une autre. Au Théâtre National de Chaillot grâce à la mission Vivre Ensemble, le théâtre fait partie du dispositif et ainsi les relais prennent contact directement auprès du référent. En fonction des besoins de leur groupe (apprendre le français, une intégration d’un groupe…) les relais discutent avec le référent pour savoir dans quelles conditions ils pourront mettre en place l’action culturelle. Afin de fidéliser les relais et de les faire participer à la mission, le théâtre les invite chaque année à la présentation de saison spécialement prévue aux relais du champ social. Une lettre est aussi envoyée tous les trois mois aux relais pour garder contact et mettre en avant les actions possibles à leur groupe1. Une seule action ne suffit alors pas pour pouvoir construire avec les relais du champ social. Ils sont certes un public à part, mais constituent une véritable mission pour le département des relations avec les publics et doivent de cette manière être traité avec des dispositifs précis. Ainsi c’est un véritable travail de garder le contact, de pérennité dans la relation installée entre le théâtre et les relais du champ social. Certains théâtres tels que le Théâtre du Rond-Point ont une autre manière de garder le contact auprès du public et notamment avec les scolaires. Les professeurs venus au moins une fois à une représentation avec ses élèves sont invités à venir découvrir les pièces avant d’emmener leur classe, ainsi ils pourront décider si le spectacle conviendra et s’il rentre dans le cadre pédagogique2. Les professeurs, tout comme les relais, créent une relation avec le théâtre et sont ravis de renouveler l’expérience, car ils ressentent un véritable travail pensé pour eux et les élèves et souhaitent alors pérenniser l’expérience. De ce fait, c’est avant tout une relation humaine qui s’instaure entre les relais et le département des relations avec les publics. La fidélisation des publics est en partie grâce au contact qu’ils ont avec les chargés des relations avec les publics qui redoublent d’effort pour apporter des conseils et les accompagner tout au long de

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Laurent MASSONI, Responsable du développement des publics du Théâtre National de Chaillot, entretien réalisé le 7 mars 2013 2 Joëlle WATTEAU, Responsable des relations avec les publics du Théâtre du Rond-Point, entretien réalisé le 9 avril 2013

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leur vie de spectateur. Le Théâtre est un domaine accessible, riche et qui avant d’être considéré comme élitiste permettait à des Hommes de se retrouver pour partager et débattre autour d’une pièce, de son sujet, de sa mise en scène. Cette relation entre chaque individu est primordial puisqu’elle donne confiance au public peu initié au théâtre et qui souhaite découvrir ce milieu artistique. Avant tout autre chose, les théâtres ont chacun un ou plusieurs personnes référents mais qui sont facilement identifiables. Le Théâtre National de Chaillot a une personne référent pour organiser les actions destinées au public du champ social. Elle est un repère pour les relais afin de pouvoir créer ces actions mais aussi pour le public, qui ressent une humanisation du théâtre. Parfois, le public du champ social peut contacter directement la personne référent pour pouvoir être conseillé, car il souhaite aller sans les relais au théâtre. Ceci constitue alors une réussite dans le projet mais cette initiative prouve aussi que le public est moins timide lorsqu’une personne est présente pour les guider et qu’un véritable rapport s’installe entre les deux. Il représente le guide du Théâtre pour pouvoir aller voir un spectacle qui est susceptible de plaire. Il est à l’écoute des demandes et ajuste son discours en fonction de la personne. Le Théâtre devient alors un lieu d’échange entre chaque personne, le contact humain dont fait preuve les chargés des relations publics en allant à la rencontre de leur public permet aussi de désacraliser le Théâtre. Le lieu devient beaucoup moins intimidant. En effet, la personne réfèrent est présente pour accompagner et conseiller, quelque que soit le type de public venu fréquenter le lieu. De plus, elle développe son discours pour les relais et leur donnent une preuve que les lieux sont capables de créer des actions correspondantes aux demandes des relais et de leurs groupes. Le lieu devient humain, en phase avec le domaine artistique qu’elle défend celui du spectacle vivant. Car c’est avant tout, une rencontre et une relation dans la salle qui se créé entre les comédiens et le public. Ainsi, les théâtres doivent continuer à dynamiser les lieux et attirer un large public en donnant confiance et en étant à leur écoute.

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

3 - Le département de la communication utilise différents outils numériques pour valoriser les actions avec le spectateur possible 3.0.1 - De la valorisation à l’oubli Suite à nos recherches et nos rencontres avec des professionnels, nous sommes aujourd’hui en mesure de réfuter cette seconde hypothèse. La réalité montre que les théâtres ne communiquent pas réellement sur les actions du département de relations avec le public grâce aux outils numériques. A titre d’exemple, le Théâtre National de Chaillot communique uniquement par e-mail et par envoi de newsletter auprès des relais, qui s’occupent par la suite, de transmettre l’information afin d’attirer toujours plus de nouvelles personnes à constituer des groupes et participer à ces sorties culturelles. Ce sont donc les relais qui communiquent et non les théâtres eux-mêmes alors ces actions leur apportent une image positive et valorisante. Le fait d’avoir une communication plutôt timide sur ces actions peut aussi s’expliquer par le fait que le théâtre, ne souhaite pas distinguer le public du champ social des autres publics. Rejoignant l’idée précédente, que le public constitue un ensemble. Ainsi ceci respecte l’un des buts du département des relations avec le publics, continuer à garder cette image d’un public uni, allant au même spectacle et oubliant pendant quelques heures leurs caractéristiques qui les distinguent. Cette partie du mémoire mettra en avant ce qui freine les théâtres à communiquer sur les actions du département de relations avec le public et au profit de quoi. Elle sera également l’occasion d’expliquer en quoi le numérique reste un outil de communication d’avenir au sein de ces structures. En effet, il permet de toucher un public large en tout point de vue : lieu de résidence, âge, sexe, catégorie socioprofessionnelles…

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

3.1 - Utiliser les outils numériques dans la communication d’un théâtre Créer une relation numérique avec ses publics est aujourd’hui devenue un point important dans la communication d’un théâtre dans une époque où le numérique connaît un réel engouement. Il devient le média d’avenir mais reste accessible par tous. Cette relation virtuelle peut palier à une relation physique entre un théâtre et un public. Que ce soit pour des raisons géographiques mais aussi par appréhension quant au fait de se rendre au théâtre. Elle peut également être les prémisses de futures pratiques culturelles. Pour cela, le département de la communication se doit, tout comme le département de relation avec le public, de véhiculer une image positive, accueillante et conviviale du théâtre.

3.1.1 - Utiliser le numérique comme un média à part Les théâtres ont, de manière générale, tendance à communiquer principalement sur leur programmation1. Il en est de même pour les outils numériques. En faisant de la sorte, ils s’adressent à un public déjà conquis ou facilement abordable. Cela peut être leurs propres publics, comme le public d’autres théâtres situés à proximité. Toujours est-il que la cible de tous outils de communication, même numérique, est un public qui fréquente déjà les salles de théâtre. Cela s’explique tout simplement par le fait qu’il est susceptible d’acheter des places et par conséquent influer sur les bénéfices du théâtre. C’est en effet grâce à ce public que le théâtre pourra tirer des bénéfices financiers qu’il répercutera ensuite sur la saison prochaine. De ce fait communiquer sur la programmation est la mission principale du département de la communication. C’est elle qui permettra d’attirer des spectateurs. Finalement, ces outils numériques sont utilisés à peu de chose près comme les outils traditionnels, comme une brochure de saison par exemple. Certains théâtres préfèrent quant à eux éviter cette utilisation « vitrine » du numérique quitte à mettre certains de ces outils de côté pour le moment. C’est pour cette raison que le Théâtre du Rond-Point n’a

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Anne LE GALL, Chargé de communication au Théâtre du Rond Point, entretien réalisé le 16 avril 2013

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

pas conçu d’application mobile (smartphone ou tablette)1 à l’heure actuelle. Le numérique n’a alors pas dérogé à la règle de la rentabilité au dépit de la convivialité et de l’échange. Sur tous leurs outils numériques, qu’il s’agisse d’application mobile, de page Facebook, de compte Twitter ou de chaine YouTube, les théâtres valorisent leur programmation. Ils font alors le choix de communiquer sur les artistes invités 2 par la publication de photographies, d’extraits de pièces (captation), d’interviews vidéo ou encore d’articles de presse3. Ce sont ces artistes qui permettront de remplir la salle et de faire du chiffre d’affaires. Par ces temps de crise, et notamment suite aux deux baisses consécutives du budget alloué à la culture par l’État4,5, les théâtres doivent être capables de se financer eux-mêmes. Cela passe principalement par des actions de mécénat et de sponsoring mais aussi par la vente de places. C’est bien la preuve que communiquer auprès d’un public déjà initié au théâtre a pour principal objectif de rentabiliser la programmation du lieu. Cette stratégie de communication étant plus particulièrement destinée aux publics déjà conquis, on peut alors penser que le spectateur possible est jugé comme trop peu rentable pour les théâtres, et ce, malgré sont fort potentiel. Valoriser les actions réalisées par le département de relation avec le public peut embellir l’image des théâtres. Avec le numérique cela devient plus facile et touchera plus de personnes. En 2010, 17,3 millions de foyers avaient accès à internet6. Bon nombre de personnes ont également accès à internet sur leur lieu de travail. On compte alors près de 36 millions d’internautes en France, soit 67,1% de la population7. Il est alors possible de véhiculer l’image d’un théâtre sur tout le territoire français grâce à internet. Toujours en 2010, on notait que 29% de la population était mobinaute8, qu’elle utilisait internet sur smartphone. Mais ce chiffre montre surtout qu’une grande partie de la population utilise et maîtrise les outils numériques, public conquis et « empêché » inclus. Il est alors possible d’établir un lien, même s’il n’est

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Anne LE GALL, Chargé de communication au Théâtre du Rond Point, entretien réalisé le 16 avril 2013 Benoît ANDRÉ, Secrétaire général et conseiller à la programmation au Théâtre National de Chaillot, échange réalisé le 23 avril 2013 3 Idem 4 Budget 2012 du ministère de la Culture et de la Communication, Ministère de la Culture et de la Communication, septembre 2011, page 3 5 Budget : les chiffres clés pour 2013, Ministère de la Culture et de la Communication, octobre 2012 6 La Référence des Équipements Multimédias, Médiamétrie, 2010 7 L’audience de l’Internet en France, Médiamétrie, avril 2010 8 Mobile Consumer Insight, Médiamétrie, mai 2010 2

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que virtuel, avec le public « empêché » en utilisant et en communiquant sur des outils dont il se sert au quotidien. Même si les théâtres font le choix de communiquer presque exclusivement sur leur programmation, ils ont néanmoins la possibilité de concevoir une communication plus adaptée au public « empêché » grâce aux outils numériques. C’est en ce sens que la valorisation des actions menées pas le département de relations avec le public peut avoir un réel pouvoir. Cette valorisation permettrait au public « empêché » de comprendre que des dispositifs sont mis en place, au sein même des théâtres, afin de faciliter sa venue. Il sera en mesure de comprendre qu’avec un travail effectuer en amont, il prendra plaisir à assister à une représentation. On remarque, malgré tout, très peu de communication sur ce point et notamment sur le numérique. Même si cela peut véhiculer une image positive et accueillante auprès du grand public, certains sujets peuvent être sensibles et dans certains cas déranger le public déjà conquis. En effet, les actions menées par le département des relations avec le public sont souvent réalisées avec un public à l’opposé du public qui fréquente déjà le théâtre. Savoir, qu’après un travail effectué en amont, un groupe d’enfants, de sans papiers ou encore de roms seront présents dans la salle peut troubler les autres publics. À titre d’exemple, le Théâtre National de Chaillot a effectué un travail avec un groupe de jeunes filles roms autour la pièce Noéplanète d’Árpád Schilling traitant de l’exile. Leur venue à la représentation a fait l’objet de remarque venant du public habituel du théâtre1. Cela prouve que le public n’est pas encore prêt à se mélanger avec tous les publics du théâtre. On peut alors comprendre pourquoi les théâtres communiquent très peu sur ces sujets. Leur but n’étant pas de perdre leur public au profit d’un autre. C’est finalement le public lui même qui décide de la communication d’un théâtre. Elle est conçue en fonction de ses attentes, de ses envies. Communiquer à l’encontre des attentes du public n’aura que des répercutions négatives pour le théâtre. Il fera alors face à un remplissage des salles plus difficile que d’habitude se répercutant ainsi sur les ventes de places et par conséquent sur le chiffre d’affaires.

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Laurent MASSONI, Responsable du développement des publics du Théâtre National de Chaillot, entretien réalisé le 7 mars 2013

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Au problème de la perception qu’aurait le public acquis sur les actions de relations avec le public, s’ajoute également des contraintes techniques et légales. Afin de rendre une communication plus attrayante, l’utilisation d’illustrations photographiques ou vidéos est primordiale, de plus cela facilite la compréhension. En revanche, il est impératif de faire une demande de cession de droit à l’image à chaque participant de l’action. Ce qui devient difficile lors qu’il s’agit d’enfant où encore de sans papiers1. Il n’est donc pas facile de communiquer sur ces actions même sur des outils aussi accessibles que ceux du numérique. De façon générale, la communication des théâtres est faite pour toucher leur public, celui qui fréquente déjà les salles de théâtre, que ce soit la leur ou celle des théâtres alentour. Il est alors important de communiquer sur ce qu’ils attendent, d’où la valorisation de la programmation dans la stratégie de communication. Il faut également faire en sorte d’informer ce public de tout événement pouvant perturber sa sortie au théâtre, comme lors de travaux. Cela doit se faire de façon judicieuse et ne pas empêcher le public de venir au théâtre. Le Théâtre National de Chaillot a d’ailleurs fait le choix de communiquer sur les travaux, qui auront lieu jusqu’en 2015 dans la salle Firmin Gémier, sur des outils numériques2. Transformant ainsi un point négatif en une chose ludique auprès du public. Ce choix permettra à chacun de constater l’évolution et l’avancement des travaux en direct de chez soi, mais peut aussi inciter le public à se déplacer au théâtre afin de voir l’avancer de ses propres yeux. Le numérique peut alors participer à la fréquentation des théâtres. C’est aussi l’occasion de montrer que les théâtres savent utiliser les outils technologiques et ne pâtissent pas d’une communication quelque peu vieillotte. Ils seront perçus comme modernes, dynamiques et dans l’ère du temps. Cela profite donc à leur e-réputation, qui correspond à l’image véhiculée par le théâtre sur tout support numérique (média, réseaux sociaux, forum…)3. Cette e-réputation est aussi un levier de fréquentation des théâtres. En effet, des personnes n’ayant que peu ou pas de pratiques culturelles mais s’intéressant aux

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Laurent MASSONI, Responsable du développement des publics du Théâtre National de Chaillot, entretien réalisé le 7 mars 2013 2 Benoît ANDRÉ, Secrétaire général et conseiller à la programmation au Théâtre National de Chaillot, échange réalisé le 23 avril 2013 3 http://e-reputation.org

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nouvelles technologies, ou encore, pour le cas du Théâtre National de Chaillot à l’architecture, sont susceptibles de s’intéresser au théâtre et donc de venir. Si l’on reprend l’exemple du projet de communication numérique autour des travaux du Théâtre National de Chaillot, on peut parfaitement imaginer qu’en naviguant sur la page dédiée aux travaux, l’internaute se tourne ensuite sur la programmation. Toutefois, l’e-réputation s’établie principalement en fonction de la relation numérique que le théâtre a avec son public.

3.1.2 - Créer une relation numérique entre théâtre et public Créer une relation numérique avec ses publics est aujourd’hui devenu un point important dans la communication d’un théâtre dans une époque où le numérique connaît un réel engouement. Il devient le média d’avenir et reste accessible par tous. Cette relation virtuelle peut palier une relation physique entre théâtre et public. Que ce soit pour des raisons géographique mais aussi par appréhension quant au fait de se rendre au théâtre. Elle peut également être les prémisses de futures pratiques culturelles. Pour cela, le département de la communication se doit, tout comme le département de relation avec le public, de véhiculer une image positive, accueillante et conviviale du théâtre. Avec le numérique il est dorénavant possible d’entretenir cette relation au quotidien grâce à la facilité d’accès des outils numériques des théâtres (site, réseaux sociaux, application...) et de leur gratuité1. Les réseaux sociaux permettent aux théâtres de communiquer auprès de leur public mais ils permettent également au public de réagir sur les sujets communiqués grâce à des commentaires ou des likes sur Facebook ou encore de retweets sur Twitter. L’utilisation du numérique, c’est une chose que le théâtre du Rond-Point a bien compris et a appliqué lors de sa présentation de saison 2013-20142. Pour cela, l’équipe de communication a fait le choix de créer une plateforme sur laquelle chacun avait la possibilité de suivre la présentation de saison en direct et de réagir pendant la soirée. Cette plateforme a également permis de rassembler tous les échanges qui

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Anne LE GALL, Chargé de communication au Théâtre du Rond Point, entretien réalisé le 16 avril 2013 Idem

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ont eu lieu lors de la soirée mais aussi d’en garder une trace. Toutefois créer une plateforme ne suffit pas. Afin que chacun contribue à l’événement il est impératif de faire circuler l’information en amont grâce notamment aux réseaux sociaux et newsletters. Pour cette soirée, le Théâtre du Rond-Point a invité six personnes en salle qui avaient pour mission de relayer l’événement en direct sur Twitter. Grâce au système de mot-dièse, Twitter permet de créer un véritable flux d’information et qui plus est facile à suivre. Ainsi les utilisateurs de Twitter pouvaient partager leurs impressions et communiquer entre eux en insérant #TRPlive dans leurs tweets. Au total 45 personnes ont contribué à cette présentation de saison numérique1. On remarque alors le réel potentiel des réseaux pour créer une relation avec son public. Le Théâtre du Rond-Point fait ici figure de précurseur quant à son utilisation du numérique. Il est en mesure de trouver l’utilisation adéquate de chaque réseau social mais aussi de trouver une complémentarité en eux. D’autres structures n’utilisent pas encore ces outils au maximum de leur capacité2. Le Théâtre du Rond-Point prouve son avance par cette soirée mais également avec sa revue collaborative ventscontraires.net où chacun, public ou non du théâtre, est libre de devenir contributeur et ainsi créé un contenu frais3. De cette façon le théâtre laisse la parole aux internautes venant de milieux variés et ne profite pas d’une communication promotionnelle de sa programmation. Le point de vue est celui d’une personne extérieure au théâtre. Cela lui donne ainsi une image plus humaine malgré une interface numérique. Le

Théâtre

de

l’Athénée-Louis

Jouvet

prouve

parfaitement

la

possibilité

d’humanisation du théâtre par l’utilisation d’outils numériques, notamment en mettant en scène l’équipe sur les réseaux sociaux. Ces publications, nommées les « 1/4h glam » présente avec humour la programmation du théâtre4. Cette façon décalée de communiquer à travers les réseaux sociaux casse l’image élitisme des théâtres et les rend plus accessibles. Le public peut s’imaginer qu’il a ainsi une relation amicale avec le théâtre. Le blog du Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet revendique cette

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http://storify.com/RondPointParis/le-live-2013-2014-du-rond-point Benoît ANDRÉ, Secrétaire général et conseiller à la programmation au Théâtre National de Chaillot, échange réalisé le 23 avril 2013 3 Anne LE GALL, Chargé de communication au Théâtre du Rond Point, entretien réalisé le 16 avril 2013 4 https://www.facebook.com/theatreathenee?fref=ts 2

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ambition. Le but est de créer un lien entre l'Athénée et son public, et surtout de diminuer l'intimidation, de rendre le théâtre accessible, de montrer ses secrets, de le désacraliser en quelque sorte. Chaque article est écrit comme s’il s'adressait à une personne qui n'est encore jamais venue au théâtre, à la fois pour lui donner envie, lui donner quelques outils de compréhension, lui montrer que ce n'est pas un univers si éloigné du sien1. Malheureusement, même en faisant attention, certaines références employées par des théâtre peuvent paraître évidentes à leur yeux mais pas toujours 2

à ceux du public . Ce lien peut alors être facile à briser sans même que cela soit volontaire. Il suffit de ne pas utiliser le bon ton, ne de pas choisir les bonnes illustrations pour perdre son public numérique. Les outils numériques ont un fort pouvoir permettant de créer une relation particulière avec son public. Toutefois, comme le souligne Clémence Hérout, responsable du blog du Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, avant que naisse cette relation le public doit s’inscrire sur ces outils de communication numérique qu’il s’agisse d’application mobile, de blog, de page Facebook ou compte Twitter, il faut alors qu’il soit intéressé par le théâtre. « Ces outils ne peuvent donc pas être, à mon sens, les premiers utilisés pour amener les gens au théâtre. Cependant, ils peuvent servir de relais une fois l'intérêt suscité, car ils sont gratuits pour ses lecteurs et peu contraignant en terme d'usage. »3

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Clémence HÉROUT, responsable du blog du Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, échange réalisé le 24 avril 2013 2 Clémence HÉROUT, responsable du blog du Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, échange réalisé le 24 avril 2013 3 Idem

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3.2 - Le paradoxe du numérique dans les théâtres Internet permet d’avoir un accès plus rapide et facile aux informations et de pouvoir se vouer plus aisément à des pratiques culturelles1. La consommation est florissante grâce à Internet, en effet, les ventes en ligne sont efficaces, sans contraintes de temps et de déplacement. Il est si simple de commander sa place de spectacle par Internet de l’imprimer de chez soi pour ensuite, venir simplement au Théâtre et s’asseoir à la place réservée en amont. Le web 2.0 appelé aussi « le web social » adopte la notion de partage et d’échange entre les internautes. Des communautés se créent, des groupes des opinions circulent, ainsi Internet devient une aubaine pour valoriser et dynamiser sa marque, son entreprise auprès des individus connectés. Toute cette floraison numérique s’est aussi imposée pour la culture. Le Théâtre utilise les nombreux outils numériques mis à disposition (site Internet, réseaux sociaux, chaîne Dailymotion/Youtube…) et travaille pour promouvoir le lieu et sa programmation. Cependant, le numérique n’arrive pas à prendre un véritable essor comme dans d’autres domaines culturels tels que le cinéma ou les musées qui développent énormément ces outils. Le numérique n’a alors pas une place primordiale dans un Théâtre.

3.2.1 – Trouver une place pour le numérique dans un théâtre Le numérique n’adopte pas une place privilégiée dans les outils déployés par les départements de la communication et des relations avec les publics dans les Théâtres. Deux raisons principales en expliquent la cause. Tout d’abord celle du budget, depuis 2013 il note une baisse de -2% par rapport à 2012 2 , obligeant nombreux lieux culturels à repenser leurs dépenses. Ainsi, le département de communication doit revoir ses priorités, et juger quels sont les outils qu’elle doit utiliser pour promouvoir la programmation de l’année en cours. Le budget de la communication est alors priorisé pour des outils de communication « classiques » comme des dépliants, les programmes, les brochures. Ensuite, les outils numériques tels le site Internet, les réseaux sociaux sont aussi comptés dans ce budget mais il

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PFLIEGER, Sylvie, 2011, page 23 http://www.culturecommunication.gouv.fr/Actualites/A-la-une/Budget-les-chiffres-cles-pour-2013

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en devient plus difficile lorsqu’ils souhaitent développer d’autres outils comme par exemple une application qui nécessite des coûts supplémentaires et peu économes. Le Théâtre du Rond-Point a développé, en plus, des outils classiques aussi bien en online qu’en offline un blog appelé Vents Contraires. Ce blog nécessite une mise à jour quotidienne et une animation régulière afin de continuer à le faire vivre et surtout accroître son succès. Ainsi, le blog demande un investissement aussi bien financier que temporel1. Le temps est la deuxième cause du manque de développement des outils numériques. Promouvoir la programmation d’un Théâtre sur une année, inciter le public à venir, développer des nouveaux projets, des nouveaux partenariats, créer et gérer les supports de communication du lieu. Toute cette liste, non exhaustive, prouve l’implication des Théâtres pour réussir à faire vivre le lieu, lui donner une force, une ampleur, une âme à part entière. Cette implication prouve aussi le manque de temps auquel souffrent les départements de communication des Théâtres. Beaucoup apprécieraient pouvoir développer des nouveaux outils de communication online, tel le Théâtre du Rond-Point, seulement, sans ressources humaines et temporelles supplémentaires, les outils ne se voient pas développer2. De plus, avoir un outil pour paraître dans l’ère du numérique n’est guère intéressant s’il est mal développé. Il faut alors rester cohérent avec ce qui peut se créer et les moyens dont disposent les départements de communication des Théâtres. Afin de garantir cette logique de communication et donc de rester cohérent dans ses supports, le département de communication choisit d’utiliser des outils plus classiques afin de promouvoir les spectacles du lieu. Les actions culturelles sont aussi promues mais dans un but plus informatif afin de susciter l’intérêt du public à participer aux différentes actions. Le département des relations avec le public s’occupe ensuite d’actions plus ciblées pour leurs publics et c’est eux-mêmes qui communiquent auprès d’eux afin de garder une relation humaine et non remplacer par le numérique qui pourrait dénaturer le but principal de ces actions, celui de créer un lien.

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Anne LE GALL, Chargé de communication au Théâtre du Rond Point, entretien réalisé le 16 avril 2013 Idem

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Le numérique est certes un moyen de contacter rapidement des potentiels spectateurs, tout en permettant une diffusion de l’information rapide et la vente en ligne retire petit à petit la problématique que connaissait le théâtre, celle d’être une sortie difficile à organiser. Mais le numérique ne remplacera pas le support papier. En effet, celui-ci est un vecteur de communication ancré dans la culture française. Le support papier est, notamment pour un théâtre, une base qu’il serait difficile d’effacer. Depuis longtemps, de nombreux supports sont en libre service dans les théâtres tels les brochures de présentation de saison, les programmes distribués avant un spectacle. Ils sont aussi envoyés aux spectateurs souhaitant le recevoir chaque année. Ainsi, cela créé une relation entre le spectateur et le théâtre, il détient un support qui lui est spécialement envoyé et ainsi il peut continuer à fréquenter d’une année sur l’autre le Théâtre. Ceci renvoi aussi à l’idée de fidélisation des spectateurs auprès du théâtre. En effet, le Théâtre suscite l’intérêt du spectateur à revenir voir des spectacles en l’informant. Ceci le dénaturait s’il devait se connecter sur le site Internet pour découvrir la nouvelle programmation. De plus, le support des Théâtres détient une esthétique qui n’est pas négligeable pour mettre en valeur les spectacles de la saison, de part, les visuels, les textes, la mise en page, les couleurs, le type de papier… Ainsi, Internet peut faire perdre en valeur ce que les théâtres développent depuis de longues années. C’est une sorte de coutume, un rituel tel la distribution du programme en salle, qu’il est difficile de déloger et dont il ne semble pas avoir une véritable cohérence. De plus, les outils numériques peuvent être mal perçus par les spectateurs qui n’ont pas d’affinités avec le numérique et peuvent les trouver contraignants car ils modifient leur mode d’information et de réservation1. De ce fait, le numérique est peu utilisé pour des raisons temporelles et budgétaires mais aussi pour rester en cohérence avec les habitudes et proposer des supports de communication adaptés. Par exemple, la programmation de saison est en brochure et relayée sur le site Internet. Les réseaux sociaux diffusent aussi l’information et peuvent aussi permettre de parler de sujets autres que la programmation tels que la présentation d’une équipe du théâtre. Les blogs peuvent aussi permettent de diffuser

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Benoît ANDRÉ, Secrétaire général et conseiller à la programmation au Théâtre National de Chaillot, échange réalisé le 23 avril 2013

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des billets d’humeur, montrer l’envers du décor d’un Théâtre (l’exemple du Théâtre de l’Athénée 1 ). Ou bien donner la parole à des spectateurs ou des internautes lambda tel le blog du Théâtre du Rond-Point Vents Contraires. Le numérique est un outil relai pour communiquer sur les spectacles de la saison en cours, qui en premier lieu font part d’une communication print classique. Il peut aussi s’avérer être l’outil principal pour la communication autour d’actions culturelles organisées. Par exemple, pour le Théâtre National de Chaillot, le numérique est utilisé pour mettre en avant les actions périphériques telles que L’Art d’être spectateur, les ateliers, les projets amateurs, les résidences d’artistes2. Quant aux relations avec les publics, le travail est différent de la communication. Bien évidement, elles peuvent mettre en avant l’ouverture du Théâtre, donner une image ouverte et accessible mais il en convient que la relation doit passer par la rencontre entre le public, ses relais et le chargé des relations avec le public. Cependant, dans ce cas présent, le numérique est cependant utilisé pour le département des relations avec le public, en étroite relation avec le département de la communication sur les moyens à déployer pour pouvoir inciter le public à venir voir un spectacle qui rencontre des difficultés pour remplir la salle. Ainsi, une stratégie sera pensée pour connaître les individus qui seraient susceptibles de venir au spectacle et de quelles manières faut-il leur communiquer l’information. Par exemple, par newsletter afin de diffuser l’information, ou bien par e-mailing… Le numérique explore des ressources qui sont simples et réactives. Ainsi elles permettent sans contraintes temporelles de lancer une action de communication afin de promouvoir un spectacle. Car rappelons que les Théâtres ont un enjeu permanent, celui de remplir les salles et de développer des publics variés. Malgré une implication certaine du numérique dans les Théâtres, ces outils doivent être utilisés dans une cohérence reliant la communication sur les spectacles, les actions culturelles engagées mais aussi continuer à être en étroite relation avec le département des relations avec le public. En effet, les outils numériques peuvent se montrer désuets pour le théâtre, ils peuvent ne pas avoir d’utilité pour le lieu. Par

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Clémence HÉROUT, responsable du blog du Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, échange réalisé le 24 avril 2013 2 Benoît ANDRÉ, Secrétaire général et conseiller à la programmation au Théâtre National de Chaillot, échange réalisé le 23 avril 2013

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exemple, créer une application pour un théâtre dans lequel il n’y aurait aucune plusvalue pour celui-ci, le détendeur aurait seulement le choix de voir quel est le spectacle en cours et à quelle heure il doit être présent au théâtre pour venir voir la représentation. Ainsi, créer une telle application sans réelle originalité et dynamisme ne répond guère à un objectif de communication qui serait de valoriser le lieu et son interactivité avec les spectateurs. Il ne faut pas entrer dans la quête des outils numériques pour répondre à un effet de mode. Ceci peut donner une vitrine d’outils qui n’ont que peu d’intérêt et qui perdrait rapidement de leur valeur. Le lieu peut alors adopter une image d’une structure qui ne sait gérer ces outils. C’est avant tout une réflexion sur le besoin du théâtre et sa mise en avant de sa programmation et ses diverses actions. Les actions culturelles, ne sont d’ailleurs pas fortement mises en valeur sur tous les supports de communication, la priorité étant la programmation. Cependant, les deux départements peuvent se concerter afin d’identifier quels sont les spectacles pour lesquels des nouvelles actions de communication sont nécessaires. Le numérique a l’avantage de pouvoir créer des actions rapides, dans un temps restreint. Ainsi le département des relations publiques peut relayer l’information dans une newsletter. Elles peuvent être relayées sur les réseaux sociaux afin de répondre à l’idée de groupe, de communauté qu’elles font émerger. Cibler Ainsi, les internautes pourront voir quelles actions ont été réalisées, dans quel contexte et quelles ont été les retombées. Des photos et des vidéos sont la démonstration même de la manifestation et sont très appréciées des internautes. De plus, le numérique cible plus largement le public, en permettant de voir quelle tranche d’âge du public est plus friands de ces nouveaux outils. Ainsi, le print et Internet pourront être utilisés à bon escient afin de ne perdre aucune personne lors de leur diffusion. Par exemple, le numérique attire les tranches d’âges plus jeunes du public, qui sont une génération native, vivant dans cette floraison digitale et qui peut les toucher. De ce fait, le numérique même utilisé par le département des relations avec les publics est développé dans un esprit communicant. La promotion des spectacles mais aussi des actions ponctuelles pour permettre de remplir les objectifs de fréquentation du théâtre. Ainsi, le chargé des relations avec les publics n’entre pas en contact et n’entretient pas les relations grâce au numérique. Cet outil n’est pas utile pour contacter les différents publics, cela ferait perdre de la valeur à la relation - 63 -


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humaine qui s’installe entre le public et le théâtre. C’est un lieu avant tout vivant, où différents individus s’y rencontrent. Ainsi, le numérique peut être utilisé en matière de communication dans un esprit de promotion du lieu, pratiqué notamment dans les musées qui permettent une facilité de la visite de l’exposition. Cependant, le théâtre a des principes qu’il n’est pas possible de déloger et dont une pale copie des outils numériques avec les autres domaines culturels, ferait perdre toute cohérence avec l’esprit du théâtre. Il faut alors penser promotion, mise en avant du lieu. Réfléchir à la manière dont le lieu peut mettre en avant ses spectacles, la vie du théâtre aussi. Le numérique peut aider à bâtir une nouvelle communication mais peut-être faudrait-il la penser sur des points précis, comme la création d’un blog permettant de donner une vision autre celle de l’arrière scène1. Le référencement est aussi à penser car il permet de privilégier la première place pour le théâtre sur les moteurs de recherche et ainsi faciliter la recherche pour les internautes2. Le numérique doit alors être pensé comme une stratégie à part entière pour les théâtres. Quels sont les outils adéquats à utiliser pour une mise en avant optimale du théâtre et de sa programmation. Quelles sont les raisons pour lesquelles ces outils sont-ils utilisés, donner une nouvelle image au Théâtre, souligner son ouverture, le ton à adopter.

3.2.2 – Considérer le numérique comme un média d’avenir Le numérique, encore peu développé dans les théâtres est mis à part pour relayer les informations de la programmation et des actions ponctuelles, détient un potentiel pour être développé. En effet, son dynamisme, sa variété et sa simplicité peut permettre en plus de promouvoir, de donner un tout nouvel aspect au théâtre. Le numérique dispose de nombreux outils, donc la plupart sont fortement utilisés par les théâtres et donc sont jugés importants quant à leur efficacité et leur réactivité.

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Clémence HÉROUT, responsable du blog du Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, échange réalisé le 24 avril 2013 2 Anne LE GALL, Chargé de communication au Théâtre du Rond Point, entretien réalisé le 16 avril 2013

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Tout d’abord, les sites Internet correspondent à la vitrine interactive des activités du théâtre qui grâce aux vidéos et photos insérées sur de nombreux sites, le contenu se voit alors enrichi1. Ainsi le site Internet offre à l’internaute du contenu dont il peut avoir accès librement et se rendre compte de l’activité du théâtre avant de s’y rendre. Le relai des informations se fait alors naturellement et rapidement. Les newsletters sont aussi des outils fortement utilisés puisqu’elles permettent de centrer l’actualité du mois avec les spectacles en cours et aussi avec une mise en avant des spectacles pour lesquels le remplissage est difficile. Elles sont aussi le moyen de valoriser des outils multimédias tels que les vidéos et photos mettant en avant des spectacles ou bien des événements organisés par le théâtre. Ces outils donnent un véritable dynamisme dans la newsletter, celle-ci n’est plus statique. Le numérique impose une instantanéité dans la publication des contenus. Les internautes, spectateurs habituels ou non, peuvent avoir des informations dites « chaudes », sur le vif et ainsi suivent facilement les nouveautés et les projets sur lesquels travaille le théâtre. Bien plus dynamique qu’un envoi classique d’un support papier dont la plupart ne sont plus lus depuis l’arrivée d’Internet. Aujourd’hui, Internet est fortement utilisé, que ce soit de l’ordre de l’information ou bien de la réservation, il devient un support primordial pour faciliter notamment les pratiques culturelles des individus. La billetterie en ligne devient alors une aubaine pour les Internautes. Rappelons que 40 % des Internautes disent acheter en ligne leur billet de spectacle2. Le numérique est aussi un outil de service dont les billetteries des théâtres se rendent bien compte. « Il est en outre un outil au service de la billetterie dont l'importance s'affirme un peu plus chaque année au détriment des modes de réservation classiques (billetterie physique, téléphone, courrier). » 3

Ainsi, le numérique commence son apogée en remplaçant des services dont les modes étaient à la base, installés sur du relationnel. Mais cela n’en est pas pour autant si péjoratif, en effet, le numérique peut aussi faciliter l’accès à la culture.

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Benoît ANDRÉ, Secrétaire général et conseiller à la programmation au Théâtre National de Chaillot, échange réalisé le 23 avril 2013 2 Maresca, 2006, in PFLIEGER, Sylvie, 2011, page 22 3 Benoît ANDRÉ, Secrétaire général et conseiller à la programmation au Théâtre National de Chaillot, échange réalisé le 23 avril 2013

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Rappelons que la sortie au théâtre constitue l’une des sorties théâtrales les plus difficile quant à son organisation. Elle demande du temps, de la recherche et lorsque les spectateurs doivent se montrer ponctuels et en arrivant sur place les aléas du placement sont de mises. Grâce à Internet, l’internaute peut avoir en quelques clics l’information complète sur le spectacle (résumé du spectacle, horaire, prix, critique, distribution) puis il réserve sa place, qu’il peut éventuellement choisir grâce à un plan interactif. Le règlement fait, il peut retirer ses billets sur place ou bien les imprimer à son domicile. Ainsi, il a pu en l’espace de très peu de temps réserver un spectacle sans contrainte particulière. Le numérique peut alors abattre les barrières élevées depuis longtemps et retirer doucement les freins qui empêchaient nombreuses personnes à fréquenter un théâtre. Le multimédia est aussi une occasion de mettre en avant un spectacle et aider dans la décision de réservation. En effet, l’internaute peut voir, comme une bande annonce d’un film, les images clés du spectacle et ainsi vouloir aller à la représentation. Rappelons aussi que le théâtre a souvent été critiqué comme étant un domaine dont l’information était peu disponible, difficile à trouver mise à part dans des magazines dont la critique demandait parfois un certain savoir culturel pour comprendre les pensées du journaliste. De ce fait, Internet brise ces critiques longtemps dites à propos du théâtre et offre un nouveau moyen de revêtir une image plus accessible et ouverte à tous les publics en donnant toutes les informations dont ils ont besoin pour pouvoir se décider à venir voir une pièce de théâtre ou de danse. Cependant, le numérique ne remplace pas le département des relations avec le public, dont le travail considérable ne peut s’effacer avec l’engouement du numérique. C’est plutôt une autre manière d’ajuster les moyens dont dispose le département de communication et le département des relations avec le public pour pouvoir promouvoir au mieux la programmation de saison. Le département de relation avec le public a une valeur dont il ne serait possible de retirer, celle de la relation humaine qu’elle créée avec le public. Les actions culturelles engagées auprès des différents publics ne peuvent s’organiser de manière interactive, il doit y avoir une rencontre, un lien qui doit se créer. Internet est alors utile pour continuer à construire son parcours du spectateur notamment pour ces publics qui ont, après avoir participé à ces actions culturelles, le désir de découvrir d’autres spectacles en navigant sur le site ou bien en regardant les diverses critiques qu’ils peut y avoir sur

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des sites relais ou bien les réseaux sociaux. Ils pourront ainsi venir plus fréquemment au théâtre, en continuant à avoir leur référence pour détenir des conseils sur les spectacles qui sont susceptibles de les intéresser. L’échange est une notion importante dans la culture. Le partage d’un coup de cœur, l’échange de recommandations des lieux incontournables avec une belle programmation. Le numérique installe des sites relais qui reprennent les spectacles de chaque théâtre souhaitant diffuser leurs spectacles en cours. Ainsi ils donnent toutes les informations nécessaires avec les critiques des internautes pour promouvoir le spectacle. Le spectateur potentiel peut alors suivre les conseils des internautes ayant vu la pièce et réserver ou non le spectacle. Ceci est une sorte de guide pour permettre à des internautes de faire le premier pas, pour aller voir un spectacle. Il découvrira par la suite le lieu, l’ambiance, la programmation, les actions culturelles organisées et peut alors revenir de manière moins ponctuelle mais plus habituelle. Les réseaux sociaux constituent aussi une source d’échange et de partage. Les pages des théâtres relayent les informations sur les spectacles en cours, ils postent des vidéos et des photos et mettent en avant les événements organisés au cours de la saison. Par exemple, le Théâtre National de Chaillot met en avant sur sa page Facebook, les projets des artistes avec la création du chorégraphe en résidence, les étapes de création et les répétitions. Ou bien les projets ciblant une tranche d’âge plus jeune avec notamment le projet Danse en amateur1. L’interaction est alors le mot d’ordre du web 2.0, le partage d’informations, de données, de savoir, de culture sont des ressources qui circulent de plus en plus rapidement et qui sont des sources incontestables à utiliser pour les théâtres. Puisque ces différentes plateformes permettent une communication entre les internautes mais aussi, avec l’équipe du théâtre grâce aux réseaux sociaux. De ce fait, les théâtres pourraient-ils installer des plateformes interactives qui permettraient de dialoguer entre le théâtre et le public pour répondre avec réactivité et efficacité sur les diverses questions qu’il peut se poser. Ceci ne contraint pas la relation que peut s’installer entre les personnes du théâtre et le public puisqu’une personne référent peut tout à fait communiquer auprès des internautes et répondre à leurs interrogations. La notion de référence est de pouvoir mettre un nom derrière cette digitalisation contourne le

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Benoît ANDRÉ, Secrétaire général et conseiller à la programmation au Théâtre National de Chaillot, échange réalisé le 23 avril 2013

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risque de perdre l’humanisation que peut avoir un lieu culturel. Si l’interaction peut devenir un objectif en soit, le théâtre est en plus d’une simple programmation, un lieu rempli d’histoire dont le public peut apprécier en connaître les secrets. Les outils cités précédemment tel le site Internet ou les réseaux sociaux sont des bases d’archives considérables pour donner les informations nécessaires sur l’historique du lieu. Par ailleurs, les lieux peuvent aussi fournir des données sur l’arrière scène, les coulisses du Théâtre. Ceci peut alors être référence aussi bien dans un blog tel le blog du Théâtre de l’Athénée Louis Jouvet donnant une vision différente du lieu. Le théâtre peut alors être dynamisé, avoir une réelle âme et grâce au numérique créer des projets bénéfiques aussi bien à l’image du théâtre qu’au public. Les grands travaux de la salle Gémier du Théâtre National de Chaillot est un exemple reflétant bien l’idée énoncée. Le projet est allé bien au delà des travaux de la salle. En effet, le Théâtre National de Chaillot a décidé de réaliser tout un programme numérique au regard des travaux. Ainsi, une visite guidée de la future salle Gémier sera possible, une fois les travaux finis afin de pouvoir constater de son évolution, de ses nouveautés. Cette visite ne sera pas développée à travers une simple visite guidée grâce à un diaporama d’images. Bien au contraire, le Théâtre National de Chaillot a su faire preuve d’innovation et répondre à l’engouement des nouvelles technologies. La réalité augmentée est utilisée pour pouvoir visiter la salle. Cette technologie de pointe est définit comme : « Une technique permettant d’insérer en temps réel un élément 2D ou 3D dans une image réelle. » 1 Elle sera aussi accompagnée de plans 3D pour avoir une vision à la limite du réel. Ainsi le public pourra se rendre compte grâce à une grande réalité des travaux entrepris dans la salle. Il pourra de plus, se sentir comme privilégié de découvrir cette salle avant qu’elle soit ouverte. C’est un avant-goût qui peut susciter l’envie d’aller la découvrir en vrai, d’aller voir un spectacle dans cette salle découverte

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http://www.definitions-marketing.com/Definition-Realite-augmentee

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quelques temps plus tôt devant son ordinateur. Ce grand projet numérique ouvrira des portes quant au développement des nouvelles technologies pour valoriser les actions du théâtre. De ce fait, le théâtre revêt une image à la fois dynamique, ludique et surtout accessible. Le théâtre est un lieu emprunt d’une grande histoire culturelle, historique et dispose de grandes ressources pour attirer tous les individus à venir fréquenter un théâtre. Aucun public n’est alors empêché, toutes les salles sont ouvertes et prêtes à accueillir.

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Conclusion

Les théâtres ne distinguent pas ses publics, le spectateur possible n’existe pas aux yeux des théâtres en raison de leur potentiel mais aussi de la mission des chargés des relations avec le public qui ont pour but d’éveiller ce potentiel. Ce terme est bien trop péjoratif puisqu’il les écarte de toutes pratiques culturelles en raison de leur faible capital culturel ou économique. Un terme bien plus positif tel que un spectateur possible est envisageable car il défend l’idée que le public constitue un ensemble dans lequel chacun a la capacité de venir au théâtre et d’apprécier une pièce. De ce fait, les actions sont créées sur mesure en fonction de chacun des publics qu’ils soient dit « empêchés » ou non. Grâce au département des relations avec le public, ils se sentent en confiance et ne ressentent pas de discrimination vis à vis des autres publics notamment grâce au mélange des différents publics dans la salle. L’objectif pour les chargés des relations avec le public est de mettre au même niveau d’importance chaque individu, aucun ne mérite qu’on ne s’occupe pas de lui. C’est pour cette raison qu’ils n’existent pas d’actions spécialisées pour un type de public. Les publics ne sont ni nommés, ni catégorisés. Les actions sont plutôt réfléchies en fonction des besoins d’un groupe et non en un type de public, d’où la notion d’action sur mesure. Ainsi les relais (particulier, association ou bien fondation) ont un réel pouvoir de ciblage des besoins et par conséquent des actions à mettre en place entre le théâtre et les publics. Le contact se fait toujours par l’intermédiaire d’un relai, que cela soit par un enseignant ou par un professionnel du champ social et constitue un lien primordial pour les deux parties. Sans ce relai, il est difficile d’imaginer la mise en place d’actions culturelles. Le chargé des relations avec le public a un rôle de médiateur culturel et le relai possède une compétence sociale non négligeable. Il est délicat pour le chargé des relations avec le public de rentrer en contact avec des publics dont il n’a pas connaissance sans l’aide et le soutien d’un relai. Ainsi, ce professionnel revête le rôle d’un interprète permettant l’échange entre le théâtre et un public possible.

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Un autre relai existe pour entrer en contact avec les publics, le numérique. Cependant il est utilisé par les théâtres comme une vitrine pour leur programmation. La force de relai du numérique n’est alors pas optimisée. Il demande un apport budgétaire supplémentaire ou lui allouer une part du budget déjà existant pour développer de nouveaux outils. Il requiert aussi un temps de travail supplémentaire dont beaucoup de département de communication ne dispose pas. Ainsi, il faudrait réfléchir à des créations de postes ce qui n’est pas toujours envisageable au vu des restrictions budgétaires de la culture ces deux dernières années. De plus, ces nouvelles technologies sollicitent des connaissances spécifiques notamment en terme de référencement ou langage HTML dont ne disposent pas toujours les chargés de communication. Le numérique est alors utilisé comme appui à la communication classique et est priorisé pour mettre en avant la programmation de saison d’un théâtre en dépit des actions culturelles engagées par les départements des relations avec le public. Afin d’être efficace une communication numérique ou print nécessite que le public ait connaissance du théâtre, de ce fait, ceci ne vise pas un nouveau public. A cela s’ajoute le fait que le public doit faire la démarche d’aimer la page Facebook, de suivre le théâtre sur Twitter, de télécharger l’application mobile ou bien d’aller tout simplement sur le site Internet, tout comme il doit faire une démarche pour obtenir une brochure papier sur la programmation de la saison. Le théâtre offre des outils et le public doit aller chercher ces outils mais si le public n’est pas sensibilisé au lieu, aucun contact ne se fera grâce à la communication réalisée par le théâtre. Malgré une certaine utilisation des outils numériques comme l’humour sur les réseaux sociaux ou la présentation des coulisses d’un théâtre, si le public ne connaît pas le théâtre et ne ressent pas l’intérêt particulier d’aller le fréquenter, il ne sera pas sensible à ces types de communication. Ainsi, le département des relations avec le public est le seul à avoir un réel pouvoir quant à la sensibilisation du spectateur possible. Il est celui qui créer une relation avec le public, imagine et conçoit ses futures pratiques culturelles en le guidant dans sa découverte du théâtre et dans son cheminement vers une pratique culturelle indépendante. Cependant, le département de communication dispose d’un fort pouvoir de visibilité mais aussi de valorisation de l’image du lieu que le département des relations avec le public ne dispose pas. Ainsi, il est primordial que ces deux départements cohabitent et mettent en lien leurs compétences, à savoir, la

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connaissance du public et l’image du lieu. Cette association est d’autant plus importante que le spectateur possible peut devenir un public d’avenir pour les théâtres. Ce public est un public curieux, désireux de découvrir de nouvelles cultures et de pouvoir fréquenter des lieux qu’ils pensaient élitistes. De plus, ils peuvent dans certains cas, combler les difficultés rencontrées par les théâtres dans le remplissage des salles. Grâce à ces sorties culturelles, ce public peut prendre conscience du plaisir d’aller au théâtre et devenir un véritable relai à son tour en vantant les mérites d’un spectacle et susciter aussi l’envie de son entourage d’aller le découvrir. Les théâtres sont les vecteurs des futures pratiques culturelles et permettent une évolution des publics. Ils ont un rôle d’éducation de ceux-ci et ils doivent être capables de mesurer leur potentiel en tant que spectateur.

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Bibliographie

Ouvrages CITTON, Yves, Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ? Editions Amsterdam, 2007, 368 pages DONNAT, Olivier, Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique, Éditons la Découverte, 2009, 282 pages FLEURY, Laurent, Le TNP de Vilar, Une expérience de démocratisation de la culture, Presse Universitaire de Rennes, 2006, 278 pages FLEURY, Laurent, La sociologie de la culture et des pratiques culturelles, Armand Colin, 2011, 120 pages MOLLARD, Claude, Le 5e pouvoir, La Culture et l’État de Malraux à Lang, Armand Colin 1999, 572 pages PFLIEGER, Sylvie, La culture. A quel prix ?, Ellipses, 2011, 192 pages POIRRIER, Philippe Politiques et pratiques de la culture, La documentation Française, 2010, 304 pages RICHEZ, Marion, Les défricheurs de la décentralisation théâtrale, Millénaire presse, 2006, 71 pages SAADA, Serge. Et si on partageait la culture, Éditions de l’attribut, 2012, 158 pages VILAR, Jean. Le théâtre, service public, Gallimard, 1986, 568 pages WALLACH, Jean-Claude. La culture, pour qui ? Essai sur les limites de la démocratisation culturelle, Éditions de l’attribut. 2009, 128 pages

Rapports et études

Culture et communication : un budget en hausse de 2,1%, Ministère de la Culture et de la Communication, 2010, 2 pages Culture pour tous, Colloque international sur la médiation culturelle Montréal – Décembre 2008, 88 pages

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Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet - 6 août 1982, 6 pages DEPS : chiffres clefs de la culture en 2011, Ministère de la Culture et de la Communication, 2012, 251 pages DEPS : Budget 2012 du ministère de la Culture et de la Communication, Ministère de la Culture et de la Communication, septembre 2011, 256 pages DEPS : Budget : les chiffres clés pour 2013, Ministère de la Culture et de la Communication, octobre 2012, 265 pages Guide de la réglementation des activités associatives occasionnelles, fiche spectacle vivant, 2005, 54 pages La démocratisation culturelle dans tous ses états, 28 avril 2011 - révisé juillet 2012, 26 pages Les maisons de la culture : au-delà de leur « échec », leur vraie réussite, Ministère de la Culture et de la Communication, 2001, 1 page Les politiques culturelles en France depuis 1945, Université de Rouen, 7 pages PASQUIER, Dominique, La sortie au Théâtre, Ministère de la Culture et de la Communication, 2013, 172 pages Projet « Culture et régions », Conseil de l’Europe présenté, Florence, 1987, 5 pages RIDEL BROUILLARD, Camille, Mémoire d’université sur la mission Vivre Ensemble, Sortir des sentiers battus, 2009, 33 pages

Sites Internet http://scenes-nationales.fr/les-scenes-nationales http://www.culture.gouv.fr/culture/historique/rubriques/43ans.pdfhttp://www.paris.fr http://www.universalis.fr http://www.culture.gouv.fr/culture/politique-culturelle/ville/mediation-culturelle/mn.pdf http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/culture/21072 http://scenes-nationales.fr http://www.villette.com/fr/mission-vivre-ensemble-2012-2013.htm http://www.fondationcultureetdiversite.org http://e-reputation.org

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http://storify.com/RondPointParis/le-live-2013-2014-du-rond-point https://www.facebook.com/theatreathenee?fref=ts http://www.culturecommunication.gouv.fr/Actualites/A-la-une/Budget-les-chiffres-clespour-2013 http://www.definitions-marketing.com/Definition-Realite-augmentee http://www.culturecommunication.gouv.fr/Actualites/Dossiers/Le-Tour-de-France-del-education-artistique-et-culturelle http://www.paris.fr/loisirs/lieux-de-spectacles/theatres/p589 http://www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/Theatre spectacles/Organismes/Theatres-Nationaux http://www.cnrtl.fr/definition/théâtre http://www.iabfrance.com/?go=edito&eid=365

Entretiens Laurent MASSONI, Responsable du développement des publics du Théâtre National de Chaillot, entretien réalisé le 7 mars 2013 Joëlle WATTEAU, Responsable des relations avec les publics du Théâtre du RondPoint, entretien réalisé le 9 avril 2013 Anne LE GALL, Chargé de communication au Théâtre du Rond Point, entretien réalisé le 16 avril 2013 Benoît ANDRÉ, Secrétaire général et conseiller à la programmation au Théâtre National de Chaillot, échange réalisé le 23 avril 2013 Clémence HÉROUT, responsable du blog du Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, échange réalisé le 24 avril 2013

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Annexes 01 | Rencontres avec des professionnels 01 | Laurent MASSONI, Responsable du Développement des publics au Théâtre National de Chaillot, entretien réalisé le 7 mars 2013 04 | Joëlle WATTEAU, Responsable des relations avec les publics au Théâtre du Rond-Point, entretien réalisé le 9 avril 2013 05 | Anne LE GALL, Chargée de la Communication au Théâtre du RondPoint, entretien réalisé le 16 avril 2013 07 | Benoît ANDRÉ, Secrétaire général et conseiller à la programmation au Théâtre National de Chaillot, échange réalisé le 23 avril 2013 11 | Clémence HÉROUT, Auteur du blog du Théâtre de l’Athénée, échange réalisé le 24 avril 2013

14 | Fiches de lecture 14 | Sociologie de la Culture et des Pratiques Culturelles Laurent Fleury 20 | Et si on partageait la culture ? Serge Saada 30 | La Culture. A quel prix? Sylvie Pflieger

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Rencontres avec des professionnels Laurent Massoni, Responsable du Développement des publics au Théâtre National de Chaillot, entretien réalisé le 7 avril 2013

La mise en place des actions Les actions sont mises en place grâce à la mission Vivre Ensemble (lancé en 2003 par Aillagon). Réflexion sur la prise de contact et la manière de travailler avec le public du champ social. 30 établissements sont inscris. Afin de travailler au mieux ces actions, 3 événements organisés avec les membres du bureau (6 membres) et les professionnels du champs social. Un forum dans lequel est invité tous les pros pour participer à des tables rondes. Chacun est alors libre de se rencontrer et partager des projets futurs Un pique-nique avec des visites organisées dans les différents lieux afin de se rendre compte des endroits qui seront présentés au public du champ social. Etablir et/ou mettre en avant différentes actions possibles dans chaque lieu. Mais aussi mettre en avant la possibilité de passer facilement d’un lieu à l’autre (ex : visite à Orsay l’après-midi puis spectacle à Chaillot le soir). Une rencontre avec une nouvelle fois les visites des lieux afin de construire un parcours. Ce sont les relais qui viennent à Chaillot en fonction de leurs besoins (apprendre le français, intégrer un groupe à la société…). Cependant une présentation de saison est prévue et adaptée aux relais du champ social soulignant les spectacles pouvant répondre à une demande. De plus certains metteurs en scène s’inspire de l’univers du public du champs social pour créer leur pièce (ex : Roméo et Juliette de David Bobee). Les relais rencontrés permettent de créer un lien avec le public « champ social ». Une charte a été créée dans laquelle est stipulée qu’il n’y a qu’un seul référent, afin de construire la sortie au cas par cas et de ne pas perturber le public. Il y a un véritable travail sur la pédagogie car le lieu est emprunt d’histoire. Une lettre est envoyée tous les 3 mois aux relais pour garder contact et mettre en avant les actions possibles à leur groupe. Choix des spectacles en fonction de l’accessibilité. Les spectacles populaires où le métissage est présent sont privilégiés par exemple Montalvo. Il doit y avoir une notion de plaisir dans cette sortie, un côté festif, qui répond à une demande. Il faut aussi réfléchir aux freins qu’imposent, les relais permettant de contacter ces publics (ne pas pouvoir fumer dans la salle peut être un frein). Le Théâtre National de Chaillot c’est 2/3 de danse et 1/3 théâtre, un dialogue doit

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s’installer sur des sujets contemporains, de modernité. De façon générale le public dit « empêché » est accueillant et toujours volontaire. Travailler avec eux devient alors plus simple qu’il n’y paraît. Rencontre sur le terrain afin de créer un lien, après avoir rencontré en amont le relai qui a déjà établi un projet. Le souhait final est de construire des bases afin que les groupes reviennent sans leur accompagnateur. Autre exemple : les bénéficiaires du RSA doivent suivre des modules métier. La culture y a une place importante. Une visite de Chaillot et une explication des différents métiers est alors possible. Certains projets, comme le FSE, cherchent à unir le public handicapé psychique et le public « normal ».

Communication et mise en valeur Par la mission Vivre ensemble, la presse. Peu de communication sur le site Internet, seulement un module. Explications succinctes des rencontres sur la plaquette de saison. Peut-être est-ce par pudeur, ne pas vouloir les distinguer des autres publics. Informations sur les réseaux sociaux mais de la part des relais. Chaillot communique uniquement par e-mail ou newsletter avec les relais du champ social. Outils de communications directs. Peu de communication grand public : peu de temps car plutôt mise en avant des spectacles. Ce sont principalement les relais qui communiquent sur les projets qu’ils réalisent avec Chaillot. Facebook et Twitter peu utilisés pour cause du droit à l’image, situation des personnes compliquée qui empêche la communication.

Financement de ces actions Développement du mécénat en faveur des actions culturelles Fond de dotation (gel des budgets) 7 entreprises y participent à l’heure actuelle. Mise en place l’an dernier. Subvention aident au développement des projets artistiques et non les actions publiques.

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Joëlle Watteau, Responsable des relations avec les publics au Théâtre du Rond-Point, entretien réalisé le 9 avril 2013

Le contemporain effraye. Tout un travail de lecture des textes afin de cibler le bon public pour le bon spectacle. Les étudiants sont attirés par les grands noms, ils vont voir ce qu’ils connaissent. Afin de commencer la vie de spectateur il faut voir ce qui est accessible, ce qui effraye moins le public. La phrase qui revient le plus couramment est « Ce n’est pas pour nous », les raisons sont dues au prix, à une culture pensée élitiste. L’image du théâtre est perçue comme ennuyeuse. Les rencontres sont organisées auprès des publics qui sont plus difficiles, il faut accompagner la sortie au théâtre. -

La prise de contact Recherche des enseignements Professeurs qui prennent contact

Par exemple Sainte dans l’incendie = contacter les UFR d’histoire médiévale. Ou bien, Atelier volant (contact des lycées car l’auteur est prévu dans le programme scolaire) + rencontre avec 250 élèves.

Notion de plaisir Il doit y avoir cette notion de plaisir lors de la venue dans un théâtre. Les enseignants viennent voir le spectacle avant, puis ils sont invités. Ils sont aussi invités pour la saison prochaine, s’ils ont vu au moins un spectacle avec leurs élèves. Il faut donner l’envie de renouveler l’expérience. Les relations publiques ont un véritable rôle de conseil et d’accompagnement. Il doit y avoir un échange. Les groupes sont dispersés dans la salle afin de les intégrer facilement aux autres spectateurs. Ils doivent avoir le même statut. Il faut déculpabiliser l’élève qui n’aime pas le théâtre. Il peut trouver un point d’accroche, que ce soit à travers la lumière, les costumes, la mise en scène, un comédien. Il n’y a pas de communication réalisée autour des rencontres. Un bilan est réalisé. Public empêché = terme non utilisé. Les publics forment un tout. Il faut bien les cibler et la manière dont ils peuvent aborder le théâtre. Le terme « empêché » peut donner l’idée d’un public empêcheur. Fondation culture et diversité. Des élèves de ZEP viennent à des ateliers et jouent une pièce de théâtre vers mai.

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

Anne Le Gall, Chargée de la Communication au Théâtre du RondPoint, entretien réalisé le 16 avril 2013 Rendre le théâtre accessible Cela passe par l’image du théâtre. Le théâtre utilise alors une communication joyeuse et décalée sur ses différents outils (brochure, site internet, Facebook, Twitter, Dailymotion, Instagram, Foursquare et Vents Contraires) Le théâtre offre également la possibilité de devenir chroniqueur de la revue. Cela incite à écrire et implique le public. Mais aussi des individus extérieurs au théâtre et son milieu puisque chacun est libre de s’y exprimer. Il y a également un travail de recherche de chroniqueur pour certains sujets. Sujets établis en fonction de la programmation. Avant de devenir chroniqueur, il faut que plusieurs billets soient validés et publiés sur la revue. Il y a donc un contrôle des publications. Cet outil permet d’avoir beaucoup de contenu en accès gratuit et véhicule une image accueillant et joviale du théâtre. Il peut servir à casser une image pouvant être trop élitiste. La communication se fait alors par le spectacle pour le spectateur. Contrairement aux autres outils de communication, la revue collaborative Ventes Contraires n’est pas promotionnelle.

Gérer ses outils numériques Les articles mis en ligne sur Vents Contraires sont les principales sources de publication sur les réseaux sociaux du théâtre. Cela s’explique par le fait que c’est la seule source permettant d’avoir un contenu d’information frais au quotidien. Le nombre de publications sur les réseaux est limité. 5 à 6 sur la page Facebook par jours dont 2 ou 3 sont des articles de la revue Vents Contraires. Les autres étant le plus souvent consacré à la programmation. Le théâtre a mis en place un partenariat avec le site d’hébergement vidéo Dailymotion permettant notamment d’habiller entièrement le site « aux couleurs » du Rond-Point aux moments clefs, comme le lancement de la saison. Pour la prochaine présentation de saison, le théâtre souhaite mettre en place un système de suivi en direct grâce au numérique. Cela passera par la création d’un Tumblr permettant de suivre le live mais aussi la création d’un mot-dièse pour Twitter. Ainsi les internautes pourront non seulement suivre la présentation de saison en direct mais aussi échanger avec l’équipe, entre eux et ainsi créer du contenu et augmenter la visibilité du théâtre sur internet. Cela permet également d’avoir un discours varier et extérieur au théâtre.

Améliorer ses outils numériques Il est important que les outils numériques soient toujours performants malgré le

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rapide progrès en matière de technologie. Toutefois cela implique des dépenses d’argent et de temps. Il n’y a pas de personne exclusivement dédiée à la communication numérique au théâtre. Chaque personne est alors contributeur de ses outils. Chaque personne prend alors du temps sur son travail pour alimenter ces outils. De plus il n’y a pas de budget réellement consacré à ses outils. Les dépenses qui leurs sont dédiées sont alors imputées sur le budget de communication. Le site internet du théâtre a été refondu en 2007. Depuis il connaît des « liftings » permettant de limiter les coûts tout en restant actuel et ergonomique. Le théâtre n’a pas d’application mobile. Ceci est un choix. Il n’est pas intéressant d’avoir un site vitrine, une brochure virtuelle, sur un smartphone aux yeux d’Anne Le Gall. Il est important de réfléchir au contenu d’une application avant sa création. Il faut estimer ce qu’elle peut apporter aux publics et comment en faire un réel support de communication. A l’heure actuelle, il serait plus judicieux de faire un travail de référencement du site internet afin de mieux apparaître sur le moteur de recherche. C’est le choix que ferait Anne Le Gall si elle avait à choisir avec la création d’une application. Ce référencement ne peut se faire pour le moment faute de temps et de budget.

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Benoît ANDRÉ, Secrétaire général et conseiller à la programmation au Théâtre National de Chaillot, échange réalisé le 23 avril 2013

Quelle place occupe le numérique dans vos outils de communication ? Quel pourcentage occupe le numérique sur le budget alloué à la communication ? Le numérique vient en appui de toutes les actions de communication mises en œuvre par le Théâtre National de Chaillot. Il est pour nous un outil relai pour communiquer sur les activités principales du TNC (programmation spectacles) qui font l'objet d'une communication print classique et il est l'outil principal de notre communication autour des actions périphériques : principalement l'Art d'être spectateur, ateliers, projets amateurs, résidence d'artistes,... Il est en outre un outil au service de la billetterie dont l'importance s'affirme un peu plus chaque année au détriment des modes de réservation classiques (billetterie physique, téléphone, courrier). Enfin, le numérique a d'ores et déjà supplanté le print pour la gestion du protocole ; sauf projets spécifiques et cartes de vœux annuelles, nous n'envoyons plus d'invitation papier mais tout est traité par le mail. L'impact budgétaire réel est difficile à évaluer car plusieurs salariés de différents services sont notamment amenés à nourrir les réseaux sociaux sans que nous ayons à ce stade une photographie précise du temps de travail concerné. Les frais liés à la gestion et l'évolution du site web pourraient être estimés à 1,6 % du budget communication.

Quels sont vos outils numériques et comment les utilisez-vous ? Le numérique se décline au Théâtre National de Chaillot en différents outils : site web, newsletters mensuelles et newsletters spécifiques, page et événements Facebook, Twitter, application iPhone. Nous abandonnons doucement les flashcodes dont l'impact semble très limité. Le site web : il est le reflet de l'ensemble des activités du théâtre avec un contenu enrichi de photos et de vidéos auxquelles le public n'aurait pas accès sans se déplacer au théâtre. Son contenu permet à l'internaute à la fois de se projeter sur l'ensemble de la saison en cours et de se tenir informé de l'actualité. Il est enfin un support de réservation. Nous n'avons pas à ce stade développé de base de dialogue interactive avec les spectateurs. Les Newsletters mensuelles : Elles sont centrées sur l'actualité du mois : mise en avant des spectacles phares ou des spectacles en difficulté en termes de remplissage, rappel des actions périphériques et annonce des éventuels changements dans la programmation. Elles sont aussi l'occasion de valoriser des supports (vidéos et photos) nouveaux, qui sont des éléments importants pour leur attractivité. Pour cela, un régisseur vidéo du Théâtre est régulièrement associé à leur élaboration par la réalisation de "spots" ou de brefs sujets vidéos consacrés à l'actualité.

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Les Newsletters spécifiques : Elles sont centrées sur une actualité précise et sont généralement adressées de manière sélective à un fichier de contacts identifiés pour leur "appétence" pour le sujet traité par la Newsletter. Là aussi, des supports nouveaux (évoqués ci-dessus) sont autant que possible utilisés. La page Facebook : Elle reprend l'essentiel des événements de l'actualité avec mise en avant du "spectacle de la semaine" en photo de paysage. A ce jour, les postes relaient cette actualité en mettant en avant les supports photos, audios et vidéos dont nous disposons ; nous proposons également des évènements pour relayer soit des projets structurants (création du chorégraphe permanent avec valorisation des étapes de création et de répétition) ou projet ciblant plus particulièrement une population jeune ou "communautaire" (à titre d'exemple le projet Danse en amateur et répertoire accueilli au mois de juin). La page Facebook est aussi le lieu de postes concernant l'histoire du théâtre avec la diffusion d'images d'archives choisies invitant à regarder différemment le théâtre et son environnement. Twitter : À ce stade, il est essentiellement un support relai des postes Facebook repris automatiquement. Ses spécificités sont sous-utilisées pour le moment. Invitations mails : le fichier protocole est sollicité par des invitations mails. Nous sommes sur le point de mettre en place un dispositif permettant la gestion numérique de leurs réponses, ce qui facilitera le travail répétitif de la personne en charge de ce dossier.

Pour quelle raison utilisez-vous le numérique ? La simplicité et la réactivité des outils numériques permettent de lancer une action de communication dans des délais très resserrés. C'est donc l'outil privilégié des spectacles et actions en difficulté. Les institutions culturelles ont un enjeu permanent de renouvellement des publics avec notamment comme objectif d'inviter un public jeune à fréquenter leurs activités. Enfin, les réseaux sociaux permettent une personnalisation et un ton du discours qui favorise l'appropriation du projet du théâtre par les internautes.

Quelle place occupe les actions menées par le département de relations avec le public sur vos outils numériques ? Ils occupent une place majeure puisque chaque contenu de Newsletters est élaboré en concertation étroite avec le service pour : -

Identifier les spectacles en difficulté Repérer les actions d'accompagnement qui doivent être relayés.

Comme évoqué plus haut, les supports numériques sont les principaux outils de communication mis à leur disposition pour relayer les actions nouvelles (non annoncées en print début de saison). Ils sont aussi des supports privilégiés pour les

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échanges en direction des réseaux des pratiques amateurs qui occupent une place non négligeable dans les projets portés par le TNC.

Pensez-vous que communiquer sur ces actions peut valoriser l'image du Théâtre National de Chaillot ? Pourquoi et comment ? Elles permettent sans aucun doute de valoriser l'image du théâtre pour une population jeune qui, soit ne fréquente pas les institutions culturelles, soit ne se tourne pas spontanément vers un théâtre comme le Théâtre National de Chaillot qui peut être vécu comme difficile d'accès (théâtre que beaucoup de parisiens connaissent mais sans savoir le situer géographiquement malgré sa situation exceptionnelle, situé de surcroit dans le 16e arrondissement considéré comme bourgeois, bâtiment impressionnant,... beaucoup d'éléments peuvent jouer en notre défaveur dans l'imaginaire de ceux qui n'ont jamais franchi les portes du théâtre). Ces outils par la diversité des supports possibles peuvent donner des clefs d'entrée à ces spectateurs et leur donner à voir ce qui se passe à l'intérieur de l'institution. En revanche, je ne pense pas que les outils numériques soient toujours bien perçus par des spectateurs plus traditionnels qui peuvent les recevoir comme des outils dévalorisants, surtout lorsqu'il s'avère que ces outils les « contraignent » progressivement à modifier leur mode d'information et de réservation.

Pensez-vous que les outils numériques peuvent faire venir de nouveaux spectateurs au théâtre ? La réponse est dans ma réponse précédente. Je pense en effet que via les réseaux sociaux notamment, il existe un vrai potentiel de rayonnement au-delà du public habituel du spectacle vivant en général donc une véritable opportunité de mobiliser de nouveaux spectateurs pour le théâtre, notamment parmi les publics jeunes.

Considérez-vous le numérique comme un outil d'avenir au sein de structure culturelle comme le Théâtre National de Chaillot ? La réponse est définitivement oui. Avec un principe de précaution : prendre le temps de mesurer la véritable utilité des nouvelles formules proposées et établir des règles d'utilisation suffisamment précises pour en pas utiliser les supports à tort et à travers. De ce point de vue, les flashcodes est un exemple des nouveaux supports "mode" pour lequel un engouement trop rapide est déceptif. Nous allons expérimenter prochainement des supports numériques héritant des techniques 3D et de réalité augmentée dans le cadre de la campagne de travaux qui sera menée au théâtre à partir de l'été 2013. Cette expérience attendue nous ouvrira probablement de nouvelles perspectives quant à l'utilisation du numérique pour la valorisation des activités du théâtre.

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Clémence Hérout, Auteur du blog du Théâtre de l’Athénée, échange réalisé le 24 avril 2013

Historique du blog Sous quelle initiative le blog de l’Athénée a t-il été créé ? L'Athénée, qui était plutôt en avance en matière de communication sur internet, a lancé en février 2008 un appel à projet pour un blog. La commande était très ouverte : il s'agissait de proposer un projet de blog pour la saison 2008-2009.

Comment avez-vous décidé de participer à ce projet ? J'avais fait un stage quelques années auparavant au Festival Paris Quartier d'Été, dirigé par Patrice Martinet, également directeur de l'Athénée. Comme j'avais rédigé de nombreux textes lors de ce stage, Patrice Martinet a pensé que le blog pourrait me convenir et m'a demandé de proposer un projet. À l'époque, j'étais encore étudiante, mais l'idée m'a vraiment séduite et j'ai essayé d'imaginer ce que pourrait être un blog de théâtre. Ce que j'ai proposé est très proche de ce qu'est devenu le blog par la suite.

Public – Blog Comment travaillez-vous vos articles, quelles sont vos références, les moyens de développer le blog ? Je viens beaucoup à l'Athénée pour observer ce qui se passe. J'écris ensuite mes articles à partir de ce que je vois ou entends, en essayant de trouver des angles d'approche renouvelés. Tout est donc sujet d'inspiration : les petites habitudes de l'équipe, l'auteur programmé, tel ou tel accessoire, le déroulement du montage technique, les affiches, le sujet abordé par la pièce.... Mon but, c'est de créer du lien entre l'Athénée et son public, et surtout de diminuer l'intimidation. J'essaie de rendre le théâtre accessible, de montrer ses petits secrets, de le désacraliser en quelque sorte. J'écris chaque article comme si je m'adressais à quelqu'un qui n'est jamais venu au théâtre, à la fois pour lui donner envie, lui donner quelques outils de compréhension, lui montrer que ce n'est pas un univers si éloigné du nôtre et qu'il est fait par des gens comme vous et moi.

Lorsque vous rédigez vos articles, vous adressez-vous exclusivement au public de l’Athénée ou à un public plus large ? (un public pouvant aller dans d’autres structures culturelles ou bien un public ne fréquentant pas les théâtres) ? Non, comme je l'ai expliqué dans ma réponse précédente, j'écris chaque article

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comme si je m'adressais à des gens qui ne sont jamais venus (ni à l'Athénée en particulier, ni au théâtre en général). Je cherche vraiment à lutter contre l'entre-soi, qui est très développé dans le milieu culturel. Mais je ne dis pas que j'y arrive : malheureusement, même en faisant attention, on emploie des références qui nous paraissent évidentes (et qui ne le sont pas), un ton particulier qui peut être excluant sans le vouloir... Je m'étais par exemple rendu compte en parlant de Tchekhov ou de Purcell sans les présenter qu'en fait, beaucoup de gens ne savent pas qui c'est ! C'est toujours difficile de trouver un équilibre pour s'adresser à tout le monde sans en perdre en route.

Le blog peut-il aider dans la promotion de la programmation du théâtre ? Ou bien est-ce plutôt un moyen de débattre avec le public autour des œuvres représentées ? C'est d'abord un outil de lien avec les spectateurs : il s'agit de créer du lien entre artistes, équipe du théâtre et public, d'humaniser la relation entre le théâtre et ceux qui le fréquentent. C'est aussi un outil pédagogique, qui vise à donner des clés aux lecteurs et à susciter leur curiosité. Par ricochet, cela devient un support de promotion du théâtre évidemment, puisqu'il rend compte tous les jours de l'actualité de l'Athénée à des milliers d'abonnés, mais ce n'est pas sa visée première ; j'évite en tout cas la publicité ou la communication frontale, qui n'est pas du tout l'esprit du projet (et si ça l'était, je pense que les spectateurs le liraient beaucoup moins). En revanche, je ne crois pas que cela soit un lieu de débat autour des œuvres représentées. Dans la mesure où je ne donne pas mon avis sur les spectacles et que je ne cherche pas à créer la polémique, j'ai très peu de réactions de lecteurs en ce sens.

Référence mémoire Notre mémoire porte sur le théâtre et les moyens mis en œuvre par le département des relations avec les publiques pour attirer les publics dit empêchés à venir voir une pièce. Pensez-vous que le blog peut susciter leur intérêt et leur donner l’envie de contacter le théâtre ? Oui, j'espère. En revanche, pour aller sur le blog, il faut déjà être intéressé par le théâtre (avoir fait une recherche sur le théâtre ou la musique dans Google et être tombé dessus dans les résultats de recherche, s'être renseigné sur l'Athénée, etc.). Le blog ne peut donc pas être, à mon sens, le premier outil utilisé pour amener les gens au théâtre. Cependant, il peut servir de relais une fois l'intérêt suscité chez quelqu'un, car il est gratuit pour ses lecteurs et peu contraignant en terme d'usage (il suffit de s'y inscrire pour recevoir les articles tous les jours dans sa boîte mail).

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Fiches de lecture Sociologie de la Culture et des Pratiques Culturelles Laurent Fleury

Compte rendu de l’ouvrage Ce livre cherche a expliqué une « triple métamorphose » des rapports à la culture. Les bouleversements des rapports que les individus entretiennent avec la culture, les bouleversements que l’État a établi dans son rapport à la démocratisation de la culture et le renouvellement des problématiques que les sociologues ont instauré à la question des pratiques culturelles. Laurent Fleury en tire trois idées principales. La première touche à ce qu’il nomme la « conception de la socialisation culturelle ». Il constate qu’il n’y a pas de liens simples et univoques entre les attitudes de l’enfance et les comportements adultes en matière de culture. Cela insiste à penser à la socialisation culturelle de façon complexe. En passant par les instances de la socialisation primaire que sont la famille, l’école ou les groupes de paires, ainsi que par les variations des processus de la socialisation secondaire comme les structures culturelles ou le processus d’individualisation. Alors même que la socialisation primaire s’avère structurante mais non déterminante de pratiques culturelles futures, elle ne peut apparaître ni nécessaire, ni suffisante. S’intéresser à la socialisation secondaire accentue l’idée que la socialisation culturelle reste « inachevée ». La seconde remarque porte sur la modestie que suppose la recherche en sociologie de la culture. Pour Laurent Fleury, la multiplication de travaux sur le sujet nécessite des exigences propres aux sciences sociales. Le « refus du monisme » qui consiste à récuser toute simplification dans la description des pratiques culturelles (ex : surestimation du critère scolaire). La « nécessaire élucidation de son propre rapport aux valeurs » articulée à une neutralité afin d’éviter les pièges du populisme. La compréhension sociologique est indispensable pour toute personne cherchant à comprendre le sens et la signification que les individus accordent à leurs sorties au musée, au théâtre ou dans leurs lecture. Elle permet également de découvrir que tout individu instaure, au cœur même de ses pratiques culturelles, un rapport à des valeurs parfois ultimes. La dernière remarque porte sur un point commun aux définitions anthropologiques et sociologiques de la culture, qui trop souvent restent opposées : « la fonction de symbolisation de la culture ». Elle permet de penser tout autant la reproduction que l’émancipation. Plutôt que de privilégier les dimensions purement reproductrices de la culture, on tirerait profit d’un déplacement de l’attention sociologique vers l’appropriation culturelle. C’est en ce sens que la culture peut être une clé à l’accès privilégié a toutes dimensions symboliques, puisque s’y joue la problématique de la distance à soi qui conditionne l’efficacité relative des symboles. La réorientation des problématiques et le programme d’une sociologie de la réception suggèrent que l’enjeu d’une sociologie de la culture tient également dans la compréhension des symboles de la vie en société. C’est en ce point que les développements les plus - 14 -


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élaborés de la recherche contemporaine peuvent explorer des voies encore inconnues, tout en renouant avec les questionnements fondateurs de la tradition sociologique.

Regard critique de l’ouvrage L’auteur a découpé le livre en cinq parties principales, chacune contenant des sousparties. La première partie sert d’amorce à la l’étude sociologique qui suivra dans le reste de l’ouvrage. Laurent Fleury y fait l’analyse de sociologue (Weber et Simmel), de différentes sociologies (École de Francfort, Cultural Studies), puis de l’institutionnalisation de la culture en France. Il met alors en place les bases de son ouvrage et de sa démarche d’analyse sociologique. Cette première partie, à la fois complexe et intéressante, est fondamentale quant à la suite du livre. Il met en avant les cultures « élitistes » en comparaison aux cultures populaires. Les quatre parties suivantes sont le cœur d’analyse de l’ouvrage. L’auteur commence par une analyse détaillée des publics de la culture. Cette analyse s’amorce par une description de publics différents : le public et de l’invention du « non-public ». De l’étude de ses deux publics découlera le terme de public au pluriel « les publics » de son analyse. Une fois faite on parle des publics et non du public de la culture. En effet, il paraît assez évident qu’il puisse exister plusieurs publics. Chacun n’ayant pas les même bagages culturels, ils ne seront pas public de la même façon. Parfois, certains individus ne seront pas public, exclus comme le défini le terme de « non-public ». Il s’agit là des non concernés. L’étude se veut alors plus poussée à travers différents mouvements sociologique (comparaison entre la « culture de l’écran » et la lecture de livre). Pour clore cette partie l’auteur analyse la capacité de chaque public à se créer un univers culturel et les classent dans sept univers culturels différents en fonction de leurs rapports à la culture (l’univers de l’exclusion, l’univers de dénuement, la culture juvénile, l’univers du « français moyen », l’univers des classiques, l’univers cultivé moderne et l’univers des « branché »). Cette classification permet de mieux comprendre les différents publics auxquels il est possible de faire face. Mais cette classification représente également l’échec de la démocratisation de la culture. Les exclus n’auront-ils jamais de pratiques culturelles ? Ne seront-ils jamais sensibles à l’art ? Ce que l’auteur ne met pas en avant ici est le fait que chaque individu peut avoir la possibilité de « migrer » d’un groupe à l’autre au fil de sa vie. Il en donne malgré tout les clefs dans la partie suivante de l’ouvrage mais n’explicitera jamais le fait. Laurent Fleury analyse ensuite comment l’on peut différencier les publics et les « mettre dans des cases ». C’est ce qui constitue sa troisième partie. Cette analyse se fait à travers la création des goûts de chacun à travers les instances primaires (écoles, famille, groupes de paires) et les instances secondaires (structurelle culturelles, individualisation). Si l’on revient à la partie précédente, on peut imaginer un changement d’univers culturel par le biais des instances secondaires de socialisation. Ce que l’auteur n’explique pas clairement une fois de plus. Des éléments autres que la socialisation primaire ont en effet le pouvoir de faire évoluer et / ou de modifier le cycle de socialisation. De nouvelles pratiques culturelles peuvent en découler.

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L’auteur évoque ensuite la notion d’habitus, qui est la deuxième variable analytique pour expliquer la détermination sociale du goût. L’habitus peut alors être générateur de pratiques sociales et culturelles. Les goûts de chacun, dans un contexte de pratiques culturelles, sont un élément central d’analyse à prendre en compte. Laurent Fleury fini cette partie en expliquant que les goûts manifestent d’une différence sociale et par conséquent qu’en fonction de ses goûts les publics n’ont pas les mêmes accès à la culture. Par exemple, aimer la danse peut inciter un individu à voir des spectacles. Mais les goûts se font et se défont au fil de la vie de chaque individu. C’est un élément supplémentaire mettant en avant qu’il n’est pas judicieux de classer les différents publics dans les groupes ou univers fermes et définitifs. S’ouvre alors la question de la démocratisation de la culture. Cette quatrième partie propose de complexifier le regard sur cette question car trop souvent jugée comme étant un échec. Pour commencer Laurent Fleury établit trois définitions de la démocratisation de la culture. Vu d’abord comme projets culturels, la démocratisation culturelle œuvre à la conversion du public en se donnant pour objectif de faire pratiquer au plus grand nombre la fréquentation et le culte des œuvres jugées légitimes. Cela permettrait donc à chacun d’avoir une même culture de base comme par exemple savoir que la Joconde a été dessinée par Léonard de Vinci. Le but final étant l’abolition de la frontière entre « culture partagée » et « culture d’élite » paraissant encore aujourd’hui comme utopique. La démocratisation de la culture peut également être entendu comme un processus historique c’est-à-dire comme une égalisation progressive d’une égalisation d’accès à la culture. Elle se définirait alors comme le produit d’un long mouvement suivant les traces de Victor Hugo, Firmin Gémier ou encore de Jean Vilar. Sous cet angle la démocratisation de la culture paraît encore bien loin, voir presque impossible à mettre en place. Vu comme une procédure technique, la démocratisation culturelle prend la forme d’une conception procédurale comme par exemple la décentralisation théâtrale permettant de recouvrir un maximum le territoire, de conquérir et de fidéliser un public de province. La Province étant depuis longtemps considérée comme un « désert culturel », étendre géographiquement l’accès à la culture ne pourra en effet ne la rendre que plus accessible. (Exemple récent du Louvre-Lens). Ces différents points de vue sont autant de moyens et de leviers pour rendre la démocratisation de la culture possible. Pourquoi alors, peut-on encore parler d’échec de la démocratisation culturelle ? Laurent Fleury montre alors, à contrario des idées reçues que la démocratisation de la culture a connu des espaces de réussites comme le montre les enquêtes s’intéressant aux institutions culturelles. Celles-ci constituent des lieux où s’expriment des identités collectives, des pratiques sociales et des façons de vivre des relations à l’art. Elles participent à rendre possible la réalisation de l’idéal démocratisation de la culture. Il prend pour exemple le TNP confié et dirigé par Jean Vilar ou encore le centre Pompidou comme étant de magnifiques contre-exemples au discours sur l’échec de la démocratisation. Les structures culturelles ont en effet

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un rôle important à jouer quant à la démocratisation de la culture de part la programmation mais aussi et surtout grâce aux relations d’accompagnement qu’elles entretiennent avec leurs publics. C’est par leurs actions que la culture peut se rendre accessible à tous. Laurent Fleury met ici le doigt sur un point essentiel de l’accès à la culture et à sa démocratisation. Elles ont le pouvoir d’intervenir dans la seconde instance de socialisation et peuvent rendre possible la création de nouveaux goûts, de nouvelles envies. Les structures culturelles sont de véritables leviers quant aux pratiques cultures des différents publics. La cinquième et dernière partie de l’ouvrage montre, à travers les sociétés contemporaines, la réorientation des problématiques et des objets. Laurent Fleury met en avant le fait que l’obtention d’un diplôme n’est pas le reflet des pratiques culturelles du diplômé. La principale préoccupation des jeunes diplômés dans la société actuelle est la recherche assidue d’un emploi au dépit des pratiques culturelles. De plus, l’augmentation de jeunes issus de milieux sociaux non familier avec la culture, atténue l’hypothèse d’une adéquation entre l’obtention d’un certain diplôme et un certain « capital culturel ». L’auteur parle de multiplication de « diplômés non cultivés ». On remarque également un affaiblissement de la croyance en la supériorité de principe de la haute culture. L’ouvrage de Laurent Fleury est construit de façon logique. La partie suivante expliquant ou enrichissant la précédente. Le livre montre également une réelle évolution partant de la sociologie culturelle et la société actuellement et les nombreux changements qu’elle a apporté à toutes les hypothèses émises jusqu’à aujourd’hui. Hypothèses voire préjugées dans certains cas.

Apport de l’ouvrage dans la recherche Cet ouvrage a permis dans un premier temps de distinguer les différents publics de la culture ainsi qu’à leur donner un nom. Cela nous permettra de savoir sur quel public nous souhaitons accentuer notre recherche. Il nous permet également de confirmer le fait, à travers les instances de socialisation secondaire, qu’un individu peut changer de « catégorie » de public. Nous pourrons alors établir des recherches plus approfondies sur ce principe de « migration des publics ». Les différentes définitions de la démocratisation culturelle sont également un élément clef de la recherche. Le mémoire s’orientant sur l’accessibilité à la culture pour tous, notamment auprès du « non-public ». Les contre-exemples de l’échec de la démocratisation culturelle montre que celle-ci est encore possible et que nos recherches sont tout à fait actuelles. Ils permettent également de nous donner des noms, comme Jean Vilar et son travail effectuer au TNC auprès de ses publics, sur lesquels baser et accentuer nos recherches. Ou encore des structures comme le centre Pompidou. La décentralisation de la culture ouvre également de nombreuses possibilités quant à une réalisation de la démocratisation de la culture. L’ouvrage dispose également d’une bibliographie très riches pouvant servir les recherches sur le mémoire.

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Et si on partageait la culture ? Serge Saada

Compte rendu du livre « Ce n’est pas pour moi ». Cette phrase est couramment entendue au sujet de la fréquentation des lieux culturels. En effet, ces lieux peuvent paraître tels des sanctuaires dans lesquels il faut connaître les codes, les rîtes afin de ne pas se sentir exclu ou identifié comme étant une personne non habituée. Cependant, cette habitude que souligne Serge Saada dans son essai sur la médiation culturelle et le potentiel du spectateur est une familiarité conçue grâce à des acquis tirés de la fréquentation répétée des lieux culturels. Les lieux culturels impliquent ainsi des codes pour les œuvres dans lesquels les publics peuvent se reconnaître ou non. Comment se repérer dans un lieu où les codes sont étrangers ? Comment faire pour ne pas se sentir comme un intrus à cause d’un mimétisme imposé par ces rîtes classiques du lieu culturel ? La société d’aujourd’hui fait émerger des bulles identitaires sans laisser cours au libre échange, à la circulation de la culture chez tel ou tel public. La barrière n’est pas seulement économique, elle est aussi symbolique. Le spectateur nouveau peut alors se sentir confus, être apeuré par les lieux se dotant d’une image sérieuse et spécialiste qui ne fait pas appel à ce type de public. La culture se vit alors comme une évidence, une révélation, idée chère à André Malraux. Pourtant l’auteur souligne avec humour, qu’un habitué du théâtre peut se sentir perdu dans un match de rugby et réciproquement. De ce fait, la culture intimide par manque de lisibilité, de contraintes de connaissances d’un lieu, d’une œuvre, d’un artiste. Mais ce « non public » appelé par l’auteur « spectateur potentiel » (un potentiel sommeille dans chaque spectateur), a la capacité de penser librement, de dire ce qu’il veut d’une œuvre en dehors des discours des spécialistes, des médias et de tout conformisme. Selon cette conception, le potentiel du spectateur n’est pas dans les connaissances d’un lieu, d’un auteur ou d’un texte mais plutôt dans sa liberté de penser, de partager, de découvrir et de vivre l’œuvre, tout simplement. Ainsi, la médiation est une action visant amener ces publics à se libérer, à discuter et exprimer leurs pensées autour de telle ou telle œuvre. Le spectateur doit se sentir concerné sans pour autant que le médiateur impose une interprétation, dépassant ainsi le simple « j’aime » ou j’aime pas ».

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Il y a aussi une notion de plaisir dans l’expérience et la découverte qui doit être ressenti, car il y autant de plaisir dans celui qui sait que dans celui qui découvre. Pour l’auteur, la médiation pousse aussi à créer un spectateur interprète, qui est celui qui ne juge pas d’emblée, qui va au-delà de ses références et de ses conventions et surtout de sa crainte d’avoir des propos naïfs ou hors sujet. Ainsi les barrières imposées par l’incompréhension ou la non légitimité de fréquenter un lieu sont bannies. Le médiateur accompagne, donne confiance, instaure un partage, une discussion en prenant en compte la culture et les univers de l’autre. Il ne doit pas essayer de réconcilier les publics avec l’œuvre, il n’est pas non plus présent pour combler un manque. Le médiateur part du principe qu’une œuvre d’art existe au moment où il créé une relation avec la personne se situant en face. Cependant, rien n’empêche ensuite le médiateur de donner des informations complémentaires et plus spécifiques sans les inscrire définitivement, comme une parole innée. Enfin, la médiation peut aussi entre dans le champ social avec des médiateurs externes aux lieux culturels qui vont emmener dans ces lieux les publics « isolés ». Cependant ces travailleurs sociaux sont mal formés et sont confrontés aux cultures des uns et des autres. L’association Culture du cœur offre la possibilité d’intervenir dans cette sphère sociale et d’offrir cette insertion dans cet espace si étroit entre culture et social, en offrant aussi des formations pour ces travailleurs sociaux. La culture est ainsi un pilier du fondement social en étant une arme contre l’exclusion.

Regard critique sur l’ouvrage L’auteur Serge Saada de par son expérience et de son analyse sur le terrain offre une vision étendue de la médiation culturelle et de sa pratique dans les structures. Dans son livre divisé en trois partie, l’auteur développe le thème de la médiation culturelle et du potentiel du spectateur en s’appuyant sur le spectacle vivant et plus particulièrement le théâtre. L’auteur adopte un positionnement assumé sans s’enfermer dans une démocratisation culturelle qui compte remplir au mieux les différentes salles de théâtre, sans prendre le temps d’analyser et de comprendre les différents publics. En première partie : vers un spectateur possible, l’auteur donne un aperçu des conditions du spectateur. Qui est t’il ? Comment fonctionne t’il ? Quelles sont ses peurs et ses craintes à fréquenter un lieu culturel surtout quand celui-ci n’est pas habitué ? Ces questions sont abordées en commençant par des témoignages d’un non habitué et d’un habitué. L’auteur souligne malicieusement qu’un habitué peut autant se

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perdre dans un match de sport car il n’a pas les codes appropriés et il n’a pas les règles en tête. Un non habitué au théâtre peut ressentir ce même égarement sans oser l’exprimer. Il est intéressant de constater que les personnes habituées ou non peuvent se perdre lorsqu’elles ne connaissent pas les codes de participation et ainsi ne voient pas l’intérêt de continuer à fréquenter ces types de lieux. Ainsi beaucoup de publics s’isolent en pensant que ce n’est pas pour eux, qu’ils n’ont aucune légitimité à aller fréquenter un lieu culturel. De plus, aujourd’hui, l’écoute est complètement différée avec l’apparition du numérique. On peut arrêter, revenir sur un passage qui nous plaît ou le répéter. Ces pratiques sont solitaires où aucun jugement n’est fait, la liberté est bien plus grande. Alors que le temps du spectacle vivant est une notion importante dans la construction d’une relation scène-salle, puisque l’artiste doit capter, même quelques secondes, le spectateur et réussir à lui faire ressentir une émotion, positive ou non. Cette activité n’est pas solitaire, elle implique un public assis ensemble dans une même salle. L’auteur nous pose ainsi une question « Le spectateur est-il encore prêt à prendre le temps de l’expérience ? » La notion d’expérience est alors abordée. En effet, le « non public » doit être accompagné afin d’établir un parcours, une relation avec l’artiste. L’auteur précise qu’il n’est pas possible de reprocher à l’artiste de construire son univers sans penser aux futurs publics car ceux-ci seraient divisés. C’est avant tout une rencontre qui doit être réalisée. Beaucoup d’artistes tendent de briser la frontière créée entre le public et eux, en imaginant de nouvelles formes d’accueil du public. Ces propos sont appuyés par des exemples concrets et vécus par l’auteur qui permettent ainsi de connaître les différentes manières de toucher le public. Par exemple : Le Grand Bal de la compagnie 26 000 couverts où le public est invité et ne sait en fin de compte plus qui est qui. Ou bien la compagnie Adrienne Larrue, qui accueille le public dès son arrivée dans le lieu de diffusion. Ou bien, assister à des répétitions comme le faisait Peter Brook avec des scolaires pour découvrir du Shakespeare. Ainsi le public découvre la manière dont est construire une pièce, avec ses moments d’hésitations, de doutes, de reconstructions de certains passages etc… On retrouve ici la notion de participation. L’auteur commence son essai en dessinant le portrait du public et ses premières attentes, permettant ainsi de connaître les pensées du public et pourquoi ces publics s’interdisent d’entrer dans un lieu culturel. Le manque de lisibilité de certains lieux ou bien le manque d’ouverture d’autres perpétuent l’installation de barrières pour ces publics. Il faut faire en sorte qu’ils deviennent des interprètes c’est-à-dire qu’ils osent exprimer des propos sans craindre d’être hors sujet. - 22 -


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Nous avons donc une première vision, qu’il est important de connaître afin de comprendre comment aborder la médiation culturelle en connaissant les désirs de ces publics et comment les toucher, les attirer. De plus, l’auteur retire dès ce premier chapitre les clichés couramment véhiculés, en pensant que ces publics n’ont aucune culture, qu’ils en manquent. Pourtant, ils en possèdent une puisque la culture « est partout », ils la créent. En conclusion, l’auteur pose la question du réveil des émotions qui peuvent être ressenties auprès des publics qui ne se doutent même pas que celles-ci peuvent somnoler en eux. Découle alors la seconde partie sur les principes de la médiation culturelle, qui est une suite logique après avoir compris quels types de publics sont analysés. Deuxième partie : Les enjeux de la médiation culturelle. La partie commence comme la première avec un témoignage. Celui d’une jeune médiatrice sortant tout juste de ses études et qui est embauchée dans un théâtre. Le témoignage comme dans la première partie, permet tout de suite de comprendre le vécu de la personne, en oubliant les propos scientifiques, ce qui donne un véritable aperçu de la situation actuelle, permettant avec pertinence de comprendre le sujet. Le témoignage aborde les différences de pensées autour de la médiation. En effet, certains pensent qu’elle sert à combler un manque, cependant le public visé doit être un minimum curieux. Alors que d’autres estiment que ces publics doivent être surtout écoutés, comprendre les barrages qu’ils se sont créés et pratiquer des rencontres, des ateliers autour des différents spectacles. Il faut trouver un point commun, un noyau d’ancrage créant ainsi une cohésion entre leurs pratiques culturelles, leurs attentes et la programmation du lieu. La médiation est basée sur des principes fondamentaux. Tout d’abord elle n’est pas mise en œuvre seulement autour d’un spectacle elle peut l’être aussi autour d’un lieu, pour appuyer ce propos l’auteur donne des exemples sur des structures, des pratiques qui permettent de décentraliser les lieux classiques afin de bannir les craintes que les publics peuvent avoir. Montrer le théâtre de manière plus simple, en créant des expériences, en attisant la curiosité du spectateur lambda. Par exemple : le théâtre d’appartement démocratise le théâtre, puisque des comédiens viennent interpréter une pièce dans une habitation privée. Ce qui permet d’avoir une approche simplifiée et de pouvoir voir le théâtre autrement sans contraintes de lieu, de temps, de compréhension. Autre exemple, des lieux atypiques qui exposent une histoire singulière permettant d’attirer les publics sur cet aspect. Par exemple : le Grand Parquet dans le 18e arrondissement est un lieu en perpétuel chantier avec l’administration et la billetterie situées dans une camionnette. La médiation est certes travaillée dans la programmation mais aussi elle est réalisée grâce au lieu, puisqu’il retire les barrières symboliques du théâtre classique et permet de découvrir de nouvelles formes artistiques dans un lieu insolite. - 23 -


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L’auteur démontre que la médiation n’est pas une action pour expliquer une œuvre et permettre aux publics de comprendre exactement ce qu’il fallait voir ou entendre. Il s’agit avant tout de raconter aux publics la genèse d’un spectacle. C’est avant tout une réflexion sur un travail artisanal qui peut constituer un véritable récit. Par exemple : la construction d’un spectacle de marionnettes peut prendre plusieurs années et ainsi constitue un récit passionnant avec des obstacles. C’est un partage, une discussion, un retour d’expérience sans raconter aux personnes qui n’ont pas vu le spectacle, ce qu’ils doivent voir. L’auteur rappelle ainsi un principe fondamental issu du rapport de Condorcet en 1792 sur l’organisation de l’instruction publique, posant la question d’une culture pour tous. La médiation culturelle ne doit pas être maitrisée afin de combler des manques ou bien en pensant qu’elle fournit une science nouvelle avec des protocoles imposés. La médiation est créée pour un enrichissement commun, sous les thèmes du partage et de la reconnaissance. Ce bien fondamental a été oublié aujourd’hui, celui de partage d’un art, la discussion faite autour de cet art. L’auteur expose ici les principes de la médiation et ses rôles. Les exemples précis expliquent que la médiation n’est pas présente pour combler un manque, pour faire comprendre au public isolé que c’est un besoin absolu pour eux. Au contraire, c’est avant tout une idée de découverte, de partage, d’expérience qui se construit autour d’un spectacle, dans son élaboration mais aussi sur un lieu, son histoire. L’idée de récit est dans cette partie la notion principale. La médiation construit un récit, c’est un voyage permettant une traversée vers de nouvelles contrées sans pour autant en faire oublier l’identité de l’individu. Cette seconde partie permet de comprendre les enjeux et les rôles de la médiation ayant à l’esprit grâce à la première partie les portraits des publics isolés, leurs désirs, leurs spécificités. C’est une suite logique qui est écrite qui lie parfaitement les notions apprises dans ces deux parties. L’auteur dans la troisième partie. La médiation dans le champ social écrit sur une notion importante : la culture lie le social. Cette fois-ci en parlant de l’association Culture de cœur dans laquelle il travaille. Cette partie est alors un véritable témoignage de l’auteur sur son métier, et sur sa pratique de la médiation culturelle dans le champ social. Beaucoup de médiateurs externes aux structures culturelles appelés aussi travailleurs sociaux vont être partenaires de ces lieux pour emmener les publics éloignés, vers des découvertes culturelles. Cependant, ces travailleurs sociaux sont confrontés à de nombreux obstacles et doivent travailler avec subtilité et sans à priori sur les conditions de partage de la culture et l’insertion de ces publics à la découverte de formes culturelles. Certains médiateurs vont proposer en plus de la sortie, un restaurant, une rencontre avec les artistes, une discussion autour de l’œuvre afin de construire une véritable sortie sous le signe du partage, de l’expérience.

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L’auteur pour appuyer ses propos sur l’insertion de la culture dans le social, donne de nombreux exemples avec L’association Culture du cœur, qui offre la possibilité de franchir le pont entre la culture et le social. L’association propose la gratuité aux publics mais elle doit être comprise comme une invitation et non pour enfoncer cette séparation économique qui peut exister. Cependant la gratuité peut-être difficile car elle profite surtout aux personnes qui vont couramment fréquenter ces lieux culturels. Et certaines personnes peuvent penser que c’est une sortie, sans réel intérêt puisqu’elle est gratuite. Suite à l’étude de ces trois parties, il apparaît une logique dans leur déroulement. En effet, l’auteur aborde en premier lieu les publics visés, en les définissant, en gommant les clichés qu’il peut y avoir et en prouvant les craintes et peurs imposées par une société dans laquelle les codes, l’image développée et diffusée sont primordiaux. Malgré tout, la médiation culturelle est un enjeu fort et passionnant qui mérite d’être compris dans son ensemble, et perçue dans ses différentes versions. De ce fait, la seconde partie s’articule parfaitement afin d’avoir l’horizon sur les publics mais aussi sur les principes de la médiation. Enfin, la culture et le social sont étroitement liés puisque la culture peut être un vecteur social contre l’exclusion en engendrant une insertion sans pour autant tomber dans le comble d’un manque. L’auteur expose des exemples riches et pertinents grâce à des situations vécues notamment en s’appuyant sur un cours donné sur le spectateur de théâtre à l’université Paris III et dans l’encadrement à la médiation culturelle au sein de l’association Cultures du cœur. Les différentes rencontres avec des chargés des publics et des médiateurs culturels ont pu forger son analyse et permettre d’enrichir son discours avec des exemples donnant une idée précise de la situation. Cependant, l’ouvrage révèle aussi une ambigüité dans la médiation culturelle. L’auteur précise qu’il a deux écoles qui se confrontent sur la conception du médiateur culturel. L’une pense qu’il doit créer des confrontations modernes, des expériences, inventer des conditions nouvelles de réception. A l’inverse de l’autre école, qui estime qu’il faut disposer d’un minimum de savoir afin de vulgariser l’œuvre. L’auteur n’enferme pas son discours dans un savoir absolu, au contraire son discours s’élargit dans la pensée de la médiation culturelle, tant cette notion est large et parfois équivoque. Tantôt l’auteur vante la compréhension d’une œuvre grâce à la rencontre avec les artistes tantôt il apprécie la liberté des personnes à penser par elles-mêmes sans craintes du conformisme. L’auteur revalorise les publics en retirant les clichés qui peuvent les poursuivre et en donnant des exemples pertinents notamment sur les ateliers créées, par exemple un groupe de jeunes à Sevran regarde la série Twin Pix de David Lynch et discutent après sur l’épisode. Cette pratique pouvant être considéré comme du simple loisir - 25 -


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peut tout à fait être considéré comme culturelle. De même pour un groupe de jeunes à Goussainville qui regardent des films d’horreurs et parlent ensuite des défauts du film, critiquent, exposent leurs réflexions. Une nouvelle fois la question se pose de la frontière entre loisir et culture. Les publics peuvent étonner de par leur curiosité et leurs intérêts et c’est à cela que la médiation culturelle doit concourir. Cette idée d’accompagnement, de partage, de découverte mais en laissant au bout du compte la personne suivre son chemin seule. La médiation culturelle abat les barrières mais elle apprend aussi à les comprendre et faire en sorte de les maîtriser.

Apport de l’ouvrage dans le mémoire Et si on partageait la culture de Serge Saada est un ouvrage qui introduit parfaitement les bases et les notions de la médiation culturelle. Le mémoire ayant pour thème : la sensibilisation des « non publics » pour le spectacle vivant, entre entièrement dans le sujet de l’ouvrage et offre un large panorama de la personnalité des publics isolés ce qu’ils désirent, ce qu’il souhaitent et surtout ce qu’ils pensent. Le mémoire étant placée du côté des structures culturelles, l’analyse de leurs démarches et de leurs méthodes pour attirer ces nouveaux publics. De ce fait, l’ouvrage entre entièrement dans le thème puisqu’il aborde certes les publics mais surtout les manières de sensibiliser des publics par les chargés culturels grâce à de multiples exemples. L’ouvrage permet de connaître les fondements de la médiation culturelle et de comprendre ses enjeux. De plus, l’auteur souligne parfaitement les erreurs à éviter en pensant que c’est un manque et que la culture est légitime dès que les publics la connaissent. Rappelons que dans un témoignage de la première partie, le non habitué précisait qu’il ne voyait pas l’intérêt de se forcer à aller au théâtre, domaine culturel qui ne l’intéressait pas. Mais qu’il était un passionné de musique, connaissait des groupes peu connus de tous et qu’il aimait participer à des matchs sportifs. De ce fait, sa culture lui convenait. Dès la lecture de ses premiers propos nous comprenons que le public ne souhaite pas que le médiateur arrive comme un sauveur mais plutôt comme une personne trouvant un noyau commun, un fondateur du partage et de l’expérience ; toujours en respectant la culture de l’individu en face de lui, sans le placer en dessous mais en équivalence. L’ouvrage aide quant à l’élaboration du mémoire, en donnant des exemples précis sur des lieux culturels riches développant cette ouverture aux nouveaux publics. De plus, il ouvre aussi sur des perspectives d’études sur la différence de culture et de loisir. Et sur le rôle de la culture dans l’insertion sociale. Il donne un véritable aperçu sur la médiation culturelle et le potentiel du spectateur, sans être figé dans des idées et être obligatoirement en accord avec l’auteur. Il - 26 -


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dégage plutôt un véritable champ de réflexion

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La culture. A quel prix? Sylvie Pflieger

Compte rendu du livre Cet ouvrage dresse un panorama de l’actualité culturelle en France qu’elle soit économique ou sociologique. Les enjeux actuels de la culture amènent diverses questions, que l’auteur, Sylvie Pflieger, pose sans tabous en remettant ainsi en cause le modèle culturel français. Les mutations d’aujourd’hui, telles que le numérique, change le paysage culturel et la vision des artistes aux yeux des individus. La rémunération de ceux-ci et la reconnaissance de leurs œuvres artistiques sont chamboulées par cet engouement numérique, dans lequel chaque information est diffusée librement, et dans lequel chaque œuvre circule. La notion de droit d’auteur s’éloigne petit à petit. Ainsi, l’auteur Sylvie Pflieger, se questionne sur le coût de la culture et sur le point de savoir s’il faut favoriser un accès gratuit à celle-ci ? Elle affirme que les artistes doivent continuer à percevoir leurs droits et que le patrimoine doit continuer à être enrichi. Mais dans ce cas présent, qui doit financer ? Quels sont les budgets alloués à la culture et comment ceux-ci se portent-ils de nos jours ? Ce livre synthétise ces interrogations de manière claire et précise et y répond grâce à des études précises sur la culture, en terme économique (état de la culture en France, le budget alloué par l’Etat pour favoriser la culture) et à des études sociologiques (la fréquentation des différents domaines culturels par les français, les essais de gratuité et ses résultats). Au milieu de ces interrogations illustrées et appuyées par des arguments donnés par l’auteur, une question centrale et primordiale se retrouve tout au long du livre : celle de la révolution numérique et de ses conséquences. En effet, le numérique touche à la fois les pratiques culturelles des français et la nouvelle manière dont ils vont chercher l’information. Il concerne aussi les modalités de la création artistique à savoir la manière dont celle-ci est diffusée, sa perception aux yeux des français mais aussi à ceux des artistes. Aujourd’hui, les français sont en même temps créateurs, producteurs et jouissent des œuvres gratuitement grâce à leur diffusion illégale et massive sur Internet. Ces formes d’appropriation sont alors transformées. De plus, l’ouvrage démontre le pouvoir immense d’Internet, qui fonctionne mondialement et ne prend pas en compte ni les réglementations nationales ni même les règlementations internationales. Son potentiel est alors sans limite. Ainsi, l’idée centrale tournant autour du numérique, l’ouvrage dépeint une situation de la culture dans laquelle les services publics et les individus doivent continuer à se battre pour garder ces biens si précieux. L’auteur n’impose aucun avis définitif mais plutôt une constatation globale sur la culture et sur son avancée. Le droit à la culture est une notion primordiale qui diverge selon les attentes de chacun. L’auteur affirme alors que la culture est appréhendée comme un bien privé, répondant à une offre et

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une demande de produits culturels. Et comme tous marchés, il s’agit de proposer des biens et services en adéquation avec les besoins des consommateurs afin d’éviter le gaspillage des fonds publics. Aujourd’hui il est important pour l’évolution de la culture de prendre en compte et de savoir maitriser de nouvelles dimensions : celles de la mondialisation, de la révolution numérique, de la créativité et des identités culturelles, le tout impliquant des approches plurielles de la culture.

Regard critique sur l’ouvrage L’auteur découpe son ouvrage en 6 grandes parties, complétées par des sousparties dans lesquels les propos seront toujours expliqués grâce à des exemples et des études notamment économiques permettant pour le lecteur de se rendre compte du fonctionnement économique français mais aussi de la manière dont la culture est perçue et gérée. Elle amorce son propos en commençant par évoquer le numérique et ses modifications dans le paysage culturel. Le numérique est un phénomène qui dans un premier temps est devenu un puissant outil de distribution permettant la vente et l’achat de biens culturels. C’est ainsi que la vente en ligne s’est fortement développée : « Nous sommes confrontés à de nouveaux espaces de consommation et de production, nouveaux modèles d’affaires, prise en charge par les médias en lieu et place de distributeurs spécialisés, nouveau cycle du produit (qui) définissent de nouveaux territoires et de nouvelles approches » (Xavier Greffe – Greffe, 2010, p. 17). L’essor du numérique a modifié en profondeur les pratiques culturelles des français. En en effet, aujourd’hui, le numérique a instauré une sorte d’individualisme dans lequel les personnes s’enferment dans une sphère privative (écoute musicale à domicile, télévision…). De plus, ce phénomène du numérique ne connaissant pas les frontières, créée une génération de 4i à savoir impatience, interconnexion, individualisme et inventivité (Mesguich, 2001). L’information diffusée est mondialement répercutée. Le temps est aussi touché par ce développement digitale, il est différé. Le temps d’écoute n’est plus le même et nous assistons à des générations multitâches. L’auteur précise qu’il permet, en plus, une diffusion rapide d’information et donc de pratiques culturelles. Le numérique règle aussi la problématique de dématérialisation en résolvant les nombreux problèmes de stockage, de transport, de livres, de musique, films, photos. La dématérialisation de la musique est celle dont l’avancée est la plus concrète (stockage des musiques sur ordinateur, MP3). Le numérique modifie aussi une notion chère à une société, celle de l’échange et du partage, en évolution par le web 2.0 appelé aussi le web social qui est une collaboration des internautes, un espace de partages, d’échanges de données, de savoirs, de cultures. Il impose une nouvelle forme de communication qui est plus ludique avec notamment l’exemple du Google Art Project dans lequel il est possible de visiter 17 lieux prestigieux pouvant s’approcher au plus près des œuvres, zoomer ( Versailles, Pompidou…). Les échanges sont multipliés grâce aux réseaux sociaux

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(Facebook, Twitter, MySpace… ) qui constituent des outils puissants pour apporter de l’information aux consommateurs potentiels de biens et services culturels. En effet, le consommateur se sent délaissé dans sa quête d’information surtout concernant le milieu culturel. Les internautes développent eux-mêmes un bouche à oreille en partageant leur coup de cœur, leurs critiques, leurs avis, vidéos… L’auteur se réjouit de cette interactivité toujours florissante et du développement des outils toujours plus imaginatifs. Cependant le numérique impose des mutations qu’il n’est pas négligeable de prendre en compte et notamment la frontière devenue quasi-inexistante entre consommateur et producteur. Puisque chaque utilisateur peut se décréter créateur voire artiste en diffusant par exemple ses prises de vidéos, photos etc… Bien évidemment qui dit numérique dit facilité dans la diffusion des informations et remet alors en cause le droit d’auteur et la copie illégale d’œuvres. Le marché des industries musicales est d’ailleurs le domaine le plus touché. L’auteur fait alors référence aux différentes lois et proposés telles la loi Hadopi votée en 2009 ou bien le concept de la Licence Globale. Le numérique change alors les pensées aussi bien en terme de consommation et dans les pratiques culturelles mais aussi dans la notion de gratuité puisque les internautes peuvent s’approprier des œuvres sans avoir le sentiment de voler l’auteur malgré le manque de versement du droit d’auteur à son égard. Ainsi ne faudrait-il pas proposer des prix favorables pour ces œuvres qui doivent être reconnues à leur juste valeur et ainsi élargir aussi les publics et l’accès à la culture ? L’auteur va alors développer l’idée de l’accessibilité de la culture, en se demandant à quel prix celle-ci doit être diffusée. Les premières notions importantes sont celles de la démocratisation culturelle et de la démocratie culturelle. En effet, sans ces deux notions, nulle question de pouvoir estimer comment la culture peut être accessible. L’auteur reprend alors le décrêt du 24 juillet 1959 : la démocratisation culturelle avait alors pour principe d’enseigner les chefs d’œuvres de l’humanité à tout individu, des arts élitistes. Jean Vilar défendait plutôt une culture pour tous, alors qu’André Malraux défendait un « choc électif », qui pouvait laisser au bord de la route ceux qui n’avaient pas cette révélation. La démocratie culturelle prend tout son sens avec Jacques Duhamel qui pense que la culture pour tous ne doit pas seulement comporter les arts légitimes mais doit comporter tous les arts, par exemple avec la fête de la musique. Qui dit démocratisation culturelle, dit aussi aménagement des territoires pour favoriser l’éducation artistique locale et la diffusion d’une culture plus large. Bien évidemment avec une politique de tarification adéquate contribuant à l’accessibilité de la culture Cette idée d’aménagement du territoire fait suite à un constat : celui du transport qui peut freiner les pratiques culturelles des français. Devoir se déplacer pour se divertir, cela contribue à des frais et du temps, ce que beaucoup ne possèdent pas. Ainsi les

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communes s’engagent à fournir des ressources culturelles telles les bibliothèques municipales ou des théâtres pour faciliter la diffusion de la culture et pallier à ces obstacles. L’auteur propose alors un exemple concret sur cette politique d’offre de lieux de spectacle vivant proposée par Jeanne Laurent à la fin des années 1940 avec les CDN (Centres Dramatiques Nationaux). 39 CDN répartis sur l’ensemble des régions ayant pour mission de soutenir la création, et d’offrir un nombre minimal de leurs productions dans le lieu géographique dans lequel ils se trouvent et en menant des opérations d’initiation au théâtre en milieu scolaire et universitaire. Les Maisons de la Culture de Malraux perpétuent ce principe d’accessibilité géographique de la culture. Bien évidemment, il ne suffit pas de proposer des biens culturels à proximité géographique positive pour permettre aux personnes de fréquenter ces lieux. En effet, le sociologue Pierre Bourdieu parle de capital économique, social et culturel. C’est à ce dernier que nous nous intéresserons. Le capital culturel d’un individu peut façonner son envie de fréquenter un lieu culturel. Ainsi les personnes n’ayant aucun intérêt pour la culture, ne ressentent pas le besoin d’aller combler ce manque puisqu’ils n ‘ont pas connaissance de ce manque. Certaines personnes ressentent un sentiment d’intrusion. L’auteur fait alors le rapprochement avec l’intérêt de contacter ces publics pour leur proposer par le biais d’actions culturelles la possibilité de découvrir une structure culturelle. Le spectacle vivant impulsé par la volonté de Jean Vilar d’ouvrir le théâtre a tous, est un exemple concret de ce développement des publics. Nombreux théâtres notamment publics font en sorte d’avancer les horaires, de réduire les transports, de supprimer les pourboires, installation de lieu de convivialité tel un restaurant, un bar, point de vente. La culture est un bien commun, ouvert à tous mais quels sont les freins qui peuvent la rendre inaccessible ? L’auteur s’interroge alors sur le prix en prenant l’exemple des musées. Plus le prix d’un bien culturel est faible, plus sa consommation augmente. Ainsi le fait que les musées depuis la gratuité les premiers dimanche du mois ont vu leur fréquentation augmentée de 66 %. Mais certains économistes pensent au contraire que la demande culturelle est bien plus complexe et le fait de réduire les coûts n’aide pas quant à la hausse de fréquentation des lieux culturels. En effet, elle profiterait d’abord aux personnes initiées et pas forcément aux personnes qui ne sont pas habituées à y aller. La question est bien plus complexe et nous pouvons nous demander si le prix ne réveille pas la problématique de l’élargissement des publics. Le facteur prix est considéré comme l’un des freins pour de nombreuses personnes les empêchant de fréquenter des lieux culturels. Et la réduction de la dépense budgétaire des institutions culturelles les forcent à revoir l’augmentation de la part de leurs ressources propres. L’équilibre entre offre et demande cultuelles est périlleux. L’auteur appuie son propos par un exemple sur les musées. Le visiteur peut profiter de l’architecture extérieur du monument, gratuitement mais s’il souhaite rentrer à l’intérieur et voir les œuvres il doit payer. Mais les musées ont aussi le besoin de restaurer leur bâtiment et ainsi cela impose

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un coût. Il serait donc bien simple de justifier de la gratuité d’un lieu culturel sans penser à son fonctionnement en interne. Le patrimoine est une fierté civique selon des études anglo-saxonnes. De ce fait, afin de jouir de cette fierté, les musées ont favorisé leur accès avec la gratuité pour les – de 18 ans et les premiers dimanche du mois. Cibler les jeunes peut aussi répondre à l’idée sociologique du capital culturel initié notamment par l’éducation de la jeunesse aux pratiques culturelles. Cependant, la gratuité du lieu n’est pas forcément positive car certains peuvent penser à une désacralisation du lieu voire une dégradation si le volume en fréquentation est trop élevé. En terme de gestion pour les structures culturelles, la gratuité remet en cause leurs ressources, surtout que beaucoup d’entre elles ne bénéficient pas de l’aide de l’Etat. Le risque de déficit peut entraîner la fermeture d’établissements. Certains se voient même dans l’obligation d’augmenter les tarifs des billets car notamment le Louvre s’est vu dans l’obligation juridique de verser 20 % de son budget à l’acquisition de nouvelles œuvres. Les touristes sont moins peureux quant aux tarifs des billets des musées, ainsi les musées pourraient travailler leur tarification sur des publics cibles et ainsi permettre l’élargissement des publics. La gratuité totale paraît donc difficilement envisageable. Elle peut être pratiquée pour des publics ciblés, qui pourront profiter de ces offres, sinon si la gratuité est proposée à tous publics, et seuls les initiés en profiteront. Sans connaître le lieu, le prix n’est pas le facteur primordial pour faire entrer les non initiés à pratiquer une activité culturelle et à rentrer dans la structure. Mais imposer une telle modification dans le prix d’entrée d’un lieu culturel et offrir une gratuité, cela remet aussi en cause le fonctionnement économique de la culture. Ainsi, l’auteur s’interroge sur le soutien de la culture et les fonds financiers apportés à la culture et en fin de compte elle se demande qui paye, finalement, pour la culture. Le soutien à la création n’est pas nouveau. Il est toujours important de privilégier le rayonnement de la culture française. L’auteur se pose la question de savoir si la création artistique est dynamique et si elle se renouvelle ? Est-elle reconnue par le grand public ou par les instances de légitimation en France ou à l’étranger ? La production de biens culturels et l’accroissement des artistes en France, démontrent l’importance de la création artistique. Les maisons de droits d’auteurs donnent des chiffres précis à savoir en 2008 : 11 000 artistes sont recensés soit une progression de 58 % en 15 ans. La création est donc bien vivace et attire un nombre croissant d’artistes. Suite à divers constat, l’auteur se demande si la création est en panne ou si elle souffre d’un manque de relais, de tous ordres, publics et privés pour se faire reconnaître . L’Etat joue tout de même un rôle important : il a été conduit à mettre en place des procédures variées pour permettre l’émergence de la création artistique mais aussi son maintien dans le temps. Tout d’abord l’émergence des artistes avec notamment

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du public « empêché » au spectacle vivant ?

le financement d’écoles de formation (Beaux-Arts par exemple). La subvention de lieu de création aide aussi à favoriser la création. Le prix unique du livre imposé par Jack Lang est aussi une belle illustration de l’aide à la création artistique mais aussi de son accessibilité. Puis, autre exemple, le spectacle vivant reçoit le soutien direct à savoir 90 % des crédits du programme « création » du ministère de la Culture et de la Communication (projet de loi de finance 2011) sont versés. 80 % de leurs ressources pour les établissements publics nationaux (9 dont 5 théâtres nationaux) et 40 % pour les structures gérées par un artiste (les 39 centres dramatiques nationaux et les 600 compagnies indépendantes). L’idée dominante est que la culture est financée par les fonds publics et plus précisément par le budget du ministère de la Culture et de la Communication. 1 % du budget depuis les années 1990 est consacré à la culture. L’auteur souligne que les collectivités territoriales et les entreprises financent aussi une grande partie de la culture. L’auteur précise que l’Etat participe à hauteur de 8 milliards d’euros, les collectivités territoriales à hauteur de 7 milliards d’euros, les entreprises à hauteur de 4,8 milliards et les ménages pour 46 milliards d’euros. Depuis 25 ans, ces financements sont stables. Nous remarquons d’ailleurs que le financement passe par diverses sources, et pas seulement l’Etat mais également les régions, les entreprises au travers du mécénat et les ménages. La culture est alors une source indéniable de richesse donc beaucoup souhaite le développement.

Apport de l’ouvrage pour la recherche Cet ouvrage a permis d’avoir une référence solide pour le numérique. Notre mémoire, abordant toute une partie de ce sujet, nous avions besoin d’avoir des éléments clefs, des ressources pour pouvoir comprendre quelles sont les mutations imposées par le numérique et ses conséquences dans la culture. Il était aussi intéressant de constater que le numérique n’impose pas automatiquement l’accessibilité à la culture. Il en est de même pour la gratuité qui grâce aux différents études élaborées sur la situation économique de la culture française, n’est pas aussi simple à mettre en place dans les différentes structures culturelles.Ainsi, l’ouvrage a permis aussi de fournir des notions primordiales sur le modèle économique français et la place qu’occupait la culture dans le budget alloué par l’Etat. Le livre aborde aussi les différents domaines culturels (cinéma, littérature, théâtre, musique…) mêmes si notre sujet de mémoire est concentré principalement sur le théâtre, il est intéressant de constater des différentes conséquences de toutes ces évolutions dans les domaines culturels. Ainsi, l’ouvrage nous a permis de posséder des études précises sur le fonctionnement de la culture mais aussi de pouvoir lier chaque idée à l’évolution du numérique à savoir, l’accessibilité de la culture, la recherche de nouveaux publics, et les nouvelles pratiques culturelles des français.

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En quoi les méthodes et actions engagées par les théâtres éveillent la sensibilité du spectateur dit « empêché » ?

PUILLET Violette / LEJEUNE Loïc Master 2 Communication / Management artistique et culturel, Pôle Paris Alternance


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