les malheurs de sophie

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sant les méchants enfants, elle se jeta dans les bras de l’ange, qui l’entraîna dans le chemin raboteux. Les premiers pas lui parurent difficiles, mais plus elle avançait et plus le chemin devenait doux, plus le pays lui semblait frais et agréable. Elle allait entrer dans le jardin du bien, lorsqu’elle s’éveilla agitée et baignée de sueur. Elle pensa longtemps à ce rêve. « Il faudra, dit-elle, que je demande à maman de me l’expliquer » Et elle se rendormit jusqu’au lendemain. Quand elle alla chez sa maman, elle lui trouva le visage un peu sévère ; mais le rêve lui avait fait oublier les fruits confits, et elle se mit tout de suite à le raconter. la maman.

– Sais-tu ce qu’il peut signifier, Sophie ! C’est que le bon Dieu, qui voit que tu n’es pas sage, te prévient par le moyen de ce rêve que, si tu continues à faire tout ce qui est mal et qui te semble agréable, tu auras des chagrins au lieu d’avoir des plaisirs. Ce jardin trompeur, c’est l’enfer ; le jardin du bien, c’est le paradis ; on y arrive par un chemin raboteux, c’est-à-dire en se privant de choses agréables, mais qui sont défendues ; le chemin devient plus doux à mesure qu’on marche, c’est-à-dire qu’à force d’être obéissant, doux, bon, on s’y habitue tellement que cela ne coûte plus d’obéir et d’être bon, et qu’on ne souffre plus de ne

pas se laisser aller à toutes ses volontés. Sophie s’agita sur sa chaise ; elle rougissait, elle voulait parler ; mais elle ne pouvait s’y décider. Enfin Mme de Réan, qui voyait sa grande agitation, vint à son aide en lui disant : « Tu as quelque chose à avouer, Sophie ; tu n’oses pas le faire, parce que cela coûte toujours d’avouer une faute. C’est précisément le chemin raboteux dans lequel t’appelle ton bon ange et qui te fait peur. Voyons, Sophie, écoute ton bon ange, et saute hardiment dans les pierres du chemin qu’il t’indique. » Sophie rougit plus encore, cacha sa figure dans ses mains et, d’une voix tremblante, avoua à sa maman qu’elle avait mangé la veille presque toute la boîte de fruits confits. madame de réan.

– Et comment espérais-

tu me le cacher ? sophie. – Je voulais vous dire, maman, que c’étaient les rats qui l’avaient mangée. madame de réan. – Et je ne l’aurais jamais cru, comme tu le penses bien, puisque les rats ne pouvaient lever le couvercle de la boîte et le refermer ensuite ; les rats auraient commencé par dévorer, déchirer la boîte pour arriver aux fruits confits. De plus, les rats n’avaient pas besoin d’approcher un fauteuil pour atteindre l’étagère.


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