Le Petit Pate Illustre - Numero 1 - Decembre 2012

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er les placements réussis, et les promotions obtenues à coup de nuits blanches, et de cocktails de boissons énergisantes et amphétamines avaient finalement eu raison de son teint délicat. La gente féminine ne se retournait plus sur son passage. C’était un signe qui ne trompait pas. S’il n’avait pas été perpétuellement fatigué, il s’en serait offusqué. Il n’était pas habitué à l’indifférence. A la fac, tout le monde le connaissait, se retournait sur son passage, et non pas seulement parce qu’il était incroyablement grand. Sans trop savoir comment, il était passé du statut de premier de classe discret et dégingandé à celui de coqueluche du campus. Et être invité à toutes les fêtes, et être courtisé par toutes les filles n’avait pas été désagréable. Kayla revint de la cuisine, une tasse fumante à la main et passa les bras autour des épaules de son époux. Chris attrapa son poignet. Elle vint s’assoir sur ses genoux et commença à siroter son thé tandis que Chris déposait un baiser dans son cou. Tous ces bons sentiments lui restaient sur le coeur, à l’instar du gâteau à la crème au beurre. Il n’avait jamais aimé les gâteaux, seulement les cookies, et encore, trempés dans un bol de lait. Le tintement des glaçons résonna lorsqu’il reposa le verre, un peu trop brusquement, après avoir fini son whisky. Les pépiements du couple s’enfonçaient dans son crâne. La douleur ne serait bientôt plus supportable. De toute façon, il allait être l’heure d’aller se coucher. Il se leva, hocha de la tête en direction de sa soeur et de son beau-frère, puis sans prévenir, jeta le chapeau au feu. Les flammes devinrent rouges, lancèrent des paillettes alors qu’elles léchaient le papier brillant, et reprirent leur aspect normal. Il cligna des yeux, manqua de marcher sur sa nièce, qui le dévisageait d’un air atterré, et passa devant elle sans mot dire. Parfois, il s’en voulait d’être d’aussi mauvaise humeur. Il n’était d’ailleurs pas toujours aussi irritable. Il lui arrivait de jouer avec les petits, ce qui impliquait toujours beaucoup de contorsions pour parvenir à replier sa carcasse et se mettre au niveau des enfants. Lorsqu’il devenait leur cheval et les promenait dans le salon, à quatre pattes, qu’il rejetait sa tête en arrière pour hennir, il finissait par éclater de rire, et son visage était à nouveau jeune et lisse. 37


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