Abraham (1878-2003) 10
LYON ET LA HAUTE COUTURE
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L’histoire de la maison Abraham débute en 1878, lorsque Jakob Abraham, employé d’une société de négoce de soie, la Königsberger und Rüdenberg, en devient actionnaire. En 1912, l’entreprise se transforme en maison Abraham, Brauchbar & Cie et en 1921, son fils, Ludwig Abraham en reprend la direction. En 1943, elle prend le nom de L. Abraham & Co Seiden AG. Mais l’histoire de la société est surtout marquée par une personnalité emblématique, Gustav Zumsteg, surnommé le « roi de la soie ». Cet autodidacte, fils d’une cuisinière, a rejoint la société Abraham en 1931 en tant qu’apprenti. Au départ de Ludwig Abraham en 1968, il devient, après son statut d’actionnaire, le propriétaire unique de la maison et l’ancre dans le paysage de la haute couture. Il établit, dès les années 1940, des relations privilégiées avec des créateurs de mode, dont certains deviendront ses intimes. Les plus grands noms de la haute couture s’approvisionnent chez lui : Cristóbal Balenciaga, Hubert de Givenchy, Christian Dior et Yves Saint Laurent, pour ne citer qu’eux. Les soies de haute qualité d’Abraham s’accordent ainsi au style luxueux et élégant de Christian Dior et la collaboration entre les deux hommes devient essentielle pour les deux maisons dans les années 1950. Lorsque Christian Dior disparaît en 1957, son assistant, Yves Saint Laurent, poursuit cette collaboration et adopte les tissus Abraham dans ses propres collections dès 1962. Abraham obtient même l’exclusivité mondiale de la fabrication des foulards d’Yves Saint Laurent. Alors que le siège social d’Abraham se situe en Suisse, la maison installe un bureau de style à Lyon pour élaborer les collections annuelles et un à Paris pour suivre les tendances et la mode. À l’image des « fabricants » lyonnais, Abraham est un « converteur » ; la maison ne dispose pas de son propre outil de production. Elle achète ses tissus à différentes maisons, et notamment à Beaux-Valette certaines de ses pannes de velours qui étaient tissées dans des usines proches de Lyon. Le magazine économique suisse Bilanz estime qu’Abraham faisait travailler un tiers des métiers lyonnais au plus haut de sa production. Tout au long de sa vie, Gustav Zumsteg s’entoure d’un réseau, professionnel et amical, de dessinateurs et d’artistes, comme Erich Biehle, pour créer ses modèles. Pourtant l’entreprise ne résiste pas aux mutations des années 1990. Pour renflouer les comptes de la société, il vend les tableaux de sa collection, puis cède l’entreprise, avant sa disparition définitive en 2003. Le musée des Tissus conserve un important fonds de robracs, témoins de la qualité de sa production. En 2007, les archives de la société ont rejoint le musée national suisse à Zurich.
Beaux-Valette (1935-) 11 Fondée en 1935, cette maison est le fruit de l’association d’un descendant de mouliniers ardéchois, Valette, employé un temps par les soieries Dubost, et un financier, Beaux. Après-guerre, en 1945, elle ouvre un bureau parisien qui ferme ses portes en 1985. Beaux se retire de l’association en 1955-1956. Dans ses mémoires, Jacques Valette, directeur de l’entreprise à partir des années 1970, se souvient avoir assisté en 1963 à l’un des premiers défilés Yves Saint Laurent, rue Spontini dans le 16e arrondissement parisien. Les velours façonnés, en particulier ceux teints en fils, sont un des fleurons de la maison. Le tissage est réalisé par des entreprises extérieures, comme les tissages Michel à Voiron (Isère). Certains dessins sont l’œuvre de Nicole Valette, sœur de Jacques. La maison Brochier leur
10 Archives de l’État de Zurich, catalogue en ligne [En ligne] https://suche.staatsarchiv.djiktzh.ch/detail.aspx?ID=3413150 (consulté le 11 juin 2019) 11 Valette, 2011.