Supernature

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Supernature Anthologie de la scène pastorale Volume ll L’innocence



SUPERNATURE

ANTHOLOGIE DE LA SCÈNE PASTORALE La série d’éditions Supernature se concentre sur une étude contemporaine des thèmes de la scène pastorale, sa tradition, son éthique, son esthétique. Second volume, l’innocence. contributions : Chloé Cappelli, Fanny Garcia, Sylvain KLN Garcia, Frédéric Parquier

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Jacqueline Pesquier Vous étiez en train de peindre ? Bein oui. Je me prépare pour la brocante de dimanche. Vous avez des modèles pour vos créations ? Oh bein oui. Disons que je les agrandis sur un calque, Dora, Charlotte, tout ça. Ah, et vous en faites des coussins ! Voilà, je fais des fleurs, des… Quelle peinture utilisez-vous ? C’est de la peinture spéciale pour soie. Je tends ma toile, ma soie, avec des punaises. Et après je dessine avec ça. Ça fait un petit relief. Et ces deux chats ? C’est d’après une photo. Ça marche les brocantes ? Bein oui, un petit peu. Vous n’avez qu’un tableau à vous, exposé dans votre maison. Pour l’instant oui. C’est le dernier qu’il me reste. J’ai pas le temps d’en faire d’autres. Son mari : Ah bein non, elle va pas en mettre partout hein ! Voilà ce que je fais. J’achète des catalogues et… Ça, ce n’est pas de la soie ? Non, c’est de la toile là. J’aime beaucoup dessiner les fleurs, les coquelicots… Ça ne vous fait pas peur. Non pas du tout. J’aime ça. Vous avez appris toute seule ? J’ai appris toute seule. Ça fait longtemps que vous faites ça ? Non, disons que j’ai fait 30 ans d’école maternelle (rire). J’ai toujours aimé le dessin, la peinture, faire des trucs manuels. Ce que je voulais faire quand j’étais jeune, je voulais rentrer dans une grande maison de couture. Mais à 17 ans, on m’a dit : « ma fille, au boulot ». J’étais bonne en dessin. J’étais toujours première en dessin. Mais vous n’avez pas abandonné la couture ? Ah non ! Son mari : Mon pantalon, j’attends 6 mois, et les autres ils sont servis tout de suite. Je paie mon loyer quand même ! Ne l’écoutez pas. Alors ça, c’est des tableaux que j’ai fait avec des morceaux de soie. Je vais faire des Charlottes aux fraises pour la chambre des mes petites filles. Une fois encadré, ça fait ça. Les animaux vous inspirent beaucoup. Oui. Je les prends sur le calendrier des postes. Vous pensez avoir progressé en dessin ? J’ai abandonné le dessin, parce que j’ai quand même eu 2 enfants, donc automatiquement, il fallait que je m’occupe d’eux. Et puis, je me suis mise à la retraite, et je me suis dit, il faut que je m’occupe. L’hiver il fait froid. T’as pas envie de jardiner. Donc je dessine, je peins, je m’occupe la tête. Il vous faudrait un atelier. Oui, mais la pièce qui était prévue pour moi, c’est pour mes petites filles. Depuis quand êtes-vous installés à Sainte-Terre ? Ça fait 10 ans, 11 ans. C’est une maison qu’on avait quand on était en vacances. On est de la région parisienne.

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Quel était votre métier ? J’étais ATSEM. Alors j’apprenais les techniques aux enfants pour la soie… Quand avez-vous pensé à les vendre ? J’ai commencé à un marché de noël à Saint-Philippe-d’Aiguilhe. Et ma cousine qui a une propriété à Montagne, un jour elle me dit : « Tiens, Jacqueline, je fais portes ouvertes, il faudrait que tu me fasses quelque chose pour agrémenter ma salle » . Alors je lui dis : « Bein t’inquiète pas. Je vais faire des coussins, des tableaux, des trucs comme ça » . Et depuis, je me suis lancée. Après tout le monde a dit que c’était beau. Vous avez acheté exprès des vieux calendriers de la poste ? Ah non, ça c’est des vieux que je garde. Je jette pas. Qu’est ce que vous croyez  ? ! Celui là, il date de 89 ... 97, 95, 94, voyez hein. On vous passe des commandes parfois ? Oh oui, pour faire des cadeaux. Combien de temps vous mettez pour faire un tableau comme celui-ci ? Oh bein là ... 1 heure. Vous y arrivez du premier coup ? Ah bein non. Je gomme, ça c’est sûr. Je ne suis pas une pro de chez pro. Là, je lui ai mis un peu de peinture. Ça fait un loup blanc. Il a de la gueule comme ça. Ça change tout. Là, c’est un cocker. J’ai des retouches à faire. Ça c’est mon cheval, ça c’est mon chat ... Un teckel. J’avais un joli caniche. Je sais pas si vous l’avez vu ? Ça c’est Cochise. C’est un monsieur qui me l’a demandé. Pourquoi, y’a marqué Geronimo ? OH, Cochise, Geronimo, c’est pareil. C’est un indien (rire). Je l’ai pris dans un bouquin de cowboys que j’avais là-haut. Alors je regarde à Leclerc, je cherche des bouquins sur les indiens, mais ils ont de drôles de têtes. Alors, maintenant, c’est vrai, les BD, elles sont pas belles. Alors donc, j’ai trouvé celui-là. Si ça lui plaît, il le prend, si ça lui plaît pas, c’est pareil. Là, je vais prendre un encadrement noir pour le mettre en valeur. Combien coûtent vos coussins ? 5 euros. C’est pas cher, parce que la soie, c’est 7,50 euros le mètre. Qui achète ? Ça fait plaisir aux enfants. Mais je gagne rien. Parce que j’ai la soie, j’ai la doublure, y’a le kapok. La doublure, c’est 5,50 euros le mètre. Dans 1 mètre, j’en fais 4. Vous avez

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une doublure dessous, et une doublure dedans. Ça vous arrive de ne pas être satisfaite de votre travail ? Oui, ça m’arrive. J’efface et puis je recommence. Comme on dit toujours : « Refaire et défaire, c’est travailler » . Avez-vous des références artistiques, aimez-vous allez dans les expositions ? Non. C’est marrant, ça m’a jamais, heu ... Par contre, vous avez des tableaux chez vous. Oui. Ça c’est le parrain de ma maman qui l’a fait. Donc je dois avoir un don de famille. Ça, c’est le frère de ma grand-mère qui a fait ces tableaux là. Il était mineur de fond, dans le Nord. Et puis une fois à la retraite, il s’est mis à peindre. Il a jamais fait d’étude de peinture non plus. Vous vous trouvez bien ici ? Ah oui. Je retournerai pas dans la région parisienne. Ça non. Quelle est votre prochaine brocante ? Moulon. Je vais préparer ma bouillotte. Dimanche dernier, à Saint-Sulpice, le matin, il faisait pas très chaud. Mes copines rigolent parce que je me mets ma bouillotte, mais en attendant, moi, j’ai pas froid. Vous aimez les ambiances de brocantes ? C’est super. On se fait des amis. Dimanche dernier, j’ai fait 15 euros. À Saint-Sulpice, c’est immense. On a cuit. J’ai pris un coup de soleil sur le pif (rire). Vous n’avez pas transmis votre passion à votre fille ? Ma fille n’aime pas coudre. Elle n’est pas manuelle du tout, du tout, du tout. Ma mère a eu 2 filles. Y’a que moi qui ai hérité de ce qu’elle aimait. Elle aimait bien coudre, dessiner non, mais alors, peindre les entourages des fenêtres ... Moi j’ai horreur de ça. Je fais ça aussi, je fais des couvertures pour le lit de mes petites filles ,  à la fourche. Alors je fais de tout hein, vous voyez ! Quelle est votre philosophie ? C’est que je puisse durer longtemps, que je puisse continuer longtemps (rire). Mais j’arrive toujours à m’occuper. Je fais des petits fours de réception. Des fois mon fils il me dit : « Qu’est ce que tu fais, t’es à la cuisine ou t’es entrain de faire tes coussins ? » . Je fais les deux en même temps (rire). Sainte-Terre / 3 septembre 2009

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NŒUD ÉDITION © le Vilain 2010

Collectif artistique, le Vilain se construit au sein du contexte rural de son lieu de création, le pays foyen, Aquitaine, France.


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