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Kristian Baumann, chef de 108

Un légume racine récolté en fin de saison et stocké pendant un mois en cave peut-il devenir un plat gastronomique? Il suffit de visiter le restaurant108, aux volumes généreux et à la décoration brute et élégante, pour s’en convaincre. «Les mentalités évoluent et nos clients sont prêts à considérer qu’un restaurant étoilé ne se limite pas au filet de bœuf et à la truffe», explique le chef de l’établissement récompensé en 2018 d’une première étoile inattendue. «J’aime le rutabaga et je le cuisine depuis longtemps. J’apprécie la variété de techniques, de cuissons et de préparations qu’il offre. Au printemps, je le cuis à la vapeur. Ce qui m’intéresse, c’est de travailler ce produit afin d’obtenir une texture qui rappelle celle du melon.» Dans l’assiette, les palais de rutabaga sont associés à des chips de cassis, à un jus vif de groseille à maquereau, à une huile d’amande et aux herbes fraîches du moment. Un plat profond qui renvoie dans les cordes les souvenirs terreux des pâles recettes de cette variété de navet.

Le rutabaga offre une grande variété de préparations

L’intérêt de Kristian pour ce produit est à la mesure de son engagement dans la diffusion de la connaissance du terroir danois auprès de ses équipes et de ses clients. «Notre cuisine ne se limite pas à l’idée de la nouvelle cuisine nordique. Elle est clairement identifiée comme une cuisine copenhaguoise qui repose sur plusieurs piliers : la cueillette sauvage, la saisonnalité et la fermentation, comme le miso réalisé à partir des restes de pain que nous utilisons dans un dessert, par exemple. Nous possédons un hectare de terre où poussent près de 220 espèces de légumes et de fruits. Nous y cultivons entre autres plusieurs variétés de topinambours ou de concombres, mais aussi des produits plus rares par ici, comme le shiso (plante aromatique originaire du Japon) ou le tomatillo (petite tomate à coque venue du Mexique). Cela ne marche pas à chaque fois. Il y a deux ans, nous avons fait pousser du maïs qui était absolument horrible!» rigole le chef engagé. Kristian joue avec les frontières du «locavorisme» pour mieux le faire comprendre à ses contemporains. Qu’est-ce qu’un ingrédient local? Qu’est-ce qu’une recette patrimoniale? «Il faut avoir en tête que le plat traditionnel danois ce sont les boulettes de viande à la sauce au curry. Ce boller i karry est parfois servi avec du riz, dont pas un seul grain ne pousse au Danemark… Cela prend du temps de changer les mentalités ! C’est ce qui me porte dans mon métier : participer à cette révolution culturelle, écologique, mais aussi sociale. Nous faisons notre part.» 108, Strandgade 108, Copenhague