Lespwisavann N°06

Page 1

JUILLET / AOÛT / SEPTEMBRE 2018 N°6 - GRATUIT

L'Art gêné tique ? Lettre aux artistes visuels & intellectuels guadeloupéens

Ouvè zyé, Ouvè Kè, Vini an LAW ! Traditionnisme & traditionnalité ? Entre culte du malentendu et mésententes

In Lespwisavann, Istwa & Sosyété - Revue Online - ISSN : 1634 - 0507



Nouveau format de revue « Dans ce flot sans cesse plus abondant d'informations, nous nous adaptons encore et toujours. » « Tandis que les archives seront toujours disponibles dans notre librairie en ligne. (…) « Et pour plus de réactivité, vous pouvez nous suivre désormais chez tous les principaux fournisseurs de réseaux sociaux en ligne (cherchez : @lespwisavann). Le rythme de parution de notre revue est volontairement irrégulier : ajoutez simplement le site à vos favoris pour vous y abonner. »

À partir de ce numéro, nous avons publié des articles directement sur la page web concernée. Ce magazine ISSUU est un récapitulatif du numéro 06.



.Lettre aux artistes visuels & intellectuels.

L'Art gêné tique ? L'appel aux A.R.T.S (Artistes Réunis Tout Simplement, Avec Respect Ténacité Sentiment, Alliance Rassemblant Toute Sensibilité)

Je ne me souviens plus de la dernière fois où j'ai discuté avec un ami plasticien, graphiste et où il n'y avait pas les môts « subventions », « aide de la Région », « droits » ou « argent », toutes les trois phrases. De la « trempe » des suiveurs, beaucoup d'entre nous se revendiquent d'une « Histoire de l'Art » largement partiale. Nous cherchons par tous les moyens à nous insérer dans « la société ». Ainsi, dans un paradoxe qui n'a malheureusement rien d'original, nous cherchons et nous nous efforçons de constituer des « cadres », des « limites », des « conditions » (je dirais des « conditionnements »). Nous semblons oublier que les fondements de cet « Art Contenporain », dont beaucoup d'entre nous se revendiquent, se trouvent très souvent dans des dynamiques anti – conformistes. La quête d'une libération, des codes, des systèmes ou des dogmes en place, a été à chaque fois un vecteur déterminant. Mais de liberté, j'ai le sentiment qu'il ne reste plus qu'un « libéralisme intellectuel » où le goût de la cotation des oeuvres préside. Tandis qu'une armée d'art triste « s'inter - met » et se soumet chaque jour un peu plus à la loi du marché.


Mais dîtes – moi un peu d'où peut émerger l'originalité, lorsque la pensée dominante, qui jalonne si soigneusement les postures, les cursus et les flux de communication & de pensée, n'est remise en question qu'épisodiquement voire pas du tout ? Attaché à une terre, Lié à une ère,

Mon corps, mon esprit, mon âme n'en sont pas moins libres au regard des trésors culturels auxquels j'ai pu accéder jusqu'à aujourd'hui dans mon vécu en Guadeloupe, notre pays. Que ceux qui ne les connaissent pas, que ceux qui les ignorent et que ceux qui les oublient ferment les yeux... et ouvrent enfin leurs coeurs et leurs oreilles aux « champs » oubliés... Qui s'expriment à travers la voix d'un peuple en marche. Des « Etats – Généraux de la Culture » se font, se refont et se défont... Mais pensez un instant au fait que, l'artiste qui détourne son regard des chemins de traverses, se prive de succulentes saveurs et autres richesses que recèlent les sentiers qui mènent à la liberté ! Face à cela, je vous invite à vous réapproprier ce geste, à emprunter cette trace, à reproduire cette marque, à faire écho de cette vibration inédite dans sa forme, au regard de l'histoire de la Guadeloupe et du monde, et qu'ont initié et posé des humains de ce pays au sein du collectif « Liyannaj Kont Pwofitasyon » (L.K.P). Aussi, aujourd'hui, dans un prolongement du mouvement social du peuple Guadeloupéen contre TOUTES les « pwofitasyon », je désire vous faire ressentir que le peuple, accompagné par la force d'un « corps collectif » de penser, que symbolise le L.K.P, vous exhorte à vous mettre en mouvement... comme lui et comme la Vie ! Et parce que l'artiste se nourrit aussi des doutes de l'humanité que cristallise bien souvent sa propre existence, je vous dirais... Ansanm - ansanm nou pé kréyé, ansanm – ansanm nou pé gannyé ! Ensemble nous pouvons créer, ensemble nous pouvons gagner ! Luk GAMA, Graphiste Guadeloupéen, Mars 2009


.On pawòl pou pèp – la.

Ouvè zyé, Ouvè Kè, Vini an LAW ! Vini an Lawonn Awtis Wouvè

Gwadloup, an zyé a onlo moun, aksyon a awtis pa kalé pli lwen ki sa i ka fè épi dé men a – y ! Alòs ki andidan nou, wi, nou ka pòté klé a pòt a imajinasyon a pèp – la !

Gwadloup, politisyen kon onlo moun ka trété awtis kon poul adan on garenn ! Lè nou ka pwan tan òwganizé, souvandfwa, dosyé ka « pèd » ! Pou fè pòz owa an nou, é pòté bèlté adan komin tout moun dakò, men lè sé pou péyé... ? Gwadloup, i tini on vid awtistik ki ka kontinyé pwan plas alòs ki an menm balan - la konmès a amizman é bwè-é-manjé ka pwan lanmen.

Enstitisyon ka trété Law kon pastan alòs ki kréyasyon awtistik sé zouti pou chawpant a lèspwi !

Gwadloup, awtis ka soufè davwa moun paka rèspèkté yo épi sa yo ka fè ! Men, jòdila, an pwolonjman a mouvman sosyal a moun - Gwadloup kont TOUT pwofitasyon, awtis ka di...


« Nou osi, Awtis - Gwadloup, Nou pé ouvriyé, Nou pé travayè, Nou pé kad, Nou pé patwon, Nou pé politisyen, Nou pé pa ayen adan tousa... pas nou pé ka fè yenki sa : kréyé,

Men Nou sé Sitwayen a péyi – la é nou sé Moun ! É KON TOUT MOUN, nou ka mandé RESPÉ é DINYITÉ !

Davwa, si on pèp san istwa sé on pyébwa san rasin, on sosyété san awtis sé on pyébwa sanfèy é sé on flè san pétal ! » Sonjé, dèpi komansman a Latè jous jòdi,

Awtis tout kalité é tout jan ka wouvè lawonn pou moun pé sa gadé Lavi an mitan zyé... Kifè jòdi, nou ka mandé, GWADLOUP, VINI an Lawonn Awtis Wouvè !

Lik GAMA, jenn mèt zimaj-é-lidé Gwadloup, Maws 2009



Participation (au centre) à une discussion entre artistes durant la période de grève générale en 2009, en Guadeloupe. Jour de distribution du dessin...


Traditionnisme & traditionnalité ? Entre culte du malentendu et mésententes à propos de « LA » Culture... Luk GAMA, Juillet 2018 À l'instar des gens du cirque qui se targuent très souvent d'une culture traditionaliste dans les pratiques autant que dans leur diffusion et leur transmission, la problématique de l'authenticité des choses via leur degré de durabilité se pose à de nombreux porteurs d'arts, autant qu'à une grande partie de l'humanité de manière générale. Et ce de façon de plus en plus pressante, à mesure que la « nouvelle » société globalisée s'installe. De par le monde aujourd'hui les écrans remplacent de manière durable les flammes des bougies, des lampes ou des feux de camps. Le flot continue et quasi-ininterrompu d'informations de toutes sortes qui en sort installe sa logique dans les imaginaires et contribue, en première place selon moi, à l'assise de cet empire mondial longtemps rêvé par beaucoup, en passe de se réaliser. « Il faut tout changer pour que rien ne change. » C'est une phrase qu'énonce une femme décrite comme descendante de famille noble d'un pays européen à la fin d'un documentaire sur la gestion du patrimoine immobilier d'une noblesse déchue (en apparence) de ses privilèges des siècles précédents. Elle dit cela en parlant d'un édifice qui est passé du statut de vestige d'une grandiose résidence à un lieu de visites et réceptions touristiques (toujours au bénéfice des mêmes descendants des premiers propriétaires). Elle illustre la manière dont ils ont procédé aux mutations structurelles qui s'imposaient à eux face à la transformation des rapports sociaux du pays où ils se trouvent et où se déroule le film, ce afin de préserver ce qu'ils ont considéré comme le plus important à travers les générations : un immeuble et sa valeur symbolique. J'ai observé cela comme un exemple du phénomène qui traverse l'univers des musiques aux tambours dans la Caraïbe et en particulier dans l'archipel de Guadeloupe : l'encensement des aspects visibles et matériels (chants, danses, instruments, objets divers...) au détriment du sens profond (invisible). C'est-à-dire que l'objet (immeuble, tambour, le lieu d'exécution de la pratique...) qui était au service d'un besoin vitale, donc sacré, fini par avoir plus de valeur que ce qui sous-tend toutes ces formes.


À l’occasion de la démarche d’inscription du gwoka au patrimoine mondial immatériel, les deux camps qui apparaissaient publiquement, semblaient en accords sur leur apparent désaccord. Les arguments des partisans de la démarche se concluaient très souvent sur l’argument du principe de « reconnaissance ». Tandis que le camp semblant s’opposer ne développait pas plus d’argument que celui d’un possible « dévoiement » de la chose originale, à laquelle pourtant certains d’entres-eux n’en véhiculent que les représentations les plus superficielles... De nos jours, les écoles et/ou lieux publics pour apprendre à jouer et danser du ka sont assez courants. Très souvent ils sont portés par des associations tenues par une ou plusieurs personnes reconnues comme expérimentées et ayant fréquenté, d’une manière ou d’une autre, « l’ancienne école » ; celle de l’observation et de l’obstination dans l’humilité (parfois l’humiliation) et à l’ombre des plus anciens. Le rôle et le sens de la médiatisation dans la transmission ne devraient-ils pas être aussi importants que les autres objets de nos pratiques ? La manière de transmettre et les lieux de transmission n'ont-ils qu'un rôle accessoire dans la tradition ? N'y-a-t-il pas de tradition dans les méthodes de transmission ? Ou est-ce réservé à certains savoirs ? Luk GAMA, graphiste guadeloupéen Article publié la première fois en juillet 2018



Vos réactions et commentaires à : lespwisavann@gmail.com

ou à

Association Lespwisavann s/c Raymond B. Gama 27, Rue Odette Magen, 97117 Port - Louis (Guadeloupe, F.W.I)

In Lespwisavann, Istwa & Sosyété www.lespwisavann.org

Revue Online – ISSN : 1634 - 0507


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.