Memoire de Master en architecture

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L’École

nationale supérieure d’architecture

Paris-Val

de

Seine // Master

en architecture

RECONVERSIONS DES FRICHES INDUSTRIELLES À MOSCOU. Conflits et tensions autour des usages de l’espace de la chocolaterie désaffectée « Octobre Rouge ».

Borisova Valeriya / Production et usages de l’espace / directeur de mémoire Bresson Sabrina 1


Mémoire en Master en architecture avrile 2016 DOMAINE D’ÉTUDE 1 : « Production et usages de l’espace »

RECONVERSIONS DES FRICHES INDUSTRIELLES À MOSCOU Conflits et tensions autour des usages de l’espace « Octobre Rouge »

de la chocolaterie désaffecté

BORISOVA Valériya Directeure d’étude: BRESSON Sabrina 2


#urbanisation de Moscou #friche industrielle #stratégie de développement territorial #reconvertion #usine désaffectée #cluster créatif #économie créative #classe créative #industrie créative #industrie culturelle #débats publics # renouvellement urbain #gentrification #’île Baltchug #parc paysager #Flacon #ArtPlay #Octobre Rouge

image sur la couverture : « Octobre Rouge » Dima Vlasov, 2014

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« La culture... est ce que nous sommes façonne notre identité est un outil pour promouvoir le respect et la tolérance entre les individus est un moyen de créer des emplois et d’améliorer la vie des personnes est un moyen d’intégrer les autres et de les comprendre aide à préserver notre patrimoine et à donner du sens à notre avenir autonomise les individus ... œuvre pour le développement. »1

Extrait du message vidéo conjoint d’Irina Bokova, Directrice générale de l’UNESCO , et Helen Clark, Administrateur du PNUD, « Inscrivons la culture à l’agenda, maintenant. » 1

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INTRODUCTION

L’objet d’études de ce mémoire concerne les friches industrielles dans le centre ville de Moscou, qui sont aujourd’hui en transformation. L’étude de l’histoire et de la politique d’urbanisation de la ville de Moscou, montre que l’industrie était implantée à proximité du centre de la ville. Pourtant ses limites se sont élargies progressivement au cours du XXème siècle et les zones industrielles se retrouvent aujourd'hui au centre du tissu urbain dynamique. Au début des années 2000, le gouvernement de Moscou a pris la décision de déplacer l’industrie hors de la ville, de la moderniser et d'utiliser les zones désaffectées pour la densification de la structure urbaine. Depuis 2002, comme les autres villes mondiales, Moscou est confrontée à la question de la transformation des zones industrielles. Une des pistes de transformation des friches est la constitution des « clusters créatifs ». Ce terme signifie un regroupement des entreprises et des industries sur un territoire, leur permettant de collaborer et d’échanger des idées et compétences. Les clusters sont des plates-formes proposant des événements ouverts au public, tels que les expositions ou les conférences. Pourtant, le promoteur du cluster et la cible générale de ces événements est le groupe social réunissant l'ensemble des individus dont la profession est jugée « créative » : ingénieurs, scientifiques, artistes, managers, architectes, etc. Cette classe sociale est aujourd’hui considérée comme le moteur de la nouvelle économie post-industrielle. L'objectif principal de la création de clusters est le développement de l'infrastructure, de l'environnement et de la qualité de la vie. La constitution des clusters créatifs est un des moyens de « gentrification » urbaine. En prenant l’exemple de trois clusters créatifs à Moscou, nous étudierons un modèle de la réhabilitation, de la transformation morphologique des friches industrielles, et de leurs interactions sociales, économiques et culturelles avec l’environnement urbain. Ensuite l’étude se focalisera sur un cluster appelé « Octobre Rouge » l’ancienne fabrique de chocolat et confiseries, lieu emblématique de Moscou. Ce lieu est particulier, grâce à son histoire et à son emplacement au cœur de la ville. Le promoteur et propriétaire du lieu a eu l’ambition de convertir cette fabrique en centre d’affaires et quartier résidentiel. Pourtant, sans le soutien nécessaire du gouvernement de la ville et en accord avec le public, il s’est retrouvé face à des problèmes, qu’il n’a pas réussi à résoudre. Le promoteur a stoppé son projet et commencé à louer les espaces de la fabrique à des entreprises d’industries créatives. La confrontation des différents modèles de développement d'Octobre Rouge provoque une tension entre la volonté des usagers, celle de la ville et celle du promoteur. Peut-on esquisser la trajectoire du futur développement d’Octobre Rouge ?

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PLAN

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Introduction

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Chapitre I : CONTEXTE URBAIN DE MOSCOU

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1.1 Particularité de Moscou et liens entre architecture et politique 1.1.1 Contexte historique et politique 1.1.2 Structure et constitution de la ville de Moscou 1.1.3 Développement de la ville de Moscou au XXe siècle / Industrialisation

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1.2 Les friches industrielles  1.2.1 La politique de la ville de Moscou concernant les projets de transformation des zones industrielles 1.2.2 Les projets-phares de développement des zones industrielles des années 1990-2010 à Moscou 1.2.2.1 Les plus grands projets de rénovation et de reconversion des friches industrielles : « Moskva City » / « Likhatchev – ZIL » / « Serp et Molot » / « AZLK » 1.2.2.2 Les projets de réhabilitation, qui préservent le patrimoine industriel : « Stanislavski factory » / « Bolchevik » / « Krasnaya rosa » / « Luch » / « Danilovskaya manufactura » / « Arma » / « Vinzavod »

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Chapitre II : LES CLUSTERS CRÉATIFS COMME LEVIER DES TRANSFORMATIONS SOCIALES, ÉCONOMIQUES ET URBAINES

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2.1

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Clusters créatifs, industries, transformations urbaine et sociale : définitions et problématique 2.1.1 Les regroupements culturels / système des clusters 2.1.2 L’économie créative, comme un moteur des transformations sociales et urbaines 2.1.3 La créativité dans l’industrie et la classe sociale 2.1.4 La transformation territoriale


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2.2 Les projets des clusters 2.2.1 Flacon 2.2.2 ArtPlay 2.2.3 Octobre Rouge

créatifs a

Moscou

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Chapitre III : OCTOBRE ROUGE – UN TERRITOIRE D’ENJEUX

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3.1 Le contexte urbain et social d’ « Octobre Rouge » : parc Zaryadie / Vorobievi gori / jardin Neskoutchniï / parc Gorky / parc Muzeon / GES 2 / quartier Ostozhenka

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3.2 Les projets présentés sur le territoire d’Octobre Rouge 3.2.1 Le premier projet : redéveloppement du territoire d’Octobre Rouge à l’époque postsoviétique 3.2.2 Deuxième projet : « île dorée » et réalisation du pont «patriarchiï» 3.2.3 Troisième projet : les projets de Boris Bernasconi et « Mosproekt-2 » 3.2.4 Quatrième projet : huit architectes pour huit terrains 3.2.5. Cinquième projet : cluster financier « Kremlin City »

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3.3 Le

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3.4 Les

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Conclusion

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Bibliographie

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Crédit d'images

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Annexes

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développement du quartier créatif sur

Octobre Rouge :

tensions et les débats publics

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CHAPITRE I : CONTEXTE URBAIN DE MOSCOU

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1.1 PARTICULARITÉ DE MOSCOU ET LIENS ENTRE ARCHITECTURE ET POLITIQUE

Historiquement, l’architecture est liée à l’idéologie du pays, à son peuple et à son gouvernement. La Russie se trouve entre l’Europe et l’Asie, ce qui en fait sa particularité. Extrêmement grande, totalise 190 peuples de 70 confessions différentes. Traversant l’histoire de la monarchie et l’orthodoxie, on arrive à la période soviétique – totalitaire et athée, pendant 74 ans ; l’industrialisation et la Seconde Guerre mondiale laissent des traces de nouveaux modèles d’urbanisation. Dans l’Union soviétique la propriété privée n’existait pas, de même que les entreprises privées. Dans les secteurs de l’architecture les spécialistes travaillaient dans de grandes institutions, comme NIIPI GenPlan Moskvi [Institut de recherche et de conception du plan général de Moscou], Mosproekt [Mosprojet, réparti en cinq instituts proposant différentes spécialisations], MNIITEP [Institut de recherche de la typologie, et de conception expérimentale] spécialisé dans les logements. Ces entreprises existent et fonctionnent toujours. La chute de l’URSS en 1991 a permis le passage vers la démocratie, l’ouverture des frontières et de la politique extérieure, l’émergence du capitalisme, des propriétés privées et de l’économie de marché. Pourtant au début des années 2000, le modèle de politique intérieure devient une « verticalité », contrôlée par le président. « Le faible poids de l’élection dans cette pyramide expliquerait, pour certains, le degré élevé de corruption observé à Moscou. »2 Le gouvernement est corrompu à tous les niveaux et l’industrie de la construction est un des domaines où l’on voit la manifestation de la corruption. Les irrégularités liées aux concours architecturaux, les choix des jurys publics et des commissions gouvernementales sont décrites dans des articles de critique d’architecture écrits par Grigoriy Revzine.3 « Aujourd’hui l’idéologie est redevenue un facteur déterminant de la politique urbaine, et les orientations architecturales qui correspondent à ce projet idéologique ont la priorité absolue. La seule différence réside dans le fait qu´aujourd´hui Moscou ne cherche pas à devenir la «ville modèle du communisme», mais un pôle urbain international, un centre de décision économique mais aussi politique de premier ordre. Certes, tout ce qui se fait à Moscou n’est pas du meilleur goût, mais reste plus ou moins en harmonie avec l’héritage culturel russe. La capitale rappelle une table dressée pour un repas de Pâques, avec des koulitchs [gâteau traditionnel], des Cf : MARCHAND Pascal (2010), « Atlas / Mégapoles. Moscou », Editions Autrement, Paris p.48 Example : l’article de Grigoriy Revzine « Traditions de la schizophrénie dans l’architecture russe », 10 février 2016, Aficha Daily. http://daily.afisha.ru/cities/496-tradicii-shizofrenii-v-russkoj-arhitekture/ 2 3

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petits gâteaux, des œufs peints; elle incarne le vieil idéal festif russe. Moscou se fait peu à peu un visage bien à elle, bien qu’on y distingue la marque de ses bâtisseurs successifs. Elle se met à ressembler toujours davantage aux villes européennes tout en s’en démarquant. »4

1.1.1 CONTEXTE HISTORIQUE ET POLITIQUE

Nulle part dans le monde, la fusion entre le nom de la capitale et celui du pays n’est aussi forte que dans le cas de Moscou et de la Russie. Le Kremlin est le berceau et le centre de Moscou, symbole de la puissance russe. En 1547 la ville s’est proclamée « Troisième Rome », « centre unique de l’unique monde chrétien », après la faillite de Rome et de Constantinople. C’est l’arrivée de Sophie Paléologue5, qui amena les traditions, ainsi que les architectes et les peintres Italiens pour construire le nouveau berceau de l’orthodoxie. Grâce à l’architecture de ses églises aux coupoles dorées, Moscou reçoit son surnom « Moscou des têtes dorées » [Moskva zlatoglavaya].

fig 1. « Panoroma de Moscou » D. Indeytsev, aquarelle 1850. Source : Wikimedia Commons

Pierre le Grand, ayant des ambitions semblables à celles de Louis XIV « le Roi-Soleil », fait construire la nouvelle capitale sur des marais au Nord de la Russie. Saint-Pétersbourg fondée en 1702, était urbanisée selon un plan uniforme. Orienté vers l’Europe, Pierre le Grand a voulu que la politique, le système militaire, l’art, le mode de vie soient européanisés. Pourtant, cette période finit avec la monarchie en Russie. Déchue de son rôle de capitale, en 1712 au profit de Saint-Pétersbourg, Moscou n’était un gros centre industriel au XIXème siècle que par la concentration démographique héritée des siècles passés. Cf : VENDINA Olga (1997), Institut de Géographie Académie des Sciences de Russie, « Le nouveau visage de Moscou et la contribution de la municipalité à la modernisation de la ville ». 5 Sophie Paléologue [1455-1503] est la nièce du dernier empereur byzantin, et la seconde femme du grand-prince de Moscou Ivan III. 4

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La capitale revient à Moscou en 1918 avec les bolcheviks. La Révolution d’octobre 1917, le nouveau régime politique, les nouveaux idéaux font naître une avant-garde. La révolution incite les artistes à créer et à inventer de nouveaux mouvements dans l’art. Les années 20-30 voient l’apogée de l’art, notamment celui de l’architecture soviétique. Le peuple a cru aux idées fondatrices du communisme et vécu un essor culturel, conduisant au développement de la créativité. Le gouvernement développe l’idée de création d’une nouvelle société, qui vit autrement, travaille autrement, communique autrement. Pour la réalisation de ces idées il fallait créer un nouveau modèle d’habitation, construire les usines et les ministères – créer une image du pays communiste, où tous les gens sont libres, égaux, et frères, où il n’y a plus de classement social ni d’exploiteurs. L’architecte joue un rôle important dans la construction du nouveau pays. Malheureusement, bientôt, cette montée artistique ralentit face aux répressions staliniennes.6 Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe et la Russie traversent des années difficiles de reconstruction urbaine et créent de nouveaux logements. Staline mobilise tous les moyens pour les constructions monumentales afin de montrer la force et le triomphe de l’état des soviets – vainqueurs du fascisme et leaders mondiaux. L’architecture de cette époque, dite « Empire Stalinien », a donné un nouveau visage à Moscou.

L’université d’État Lomonossov de Moscou

Immeuble d’habitation 2, av Leningradsky

Élément de façade Élément de façade 1/3, rue Tverskaya-Yamskaya 23, av Kutuzovsky

Immeuble d’habitation 28, rue Tverskaya-Yamskaya

Élément de façade 9, rue Tverskaïa

Élément de façade 38, Prospekt Mira

fig.2 « Empire Stalinien » Source : greedyspeedy.livejournal.com Les répressions politiques massives en URSS ont eu lieu au cours de la période stalinienne (fin des années 1920 - début des années 1950). Joseph Staline [1878-1953] - Secrétaire général du Comité central du Parti communiste de la RSFSR, puis d’URSS en 1922-1953. 6

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Avec l’arrivée au pouvoir de Khroutchev7 en septembre 1953, la « débauche architecturale » est condamnée, au profit d’un programme massif de constructions de logements bon marché. Construits à la chaîne en éléments de béton préfabriqués, ces bâtiments appelés « piatietajki » [cinq étages] ou « khroutchovki ». A la même époque, est né le micro-raïon, unité d’immeubles collectifs de 10 000 à 15 000 habitants. Les immeubles ont été séparés par de larges espaces arborés et équipés d’aires des jeux pour les enfants, d’aires de sports, d’aires techniques, destinés aux habitants d’un « groupe d’immeubles ». Ce modèle d’urbanisation correspond à la période de diffusion internationale d’architecture fonctionnaliste, sauf que en USSR de tels ensembles ont occupé les quartiers et les arrondissements. Les micro-raïons se construisent notamment à la périphérie de la ville. Puis on passa à l’édification d’immeubles de meilleure qualité, bientôt baptisés « brejnevki ». De neuf étages en 1965-1975 on passa à des constructions de 12 étages, puis dans les années 1980, de 16 à 24 étages.

fig.3

piatietajki / khroutchovki

brejnevki

groupes d’immeubles dans les micro-raïons

Source : « L’habitat moyen à Moscou », Claire-Lise Havet, Bourse du Talent #36 Espace, Paysage, Architecture, organisée par Photographie.com, octobre 2008. Nikita Khrouchtchev [1894-1971] – Secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique de1953-1964. 7

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Après la chute de l’Union soviétique, une nouvelle structure de gouvernement se met en place. Yuriy Loujkov devient le chef d’administration de Moscou en juin 1992. Il quittera son poste de maire en 2010, après 18 ans. Le travail de réforme devait attendre la rédaction et l’approbation d’une Constitution, ce qui fut fait en décembre 1993. De par cette Constitution, le maire de Moscou eut une certaine latitude pour élaborer le système administratif de la ville. « L’article 72 de la Constitution stipule en effet que les principes généraux de l’autoadministration locale font partie des compétences conjointes de la Fédération et du « sujet »8 (or Moscou avait reçu le statut de « sujet »). La détermination de ces principes fut l’un des objets de longues tractations entre la mairie et le Kremlin, qui aboutirent au statut de 1995, confirmant le partage des compétences entre le «sujet » de Moscou et la Fédération, en juin 1998. »9 Les 32 arrondissements [raïons] de l’époque soviétique deviennent les dix districts [okrougs]. Ces unités administratives, parfois nommées « préfectures », car dirigées par un préfet, sont subdivisées en 123 arrondissements [raïons] municipaux, dirigés par un chef de raïon nommé et assisté d’un conseiller des bénévoles élus. Yuriy Loujkov voulait faire de Moscou une cité au rayonnement mondial et a engagé la ville dans une mutation dirigée par le haut. La mairie a pris en main la cohérence économique et architecturale du projet urbain. Le centre historique a été réhabilité, les immeubles neufs ont été construits dans un style volontiers néoclassique.

fig.4 Districts administratives de Moscou Source : « Atlas / Mégapoles. Moscou », p.55

La Fédération de Russie est composée de républiques, de territoires, de régions, de villes d’importance fédérale, d’une région autonome et de districts autonomes, sujets égaux en droits de la Fédération de Russie. La Fédération de Russie est en 85 sujets (unités administratives), dont 3 sont des villes fédérales : Moscou, Saint-Pétersbourg, Sébastopol. 9 MARCHAND Pascal (2010), « Atlas / Mégapoles. Moscou », Editions Autrement, Paris, p.47 8

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La privatisation devient un point d’appui du nouveau système. Les habitants peuvent acquérir les appartements qui leur étaient donnés, à l’époque, par leurs employeurs : entreprises, institutions, usines, ministères, etc. Loin d’être homogène, la structure du centre-ville est formée d’ensembles de différents styles et époques. Par exemple un immeuble du constructivisme peut se trouver à côté d’un immeuble de l’empire stalinien, avec les khroutchovki d’un côté, les bâtiments du XXème siècle de l’autre, et le nouveau logement de la classe « business » construit à la fin des années 2000. Les immeubles sont de différentes valeurs, selon le prix du mètre carré qui révèle le niveau social des habitants. Mais, comme dit précédemment, le logement donné à l’époque pouvait être transmis en héritage, et, malgré sa valeur, appartenir à des gens aux revenus modestes. Donc, le tissu urbain est mélangé et la société est également mélangée.

fig.5 Vu du ciel sur Moscou, diversité du tissus urbain De gauche à droite: Bâtiment de gouvernement de Moscou (1963 — 1970); Hôtel Ukraine (gratte-ciels staliniens, 1955); Maison Blanche, bâtiment de gouvernement russe (1965-1980); L’immeuble d’habitation de la place Koudrine (gratte-ciel stalinien, 1954); Gratte-ciel Moskva-City (1992); Source : Wikimedia Commons

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1.1.2 STRUCTURE ET CONSTITUTION DE LA VILLE DE MOSCOU

Les premières installations villageoises sur le site du Moscou contemporain datent du IVème- IIIème siècles avant Jésus-Christ. La ville de Moscou est fondée en 1147 par le prince Yuri Dolgorouki de la principauté de Vladimir et Souzdal. En 1325, Moscou devient la capitale tandis que s’est constitué le Kremlin – la ville fortifiée primitive construite sur la colline confluente des rivières Neglinka et Moskva.

fig.6 Schéma de développement territorial de Moscou XVème s.

XVe siecle

Le mur de Kitaï-Gorod10, joint à celui du Kremlin, marque une étape de la croissance de la ville au XVIème siècle, délimitant un quartier commerçant et artisan. La grande place du marché (Place Rouge) entre le Kremlin et Kitaï-Gorod devint le point central de la composition urbaine, à partir duquel rayonnaient les routes qui le reliaient aux villes des principautés russes. Moscou est un carrefour commercial privilégié.

XVIème s.

XVIe siecle

XVIIème s.

Le mur de la Ville-Blanche existe entre les XVIème et XVIIème siècles, puis laisse place à l’anneau des boulevards. XVIIe siecle

XVIIIème s.

La fortification suivante, dite de la Ville de Terre est constituée d’un mur en bois fiché sur un haut talus de terre. Elle est détruite vers l’année 1830 et remplacée par une avenue circulaire pavée entourée de jardins privés, lui donnant ainsi son nom : Ceinture des Jardins. XVIIIe siecle

La dernière fortification - Kamer-Kollegskyï val est constituée d’un talus de terre bordé d’un fossé rempli d’eau. Elle est dessinée en 1742 comme la limite douanière officielle de la ville. Le terreplein est nivelé dans la seconde moitié du XIXème siècle. En 1935, le plan général de la reconstruction de Moscou prévoit de créer une route sur la base du Kamer-Kollegskyï val. Cette route devient le troisième anneau et représente la limite du centre de Moscou avec une surface équivalente à celle de Paris intra-muros.

XIXème s.

XIXe siecle

L’origine du nom Kitaï-Gorod, qui en le russe contemporain signifie « ville chinoise », reste obscure: peut-être est-il issu du vieux russe kita, « claie consolidant les fortifications », à moins que ce ne soit du turc ou du mongol kataï, « ville moyenne », ou de l’italien citta. 10

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fig.7 Plan de centre ville de Moscou, 1853 Construction du canal Vodootvodnï Source: Khotev’s Atlas of Moscow

Entre 1712 et 1917, à l’époque où la capitale de l’Empire russe est Saint-Pétersbourg, Moscou perd son statut de capitale à cause de la préoccupation constante de l’urbanisation. Comme SaintPétersbourg accueille la noblesse et le gouvernement, Moscou n’est donc plus centre politique; pourtant elle reste centre commercial. Sous le règne de l’impératrice Catherine II11 , le Kremlin est reconstruit et on perce le canal Vodootvodnï qui, lié à la rivière Moskva, forme l’île Baltchung. Jusqu’au XVIIIème siècle, le secteur de la construction utilisa le bois comme principal matériau, à l’exception de certaines églises. Par la suite, les églises, palais, certains bâtiments administratifs ainsi que l’enceinte défensive de la ville furent édifiées en pierre ou en brique. A cause des nombreux incendies la ville se reconstruisait sans cesse. Après la campagne de Russie en 1812, la ville désertée par une grande part de ses habitants, connaît son dernier incendie. Apres l’éphémère occupation française la ville se reconstruit.

fig.8 Superposition en plan des différents projets autour du Christ-Sauveur Église du Christ-Sauveur (construstion: 1837-1883; destruction: 1931-1937; reconstruction: 1994-1997) Projet de Palais des soviets (construction engagée en 1939, interrompue et abandonnée en 1960) Piscine à ciel ouvert, chauffée été comme hiver (1960-1993)

En mémoire de la victoire de la Russie sur la Grande Armée de Napoléon Ier, l’empereur Alexandre Ier fait édifier la cathédrale du Christ-Sauveur entre 1839 et 1883. Puis, détruite sous Staline en 1931, en prévision d’un palais des

Source : « Atlas / Mégapoles. Moscou », p.45 Catherine II [1729-1796], surnommée la « Grande Catherine », l’Impératrice de Russie en 1762-1796 (dynastie Romanov). 11

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Cathédrale Christ-Sauveur XIXème siècle

Cathédrale Christ-Sauveur Projet de Palais des soviets, explosion 1931 Boris Iofane, 1933

Piscine à ciel ouvert dans le fondation de Palais des soviets, (1960-1993)

Cathédrale Christ-Sauveur l’état actuel fig.9 Les différents projets autour du Christ-Sauveur Source : commons.wikimedia.org

Soviets, jamais réalisé à cause de la seconde guerre mondiale, elle est reconstruite pratiquement à l’identique entre 1995 et 2000. Elle abrite le patriarcat de Moscou et de toute la Russie, siège de l’Eglise orthodoxe Russe. Jusqu’aux années 1950, période d’industrialisation et urbanisation globales consécutives à la deuxième guerre mondiale, on dénombre encore une quantité importante de constructions en bois sur le territoire de Moscou.

fig.10 Constructions en bois 1958 Source : oldmos.ru

fig.11 Université de Moscou 1951-1952 Source : bigpicture.ru

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1.1.3 DÉVELOPPEMENT DE LA VILLE DE MOSCOU AU XXÈME SIÈCLE / INDUSTRIALISATION

La deuxième moitié de XIXème siècle est marquée par l’industrialisation globale en Europe. En Russie elle s’est faite en deux vagues successives. La première vague, de 1861 à 1891, traduit la stratégie de l’expansion territoriale et de la protection militaire à travers le développement du chemin de fer. La seconde vague d’industrialisation, de 1892 à 1905, fait partie de la politique de développement économique lancée par ministre des finances Sergueï Witte et poursuivie jusqu’à la révolution de 1905. L’industrialisation massive et rapide conduit à une transformation radicale des provinces avec un accroissement considérable des centres urbains, la naissance des usines modernes et donc l’émergence d’un prolétariat. En 1860, les paysans représentent les quatre cinquièmes de la population, donc la majorité de la société reste rurale. L’abolition du servage en 1861, libérant les paysans d’un point de vue juridique, n’a pas conduit à leur affranchissement vis-à-vis des propriétaires terrains. Obligés de racheter les terres au prix fort, la plupart d’entre eux se trouvent endettés pour plus d’un demi-siècle. Certains vont travailler en ville, formant le noyau du prolétariat ouvrier. Le déclin de l’industrie moscovite se lit dans l’évolution des productions de la ville. Le système soviétique est implanté au sein de la ville, autant que dans la banlieue, le secteur secondaire, y compris les industries lourdes et, surtout, l’emblématique secteur de la machine-outil. Les volumes sont en très forte diminution depuis 1990, sauf pour la production d’énergie. La ville abrite dix-huit centrales, sans compter celles de la périphérie. Le rôle de ces centrales est très important puisqu’il s’agit d’unités produisant également de la vapeur, qui alimentent les canalisations de chauffage collectif, intégré partout dans la ville. Le nombre d’habitants de Moscou triple entre 1862 et 1900. Au début du XX siècle avec plus d’un million d’habitants, Moscou est la deuxième ville la plus peuplée de Russie après Saint-Pétersbourg et la sixième du monde occidental. Vers l’année 1917, la population moscovite atteint plus de deux millions d’habitants.12 Malgré sa forte croissance, par rapport aux grandes villes occidentales, la densité de la population moscovite reste faible. En 1912, les constructions en bois représentaient encore 53% de la surface habitable moscovite.13 La moitié de la population n’avait pas l’eau courante. Moscou restait une ville provinciale avec une occupation du sol assez dispersée. La plupart du territoire de la ville appartient à des propriétaires privés. Les espaces publics, sous la gestion municipale, comptent environ 27,2 % du territoire urbain. ème

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Cf : ESSAÏAN Elisabeth, 2009, « Portrait de ville. Moscou », Archiscopie. Cf : MARCHAND Pascal (2010), « Atlas / Mégapoles. Moscou », Editions Autrement, Paris.


En 1917, le pouvoir est de retour à Moscou : le nouveau régime politique et l’idéologie communiste lient le progrès industriel à une nouvelle urbanisation à l’échelle mondiale, dictant une révision globale de la ville. L’abolition de la propriété privée du sol et des biens immobiliers crée des conditions pour réaliser des projets d’aménagement territorial à grande échelle. Cependant ces ambitions ne furent pas mises en œuvre à cause de la guerre civile et de la guerre mondiale. L’industrialisation et la collectivisation, comme le principe de socialisme, deviennent les symboles de l’époque et d’un nouveau cadre de vie : « Forteresses du socialisme » à la campagne sous la forme de kolkhozes et de sovkhozes et dans la ville, réduction des lieux de la vie individuelle par la création de « cellules familiales» et la mise en commun des fonctions quotidiennes.

fig.12 Illustrations de la nouvelle société à travers les affiches soviétiques Source : gallerix.ru De gauche à droite: « La lutte pour la qualité de la restauration. Déroulons la construction massive des cantines », 1932 V.A. Guizevish « Parade athlétique », 1938 Artiste inconnue « Que a donné révolution aux ouvriers et kolkhoziennes », 1920 Artiste inconnue

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En 1930, le rythme d’industrialisation de Moscou s’intensifie. En règle générale, les usines sont construites dans la périphérie autour des grands axes routiers, afin d’être facilement accessibles. La ville s’est étendue par multiplication de ces microraïons d’immeubles, sans aucune extension pavillonnaire. C’est la ville de Moscou qui s’agrandit, et non les villes de banlieue qui grossissent. Les limites administratives ont été élargies une première fois au milieu des années 1960. Cette limite est devenue une autoroute circulaire, dite MKAD [Moskovskaya Koltsevaya Avto Doroga]. La ville fut encore étendue en 1986, englobant des banlieues. Le projet d’élargissement des frontières administratives de la ville de Moscou se développe en 2011 – 2012 et elles sont environ 2,4 fois plus étendues.

fig.13 Grand Moscou 2012 Source : RBK Nedvijimost

Ainsi, aujourd’hui la surface du Grand Moscou compte 2 561,5 km2. En comparaison, l’unité urbaine de Paris14 compte 2 845 km2. En revanche, dans ses limites de MKAD la surface de Moscou est de 870 km² et comprend 12 325 387 habitants, alors que la périphérie de Paris comprend 105,40 km2 et 2 229 621 habitants. Aujourd’hui, sur le territoire de la Fédération de Russie, de nombreuses zones, occupées par la production industrielle et ses corollaires, ont perdu leurs valeurs d’origine à cause de l’arrêt partiel ou total des activités. Mais le terrain et les biens immobiliers qui y étaient situés, malgré la chute de leurs chiffres d’affaires, sont conservés intacts au milieu d’un environnement urbain en évolution.

Oblast de Moscou ------- Limites de l’oblast « Sujet », Moscou

Bassin parisien ------- Limites régionales Paris

fig.14 L’oblast de Moscou et le bassin parisien Source : Atlas / Mégapoles. Moscou p.71

L’unité urbaine de Paris [l’agglomération parisienne] est composée des 412 communes - les départements de la petite couronne et une partie de la grande couronne. 14

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1.2 LES FRICHES INDUSTRIELLES

Au cours des dernières dizaines d’années, l’abandon des espaces centraux des villes européennes, précédemment occupés par les industries est devenues la véritable tendance. L’apparence des friches dans le tissu urbain a été provoquée par la disparition complète de « branches industrielles » ou la modernisation et la relocalisation des usines existantes. Cette modernisation a été accélérée par diverses législations (hygiène, sécurité, conditions de travail, transports et plus récemment problèmes liés à l’environnement). Lorsque l’URSS s’est effondrée en 1991, 25 % du territoire de Moscou étaient classés zone industrielle. A peine quelques années plus tard, la plupart des usines qui s’y trouvaient ont cessé d’être rentables. Moscou, comme les autres villes mondiales, est confrontée à la question de la transformation des zones industrielles. Ces territoires brisent la continuité du tissu vivant de la ville, séparant la partie centrale de la périphérie. Une partie de l’industrie se retrouve à l’intérieur des zones résidentielles et forme depuis les années 19902000 une « ceinture de la rouille » dans la ville.

Zone urbaine Zone industrielle Zone industrielle au bord de la rivière Moskva Ceinture de la rouille fig.15 Les zones industrielle à Moscou Source : Agence « Ostogenka », ostarch.ru

Aujourd’hui les anciennes zones industrielles donnent de nouveaux territoires pour la suite de l’urbanisation dans la ville de Moscou. La plupart des usines désaffectées sont détruites, les quartiers d’habitation ou les parcs d’affaires prennent leur place, selon leur localisation dans la ville. D’après les plans d’urbanisme actuels de la mairie, 4 300 hectares devraient être reconvertis d’ici à 2025 afin de fournir à la capitale « des bâtiments à usage public et d’habitation, ainsi que des zones vertes et de loisirs ». Le fait de parvenir à transformer les friches industrielles devient un enjeu économique et politique pour prouver le dynamisme d’une ville. Alain Bourdin15 parle BOURDIN Alain, « Gentrification : un « concept » à déconstruire. », Espaces et sociétés 1/2008 (n° 132-133), p. 23-37 15

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de l’enjeu économique qui requiert un savoir-faire dans les divers jeux concurrentiels entre les villes. La mise en valeur des friches ne repose pas sur l’action des habitants elle-même, les espaces créés correspondent à des valeurs nouvelles. Ainsi, les zones anciennes arborent un côté plus ludique, commercial ou touristique avec de nouveaux types de quartiers en gardant des immeubles ou des aménagements existants. Le 30 juin 2015 à la Douma, est voté en première lecture, un projet de loi N 778655-6, qui prévoit une procédure pour le développement intégré des zones industrielles. Cette loi fédérale, en cours d’élaboration, fournit une définition des zones industrielles et établit les conditions dans lesquelles doivent évoluer ces dernières en regard d’un développement global. Le problème principal de la capitale russe est que la majorité des entreprises industrielles est soit privée, soit propriété du gouvernement fédéral. Le gouvernement de Moscou n’a pas de possibilité de développement global des territoires des zones industrielles. Chaque site doit être discuté et examiné individuellement. o

1.2.1 LA POLITIQUE DE LA VILLE DE MOSCOU CONCERNANT LES PROJETS DE TRANSFORMATION DES ZONES INDUSTRIELLES

Il y a dix ans, le gouvernement de Moscou faisait un nouveau pas dans la politique de retrait de la production industrielle de Moscou, ceci s’ajoutant au fait qu’une partie importante des entreprises avait cessé de fonctionner à partir de 1991, en raison de la transition vers une économie de marché. Ainsi, en 2002, le gouvernement moscovite adopta un décret « sur le programme de réorganisation des zones industrielles de la ville de Moscou pour la période 2004-2006 », décret selon lequel les entreprises industrielles devaient construire ou louer à l’extérieur de Moscou, et que le territoire auparavant occupé, était destiné à la construction de logements. Par ce processus, le gouvernement de Moscou prévoyait d’attirer les investisseurs privés.16 Pourtant, en octobre 2015, le parlement municipal [Gorodskaya douma] adopta dans sa version finale une loi réfrénant la précédente. Cette loi mène à bien le développement territorial de l’industrie, la création de regroupement d’entreprises de différents secteurs industriels et des clusters d’innovation industrielle (parcs technologiques). La loi contribue à la formation de la haute technologie, de l’industrie

Cf : ALEKSEEVA Olga, BRIZGLOVA Ekaterina, TKATCHENKO Ekaterina, (10.09.2012), « Retour à l’usine », Gazeta.ru 16

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compétitive, de l’augmentation d’attraction des investissements, de la création et du développement d’une infrastructure industrielle moderne, de la création de nouveaux emplois, d’une augmentation de volume de production et de revenus fiscaux dans le budget de Moscou. Depuis 2014 le niveau économique dans le pays baisse. Le gouvernement établit un embargo sur les importations, à cause des conflits dans la politique extérieure et il a introduit une politique de substitution des importations. A cause de la baisse de la capacité de production industrielle en général dans le pays depuis la chute de l’Union Soviétique, aujourd’hui, le pays a besoin de reconstituer sa force industrielle. Pendant le « Forum d’urbanisme 2015 », à Moscou en octobre, dans la session « zone industrielle dans la ville post-industrielle » grands experts, architectes et investisseurs partageaient leur vision de la nécessité de moderniser des installations industrielles à Moscou et des avantages apportés à la ville et les résidents. En tant que modérateur de la discussion, le chef du Département des sciences, de la politique industrielle et de l’Entreprenariat, Alexey Komissarov déclarait que les zones industrielles avaient un grand potentiel pour le développement économique de la métropole. Il y a plus de 200 zones industrielles à Moscou dans une couverture totale de 150 km2 environ, soit une fois et demi le territoire de Paris. Selon Komissarov, le projet de réorganisation de ces zones devrait prendre en compte les intérêts des investisseurs, au profit des citoyens et correspondre à une stratégie d’évolution de la ville à long terme. Cette déclaration purement politique ne rend pas claires les ambitions de gouvernement et la méthodologie de développement territorial. Environ 10% du territoire de Moscou se trouvent dans la zone côtière, un quart d’entre elles sont les zones industrielles. Les zones industrielles et les espaces adjacents à la rivière Moskva, attendent des changements majeurs dans les années à venir. Le concept de « développement des quais de la ville jusqu’en 2035 » est déjà conçu. L’agence moscovite « Meganom »17 est devenu un lauréat du concours international d’architecture en 2014. Environ trente projets d’aménagement des zones industrielles se trouvent actuellement à l’étude et, à partir de 2016, les travaux d’aménagement des quais vont commencer.

fig.16 Projet lauréat agence « Meganom », 2014, Aménagement des quais de riviere Moskva Source : archi.ru

« Meganom » est l’agence d’architecture de Moscou, fondée en 1999. L’associé de l’agence Yuriï Grigorian est le directeur du programme d’éducation de l’Institut «Strelka ». 17

21


fig.17 Les projets-phares de dĂŠveloppement des zones industrielles Ă Moscou. Source : image personnelle.

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1.2.2 LES PROJETS-PHARES DE DÉVELOPPEMENT INDUSTRIELLES DES ANNÉES 1990-2010 À MOSCOU

DES

ZONES

A Moscou, l’idée de transformation des usines en lieux d’activité publique n’a pas rencontré un succès immédiat. Après la chute de l’URSS, la population a eu du mal à accepter cette transformation, à cause du passé soviétique qui était associé à l’industrialisation et aux ouvriers comme un symbole du communisme. Pourtant dans les années 2000 l’esthétique de l’architecture industrielle est de plus en plus tendance en Russie. Il n’y a pas de modèle prononcé dans le développement des friches industrielles. Dans une zone, on peut construire un quartier résidentiel, dans une autre un centre d’affaires [Rose Rouge, Lefort, Bolchevik, Arma], dans une troisième un mélange de propriétés résidentielles, d’affaires et commerciales [Moskva City, Likhatchev – ZIL]. La réorganisation des anciennes zones industrielles est un potentiel de mise en œuvre des équipements sociaux et culturels, du logement, des routes, des aires de stationnement. La direction du projet dépend de l’emplacement choisi. Le plus avantageux pour les développeurs devient le concept d’un complexe multifonctionnel. La conception de ces projets est de créer « des villes dans la ville »: ils comprennent toute l’infrastructure nécessaire aujourd’hui pour bien vivre. L’autre modèle de transformation de l’usine ou de la fabrique est la création de lieux ouverts au public – espaces culturels [Stanislavski Factory, Garage, Vinzavod] et quartiers artistiques, dits « clusters créatifs »18 [ArtPlay, Flacon, Octobre Rouge].

1.2.2.1 LES PLUS GRANDS PROJETS DE RÉNOVATION ET DE RECONVERSION DES FRICHES INDUSTRIELLES

Les transformations et réorganisations des zones industrielles ont été réalisées pendant la mandature de Yuriy Lougkov. Il a effectué des changements globaux et importants dans la ville; ces transformations stratégiques, réalisées dans un temps très court, font aujourd’hui réfléchir sur les conditions d’une réussite ou un échec.

fig.18 Projet lauréat d’agence « Meganom », 2014 Vue perspective sur les quais de riviere Moskva Source : stroi.mos.ru

La définition de terme « cluster créatif » - voir le parti 2.1.1 LES REGROUPEMENTS CULTURELS / SYSTEME DES CLUSTERS, p.36 18

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fig.19 Projet lauréat d’agence « Meganom », 2014 Vue perspective sur les quais de riviere Moskva Source : stroi.mos.ru

Les trois territoires urbains, situés au bord de la rivière Moskva, vont devenir les nouvelles centralités publiques sur les quais de Moscou. Selon le concept d’agence « Meganom », les ponts et les passerelles seront construits, les nouveaux espaces publics seront aménagés, le transport fluvial touristique sera développé. Les trois terrains stratégiques à développer et transformé sont « Moskva City », « Likhatchev – ZIL », et « Zaryadie. »19

« MOSKVA CITY » Moscou est le pôle à partir duquel toute l’économie russe s’est liée à l’économie mondiale. En 1992 Yuriy Loujkov lance la construction du centre d’affaires international de Moscou, à l’instar du quartier de la Défense à Paris. Ce projet, le plus ambitieux de Loujkov, est un fait marquant pour la ville et l’urbanisation de son époque. Au cours de ce projet, la mairie a apporté un soutien important et a même joué un rôle d’intermédiaire entre les investisseurs. Pour éviter tout conflit probable entre les nouveaux propriétaires, la ville a racheté tous les terrains ainsi que toutes les constructions existantes.

fig.20 Vue sur Moskva City, 2013 Source: themoscowcity.com

Description du projet « Zariadie » - voir le parti 3.1 LE CONTEXTE URBAIN SOCIAL D’ « OCTOBRE ROUGE », p.61 19

24


Ensuite, la ville a mis en place des concours pour les futurs projets auprès des investisseurs. C’est un des exemples de coordination très efficace entre associés et investisseurs, ainsi que d’autres structures et entreprises. Moskva City est un ensemble de gratte-ciel, au total de 3,4 millions m2. Ce complexe, situé en bordure du troisième anneau, sur 100 hectares de terrains industriels déclassés, comprend appartements, lieux de divertissements (casino, restaurants, parc aquatique), centres commerciaux, hôtels et surfaces de bureaux. Moskva City est un des plus grands quartiers d’affaires du monde. Pourtant, le nouveau maire de Moscou, Sergeï Sobyanine20 appelle ce « cluster » une erreur d’urbanisme, car situé dans la limite de troisième anneau, il augmente la congestion du trafic, déjà très élevé à Moscou.

fig.21 Vue sur Moskva City et 3ème anneau Source : themoscowcity.com, 2015

fig.22 Vue sur Moskva City de côté de la rivière Moskva Source : themoscowcity.com, 2015

fig.23 Vue du ciel sur l’ensemble fig.24 Integration du projet d’ammenagement des de la ville de Moscou quais de riviere Moskva, Agence « Meganom » Source : themoscowcity.com, 2015 Source : archi.ru, 2014

20

Sergeï Sobyanine [né en 1958] est le maire de Moscou depuis 2010.

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« LIKHATCHEV – ZIL », « SERP ET MOLOT » [FAUCILLE ET MARTEAU] ET « AZLK »

fig.25 « Serp et Molot », Architecte MVRDV, avril 2014 Source : archinect.com

fig.26 « Likhachev - ZIL », Architecte LCR, avril 2014 Source : RBK Nedvijimost

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Dans les années 2010, le gouvernement de Moscou a décidé de transformer les trois grands domaines - l’ancienne usine « Serp et Molot » [Faucille et Marteau], dans les constructions métalliques, ZIL dans le secteur automobile et ses annexes, et AZLK – l’usine de construction automobile. Si la zone AZLK ne plus aucun intérêt architectural et historique, le territoire du « Serp et Molot » n’a conservé que quelques bâtiments d’époque, alors que l’usine « Likhachev - ZIL » nous a laissé le patrimoine architectural du XXème siècle – des bâtiments industriels en béton dans le style néoclassique - nécessitant une approche différente de la restauration et de reconstruction des certains éléments de façade et leur conservation. D’après la reconstruction complexe de tout le territoire, quelques entrepôts ont été conservés. L’un de ces bâtiments est un ancien atelier construit en 1936. Ce bâtiment fonctionnel en béton armé en style d’avant-garde est très intéressant d’un point de vue architectural. Pour les nouveaux propriétaires, et l’un des bureaux d’architecture qui a travaillé sur le projet, c’est le premier objet de l’héritage néoclassique avec l’adaptation à de nouvelles fonctions telles que le centre et le garage automobile. En fait, ceci est le premier exemple de l’architecture industrielle soviétique, qui commence progressivement à susciter l’intérêt pour un patrimoine architectural, non seulement en valeur immobilière. Il est possible que certains objets d’architecture industrielle soviétique seront également convertis et conserveront leur aspect architectural. Le projet de reconstruction de la zone industrielle de « Likhachev - ZIL » a été adopté au printemps 2013. Le territoire est divisé en neuf parties fonctionnelles, qui constitueront des zones résidentielles, des centres d’affaires, des parcs, des unités de sport.


1.2.2.2 LES PROJETS DE RÉHABILITATION, QUI PRÉSERVENT PATRIMOINE INDUSTRIEL21

LE

Au cours des dix dernières années à Moscou, il y a eu de nombreux projets intéressants de réhabilitation des anciennes petites entreprises industrielles avec l’architecture historique de la fin du XIXème - début du XXème siècle. L’expérience a été très importante dans la pratique métropolitaine. Ces travaux ne peuvent pas toujours être considérés comme un succès étant donné le nombre d’erreurs : mauvaise utilisation du potentiel des territoires, des espaces entre les bâtiments et destruction du patrimoine historique de l’architecture industrielle. Mais nous avons vu qu’il était possible de convertir les anciennes usines industrielles dans la partie centrale de la ville et de préserver le patrimoine de l’architecture industrielle du style que l’on appelle la brique de la fin du XIXème - début du XXème siècle, en laissant l’esprit et des éléments de l’histoire du lieu. La première expérience a eu lieu dans le milieu des années 1990, avec la reconstruction des anciens bâtiments industriels de « La manufacture Golutvine » du XIXème siècle. Les bâtiments en briques ont été rénovés et réaménagés en bureaux. C’est la première grande expérience menée, et la réussite de la reconversion des entreprises industrielles de Moscou. Mais l’intérêt pour le patrimoine historique industriel n’est pas toujours manifeste. Bon nombre des anciennes usines et manufactures ont été spontanément rénovés en centres d’affaires sans que l’on se soucie de leur apparence ni du renouvellement complexe du territoire, sans réflexion sur l’ensemble de la préservation du patrimoine industriel. La situation a changé de façon spectaculaire dans les années 2000. A Moscou ont commencé à émerger de nouveaux projets affectant les anciennes zones industrielles du centre ville de Moscou. Les industries ont conservé un patrimoine architectural très précieux et se situent dans des zones prestigieuses de la ville. Mais ce sont des ensembles compacts et denses en construction de bâtiments historiques, construits avant la révolution de 1917. En règle générale on appelle ce style - « style brique ». La ville possède également des grands sites industriels qui représentent l’héritage de 1920 - 1970 : les bâtiments constructivistes, néoclassique etc.

« LEFORT » Le premier projet des années 2000 était le Centre d’affaire « Lefort », se trouvant dans un ancien bâtiment des ateliers de « Soieries de Shcherbakov ». Ici, tous les

Cf : ROMODIN Denis (2015) « L’histoire de la rénovation des fabriques moscovites », RBK nedvigimost. 21

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bâtiments ont été conservés, les façades de briques rouges de vieux bâtiments prérévolutionnaires décapés de leur peinture. Quelques nouveaux éléments de l’architecture moderne sont apparus : des groupes d’entrée ou la salle de réunion, placée dans le premier réservoir du château d’eau de 1910. Dans l’ensemble, c’est le premier grand projet de revitalisation de l’entreprise industrielle, le seul inconvénient étant le manque de zones piétonnes à l’intérieur du territoire. Mais le projet a réussi à démontrer comment il est possible de préserver et d’utiliser tous les bâtiments industriels en leur donnant une nouvelle vie et une nouvelle fonction.

fig.27 « Lefort » Architecte LCR, 2000 Source : lefort.o1properties.ru

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« STANISLAVSKI FACTORY » Le problème des espaces publics internes a été bien organisé dans le centre d’affaires « Stanislavski Factory », logé dans l’ancienne usine « Elektroprovod ». En 1890, le directeur de l’usine Konstantin Alexeïv22, a disposé d’un des locaux pour un théâtre des ouvriers. Les bâtiments et les constructions des années 1890 à l’intérieur de l’usine ont été conservés : les façades en briques rouges décapées de la peinture soviétique, ont retrouvé leur apparence initiale, et les petites cours intérieures ont été transformées en une réhabilitation confortable de l’espace ouvert. L’un des bâtiments des années 1890 a été donné au Studio de l’art théâtral. Une plate-forme théâtrale moderne est apparue - sorte de rappel de l’ancien théâtre des ouvriers. Le projet, exécuté par le bureau « John McCaslan & Partners » de Londres, s’est vu décerner la gratification de l’Institut Royal des Architectes Britanniques comme le meilleur projet international de 2011.

fig.28 « Stanislavski Factory », Architecte John mcAslan + Partners Architects, 2009 Source : archdaily.org

« BOLCHEVIK » La même agence réalise un autre projet de transformation de l’ancienne usine de confiserie « Bolchevik » dans le centre d’affaires du même nom. Les clients ont été mis au défi de préserver pleinement les façades des bâtiments, datant des années Constantin Stanislavski (de son vrai nom Alexeïev) [1863-1938] – un comédien, metteur en scène et professeur d’art dramatique, auteure de « La Formation de l’acteur » et de « La Construction du personnage ». 22

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1880. Libérées des multiples couches de peinture, les façades ont retrouvé leurs motifs en briques rouge et jaune, les cadres de fenêtres et vitres ont été restaurés dans leur aspect original. Les bâtiments d’intérieurs ont acquis un look moderne, les galeries vitrées sont apparues entre les nouveaux bâtiments avec une cour paysagée.

fig.29 « Bolshevik », Architete John mcAslan + Partners Architects, 2013 Source : bolshevikfactory.ru

« LUCH » [LE RAYON] Le projet suivant, sur lequel les architectes étrangers ont travaillé, était une ancienne usine : « Elektroluch ». L’usine de l’époque soviétique a occupé les bâtiments des entrepôts de vin construits en 1899. Les façades des bâtiments historiques ont été conservées, ainsi que des espaces intérieurs avec des colonnes en fonte et les voûtes en béton. Tout l’espace autour a été transformé dans les années 2008-2014 d’après le projet du bureau d’architecture « Buschow Henley » de Londres. fig.30 « Luch », Architecte Buschow Henley, 2008 - 2014 Source : reality.rbk.ru

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« DANILOVSKAYA MANUFAKTURA » L’agence moscovite « City Arh », a monté le projet de transformation de l’ancienne manufacture de textile en centre d’affaires « Danilovskaya manufaktura ». Les bâtiments des années 1870-1910 avaient retrouvé leur aspect d’origine : les équipements industriels ont été préservés et gardés sur le territoire ; ils sont devenus des éléments décoratifs de l’espace extérieur, ainsi que les escaliers de secours en fer forgé.

fig.31 « Danilovskaya manufaktura », Architecte City Arch, 2009-2011 Source : archi.ru

« KRASNAYA ROZA » [LA ROSE ROUGE]

fig.32 « Krasnaya roza » Architecte Kiselyov et associés, 2003 - 2012 Source : archi.ru

Les ateliers de l’ancienne fabrique de textile « Krasnaya roza » ont été initialement donnés à des studios de design et à des bureaux. Tout d’abord le centre de design « Artplay » s’est installé dans les murs de l’ancienne fabrique. Plus tard, avec l’agence d’architecture « Kiselyov et associés », les ateliers ont subi des reconstructions radicales et « Artplay » a emménagé à l’usine « Manometr ». Sur le site étaient restés plusieurs bâtiments prérévolutionnaires et trois grands

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entrepôts d’époque des années 1970-1980, qui ne représentent plus aucune valeur architecturale. Aujourd’hui les bâtiments de « Krasnaya roza » sont occupés par de très grandes entreprises, dont le siège social Yandex.23

« ARMA » L’ancienne usine à gaz est un patrimoine industriel des XIXème et XXème siècles. L’usine occupe environ 7 hectares à la limite des voies ferroviaires de la gare de Koursk [Kourskiy vokzal]. La particularité de cette usine consiste en quatre gazomètres [les réservoirs cylindriques servant à stocker le gaz] en briques rouge transformés en bâtiments de bureaux.

fig.33 « Arma » Architecte Kiselyov et associés, 2014 Source : archi.ru

« VINZAVOD » Centre d’Art Contemporain, « Vinzavod » occupe les ateliers de fabricants des vins de XIXème siècle. Dans les bâtiments prérévolutionnaires où se trouvent les halls d’exposition, tous les éléments décoratifs et architecturaux des anciennes usines et des entrepôts intérieurs comme extérieurs ont été préservés. Ce projet est particulier, fig.34 « Vinzavod », 2007 Source : archi.ru 23

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Yandex est un moteur de recherche et un portail russe, créé en 1997.


car le centre d’art contemporain a occupé entièrement toute l’usine désaffectée. Pour accueillir de nouveaux projets il fallait mener une longue réflexion pour adapter les ateliers aux nouvelles fonctions, tout en conservant la saveur du lieu. Le territoire de « Arma » est à la proximité de celle de « Vinzavod » et « ArtPlay ». Ils créent une chaîne de clusters créatifs. Le projet de transformation de l’usine « Crystal » est en cours, son territoire se trouve également dans le quartier de la gare de Koursk. « Flacon » / « ArtPlay » / « Octobre Rouge » [voir 1.2.3 Projets des clusters].

Ces projets nous ont montré comment il est possible de convertir les anciennes usines industrielles sans reconstruction majeure. Mais pour créer un quartier d’activités économiques et culturelles modernes et en même temps préserver partiellement le patrimoine architectural, il est nécessaire d’avoir recours à des réhabilitations des réhabilitations, qui ont été réalisées avec succès dans certaines anciennes entreprises industrielles. Le public qui se crée assez rapidement autour des friches urbaines, peut souvent apporter plus d’idées que les promoteurs pour le développement et la reconstruction des zones abandonnées. Etant toujours en recherche d’endroits spacieux et peu onéreux, les artistes conquerront les quartiers moins attractifs où il reste encore des fabriques et des ateliers délabrés. Dans ces espaces inhabituels et inattendus commence une nouvelle vie : expositions, concerts, ateliers, conférences etc. Ce type d’aménagement et de reconstruction des zones industrielles en logements et espaces culturels attire de nouveaux publics et change la vie de quartier. Quand le lieu est recherché par de nombreux résidents et consommateurs, il devient inévitablement plus cher. Dans ce cas, les artistes cherchent d’autres espaces. Pour le moment, à Moscou l’art ne perce que localement dans la ville sans créer de quartiers autour. Le modèle de regroupement des industries créatives1 parmi la création des clusters existe à Moscou depuis plus ou moins dix ans. L’analyse de l’urbanisation de Moscou, nous amène à focaliser notre questionnement sur la formation d’un nouveau modèle de développement urbain dans les friches industrielles de la ville. Nous avons étudié leurs transformations morphologiques, les interactions sociales, économiques et culturelles avec l’environnement urbain.

La définition de terme «industries créatives» - voir la partie 2.1.3 « LA CREATIVITE DANS L’INDUSTRIE ET LA CLASSE SOCIALE », p.40 1

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CHAPITRE II : LES CLUSTERS CRÉATIFS COMME LEVIER DES TRANSFORMATIONS SOCIALES, ÉCONOMIQUES ET URBAINES

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« L’économie créative n’est pas une autoroute unique, mais une multitude de trajectoires locales différentes situées dans les villes et les régions des pays en développement. Une des caractéristiques clé de l’économie créative dans les pays en développement est de reposer sur des systèmes, des processus et des institutions culturels informels » Rapport sur l’économie créative 2013, UNESCO24 La culture est un moteur potentiel du développement, « grâce aux efforts concertés d’experts et de professionnels du monde entier qui ont démontré l’existence d’un secteur solide, riche et conséquent composé des ressources et des activités créatives et culturelles. »25 D’après l’analyse faite par l’Unesco, à la fin des années 1990, les industries créatives ont été reconnues comme un élément-clé stratégique du développement économique et social dans les villes post-industrielles de l’Europe et des Etats-Unis, qui ont été rejoints plus tard par les pays de l’Extrême-Orient. En général, la formation des clusters créatifs se produit à l’identique, avec le soutien du gouvernement national ou régional, qui peut créer des conditions favorables pour l’interaction entre les entrepreneurs et l’environnement créatif. Les clusters créatifs se forment lorsque les domaines culturels et les affaires bénéficient de collaboration et de soutien à tous les niveaux. En Russie, les tendances au développement des clusters créatifs sont observées principalement à Moscou et Saint-Pétersbourg. Ces regroupements se ressemblent les uns aux autres et représentent des centres créatifs liés au domaine de l’art contemporain. Pourtant, de nombreuses régions russes ont des ressources culturelles uniques, capables de servir de base pour le développement du pôle créatif. Il est important de créer un environnement favorable à une interaction efficace entre la culture et le commerce, en tenant compte de l’analyse de l’expérience mondiale et nationale. Cependant, on doit prendre en compte les problèmes globaux qui inhibent le processus de formation d’un cluster créatif : le faible revenu de la majorité de la population, la contradiction mentale entre la culture et le commerce, les problèmes avec la mise en œuvre du droit d’auteur, le faible développement des petites et moyennes entreprises, les problèmes de personnel liés à l’absence de compétence dans la médiation en art, des intermédiaires entre le créateur et le consommateur, l’exode des talents de la classe créative vers d’autres pays, le manque de priorités fédérales liées au soutien de l’économie créative. Cf : « Rapport sur l’économie créative » 2013, p.12, publié par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) [One United Nations Plaza, New York, NY 10017, États-Unis] et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) [7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP, France, 2013] p.21-27. Le rapport complet est consultable actuellement sur internet à l’adresse : http://www.unesco.org/culture/pdf/creative-economy-report-2013.pdf, ainsi qu’à l’adresse : http://academy.ssc.undp.org/creative-economy-report-2013 25 Cf : « Rapport sur l’économie créative » 2013, l’UNESCO, p.10 24

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Les mesures stratégiques pour le développement des clusters créatifs peuvent être les suivantes : les priorités pertinentes dans la politique culturelle des régions russes et le développement des projets spécifiques, des programmes des industries créatives, l’ouverture des incubateurs d’art, la création de d’un environnement favorable aux investissements, les conditions financières et fiscales pour l’interaction de la culture et du commerce.26

2.1 CLUSTERS CRÉATIFS, INDUSTRIES, TRANSFORMATIONS URBAINE ET SOCIALE : DÉFINITIONS ET PROBLÉMATIQUE

Pour aborder le sujet des clusters créatifs à Moscou, il faut d’abord clarifier certains termes utilisés par ce sujet. Cette partie de mémoire purement théorique, concernant des définitions explicites, est fondée sur les ouvrages, articles et rapports des spécialistes en économie et sociologie – les chercheurs dans les domaines d’économie et des industries créatives, les villes créatives et les groupes sociaux dit classe créative. Comme source principale, ces analyses se sont servies du « Rapport sur l’économie créative. »27 Le premier chapitre de ce rapport expose dans les grandes lignes les concepts et le contexte en pleine évolution de l’économie créative, ainsi que les définitions et la terminologie employées.

2.1.1 LES REGROUPEMENTS CULTURELS / SYSTÈME DES CLUSTERS

D’une part, l’innovation est devenue une activité permanente et d’autre part, la localisation des entreprises est devenue de plus en plus dépendante de celle des connaissances, dont la créativité, que d’autres facteurs. Il existe différents modèles de regroupement culturel dicté par la diversité de la politique culturelle et le contexte du lieu. Le modèle Européen, tout d’abord souligne l’importance culturelle et la mission de l’industrie de la création, réalisant plus largement la stratégie socio-culturelle et la disponibilité aux consommateurs diversifiés. Au cours des dernières années, le principal instrument de développement des stratégies économiques des pays avec un haut-niveau de compétitivité est devenu Cf : FEDOTOVA N.G., le rapport pour la conférence « L’espace socio-culturel en Russie contemporaine » : « Les clusters créatifs dans le contexte des problèmes socio-culturels dans les régions ». 27 Cf : « Rapport sur l’économie créative » 2013, l’UNESCO 26

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le système des clusters. Le concept de cluster a été introduit dans les années 1990 par Michael Porter28 dans le « Concours International », où il a ouvert le phénomène de cluster, mis en avant la théorie de la compétitivité nationale, étatique et locale dans l’économie mondiale, pour des raisons de fond historique et intellectuel de la théorie des groupes, non seulement pour les entreprises individuelles, mais et pour des régions et des nations. Selon l’encyclopédie Wikipédia, « cluster » répond à la définition suivante: dans le domaine de l’urbanisme, entité territoriale dans la mégapole – est une unité urbaine relativement autonome, qui possède toute l’infrastructure urbaine (résidentielle, administrative - affaire, commerciale-loisirs, récréative); en économie, le « cluster » est un regroupement d’entreprises du même secteur généralement sur un bassin d’emploi; un bloc urbain dont les activités sont homogènes; dans les sciences humaines un cluster est défini comme un mécanisme de coordination sectoriel des acteurs humanitaires. La créativité est un terme apparu dans la langue française dans les années cinquante chez les psychologues humanistes. Il y a trois grands sens du concept de la créativité : acte de créer quelque chose de nouveau ; capacité à trouver des solutions originales ; volonté de modifier ou de transformer le monde. Dans le domaine de la créativité plus largement que dans le cadre du domaine de la culture, on voit qu’aujourd‘hui les gens créatifs ces ne sont pas que les représentants des professions créatives (comme les artistes, les architectes, les journalistes, les scientifiques etc.). L’art et la créativité sont demandés dans les domaines les plus divers de la vie - l’industrie, les affaires, au sein du gouvernement. Le concept définitif de « cluster créatif » a été défini par Simon Evans29, comme communauté des entrepreneurs créatifs qui interagissent sur un territoire clos. Le « clusters créatif » [Creative Clusters] n’est pas seulement un réseau mais aussi une plate-forme réunissant tous les acteurs du développement des industries créatives, des secteurs public et privé ainsi que de la société civile, afin de communiquer et de partager les ressources. » Le cluster créatif est un ensemble d’entreprises créatives qui a besoin de beaucoup plus que de la vision standard d’un « parc d’affaires » à côté d’un campus technologique. Un cluster créatif comprend des entreprises à but non lucratif, des institutions culturelles, des événements artistiques et des artistes individuels, un parc scientifique et le centre des médias. Les groupes créatifs sont des lieux de vie ainsi que de travail, des endroits où les produits culturels sont consommés ainsi que faits. Ils sont ouverts à toute heure, pour travailler et jouer. Ils se nourrissent de la diversité, de changement et prospèrent dans les milieux urbains animés, multiculturels qui ont leur propre spécificité locale mais sont aussi connectés au monde. Michael Porter [né en1947] est professeur de stratégie d’entreprise à l’Université Harvard et consultant d’entreprise. Il a analysé la façon dont une entreprise peut obtenir un avantage concurrentiel. 29 Simon Evans est un entrepreneur culturel possédant un large éventail de projets combinant des aspects de développement en créativité, technologie et business. Il est fondateur de « Creative Clusters Ltd » à Royaume-Uni, Modérateur du programme « ville créative » de l’UNESCO. 28

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La popularité du système des clusters donne lieu à des interprétations différentes de la notion de cluster dans le domaine de la culture. L’essentiel du système des clusters repose sur la création d’un concept de développement du territoire, ceci à partir d’augmentation de la densité possible de l’activité et de la prolongation de la succession de la valeur ajoutée. L’objectif principal de la création de cluster est un avantage économique, et le bénéfice, qui persiste sur le territoire, sert pour le développement de l’infrastructure, de l’environnement et de la qualité de la vie. Dans le cluster survient l’environnement spécifique - créatif et ouvert pour la communication et la collaboration, formant les nouveaux réseaux des relations, sur la base duquel il y a un échange d’idées.

2.1.2 L’ÉCONOMIE CRÉATIVE, COMME FORMATIONS SOCIALES ET URBAINES30

UN

MOTEUR DES

TRANS-

Dans les années 1930-1940, l’Ecole de Francfort constate la marchandisation de l’art et l’émergence d’une industrie culturelle populaire. Vers les années 1960, certains analystes estimaient que le processus
de marchandisation n’entraînerait pas toujours, ou pas nécessairement, la dégénérescence de l’expression culturelle. Et à l’inverse, les biens et services produits de manière industrielle ou numérique, possèdent à l’évidence beaucoup de qualités positives. Dans les années 1980, le terme d’ « industries culturelles » désignait des formes de production et de consommation culturelles structurées autour d’un élément symbolique ou expressif. Ce terme commence à être utilisé dans le monde universitaire et les milieux politiques comme une appellation positive, car il désigne des formes de production et de consommation culturelles structurées autour d’un élément symbolique ou expressif. [ Annexe 2, p.106, Fig.I « La modélisation des industrielles et créatives » ]

Le terme d’« économie créative » a été popularisé en 2001 par l’écrivain et dirigeant de médias britannique John Howkins31. Il l’a appliqué à quinze industries, des arts aux sciences et technologies. Cette définition était très large, car elle englobe tous les domaines de la recherche et développement, les jeux et les jouets, ainsi que les biens et services culturelles. L’économie créative est devenue un moteur de transformation dans le monde actuel. C’est l’un des secteurs de l’économie mondiale dont la croissance est plus Cf : « Rapport sur l’économie créative » 2013, l’UNESCO, pp. 22-23. John Howkins [né en 1945] est un auteur britannique et chercheur sur les industries créatives, en particulier le développement de ce secteur économique en Chine. Il est professeur invité à l’Université de Lincoln, en Angleterre, et vice-doyen et professeur invité, Ecole de Shanghai de la créativité, Shanghai Académie de théâtre, en Chine. 30 31

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rapide. Son fort potentiel de développement doit être libéré pour générer des revenus, créer des emplois et des recettes d’exportation. Les productions des industries culturelles, à la fois - immatérielles mais « réelles », sont investies par les ressources intellectuelles et créatives.

« L’économie créative est un animal mystérieux : on la trouve dans de nombreux habitats terrestres à travers le monde ; elle fréquente essentiellement les villes, où elle recherche souvent les quartiers et les pôles culturels ; elle semble en outre avoir beaucoup de têtes et d’appendices différents, et elle a de nombreuses langues en fonction de l’endroit où elle se trouve. Les responsables politiques la mettent sur un piédestal ; les universitaires ont tendance à la prendre de haut, tandis que les artistes et les professionnels de la création sont ambivalents : si cela contribue à faire remarquer leur travail, ils sont heureux «d’en parler pour parler. »32 M. Keane33, 2013

L’Unesco cite seize secteurs relevant de des « économies créatives » : architecture et urbanisme ; édition ; publicité ; création numériques ; laboratoires de recherche ; universités ; musique ; mode ; marché de l’art et de l’Antiquité ; arts plastiques ; arts visuels ; arts vivants ; artisanat ; gastronomie et vin ; tourisme créatif.

« L’économie créative est une nouvelle réalité qui assemble différents secteurs d’activités économiques et culturels fondés sur les talents, l’imagination, la création et les ressources individuelles et collectives de ses acteurs. Elle traduit la valeur et la richesse extraordinaire produites par la créativité : régénération urbaine, lien social, image, attractivité, tourisme et... revitalisation de l’économie traditionnelle. »34 VIALA Georges, 2009

L’innovation et la créativité, à l’échelle des individus ainsi que des groupes, sont la véritable richesse des nations et les leviers puissants de industries créatives et innovantes. [ Annexe 2, p.106, Fig.2 « L’économie culturelle » ] Cf : « Rapport sur l’économie créative » 2013, l’UNESCO, p. 21. Michael Patrick Keane [né en 1961] est un économiste américano-australien qui est actuellement professeur d’économie à l’Université d’Oxford et qui a une chaire d’enseignement au Nuffield College. Il est considéré comme l’un des plus grands experts mondiaux dans les domaines de la modélisation des choix, de la modélisation structurelle, simulation estimation, et des données de panel économétrie. 34 Cf : VIALA Georges, (2009), « Economie Créative », L’Institut des Deux Rives. 32 33

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Les économies créatives constituent, généralement, des « pôles » d’activité. Les regroupements des entreprises servent comme un moyen d’équiper ces industries et parvenir à de meilleurs niveaux d’innovation et de compétitivité. Ce phénomène nommé « cluster créatif » était détaillé précédemment.

2.1.3 LA CRÉATIVITÉ DANS L’INDUSTRIE ET LA CLASSE SOCIALE35

Au cours de l’économie post-industrielle à travers le monde, le nouveau concept socio-économique se développe de plus en plus. Au premier plan on trouve les ressources culturelles et la créativité. Ce secteur innovant est appelé créatif ou les industries créatives. Les « industries créatives » comprennent plus que les biens, les services produits par les industries culturelles, les recherches et le développement de logiciels. Les industries créatives sont des acteurs majeurs de l’économie de la connaissance. Suite à la définition de l’Unesco, les industries créatives touchent à la fois la création propre, la production et la commercialisation de contenus créatifs de nature culturelle et immatérielle. Ces industries comprennent l’édition imprimée et le multimédia, la production cinématographique audiovisuelle et photographique, ainsi que l’artisanat et le design. Le terme « industries créatives » comprend les biens et les services produits par les industries culturelles et l’innovation, parmi lesquelles les différents types de recherches et développement de logiciels. La notion d’« industries créatives » est issue des recherches sur les sujets de créativité, la planification urbaine et les enjeux économiques dans le développement de la ville. La première approche importante était conçue dans les ouvrages de Charles Landry36, au sujet de la « ville créative ». Puis, Richard Florida37, théoricien américain des études urbaines, passe des « industries créatives » et de la « ville créative » à la classe sociale dite « classe créative ». Florida traduit la notion de la « classe créative », comme une source de dynamisme culturel et d’énergie innovante dans le développement des sociétés urbaines. Ainsi, les activités culturelles, considérées comme services de l’infrastructure urbaine, devenaient source d’attraction de main d’œuvre spécialisée et permettaient des débouchés à leur temps libre. Le terme de « classe créative » est donc jugé «généraliste » car défini soit par des secteurs d’activité professionnelle, soit par le niveau de qualification, voire par les modes de consommation. Cf : FLORIDA Richard (2006), INSEE, « La créativité, clé de l’économie fondée sur la connaissance. » Charles Landry [né en 1948] est un écrivain, urbaniste britannique. 37 Richard Florida [né en 1957] est un docteur de l’Université Columbia en aménagement urbain. 35 36

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Richard Florida a développé l’idée de la «classe créative» suite à deux constats : l’innovation, qui devient une activité permanente, et la localisation des entreprises, qui sont plus en plus dépendante de placement des connaissances et de la créativité, que d’autres facteurs. Selon Florida, la classe créative est un ensemble d’individus qui ont des professions estimées comme créatives, notamment les ingénieurs, scientifiques, artistes, managers, architectes, etc. Donc, la classe créative est une sorte d’alternative aux différentes mesures existantes du capital humain, car elle repose sur les capacités créatives des individus. Ainsi, la classe créative influence l’économie locale, en impliquant les processus innovants et faisant apparaître de nouveaux marchés et produits. La ville attractive, l’environnement urbain ouvert, tolérant et diversifié est privilégié pour la localisation de la classe créative. Ce sont les emplois qui suivent les individus et non l’inverse. La classe créative attire les entreprises, en particulier celles de haute technologie. La ville pour sa part devrait créer les meilleures conditions pour générer les individus de la classe créative. La classe créative peut se décomposer en trois sous-groupes : la classe « creative core », la classe « créative professionnels » et la classe « creative bohemians. » - la classe « creative core » est la base de la classe créative. Elle est constituée des individus engagés dans un processus hautement créatif dont la production, porteuse d’un concept nouveau, transférable et largement utilisable. Les individus appartiennent aux domaines : la science, l’ingénierie, l’architecture, l’éducation (en fonction de la création d’idées et de technologies nouvelles ou autre produit créatif). - la classe « creative professionnels » regroupe des individus de professions requérant des niveaux d’éducation souvent élevés. Font partie de cette classe les chefs d’entreprise, les médecins, les avocats, les cadres de la logistique et des transports, etc. - la classe « creative bohemians » rassemble les artistes : les artisans d’art, les journalistes, les cadres artistiques des spectacles, les photographes, les ouvriers d’art, etc. Le fait d’investir dans la culture et la création pour optimiser le développement social permet d’obtenir des résultats contribuant au bien-être des populations, à la qualité de vie et à l’estime de soi des individus mais aussi au dialogue et à la cohésion sociale. Les résultats quant à la promotion des industries culturelles et créatives sont importants mais difficilement quantifiables.

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«…Il nous faut reconnaître l’importance et la puissance des secteurs de la création et de la culture, qui sont des moteurs du développement humain durable. La culture… elle oeuvre pour le développement. Inscrivons-la à l’agenda, maintenant ! »38

2.1.4 LA TRANSFORMATION TERRITORIALE

Réhabilitation ou rénovation, ou renouvellement, ou reconversion, ou requalification? Il n’y a pas de définitions précises et reconnues de ces termes utilisés de manières diverses et variées, et souvent l’un pour l’autre. On les utilise selon leurs sens opérationnels les plus courants. La réhabilitation consiste à réaménager un local, un bâtiment ou un lieu sans détruire. La réhabilitation désigne l’action de réaliser des travaux importants dans un bâtiment existant pour le remettre en bon état. Il s’agit souvent d’une remise aux normes de sécurité et de confort dans un bâtiment qui n’est plus apte à remplir ses fonctions dans de bonnes conditions. La rénovation, au contraire de la réhabilitation, est l’action de détruire un bâtiment pour en reconstruire un neuf. La rénovation urbaine est une opération lourde qui nécessite une intervention massive des pouvoirs publics. En terme général une rénovation à l’identique est une reconstruction. Le renouvellement urbain est un processus d’évolution de la ville qui désigne l’action de reconstruction de la ville sur elle-même à l’échelle d’une commune ou d’une agglomération et de recyclage de ses ressources bâties et foncières. Le « renouvellement urbain » correspond à la définition du terme anglais « urban regeneration » [la régénération urbaine]. De la même façon que pour la « transformation », « revitalisation », «adaptation» on utilise aujourd’hui l’expression - la « reconversion ». Dans l’urbanisme la reconversion est le processus de réhabilitation du bâtiment, dirigé par la requalification changement de sa fonction. Contrairement au réaménagement ou la mutation du territoire, la reconversion implique la préservation des bâtiments existants. Elle a deux raisons principales : préserver le patrimoine et minimiser les coûts de la restructuration. La première est dictée par les divers programmes gouvernementaux qui ont assuré la valeur historique des objets. La seconde est que la démolition complète des bâtiments peut signifier des pertes importantes de temps et d’argent, mais aussi apporter beaucoup de tort à l’environnement. Pour les projets des sociétés

38

42

Cf : « Inscrivons la culture à l’agenda, maintenant », 2013, l’UNESCO, p.11.


privées la reconversion peut être très rentable. Mais faire beaucoup dépend de l’entrepreneur qui choisit la nouvelle fonction pour le site. La réhabilitation des espaces industriels, ayant débuté dans les années cinquante en Europe, était conduite par la transformation des bâtiments industriels en lofts d’habitation ou des cités ouvrières en quartiers à la mode pour la classe moyenne. Ce processus a conduit au phénomène d’« embourgeoisement urbain ». La « gentrification » (anglicisme créé à partir de gentry, « petite noblesse »), ou embourgeoisement urbain, est un phénomène urbain par lequel des arrivants plus aisés s’approprient un espace initialement occupé par des habitants ou usagers moins favorisés, transformant ainsi le profil économique et social du quartier au profit exclusif d’une couche sociale supérieure.39 Une traduction acceptable du terme anglais « gentrification », d’abord utilisé par Ruth Glass40 au début des années 1960, serait « gentilhommisation », plutôt qu’ennoblissement. Ce néologisme indique au lecteur francophone ce que sont les connotations du mot anglais.41

A partir de l’analyse de la terminologie, on détermine le rôle des industries de secteur culturel dans les économies en voie de développement. Les regroupements des entreprises des économies créatives, forment autour d’elles la classe créative. Ces regroupements nécessitent des plates-formes pour l’installation des leurs entreprises et de leurs activités. Comme on le voit dans les exemples historiques, les artistes squattent42 dans les quartiers moins chers. Ce principe est ancien et universel. On connaît les exemples de Montmartre à Paris aux 19ème et 20ème siècles, Soho à New-York dans les années 70, East End à Londres dans les années 90. Pour cette raison les usines et fabriques désaffectées trouvent une deuxième vie après la réhabilitation de ces territoires et de ces constructions. Les exemples mondiaux de reconversion connus sont : la Tate Modern et Battersea à Londres - deux centrales électriques (l’une est devenue un musée, dans la seconde il est prévu d’organiser des appartements et des bureaux résidentiels) et le Musée d’Orsay à Paris (dans le bâtiment de la gare éponyme). Les zones industrielles, souvent les zones défavorables pour les habitants des quartiers deviennent des lieux attractifs. Ce phénomène conduit la ville à une «gentrification » du territoire urbain. A Moscou ces sont les lieux définis par un concept unique, mettant l’accent sur le design d’espace et la culture contemporaine: Octobre rouge, ArtPlay, Flacon, Fabrika, Winzavod, Arma, Fabrika Stanislavskogo etc. Définitions d’après l’encyclopédie libre Wikipédia. Ruth Glass [1912-1990] est une sociologue britannique d’origine allemande. 41 Cf : BOURDIN Alain, «Gentrification : un « concept » à déconstruire», Espaces et sociétés 1/2008 (n° 132-133), p. 23-37 42 Le squat (de l’anglais [to squat] - s’accroupir), désigne l’occupation d’un lieu dans une perspective habitative sans l’accord du titulaire légal de ce lieu. 39 40

43


2.2 LES PROJETS DES CLUSTERS CRÉATIFS À MOSCOU Quelle est la vraie différence entre le cluster créatif et le centre d’affaires ? Au premier abord, aucune, on a toujours des locataires et un espace divisé entre eux. D’après Mikhaïl Gnedovsky43, la différence se trouve dans la sélection des locataires, la création d’une infrastructure commune et une stratégie d’aménagement du territoire. Dans l’interview du magazine « Journal Russe »44, Mikhail Gnedovsky donne son avis sur les caractéristiques essentielles à un cluster créatif. Tout d’abord sa propre stratégie de communication. Elle comporte deux éléments : le premier consiste en l’interdépendance de la communauté interne - les organisations créatives qui vivent au sein d’un cluster et le deuxième est la politique de développement extérieure. La sélection des événements qui se produisent sur une plate-forme commune, définit la stratégie des relations publiques ; autrement dit, qui et comment un cluster lance des invitations pour les événements (expositions, concerts, festivals), quelle est l’interaction des locataires et des invités avec le public. Il est essentiel de comprendre et différencier l’ensemble de l’espace. Quels espaces sont publics et accessibles à tous ; qu’ils soient internes ou exploitables en bureaux et de quelle manière ? Chaque cluster représente une affaire dans le domaine de l’économie créative, et donc son objectif principal est de pouvoir subvenir aux besoins et couvrir les intérêts financiers. Cependant, contrairement aux centres d’affaires, les clusters créatifs ont aussi une «mission»: ils sont impliqués dans le développement de la nouvelle économie, la création d’une nouvelle réalité institutionnelle et, le cas échéant, un nouveau style et mode de vie. En Angleterre, le soutien des industries créatives (et y compris les clusters créatifs) est devenu une priorité de la politique de l’Etat depuis 1998. En Russie, le gouvernement n’a jamais participé à ce type de projet. Les clusters créatifs ont vu leur apparition en 2005. Il est à noter que tous les regroupements créatifs de Moscou, sont apparus et ont été développés sans la participation du gouvernement fédéral ou du gouvernement de Moscou. Cette apparition était absolument spontanée. C’était à l’initiative de certaines personnes appartenant à des milieux d’affaires et d’industries créatives. Certaines parties de ces zones, où les usines ont été relocalisées et désaffectées, sont devenues le centre d’économie créative. Aujourd’hui avec les industries créatives, commence l’étape de l’économie post-industrielle. Pour cela il est important d’étudier le marché du travail créatif et y a-t-il le potentiel d’emplois ?

Mikhail Gnedovsky est le directeur de l’Institut de la politique culturelle, l’expert du Conseil de l’Europe. Il dirige et participe à un certains nombres des recherches, des projets et des programmes dans le domaine de la culture. Auteur de plus de 200 publications sur la culture, la politique culturelle et de l’économie créative. 44 Cf : BIKOVA Valentina (décembre 2011), l’interview avec Mikhaïl Gnedovsky « Vinzavod, Strelka, Flacon. Les clusters créatifs dans les mégapoles russes. Les projets humanitaires en Russie », magazine «Journal Russe». 43

44


Combien y a-t-il d’entreprises ? Quels sont leurs chiffres d’affaires? Travaillent-elles à l’export? Aucune source officielle ne répond à ces questions. Pour le savoir, il est nécessaire d’en effectuer l’étude bien particulière. L’institut de la statistique et des études économiques fournit les données sur de petites et moyennes entreprises, mais sans leur diversification. Il est donc impossible de savoir combien d’entre elles travaillent dans les études et le développement informatique ou la conception des jeux vidéo, ou dans les autres branches de technologies créatives. Il est nécessaire d’effectuer l’étude sur ces ressources cachées, d’identifier leurs principaux paramètres économiques. C’est par cela, d’ailleurs, qu’ont commencé à l’époque les Britanniques. Le terme de l’économie novatrice, en Russie, comprend, d’une part, les services financiers et d’affaires, et les développements scientifiques et techniques d’autre part. Les industries créatives ne sont pas mentionnées. Mais en réalité, elles sont la troisième composante de l’économie de l’innovation. Dans le monde, ces trois branches se développent ensemble: les services aux entreprises, la recherche et le développement scientifique et technologique et les industries créatives. Il est temps d’admettre que les industries créatives sont une priorité pour le développement de la Russie, comme d’un pays moderne qui regarde l’avenir avec confiance, non seulement se fondant sur les ressources naturelles, mais aussi sur les ressources créatives. Dans le cadre de l’étude du modèle de transformation de la friche urbaine en « cluster créatif » trois terrains d’étude apparaissent comme les exemples plus emblématiques : Flacon, ArtPlay et Octobre Rouge. Ces sont trois situations différentes où se sont développés les clusters créatifs en appliquant des stratégies différentes de gestion. Ils ne sont pas comparables mais ils montrent trois pistes de constitution et de développements réussis. Le choix de ces trois clusters est fait à partir des paramètres suivants : géographique – placement dans la ville; l’échelle et l’importance des évènements culturels, qui ont lieu dans ces clusters; popularité; la modèle de gestion. fig.35 Le comparaisons des trois clusters créatifs à Moscou

FLACON

ARTPLAY

0

OCTOBRE ROUGE

300m

Source : image personnelle.

45


LES CLUSTERS

FLACON

ARTPLAY

OCTOBRE ROUGE

Placement géographique

Au bord du chemin de fer / près de la route de la direction nord / entre le centre et périphérie de la ville

Au bord du chemin de fer et bord de la rivière Yauza/ dans la vaste zone industrielle/ en lien avec les usines – clusters « Arma », « Vinzavod » / dans la partie centrale de la ville

Au coeur de la ville de Moscou/ sur une île en face du Kremlin et de la cathédrale du ChristSauveur / en lien avec le « Cale Verte » des parcs paysagers

Caractéristiques du quartier de environnant

Résidentiel / industriel

Industriel / résidentiel

Centre historique et culturel / résidentiel / affaires / paysager

L’échelle

Surface 2,1 ha / périmètre 700 m

Surface 3,9 ha / périmètre 900 m

Surface 5 ha / périmètre 900 m

L’orientation du quartier

Mode / designs industriel

Architecture / design d’espace

Media / architectureurbanisme

Les locataires principaux – les fondateurs

- l’espace de loisir et des expositions - les agences des créations de la mode, de design, d’architecture ; les startup

- showrooms et boutiques de mobiliers et matériaux de constructions - les agences d’architecture - salle d’exposition

- strelka Institut des médias, architecture et design - stations télévision / rédactions / radios - restaurants, café / bars / club - les galeries d’arts

La modèle de gestion

Le propriétaire de l’usine est la compagnie « Realogic », qui met en location les espaces et investit dans les projets des start-up développées au sein de cette usine

L’organisme « ArtPlay » est le gestionnaire de la propriété privée d’usine « Manomètre », qui développe le cluster créatif et favorise la location aux entreprises créatives et aux évènements culturels

Le propriétaire et promoteur du terrain « groupe Gouta » louent les espaces aux entreprises d’économie créative

Pourquoi le public extérieur vient-il ?

- les évènements pour les habitants du quartier (marché / festivals etc.) - plage, restaurants, café / bars

- les expositions - les conférences dans - restaurants, café / bars Strelka Institut - club / restaurants, café / bars

Tableau 1. Le comparaisons des paramètres initiaux des clusters créatifs : « Flacon » / « ArtPlay » / « Octobre Rouge ». Source : analyse personel

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2.2.1 FLACON [ФЛАКОН]

Flacon Design Factory [Disaïn-zavod « Flacon » / Дизайн-завод «Флакон»] est une ancienne usine de fabrication de produit verriers et cristalliers: récipients pour les industries pharmaceutiques, confiseurs, parfumeurs, vaisselles et autres objets décoratifs. Joseph Frédérique Dutfoy, citoyen français, installé à Moscou depuis 1843, dirige la fabrique de parfumerie « A.Rallé et Cie », de son ami et compatriote Alphonse Rallé. Vers 1865 Frédérique Dutfoy construit une nouvelle fabrique, qui tout en produisant flacons et verreries pour le compte de l’entreprise Rallé, s’ouvre aux secteurs grandissants de l’industrie pharmaceutique, des confiseurs, et du service de la table et de la maison. Cette usine reste une entreprise familiale jusqu’à la révolution de 1917. Suite à la nationalisation, la fabrication s’arrête pour cinq ans. en 1924, nommée « L’usine de Cristallerie du nom du camarade Kalinin », qui relance l’activité. Dans les années 1990, à la faveur de la libéralisation économique, le Comptoir des Parfums du groupe Hermès investit l’usine avec ses capitaux et son savoir-faire, créant une société par actions « Flacon : Moscou-Paris. Cristallerie de Moscou du nom de M.I. Kalinin ». Les français décident de vendre l’usine en 2007, à cause de sa non-rentabilité. Son nouveau propriétaire est la compagnie Realogic, crée en 2005, dirigée par Nikolay Matouchevskiy, et occupée à investir et développer des projets dans le domaine des industries créatives. Des conférences, des projections, des marchés, des festivals du design, des expositions / présentations des projets, ainsi que des concerts et des évènements thématiques viennent rythmer la vie de Flacon Design Factory.

fig.36 Axonometrie de Flacon. Source : flacon.ru

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Flacon propose la location et l’achat de locaux aux formats et aux modes d’habitation très diversifiés : studios, ateliers, galeries, salles d’exposition et bureaux sont aménagés dans des bâtiments réhabilités et transformés par hybridation avec des dispositifs contemporains (plateaux open-space et salle de travail). Selon leurs tailles, certains sont situés dans des bâtiments multifonctionnels, tandis que d’autres disposent de leurs propres entrées. La surface du site consiste en 21 000 mètres carrés. Le projet de reconstruction de certains bâtiments de l’ilot fut réalisé par l’agence d’architecture « Bureau Praktika ». Fondée en 2009, l’agence est spécialisée dans la reconstruction des bâtiments et territoires industriels, la création d’objets pour l’aménagement paysager et les pavillons du parc, la création d’espaces intérieurs et publics urbains. L’usine de design Flacon est orientée vers la promotion du design, de la mode et de l’architecture. C’est une plateforme qui dispose de divers espaces adaptés : bureaux, commerces, ateliers, projets créatifs, espaces pour les évènements et les expositions – répartisen en deux zones : Flacon Space de 400m2, Flacon Loft de 850m2, et l’espace de co-working de 300m2. Le Magazine Forbes a nommé la Flacon Design Factory comme un des projets de l’année 2011 qui améliorent l’apparence de la ville.

Flacon 7, 2013-2014

Flacon 6, 2013-2014

Coworking, 2011

Plage, 2011 fig.37 Projet de réhabilitation de Flacon, architecte « Bureau Praktika » Source : http://www.bureau-praktika.ru

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fig.38 « Flacon Design Factory » Source : a-a-ah.com

Depuis l’année 2015, Realogic s’est chargé d’un projet sur le territoire de l’usine de trolleybus non loin du quartier Flacon. Le gouvernement de Moscou y projetait un « business parc », mais Realogic veut lui montrer que ce territoire dispose de plus de potentiel que de devenir un simple quartier d’affaires, et propose d’ajouter dans le programme des logements, et des espaces de recréation - loisirs et culture. La boulangerie N9 sera réhabilitée par Realogic vers l’automne 2016.

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zone industrielle

BOULANGERIE N9

FLACON

l’usine de trolleybus

fig.39 Le quartier de Flacon. Source : image personnelle.

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2.2.2 ARTPLAY [АРТПЛЭЙ]

« ArtPlay » est le premier cluster créatif constitué en Russie, en 2005. Le bureau de design « ArtPlay » de l’architecte Sergei Dessiatov, étant en recherche de location peu chère, s’installe dans un des bâtiments d’une usine désaffectée. Il s’agit d’une ancienne fabrique du tissage de soie construite en 1875 dans le quartier Khamovniki, au sud-ouest du centre de Moscou, connue aujourd’hui comme « La rose rouge » [Krasnaïa rosa], - un bâtiment d’usine en briques rouges typique du XIXème siècle. Puis ses amis et ses collègues rejoignent ArtPlay. En 2005 on comptait environ 50 organisations, principalement d’architecture et de design sur environ 10 000 mètres carrés. Il y avait des cafés, des restaurants, des salles de réunion et de réceptions. Ce fut un moment très important, qui a montré que ce lieu est non seulement un centre d’affaires, comme auparavant, mais un centre d’affaires dirigé par une politique créative. Depuis, « ArtPlay » est devenu le nom de ce lieu conceptuel et emblématique, attirant pour le public et qui constitue le premier regroupement créatif.

fig.40 « ArtPlay » dans le bâtiment de « La rose rouge », 2005 - 2008 Source : archi.ru

En 2008 le contrat de location terminé et suite aux plans initiaux, les promoteurs ont détruit le bâtiment de « ArtPlay ». Ils ont déménagé à l’usine désaffectée « Manomètre ». Le choix de ce lieu était bien réfléchi et dirigé par les facteurs suivants : le site devait se trouver dans le centre de la ville, accessible au public, mais le terrain ne devait pas présenter de grand intérêt pour les investisseurs, pour que le projet ne soit pas rejeté encore et encore.

50


L’histoire de l’usine « Manomètre », commence en 1886, lorsqu’un commerçant de Podolsk, Fyodor Gakental ouvre sa « fonderie de bronze, de cuivre, de fer et de barres d’armature et une usine de jauges de pression ». Le développement intensif de l’industrie, et surtout la construction de chemin du fer lui assure beaucoup de commandes. Après la révolution d’octobre 1917, l’usine est nationalisée et est renommée « Manomètre » en 1922. La gamme de produits s’élargit et dans les années trente, l’usine est la seule entreprise dans le pays à pourvoir à l’équipement nécessaire au chantier du réseau ferré métropolitain de Moscou. Pendant la guerre et jusqu’en 1948, la production est délocalisée à Tomsk. Dans les années 1990, est lancée une campagne gouvernementale de délocalisation, pour la désindustrialisation de Moscou. L’usine « Manomètre » est parmi les nombreuses cibles des réformes de Loujkov, qui verra la mégapole russe se parsemer de friches industrielles fraiches jusqu’à la récession économique de 2008. Le volume de la production ayant progressivement bien diminué, un siècle d’histoire industrielle sur le site prend alors fin en 2007.

fig.41 « Monometre » avant la réhabilitation. Source : archi.ru

fig.42 3d de la réhabilitation de « Monometre » Source : archi.ru

L’usine « Manomètre » est située au sud-est du centre-ville sur un terrain agencé entre la rivière Yahuza et le chemin de fer de Koursk, dans la zone industrielle parcellée par les logements. La particularité de ce site est dans sa localisation dans le quartier à proximité de « Vinzavod » (Centre d’Art Contemporain)45, « Arma », « Gogol centre » (le théâtre académique dramatique de nom de Gogol, qui était récemment transformé en centre théâtral, le jardin de Baumann, l’usine Kristal, qui deviendra bientôt un nouveau cluster créative « La ville Cristal » [Gorod Kristal].

Voir la partie : 1.2.2.2 Les projets de réhabilitation qui préservent le patrimoine industriel : « Vinzavod », « Arma », p.27 45

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fig.43 La chaîne des cluster sur la carte du quartier. Source : image personnelle

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Comme un centre d’affaires d’un nouveau genre, dans le domaine de l’Architecture et Design, ArtPlay réuni sur son territoire des entrepreneurs: 300 agences d’architecture et de design, 200 boutiques de mobilier, luminaires, matériaux de finition et équipements domestiques des meilleurs fabricants mondiaux, les établissements d’enseignement, un centre d’exposition de 4000 m2, qui accueille des grandes exposition sur des thématiques industrielles et culturelle, et des divers événements culturels.

fig.44 Axonometrie d’« ArtPlay » Source : artplay.ru

Aujourd’hui le territoire appartient à un propriétaire privé avec lequel ArtPlay a un accord sur la façon dont il gère ce territoire sous sa propre marque, dans son concept et guidé par un plan d’affaires convenu. Les projets développés à ArtPlay sont privés et pris en charge par les investisseurs, les sponsors ou les donations publiques. Le gouvernement ne participait même pas aux projets à but non lucratif, ciblés sur les habitants du quartier, les personnes handicapées ou encore les évènements éducatifs. La cause en est l’absence du programme de financement qui devrait être pris en charge par le ministère de la culture. Mais dernièrement quelque chose a commencé à changer. Grace aux efforts de la direction d’ArtPlay les organismes gouvernementaux, tels que Moskomarkhitektura, le Comité du patrimoine et le ministère de la Culture, soutiennent les projets non commerciaux, en faisant, par exemple, de la publicité sociale.46

fig.45 Les anciens bâtiments réhabilitaté. Source : artplay.ru

Cf : GANIYAZ Mariya ( 2012 ), une interview avec Alina Saprykina, la directrice artistique d’Artplay, publiée dans le magazine « Afisha Daily » 46

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Centre de Design ArtPlay, en coopération avec l’agence « Improve »47 a organisé le festival « Ville animée », avec la participation des représentants des professions créatives. Le thème du festival porte sur les projets d’amélioration d’environnement urbain. Le premier festival, en 2012, s’est focalisé sur l’aménagement du quartier Basmanniï (district administratif de Moscou où se trouve ArtPlay). L’organisation du festival est une initiative d’ArtPlay et son désir d’apporter des changements positifs dans l’apparence de la ville. ArtPlay organise un sondage parmi les résidents du quartier pour affiner le cahier des charges de concours, pour connaître leur opinion sur le quartier et la métamorphose nécessaire. Toutefois, l’enquête a révélé que de nombreux résidents du quartier, habitant du côté opposé du chemin de fer, ne sont pas au courant de l’existence d’ArtPlay et Vinzavod. Ainsi, il est devenu nécessaire d’avoir recours à une campagne publicitaire et de communication. Pour le concours « Ville animée », divers objets de l’amélioration de la ville ont été mis au point: les urnes, les arrêts supplémentaires de transports en commun, les boutiques, stations des vélos, etc. Un tunnel sous les voies ferrées a également été conçu avec un passage pour piétons souterrain qui lie ArtPlay et Vinzavod.

fig.46 La foire, 2015 Source : artplay.ru

« Les grands Modernistes. revolution en art », 2013

fig.47 La Nuit au musée 2015 Source : artplay.ru

« Van Gogh », 2014

« De Monet à Cezanne. Les impressionnistes francais », 2015

fig.48 Expositions interactives à ArtPlay. Source : artplay.ru Agence Improve est une agence indépendante spécialisée dans l’organisation et la promotion des activités culturelles dans le domaine de l’art d’improvisation. La portée de l’intérêt de l’agence comprend: les festivals culturels, de divertissement et des activités éducatives pour les enfants, de la musique d’avant-garde, anti-folk et moderne, et des spectacles de danse contemporaine. 47

54


2.2.3 OCTOBRE ROUGE [КРАСНЫЙ ОКТЯБРЬ KRASNIY OKTYABR’]

Octobre Rouge – ancienne fabrique de chocolat et confiseries. Les bâtiments actuels ont été construits entre 1889 et 1914, au centre de la ville de Moscou, à l’extrémité ouest de l’île Baltchug. L’île Baltchug également porte un nom d’île du marais, ou encore île du Kremlin. Le terrain appelé Baltchug, près du centre historique de Moscou, a été inhabitable longtemps, car il est situé en bordure d’une boucle de la rivière Moskva (Moskva-reka), donc inondable et marécageux.

fig.49 Gravure « Vieux Moscou », Matthäus Merian, 1638. Source : Khotev’s Atlas of Moscow

Durant le XVème siècle sur une partie de son territoire insulaire actuel, fut aménagé le jardin des Tsars, puis nombre de jardins privés. Durant les années 1783 - 1786 fut creusé le canal grâce auquel le marais fut asséché. Depuis, le canal constitue un bras de la rivière Moskva de 4,5 km de long et délimite ainsi une île artificielle de 114 ha environ. La partie ouest de l’ile restait toujours inondable à cause de son niveau bas. Elle était occupée par les jardins potagers jusqu’à l’incendie de 1812 et puis complètement abandonnée. À 1867 au bout de l’île, la première association des yachts « Strelka » fut fondée48 ; ensuite, on construisit la fabrique à côté.

fig.50 Carte, 1852-1853. Source : Khotev’s Atlas of Moscow Kremlin Kitaï-Gorod place Rouge fortification de la Ville Blanche Ceinture des boulevards zone innondable future territoire d’Octobre Rouge zone naturelle Cathédrale du Christ-Sauveur

Strelka [flèche] - parcelle de terrain sous la forme d’un coin pointu d’une fusion ou d’une séparation de deux ou plusieurs rivières ou des bras de la rivière (encyclopédie libre – Wikipedia). 48

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fig.51 La fabrique d’Einem au periode d’inondation. Source : mechta-ind-posh.livejournal.com

fig.52 Projet de « Nouvelle Moscou », l’architecte Alexey Chussev,1924 Source : arx.novosibdom.ru

En 1851, Theodor Ferdinand von Einem – un citoyen prussien, fonde son atelier du chocolat à Moscou. En 1869, l’affaire d’Einem marche si bien qu’il élargit son atelier et fait construire une fabrique. Après la mort d’Einem en 1889 son collaborateur et ami Julius Heuss commence la construction des bâtiments de la nouvelle fabrique sur le bout de l’île Baltchug. Les machines à vapeur exigent de situer la fabrique à proximité de l’eau. Le prix bas des terrains était un facteur plus important que l’inondation des premiers étages des bâtiments. Ce n’est qu’en 1937 que fut construit un barrage pour affranchir la ville des inondations. La construction de l’ensemble des 23 bâtiments finit vers 1914 et consiste en des bâtiments de fabrication, des immeubles de rapport, des garages. La fabrique portait alors le nom de son fondateur : « Einem. Association de la fabrique à vapeur de chocolats, bonbons et biscuits à thé ». Elle fut nationalisée après la révolution d’octobre 1917, et renommée en 1922 « Octobre Rouge ».

L’architecture industrielle en ème brique rouge – traditionnelle au XIX siècle – devient un symbole bourgeois - de l’oppression capitaliste des travailleurs. Tous les plans de « Nouvelle fig. 53 Projet de Palais des Sovietes, Moscou » proposés dans les années 20 architecte Boris Iofane, 1931-1933 - 30 proposent de détruire le complexe Source : arx.novosibdom.ru des bâtiments industriels. L’architecte Alexey Chussev propose d’y crée un parc qui ferait partie de la « cale verte », en rejoignant la vaste zone verte – Vorobievi gori, à l’ouest de Moscou. La partie de cette conception fut réalisée. Selon le projet, la zone de Strelka devient une zone d’activité, traversée par le pont, avec la station des barques de location et une patinoire sur le canal en hiver.

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Avec le lancement du projet de Palais des Soviets, en 1931 - 1933, qui devait prendre la place de la cathédrale du Christ-Sauveur, sur le site de la fabrique située en face, était proposé de créer un parc qui formerait une vaste zone verte au pied de gratte-ciel. Mais quand la construction de Palais fut arrêtée à cause de la guerre, l’idée de transformation de la fabrique fut abandonnée. La fabrique a continué son activité jusqu’en 2007, quand elle fut rachetée et déplacée sur le territoire d’une autre confiserie moscovite. Le propriétaire de la fabrique a eu la volonté de lancer la construction d’un nouveau quartier à la place de la fabrique, mais dans des circonstances économiques défavorables, il a pris la décision de mettre en location les espaces des ateliers de la confiserie. C’est à ce moment que la fabrique du chocolat « Octobre Rouge » s’orienta vers le « cluster créatif ».

fig.54 La fabrique « Octobre Rouge ». Source : rhapsody.ru

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D’après cette brève analyse des trois terrains, on peut constater que la constitution de cluster créatif dans la friche industrielle est un des modèles de développement du site. Cette constitution n’est pas un dogme, mais pourtant elle doit permette de « gentrifier » le quartier. L’intégration des économies créatives, des industries culturelles dans un îlot revitalise tout le quartier. La friche industrielle est un trou dans le tissu urbain – le périmètre fermé à l’accès public. La construction de logements prestigieux dans une friche industrielle peut « gentrifier » le quartier, par l’attraction des habitants de classes sociales élevées et provoquer, ainsi l’amélioration d’infrastructures dans le quartier entier. L’implantation de centres d’affaires, et en conséquence d’habitations (substrat d’ « embourgeoisement ») mais aussi la revitalisation du quartier par l’ouverture de lieux au flux du public, est identique pour la constitution de cluster créatif, sauf que dans ce cas, un îlot (ancienne friche) devient un lieu attractif, ouvert, et destiné au public. On peut distinguer quelques catégories de public : - les résidents du cluster : ce sont les usagers quotidiens des lieux, d’après l’analyse de terminologie ces sont les représentants d’une classe créative. - les visiteurs : ce groupe public peut appartenir à la classe créative, ainsi qu’aux autres classes sociales. Ils viennent visiter le cluster pour des raisons de travail ou pour des évènements culturels – expositions, concerts, conférences, projections etc., ou encore pour les restaurants, bars, cafés, clubs. - les habitants du quartier : ce sont les représentants des plusieurs groupes sociaux régulièrement en interaction avec les usagers et les visiteurs du cluster créatif. Les quartiers d’habitation aux alentours des usines représentent en général un milieu assez pauvre. La présence de la classe créative influence au mieux ce milieu. Surtout, quand le cluster organise des évènements spécialement pour leurs habitants. On a pu constater que tous les trois clusters sont ouverts au grand public. ArtPlay fait des projets d’aménagement urbain pour son quartier, il communique avec les habitants et les clusters associés. Le cluster travaille en communication avec

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la société à travers les écoles d’architecture, de design, du cinéma, du graphisme et du commerce et aussi en organisant les grandes expositions des Beaux-arts avec les technologies multimédia. Flacon invite les habitants chez eux pour les marchés, les foires et les fêtes. Pourtant Octobre Rouge est célèbre grâce à ses clubs de nuits, ses bars et restaurants, ainsi que Institute Strelka, qui coordonne de nombreuses conférences autour de la médiation et de l’urbanisme. En Russie le modèle des clusters créatifs n’est pas habituel, car la société russe est restée fermée très longtemps et habituée aux interdictions. En passant à l’européanisation, à la libéralisation de la société, à la possibilité de s’exprimer librement, la société moderne elle-même développe les clusters créatifs, sans le soutien particulier du gouvernement. C’est grâce aux initiatives privées des hommes d’affaires qui possèdent les valeurs financières ainsi que grâce aux intellectuels que le cluster créatif a pu se développer et fonctionner comme une entreprise. Enfin dans cette analyse on voit la particularité d’Octobre Rouge. Tout d’abord, le cluster créatif n’était pas constitué ici pour des raisons économiques de développement. Cette unité créative s’est construite au fur et à mesure dans les locaux de l’ancienne chocolaterie. L’autre aspect c’est son placement au cœur de la ville, en face du Kremlin, sur l’île de Baltchug, qui fait de cette fabrique un objet de grande valeur sur le marché de l’immobilier. Si le propriétaire rencontre des obstacles qui l’empêchent de reconstruire l’Octobre Rouge, ils lui permettent pourtant le début de la constitution du cluster créatif. Cette situation autour l’Octobre Rouge fait réagir le public : les usagers de clusters, les activistes de la culture. Ils sont entrés dans le dialogue entre la ville et le promoteur pour protéger son intérêt et protéger l’ensemble des constructions de la fabrique et l’ambiance créative qui est survenue entre ses murs. L’attention à ce sujet des medias et de la société a fait augmenter la tension autour du projet d’Octobre Rouge. Cette tension, en changeant le paradigme du projet, nous amène à la problématique de la confrontation des modèles de développement du territoire d’Octobre rouge dans le cadre de « gentrification » urbaine.

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CHAPITRE III : OCTOBRE ROUGE – UN TERRITOIRE D’ENJEUX

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« Qu'est-ce qu'« Octobre rouge » ? Une usine de chocolat près du Kremlin, le studio d’enregistrement de la musicienne et chanteuse Zemfira, le bar « Strelka », où les jeunes étudiants peuvent tomber face à face avec le milliardaire Alexandre Mamout. Un endroit énigmatique de Moscou, qui est devenu un lieu d’expériences. Cependant, d’après les dirigeants et propriétaires de groupe « Gouta », les hommes d’affaires Yuriy Goutchin et Artem Kouznezov, « Octobre Rouge » est un projet qui dure depuis une dizaine d’années et l’investissement est évalué à des centaines de millions de dollars. » Forbes49, 201350 Le redéveloppement d’Octobre Rouge s’inscrit dans certaines tendances actuelles : premièrement, c’est une transformation de la zone industrielle. Les reconversions ont des perspectives car cette zone a un fort avantage : la chocolaterie est une usine qui ne produit pas un impacte de pollution du sol ni de l’atmosphère. Ainsi le lieu est connu sous le nom plus célèbre de « fabrique de chocolat ». La deuxième tendance est la revitalisation des berges, qui est une tendance populaire en Europe et aux Etas Unis. Et la troisième est le développement d’un projet dans le milieu historique avec restauration et ré-exploitation de patrimoine et intégration des nouvelles constructions. La concentration du public à Octobre rouge a créé un climat particulier. Grâce à l’effet de synergie, créé par les usagers, c’est un endroit attirant. D'une part, il est extrêmement important de maintenir et de développer cet endroit dans l’état où il est aujourd'hui. D'autre part, ce site appartient à un investisseur privé qui pourrait réaliser ici les projets qui lui semblent convenables. La tension autour des projets sur le terrain d’Octobre Rouge est provoquée par la popularité de ce lieu et de ce nom pour le grand public.

3.1 LE CONTEXTE URBAIN ET SOCIAL D’« OCTOBRE ROUGE »

L’Octobre Rouge, comme dit précédemment, se trouve sur l’île Baltchug, dans le centre historique de Moscou. La proximité du Kremlin influence les aspects économiques autant qu’architecturaux de ce lieu. Le Kremlin est un berceau du pouvoir de la Russie, mais aussi un ensemble du patrimoine des différentes époques. Les constructions à proximité de cette forteresse se trouvent dans « la zone de protection du Kremlin », respectent la règlementation la plus stricte concernant la hauteur et l’apparence des nouvelles constructions. « Forbes » est un magazine économique américain, fondé en 1917 par Bertie Charles Forbes. Depuis 2004 l’édition du magazine existe en Russie. 50 Cf : ABAKOUMOVA Maria, ZINTCHENKO Galina (2013), «Quels intérêts se sont affrontés sur « Octobre rouge », Forbes Russia. 49

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Ce lieu était marqué par l’industrie chocolatière. Pour les habitants, le nom de la fabrique est associé au goût du chocolat et des bonbons. L’industrie avec sa fameuse odeur de chocolat a disparu, mais le panneau au nom d’« Octobre Rouge » est toujours présent sur un des bâtiments industriels. fig. 55 Le panneau avec le nom d’«Octobre Rouge» Source : chubabaka.livejournal

fig. 56 La statue de Pierre le Grand Source : old.subscribe.ru

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En 1997 une immense statue de Pierre le Grand a pris sa place au confluent de la rivière Moskva et du canal Vodootvodniï. D’une hauteur de 98 mètres, cette œuvre de l'artiste Zourab Tsereteli51, était mal vue par la société moscovite. Après de longs débats et contradictions, le gouvernement a décidé que le démontage et le déplacement de ce monument gigantesque seraient très compliqués et coûteux pour le gouvernement de Moscou. Donc, la statue est restée et accentuant le bout d’ile Baltchug et territoire d’Octobre Rouge. Une des problématiques à résoudre est les transports. A cause de la vaste étendue du territoire de la ville, les moscovites préfèrent se déplacer en voiture, provoquant de nombreux embouteillages quotidiens. Or, Octobre rouge est difficilement accessible aux voitures. Par ailleurs, il n’y a pas de transport en commun, la station de métro la plus proche se trouvant à dix minutes à pied, de l’autre côté de la rivière Moskva.

fig.57 Schéma desaccès vers l’Octobre Rouge Source : image personnelle

Occupant le bout de l’île Baltchug, le territoire d’Octobre Rouge n’a pas de voisinage direct. La zone piétonne du pont Patriarchiï le sépare du reste de l’île. Pourtant la fabrique a des rapports visuels et significatifs avec son entourage. L’île Baltchug a été bâtie au cours des XVIIIème – XIXème siècles. Les constructions Zourab Tsereteli [né en 1934] est un peintre et sculpteur monumentaliste géorgien de citoyenneté russe. Il est président de l'Académie des beaux-arts de Moscou, un homme influent en Russie, proche de certains cercles de Vladimir Poutine et surtout de Yuriy Loujkov, l'ancien maire de Moscou. 51

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ne sont pas serrées et ne sont pas homogènes. Aujourd’hui le nombre de nouvelles constructions et projets sont en cours. Ce sont des résidences ou des complexes multifonctionnels, qui unissent les logements et les bureaux. [voir : figure 62 « Les projets en cours sur l’île Baltchug » , page 64 - 65]

En 2013 le territoire de la zone naturelle protégée « Vorobievi gori », représentant une surface de 81,9 hectares, était lié au territoire de parc Gorky. Ensuite, en 2014, les parcs de l’Université d’Etat Lomonossov de Moscou de 51,4 hectares ont rejoint les territoires du parc Gorky. C’est une immense zone verte, piétonnière qui est liée au parc Muzeon par le quai. Les quais de la rivière Moskova sont une particularité du parc Gorky et de tout le centreville. D’après ce nouveau concept, le chemin piéton d’une longueur de plus de 10 km commence par les quais Vorobievo et arrive à Novoe Zaryadie en passant par Octobre Rouge. [voir : fig 78 La «cale verte ». , page 74 - 75]

fig. 58 «Île d’orée», projet en cours architecte «Sergeï Skouratov Architects » Source : skuratov.ru

fig.59 «Baltchug Residence», construction en cours Source : balchug-dom.ru

fig.61 «Tsarev Sad», projet en cours architecte « studia 44 » Source : urbanus.ru

fig.60 «Baltchug Wiepoint», construction en cours Source : balchug-dom.ru

fig. 62 «Wine House», construction en cours architecte « SPEECH » Source : urbanus.ru

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CATHÉDRALE DU CHRIST-SAUVEUR

GES 2

MUSÉE DES BEAUX-ARTS POUCHKINE OCTOBRE ROUGE 64

QUARTIER

“OSTOJENKA”

KREMLIN

“MAISON SUR LE QUAIS” ENSAMBLE D’HABITAHION,1938

PARC DES ARTS

MUSEON

CENTRE D’ART CONTEMPORAIN, LIVRAISON 2018-2019

GALERIE TRETIAKOV

“ILE DORÉE”,

COMPLEXE MULTIFONCTIONNEL PROJET EN COURS

“TSAREV SAD”, HÔTEL PROJET EN COURS


fig.63 Les projets en cours sur l’île Baltchug Source : image personnelle

PARC “ZARYADYE”,

EN COURS DE CONSTRUCTION

“BALCHUG VIEWPOINT”, ENSAMBLE D’HABITAHION EN COURS DE CONSTRUCTION

“BALCHUG RESIDENCE”, COMPLEXE MULTIFONCTIONNEL EN COURS DE CONSTRUCTION

“WINE HOUSE”, ENSAMBLE D’HABITAHION

EN COURS DE CONSTRUCTION

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NOVOE ZARYADIE – LE PARC PAYSAGER DE TREIZE HECTARES À CÔTÉ DU KREMLIN Zaryadie est un quartier dans Kitaï gorod. Il se trouve au bord de la rivière Moskva à la limite de la Place Rouge. L’Hotel « Rossiya » qui occupait ce lieu depuis 1964 a été démoli en 2006. Après de longs débats au sujet de la réhabilitation de ce terrain, il a été décidé d’y créer un parc. Le lauréat du concours de 2013, est l’agence fig.64 Schéma de la new-yorkaise Diller Scofidio + Renfro. Selon «cale verte » / Zaryadie leur projet, le parc se compose de quatre zones Source : image personnelle typiques du paysage de la Russie. Les technologies d’environnement durable et les systèmes de récupération d'énergie permettront de contrôler le climat qui rendra possible l’utilisation de tout l’espace du parc pendant l'année. L’ouverture du parc est prévu en 2017.

fig.65 projet du parc Zaryadie, architecte « Diller Scofidio + Renfro », 2013 Source : archi.ru

VOROBIEVI GORI [LES COLLINES DES MOINEAUX] – LE SYMBOLE DES SCIENCES ET D’ÉDUCATION

fig.66 Schéma de la «cale verte » / Vorobievi gori Source : image personnelle

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Au XVIème siècle sur la rive haute de la rivière Moskva le village Vorobievo a été bâti. Ce village au sud-ouest de Moscou est devenu la résidence secondaire des grands-princes. Au pied des collines Vorobievi le monastère de Saint André a été fondé, qui a donné naissance à l'Académie Théologique de Moscou et à L'université d'État Lomonossov de Moscou.


Dans les années 1950, le campus de l'université a été construit sur les collines de Vorobievi avec des jardins botaniques et un vaste parc. Les bâtiments de l'Académie des Sciences de Russie s’implantent ici au début des années 1990. Ce lieu est devenu le berceau moscovite de la science et de l’éducation.

fig.67 Le monastère de Saint André et l'Académie des Sciences de Russie

fig.68 Saint André et L'université de Moscou.

fig.69 Parc Vorobievi gori, Source : archi.ru

Source : stoleo1976.livejournal.ru

fig.70 Quai de rivière Moskva, jardin Neskoutchniï, Source : stoleo1976.livejournal.ru

fig.71 Jardin Neskoutchniï, Source : wowhaus.ru

JARDIN NESKOUTCHNII – LA ZONE NATURELLE, QUI A ACCUEILLI LES MANOIRS DE XIXÈME SIÈCLE

fig.72 Schéma de la «cale verte » / jardin Neskoutchniï Source : image personnelle

Jusqu'au XVIIIème siècle, le territoire entre le talus de terre et le monastère de Saint-André a été occupé par des potagers et des jardins, ainsi qu’un autre ancien établissement monastique. Ensuite, ces espaces ont été remplacés par des maisons nobles avec des parcs et des jardins. L'un des domaines appartenant à la famille aristocratique des Troubetskoï, a été appelé « maison de campagne Neskoutchnoye » avec son parc aménagé, ouvert aux festivités publiques. C’est le nom historique « de jardin Neskoutchniï » qui a été donné au parc moderne.

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PARC GORKY – LIEU DE LOISIRS CULTURELS

fig.73 Schéma de la «cale verte » / parc Gorky Source : image personnelle

fig.74 La première exposition nationale d’agriculture et d’industrie à Moscou Source : gorkypark.ru

fig.75 Les attractions dans le parc Gorky Source : gorkypark.ru

Jusqu'au XIXème siècle, le lieu qu’occupe aujourd’hui le parc central de culture et de loisirs « Gorky » est situé en dehors de la ville. C’était des champs, puis des jardins potagers. En 1900, le gouvernement municipal de Moscou décide d'organiser ici la décharge de la ville, décharge devenue refuge de gens sans emploi et sans abri. Peu de temps après, suite à la révolution de 1917, une large construction culturelle a commencé à Moscou avec la première exposition nationale d’agriculture et d’industrie (revue des forces de productivité, des réserves, des possibilités et des moyens de la transformation socialiste de l'agriculture). Le gouvernement de Moscou a décidé de construire les pavillons d’exposition sur le site de la décharge. En mars 1928, le Conseil de Moscou a décidé d’une nouvelle exploitation de ce lieu en un parc des expositions de la Culture et des Loisirs. Les premières années de sa création ont été «l’âge d'or» du parc qui a connu une renommée mondiale et est devenu l'un des symboles de l'Etat socialiste. Les moscovites l’ont appelé : « lieu de définition nouvelle conscience ». Depuis 1931, le parc porte le nom de Maxim Gorky52. Dans les années 30, le parc reconstruit est resté ouvert pendant la Seconde Guerre Mondiale. En 1990, les attractions ont été installées, mais au fil du temps le parc est tombé progressivement en désuétude par négligence. En été 2011, la reconstruction du parc « Gorky » a commencé sous la nouvelle direction de Sergei Kapkov. Les manèges et anciens bâtiments ont été démantelés, les objets de patrimoine historique reconstruits,

Maxim Gorky [né 1868 / mort 1936] est un écrivant russe. Il est considéré comme un des fondateurs du réalisme socialiste en littérature et un homme engagé politiquement et intellectuellement aux côtés des révolutionnaires bolcheviks. 52

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le pavage refait à neuf et la création de nouveaux jardins créés. Les gens ont commencé à revenir dans le parc, et il est ainsi devenu le centre de la vie estivale de Moscou. Le concept du parc Gorky a été conçu par la société britannique « LDA Design ». Les architectes britanniques ont élargi la capacité des quais en zone piétonne et en ont fait l'un des quais les plus longs du monde. Il sera possible d'accueillir de grands événements culturels sur les quais, qui correspondront à l'atmosphère et à l'esprit du parc. Une attention particulière a été accordée à la restauration de l’héritage perdu dans le temps : ainsi la rénovation complète et la restauration des édifices du parc, notamment la célèbre composition du paysage, le retour à des sculptures et des vasques. Beaucoup d'attention surtout a été accordée à l'infrastructure du parc : meubles de jardin, éclairage, système de sécurité, toilettes et des chambres pour mères et enfants, adaptation du parc aux personnes à mobilité réduite. En 2011, Olga Zakharova, reprenant le poste de direction du parc à la suite de Sergey Kapkov, a continué les métamorphoses qui ont permis à ce lieu de devenir un parc de classe mondiale (avec ses activités de loisirs: sport, danse et jeux en plein air) et dont le taux de visiteurs est de plus de 20 000 personnes en semaine et de plus de 100 000 personnes les week-end et jours fériés. Le musée de d’Art contemporain « Garag » a ouvert ses portes au mois de juin 2015. Il est implanté dans le bâtiment de la cantine des années 1970 reconstruit par le projet de l’agence hollandaise « OMA », dirigé par l’architecte Rem Koolhaas.

fig.76 Parc Gorky, architecte « Wowhaus », 2012 Source : gorkypark.ru

fig.77 Le musée de d’Art contemporain « Garag », architecte « OMA », 2015 Source : gorkypark.ru

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PARC « MUZEON » - « MUSÉE DE LA SCULPTURE EN PLEIN AIR »

Au moment de l’Exposition Nationale de l’Agriculture, de l’Industrie et de l’Artisanat de la Russie, les pavillons des exposants étrangers ont été construits à l'emplacement actuel du parc « Muzeon ».

fig.78 Schéma de la «cale verte » / parc Muzeon Source : image personnelle

Après la Grande guerre patriotique, l’endroit a été déserté et, à la place s’est formée une des plus grande décharge de neige de la ville. La construction de la « Maison centrale des artistes »53 a commencé en 1965. Le parc autour a été créé seulement en 1980. En 1991, le gouvernement de Moscou

fig.79 Parc « Muzeon » musée de la sculpture en plein air, architecte « Wowhaus », 2015 Source : muzeon.ru 53

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« ZDCH » - Maison centrale des artistes est un du plus grand centre d’exposition de la Russie.


a pris la décision d’enlever de nombreux monuments et sculptures des dirigeants communistes, déplacés dans le parc « Muzeon », parc ayant reçu le statut de « musée de la sculpture en plein air ». En 2012, le parc a été rénové et le quai réaménagé a rejoint le parc Gorky.

GES 2 – UNE CENTRALE ÉLECTRIQUE DEVIENDRA UN MUSÉE

Une ancienne centrale électrique, dans le quartier d’Octobre Rouge, sera bientôt transformée en centre d’art contemporain : GES 2, construite entre 1904 1907, située sur les bords de la rivière Moskva. Fondation V-A-C54 a commandé au cabinet de Renzo Piano (Renzo Piano Building Workshop-RPBW)55 la réhabilitation de ce lieu immense pour y présenter des installations permanentes et temporaires, des expositions et organiser des événements artistiques et autres. Octobre Rouge est placé entre trois grands musées : la Galerie Tretiakov, Musée des Beaux-arts Pouchkine, la Maison centrale des artistes et la Nouvelle Galerie Tretiakov.

fig.80 GES 2, état actuel Source : www.buro247.ru

fig.81 GES 2 - projet de centre d’art contemporain, architecte RPBW, 2015 Source : metro.com Fondation V-A-C s’occupe du développement de l'art contemporain en Russie à travers des expositions, de l'éducation et des projets d'édition. 55 RPBW est une agence internationale d’architecture située à Paris. 54

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« OSTOZHENKA » - EST LE QUARTIER SITUÉ DANS LE RAYON KHAMOVNIKI, RECONSTRUIT ET DEPUIS NOMMÉ « ZOLOTAJA MILYA » [MILLE D’OR], GRÂCE AUX VALEURS IMMOBILIÈRES.

Cette partie de la ville a été abandonnée, car dans le cadre de la construction prévue du Palais des Soviets (qui devait être située sur la place de Cathédrale du Christ Sauveur) ; toute la zone était censée être démolie pour laisser place à l’ouverture d’une large avenue vers Vorobievi gori. Par conséquent, depuis les années 1930, aucune construction n'a pu être menée. Cependant, dans les années 1970-80, le Conseil des ministres de l'URSS a commencé des constructions de logements pour ses employés. Mais en 1990, le Conseil des ministres a cessé d'exister, et avec lui ces projets. En 1995 c’est le début de la métamorphose du quartier Ostozhenka. Depuis 20 ans, le quartier a changé jusqu'à devenir méconnaissable : la plupart des bâtiments historiques ont été démolis, et le quartier s'est rempli de logements destinés à l'élite. En 2013, Ostozhenka se trouve à la septième place dans le classement des dix rues les plus chères du monde au mètre carré, selon les études de société Knight Frank.56

fig.82 Copper House, 2005, architecte « Sergeï Skouratov Architects » Source : www.archplatforma.ru

fig.83 Immeuble, 2006, architecte « Meganom » Source : www.archplatforma.ru

Knight Frank - société britannique fondé en 1896 dont les services incluent ventes, locations, gestions de patrimoines de propriétés, gestions de domaines et de fermes, recherches professionnelles, consultations marines, consultations de constructions, et planifications. 56

72


Octobre Rouge se trouve au croisement de deux axes : l’axe vert et l’axe culturel. En même temps, la fabrique est enclavée dans des îlots résidentiels prestigieux et des bâtiments de bureaux. Les trois grands espaces muséaux se trouvent à proximité du territoire d’Octobre Rouge, ce sont les plus importants musées des beaux-arts de la capitale russe : Musée des Beaux-arts Pouchkine, Galerie Tretiakov, Nouvelle Galerie Tretiakov et Maison centrale des artistes. L’ouverture de la nouvelle plate-forme culturelle, centre d’art contemporain dans le bâtiment de GES 2, est prévue à la fin de 2018. Le grand « cale vert », proposé encore dans les années 1920, par l’architecte Schussev est en développement aujourd’hui. Pour la première fois depuis la période soviétique, la ville de Moscou prend en charge les travaux de réaménagement des parcs et des zones naturelles. Commençant par le Parc Gorky, ensuite le Jardin Neskoutchniï, Vorobievi gori et enfin le parc Muzeon, les berges de la rivière Moskva ont ainsi acquis une deuxième vie. De massif vert abandonné, il est devenu une zone attractive pour les loisirs des moscovites. Aujourd’hui un autre parc commence à se construire, sur la friche de Zaryadie. Vers l’année 2017 les zones vertes sur les quais autour d’Octobre Rouge seront finalisées. Le gouvernement de Moscou a déclaré que les berges d’Octobre Rouge rejoindront la zone verte du parc Zaryadie et du parc Muzeon vers 2025.57 Dans ce projet urbain présente la volonté politique de la revitalisation du quartier passe par l'attraction des touristes et de la classe sociale favorisée. ZARYADIE

MUSÉE DES BEAUX-ARTS POUCHKINE

GES 2

OCTOBRE ROUGE

GALERIE TRETIAKOV

MUZEON NOUVELLE GALERIE TRETIAKOV MAISON CENTRALE DES ARTISTES

PARC GORKY

fig.84 L’axe vert et l’axe culturel. Source : image personnelle NewsMSK (juillet 2012), « Un architecte néerlandais développe le concept de la réhabilitation « Octobre Rouge ». 57

73


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fig.85 La «cale verte ». Source : image personnelle


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CATHÉDRALE DU CHRIST-SAVEUR [CONSTRUIT ENTRE 1995 - 2000; IDENTIQUE AU PROJET ORIGINALE DE XIXÈME SIÈCLE QUE ÉTAIT DETRUIT EN 1931] Pa

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“OCTOBRE ROUGE” [FABRIQUE CONSTRUITS ENTRE 1889 - 1914]

QUARTIER “OSTOJENKA” PARC MUSÉON [PARC DES ARTS, MUSÉE DE LA SCULPTURE EN PLEIN AIR] po

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MAISON CENTRALE DES ARTISTES [CENTRALNY DOM KHUDOJNIKA] ET NOUVELLE GALERIE TRETIAKOV im

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“LA ROSE ROUGE” [KRASNAÏA ROSA]

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PARC GORKY [12 HA; PARC CENTRAL DE CULTURE ET DE DÉTENTE; EN 1923 ACCUEILLI L’EXPOSITION INDUSTRIELLE, DESSINAIT PAR L’ARCHITECTE ALEXEÏ CHTCHOUSSEV]

JARDIN NESKOUTCHNI [40,8 HA; CONSTITUÉ EN 1756 COMME LE JARDI BOTANIQUE PRIVÉE] PARC LOUJNIKI [COMPLEX SPORTIF CONSTRUIT EN 1955]

MONASTÈRE DE SAINT ANDRÉ

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ACADÉMIE DES SCIENCES DE RUSSIE e

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VOROBIEVI GORI [ZONE NATURELLE SUR LA RIVIÈRE]

PLANTE DE LA BERGE HAUTE DE LA

L’UNIVERSITÉ D’ÉTAT LOMONOSSOV DE MOSCOU [LE PLUS IMPORTANT CAMPUS UNIVERSITAIRE; UN DES GRATTE CIEL STALINIEN CONSTRUIT EN 1953] PARC UNIVERSITAIRE

75


3.2 LES PROJETS PRÉSENTÉS SUR LE TERRITOIRE D’OCTOBRE ROUGE

Au cours des périodes post-soviétique et post-industrielle, le gouvernement prend la direction de la transformation du territoire d’Octobre Rouge. Les premières études de terrain en 1998, étaient déterminées par le programme de constructions des logements. Le territoire d’Octobre Rouge fait partie du projet plus global – « île dorée », qui comprend quasiment le tiers de la surface de l’île Baltchug. Puis certaines propositions ont été faites par les agences russes « Bernaskoni » et « Mosproekt 2 ». Pourtant les projets sont restés sur le papier. En 2007, huit agences ont présenté des projets de reconversion de la fabrique. Malgré, la participation d’agences reconnues au niveau international, le projet n’a pas avancé. Le projet de « Kremlin City » a été proposé en 2009 dans le cadre de la création à Moscou d’un centre financier. Tous les essais de la ville de Moscou pour faire approuver le programme du projet de la reconversion de la fabrique sont restés en suspens. Ce qui justifie l’argument qu’Octobre Rouge est un territoire d’enjeux.

2016

Dojd Institut Strelka

2009 2010

Kremlin City

2007

projets des huit architectes

projet de B.Bernaskoni

2004 2005

pont Patriarchiï Art Strelka

projet de A.Bokov

1997 1998

installation de la statue

construction d’Octobre Rouge

1889

fig.86 Chronologie de développement d’Octobre Rouge Source : image personnelle

3.2.1 LE PREMIER PROJET : REDÉVELOPPEMENT DE TERRITOIRE D’OCTOBRE ROUGE À L’ÉPOQUE POSTSOVIÉTIQUE

En 1998, l’Union des architectes de Moscou et la Moscomarkhitectura (comité d’architecture) organisent un concours sur la conception de reconversion du site historique d’Octobre Rouge ; la fonction de futur projet est établie comme « le

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territoire de recréation et de la culture avec les éléments des services et des affaires ». L’équipe lauréate – l’agence « Mosproekt-4 », dirigée par Andrey Bokov, propose de former, entre autre, la vaste zone piétonne traversant l’île, qui fut réalisée en 2004. Analysant les projets présentés à ce concours, le gouvernement de la ville a établi que « cette partie de l’île ne doit pas être occupée par des activités bruyantes », et a défini un programme de projet préalable consistant en des logements. Le prix des terrains dicté par l’emplacement du quartier et l’exigence en termes de qualité environnementale fig.87 Projet de Mosproekt-4, Andrey Bokov, 1998 signifient une exclusivité de logements, Source : Projet Russie et leur classement dans la catégorie « luxe ». Pour cette raison, le projet est nommé « île dorée ». Le projet « île dorée » occupe quasiment un tiers de la surface de l’île de Baltchug et inclut le territoire d’Octobre Rouge.

3.2.2 DEUXIÈME PROJET : « ÎLE DORÉE » ET RÉALISATION DU PONT « PATRIARCHIÏ »

En été 2003, le maire de Moscou signe le programme « L’île dorée », en même temps que l’entreprise « KRT Mégapole » (L’entreprise de développement des territoires). Un des propriétaires des biens immobiliers sur le territoire du projet, a obtenu les droits de gestion de développement et de construction. D’après ce programme, il était prévu de construire 600 000m2 d’habitations dans le projet de l’ « île dorée », ainsi le territoire d’Octobre Rouge ne possédait que 50 000m2 des logements. Comme divers propriétaires

fig.88 Pont « Patriarchiï », Mosproekt-2, 2004 Source : Projet Russie

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ont refusé de travailler sous le contrôle de « KRT Mégapole », donc ces nombreux entreprises et investisseurs ont financé les travaux de rénovation – les dépenses représentant environ 550 millions de dollars. En 2004, le maire Yuriy Lougkov a négocié avec « Gouta Development » la construction du nouveau pont « Patriarchiï » entre le parvis de la cathédrale du Christ-Sauveur et l’île Baltchug, autrement dit le territoire d’Octobre Rouge. D’après le journal Forbes, le gouvernement de Moscou a donné son accord pour la relocalisation de l’usine de chocolat et pour la construction de 150 000m2 de logements sur les 5 hectares du terrain. Ces nouveaux logements sont situés à quelques centaines de mètres du Kremlin et séparés par la rivière de la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou ; la vente apporterait ainsi entre deux et trois milliards de dollars, d’après les études du journal Forbes.

3.2.3 TROISIÈME PROJET : LES PROJETS DE BORIS BERNASCONI ET « MOSPROEKT-2 »

Quand « Gouta-développement » prend la direction d’Octobre Rouge en 2003, elle demande un projet chez « Mosproekte-2 » et puis, en 2005, elle lance le travail GROUPE GOUTA sur le projet de redéveloppement en collaboration avec 1989 l’architecte Boris Bernaskoni.58 Il propose un projet fondé sur trois constituants de la vie humaine : habitation, - LES CONFISEURS UNIS travail et loisir. Un tiers est consacré aux bureaux, un autre - GOUTA BANQUE aux logements placés dans les bâtiments reconstruits - GOUTA DEVELOPMENT de la fabrique et les nouveaux bâtiments qui forment les - GOUTA ESTATE - GOUTA FINANCE carrés des cours vertes constitue le troisième. La zone - GOUTA ASSURANCE piétonne se trouve au bout de l’île avec le bâtiment - MARINA CLUB patrimonial des clubs, des yachts. - GOUTA CLINIQUE Son projet revêt un caractère utopique avec ses systèmes de monorails et de funiculaire, et une fig.89 La structure de la groupe "Gouta" densification multipliée par quatre. Bien que cette Source : image personnelle conception montre le riche potentiel de développement de ce territoire, le projet est resté sur le papier. « Mosproekt-2 » propose un projet qui correspond aux besoins d’un promoteur, avec des logements luxueux plus isolés des étrangers qui viennent se promener dans le quartier. Pour cette raison les architectes créent deux niveaux sur le quai de la rivière – un, au niveau des logements pour les résidents et l’autre, avec les

Boris Bernaskoni [né en 1977] est un architecte russe, ingénieur, éditeur, fondateur de bureau « Bernaskoni ». 58

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commerces et les espaces de restaurations, pour les visiteurs. Le quai du canal est complètement réservé aux habitants. Le problème de transport est résolu par la création d’un parking à trois niveaux en soussol, qui doit être « germanisé comme un sous-marin », d’après Mosproekt-2. Au cœur de l’ensemble, un certain nombre de monuments classés comme patrimoine culturel ne permet pas aux promoteurs de réaliser le redéveloppement massif de ce territoire parmi la démolition. L’étude architecturale historique complexe du territoire a été faite par « Mosproekt-2 » en 2001 – 2006. La règlementation sur les nouvelles constructions et des transformations acceptables a été élaborée après analyse des champs de vision sur les monuments historiques aux alentour d’Octobre Rouge.

fig.90 Projet de Boris Bernaskoni Source : Projet Russie

Cette étude a défini comme classé le patrimoine des deux bâtiments de la fabrique et du bâtiment du club de yachts. C’est-à-dire que ces édifices doivent être conservés et restaurés, toutes les autres constructions des XIXème - début de XXème siècle pouvant être reconstruites et les bâtiments de l’époque soviétique, démolies. Huit zones (lots/sites) conçues pour la construction des différents projets, ont été définies.

3.2.4 QUATRIÈME PROJET : HUIT ARCHITECTES POUR HUIT TERRAINS

Entre 2004 et 2007 « Gouta » a continué la relocalisation de l’usine de chocolat, et en 2007 a acheté le terrain. Cette opération a couté trente fois la taxe foncière et 173 millions de roubles pour 5 hectares de terrain sachant qu’en prix de marché chaque hectare est évalué entre dix et vingt millions de dollars.

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fig.91 Plan d'Octobre Rouge, huit zones- huit équipes, 2011 Source : Projet Russie

Dans le même temps, « Gouta » organise un concours architectural. Ce projet prévoyait 400 unités de logements: sur le terrain de l'usine, des lofts, et dans les nouveaux bâtiments, les appartements de luxe. Les agents immobiliers prévoyaient déjà que le prix au mètre carré dépasserait les 25 000 dollars, équivalent ou même plus élevé que celui du quartier d’Ostojenka, qui est à présent le quartier le plus cher de la ville.

Le projet, appelé « Krasniy octyabr. Red October Residence. Established 1889 » a été lancé en 2006 avec le bureau russo-britannique McAdam Architects.59 Ils ont choisi 8 architectes pour 8 terrains avec un programme écrit. Les différents projets des bureaux, hôtels, musée, galeries et espaces publics font l’objet de concours remportés par des agences européennes en 2011. Parmi les participants, on peut noter Jean Nouvel60, Jean-Michel Wilmotte61, Norman Foster62. L’appel aux agences d’architecture - « stars » au niveau international, mondial, donne la valorisation au projet. Jean Nouvel travaillait sur le site de complexe multifonctionnel près de la passerelle jusqu’à la phase d’esquisse. Norman Foster travaillait sur le site à côté, occupé par le logement. JeanMichel Wilmotte s’occupait de la réhabilitation des anciens bâtiments. Le programme de réhabilitation de 37 000 fig. 92 Projet de Jean Nouvel m² consiste en 90 logements de luxe Source : Projet Russie 27 000 m² d’appartements, et 9 500 m² de commerces, restaurants, galerie d’art. Le projet conserve la plupart des bâtiments de la chocolaterie achevés en 1914, crée une descente vers les niveaux de quai en aménageant un espace de récréation - galerie commerciale et ludique. Les voitures passent dans un tunnel libérant les berges pour les piétons. Sur le site de l’agence « Wilmotte & Associés » une partie du projet est décrite: « Le traitement des espaces extérieurs est pensé comme le trait d’union McAdam Architects est un agance d’architecture, créé en 1998 par James McAdam et Tanya Kalinina, situé à Londres et Moscou. 60 Jean Nouvel [né en 1945] est un architecte français, lauréat du Prix Pritzker en 2008. 61 Jean-Michel Wilmotte [né en 1948] est un architecte, urbaniste et designer français. 62 Norman Foster [né en 1935] est un architecte britannique, lauréat du Prix Pritzker en 1999. 59

80


entre les différents bâtiments. Clôturées par de grands éléments vitrés, les cours intérieures deviennent 3 jardins, similaires par leur agencement mais différents par le choix des essences qui y seront plantées et donc par les atmosphères qui s’en dégageront. Un système de rampes, plates-formes, définiront des zones de circulation aisées et relieront les niveaux de chaque immeuble en limitant quasiment totalement la succession d’escaliers. L’ensemble de ce traitement paysager est l’élément principal affirmant la notion d’îlot et de résidence pour l’ensemble de ces 5 bâtiments. L’ensemble des interventions sur les parties existantes se fera dans le plus grand respect des principes constructifs et historiques. »63

fig.93 Projet de Wilmotte & Associés Source : Projet Russie

Le bout de l’île est octroyé à l’agence russe « Meganom» et le reste du territoire est divisé entres les agences allemandes. « Mosproekt-2 » joue le rôle de co-auteur et superviseur de tous les projets. En 2007, quand la relocalisation de l’usine fut terminée, « Gouta » a validé les pré-projets et le plan général. Néanmoins Yurii lougkov tarda avec la validation finale du projet « île dorée » et apporta de nouvelles corrections. Jusqu’à l’automne 2008, au moment où la crise arriva, de nombreux développeurs immobiliers ont gelé les projets, « Gouta » n’ayant toujours pas commencé les travaux sur place, l’entreprise est restée avec l’usine vide et fermée pour toute la période hivernale.

63

fig.94 Projet de Norman Foster Source : Projet Russie

Cf : www.wilmotte.fr/fr/projet/73/Octobre-Rouge

81


Le lancement du chantier était prévu en 2008, mais n’a pas eu lieu. Le conseil public de la mairie abandonna le projet de « l’île dorée ». Les causes sont dues aux changements dans la règlementation concernant le patrimoine : les nouvelles constructions sont très limitées dans cette zone qui se trouve dans la zone de protection du Kremlin. Ensuite, le gouvernement prescrivit de bâtir trois fois moins de logements sur l’île. Le Maire fit remarquer que dans les intérêts de la ville, la zone d ‘ « Octobre Rouge » devait devenir attirante pour les touristes, ce qui implique une diminution des habitations et des bureaux.

fig.95 Projet de « Meganom» Source : Projet Russie

3.2.5. CINQUIÈME PROJET : CLUSTER FINANCIER « KREMLIN CITY »

La compagnie « KRT Mégapole », restant le dirigeant des projets sur le territoire à l’ouest de l’île Baltchug, propose la construction d’un cluster financier « Kremlin city », en mai 2009. Cette proposition allait contre la politique de la mairie mais s’inscrivait dans le cadre de la politique prononcée par président Dimitri Medvedev, désireux de faire de Moscou un centre de finances à l’échelle mondiale. Le projet propose de régler le problème de transport, en mettant le trafic et les parkings en souterrain, et en développant la ligne de tramway, construite autour de l’île Baltchug, en contrebas des quais, au-dessus d’eau. Le projet a contenu les institutions financières, banquiers, analytiques, innovantes, culturelles, ainsi des logements, des hôtels, des bureaux, des centres de loisirs. Par la suite, le maire a annulé le statut de maîtrise d'ouvrage de « KRT Mégapole ». Aujourd’hui les droits de propriété reviennent à « Guta Development », mais la procédure d’achat des actions d’Octobre Rouge, la relocalisation de l’usine, et les privatisations sont devenues très longues et complexes

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Selon l’article publié par « Forbes » en 2013, la construction de 25 000 m2 est déjà convenue. Parmi ceux-ci, 20 000 m2 sont prévus pour les résidences. Les questions de démolition seront étudiées par la Commission des sites des lieux historiques et classés, ce qui veut dire que la prise de décision pour les autres bâtiments peut être retardée. Le promoteur accepte d’attendre le temps nécessaire. Le prix moyen du mètre carré dans le quartier « Ostojenka » est de 31 000 dollars, il est évident que le prix du mètre dans « Octobre Rouge » ne sera pas moins cher. Donc « Gouta » ne touchera 600 millions de dollars que sur les ventes d’immobiliers.

fig.96 Projet de Cluster financier « Kremlin City», 2009 Source : krt.ru

« Le potentiel de ce lieu n'a pas été étudié comme il faut. Il n'y avait aucune raison de le vendre. Si vous possédiez la Place Rouge, et si on vous propose de la vendre, seriez-vous d'accord ? » - écrit ironiquement le groupe « Gouta ».

Le projet de redéveloppement d’Octobre Rouge était toujours utopique, malgré la compétence des promoteurs. Les logements en « lofts » sont à la mode aujourd’hui. Ce sont des vastes appartements dans les anciennes fabriques et usines où le prix au mètre carré est assez bas, ce qui est le contraire de la situation Moscovite. Les premiers lofts sont apparus en France dans les années 80 - 90 du XIXème siècle, lorsque la bohème de Montmartre a situé ses ateliers dans les entrepôts abandonnés. Puis les lofts apparaissent aux États-Unis pendant la Grande Dépression, quand, en raison d'une vague de faillites, les pauvres sont se logés dans les ensembles des districts industriels et les bâtiments industriels de New York et Chicago. D’autant qu’à Moscou les promoteurs proposent les lofts, comme le logement de tendance, aux classes sociales très élevées. Le règlement, conçu pour respecter les limites des bâtiment existant dans les nouvelles constructions, oblige à créer des espaces de cours longues et étroites, qui ne correspondent ni à la morphologie des habitations moscovites, ni au règlement d’isolement, ni à la simple logique de création des espaces entres les édifices. Pourtant, situés au cœur de Moscou, les lofts d’Octobre Rouge seront les logements les plus chers sur le marché moscovite.

83


3.3 LE DÉVELOPPEMENT DU QUARTIER CRÉATIF SUR L’OCTOBRE ROUGE

Le peintre Vladimir Doubosarskiy est le premier à ouvrir dans « Octobre Rouge » un endroit culturel « ART Strelka »64 ; il a commencé en 2000 avec le festival « ART Klasma »65 où il a rassemblé les galeries les plus importantes, les peintres et les autres personnes artistes. « J’ai vu pas mal d’exemples à Londres, New York, Berlin, quand la ville relocalise la production en centre-ville, à leur place naissent une nouvelle vie, un nouvel espace créatif. J’ai connu Artem Kousnetzov et je suis venu le voir avec cette idée », dit Doubossarskiy dans son interview à Forbes.66 Le 1 septembre 2004 dans les murs de l’ancien garage de l’usine la galerie « ART Strelka » a ouvert ses portes. En 2007, le club « Raï »67 [paradis] s’implantait sur Octobre Rouge. Son propriétaire Andrey Lobjanidze a travaillé longtemps dans un club « First »68 sur les quais Sofiïskaïa et voyait l’excellence du potentiel de son business : la proximité du Kremlin, un accès facile. « J’ai réussi à convaincre tout le monde, que nous sommes la fig.97 Axonométrie d’Octobre Rouge meilleure publicité pour cette île. »69 Source : redok.ru Lobjanidze et ses partenaires, ont investi près de 6 millions de dollars dans les travaux de la reconstruction des locaux, où a été ouvert le club. Les investissements ont été amortis en six mois. Avant la crise, l'existence de ce type de locataires pouvait être considérée comme une lubie d’Artem Kuznetsov, mais en 2009, ce sont eux qui ont suggéré, comment le lieu pouvait être adapté à la situation de crise et de pouvoir pour au moins payer les charges. Alors, « Gouta » a décidé de remettre plus de 40 000 m2 de locaux industriels en location avec un bail de trois ans. Les taux sont ultra-bas pour le centre-ville entre 200 - 400 dollars par mètre carré et par an - mais à la condition que les réparations de ces locaux soient prises en charge par les locataires. Ceux-ci ont rencontré beaucoup de difficultés lors de l’aménagement dans des bâtiments délabrés. Toutefois, en un « ART Strelka » est un centre culturel situé sur l’île Balchug en 2004 – 2009. « ART Klasma » est un festival annuel de l’art contemporain en 2002 – 2005. 66 Cf : ABAKOUMOVA Maria, ZINTCHENKO Galina, 2013, «Quels intérêts se sont affrontés sur «Octobre rouge», Forbes Russia. 67 « Ray » est une boîte de nuit. 68 «First » est une boîte de nuit. 69 Cf : ABAKOUMOVA Maria, ZINTCHENKO Galina, 2013, «Quels intérêts se sont affrontés sur «Octobre rouge», Forbes Russia. 64 65

84


an, l'ensemble des locaux a été loué par 80 entreprises (dont l'activité est associée au pétrole ou à la finance) qui répondaient aux besoins de la «classe créative»: studio de design 3D, club de yoga, un studio d'enregistrement, auberge de jeunesse, etc. Les investissements des locataires ont été amortis grâce à des taux de location inférieurs. « Gouta » a contrôlé seulement l’aspect et le design extérieur – la disposition des lumières, la propreté du site. Le site grandissant, peu à peu, les grandes entreprises ont vu l’intérêt de s’installer dans ces locaux. « ART Strelka » a été ensuite dans

fig.98 Les fondateurs de Strelka : Rem Koolhaas, Alexandre Mamut, Ilya Oskolkov - Tsentsiper, Dmitriy Likine et Oleg Chapiro Source : strelka.com

fig.99 Les garages transféré au « Strelka » Source : wowhaus.ru

fig.100 « Strelka », architecte Wowhaus, 2010 Source : wowhaus.ru

fig.101 Le cours intérieure de « Strelka », architecte Wowhaus, 2010 Source : wowhaus.ru

l’incapacité de résister à l'augmentation des taux de location, et à la place de cette galerie s’installa l’« Institut d’Architecture, Media et Design « Strelka », financé par Alexandre Mamut70 et Sergey Adoniev . Chef de projet, il devient le fondateur du journal « Afisha »71 [Affiche] Ilya Oskolkov - Tsentsiper. « Strelka » obtient le statut de cluster créatif : on y donne des conférences, des projections de films, des expositions, et après chaque évènement, la possibilité de passer une soirée dans l'un des clubs ou des bars. En 2009, une holding de média « Dojd »72 [La Pluie] arrive dans un des ateliers du chocolat « Octobre Rouge ». La société a loué un atelier pour son studio de télévision « Dojd ». Après l’arrivée du portail Slon.ru73 et le magazine « Bolchoï Alexandre Mamut [né en 1960] est un homme d'affaires et financeur, en 2015 était 36ème dans le placement des 200 personnes plus riches de la Russie. 71 « Afisha » est un magazine consacré aux évènements sur la culture urbaine moderne dans tous ses aspects, qui se produisent dans la ville de Moscou. 72 Le holding de média « Dojd », fondé en 2007, contient le chaine television « Dojd », les editions « Slon.ru » et « Bolchoï gorod ». 73 « Slon.ru » est un édition en ligne et blogue des actualités politiques, économiques, affaires. Il publie les interviews, commentaires, photoreportages, etc. 70

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fig.102 Les studios de « Dojd Optimistic Channel » Source : tvrain.ru

Gorod »74 [Grande Ville], la surface louée par le holding est proche de 2000m2. Un autre locataire majeur est apparu à la fin de 2010 : le centre technique « Digital October »75 [Octobre Digitale], qui occupe aujourd’hui une superficie légèrement plus grande que celle de « Dojd ». « Dojd Optimistic Channel » est une chaîne de télévision russe indépendante, qui vise à briser les stéréotypes habituellement attachés à la télévision en diffusant des contenus intellectuels. À ses débuts tous les programmes étaient diffusés en direct des studios et aussi des plateaux sur les toits d’Octobre Rouge. Très vite « Dojd » est devenu le «mégaphone» de la société contemporaine et libre et Octobre Rouge son berceau.

En 2014 le journal « Afisha » d’Ilya Oskolkov-Tsentsiper avec le soutien des studios « Rambler infographie » d’Alexander Mamut, a effectué l’analyse des locataires d’Octobre Rouge de 2009 à 2014. L’article de Nika Makhlina a été publié dans « Afisha. Gorod » [Afficha. Ville] en octobre 2014. Selon cette analyse on peut déterminer les groupes des résidents d'Octobre rouge [les usagés quotidiens]. [voir page à droite]

« Bolchoï Gorod » est un magazine hebdomadaire sur la ville de Moscou existe depuis 2002. En 2010 magazine rentre dans le holding de média « Dojd ». En 2014 « Bolchoy Gorod » arrête son édition papier passe uniquement sur les support numérique. 75 « Digital October » est une société privée spécialisée dans les nouvelles technologies et l'entrepreneuriat technologique. 74

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FONDATEURS

les galeries d’art

‘04

‘05

‘06

‘07

‘08

‘09

‘10

‘11

‘12

‘13

‘14

‘15

‘16

art strelka baibakov art projects pobeda mel space paperworks centre de photographie frères lumières centre d’art non contemporain

MOTEUR CRÉATIF strelka institut medias

dojd slon bolchoï gorod snob

openspace.ru et w-o-s.ru life news

ACTIVITÉ PUBLIQUE rolling stone les restaurants

mao forma

art-akademia

bontempi dome prodoukti united kitchen wt4

bruce lee les clubs

raï icon gipsy

glazur’

artel’ bessonitsa

divers

red studio de photos iso club de boxe october le sauna club de yacht

Tableau 2. Les locataires d’Octobre Rouge. Source : analyse personel

87


Les deux tendances se sont développées sur l’île. L’arrivée des locataires à Octobre Rouge a initié le développement des industries créatives, d’une part, et des industries de loisirs (avec un côté festif), d’autre part. En 2004, les galeries d’art ont été les fondatrices du « cluster créatif » sur le territoire d’Octobre rouge. Pourtant, les galeries n’ont pas eu la popularité de l’Institut Strelka, ouvert en 2010. En réalité, ce sont « Strelka » et le holding des médias « Dojd » qui ont été les moteurs du cluster sur Octobre Rouge. Les restaurants et les boîtes de nuit sont des pôles attractifs dans la vie des jeunes. Cependant, leurs thématique et l'accessibilité des prix peuvent varier. Tels établissements d'Octobre Rouge sont ciblés pour une classe sociale privilégiée, dite « jeunesse dorée », mais pas faits pour les usages de ce quartier qui accueille la classe créative. Les boîtes de nuit, comme le « Raï », ont discrédité l’image d’Octobre Rouge aux yeux des habitants de la ville, à cause de la vulgarité de leurs soirées et par conséquent, de leurs visiteurs.. Pourtant la vie diurne ne croise pas forcément la vie nocturne, et les usagers ne croisent pas le contingent des « endroits festifs ». Les grands restaurants attirent plutôt le public extérieur. Il y a un certain nombre des restaurants qui sont destinés aux jeunes travailleurs ou aux étudiants, mais leur rôle dans le cluster est purement pratique et pas économique.

3.4 LES TENSIONS ET LES DÉBATS PUBLICS

L’Octobre Rouge est passé par plusieurs étapes vers le développement de ses territoires, sans que les travaux ne commencent. Dans l’ensemble, la vie « créative » a commencé sur « Octobre Rouge », sans apporter à son promoteur un avantage financier. Selon les estimations de Forbes, les loyers sont passés de 12 millions de dollars en 2009 à plus de 30 millions de dollars en 201176. « Octobre Rouge » a eu particulièrement du succès en raison du fait qu’une vague créative s’est installée en deux étapes au Kremlin, dans le centre historique de Moscou, emplacement à la proximité de tous les événements de la ville. Aux moments des manifestations d’hiver et de printemps en 2012, les leaders et les participants des manifestations se réunissaient dans le restaurant « Octobre Rouge », en discutant des scénarios des manifestations. En hiver 2012, selon les rumeurs, le maire de Moscou, Sergueï Sobianine, aurait autorisé des constructions sur l'île et donné la permission de démolir certains bâtiments de l'usine, ainsi le cluster créatif serait obligé de quitter des lieux.

76

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Voir annexe II p.105, Le schéma de comparaison des prix de location dans les clusters moscovites.


En effet, Artem Kuznetsov ne pouvait pas oublier le projet de développement. La relocalisation de l’usine a coûté 500 millions de dollars, pris sur le crédit. Les prix de l'immobilier, après la crise, ont augmenté. Malgré plusieurs augmentations du taux de location dans « Octobre Rouge », la construction et la vente des appartements avec vue sur le Kremlin et le Cathédrale du Christ Sauveur sont restées toujours plus rentables. Les contradictions entre la volonté du promoteur pour reconstruire Octobre Rouge, et la volonté des usagers de développer le cluster créatif, ont généré de la tension et amené le public à manifester pour la protection de la fabrique. Les usagers insistent pour qu’Octobre Rouge soit un patrimoine architectural et historique, mais aussi un berceau de la culture et de la créativité.

Le cluster créatif, en utilisant tous les moyens de communication modernes, a protesté contre ces décisions. Les militants ont créé un groupe Facebook « Sauvons « Octobre Rouge », ont organisé un rassemblement et commencé à recueillir des signatures. En janvier 2012, Ksenia Sobtchak (journaliste indépendante ; correspondante de « Dojd » et du magazine « Snob »), a envoyé une lettre ouverte à Sergueï Sobianine (maire de Moscou) et à Artem Kuznetsov (Directeur général de « Gouta ») avec un appel à écouter l'opinion publique. « Bien sûr, construire des logements de type « luxe » est un projet plus facile et plus rentable pour un promoteur immobilier », selon Sobtchak, « Mais y a-t-il un nombre insuffisant de logements pour l'« élite » dans le centre de Moscou? Les logements de luxe constituent-ils seuls l'environnement urbain ? Est-ce que c’est dans les appartements haut de gamme avec vue sur le Kremlin, que le potentiel créatif de toute une génération se révèle ? » Le public se réunit pour manifester pour la défense de l'ancienne chocolaterie. L’Institut « Strelka » organise une table ronde avec les architectes, les fonctionnaires et les promoteurs, pour discuter de l'avenir du territoire d’Octobre Rouge. Le magazine « The Village » a publié cette conversation ouverte. [voir l’annexe III, p. 106].

La décision finale sur la façon d'être un « Octobre Rouge » et, plus important encore sur les types d'objets et de fonctions qui devraient dominer dans ce domaine, n'a pas encore été prise. Les fonctionnaires municipaux et la société de développement travaillent sur plusieurs versions des événements et ne cachent pas leur intérêt à entendre d'autres points de vue et des suggestions constructives : à la fois ceux du grand public et de la part des habitants actuels de la grappe culturelle des sociétés, et ceux des personnes qui se distinguent par la créativité et parfaitement orientées vers la tendance moderne du développement des anciennes zones industrielles. La discussion permettant de rassembler les différents intéressés a été organisée pour trouver un fil conducteur à ce projet. 89


[voir annexe 2., p.106 POLICHUK Olga (6.02.2012), « Poust govoriyat [qu'ils disent] : développement du territoire de « Octobre Rouge » The Village, Ville]

Aleksander Kouzmine, architecte en chef de Moscou, a représenté la ville dans ces débats. En exprimant la volonté de l’administration de la ville, concernant la stratégie pour ce site, il a évoqué le mot-clé de ce projet : « développement ». Il faut utiliser au maximum l’existant, en prêtant attention au problème du transport. Ces difficultés excluent la construction des centres d’affaires et commerciaux. Pourtant, l’aménagement des espaces publics et la construction partielle des logements vont décharger cette partie d’île de transports. Les zones piétonnières sont préférables, car elles peuvent augmenter les parcours touristiques. La ville est ouverte aux propositions et aux nouvelles idées, car le projet étant en cours, il est possible de l’améliorer selon les envies du public. L'administration de Moscou devrait accorder la construction sur le terrain après le déplacement de l'industrie chocolatière de la fabrique. Pourtant les processus ont tardé et depuis 2003 la propriété n’a pas de revenus prévus. Le promoteur ne soutient pas l’ambition du projet d’ « Habitation de luxe », porté par la ville. Il valorise l’intérêt public porté à l’Institut « Strelka », l’ambiance créative, informelle, mais réelle, apportée par ses locataires, dont parle notamment « Dojd ». Le promoteur du territoire de l’usine, Artem Kouznetsov a parlé des problèmes de transport et de la volonté du promoteur d’aborder l’espace souterrain pour y transférer le trafic et les parkings. « Nous avons compris que pour « faire venir la ville sur place », il fallait « ouvrir » l’espace d’Octobre Rouge au public. Nous avons choisi très attentivement les nouveaux locataires et étudié précisément les dossiers de chaque entreprise et son installation. Bien sûr, nous travaillons pour faire des bénéfices mais notre but initial était de créer un univers d’exception. Nous avons envie de préserver cet esprit et l’ambiance existante déjà sur l’île, ainsi l’ensemble du projet et son succès dépendent de cette réussite», dit Kouznetsov. Le troisième acteur de ce débat est le public représenté autour de cette table par les architectes, journalistes et entrepreneurs. Le public est inquiet que la fabrique perde son apparence d’origine, son aspect et sa valeur historique, à cause d’une mauvaise réhabilitation. Seules trois constructions sont classées parmi les bâtiments du complexe d’Octobre rouge. Membre du conseil de coordination de l’association « Arhnadzor », Natalia Samover dit : « On a souvent vu à Moscou la reconstruction et la transformation des bâtiments, mais on perd l’esprit et la valeur de ces constructions. La menace directe vers « Octobre Rouge» est de remplacer l’authentique par le neuf ». Le public ne soutient pas non plus le projet de logements de luxe, car il voit l’exemple du quartier Ostojenka, situé juste en face de l’île, comme une « zone morte ». Connaissant la situation et la tendance de l’immobilier de luxe, on se pose 90


la question de sa nécessité et de sa perspective. Il est nécessaire de revoir et de réexaminer la valeur fonctionnelle de certains espaces. Et peut-être ne faudra-t-il pas diminuer la surface de logements prévue, mais éventuellement la redistribuer différemment sur cette île. Les acteurs publics reconnaissent, que le développement de cluster est un but intéressant du point de vue économique. Grâce à leur confinement, les clusters créatifs ont plus de potentiel économique, que les mono-projets, mais le promoteur lui-même n’est pas en mesure de faire des calculs assez importants à long terme. Cette idée est opposée aux intérêts initiaux du promoteur. « La problématique est entre la concurrence financière et les rêves, dans ces cas-là il est impossible d’écrire en business plan », selon Grigoriï Revzin. Il y a aussi une opinion, que la nécessité de la création des centres culturels et créatifs dans la ville, n’est pas un argument majeur pour implanter ce programme sur Octobre Rouge. Traitant l’affaire avec la propriété privée, la ville ne doit pas investir l’argent budgétaire dans les études de terrain ou racheter ce lieu pour gérer le projet culturel. Président de l'Institut «Strelka » Ilya Oskolkov-Tsentsiper affirme : « Construire un centre culturel de la ville de Moscou et de la Russie est une attraction qui va révolutionner l’urbanisme d’aujourd’hui ». Il demande au gouvernement de Moscou de fournir les règlementations, ainsi que le programme envisagé par la ville, pour qu’ils puissent commencer la discussion. « Pour le moment nous ne voyons pas comment on pourrait faire un plus grand geste « urbanistique » dans l’histoire de la ville ». Finalement, « Gouta » arête le projet sur l’« Octobre Rouge ». Le cluster créatif reste sur l’île, malgré l’absence des travaux de réhabilitation de bâtiments et d’aménagements des espaces publics.

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L’ambition publique de la transformation de la fabrique en île des galeries, en espace ultra vivant et populaire, a perduré entre 2005 et 2008. Les industries culturelles et créatives ne sont pas seulement dépendantes que de l’économie locale, mais aussi des circonstances économiques générales dans le pays. Malheureusement, ces circonstances sont défavorables et cette situation, ainsi que le contexte politique influencent les secteurs des industries culturelles. Sur l’Octobre Rouge certains facteurs de développement sont contradictoires. Ces points à la fois sont positifs et négatifs pour le territoire de la fabrique. Dans le tableau ci-dessous, nous pouvons voire le comparaison de ses facteurs. -

+

les bâtiments ne sont pas réhabilités, l’ensemble de la fabrique reste dans son le territoire n’est pas aménagé état d’origine (le patrimoine n’est pas perdu derrière une mauvaise réhabilitation, reconstruction ou une démolition) l’isolement de lieux en raison de ambiance unique grâce à l’isolation de la mauvaise accessibilité crée des lieu - absence des flux de transports et obstacles pour le développement et de public la viabilité du business les circonstances particulières Les industries créatives et culturelles sont économique et politique influencent les marqueurs de l’économie en cours de le développement des industries développement créatives et culturelles (liberté d’expression, liberté de parole) l’espace / plate-forme publique n’est Octobre Rouge fonctionne en coopération pas constitué avec les espaces des parcs de Muzeon et Gorky pour les événements publics certains galeries et holdings de Octobre Rouge continue son existence et médias « Dogd » ont quitté Octobre son développement Rouge les restaurants et les clubs les restaurants et les clubs ont popularisé (notamment Raï) donnent une fausse l’Octobre Rouge image d’Octobre Rouge Tableau 3. Comparaison des points contradictoires. Source : analyse personel

Grigoriï Revzine, historien d’art et critique d'architecture, conclut, qu’ « Octobre Rouge est un territoire unique et qu’on ne peut pas y appliquer les modèles de développements connus, et donc projeter l’expérience d’Octobre Rouge sur un autre site. Actuellement, il n’est pas possible de construire ni le centre d’affaires, ni le quartier d’habitation sur ce territoire. Malgré tout, le cluster fonctionne, les galeries et les restaurants sont ouverts et visités. Donc, Octobre Rouge est un quartier « vivant ».

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CONCLUSION A travers l’histoire on conclut que Moscou est une ville «mono-centrique» dotée d'un riche patrimoine. Le « monocentrisme » en Russie existe dans le modèle du pouvoir politique comme dans le modèle urbain de sa capitale. Au cours de cette étude sur les friches industrielles, reconstructions et réhabilitations des bâtiments, nous avons abordé les questions de politique et de stratégie conçues par le gouvernement de la ville de Moscou. Un des problèmes actuels en Russie est la qualité des travaux de reconstruction et de la réhabilitation du patrimoine architectural et historique. Souvent après le mauvais travail des restaurateurs les monuments perdent leur aspect historique et ressemblent plus à une décoration théâtrale ou à une imitation du style de l’époque. Malgré leur valeur patrimoniale des constructions sont détruites dans les intérêts des investisseurs. La cause probable en est la corruption élevée. Depuis l’arrivée du nouvel architecte en chef de la ville de Moscou, Sergeï Kouznetsov en 2012, les démolitions non légitimes ont diminué et les nouvelles constructions sont mieux réglementées. Mais les réhabilitations des objets de patrimoine à l’échelle de l’état sont contrôlées par le Ministère de la Culture de la Russie. Pour ces raisons, quand on parle à Moscou de reconstruction ou de réhabilitation, le public reste assez sceptique car les habitants ne veulent pas perdre le visage de la ville historique derrière des façades « propres et lisses ». La réaction publique au nouveau projet de reconversion d’Octobre Rouge est dictée en premier par la peur de perdre un monument du patrimoine industriel emblématique de la ville de Moscou. Au cours des dernières années, Moscou s’est rapprochée de la conception occidentale de réhabilitation des friches industrielles, mettant en valeur son patrimoine et le développement durable. En étudiant les exemples de réhabilitation des bâtiments industriels à Moscou, on a vu que la plupart d’entre eux ont été réalisés par des agences européennes ou américaines. Car historiquement, la Russie suit l’Occident dans ses idées et innovations, mais avec un retard important. Le gouvernement soutient la transmission des idées architecturales de l’Occident pour en suivre, en Russie, l’expérience des pays développés. L’expérience mondiale nous montre que la constitution et le développement de projets tel que le « cluster créatif » passe par la collaboration et le soutien du gouvernement. L’entreprise dirigeante du cluster créatif rencontre certains enjeux administratifs et techniques en matière de réhabilitation de l’espace industriel et de création de lieux de grand flux public. Grâce à l'exemple du projet Moskva City, on a pu constater qu’au sein de Moscou, il est possible de réaliser un projet ambitieux avec l'aide des investissements privés et du gouvernement de la ville. La mairie a pris en charge la régularisation de la propriété des lots de terrain, des 94


flux de transport, la rénovation des réseaux communaux, et même la construction d’une branche de la ligne de métro vers ce centre d’affaires internationales. Les industries culturelles et les innovations jouent un rôle important dans les économies en développement. Les regroupements des industries créatives sont le reflet du dynamisme économique et un moyen d’amélioration urbain. La création de clusters amène le développement des infrastructures, l'emploi pour les jeunes, la possibilité de mettre en œuvre l'initiative créative, l'afflux des touristes, la formation de l'environnement urbain, l'embellissement de la région, la location d'usines vacantes. Au cours des dernières années, selon les études des agences de statistique, on constate une vague d’immigration de la Russie vers les pays occidentaux. Souvent les immigrants sont les jeunes de la classe créative : les chercheurs, les scientifiques, les artistes etc. Dans l’acception politique, on peut dire qu’il est nécessaire que le gouvernement construise un programme de soutien administratif et financier des organisations telles que le cluster créatif ou les parcs techniques pour éviter l’augmentation de taux de perte de « talents », car la culture est à la fois l’héritage et le futur national. Autour d’Octobre Rouge on a observé certaines tensions : le public est pour la conservation de la fonction culturelle ; le promoteur apprécie le rôle de la culture mais il est intéressé par les revenus ; et on n’arrive pas à comprendre la position de la ville. L’architecte en chef de la ville, Aleksander Kouzmine n’éclaircit pas vraiment le problème après un long débat. Après la table ronde en 2012, la tension autour d’Octobre Rouge a diminué. Il n’y avait plus de projets de reconversion de la fabrique. Les débats publics autour des projets architecturaux ne sont pas courants en Russie. Souvent le gouvernement ne fait pas attention aux perturbations qui existent dans la société. La période de tension croise celle des changements dans le gouvernement de la ville. En 2010, Sergeï Sabianine remplace Yuriï Loujkov au poste de maire de Moscou, et en 2012 le poste d’architecte en chef revient à Sergeï Kouznetsov, un jeune architecte associé de l’agence « Speech », reconnu en Europe. Avec le nouveau maire, la ville travaille dans l'optique de l’amélioration des espaces publics. Les parcs, les zones piétonnes, les espaces verts sont les plus grandes réalisations de l’époque de Sabianine. L’abandon des projets de changement du territoire d’Octobre Rouge est–il une coïncidence ou non? La société russe se développe, malgré la crise économique et la tension politique. Les habitants acceptent le modèle urbain occidental et contemporain. L’héritage historique et les innovations culturelles doivent être ouverts au grand public. Ils ne doivent pas appartenir à un groupe social privilégié et fermé aux autres. Dans cette optique on peut présumer qu’Octobre Rouge gardera et développera sont esprit actuel. 95


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CRÉDIT D’IMAGES fig.1 - p.10 - « Panoroma de Moscou » D. Indeytsev, aquarelle 1850. Source : Wikimedia Commons. fig.2 - p.11 - “Empire Stalinien “: L’université d’État Lomonossov de Moscou; Immeuble d’habitation 2, av Leningradsky; Immeuble d’habitation, 28, rue Tverskaya-Yamskaya; Élément de façade 1/3, rue Tverskaya-Yamskaya; Élément de façade 23, av Kutuzovsky; Élément de façade 9, rue Tverskaïa; Élément de façade 38, Prospekt Mira. Source : greedyspeedy.livejournal.com fig.3 - p.12 - piatietajki / khroutchovki; brejnevki; groupes d’immeubles dans les micro-raïons. Source : « L’habitat moyen à Moscou », Claire-Lise Havet, Bourse du Talent #36 Espace, Paysage, Architecture, organisée par Photographie.com, octobre 2008. fig.4 - p.13 - Districts administratives de Moscou. Source : « Atlas / Mégapoles. Moscou », p.55 fig.5 - p.14 - Vu du ciel sur Moscou, diversité du tissus urbain. Source : Wikimedia Commons fig.6 - p.15 - Schéma de développement territorial de Moscou. Source : image personnelle fig.7 - p.16 - Plan de centre ville de Moscou, 1853. Construction du canal Vodootvodnï. Source: Khotev’s Atlas of Moscow fig.8 - p.45 - Superposition en plan des différents projets autour du Christ-Sauveur. p.16 Source : « Atlas / Mégapoles. Moscou » fig.9 - p.17 - Les différents projets autour du Christ-Sauveur :Cathédrale Christ-Sauveur XIXème siècle; Cathédrale Christ-Sauveur explosion 1931; Projet de Palais des soviets, Boris Iofane, 1933; Piscine à ciel ouvert dans le fondation de Palais des soviets, (1960-1993) ; Cathédrale Christ-Sauveur l’état actuel. Source : commons.wikimedia.org fig.10 - p.17 - Constructions en bois 1958. Source : oldmos.ru fig.11 - p.17 - Université de Moscou 1951-1952. Source : bigpicture.ru fig.12 - p.19 - Illustrations de la nouvelle société à travers les affiches soviétiques : «La lutte pour la qualité de la restauration. Déroulons la construction massive des cantines», 1932, V.A. Guizevish ; «Parade athlétique», 1938, Artiste inconnue ; «Que a donné révolution aux ouvriers et kolkhoziennes», 1920, Artiste inconnue. Source : gallerix.ru fig.13 - p.20 - Grand Moscou 2012. Source : RBK Nedvijimost fig.14 - p.20 - L’oblast de Moscou et le bassin parisien. Source : Atlas / Mégapoles. Moscou p.71 fig.15 - p.21 - Les zones industrielle à Moscou. Source : Agence « Ostogenka », ostarch.ru fig.16 - p.23 - Projet lauréat agence « Meganom », 2014, Aménagement des quais de riviere Moskva. Source : archi.ru fig.17 - p.24 - Les projets-phares de développement des zones industrielles à Moscou. Source : image personnelle. fig.18 - p.25 - Projet lauréat d’agence « Meganom », 2014. Vue perspective sur les quais de riviere Moskva. Source : stroi.mos.ru fig.19 - p.26 - Projet lauréat d’agence « Meganom », 2014. Vue perspective sur les quais de riviere Moskva. Source : stroi.mos.ru fig.20 - p.26 - Vue sur Moskva City, 2013. Source: themoscowcity.com fig.21 - p.27 - Vue sur Moskva City et 3ème anneau. Source : themoscowcity.com, 2015 fig.22 - p.27 - Vue sur Moskva City de côté de la rivière Moskva. Source : themoscowcity.com, 2015 fig.23 - p.27 - Vue du ciel sur l’ensemble de la ville de Moscou. Source : themoscowcity.com, 2015 fig.24 - p.27 - Integration du projet d’ammenagement des quais de riviere Moskva, Agence « Meganom ». Source : archi.ru, 2014 fig.25 - p.28 - « Serp et Molot », Architecte MVRDV, avril 2014. Source : archinect.com fig.26 - p.28 - « Likhachev - ZIL », Architecte LCR, avril 2014. Source : RBK Nedvijimost fig.27 - p.30 - « Lefort », Architecte LCR, 2000. Source : lefort.o1properties.ru fig.28 - p.31 - « Stanislavski Factory », Architecte John mcAslan + Partners Architects, 2009. Source: archdaily.org fig.29 - p.32 - « Bolshevik », Architete John mcAslan + Partners Architects, 2013. Source : bolshevikfactory.ru fig.30 - p.32 - « Luch », Architecte Buschow Henley, 2008 - 2014. Source : reality.rbk.ru fig.31 - p.33 - « Danilovskaya manufaktura », Architecte City Arch, 2009-2011. Source : archi.ru fig.32 - p.33 - « Krasnaya roza », « Architecte Kiselyov et associés », 2003 - 2012. Source : archi.ru fig.33 - p.34 - « Arma », « Architecte Kiselyov et associés », 2014. Source : archi.ru

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fig.34 - p.34 - « Vinzavod », 2007. Source : archi.ru fig.35 - p.47 - Le comparaisons des trois clusters créatifs à Moscou. Source : image personnelle. fig.36 - p.49 - Axonometrie de Flacon. Source : flacon.ru fig.37 - p.50 - Projet de réhabilitation de Flacon : Flacon 7, 2013-2014; Flacon 6, 2013-2014; Coworking, 2011; Plage, 2011. Architecte « Bureau Praktika ». Source : http://www.bureau-praktika.ru fig.38 - p.51 - « Flacon Design Factory ». Source : a-a-ah.com fig.39 - p.51 - Le quartier de Flacon. Source : image personnelle. fig.40 - p.52 - « ArtPlay » dans le bâtiment de « La rose rouge », 2005 - 2008. Source : archi.ru fig.41 - p.53 - « Monometre » avant la réhabilitation. Source : archi.ru fig.42 - p.53 - 3d de la réhabilitation de « Monometre ». Source : archi.ru fig.43 - p.54 - La chaîne des cluster sur la carte du quartier. Source : image personnelle. fig.44 - p. 55 - Axonometrie d’« ArtPlay ». Source : artplay.ru fig.45 - p.55 - Les anciens bâtiments réhabilitaté. Source : artplay.ru fig.46 - p.56 - La foire, 2015. Source : artplay.ru fig.47 - p.56 - La Nuit au musée 2015. Source : artplay.ru fig.48 - p.56 - Expositions interactives à ArtPlay. Source : artplay.ru fig.49 - p.57 - gravure “Vieux Moscou”, Matthäus Merian, 1638. Source : Khotev’s Atlas of Moscow fig.50 - p.57 - carte, 1852-1853. Source : Khotev’s Atlas of Moscow fig.51 - p.58 - Fabrique d’Einem au periode d’inondation. Source : mechta-ind-posh.livejournal.com fig.52 - p.58 - projet de “Nouvelle Moscou”, l’architecte Alexey Chussev,1924. Source : arx. novosibdom.ru fig.53 - p.58 - projet de Palais des Sovietes,architecte Boris Iofane, 1931-1933. Source : arx. novosibdom.ru fig.54 - p.58 - fabrique « Octobre Rouge ». Source : rhapsody.ru fabrique « Octobre Rouge ». Source : rhapsody.ru fig.55 - p.62 - Le panneau avec le nom d’«Octobre Rouge». Source : chubabaka.livejournal fig.56 - p.62 - La statue de Pierre le Grand. Source : old.subscribe.ru fig.57 - p.62 - Schéma desaccès vers l’Octobre Rouge. Source : image personnelle fig.58 - p.63 - «île d’orée», projet en cours, architecte «Sergeï Skouratov Architects ». Source : skuratov.ru fig.59 - p.63 - «Baltchug Residence», construction en cours.Source : balchug-dom.ru fig.60 - p.63 - «Baltchug Wiepoint», construction en cours. Source : balchug-dom.ru fig.61 - p.63 - «Tsarev Sad», projet en cours, architecte « studia 44 ». Source : urbanus.ru fig.62 - p.63 - «Wine House», construction en cours, architecte « SPEECH ». Source : urbanus.ru fig.63 - p.64-65 - Les projets en cours sur l’île Baltchug. Source : image personnelle fig.64 - p.66 - Schéma de la «cale verte » / Zaryadie. Source : image personnelle fig.65 - p.66 - projet du parc Zaryadie, architecte « Diller Scofidio + Renfro », 2013. Source : archi. ru fig.66 - p.66 - Schéma de la «cale verte » / Vorobievi gori. Source : image personnelle fig.67 - p.67 - Le monastère de Saint André et l'Académie des Sciences de Russie. Source : stoleo1976.livejournal.ru fig.68 - p.67 - Saint André et l'université de Moscou. Source : stoleo1976.livejournal.ru fig.69 - p.67 - Parc Vorobievi gori. Source : archi.ru fig.70 - p.67 - Quai de rivière Moskva, jardin Neskoutchniï. Source : stoleo1976.livejournal.ru fig.71 - p.67 - Jardin Neskoutchniï. Source : wowhaus.ru fig.72 - p.67 - Schéma de la «cale verte » / jardin Neskoutchniï. Source : image personnelle fig.73 - p.68 - Schéma de la «cale verte » / parc Gorky. Source : image personnelle fig.74 - p.68 - La première exposition nationale d’agriculture et d’industrie à Moscou. Source : gorkypark.ru fig.75 - p.68 - Les attractions dans le parc Gorky. Source : gorkypark.ru fig.76 - p.69 - Parc Gorky, architecte « Wowhaus », 2012. Source : gorkypark.ru fig.77 - p.69 - Le musée de d’Art contemporain, « Garag », architecte « OMA », 2015. Source : gorkypark.ru fig.78 - p.70 - Schéma de la «cale verte » / parc Muzeon. Source : image personnelle fig.79 - p.70 - Parc « Muzeon » musée de la sculpture en plein air, architecte « Wowhaus », 2015. Source : muzeon.ru fig.80 - p.71 - GES 2, état actuel. Source : www.buro247.ru fig.81 - p.71 - GES 2 - projet de centre d’art contemporain, architecte RPBW, 2015. Source :

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metro.com fig.82 - p.72 - Copper House, 2005, architecte « Sergeï Skouratov Architects ». Source : www. archplatforma.ru fig.83 - p.72 - Immeuble, 2006, architecte « Meganom ». Source : www.archplatforma.ru fig.84 - p.73 - L’axe vert et l’axe culturel. Source : image personnelle fig.85 - p.74-75 - La «cale verte ». Source : image personnelle fig.86 - p.76 - Chronologie de développement d’Octobre Rouge. Source : image personnelle fig.87 - p.77 - Projet de Mosproekt-4, Andrey Bokov, 1998. Source : Projet Russie fig.88 - p.77 - Pont « Patriarchiï », Mosproekt-2, 2004. Source : Projet Russie fig.89 - p.78 - La structure de la groupe "Gouta". Source : image personnelle fig.90 - p.79 - Projet de Boris Bernaskoni. Source : Projet Russie fig.91 - p.80 - Plan d'Octobre Rouge, huit zones- huit équipes, 2011. Source : Projet Russie fig.92 - p.80 - Projet de Jean Nouvel. Source : Projet Russie fig.93 - p.81 - Projet de Wilmotte & Associés. Source : Projet Russie fig.94 - p.81 - Projet de Norman Foster. Source : Projet Russie fig.95 - p.82 - Projet de « Meganom». Source : Projet Russie fig.96 - p.83 - Projet de Cluster financier - « Kremlin City», 2009. Source : krt.ru fig.97 - p.84 - Axonométrie d’Octobre Rouge. Source : redok.ru fig.98 - p.85 - Les fondateurs de Strelka : Rem Koolhaas, Alexandre Mamut, Ilya Oskolkov Tsentsiper, Dmitriy Likine et Oleg Chapiro. Source : strelka.com fig.99 - p.85 - Les garages transféré au « Strelka ». Source : wowhaus.ru fig.100 - p.85 - « Strelka », architecte Wowhaus, 2010. Source : wowhaus.ru fig.101 - p.85 - Le cours intérieure de « Strelka », architecte Wowhaus, 2010. Source : wowhaus.ru fig.102 - p.86 - Les studios de « Dojd Optimistic Channel ». Source : tvrain.ru

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ANNEXE I

L’emploi des termes « industries créatives » et « industries culturelles » peut varier considérablement en fonction du contexte. Il arrive souvent que des populations contestent les modèles dominants et tentent de les remodeler pour les adapter à la réalité de leur contexte, de leur culture et de leurs marchés locaux. Une vue d’ensemble de ces modèles est présentée ci-après, dans le tableau 2, qui intègre à la fois les utilisations des termes d’industrie « culturelle » et d’industrie « créative » et qui ainsi rend compte de l’ampleur et de la diversité du contenu de « Rapport sur l’économie créative » , publié par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) [One United Nations Plaza, New York, NY 10017, États-Unis] et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) [7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP, France, 2013]. Les industries culturelles et créatives ont aussi été représentées sous divers schémas en « cercles concentriques ». L’un des tout premiers et des plus connus est celui de David Throsby, présenté ci-après avec deux modifications terminologique mineures. Graphique 1. La

modélisation des industries culturelles et créatives

:

modèle en

cercles concentriques (avec des modifications terminologues).

source : D. Throsby, 2001 et 2008

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Tableau 2 Les

différents systèmes de classification des industries culturelles et

créatives source

: CER, 2008 et 2010.

1. MODÈLE DU DCMS

2. MODÈLE DES TEXTES SYMBOLIQUES

3. MODÈLE EN CERCLES CONCENTRIQUES

Architecture Artisanat Arts du spectacle Cinéma et vidéo Design Édition Jeux vidéo et sur ordinateur Logiciel Marché de l’art et des antiquités Mode Musique Publicité Télévision et radio

Industries culturelles centrales Cinéma Édition Internet Jeux vidéo et sur ordinateur Musique Publicité Télévision et radio

Arts créatifs centraux Arts du spectacle Arts visuels Littérature et musique

Industries culturelles périphériques Arts créatifs

Industries culturelles élargies Edition Enregistrement sonore Jeux vidéo et sur ordinateur Services du patrimoine Télévision et radio

Autres industries culturelles centrales Cinéma Musées et bibliothèques

Industries culturelles hybrides Electronique grand public Logiciel Mode Sport

Industries associées Architecture Design Mode Publicité

4. MODÈLE DU DROIT D’AUTEUR DE L’OMPI 5. MODÈLE DE L’INSTITUT DE STATISTIQUE DE L’UNESCO Industries de droit d’auteur centrales Arts du spectacle Industries des domaines culturels centraux Arts visuels et graphiques Musées, galeries, bibliothèques Cinéma et vidéo Arts du spectacle Edition Festivals Logiciel Arts visuels, artisanat Musique Design Publicité Edition Sociétés de gestion collective Télévision, radio Télévision et radio Cinéma et vidéo Photographie Industries de droit d’auteur partielles Médias interactifs Architecture Biens domestiques Industries des domaines culturels élargis Design Instruments de musique Jouets Matériel de sonorisation Habillement, chaussure Architecture Mode Publicité Matériel d’impression Industries de droit d’auteur Logiciel interdépendantes Equipement audiovisuel Electronique grand public Instruments de musique Papier Photocopieurs, matériel photographique Supports d’enregistrement vierges

6. MODÈLE D’AMERICANS FOR THE ARTS Architecture Arts du spectacle Arts visuels Cinéma Design Ecoles d’art et prestations artistiques Edition Musées, zoos Musique Publicité Télévision et radio

source : source : CER, 2008 et 2010

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Tableau 3 Les domaines du Cadre de l’UNESCO pour les statistiques culturelles

source : UNESCO, 2009, p.24

ANNEXE II Le schéma de comparaison des prix de location dans les clusters moscovites.

source : Nicolaï Grichine, mars 2013, Les mètres de créative, kommersant.ru

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ANNEXE III

Le 24 janvier 2012, le gouvernement de Moscou a convenu le projet de développement de « Octobre Rouge » dont la fonction principale du quartier deviendra logement d’élite. Pourtant, après la crise de 2008 ce secteur été habitée par les locataires créatifs. Depuis un an et demi la fabrique ne plus associée à l’industrie du chocolat, devenant le premier grand cluster de la création dans la ville. La décision finale sur la façon d’être un « Octobre Rouge » et, plus important encore quel type d’objets et de fonctions devraient dominer dans ce domaine, n’a pas encore été adoptée. Les fonctionnaires municipaux et la société de développement travaillant sur plusieurs versions des événements, ne cachent pas leur intérêt à entendre d’autres points de vue et des suggestions constructives à la fois du grand public et de la part des habitants actuels de la grappe culturelle des sociétés et des personnes se distinguant par la créativité et parfaitement orientés à la tendance moderne du développement de l’ancienne zone industrielle. Le 27 janvier le public s’est réuni pour manifester la défense de l’ancienne chocolaterie. Pendant ce temps, l’Institut «Strelka », les architectes, les fonctionnaires et les promoteurs ont discuté de l’avenir du territoire. « The Village » publie cette conversation ouverte.

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YURIÏ GRIGORIAN

SERGEÏ KOUZNETSOV

architecte, directeur du programme d’éducation de l’Institut «Strelka », dirigeant de l’agence d’architecture « Meganom »

architecte, associé de l’agence d’architecture « Speech Choban & Kouznetsov » Architecte en chef de la ville de Moscou depuis août 2012

MAKSIME KASHULINSKIY

ILYA OSKOLKOVTSENTSIPER

journaliste, le directeur et dirigeant des editions « Slon. ru » et « Bolchoy Gorod »

SOFIA TROTSENKO

fondatrice et dirigeante du centre d’Art Contemporain « Vinzavod »

NICOLAÏ PALAJSCHENKO

critique d’art, membre du conseil d’administration de la fondation d’Art Contemporain « Vinzavod »

ARTEM KOUZNETSOV directeur générale de « Gouta development »

ALEKSANDER KOUZMIN

architecte, Président du Comité de l’architecture et d’urbanisme de la ville de Moscou, l’Architecte en chef de la ville de Moscou (1996-2012)

OLEG CHAPIRO

président de l’Institut «Strelka », Vice président de la compagnie « Yota Group »

architecte, Membre du Conseil d’administration de l’Institut «Strelka », associé de l’agence d’architecture Wowhaus

GLEB MOREV

NATALIA SAMOVER

journaliste, rédacteur en chef de la rubrique « Media » et Openspace.ru

VLADIMIR PAPERNY

designer, écrivain, journaliste, specialiste d’architecture Stalinienne, fondateur de studio « Vladimir Paperny & Associates »

SERGEÏ SKOURATOV

architecte, le président de « Sergeï Skouratov Architects »

membre du conseil de coordination de l’association « Arhnadzor »

GRIGORIÏ REVZIN

historien en art, critique d’architecture, membre du Conseil urbain de la fondation « Skolkovo »

VASILIY ESMANOV

editeur « Look At Me » et « The Village »

DARIA PARAMONOVA

architecte, l’Institut «Strelka »

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Kashulinskiy : Notre évènement – est une réunion ouverte concernant le développement et le réaménagement de territoire « Octobre rouge ». Je voudrais préciser que je ne suis pas un spécialiste en architecture, ni en urbanisme, mais peut être tant mieux. Ca pourrait nous permettre d’avoir un autre dialogue. On parle ici d’un cas exceptionnel, où plusieurs éléments sont réunis et cela n’arrive qu’une fois dans le siècle. D’un côté, on possède un emplacement au centre de la ville européenne comme nulle part ailleurs ; deuxième élément les investisseurs sont ici présents. Je voudrais entendre l’avis des experts et l’avis du public, unique en son genre. Le gouvernement de la ville ayant changé de politique, ils sont prêts à écouter les avis des habitants. La conjoncture actuelle permet de réaliser un projet non pas à l’échelle de la ville de Moscou, mais au niveau européen. Tsepsiper : Aujourd’hui nous avons invité des politiques, des architectes, des développeurs stratégiques, mais aussi les personnes connaissant la politique culturelle, et qui peuvent nous proposer un scénario de développement de territoire « Octobre Rouge ». Kouzmin : Nous sommes réunis ici aujourd’hui afin de pouvoir dialoguer et trouver un fil conducteur à ce projet, ce qui permettrait de rassembler les personnes. Pour le moment, aucune décision sur la gestion du territoire n’a pas été prise. Tout d’abord les spécialistes ont établi les réglementations sur ces territoires. Je peux dire la chose suivante : les réglementations actuelles n’autorisent pas les constructions des hauteurs et des volumes importants, qui seraient en conflit avec l’architecture historique. Deuxièmement, l’Institut de l’écologie de la ville travaille actuellement sur la planification des territoires. Je voudrais remarquer que dans tous les cas et suivant les réglementations de la ville, ce projet a été mis à la connaissance du public. Dans cet endroit, s’est s’installée une atmosphère exceptionnelle grâce aux gens qui y travaillent. L’investisseur, peut-être sur un coup de tête ou parce qu’il n’est pas mercenaire, a donné les espaces aux entreprises artistiques. En parlant de ces territoires, nous ne devons pas évoquer deux choses : tout d’abord « construction » et puis « habitat et habitat de luxe ». Dans ce projet, le mot clé est « développement » et doit exploiter le meilleur qui existe déjà. Néanmoins, il faut rester attentif aux problèmes de transport sur l’île. Donc j’aurai une attention particulière pour les « bureaux » et « commerces » qui doivent absolument être exclus. Mais les mots comme « espace public et culturel » ne me font pas peur. Je trouve aussi intéressant le mot « logement », non pas dans un sens de complexe d’habitation mais dans celui de fonctionnement d’habitation qui permettra ainsi de baisser la surcharge de transport et de faire vivre cet espace en tout moment. Il sera préférable de rendre cette zone « piétonnière » afin d’augmenter les parcours touristiques. Comme par exemple le pont allant de la cathédrale à l’île, sans croiser de voitures. On prend les petite rues jusqu’a « Octobre Rouge», ensuite on arrive sur « Strelka », puis par un grand pont piéton, nous cheminons dans le parc des Arts et ensuite le parc Gorki et ainsi jusqu’au Vorobievy Gory. Kouznetsov : Pendant les 8 dernières années devenues propriétaires de l’usine (en 2003), nous avons effectué un très grand travail. Cet espace inexistant dans la ville était simplement fermé. Lors de la première visite, nous avons découvert les bâtiments de l’usine et les logements à l’abandon. La relocalisation de l’usine de centre-ville était à l’initiative du gouvernement de la ville de Moscou, sous condition que la nouvelle implantation reste en ville, préserve l’emploi, et qu’on trouve les financements. Aujourd’hui la nouvelle usine fonctionne, les investissements ont eu lieu, en sachant que le projet lui même n’a pas vu le jour. On a compris que pour « faire venir la ville sur place », il fallait « ouvrir » l’espace au public. On a réalisé le minimum de réaménagement de territoire, mais la crise économique est arrivée. On a choisi très attentivement les nouveaux locataires et on a étudié précieusement les dossiers de chaque entreprise et son installation. La collaboration avec la ville était extrêmement difficile. Le gouvernement de la ville nous a imposé des réglementations strictes. Ces règlementations étaient très détaillées et si strictes que les finitions des bâtiments ont duré plusieurs années. Bien sûr, nous travaillons pour faire des bénéfices mais notre but initial était de créer un

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univers d’exception. Malgré nos différents voyages et visites de plusieurs capitales et après étude de différents projets, nous avons conclu que cet univers n’existait pas (aucun promoteur immobilier ne pouvait à lui seul développer un tel projet !). Actuellement, les locataires s’estiment chanceux de vivre dans un endroit appelé désormais : « Musée à ciel ouvert ». La proposition des constructions des bureaux ayant été refusée, nous allons continuer nos suggestions. Quand l’architecte principal nous parle d’« Habitation de luxe », je ne suis pas d’accord ne sachant pas ce que c’est. Mais les bureaux (oui, à vrai dire ce ne sont pas des bureaux) par exemple la chaîne de la télévision « Dojd » est ce qu’il s’agit de bureaux ? Non c ‘est un studio créatif. On a envie de préserver cet esprit et l’ambiance existant déjà sur l’île, ainsi l’ensemble du projet et son succès dépendra de cette réussite. La prochaine étape est un développement et une étude de l’espace souterrain, car à aucun moment les monuments historiques et architecturaux ne doivent être touchés. Malheureusement les Moscovites n’ont pas d’habitude de se déplacer à pied, donc notre solution est d’utiliser des moyens souterrains pour les voitures. Actuellement le passage automobile s’élève à 30 000 voitures par semaine ; le projet de parking souterrain représente 2 000 places, et la circulation aérienne sur l’île sera réservée aux seules voitures de service et d’urgence. Kachulinsky : D’après ce que je viens d’entendre, il en ressort une belle image ; la ville ainsi que les promoteurs essaient de bien faire les choses. Aussi je ne comprends pas d’où provient le conflit ? Samover : Cette réunion est la preuve de la compréhension du sujet et l’analyse complète du territoire ; un des rôles plus importants joue sûrement sur l’aspect historique. Je ferai remarquer qu’aujourd’hui il n’y a que trois bâtiments ayant une protection dans l’ensemble de « Octobre Rouge». Un parallèle très émouvant entre le complexe du Kremlin, qui représente la citadelle de politique russe et « Octobre Rouge», l’emblème de l’industrie. C’est très intéressant que le complexe ait pris spontanément un rôle de quartier le plus moderne du point de vue urbanistique. Il faut à tout prix préserver l’union artistique et la valeur de cet endroit, son énergie créative, pour créer un nouveau symbole d’urbanisme. Comme je l’ai déjà dit, il n’y a que trois bâtiments classés dans toute la zone de « Octobre Rouge», le reste de l’ensemble est aussi important que les éléments indispensables qui constituent l’unité architecturale. On a souvent vu à Moscou la reconstruction et la transformation des bâtiments, mais on perd l’esprit et la valeur de ces constructions. La menace directe vers « Octobre Rouge » est de remplacer l’authentique par du neuf. Il serait plus intéressant de transformer « Octobre Rouge » dans l’espace expérimental ou d’élaborer de nouvelles approches vers l’immobilier historique, les démarches des promoteurs dans le centre historique ne pouvant être financièrement que bénéfiques. On a accumulé des forces importantes, ensemble on peut réaliser un « projet pilote » pour la ville de Moscou de demain, projet qui exprime les nouvelles relations entre le business et la population – c’est l’idée qu’on doit attendre dans le futur proche, ou on continuera à perdre notre ville. Tsentsiper : La question qui se pose : Moscou a-t-elle encore besoin d’un quartier idéal avec des habitations de très haut de gamme ? Et si oui, aura-t-on la chance que le territoire ne soit pas fermé par une barrière… Peut-on proposer autre chose : Moscou a une occasion phénoménale de créer quelque chose qui persistera ici des années ou même des siècles. Cette énergie et le potentiel qu’il y a ici nous montrent qu’on n’est pas obligé de construire pour créer. Chapiro : C’est une situation unique, car il y a peu à faire, il y a presque tout ce qu’il faut à part des petits éléments très bien soignés. Quand Artem Kuznetsov et son entreprise ont ouvert cet endroit, il y avait rien et ni personne. Pourquoi cet endroit a-t-il eu autant de succès auprès de ses «habitants» et pas les autres ? Ce territoire est privatisé, mais l’investisseur sera-t-il capable de financer seul et de répondre à tous les besoins ? J’estime que dans ce cas-là le gouvernement de Moscou doit intervenir pour résoudre ces questions.

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Kouzmin : Certainement, la ville ne restera pas à l’écart sur le sujet. Mais attention, ici on a bien une zone urbaine et je voudrais entendre les propositions concernant cette zone publique. Cela ne veut pas dire qu’on réussit le projet si on implante ici les galeries et les espaces culturels. Aujourd’hui on a l’idée, mais son esprit dépend des personnes qui sont arrivées et installées ici depuis longtemps. Tsentsiper : Et pourtant, peut-être, oser et essayer d’organiser quelque chose d’autre, que les logements et les bureaux !!! Kouzmin : Qui a dit qu’il n’y aura que des logements ? Tsentsiper : Imaginons que « Octobre Rouge » n’existe pas, que faisons-nous de cette île ? La question se pose : qu’attend-on de cet endroit ? Ma proposition est de construire un centre culturel de la ville de Moscou et de la Russie, une attraction qui va révolutionner l’urbanisme d’aujourd’hui. Il ne faut pas revoir nos ambitions à la baisse, il faut faire un musée, parce que si on fait un quartier avec des logements, on aura plus jamais de musée ici. Kouzmin : On voudrait écouter d’autres points de vue et d’autres propositions. Pour le moment on travaille sur le projet qui en est au stade de développement. Chapiro : Effectivement, il n’y a pas beaucoup des bâtiments classés et protégés. Mais ce n’est pas l’idée de comprendre leur statut, mais le concept. Si on n’a pas de fil rouge, on sait même pas de quoi protéger le lieu. Il existe un projet global pour l’ensemble de l’île, mais nous discutons sur le territoire commençant du pont et plus bas. La majorité des espaces publics sont concentrés dans la partie haute de l’île : la zone de « Strelka », deux bâtiments, une centrale de production d’énergie et le club. Mais ce projet global n’a été dévoilé pour la première fois qu’il y a peine quelques jours, donc ne sommes pas prêts pour le moment à discuter sur ce sujet. En plus, quand la centrale sera relocalisée, on va avoir encore un nouvel espace. Je ferai remarquer que tout cela n’est pas encore le projet, mais il est nécessaire de le concrétiser. Pour le moment on a tous les paramètres formels, mais aucun concept. Esmanov : Je vais vous dire de quoi tout le monde a peur : et un des exemples que l’on a juste en face est Ostojenka. Et quand on entend parler des biens immobiliers illiquides on imagine une zone morte, qui se transformant en outil financier. Et dès que la zone devient juste un outil financier, elle arrête de vivre, et c’est irréversible. Et c’est le cas de Ostojenka. Et en rapport avec ce projet préliminaire, on a énormément de logements qui ne sont pas concrétisés. Il est nécessaire de revoir et de réexaminer la valeur fonctionnelle de certains espaces. Et peutêtre ne faudra-t-il pas diminuer la surface de logement prévue, mais éventuellement la redistribuer différemment sur cette île. Palajschenko : Cet endroit possède une architecture d’exception avec les hauteurs de plafond de 4 mètres, comme pour créer l’apparition de nouvelles pensées, finitions, énergies. Je regarde le projet avec un grand scepticisme, parce que chaque initiative des promoteurs immobiliers est destinée à l’augmentation des prix au mètre carré. Connaissant la situation et la tendance de l’immobilier de luxe, on se pose la question de sa nécessité et de sa perspective. Il faut former une nouvelle logique pour un autre projet, pas le projet des promoteurs. Qui va vivre non pas sur la logique des immeubles et ventes, mais sur la logique de cluster créatif. Ce projet devra avoir complètement une autre politique économique. Il est probable que d’après les études cette démarche sera moins rentable. Et en ce moment il faudra que le gouvernent intervienne pour couvrir les pertes ; c’est-à-dire donner une certaine faveur au promoteur pour les projets à venir, ou donner une nouvelle zone. Offrir une nouvelle situation favorable est intéressante, économiquement parlant au Artem Kouznesov, qui a déjà investi 400

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millions de dollars. Le nouveau principe de projet vivra grâce au sponsoring et publicités. Tsentsiper : Ma question – Les habitants de la ville de Moscou ont-il besoin de logements sur cette île? Pourquoi doit-on faire un quartier d’habitation ? L’idée d’organiser un cluster créatif, est-elle la véritable chose que nous voulons ? Tout ce qu’on veut pour le moment c’est que le gouvernement de Moscou nous donne les fonctions bien définies. Et si on regarde bien sur les plans initiaux, le projet représente le logement dans sa majeure partie. Et pour le moment cela reste en l’état, et nous ne voyons pas comment faire le plus grand geste urbanistique dans l’histoire de la ville. Revzin : Quand on organise des débats publics, on entend souvent des déclarations négatives. Quand on parle des valeurs de la zone, on pense tout d’abord aux valeurs historiques, mais il existe des points de vue complètement différents. Notre idée initiale était de préserver et de développer les valeurs de cluster créatif, qui sont malheureusement absolument contraire aux intérêts du promoteur. La problématique est entre la concurrence financière et les rêves, et dans ces cas-là il est impossible d’écrire en business plan. La ville peut-elle prendre la responsabilité financière et la responsabilité de développement ? Cette question se pose, mais les décisions ne peuvent pas être prises au niveau d’Alexandre Kousmin. Pour le moment on débat sans parler de chiffres et en ce moment j’ai une nouvelle question qui arrive : comment le cluster est-il en mesure de couvrir l’ensemble de l’île ? Actuellement les capacités sont insuffisantes et les idées manquent toujours. Quand on examine le destin similaire des quartiers en Europe, sa prochaine étape est la « gentrification ». A ce jour je ne pense pas que l’on arrivera à convaincre le gouvernement de la ville de l’achat de l’île. Samover : Il nous manque ici un expert en Sciences Economiques, pour nous expliquer l’effet économique de ce lieu comme il est actuellement. On doit connaître le profit de cluster créatif. A ce jour, « Octobre Rouge » reste une zone industrielle, le soutien de cluster est un but intéressant du point de vue économique : si on obtient les données plus au moins concrètes nos démarches futures seront facilitées. Le promoteur lui-même n’est pas en mesure de faire des calculs assez importants à long terme. Les clusters créatifs ont plus de potentiel économique grâce à leur confinement, que les « mono-projets ». Grigorian : Imaginons le procès de formation de l’espace public comme un dragon à trois têtes : on a la ville, le business et la société. Pour le moment, il n’y a que deux têtes qui parlent, mais pas la ville. Mais il faut qu’ils parlent tous, et qu’on parle de l’île dans son ensemble. Skouratov : Je ne suis pas d’accord qu’il faille étudier ce complexe dans l’ensemble de l’île. En ce moment, cette partie représente la quintessence de tous les problèmes, complexités et incompréhensions que l’on rencontre dans tout Moscou. On se retrouve au milieu du conflit des intérêts. La ville a le droit absolu de contrôler le projet, de diriger le travail de promoteur, et de trouver les solutions qui répondent aux intérêts de la ville et autres participants du projet. Cette terre n’appartient pas au promoteur : il a acheté les immeubles, mais l’espace appartient à chacun. Skouratov : La préservation de l’esprit et du caractère actuel dépend directement des architectes qui vont travailler sur le projet. Plus la fonction publique de lieu est importante, plus simple est pour l’architecte de réaliser un travail indépendant des goûts de consommateur. La problématique représente les intérêts de certaines personnes qui devraient rentrer dans le cadre du concept global. Dans ce cas là, il est essentiel de lancer le concours sur le concept. Trotsenko : Cet endroit est apprécié pour son emplacement mais surtout par l’ensemble architectural. Mais je ne comprends toujours pas le problème qui se pose ici. On a affaire à la propriété

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privée. De toute évidence, le besoin de centre culturel et cluster créatif existe. Mais il existe déjà un grand nombre de musées, de centres culturels et créatifs. Avant de demander à la ville de racheter l’île et d’investir l’argent budgétaire, ne serait-il pas plus simple de demander juste un nouvel espace ? L’art contemporain sous-entend le déploiement de nouveaux territoires. Paramonova : Notre réunion et notre communauté représentent une situation unique : la réussite quand la zone réunit les gens en communauté. Pour la ville de Moscou c’est un cas rare, et si vous dites que l’on peut facilement trouver les entités culturelles et qu’elles ne sont exploitées à leur juste valeur, c’est parce qu’elles ne sont pas dans le même contexte urbain. L’intensité de ce lieu est un point positif, à petite échelle on travaille pour gagner de l’argent et sur l’ensemble on change la ville. La méthode est possible quand on change tout ce que l’on possède déjà, et ce n’est plus d’actualité. Trotsenko : Moscou ne se limite pas à cet endroit, il y a des nombreuses zones qui faut mettre en ordre. Tsentsiper : J’ai une question simple : pensez-vous que l’habitation devrait se tenir ici ? A mon avis, le moment de l’émission a été manqué. Le promoteur a acheté le terrain, mais la ville peut encore s’opposer à ce sujet. Morev : il doit s’adresser au cluster créatif et pas aux architectes ! La problématique est que ce groupe des bâtiments a un contenu particulier. Et la question est de savoir comment sont préservés les bâtiments mais aussi leur fonctionnement et l’atmosphère. Alors on a deux éléments : l’investisseur a le concept d’habitation et le soutien des architectes pour poursuivre ce plan, nous devons proposer la deuxième voie. Kouznetsov : « Strelka » a déjà attiré beaucoup d’attention nous montrant l’intérêt sur ce sujet. A mon avis, la ville a pris une position ferme sur l’idée d’avancer. Nous voulons également continuer le travail sur le projet. Des tâches techniques ont été déjà décrites en grand nombre sur chaque type de projet, et chaque participant apporte des nouvelles idées et complète les données. Paperniy : Premièrement, dans l’idée de logement existe un risque des murs, barrières et zones fermées au public. Deuxièmement, parler de création de classe culturelle est complètement inutile, car le sujet est apparu lui même. Qui nous prouve que l’initiative naturelle a une plus grande force que l’artificielle et que cet espace culturel spontanément surgi est de plus grande valeur qui est là ? Kouznetsov C. : Nous participons au projet « Octobre Rouge ». L’endroit est entouré par nombreux éléments culturels. La zone industrielle doit être remplie par des diverses choses, mais tout d’abord par la vie : ballades à pied, moments de loisirs, et pas juste un musée. Les ateliers, les peintres et artistes attirent le public. Kouzmin : Le scénario de la vie est la combinaison de « multifonctionnements ». Samover : Il faudrait que chaque partie prenne ses responsabilités : l’administration devient un médiateur, et le cluster créatif le concepteur. Tsentsiper : Le travail sur le projet dure depuis 10 ans. La ville doit reconnaître cette zone comme un lieu culturel et étudier les concepts proposés, qui permettront d’y vivre. Kouzmin : On le reconnaît, mais maintenant on parle de prochaines étapes de développement. Continuer de travailler sur les plans, le concept et surtout le dialogue. Tsentsiper : On doit établir un cahier des charges final. Suite à cette réunion on présentera un compte-rendu qui nous permettra de finaliser et d’ajouter d’autres opinions ! 112


Reconversions des friches industrielles à Moscou. Conflits et tensions autour des usages de l’espace de la chocolaterie désaffectée « Octobre Rouge ». Borisova Valeriya directeur de mémoire Bresson Sabrina 112 pages / 135 000 signes espaces non compris ENSAVS, Paris, 2016 113


L’École

nationale supérieure d’architecture

Paris-Val

de

Seine // Master

en architecture

RÉSUMÉ

Le travail sur ce mémoire nous a permis de déterminer les enjeux globaux autour des friches industrielles à Moscou particulièrement pour le terrain de la chocolaterie "Octobre Rouge". La problématique est dans le choix du modèle de reconversion de la zone industrielle, la valeur du territoire et du patrimoine. Nous nous concentrons sur le modèle de développement des espaces culturels, créatifs et innovants dans les usines désaffectées. Sur l’exemple d’une fabrique en transformation, on constate la tension entre les acteurs : la ville, le promoteur du terrain et le public. Le territoire en études depuis dix ans a été conservé dans son état actuel, sans accord des différents acteurs. Le gouvernement éprouve des difficultés sur le choix de stratégie de développement d’«Octobre Rouge», développement qui signifie territoire d’enjeux.

Borisova Valeriya / Production et usages de l’espace / directeur de mémoire Bresson Sabrina 114


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