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ÉDITO EDITORIAL

édito • En avril 2012, le Palais de Tokyo agrandi ouvre ses portes. Grâce à ses 22 000 mètres carrés, il sera un des plus grands centres d’art contemporain en Europe. Il reste à en faire l’un des meilleurs. Le territoire est inspirant. Il se déploie là même où furent exposés, à l’époque du musée national d’Art moderne, Matisse, Picasso ou encore l’atelier Brancusi. Donc une histoire, une poussière noble secouée par l’énergie des directeurs successifs du Palais de Tokyo qui, en dix ans, ont rendu célèbre ce lieu dans le monde de l’art international et ont contribué à réconcilier Paris avec l’art le plus contemporain. tous ont œuvré ou œuvrent encore pour faire de ce lieu une destination incontournable : ses fondateurs, Nicolas Bourriaud et Jérôme Sans, puis Marc-Olivier Wahler ainsi que Pierre Restany, figure tutélaire historique dont la vision a été essentielle au projet, et qui en a été le premier président, suivi de Maurice Lévy et bien sûr, de Pierre Cornette de Saint Cyr, et aussi Olivier Kaeppelin, responsable de projet, l’équipe, le ministère de la Culture et de la Communication, nos partenaires. Depuis ses origines en 1937 jusqu’au formidable élan des dix dernières années, cette histoire est essentielle et permet d’imaginer un avenir tout aussi passionné, libre, insolent et joyeux. Le magazine Palais, vif, renouvelé, au graphisme avenant, fait le récit de cette épopée et vous invite à la prolonger avec nous. Jean de Loisy, Président du Palais de Tokyo

editorial • In April 2012, an extended Palais de Tokyo will open its doors. With its 22,000 square meters of space, it will become one of the largest centers of contemporary art in Europe. It is up to us to make it one of the best. The territory itself is inspiring. It was here that works by Matisse and Picasso, along with those from Brancusi’s workshop, were displayed during the era of the Musée National d’Art Moderne. So there is a history, noble dust stirred by the energy of the successive directors of the Palais de Tokyo, who in a span of ten years have made this site famous in the art world, and succeeded in reconciling Paris to the latest in contemporary art. Many have played a part—or continue to participate—in making the Palais de Tokyo a destination not to be missed: its founders, Nicolas Bourriaud and Jérôme Sans, then Marc-Olivier Wahler, as well as Pierre Restany, a historic tutelary figure whose vision was crucial to the project and who was its first chairman, followed by Maurice Lévy and Pierre Cornette de Saint Cyr, along with Olivier Kaeppelin, project manager, the entire team, the Ministry of Culture and Communication, and our partners. From its origins in 1937 to the tremendous upsurge of the past ten years, this is a riveting story, allowing us to imagine an equally passionate, free, insolent and joyful future. The lively magazine Palais, with its welcoming new graphic design, tells the story of this epic adventure, and invites you to join us in continuing it. Jean de Loisy, President of the Palais de Tokyo

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Cl aude Dondel & André Aubert sur le chantier des musées d’art moderne / Cl aude Dondel and André Aubert on the construction site of the musées d’art moderne [Fonds André Aubert. 359 AA. Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XX� siècle]

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Le musée de l’État de nuit en 1937 (au fond, un bas-relief d’Alfred Auguste Janniot) The Musée National d’Art Moderne by night in 1937 (back: relief by Alfred Auguste Janniot) [Centre Pompidou-Mnam-Cci-Bibliothèque Kandinsky]


TITRE DE LA PARTIE FR TITRE DE LA PARTIE EN

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TITRE DE LA SOUS-PARTIE FR TITRE DE LA SOUS-PARTIE EN


DANS LA CONTINUITÉ D’UNE HISTOIRE In the Continuity of History

Un Palais A Palais pour deux musées for two mUSEUMS d’art moderne OF MODERN art ≤ Vue d’ensemble des musées d’Art moderne (numéro 4917 de L’Illustration, 29 mai 1937, dessin de Decaris) — General view of the Musées d’Art Moderne (issue 4917 of L’Illustration, May 29, 1937; drawing by Decaris)

Claude Dondel & André Aubert devant le plan du rez-de-chaussée haut des musées d’Art moderne — Cl aude Dondel & André Aubert IN FRONT OF the pl an of the upper ground floor of the museum, 1937 Fonds André Aubert. 359 AA. Académie d’architecture Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XX e siècle [Photo : France Presse, D.R.]

TEXTE / TEXT Jean-Baptiste Minnaert Tenant son nom du quai de Tokio qui le séparait de la Seine, le Palais de Tokyo est un des rares bâtiments de l’Exposition internationale de 1937 construits pour être conservés. Conçu selon un programme muséographique novateur établi par Louis Hautecœur, il est destiné à devenir le premier musée français d’art moderne. Le projet lauréat de l’équipe Dondel, Aubert, Viard et Dasturgue, alliant structure poteaupoutre-dalle et tradition palatiale à la française, suscite de vives polémiques dans les revues modernistes d’architecture qui lui reprochent son académisme. En dépit de travaux d’amélioration successifs engagés dès la fin de l’Exposition internationale, le bâtiment reste l’objet de critiques récurrentes au cours des décennies suivantes.

Taking its name from the quai de Tokio, the embankment that separates it from the Seine, the Palais de Tokyo is one of the rare structures of the 1937 Exposition Internationale that was built to last. Drawn up according to an innovative concept in museum design by Louis Hautecœur, the Palais de Tokyo was intended to become the premier French museum for modern art. The winning design for the project, by the architectural team of Dondel, Aubert, Viard and Dasturgue, combined a reinforced-concrete “free plan” (structure poteau-poutre-dalle, or column-beam-slab structure), and the French tradition of palais architecture. The design sparked heated debate in the pages of modernist architecture reviews, which decried its academicism. Despite a series of renovations and remodelings that began as soon as the Exposition Internationale ended, the building would be the target of repeated criticism over the following decades.

Un musée « moderne » pour l’art moderne 1937-1976 A “modern” museum for modern art 1937-1976

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Mettre ces six photographies en regard révèle à quel point l’architecture du Palais de Tokyo et la structuration de ses espaces constituèrent une gageure pour l’accrochage de la collection du musée national d’Art moderne et cela de 1947 au déménagement vers le Centre Pompidou. Les halls, les escaliers, les espaces d’accueil et de circulation furent investis dans des conditions qui paraissent aujourd’hui étranges (cf. le tableau accroché à une porte dont la poignée frôle le cadre, proche du Christ à la colonne (1910) de Georges Desvalières). Le manque de salles d’un côté, l’ampleur des volumes et de certains murs conduisirent à des contiguïtés dénuées de sens, du point de vue de l’histoire de l’art. Au niveau du rez-de-chaussée haut (dont on voit ici le premier déploiement, au milieu des années 1960) se côtoyaient auparavant, et bizarrement, Udnie (1913) de Picabia et l’immense sculpture du Grand Nu (1948-1949) de Henri-Georges Adam, surmontés par La Ville de Paris (1910-1912) de Delaunay. En 1974 (cliché datable grâce à l’affiche d’une exposition Richard Lindner), la volée d’escalier conduit, de façon plus cohérente, à un grand Pevsner installé face à un Delaunay, tandis que le photographe a su, très habilement, tirer parti du mouvement d’un mobile de Calder produisant un léger flou. À la même période, la fragilité des surfaces d’un Dewasne et d’un Seuphor n’interdisait pas leur accrochage dans un étroit escalier. Mais c’est bien dans les deux vues du hall, celle de 1964 puis celle de 1976, que s’impose l’inadaptation du bâtiment aux œuvres : dans la première les quatre grands reliefs blancs de Delaunay parviennent à faire bon ménage avec L’Île-de-France (1910-1921) de Maillol, tandis que dans la seconde la Tabula (1974) de Hantaï, même mouvementée par le Gabo, Linear Construction in Space n° 4 (1955-1970), semble être contenue et contrainte par la cimaise. Looking at these six photographs side by side reveals the extent to which the architecture of the Palais de Tokyo and the structuring of its spaces constituted a nearly impossible challenge in hanging the collection of the Musée National d’Art Moderne—a state of affairs that endured from 1947 until its transfer to the Centre Pompidou. The halls, stairs, and reception and circulation areas were put to use in conditions that seem strange today (cf. the painting hung on a door, its door-handle nearly grazing the frame, near Georges Desvalières’s Christ à la colonne (1910)). The lack of rooms, and the vast scale of the volumes and of certain walls, led to juxtapositions that were meaningless from an art historical perspective. On the upper ground-floor level (here we see how it was first arranged, in the mid-1960s) Udnie (1913) by Picabia and the huge sculpture Le Grand Nu (1948-1949) by Henri-Georges Adam were odd neighbors, with La Ville de Paris (1910-1912) by Delaunay above them. In 1974 (a photograph that can be dated thanks to the poster for a Richard Lindner exhibition), the flight of stairs leads, more coherently, to a large Pevsner installed opposite a Delaunay. The photographer has very cleverly managed to capture the movement of a mobile by Calder, producing a slight blurring. At the same period, the fragility of the surfaces of a painting by Dewasne and of another by Seuphor did not prevent them from being hung in a narrow staircase. But it is really in the two views of the hall, one taken in 1964 and the other in 1976, that the unsuitability of the building for displaying works of art is particularly apparent: In the first, Delaunay’s four large white reliefs pleasantly paired with L’Île-de-France (1910-1921) by Maillol, while in the second Hantaï’s Tabula (1974), even given animation by Gabo’s Linear Construction in Space n° 4 (1955-1970), seems to be hemmed in and constrained by the picture rail.

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1 Hall d’entrée du musée national d’Art MODERNE, CA 1974 (au fond : Alexander Calder, 31 janvier, 1950, 1950) — Entrance hall of the Musée National d’Art MODERNE, CA. 1974 (back: Alex ander Calder, 31 janvier, 1950, 1950) Centre Pompidou, MNAM-CCI

2 Un des couloirs du musée national d’Art moderne (à droite : Georges Desvallières, Le Christ à l a colonne, 1910) — One of the hallways of the Musée National d’Art Moderne (right: Georges Desvallières, Le Christ à l a colonne, 1910) Centre Pompidou, MNAM-CCI

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3 Un des escaliers du musée national d’Art moderne (de gauche à droite : Jean Dewasne, Les Royaumes Combat tants, 1960-1962 ; Michel Seuphor, L a Mort d’Orphée, 1964) — One of the staircases of the Musée National d’Art Moderne (from left to right: Jean Dewasne, Les Royaumes Combat tants, 1960-1962; Michel Seuphor, L a Mort d'Orphée, 1964) Centre Pompidou, MNAM-CCI

4 Hall d’entrée (au fond : Robert Del aunay, Relief bl anc, 1935) — Entrance hall (back: Robert Del aunay, Relief bl anc, 1935) Centre Pompidou, MNAM-CCI

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5 Rez-de-chaussée haut du musée national d’Art moderne, dans les années 1960 (au centre : Henri-Georges Adam, Grand nu, 1948-1949) — Upper ground floor of the Musée National d’Art Moderne, in the 1960s (center: Henri-Georges Adam, Grand nu, 1948-1949) © LAPI / Roger-Viollet

6 Hall du musée national d’Art moderne en 1976 (de gauche à droite : Simon Hantaï, Tabul a, 1974 ; Naum Gabo, Linear Construction in Space n°4, 1955-1970) — Entrance hall of the Musée National d’Art Moderne in 1976 (from left to right: Simon Hantaï, Tabul a, 1974; Naum Gabo, Linear Construction in Space n°4, 1955-1970) Centre Pompidou, MNAM-CCI © Nina & Graham Williams pour l’œuvre de Naum Gabo / for the work by Naum Gabo

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DANS LA CONTINUITÉ D’UNE HISTOIRE In the Continuity of History

La photographie exposée INTERVIEW RObert delpire

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Photography ON DISPLAY Les nouvelles images 1984-1998 The new images 1984-1998


Après une première intervention sur une partie du bâtiment entre 2000 et 2002 pour l’installation du site de création contemporaine au Palais de Tokyo, les architectes Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal ont mené de 2010 à 2012 une deuxième phase de réhabilitation permettant aujourd’hui l’exploitation de l’intégralité de ses espaces, soit 22 000 mètres carrés. Loin de la recherche d’une forme de perfection et de l’architecture-spectacle souvent retenues pour de nombreux musées, Lacaton & Vassal ont su « réactiver » les qualités originales d’un bâtiment longtemps mal aimé et offrir au regard sa complexité, la diversité de son architecture et son fort potentiel d’usage. En restituant les volumes du Palais à leur transparence originelle, ils retrouvent à la fois son ampleur et révèlent des espaces plus intimes et labyrinthiques. À quelques années de distance, Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal reviennent sur leurs deux interventions successives. 98

Following an initial renovation project on part of the Palais de Tokyo building, between 2000 and 2002, to open a venue for contemporary art in the Palais de Tokyo, the architects Anne Lacaton and JeanPhilippe Vassal completed a second phase of work between 2010 and 2012. This latest undertaking now makes it possible to use the site in its entirety, some 22,000 square meters. Straying away from the form of perfection and blockbuster architecture adopted by many museums, Lacaton & Vassal managed to “reactivate” the original qualities of a building long out of favor and expose the site’s complexity, the diversity of its architecture, and its strong potential for use. By restoring the Palais de Tokyo’s volumes to their original transparency, the architects have both rediscovered the building’s scale and revealed more intimate, labyrinthine spaces within. In these two interviews which were conducted a few years apart, Anne Lacaton and Jean-Philippe Vassal reexamine the two successive phases of their work.


Hall d’entrée du Pal ais de Tokyo, 2002 / Entrance hall of the Pal ais de Tokyo, 2002 [Photo : Philippe Ruault]

Comme un paysage sans limite

Du paysage aux usages

From landscape to its uses

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like an endless landscape


2002 / 2006


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Couverture d’Aden, supplément Culture du JOURNAL LE Monde semaine du 16 au 22 janvier 2002 Cover of Aden, cultural supplement of OF THE NEWSPAPER Le Monde week of January 16-22, 2002 Image : Navin Rawanchaikul


Hardcore Gianni Mot ti 27.02-18.05.2003

Hardcore Minerva Cuevas 27.02-18.05.2003

Photo : D.R.

Photo : D.R.


Le Palais de TOkyO, un centre pOur la créatiOn cOntempOraine

l’avenir c’est maintenant THE FUTURE IS HAPPENING NOW — Navin Rawanchaikul

FENÊTRE SUR TOUR A WINDOW ONTO A TOWER

akiko miki

The project “Super(M)art,” which you conceived specifically for the opening of the Palais de Tokyo in 2002, was based on a fictional story set in Paris in the year 2050. In this story, art museums were corrupt and there were no more real artists. As part of this exhibition, you created a dialogue between an old artist, incarnating the artistic ideals of the past, and the character Curatorman, a young curator for whom art is exclusively a question of marketing. Ten years later, how do you view the current situation of the art world?

— Rivane neuenschwander

Navin Rawanchaikul akiko miki

Le projet « Super(M)art », que tu avais spécialement conçu pour l'ouverture du Palais de Tokyo en 2002, partait d'une histoire fictive. Elle se déroulait dans le Paris de 2050, les musées d'art étaient corrompus et les vrais artistes n'existaient plus. À cette occasion, tu avais inventé un dialogue entre un vieil artiste, incarnant les idéaux artistiques du passé, et le personnage de Curatorman, jeune commissaire d'exposition pour qui l'art n'était que marketing. Dix ans plus tard, comment vois-tu la situation du monde de l'art ? Navin Rawanchaikul

Si l’exposition collective d’ouverture du Palais de Tokyo posait la question de l’avenir de l’art au XXIe siècle, mon projet parlait de l’effondrement du monde de l’art. Je cherchais par ce moyen à proposer une plateforme dynamique pour discuter du rôle de l’art dans notre société. Je voulais que le public envisage en quoi les institutions artistiques et les participants au monde de l’art étaient liés à l’évolution rapide de notre monde, à ce moment-là et dans le futur. Mais l’avenir, c’est maintenant ; c’est même hier ! On peut évoquer ce qui s’est passé dans le marché de l’art au cours de la décennie passée, et notamment en Asie. On peut également citer l’effondrement qui a suivi la récession, une nouvelle cause de transformation du monde de l’art. J’aimerais vraiment que le Palais de Tokyo reste un forum pour tous les débats sur l’avenir de l’art et qu’il continue à offrir de vastes opportunités aux jeunes générations. Traduit par Aude Tincelin

While the Palais de Tokyo’s opening group show raised questions about the future of art in the 21st century, my project was about the collapse of the art world. With such an approach, my aim was to offer a dynamic platform to discuss the role of art in our society. I wanted the audience to consider how art institutions and participants in the art world are related to the rapid changes of our world, at that time and in the future. Well, the future is happening now, or even in the past! We can refer to what happened in the art market during the past decade, especially in Asia, and to the crash that followed the recession, which changed the art world again. I trust that the Palais de Tokyo will remain a forum for all debates about the future of art and continue to provide ample opportunities for younger generations.

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Ton exposition personnelle au Palais de Tokyo « Superficial Resemblance » (2003) revêt à nos yeux une importance particulière dans la mesure où tu as joué avec l’emplacement et l’architecture du lieu, offrant une vue sur la tour Eiffel depuis le seul carreau de fenêtre qui était transparent – ce qui était un accident de l’histoire. Quels caractères de cet espace t’intéressent et comment as-tu conçu ton projet en relation à cet espace ? Rivane Neuenschwander Je ne me souviens pas si l’espace était vide lorsque je l’ai visité pour la première fois. Quoi qu’il en soit, je ne me souviens plus que de cette fenêtre au verre transparent, d’où l’on voyait la partie supérieure de la Tour Eiffel. Toutes les autres fenêtres étaient semi-opaques et filtraient la lumière extérieure de manière homogène. Le fait est que cette négligence architecturale, cette faille dans la finition, cet accident historique1, n’encadrait rien moins que le plus important monument de la ville et l’une des plus grandes réussites de l’ingénierie. Évidemment, la fenêtre faisait également le lien entre l’espace intérieur et l’espace extérieur, mais pas avec n’importe quel extérieur, puisqu’en voyant la Tour Eiffel on prend conscience du fait qu’on est à Paris. L’exposition partait donc de cette particularité architecturale pour aborder ensuite différents thèmes comme le discours, la sémiotique, les relations virtuelles et l’action des visiteurs. ak Ton installation était relativement discrète et minimale, comme si les visiteurs

The Palais de TOkyO, a center fOr cOntempOrary creatiOn

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2006 / 2011


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Concours international de sculpture à l a tronçonneuse / International chainsaw sculpture contest, 14.09.2006 Photo : Nicolas Constant


Christoph Büchel Dump 29.05-24.08.2008

Fabien Giraud & Raphaël Siboni L ast Manoeuvre in the Dark 29.05-24.08.2008

Arcangelo Sassolino Afasia 1 29.05-24.08.2008

Photo : A. Burger

Photo : Didier Barroso

Photo : Didier Barroso



histoires de transmissions

Le Pavillon air cambodia 17.02-27.02.2005

Le Pavillon 00: une exposition qui grandit par le milieu 18.12.2002-04.01.2003 Photo : Christelle Lheureux

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le Pavillon 2005-2006 Liliana Basarab, Adriana Garcia Gal an, Ange Leccia, Benoît Maire, Christian Merlhiot, Mihnea Mircan, Wagner Morales, émilie Pitoiset, Koki Tanaka, Adam Vackar

le Pavillon 2010-2011 Fabrice Pichat, Bet tina Wind, Alex andra Ferreira, Gintaras Didziapetris, Ange Leccia, Tristan Bera, Elisabeth Clark, Estelle Nabeyrat, Jérôme All avena, Charlot te Seidel, Einat Amir, Christian Merlhiot, Morten Norbye Halvorsen Terminal Convention, Cork, Mars 2011 / March 2011 Photo : Mickaël Vivier

stories of transmissions

Le Pavillon Le Pl an méthodique de F. Le Pl ay 02.07-16.08.2009 Photo : André Morin



Dix ans après l'ouverture du Palais de Tokyo, son aventure est connue et célébrée. Dix ans de complicité avec les créateurs internationaux dont l'enthousiasme a convaincu le ministère de la Culture et de la Communication d'ouvrir les milliers de mètres carrés endormis, dissimulés au public depuis 1995, pour créer un des plus grands centres d'art contemporain en Europe. 22 000 mètres carrés rénovés par les architectes Lacaton & Vassal, probablement un des plus beaux outils créés en France pour l'art d'aujourd'hui depuis la création des FRAC en 1983. Sous l'impulsion de Jean de Loisy, son nouveau président, le Palais de Tokyo élargit désormais sa mission au service de la scène française montrée dans un contexte international. Ouvert aux artistes de toutes générations, aux arts plastiques mais aussi occasionnellement aux autres disciplines, il demeure plus que jamais engagé et aventureux. Un Palais de Tokyo devenu une destination, c'est-à-dire un endroit à explorer, habité par les artistes, riche d'imprévus et de sensations nouvelles, un espace joyeux et expérimental, un Palais où, comme l'indique Jean de Loisy, « on ne travaille pas sur l'art, mais avec l'art, et où celui-ci nous travaille. » 260

Ten years after the Palais de Tokyo opened its doors, the adventurous course it has followed is both familiar and famous. Ten years of working hand-in-hand with international creative artists generated an enthusiasm that persuaded the Ministry of Culture and Communication to open up thousands of dormant square meters—hidden from the public since 1995—to create one of the largest centers of contemporary art in Europe: with a floor area of 22,000 square meters, renovated by the architects Lacaton & Vassal, this is undoubtedly among the finest facilities for the art of the present created in France since the establishment of the FRAC [Regional Funds for Contemporary Art] in 1983. Under the leadership of its new president, Jean de Loisy, the Palais de Tokyo is now widening its remit to serve the French scene by showing it in an international context. Open to artists of all generations, to the visual arts but also on occasion to other disciplines, it remains more committed and adventurous than ever. A Palais de Tokyo that has become a destination, a place to explore, inhabited by artists, rich in unforeseen discoveries and new sensations; a joyful, experimental space where, in Jean de Loisy’s words, “we do not work on art but with art, and it works on us.”


le n•uveau palais de t•ky• — the new palais de t•ky•

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Explorer exploring l’intégralité the entirety de l’humain of the human INTERVIEW jean de loisy

Donatien Grau

Donatien Grau

Quels principes verriez-vous pour un centre d’art du XXIe siècle ?

What principles would you envisage for a 21 st-century art center?

Jean de Loisy Un centre d’art au XXIe siècle ne doit pas être un centre, mais mille plateaux qui ensemble créent un lieu pour l’art, au plus près des artistes. Il doit, en complicité avec eux, réinventer en permanence ce qu’est l’art et ce qu’est une exposition en tenant compte du fait que l’exposition est une écriture, un genre magnifique qui peut être approfondi, renouvelé mais surtout débordé. Cela peut

An art center in the 21st century should not be a center as such, but a thousand plateaus that work together to create a place for art, as close as possible to the artists. It must collaborate with them to constantly reinvent what art and what an exhibition are, taking into account the fact that an exhibition is a piece of writing, a magnificent genre that can be deepened, renewed, but above all, exceeded. This can take the

Jean de Loisy

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Fabrice Hyber Cerveau Rapide, 2010 Courtesy galerie Jérôme de Noirmont (Paris) © Fabrice Hyber

— Damir Ocko The Age of Happiness, 2009 Courtesy de l’artiste / of the artist & Galleria Tiziana Di Caro (Salerno)

prendre la forme d’interprétations infinies de règles proposées par des artistes, comme le fut « Do It » inventé par Hans Ulrich Obrist dans les années 1990, ou celle d’un video show spontané comme « BYOB », l’idée de Rafaël Rozendaal qui a généré d’innombrables répliques sur la planète, ou encore celle d’un projet alternatif et productif comme la « Galerie Utopia » de Tjorg Douglas Beer, et son « Forgotten Bar Project », qui circule lui aussi depuis quatre ou cinq ans. Le but n’est pas de faire un programme, mais d’inventer une expérience exploratoire incessante. Le Palais de Tokyo doit être capable de changer de forme en permanence, car c’est le cas de l’art lui-même. Sous le signe de Protée, en un incessant polymorphisme spontané, un centre d’art au XXIe siècle est un lieu où la pensée met en spectacle sa capacité à se métamorphoser. Donc c’est un lieu extrêmement moiré, à la lumière très changeante, qui ne part pas d’une idée de l’art, mais plutôt de celle qu’en permanence l’art en train de se faire peut transformer toutes nos façons de le penser. DG Vous parlez de changements de formes dans la création artistique. Mais ces changements de formes ne trouvent-ils pas une expression en dehors même du champ des arts visuels ? JL Aujourd’hui, la question de la présence que l’œuvre d’art a longtemps posée est utilisée par beaucoup d’autres médiums que les arts plastiques : des chorégraphes comme Boris Charmatz ou Xavier Leroy, un musicien comme Céleste Boursier-Mougenot, des hommes de théâtre comme Christoph Schlingensief ou Joris Lacoste, un adepte de la performance comme Tino Seghal, ou même un critique d’art-artiste-performeur comme Pierre Leguillon, un artiste comme Éric Duyckaerts l’ont mise également en jeu. Les catégories ont perdu toute stabilité et se nourrissent les unes les autres. Il ne s’agit en aucun cas de demander à un artiste de venir illustrer ou décorer une pièce de théâtre. Il s’agit de savoir comment la dramaturgie peut nourrir l’idée de l’expérience de la présence qui, jusque-là, était souvent monopolisée par le monde plus exclusif des arts plastiques.

form of the infinite interpretations of rules suggested by artists, such as “Do It,” invented by Hans Ulrich Obrist in the 1990s, or a spontaneous video show like “BYOB,” the idea of Rafaël Rozendaal that generated countless replicas throughout the world. Or again, the idea of an alternative and productive project, like Tjorg Douglas Beer’s “Galerie Utopia” and its “Forgotten Bar Project,” which has also been doing the rounds for the past four or five years. The aim is not to draw up a program, but to invent an ongoing exploratory experience. The Palais de Tokyo has to be capable of constantly changing its shape, as art itself does. Under the sign of Proteus, in an incessant spontaneous polymorphism, an art center in the 21st century is a place where thinking displays its capacity for self-metamorphosis. So it’s an extremely shimmering place, with a very changing light; it doesn’t start from an idea of art, but rather from the idea that art is constantly remaking itself, and that in doing so, it can transform all our ways of thinking about it. DG

You talk about changes of forms in creative artis­tic work. But don’t those changes of forms find expression even outside the field of the visual arts? JL

Nowadays, the issue of presence that has long been raised by the work of art is also used by many other mediums outside of the visual arts: Choreographers like Boris Charmatz or Xavier Leroy, a musician like Céleste Boursier-Mougenot, theater directors like Christoph Schlingensief or Joris Lacoste, a performance artist like Tino Seghal, or even an art critic/artist/performer like Pierre Leguillon or an artist like Éric Duyckaerts, have likewise brought it into play. Categories have lost all their stability, and nurture one another reciprocally. Under no circumstances is there a question of asking an artist to come and illustrate or decorate a play. Instead, it’s a question of knowing how dramaturgy can nurture the idea of the experience of presence, which until then had often been monopolized by the more exclusive world of the visual and three-dimensional arts. DG

But you do have a program schedule: A structure has been given…

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Philippe Parreno A Pl ant Believes It’s a Man, 2011

Cameron Jamie Kranky Kl aus, 2002-2003

Ull a von Brandenburg Curtain II, 2008

Photo : Hans-Georg Gaul

Courtesy Gladstone Gallery (New York, Bruxelles / Brussels) © Cameron Jamie

Courtesy galerie Art:Concept (Paris)

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Le Palais de Tokyo doit se faire l’écho, être le porte-voix des artistes qui veulent modifier notre conscience du réel ou même le réel. The Palais de Tokyo has to become the echo, the mouthpiece of artists who want to alter our awareness of the real, or alter the real itself.

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