Le Monde de l'Energie - le Mag Septembre 2018

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Le Mag

L’hydrogùne, la naissance d’une filiùre ?

Septembre 2018 ISSN 2609-0112



Edito L’hydrogĂšne, l’énergie verte du futur ? Si François de Rugy, le nouveau ministre de la Transition Ă©cologique et solidaire, a donnĂ© les grandes lignes de l’action qu’il entend mener aprĂšs le dĂ©part fracassant de Nicolas Hulot, les acteurs des diffĂ©rentes filiĂšres Ă©nergĂ©tiques françaises attendent avec impatience la feuille de route de la prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). C’est le cas de la filiĂšre hydrogĂšneĂ©nergie qui avait applaudi l’annonce, dĂ©but juin, du « Plan pour l’hydrogĂšne vert » lancĂ© par le gouvernement. Un Plan, dotĂ© de 100 millions d’euros dĂšs 2019, qui a pour ambition de soutenir les industriels français dans la compĂ©tition mondiale d’une Ă©nergie « qui est un outil d’avenir pour la transition Ă©nergĂ©tique ». Une compĂ©tition internationale au sein de laquelle les acteurs tricolores ont souvent un coup d’avance. Dernier exemple en date, celui d’Alstom qui a lancĂ© le 17 septembre 2018 le premier train Ă  hydrogĂšne en service commercial dans le nord de l’Allemagne, une avancĂ©e mondiale destinĂ©e Ă  s’affranchir du diesel sur les lignes non Ă©lectrifiĂ©es. Cet exemple illustre le savoir-faire français que l’Etat compte dorĂ©navant soutenir. Le temps est donc venu pour le gouvernement d’investir et de subventionner une filiĂšre qui entend dĂ©mocratiser les usages de l’hydrogĂšne dans notre quotidien.

Car cette molĂ©cule devient essentielle grĂące Ă  ses propriĂ©tĂ©s : elle permet de stocker l’électricitĂ©, d’alimenter des vĂ©hicules, de recycler du C02, de rendre les processus industriels plus propres (raffinage, chimie, engrais...) et donc moins producteurs de gaz Ă  effet de serre. A l’heure oĂč la dĂ©carbonation de l’économie est l’une des clĂ©s principales de la lutte contre le rĂ©chauffement climatique, le dĂ©veloppement de l’hydrogĂšne est essentiel car couplĂ© Ă  celui des Ă©nergies renouvelables. Sauf changement de cap de derniĂšre minute, le « Plan hydrogĂšne » va donc participer Ă  l’objectif de la neutralitĂ© carbone en France espĂ©rĂ©e dans les prochaines dĂ©cennies. Signe qui ne trompe pas non plus, l’Ademe a Ă©tĂ© choisie pour piloter le dĂ©ploiement des crĂ©dits et accompagnera les projets partout en France. Dans ce 7e numĂ©ro de notre Magazine, nous vous proposons de revenir sur les avis d’experts concernant le devenir de la filiĂšre hydrogĂšne et sur les diffĂ©rentes applications dĂ©jĂ  opĂ©rationnelles ici ou lĂ . Bonne lecture Ă  tous !

OLIVIER DURIN

Directeur de publication

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Sommaire

1 L’HYDROGÈNE, UNE FILIÈRE AU FORT POTENTIEL ?

La France mise sur l’hydrogĂšne pour rĂ©ussir sa transition Ă©nergĂ©tique ......... 8 Le Plan hydrogĂšne : geste symbolique ou engagement politique ? .....................11 HydrogĂšne : une filiĂšre d’avenir... destinĂ©e Ă  le rester ?.................................14 L’hydrogĂšne, Ă©nergie idyllique ou hallucinogĂšne ?....................................18 L’hydrogĂšne rĂ©clame sa part de la transition Ă©nergĂ©tique ................. 22 L’hydrogĂšne pour verdir le mix Ă©nergĂ©tique mondial ? ........................... 25

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2 Un printemps de l’hydrogùne ... 30

L’HYDROGÈNE, C’EST DÉJÀ DU CONCRET

. unkerque : injection d’hydrogĂšne D dans le rĂ©seau de gaz.................... 33 HydrogĂšne dĂ©carbonĂ© : EDF et McPhy main dans la main...........35 “La filiĂšre hydrogĂšne est essentielle pour le rendez-vous de la transition Ă©nergĂ©tique” .............. 38 Des vĂ©hicules Ă  hydrogĂšne en libre service qui carburent Ă  l’éolien.. 41

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1 L’HYDROGÈNE, UNE FILIÈRE AU FORT POTENTIEL ?

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La France mise sur l’hydrogĂšne pour rĂ©ussir sa transition Ă©nergĂ©tique Article rĂ©digĂ© par la RĂ©daction - PubliĂ© le 29.06.2018

ÉlĂ©ment le plus abondant de l’univers, l’hydrogĂšne est une ressource Ă©nergĂ©tique couramment utilisĂ©e dans le secteur industriel sous forme gazeuse ou liquide. Il peut ĂȘtre produit grĂące aux Ă©nergies renouvelables et il prĂ©sente la particularitĂ© d’ĂȘtre facilement stockable : des caractĂ©ristiques qui en font aujourd’hui un atout pour notre transition Ă©nergĂ©tique. MĂȘme s’il s’agit d’une technologie encore un peu coĂ»teuse, l’hydrogĂšne devrait monter en puissance au niveau mondial au cours des prochains annĂ©es (dans les secteurs de l’énergie et du transport notamment). Soucieux de ne pas rater une opportunitĂ© tant Ă©conomique qu’environnementale, le gouvernement a donc dĂ©cidĂ© de formaliser la place que l’hydrogĂšne prendra dans le paysage Ă©nergĂ©tique français dans les prochaines annĂ©es. Explications.

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Un plan d’action pour dĂ©velopper une filiĂšre d’excellence L’hydrogĂšne jouera un rĂŽle majeur dans la rĂ©ussite de notre transition Ă©nergĂ©tique et permettra Ă  la France de rayonner sur le plan international. Telles sont les ambitions du gouvernement qui vient de dĂ©voiler un vaste plan pour l’émergence d’une filiĂšre hydrogĂšne tricolore. Nicolas Hulot, ministre de la Transition Ă©cologique et solidaire, a en effet prĂ©sentĂ© vendredi 1er juin devant les principaux acteurs de la filiĂšre, les mesures majeures de ce plan d’action en faveur du dĂ©ploiement de cette ressource Ă©nergĂ©tique dĂ©carbonĂ©e. “L’hydrogĂšne peut devenir l’un des piliers d’un modĂšle Ă©nergĂ©tique neutre en carbone. Cette molĂ©cule, qui renferme Ă©normĂ©ment d’énergie, va devenir indispensable compte-tenu de l’étendue de ses propriĂ©tĂ©s : elle permet de stocker l’électricitĂ©, d’alimenter des voitures, de recycler du CO2, de rendre les processus industriels plus propres. La France est Ă  la pointe sur cette filiĂšre, et je veux lui donner les moyens de conserver son avance au cƓur d’une compĂ©tition mondiale dĂ©jĂ  fĂ©roce car elle constitue un atout pour notre indĂ©pendance Ă©nergĂ©tique mais Ă©galement un immense gisement d’emplois”, a dĂ©clarĂ© M. Hulot dans un communiquĂ© officiel. DĂšs 2019, le gouvernement français va donc consacrer une enveloppe budgĂ©taire consĂ©quente de quelques 100 millions d’euros pour favoriser la dĂ©mocratisation de l’hydrogĂšne dans les secteurs de l’énergie, du transport et de l’industrie.

L’Agence de l’environnement et de la maĂźtrise de l’énergie (Ademe) sera en charge du dĂ©ploiement de ces crĂ©dits et de l’accompagnement des projets sur l’ensemble du territoire.

Favoriser la production d’hydrogĂšne dĂ©carbonĂ© Aujourd’hui, 95% de l’hydrogĂšne consommĂ© sur le territoire français est issu des Ă©nergies fossiles polluantes. Une tendance en totale incohĂ©rence avec les objectifs de notre transition Ă©nergĂ©tique et que le gouvernement souhaite logiquement freiner grĂące Ă  un objectif simple : fixer Ă  10% minimum la part de l’hydrogĂšne produit Ă  partir de ressources Ă©nergĂ©tiques renouvelables d’ici l’horizon 2023. Il s’agira par la suite de pousser cet objectif entre 20 et 40% d’ici 2028. Le gouvernement souhaite que cet objectif soit atteint grĂące Ă  l’utilisation de l’électrolyse de l’eau, une technique qui consiste Ă  dĂ©composer les molĂ©cules d’eau en hydrogĂšne Ă  l’aide d’un courant Ă©lectrique. Cette technique permettrait notamment de valoriser les surplus d’électricitĂ© renouvelable produite lors des pĂ©riodes de creux de consommation. Pour cela, le gouvernement a annoncĂ© qu’une partie des fonds mobilisĂ©s pour le plan hydrogĂšne servira au dĂ©ploiement d’électrolyseurs. Dans un premier temps, ces Ă©lectrolyseurs seront placĂ©s Ă  proximitĂ© de sites industriels de petites tailles, qui consomment dĂ©jĂ  de l’hydrogĂšne. L’objectif Ă©tant de rentabiliser rapidement ces installations et permettre Ă  ces usines de tendre vers l’autoconsommation d’hydrogĂšne.

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“ La France est Ă  la pointe sur cette filiĂšre, et je veux lui donner les moyens de conserver son avance au coeur d’une compĂ©tition mondiale dĂ©jĂ  fĂ©roce ” Identifier les services rendus par l’hydrogĂšne dans les zones Ă©lectriquement isolĂ©es Le gouvernement compte Ă©galement s’appuyer sur l’hydrogĂšne pour tenter de rĂ©pondre au dĂ©fi du stockage de l’électricitĂ© dans les zones non interconnectĂ©es au rĂ©seau Ă©lectrique (les ZNI comme la Corse ou les DĂ©partements d’Outre-Mer). L’Ademe et l’électricien EDF vont notamment s’intĂ©resser aux avantages que prĂ©sentent les Ă©lectrolyseurs pour le stockage Ă©nergĂ©tique par hydrogĂšne dans ces zones isolĂ©es. Une fois leur valeur identifiĂ©e, il s’agira d’inscrire le dĂ©veloppement de l’hydrogĂšne dans la PPE des zones insulaires. L’Etat s’intĂ©resse Ă©galement au potentiel de l’hydrogĂšne sous forme gazeuse, notamment pour favoriser la dĂ©mocratisation du procĂ©dĂ© power-togaz (transformer l’électricitĂ© en gaz). Le gouvernement a ainsi demandĂ© aux transporteurs et distributeurs de gaz de dĂ©terminer dans quelles conditions (techniques et Ă©conomiques) l’injection d’hydrogĂšne dans le rĂ©seau gazier tricolore deviendrait acceptable. Un rapport devrait ĂȘtre remis d’ici la fin de l’annĂ©e.

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L’hydrogĂšne pour verdir le secteur du transport Enfin, le gouvernement souhaite que l’hydrogĂšne soit mis Ă  contribution pour amĂ©liorer le bilan carbone catastrophique du secteur des transports (routier mais Ă©galement ferrĂ© et fluvial). Le plan hydrogĂšne mise Ă  ce titre sur le dĂ©ploiement de 100 bornes de recharge pour vĂ©hicules hydrogĂšnes d’ici l’horizon 2023 (contre une vingtaine aujourd’hui). Cette mesure vise Ă  stimuler les ventes de vĂ©hicules Ă©lectriques Ă  pile Ă  combustible afin d’atteindre un parc de 5.000 unitĂ©s en circulation, toujours d’ici 2023. Un objectif Ă  plus long terme vise Ă  constituer une flotte nationale de vĂ©hicules utilitaires lĂ©gers Ă  hydrogĂšne de 20.000 Ă  50.000 unitĂ©s, alimentĂ©es par un rĂ©seau de 400 Ă  1.000 stations de recharge, d’ici 2028. Nicolas Hulot a Ă©galement annoncĂ© l’organisation d’appels Ă  manifestation d’intĂ©rĂȘt afin de dĂ©velopper les vĂ©hicules lourds Ă  hydrogĂšne : bus et camions mais Ă©galement trains et bateaux. Le plan hydrogĂšne prĂ©voit notamment de remplacer les trains au diesel par des trains Ă  hydrogĂšne. Au niveau des objectifs, le gouvernement vise 200 vĂ©hicules lourds en 2023 puis entre 800 et 2.000 d’ici 2028.

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Le Plan hydrogÚne : geste symbolique ou engagement politique ? Tribune rédigée par Karel Hubert - publiée le 02.07.2018

KAREL HUBERT

Dirigeant EnerKa IngĂ©nieur de formation avec un parcours international (Irlande et NorvĂšge), Karel Hubert s’est spĂ©cialisĂ© dans l’étude des piles Ă  combustible et dans l’économie de l’hydrogĂšne. Il a travaillĂ© pendant 3 ans avec la start-up Symbio oĂč il a Ă©tĂ© le chef de projet du Navibus-H2 (bateau hydrogĂšne 24 passagers Ă  Nantes) ainsi que du Kangoo ZE-H2 (prolongateur d’autonomie hydrogĂšne) pour le dĂ©veloppement et l’industrialisation de plusieurs modĂšles. Il est dĂ©sormais consultant indĂ©pendant et rĂ©alise des missions d’études de faisabilitĂ©, de gestion de projet et de conseil pour les entreprises du secteur. PassionnĂ© par la rĂ©daction, il tient un blog sur l’actualitĂ© hydrogĂšne (www. energyvisionblog.wordpress.com) dont un article lui a valu le prix EDF Innovation et Transition Ă©nergĂ©tique. Il s’intĂ©resse aussi aux questions environnementales grĂące Ă  ses compĂ©tences en ACV (Analyse de Cycle de Vie) ainsi qu’à la transition Ă©nergĂ©tique dans les territoires.

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Dans le contexte libĂ©ral europĂ©en oĂč l’intervention de l’Etat dans l’économie est limitĂ©e, il est difficile de laisser une place au long terme, pourtant nĂ©cessaire Ă  la transition Ă©nergĂ©tique. Heureusement, l’annonce du 1er juin de Nicolas Hulot, Ministre de la Transition Ă©nergĂ©tique et solidaire, va dans ce sens avec le plan national de dĂ©ploiement de l’hydrogĂšne. Ce positionnement a Ă©tĂ© applaudi par la filiĂšre puisqu’il apporte un signal fort et un financement Ă  hauteur de 100 millions d’euros dĂšs 2019. Quels sont les objectifs de ce plan ? Quelles en sont les implications et les limites ? DĂ©cryptage des 14 mesures annoncĂ©es par le gouvernement.

“ Bien qu’ayant l’avantage de lutter contre la pollution de l’air, l’hydrogĂšne doit aujourd’hui se verdir pour prĂ©tendre lutter aussi contre le changement climatique ” L’hydrogĂšne sera vert ou ne sera pas Bien qu’ayant l’avantage de lutter contre la pollution de l’air, l’hydrogĂšne doit aujourd’hui se verdir pour prĂ©tendre lutter aussi contre le changement climatique. En effet, plus de 90% de ce vecteur Ă©nergĂ©tique est aujourd’hui produit Ă  partir d’énergie carbonĂ©e (vapocraquage du gaz principalement). Le plan hydrogĂšne annonce donc un objectif de 10% d’hydrogĂšne d’origine renouvelable pour 2023 et de 20% Ă  40% d’ici 2028 (mesure n°1). Il devient donc nĂ©cessaire de tracer ce gaz d’ici 2020 Ă  l’aide de certificats d’origine (mesure n°2), ce qui n’est pas sans rappeler le projet europĂ©en Certifhy. Ces deux mesures ont surtout pour objectif d’encourager l’installation d’électrolyseurs Ă  l’échelle industrielle pour la production d’hydrogĂšne. Les gagnants français de cette initiative sont les fabricants de solutions de production d’hydrogĂšne tel que Ergosup, Areva H2Gen ou McPhy. Ce dernier a d’ailleurs conclu un partenariat de 16 millions d’euros avec EDF (dĂ©tenu Ă  83% par l’Etat) peu de temps aprĂšs l’annonce du Plan.

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La clĂ© de voĂ»te des Ă©nergies renouvelables C’est parce que les Ă©nergies renouvelables sont intermittentes qu’il convient de les stocker pour garantir l’équilibre production/demande. Le concept de Power-to-gas fait intervenir les acteurs du rĂ©seau Ă©lectrique (stabilisation du rĂ©seau Ă©lectrique) et du rĂ©seau de gaz (injection d’hydrogĂšne dans le rĂ©seau de gaz). Ainsi, le gouvernement s’engage Ă  solliciter ces acteurs (GRDF, Enedis, RTE, etc.) pour identifier des modĂšles d’affaires rentables (mesures n°5 et n°7). Il est dĂ©jĂ  clair que ce concept aura du succĂšs sur les territoires ne bĂ©nĂ©ficiant pas d’un rĂ©seau Ă©lectrique robuste comme les sites isolĂ©s et les systĂšmes insulaires (mesures n°4 et n°6). Le français HDF (HydrogĂšne De France) l’a bien compris et s’est dĂ©jĂ  positionnĂ© sur ce marchĂ© avec un projet en Guyane de centrale solaire avec stockage sous forme d’hydrogĂšne.

Stimuler la demande Le gouvernement, par l’intermĂ©diaire de l’ADEME, souhaite accompagner les territoires dans le dĂ©ploiement de flottes professionnelles de vĂ©hicules hydrogĂšne (mesure n°10). Toujours Ă  l’horizon 2023, avec un objectif de 100 stations hydrogĂšnes, ce dernier compte sur 5 000 vĂ©hicules utilitaires lĂ©gers (VUL) sur les routes et 200 vĂ©hicules lourds (bus, camions, TER, bateaux). Cette projection va jusqu’en 2028, avec 20 000 Ă  50 000 VUL, 800 Ă  2 000 vĂ©hicules lourds, le tout portĂ© par 400 Ă  1 000 stations (mesure n°8). Bien que ces


annonces soient les bienvenues, les territoires et acteurs privĂ©s n’ont pas attendu pour se lancer dans l’aventure. En effet, dĂšs 2014 le pĂŽle de compĂ©titivitĂ© Tenerrdis a portĂ© le projet HyWay, dĂ©ployant ainsi 50 vĂ©hicules en RhĂŽne-Alpes.

industrielle » d’hydrogĂšne pour les stations dans les dĂ©marches ICPE.

La nouvelle région Auvergne RhÎne-Alpes a emboité le pas en 2017 avec le projet Zéro Emission Valley en visant la mise en place de 20 stations et de 1 000 véhicules sur son territoire.

Une mise en avant d’un hydrogĂšne dĂ©carbonĂ© est aussi Ă  l’ordre du jour pour les calculs de Bilans carboneÂź (mesure n°3). Enfin, il est prĂ©vu de crĂ©er un centre international de certification des composants hydrogĂšne pour la mobilitĂ© (mesure n°14). En effet, les procĂ©dures en France sont longues et les dĂ©marches souvent plus rapides dans d’autres pays europĂ©ens.

La force de l’annonce du 1er juin rĂ©side surtout dans la visibilitĂ© qu’elle donne Ă  des Ă©quipementiers automobiles tel que Symbio pour diriger ses investissements et convaincre ses fournisseurs.

Vision long terme ou caprice politique ?

Une carte française à jouer : les fortes puissances

Il est indĂ©niable que ce plan va dynamiser la filiĂšre hydrogĂšne, cette derniĂšre Ă©tant encore en phase d’amorçage.

Du fait de sa forte densitĂ© Ă©nergĂ©tique, l’hydrogĂšne est souvent identifiĂ©e comme la technologie des fortes puissances.

Cela dit, seuls quelques objectifs sont chiffrĂ©s, le reste pouvant ĂȘtre laissĂ© Ă  interprĂ©tation quant au niveau de concrĂ©tisation.

Laissant Ă  terme le marchĂ© du vĂ©hicule individuel et VUL Ă  la batterie, l’hydrogĂšne se concentrerait plutĂŽt sur les vĂ©hicules lourds (bus et camion), le ferroviaire, le maritime et l’aĂ©ronautique.

De plus, il faut souligner que les acteurs de l’hydrogùne n’ont pas attendu ce plan pour lancer leurs projets.

Dans cette logique, Nicolas Hulot souhaite accompagner le dĂ©veloppement de ces applications (mesure n°9) et plus particuliĂšrement le ferroviaire dans un contexte plus global de verdissement du parc (mesure n°11). Ces mesures seraient Ă©videment l’occasion de mettre en avant des champions nationaux tel qu’Alstom, STX, Renault ou Airbus. De son cĂŽtĂ©, le français Symbio n’a pas attendu ce plan pour annoncer son module forte puissance de 40kW pile Ă  combustible.

Lever les freins de la rĂ©glementation Au-delĂ  des aides financiĂšres qu’il peut apporter via l’ADEME (mesure n°12), l’Etat est responsable d’adapter la rĂ©glementation aux nouveaux usages.

Il est donc raisonnable de supposer que les poids lourds de la filiĂšre (Engie, Air Liquide, Areva, Michelin) sont, en partie, Ă  l’origine de cette initiative politique. La question soulevĂ©e par cette remarque est la suivante : le gouvernement s’est-il vraiment appropriĂ© le sujet, ou bien est-il enclin Ă  faire marche arriĂšre aux premiĂšres difficultĂ©s budgĂ©taires comme ce fut le cas avec le solaire PV ? Quoiqu’il en soit, ce plan ne s’inscrira dans le long terme que s’il est accompagnĂ© de politiques contraignantes fortes sur la pollution de l’air et sur la lutte contre le rĂ©chauffement climatique.

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Dans le cadre du Plan, le ministre s’est donc engagĂ© Ă  clarifier la rĂ©glementation en vigueur en termes de sĂ©curitĂ© et de risques (mesure n°13). Ce point fait en partie rĂ©fĂ©rence au flou, parfois contraignant, autour du concept de « Production

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HydrogĂšne : une filiĂšre d’avenir... destinĂ©e Ă  le rester ? Tribune rĂ©digĂ©e par Pierre Papon - PubliĂ©e le 11.07.2018

PIERRE PAPON

Ex-directeur gĂ©nĂ©ral du CNRS SpĂ©cialiste de physique thermique, professeur honoraire Ă  l’École supĂ©rieure de physique et de chimie industrielles et conseiller scientifique de futuribles international, Pierre Papon a Ă©tĂ© directeur gĂ©nĂ©ral du CNRS et Pdg de l’IFREMER.

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De nombreuses dĂ©clarations d’instituts de recherche et d’entreprises ont remis, rĂ©cemment, la filiĂšre hydrogĂšne Ă  l’ordre du jour. Le ministre de la transition Ă©cologique et solidaire, Nicolas Hulot, a prĂ©sentĂ© le 1er juin un plan gouvernemental pour promouvoir la filiĂšre. Celle-ci, qui est associĂ©e Ă  la technologie des piles Ă  combustible, a-t-elle un avenir ? Il est utile de rouvrir ce dossier complexe qui ressurgit pĂ©riodiquement. Rappelons d’abord que le principe de la filiĂšre hydrogĂšne associĂ© Ă  la technique de la pile Ă  combustible est connu depuis prĂšs de deux siĂšcles. Aujourd’hui, les dĂ©bats sur la transition Ă©nergĂ©tique et sur les Ă©nergies « dĂ©carbonĂ©es » lui ont redonnĂ© une certaine actualitĂ©. Le futurologue Jeremy Rifkin, considĂ©rait, en 2002, dans son livre, L’économie hydrogĂšne que la fin du pĂ©trole Ă©tait imminente et que l’hydrogĂšne se substituerait au pĂ©trole comme vecteur Ă©nergĂ©tique quand celui-ci serait Ă©puisĂ©. Rappelons quelques donnĂ©es physiques. L’hydrogĂšne a l’avantage de possĂ©der des propriĂ©tĂ©s Ă©nergĂ©tiques remarquables ce qui explique son intĂ©rĂȘt : il est le vecteur Ă©nergĂ©tique avec la plus grande densitĂ© massique (2,2 fois plus d’énergie par kg que le gaz naturel, 1kg d’hydrogĂšne est Ă©quivalent Ă  3,8 l d’essence soit 2,75 kg). Toutefois, c’est un gaz lĂ©ger, ne se liquĂ©fiant qu’à trĂšs basse tempĂ©rature (- 253 °C) et il faut dĂ©penser en pratique 10-13 kWh/kg pour le liquĂ©fier. Par ailleurs, il faut aussi observer, ce que l’on fait rarement, que sa plage d’inflammabilitĂ© avec l’air est trĂšs Ă©tendue (5 fois plus que celle du gaz naturel) et avec une Ă©nergie d’inflammation trĂšs faible (14 fois moins Ă©levĂ©e que celle du gaz naturel). C’est un gaz dangereux et comme il est trĂšs lĂ©ger il diffuse trĂšs facilement, notamment dans les mĂ©taux qu’il peut fragiliser. Son utilisation Ă  grande Ă©chelle exige donc des rĂšgles de sĂ©curitĂ© importantes pour le stocker et le transporter (un stockage dans des rĂ©servoirs mĂ©talliques peut ĂȘtre dangereux). L’hydrogĂšne est un essentiellement par

gaz industriel produit « vapo-reformage »

d’hydrocarbures avec de la vapeur d’eau, et marginalement par Ă©lectrolyse de l’eau avec une Ă©lectricité  qui est souvent produite par des centrales thermiques, avec un rendement de l’électrolyse de l’eau alcaline qui n’est, en moyenne, que de 70%.

L’hydrogĂšne, une solution majeure dans le mix Ă©nergĂ©tique ? Le ministre de la transition Ă©cologique et solidaire Nicolas Hulot a prĂ©sentĂ© le 1er juin un « Plan de dĂ©ploiement de l’hydrogĂšne pour la transition Ă©nergĂ©tique ». Il a affirmĂ© que dans la perspective de la transition Ă©nergĂ©tique « l’hydrogĂšne peut aussi devenir une solution majeure pour notre mix Ă©nergĂ©tique tout d’abord en rendant possible le stockage Ă  grande Ă©chelle des Ă©nergies renouvelables, permettant ainsi de rendre crĂ©dible un monde oĂč l’hydrogĂšne vient se substituer, petit Ă  petit, au fossile et au nuclĂ©aire pour combler les intermittences du solaire et de l’éolien ». Le programme gouvernemental fixe deux objectifs principaux Ă  la filiĂšre : – stocker l’électricitĂ© produite par des filiĂšres renouvelables intermittentes sous forme d’hydrogĂšne produit par Ă©lectrolyse de l’eau qui est ensuite distribuĂ© dans un rĂ©seau de gaz (Ă©ventuellement transformĂ© en mĂ©thane) ou utilisĂ© dans une pile Ă  combustible pour produire de l’électricitĂ© dĂ©bitĂ©e dans le rĂ©seau Ă©lectrique – dĂ©velopper des « mobilitĂ©s propres » en utilisant l’hydrogĂšne dans une pile Ă  combustible alimentant un moteur Ă©lectrique.

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Que dit l’Ademe ? “ En 2050 l’hydrogĂšne pourrait reprĂ©senter 20% de la demande d’énergie en 2050 et la filiĂšre pourrait reprĂ©senter un chiffre d’affaires de 40 milliards d’euros et 150 000 emplois. ”

Le ministùre souligne plusieurs avantages de cette solution : ‱

un faible temps de recharge (trois minutes Ă©quivalent temps nĂ©cessaire Ă  un plein d’essence,image de tĂȘte une voiture Ă  hydrogĂšne Hyundai) ce qui est exact

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une autonomie Ă©quivalente Ă  celle d’un moteur thermique ce qui aussi est exact

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un poids plus faible du vĂ©hicule avec un encombrement moindre car la pile Ă  combustible est plus petite qu’une batterie, l’argument est spĂ©cieux dans la mesure oĂč l’hydrogĂšne doit ĂȘtre stockĂ© sous haute pression (700 bars) dans un rĂ©servoir en matĂ©riau composite dont le volume est de l’ordre de 125 l et le poids pas infĂ©rieur Ă  100 kg.

Plusieurs objectifs chiffrĂ©s sont fixĂ©s : Ă  l’horizon 2023 faire rouler 5 000 vĂ©hicules utilitaires lĂ©gers et 200 lourds avec 100 stations de recharge sur le territoire (une par dĂ©partement !) avec, Ă©ventuellement un « verdissement » du ferroviaire (quelques trains Ă  hydrogĂšne). Pour « verdir » la production d’hydrogĂšne le ministre fixe un objectif de 10% pour la part de l’hydrogĂšne produite Ă  partir de ressources renouvelables en 2023. Cent millions d’euros seraient mobilisĂ©s jusqu’en 2023 pour ce plan.

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Dans un rapport publiĂ©, en avril 2018, Le vecteur hydrogĂšne dans la transition Ă©nergĂ©tique, l’ADEME avait fait le point sur les potentialitĂ©s de la filiĂšre. On trouvait dans son document les prĂ©mices du plan gouvernemental avec ses deux objectifs principaux : le stockage de l’électricitĂ© et la mobilitĂ© Ă©lectrique. L’ADEME souligne que la filiĂšre hydrogĂšne apporterait des solutions de flexibilitĂ© et d’optimisation aux rĂ©seaux Ă©nergĂ©tiques. Elle envisage ainsi un scĂ©nario Ă  l’horizon 2035 avec 64 % d’électricitĂ© d’origine renouvelable permettant de produire 30 TWh d’hydrogĂšne par an Ă  un coĂ»t infĂ©rieur Ă  5 € le kg. Elle relĂšve Ă©galement que l’hydrogĂšne ouvre des perspectives pour l’autoconsommation Ă  l’échelle d’un bĂątiment, d’un Ăźlot ou d’un village pour stocker de l’énergie. Les conclusions de l’ADEME sont trĂšs mesurĂ©es et le plan gouvernemental n’y fait aucune rĂ©fĂ©rence, elle souligne que les risques accidentels sont souvent Ă©voquĂ©s et que « le rendement des solutions associĂ©es Ă  l’hydrogĂšne est de l’ordre de 20 Ă  30% contre plus de 80% pour les technologies liĂ©es aux batteries ». Le recours Ă  l’hydrogĂšne se justifierait techniquement, selon l’ADEME, s’il peut apporter un service supplĂ©mentaire Ă  celui des batteries. Autrement dit, l’avenir de la filiĂšre lui semble limitĂ©. Ce n’est pas le point de vue qu’avait exprimĂ© dans une Ă©tude dite de prospective, DĂ©veloppons l’hydrogĂšne pour l’économie française les grands partenaires industriels de la filiĂšre avec le concours du CEA et de l’AFHYPAC. Ce document fixe des objectifs trĂšs ambitieux pour la filiĂšre : 400 stations de recharge vers 2030, 200 000 vĂ©hicules Ă  hydrogĂšne circulant sur les routes françaises en 2030. En 2050 l’hydrogĂšne pourrait reprĂ©senter 20% de la demande d’énergie en 2050 (une production Ă©quivalente Ă  220 TWh) et la filiĂšre pourrait reprĂ©senter un chiffre d’affaires de 40 milliards d’euros et 150 000 emplois.


Un miroir aux alouettes

Et le coût dans tout ça ?

Les mesures annoncĂ©es, par le plan ministĂ©riel ainsi que les perspectives optimistes de certains industriels laissent rĂȘveur.

Il reste enfin un problÚme majeur, jamais évoqué : le coût financier de la filiÚre qui est un systÚme complet.

On part de l’hypothĂšse Ă  long terme que tout l’hydrogĂšne serait produit pas la voie Ă©lectrique en utilisant de l’électricitĂ© nuclĂ©aire produite par des filiĂšres renouvelables ou le nuclĂ©aire, ce qui n’est pas le cas actuellement. Observons d’abord que les problĂšmes techniques ne sont pas Ă©voquĂ©s alors que plusieurs verrous techniques demeurent, les partisans de la filiĂšre supposant sans doute que « Tout va trĂšs bien Madame la marquise ». Nous les avions longuement Ă©voquĂ©s dans une note, il y a deux ans. RĂ©sumons les : – le comportement Ă  l’usage des Ă©lectrodes de la pile qui pour des vĂ©hicules doivent utiliser du platine (mĂ©tal rare, il est vrai recyclable mais Ă  quel coĂ»t ?), des piles fonctionnant Ă  haute tempĂ©rature et sans platine Ă©tant plus adaptĂ©es Ă  des installations stationnaires de production d’électricitĂ©. – le rendement de l’électrolyse qui ne dĂ©passe pas 70% – le stockage doit ĂȘtre assurĂ© sous trĂšs haute pression avec des matĂ©riaux adaptĂ©s, en gĂ©nĂ©ral des composites (un stockage sous forme d’hydrures mĂ©talliques Ă©tant envisageable pour les piles stationnaires mais n’est plus Ă©voquĂ©). Le rapport de l’ADEME rĂ©sume bien les problĂšmes sans rentrer dans les dĂ©tails : le rendement d’un systĂšme de stockage avec l’hydrogĂšne est mauvais, il ne dĂ©passe pas 30 %.

Un gaz dangereux Observons aussi que les questions de sĂ©curitĂ© sont rarement Ă©voquĂ©es, or l’hydrogĂšne est un gaz dangereux. Il est donc peu rĂ©aliste d’envisager son utilisation dans des installations domestiques comme semble le faire l’ADEME, l’utilisation dans des installations de stockage de l’électricitĂ© sur un champ d’éoliennes ou une centrale solaire, donc Ă  l’air libre, posant moins de problĂšmes. Les questions de sĂ©curitĂ© se poseront Ă©galement pour des stations-service de remplissage (les flottes de vĂ©hicules utilitaires pouvant faire le plein dans un garage mieux sĂ©curisĂ©).

Le coĂ»t de production de l’hydrogĂšne sera liĂ© Ă  celui de l’électricitĂ© et au rendement, son utilisation dans le transport suppose la construction d’une infrastructure de stations de recharge sur tout le territoire, ce rĂ©seau Ă©tant quasiment inexistant. Outre ses problĂšmes techniques, la filiĂšre risque d’ĂȘtre un boulet Ă©conomique. Si elle offre des possibilitĂ©s au stockage de l’électricitĂ© dans certaines situations, notamment sur des sites isolĂ©s, elle ne sera trĂšs probablement pas une solution adaptĂ©e Ă  la mobilitĂ© car elle est en concurrence directe avec les vĂ©hicules Ă©quipĂ©s de batteries dont les performances s’amĂ©liorent et les coĂ»ts moins Ă©levĂ©s (quelques centaines de vĂ©hicules Ă  hydrogĂšne circulent dans le monde). Il est vrai que le Japon affiche une grande ambition pour l’industrie de l’hydrogĂšne et il veut faire des Jeux Olympiques de Tokyo en 2020 une vitrine pour promouvoir la technologie japonaise et Toyota veut en ĂȘtre le fer de lance. Son volontarisme s’explique sans doute la volontĂ© de rĂ©Ă©quilibrer le mix Ă©nergĂ©tique du Japon aprĂšs Fukushima (oĂč l’explosion d’hydrogĂšne a gravement endommagĂ© certains rĂ©acteurs
), en dĂ©veloppant les Ă©nergies renouvelables pour la production d’électricitĂ©. On peut se demander quel est le sens d’un objectif ministĂ©riel consistant Ă  disposer d’un parc de 5000 vĂ©hicules utilitaires Ă  hydrogĂšne Ă  l’horizon 2023 alors que le marchĂ© de la voiture Ă©lectrique Ă  batterie rechargeable dĂ©colle lentement mais dĂ©colle. Il ne sert Ă  rien de courir plusieurs liĂšvres Ă  la fois surtout lorsque l’argent (et le platine !) sont rares. Les perspectives de la filiĂšre hydrogĂšne sont probablement limitĂ©es et sa rentabilitĂ© Ă©conomique est trĂšs loin d’ĂȘtre assurĂ©e ce que soulignait dĂ©jĂ  France StratĂ©gie dans un rapport de 2014. Son avenir est sans doute celui d’une technologie de niche. Parier sur son dĂ©veloppement Ă  grande Ă©chelle est sans doute une erreur stratĂ©gique et industrielle.

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L’hydrogĂšne, Ă©nergie idyllique ou hallucinogĂšne ? Tribune rĂ©digĂ©e par Michel Gay - publiĂ©e le 07.06.2018

MICHEL GAY

Auteur Simple citoyen français, dĂ©sireux de dĂ©fendre l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, Michel Gay est membre de l’Association des Ă©cologistes pour le nuclĂ©aire (AEPN), de la FĂ©dĂ©ration environnement durable (FED), et de la SociĂ©tĂ© française d’énergie nuclĂ©aire (SFEN). Souhaitant faire connaĂźtre la rĂ©alitĂ© au plus grand nombre en adoptant un vocabulaire accessible, Michel Gay a choisi de concentrer des vĂ©ritĂ©s soigneusement «oubliĂ©es» en publiant cet ouvrage, « Vive le nuclĂ©aire heureux ! », en autoĂ©dition. Le 15 dĂ©cembre 2016 Ă  Marseille, Michel Gay a reçu le prix Yves Chelet dĂ©cernĂ© par la SociĂ©tĂ© Française d’Energie NuclĂ©aire (SFEN / PACA) qui rĂ©compense «l’auteur d’Ɠuvres mĂ©diatiques objectives et pĂ©dagogiques pour la diffusion et la promotion des sciences et techniques nuclĂ©aires».

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Ce vendredi 1er juin 2018, Nicolas Hulot a rendu public un plan gouvernemental de 100 millions d’euros d’argent public pour soutenir l’hydrogĂšne en dĂ©clarant, « sur l’hydrogĂšne, ma religion est faite ». Il s’agit en effet de croyances et de vendre (cher) du rĂȘve. Depuis plusieurs dĂ©cennies des Ă©tudes et des articles nous font rĂ©guliĂšrement miroiter que l’hydrogĂšne (H2) pourrait ĂȘtre un moyen de stocker l’énergie, notamment le surplus d’électricitĂ© produit par des Ă©nergies intermittentes comme les Ă©oliennes et les panneaux photovoltaĂŻques. Il serait alors injectĂ© dans le rĂ©seau actuel de gaz naturel ou retransformĂ© en Ă©lectricitĂ© dans une pile Ă  combustible (PAC), par exemple. Il pourrait aussi remplacer l’essence et le diesel dans nos vĂ©hicules. Certains Ă©voquent mĂȘme une future “civilisation de l’hydrogĂšne”. Qu’en est-il vraiment ? L’hydrogĂšne (H2) est une Ă©nergie qui apparaĂźt merveilleuse. Elle est mĂȘme euphorisante, voire “stupĂ©fiante”
. Avec l’H2, certains voient la vie en rose et auraient tendance Ă  prendre leurs rĂȘves pour des rĂ©alitĂ©s. L’avenir Ă©nergĂ©tique du monde devient simple, radieux et tout devient possible car cette Ă©nergie idyllique et “futuriste” semble avoir tous les atouts pour succĂ©der aux carburants fossiles (pĂ©trole, gaz, charbon). En effet, on peut extraire l’H2 de l’eau. Et l’eau ne manque pas dans les ocĂ©ans et les fleuves. AprĂšs avoir brĂ»lĂ© l’H2 pour se chauffer, ou pour actionner directement un moteur Ă  combustion, ou encore aprĂšs l’avoir transformĂ© en Ă©lectricitĂ© dans une pile Ă  combustible (PAC) pour alimenter un moteur Ă©lectrique, il se recombine avec l’oxygĂšne de l’air pour redonner
 de l’eau. Extraordinaire ! Quoi de plus simple, de plus propre et de plus Ă©cologique ? Ce serait donc une Ă©nergie disponible en quantitĂ© inĂ©puisable, renouvelable et quasiment non polluante. Pourquoi n’y a-t-on pas pensĂ© plus tĂŽt ? Pourquoi n’a-t-elle pas dĂ©jĂ  remplacĂ© le pĂ©trole, le gaz naturel et le charbon depuis plus d’un siĂšcle ?

En effet, l’H2 a Ă©tĂ© dĂ©couvert par Cavendish en 1766 et nommĂ© par Lavoisier en 1783. Le procĂ©dĂ© de la pile Ă  combustible (PAC) a Ă©tĂ© dĂ©couvert en 1838 et la premiĂšre PAC a Ă©tĂ© construite en 1841
 Y aurait t-il un complot mondial anti-hydrogĂšne manigancĂ© par des lobbies sournois pour dĂ©fendre la suprĂ©matie du pĂ©trole, du gaz et du charbon, voire du nuclĂ©aire ?

D’oĂč vient l’hydrogĂšne ? Bien que l’hydrogĂšne soit l’élĂ©ment le plus abondant sur la planĂšte, il n’existe pas de puits ni de source d’H2. Il est combinĂ© Ă  d’autres Ă©lĂ©ments, notamment Ă  l’oxygĂšne sous forme d’eau (H2O) et au carbone sous forme de mĂ©thane (CH4). Ce n’est pas une source d’énergie exploitable qui existe Ă  l’état naturel sur terre. L’H2, comme l’électricitĂ©, doit ĂȘtre produite et permet de transporter de l’énergie d’un endroit Ă  un autre ou de la stocker avant son utilisation. On dit que c’est un vecteur d’énergie. La fabrication de l’H2 est coĂ»teuse en Ă©nergie. Pour l’obtenir en grande quantitĂ©, il faut le sĂ©parer d’autres Ă©lĂ©ments, soit par Ă©lectrolyse de l’eau (il faut donc produire de grandes quantitĂ©s d’électricitĂ©), soit par des procĂ©dĂ©s thermiques ou chimiques Ă  l’aide d’une autre Ă©nergie source
 qui doit ĂȘtre abondante et bon marchĂ©. L’énergie nuclĂ©aire semble une bonne candidate (la seule ?) lorsqu’on a retirĂ© le pĂ©trole, le gaz et le charbon. Les Ă©nergies solaires et Ă©oliennes ne pourront que servir d’appoints marginaux (surplus ponctuels de productions Ă©lectriques) devant l’énormitĂ© des besoins d’un pays ou du monde. Pour remplacer, mĂȘme partiellement, les sept milliards de tonnes Ă©quivalent pĂ©trole (7MdTep) de

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pĂ©trole et de gaz (uniquement) consommĂ©es par an dans le monde par de l’H2, les seules solutions viables actuellement envisagĂ©es sont l’électrolyse et la thermolyse de l’eau pour produire les milliards de tonnes d’H2 nĂ©cessaires par an. Bien entendu, l’H2 n’est une Ă©nergie potentiellement formidable que si elle est extraite de l’eau ! En effet, pour des raisons de coĂ»ts, l’H2 est aujourd’hui extrait du pĂ©trole, du gaz et du charbon qu’il est censĂ© remplacer
 car c’est plus pratique et moins cher.

Comment utiliser l’hydrogùne ?

“ L’économie hydrogĂšne consomme en amont 75% Ă  90 % de l’énergie produite par une autre source d’énergie (nuclĂ©aire, vent, soleil, biomasse
) pour n’en livrer que 10 Ă  25% Ă  l’utilisateur final Ă  un coĂ»t durablement Ă©levĂ© ”

Les propriĂ©tĂ©s physiques de l’H2 en font un gaz encombrant. A la pression atmosphĂ©rique, trois mĂštres cubes (m3) d’H2 (3000 litres) contiennent l’équivalent en Ă©nergie d’un litre d’essence (9 kWh). On comprime donc gĂ©nĂ©ralement l’H2 Ă  200 fois la pression atmosphĂ©rique (200 bars), ou Ă  700 bars, ou on le liquĂ©fie, ce qui consomme de plus en plus d’énergie Ă  chaque Ă©tape. Il ne faut alors plus que 7 litres d’H2 Ă  700 bars ou 4 litres d’H2 liquide (Ă  – 253°C dans un contenant isolant et volumineux) pour disposer de l’équivalent Ă©nergĂ©tique d’un litre d’essence.

Dans les vĂ©hicules ? L’hydrogĂšne liquide est difficile Ă  conserver dans des voitures particuliĂšres (fuites). Par rapport Ă  l’essence, pour parcourir 600 km, aujourd’hui le meilleur compromis est le rĂ©servoir d’hydrogĂšne sous pression Ă  700 bars qui est prĂšs de dix fois plus gros que le rĂ©servoir d’essence (400 litres au lieu de 42 litres) et six fois plus lourd (240 kg au lieu de 40 kg). On peut cependant encore l’insĂ©rer dans une voiture moyenne, mĂȘme s’il y a forcĂ©ment moins de place disponible et de charge utile restante. Il en coĂ»terait aujourd’hui au minimum 17 € TTC pour faire 100 km avec de l’H2 issu d’une Ă©lectrolyse industrielle, alors que 7 l d’essence Ă  1,5€ TTC coĂ»tent 10,5€ 
 et que 7l d’essence Ă  2€ coĂ»tent 14€. Il faudrait atteindre au minimum 2,5 € le litre (7 x

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2,5 = 17,5 €) pour commencer Ă  ĂȘtre financiĂšrement concurrentiel, compte tenu des inconvĂ©nients (poids, volume, autonomie, recharges,
).

En stockage d’électricitĂ© ? A partir de l’électricitĂ© initiale, il y a une perte de 50 % d’énergie pour obtenir de l’H2 sous pression Ă  700 bars et jusqu’à 60% pour obtenir de l’H2 liquide. Puis, au minimum, une nouvelle perte de 50% intervient pour transformer l’H2 en Ă©lectricitĂ© dans une PAC. Le rendement global en y incluant les pertes diverses (transports, stockage,
) est donc de moins de 25% (il y a plus de 75% de pertes). Pour 100 kWh d’électricitĂ© Ă  stocker, le “systĂšme hydrogĂšne” n’en restitue que 25 kWh. Le coĂ»t de l’électricitĂ© “sortante” (celle qui a Ă©tĂ© stockĂ©e sous forme d’H2) est donc au minimum quatre fois plus Ă©levĂ© que le prix de l’électricitĂ© “entrante” (qui sert Ă  produire l’H2), sans compter l’amortissement du prix de la PAC et le coĂ»t de la main d’Ɠuvre. La possibilitĂ© d’injecter l’H2 dans le rĂ©seau de gaz naturel soulĂšve quelques problĂšmes techniques : 1) par comparaison avec le gaz naturel, l’énergie dĂ©pensĂ©e pour son transport est trois fois plus importante,


2) les fuites (dues Ă  la petite taille de la molĂ©cule d’hydrogĂšne) entrainent des pertes importantes dans le rĂ©seau. AprĂšs quelques centaines de km, que rĂ©cupĂšre-t-on Ă  l’autre bout du “tuyau” (le gazoduc) ?

L’HydrogĂšne, une Ă©nergie rentable ? L’usage Ă©nergĂ©tique de l’H2 est actuellement quasiment inexistant au niveau mondial (1% pour les fusĂ©es) parce qu’il est difficile Ă  manier, conditionner, transporter, stocker
 ce qui le rend peu pratique Ă  utiliser et trĂšs coĂ»teux Ă  exploiter. Dans ces conditions, en dehors d’opĂ©rations publicitaires ciblĂ©es et de projets expĂ©rimentaux (parfois “bidons”) subventionnĂ©s par les contribuables, l’H2 ne succĂšdera certainement pas au pĂ©trole ni au gaz naturel (mĂ©thane) avant longtemps. Il faut surtout retenir que l’économie hydrogĂšne consomme en amont 75% Ă  90 % de l’énergie produite par une autre source d’énergie (nuclĂ©aire, vent, soleil, biomasse,
) pour n’en livrer que 10 Ă  25% Ă  l’utilisateur final Ă  un coĂ»t durablement Ă©levĂ©. Il faudra vraiment en avoir besoin pour gaspiller autant d’énergie et donc
 d’argent. S’engagera-t-on dans cette gabegie Ă©nergĂ©tique et financiĂšre ? Nicolas Hulot n’a aucun doute puisque « sa religion est faite »  En tant qu’énergie pouvant rĂ©pondre aux besoins de l’humanitĂ©, l’H2 « propre » a des propriĂ©tĂ©s euphorisantes et hallucinogĂšnes, mais c’est une difficile solution d’avenir qui risque malheureusement de le rester longtemps.

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L’hydrogĂšne rĂ©clame sa part de la transition Ă©nergĂ©tique Tribune rĂ©digĂ©e par Ghislain Delabie - publiĂ©e le 27.02.2018

GHISLAIN DELABIE

Cofondateur du @LeLabosc Ghislain Delabie (Telecom Bretagne, ESSEC) est un spĂ©cialiste de l’innovation et des services pour la mobilitĂ© durable, avec de nombreuses expĂ©riences Ă  la fois comme consultant et chef de projet dans des domaines variĂ©s : mobilitĂ© Ă©lectrique (vĂ©hicules Ă©lectriques et infrastructures de recharge), nouveaux services de mobilitĂ©, systĂšmes de mobilitĂ© partagĂ©e (covoiturage, autopartage, location P2P) et consommation collaborative.

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L’Hydrogen Council, principale organisation reprĂ©sentant la filiĂšre hydrogĂšne dans le monde a profitĂ© de la COP23 pour prĂ©senter les rĂ©sultats d’une Ă©tude rĂ©alisĂ©e pour son compte par le cabinet McKinsey sur le potentiel industriel de cette filiĂšre, et les innovations associĂ©es, pour la transition Ă©nergĂ©tique. Cette « Ă©tude-manifeste », assez synthĂ©tique, dĂ©taille les applications possibles selon les industries (transport, industrie – Ă©nergie et matiĂšre premiĂšre, chauffage & Ă©nergie des bĂątiments, systĂšme Ă©nergĂ©tique), prĂ©sentĂ©es sous l’angle de la contribution en termes de dĂ©carbonation, donc de contribution aux objectifs de limitation du changement climatique / rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre. À l’intersection des transports et du systĂšme Ă©nergĂ©tique, l’hydrogĂšne peut jouer un rĂŽle intĂ©ressant pour Ă©tendre l’électrification aux vĂ©hicules Ă  usage intensif : taxis, bus, poids-lourds, trains (pour ceux fonctionnant actuellement au diesel sur des lignes non Ă©lectrifiables) ; tout en rendant des « services » au rĂ©seau par le stockage d’énergies intermittentes qui devront ĂȘtre dimensionnĂ©es pour les usages maximum, donc produire de maniĂšre excĂ©dentaire Ă  certains moments.

L’hydrogĂšne, symbole d’une technologie rĂ©volutionnaire L’hydrogĂšne est un vieux rĂȘve de technologue, le symbole de la technologie qui rĂ©volutionne sans changer les usages. Au-delĂ  des spĂ©cialistes du gaz, cette technologie a tout pour plaire aux pĂ©troliers, aux constructeurs d’automobiles premium et de poids lourds (nĂ©anmoins certains comme Toyota ne savent plus trop oĂč se positionner). Au moins autant que la voiture Ă©lectrique, l’hydrogĂšne a pourtant Ă©tĂ© jusqu’ici le symbole, aussi, de la technologie qui sans cesse promet la rĂ©volution, sans jamais parvenir Ă  Ă©merger. En 2014, France StratĂ©gie publiait une analyse sĂ©vĂšre des perspectives actuelles de l’hydrogĂšne Ă  une Ă©chelle industrielle (Ă©tude complĂšte ici). Il faut modĂ©rer cette sĂ©vĂ©ritĂ© en rappelant que les auteurs semblaient ĂȘtre dans une perspective extrĂȘmement conservatrice dans laquelle le nuclĂ©aire reste l’énergie dominante, les renouvelables jouent un rĂŽle accessoire, et l’avenir du vĂ©hicule thermique est assurĂ©e (pour longtemps) par l’amĂ©lioration des moteurs. Difficile dans ces conditions de voir un avenir brillant pour l’hydrogĂšne.

Obstacles : l’investissement et le bilan carbone NĂ©anmoins les auteurs pointaient deux obstacles majeurs, repris par d’autres, qui mĂ©ritent d’ĂȘtre mentionnĂ©s : ‱

Le dĂ©fi de l’industrialisation pour obtenir des coĂ»ts de production et d’exploitation acceptables, accompagnĂ©e Ă©ventuellement de substantielles avancĂ©es scientifiques dans le domaine de la production dĂ©carbonĂ©e de l’hydrogĂšne ;

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‱

L’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique et le contenu carbone de l’hydrogĂšne : les mĂ©thodes industrielles actuelles ont un trĂšs mauvais bilan, ce qui oblige soit Ă  faire de la captation (coĂ»teuse) de CO2, soit Ă  opter pour des techniques d’électrolyse qui n’ont pas encore atteint la maturitĂ© et souffrent d’un rendement Ă©nergĂ©tique (qui n’excĂšde pas 70%) peu attrayant.

Le premier point trouve probablement sa rĂ©ponse dans l’effort d’investissement massif envisagĂ© par McKinsey pour la filiĂšre Ă  horizon 2050 (plus de 20 Mds$ / an). Comme pour la filiĂšre du vĂ©hicule Ă©lectrique (Ă  batterie), un effet de bascule peut se produire le jour oĂč suffisamment d’acteurs de poids sont convaincus d’investir massivement. En cela la filiĂšre hydrogĂšne a probablement une dizaine d’annĂ©es de retard sur celle du vĂ©hicule Ă©lectrique en termes de maturitĂ©. Mais elle pourrait bĂ©nĂ©ficier, surtout dans les transports, de nombreux dĂ©veloppements technologiques communs liĂ©s Ă  la chaĂźne de traction, qui bĂ©nĂ©ficieront mĂ©caniquement aux futurs vĂ©hicules hydrogĂšne ou hybrides entre batterie et hydrogĂšne.

Pour le second point, essentiel Ă  mes yeux, je reste dans l’attente d’arguments crĂ©dibles et engagĂ©s sur la maniĂšre dont la filiĂšre va garantir qu’elle produit uniquement de l’hydrogĂšne dĂ©carbonĂ© (et pas de l’hydrogĂšne qui s’apparente au charbon quant Ă  son contenu carbone), dans des conditions d’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique acceptables. D’aprĂšs McKinsey, dans le cas dĂ©favorable, un vĂ©hicule hydrogĂšne a un bilan carbone sur son cycle de vie 25-30% moindre qu’un vĂ©hicule thermique de 2015, donc assez proche d’un vĂ©hicule thermique de 2030 (vous savez, la derniĂšre gĂ©nĂ©ration de vĂ©hicules thermiques qui sera produite !). Qu’elle sera grande la tentation de produire de « l’hydrogĂšne noir » Ă  moindres frais dĂšs que possible. Il s’agit du principal verrou Ă  lever pour crĂ©dibiliser la filiĂšre et dĂ©clencher un effet de bascule suffisamment puissant pour en faire un Ă©lĂ©ment crĂ©dible du systĂšme Ă©nergĂ©tique (et de mobilitĂ©) des annĂ©es 2050.

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“ La filiĂšre hydrogĂšne a probablement une dizaine d’annĂ©es de retard sur celle du vĂ©hicule Ă©lectrique en termes de maturitĂ© ”

Il y a urgence nĂ©anmoins Ă  clarifier ces deux points, car Elon Musk, qui manifestement n’aime guĂšre l’hydrogĂšne, s’attaque dĂ©jĂ  au stockage d’énergie pour le rĂ©seau Ă©lectrique et au marchĂ© des poids lourds
 Des applications habituellement envisagĂ©es pour l’hydrogĂšne ! Tandis que son nouveau Roadster et son Semi promettent d’ores et dĂ©jĂ  une autonomie EPA supĂ©rieure Ă  600km, la limite maximal envisagĂ©e par McKinsey pour 2030. MĂȘme avec les retards de production habituels de Tesla, McKinsey risque de se trouver pris en dĂ©faut au moins sur cette prĂ©vision. EspĂ©rons pour eux qu’ils aient Ă©tĂ© plus clairvoyants sur les perspectives offertes par l’hydrogĂšne

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L’hydrogĂšne pour verdir le mix Ă©nergĂ©tique mondial ? Article rĂ©digĂ© par la RĂ©daction - PubliĂ© le 24.01.2017

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C’est en marge de la rĂ©union annuelle du Forum Économique Mondial, organisĂ©e cette annĂ©e Ă  Davos en Suisse, que 13 multinationales des secteurs de l’énergie, du transport et de l’industrie ont annoncĂ© le lancement de l’Hydrogen Council. Cette nouvelle entitĂ© internationale vise Ă  promouvoir l’émergence d’une action commune dont l’objectif est de dĂ©montrer que l’hydrogĂšne, source d’énergie respectueuse de l’environnement, a un rĂŽle Ă  jouer dans la rĂ©ussite de la transition Ă©nergĂ©tique mondiale.

“ L’hydrogĂšne prĂ©sente un avantage primordial dans le contexte climatique et environnemental actuel : sa combustion est non carbonĂ©e ”

Plus concrĂštement, l’objectif de l’Hydrogen Council est de travailler Ă  l’évolution des standards internationaux et de mutualiser leurs ressources afin de favoriser la gĂ©nĂ©ralisation de l’utilisation de l’hydrogĂšne Ă  l’échelle mondiale. Il s’agira Ă©galement de convaincre les pouvoirs publics, les agences internationales et les acteurs de la sociĂ©tĂ© civile que l’hydrogĂšne compte parmi les solutions clefs pour la transition Ă©nergĂ©tique.

GĂ©nĂ©raliser l’utilisation de l’hydrogĂšne Ă  l’échelle mondiale

Cet accord “va dans le bon sens, car il prĂŽne une approche holistique de l’hydrogĂšne. La molĂ©cule ouvre tous les champs du possible. La voiture Ă  hydrogĂšne, le transport d’hydrogĂšne dans les rĂ©seaux de gaz naturel et bien sĂ»r les applications industrielles”, estime Pascal Mauberger, PDG de la start-up McPhy Energy et prĂ©sident de l’Association française pour l’hydrogĂšne et les piles Ă  combustible.

PrĂ©sidĂ©s par les PDG du groupe français Air Liquide et du japonais Toyota, ces 13 leaders industriels estiment qu’il est de leur responsabilitĂ© “de proposer des solutions pour (
) Ă©voluer vers une Ă©conomie durable bas carbone. Pour relever ce formidable dĂ©fi, une action conjointe est nĂ©cessaire. C’est pourquoi nous invitons les gouvernements et les principaux acteurs de la sociĂ©tĂ© Ă  reconnaĂźtre eux aussi la contribution de l’hydrogĂšne Ă  la transition Ă©nergĂ©tique et Ă  collaborer avec nous Ă  la mise en Ɠuvre d’un plan de dĂ©ploiement efficace”. Parmi les membres du conseil international de l’hydrogĂšne se trouvent, en plus des deux groupes qui le prĂ©sident, les français Alstom, Engie et Total, ainsi que BMW, Daimler, Honda, Hyundai, Kawasaki, Shell, Linde, Toyota et AngloAmerican. Au cours de la cĂ©rĂ©monie de lancement, les membres ont affirmĂ© leur volontĂ© d’accentuer les investissements dans la recherche et la commercialisation des solutions Ă  base d’hydrogĂšne. Ils comptent, pour commencer, investir 1,4 milliards d’euros par an.

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Une ressource au potentiel Ă©nergĂ©tique important L’hydrogĂšne, Ă©lĂ©ment chimique le plus abondant dans l’univers, est une molĂ©cule qui n’existe pas Ă  l’état naturel sur Terre. Il abonde cependant sous forme atomique et fait l’objet d’une exploitation chimique importante en raison de son caractĂšre particuliĂšrement Ă©nergĂ©tique : Ă  poids constant, sa combustion sous forme gazeuse gĂ©nĂšre trois fois plus d’énergie que l’essence. L’hydrogĂšne prĂ©sente un avantage primordial dans le contexte climatique et environnemental actuel : sa combustion est non carbonĂ©e. C’est donc une source d’énergie qui ne relĂąche pas de dioxyde de carbone et qui ne contribue pas au rĂ©chauffement climatique. L’Hydrogen Council estime Ă  ce titre qu’il s’agit d’une Ă©nergie dont la gĂ©nĂ©ralisation Ă  l’échelle mondiale est Ă  mĂȘme de participer Ă  l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris sur le climat.


Il convient cependant de reconnaitre que sa production n’est aujourd’hui pas encore totalement respectueuse de l’environnement. Sur Terre, l’hydrogĂšne est une molĂ©cule associĂ©e Ă  de nombreux autres Ă©lĂ©ments chimiques (le carbone, l’eau
) desquels il est nĂ©cessaire de le sĂ©parer pour le rendre exploitable. Il s’agit d’un processus qui nĂ©cessite une source externe d’énergie : on estime malheureusement que plus de 90 % de l’hydrogĂšne consommĂ©e aujourd’hui est produit Ă  l’aide d’une source d’énergie fossile polluante (gaz naturel ou pĂ©trole).

Stocker le surplus de production des Ă©nergies renouvelables intermittentes C’est sur ce point qu’insistent les membres de l’Hydrogen Council : l’hydrogĂšne pourrait ĂȘtre utilisĂ© pour stocker la part des Ă©nergies renouvelables qui est produite mais perdue, faute de moyens de stockage. Les sources d’énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire sont caractĂ©risĂ©es par l’intermittence de leur production : tributaires des conditions mĂ©tĂ©orologiques, elles ne gĂ©nĂšrent pas d’électricitĂ© de maniĂšre fiable et constante. De plus, les moments de production ne correspondent pas forcĂ©ment toujours aux moments des pics de consommation : l’impossibilitĂ© de stocker d’importantes quantitĂ©s d’électricitĂ© entraine donc des pertes importantes.

Pour Ă©viter ce gaspillage, il est aujourd’hui envisagĂ© d’utiliser la surproduction des Ă©nergies renouvelables intermittentes pour produire de l’hydrogĂšne, facilement stockable, pour ensuite le distribuer en temps voulu via les rĂ©seaux de gaz naturel. Ce procĂ©dĂ©, baptisĂ© « Ă©lectrolyse de l’eau», permettrait d’amĂ©liorer le bilan carbone de l’hydrogĂšne tout en favorisant l’intĂ©gration des Ă©nergies renouvelables intermittentes dans le mix Ă©nergĂ©tique mondial. “On maĂźtrise les technologies, mais le dĂ©fi, maintenant c’est de dĂ©velopper l’usage de façon massive. Si on arrive Ă  faire baisser les coĂ»ts de l’ensemble de la chaĂźne de production, l’hydrogĂšne sera demain une solution pour transporter cette Ă©nergie oĂč on en a besoin”, explique Didier Holleaux, du groupe Engie. Car si l’électrolyse de l’eau ne reprĂ©sente encore qu’1% de l’hydrogĂšne produit, c’est parce qu’il s’agit d’un modĂšle qui n’est pas encore Ă©conomiquement rentable. La production d’hydrogĂšne par Ă©lectrolyse est en effet une technique qui prĂ©sente un meilleur bilan carbone mais dont le prix est 5 fois plus Ă©levĂ© qu’à partir de ressources fossiles polluantes. L’Hydrogen Council ouvre donc de nouvelles perspectives pour une filiĂšre dont l’avenir est encore incertain.

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2 L’HYDROGÈNE, C’EST DÉJÀ DU CONCRET

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Un printemps de l’hydrogĂšne Tribune rĂ©digĂ©e par Karel Hubert - publiĂ©e le 06.08.2018

KAREL HUBERT

Dirigeant EnerKa IngĂ©nieur de formation avec un parcours international (Irlande et NorvĂšge), Karel Hubert s’est spĂ©cialisĂ© dans l’étude des piles Ă  combustible et dans l’économie de l’hydrogĂšne. Il a travaillĂ© pendant 3 ans avec la start-up Symbio oĂč il a Ă©tĂ© le chef de projet du Navibus-H2 (bateau hydrogĂšne 24 passagers Ă  Nantes) ainsi que du Kangoo ZE-H2 (prolongateur d’autonomie hydrogĂšne) pour le dĂ©veloppement et l’industrialisation de plusieurs modĂšles. Il est dĂ©sormais consultant indĂ©pendant et rĂ©alise des missions d’études de faisabilitĂ©, de gestion de projet et de conseil pour les entreprises du secteur. PassionnĂ© par la rĂ©daction, il tient un blog sur l’actualitĂ© hydrogĂšne (www. energyvisionblog.wordpress.com) dont un article lui a valu le prix EDF Innovation et Transition Ă©nergĂ©tique. Il s’intĂ©resse aussi aux questions environnementales grĂące Ă  ses compĂ©tences en ACV (Analyse de Cycle de Vie) ainsi qu’à la transition Ă©nergĂ©tique dans les territoires.

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Ces deux derniers mois ont Ă©tĂ© riches en annonces dans le secteur de l’hydrogĂšne. Un rĂ©sumĂ© des Ă©vĂšnements marquants et de leur signification est donc de mise pour identifier quelques tendances intĂ©ressantes.

L’automobile : des volumes avec un « 0 » en plus Engie Cofely a reçu ses 50 Kangoo ZE-H2 opĂ©rĂ©s autour de Rungis alors que Toyota vise la vente de 30 000 Mirai par an dont 10 000 au Japon et que les taxis HYPE s’équipent de 25 nouvelles Mirai. Des chiffres qui laissent croire Ă  un changement d’échelle dans les volumes connus jusque-lĂ  en France et dans le monde. Du cĂŽtĂ© des constructeurs, Ford et Daimler stoppent leur coopĂ©ration sur le dĂ©veloppement de la pile Ă  combustible (AFCC) mais la filiale Mercedes sort son camping-car H2. Cela signifie-t-il que Ford s’essouffle et ralentit dans la course Ă  la mobilitĂ© hydrogĂšne ? De son cĂŽtĂ©, Ballard profite de cet arrĂȘt pour rĂ©cupĂ©rer les actifs stratĂ©giques de ce groupement, et renouvelle sa collaboration avec Audi. A l’inverse de Ford et Daimler, deux partenariats voient le jour entre Audi et Hyundai pour leur technologie de pile Ă  combustible et entre Liebherr Aerospace et General Motors. Ce dernier partenariat est particuliĂšrement intĂ©ressant car il dĂ©montre la transversalitĂ© de la technologie, applicable Ă  l’aĂ©ronautique comme Ă  l’automobile.

Bus et Poids lourds : les modĂšles sortent des garages Laissons les vĂ©hicules lĂ©gers pour s’intĂ©resser aux plus fortes puissances, crĂ©neau qui me semble tout destinĂ© Ă  la technologie du gaz (je ne prĂ©cise pas H2 ou GNV
). Le constructeur Polonais Solaris annonce un bus H2 pour 2019, Ballard lance la commercialisation de son bus H2 El Dorado National aux Etats-Unis et Daimler laisse entendre qu’une version H2 de son bus Ă©lectrique sera disponible sans prĂ©ciser de date.

“ La France mise sur le volontarisme de sa filiĂšre en se reposant sur le marchĂ© ”

Un peu moins concret mais tout aussi intĂ©ressant l’Americain US Hybrid Corp. et le Chinois BYD Co. (Chine) collaborent pour dĂ©velopper un bus H2 et Air Liquide passe un accord avec la start-up Chinoise STNE afin d’accĂ©lĂ©rer le dĂ©veloppement de flottes de camions H2 en Chine. CĂŽtĂ© carnets de commandes, alors que l’Europe avance fiĂšrement les 62 bus commandĂ©s Ă  travers les projets JIVE et JIVE 2, la ville de Wuhan en Chine dĂ©marre la construction d’une station hydrogĂšne afin d’alimenter 100 bus Ă  hydrogĂšne d’ici la fin de l’annĂ©e. Deux autres initiatives Chinoises sont aussi Ă  signaler avec le dĂ©ploiement de 10 bus H2 Ă  Chengdu et de 12 camions lĂ©gers Ă  ShangaĂŻ. La palme revient tout de mĂȘme Ă  Nikola qui commande 448 Ă©lectrolyseurs et stations (1 GW au total) Ă  Nel pour dĂ©velopper le maillage des stations H2 aux Etats-Unis. Cela fait suite Ă  la commande de 800 semiremorques hydrogĂšne commandĂ©s Ă  Nikola par l’amĂ©ricain Anheuser-Busch. Moins ambitieux mais certainement plus rentable, l’aĂ©roport de LiĂšge se convertit Ă  l’H2 avec le projet HaYrport.

Le naval fait surface mais reste en dĂ©monstration Le secteur naval est encore au rĂ©gime sec des dĂ©monstrateurs H2 mais cela n’empĂȘche pas les acteurs de placer leurs pions. En effet, le groupement HYON AS (PowerCell, Hexagon et Nel) a fait un nouveau pas vers la certification de sa pile maritime alors qu’ABB et

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Ballard annoncent une collaboration pour dĂ©velopper un systĂšme pile de forte puissance pour ces mĂȘmes applications maritimes (3MW). Pour voir des bateaux sortir des chantiers il faudra a priori se tourner vers le chantier naval Ferguson (U.K.) qui se positionne sur l’H2 et annonce un premier ferry pour 2021. Les Etats-unis rentrent dans la course avec une Ă©tude pour leur bateau Golden Gate Zero Emission Marine rĂ©alisĂ© par Bay Ship and Yacht Co. mais surtout avec un financement de $5,3 million de la part du California Air Resources Board (CARB) Ă  destination du port de Long Beach pour dĂ©velopper l’écosystĂšme H2 du site.

Le ferroviaire reste polarisĂ© sur un projet Le Coradia iLint reste l’objet de toutes les attentions dans le ferroviaire avec une rĂ©cente homologation lui permettant de circuler sur les rails. Cependant, d’autres acteurs se mobilisent tel que JSW et PKP Cargo. Ces derniers signent un partenariat sur le dĂ©veloppement de trains H2.

Des fournisseurs optimistes Le pouls des fournisseurs est intĂ©ressant car ces derniers montrent des signes avant-coureurs de croissance forte. On pourra noter en effet qu’Haskel, fabricant de compresseur d’H2, se dĂ©veloppe et ouvre un nouveau centre d’essais, que Xebec reçoit une commande chinoise de $3,4 millions pour son purificateur d’hydrogĂšne ou encore que Tanaka (Japon), fournisseur de catalyseur pour pile Ă  combustible, investit dans une unitĂ© de production 7 fois supĂ©rieure Ă  l’actuelle. En se rapprochant de l’épicentre, on pourra noter que Ceres Power, pile Ă  membrane solide, rĂ©alise une levĂ©e de fond de 20 millions de Livres et que la plus grande usine de fabrication de pile Ă  combustible au monde verra le jour en CorĂ©e du Sud. Du cĂŽtĂ© des Etats-unis, FuelCell Energy est confiant dans l’avenir et annonce la crĂ©ation de 100 nouveaux emplois pour la production de ses piles Ă  combustible.

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Le Power-to-gas s’industrialise Dans le stationnaire, les projets sortent peu Ă  peu et les industriels se positionnent. Ainsi Siemens lance un dĂ©monstrateur de production d’ammoniac vert Ă  base d’H2 renouvelable, Hydrogenics et Enbridge lancent en Ontario la mise en opĂ©ration d’une centrale de stabilisation du rĂ©seau Ă©lectrique par l’H2, Preem et Vattenfall vont installer une usine de production d’H2 vert en SuĂšde et l’Allemand Thyssenkrupp se positionne sur l’électrolyse de masse. TechnipFMC remporte quant Ă  lui un contrat pour une unitĂ© de production d’H2 en Inde. Bien que destinĂ© Ă  une raffinerie, on peut imaginer cet industriel se positionner prochainement sur le stockage H2 des champs solaires indiens. En France, l’intĂ©rĂȘt est marquĂ© avec l’acquisition de 22% du capital de McPhy par EDF. Dans le mĂȘme temps, le Français HDF Energy dĂ©croche en Guyane un projet de stockage d’une centrale solaire de 55 MW et le projet GRHYD est inaugurĂ© Ă  Dunkerque.

Une volontĂ© politique croissante L’évĂšnement marquant de ces deux derniers mois, est sans doute l’annonce du Plan français de dĂ©ploiement de l’hydrogĂšne par Nicolas Hulot. Le plan a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© le 1er juin par le ministre de la Transition Ă©cologique et solidaire avec au programme, 100 millions d’euros et 14 mesures. La semaine suivante, la CorĂ©e du Sud a mis les bouchĂ©es doubles en investissant 2 milliards d’euros dans son dĂ©veloppement national de l’hydrogĂšne. Ces deux Ă©vĂšnements permettent d’identifier deux stratĂ©gies : l’une oĂč la France mise sur le volontarisme de sa filiĂšre en se reposant sur le marchĂ© et l’autre oĂč le gouvernement CorĂ©en joue une carte stratĂ©gique visant une place internationale et des exportations.

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Dunkerque : injection d’hydrogĂšne dans le rĂ©seau de gaz Article rĂ©digĂ© par la RĂ©daction - publiĂ© le 04.08.2018

Facilement stockable et pouvant ĂȘtre gĂ©nĂ©rĂ© de maniĂšre respectueuse de l’environnement grĂące aux Ă©nergies renouvelables, l’hydrogĂšne est considĂ©rĂ© par le gouvernement français comme un vĂ©ritable atout pour notre transition Ă©nergĂ©tique. C’est dans ce contexte qu’Engie a inaugurĂ©, le 11 juin dernier Ă  quelques kilomĂštres de Dunkerque, son dĂ©monstrateur d’injection d’hydrogĂšne dans un rĂ©seau de distribution de gaz.

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Un dĂ©monstrateur pour Ă©valuer en situation rĂ©elle l’injection de gaz Cette unitĂ© de dĂ©monstration se sera faite attendre, c’est le moins que l’on puisse dire. Il aura en effet fallu quatre annĂ©es d’études et d’autorisations administratives Ă  Engie pour enfin lancer son premier systĂšme d’injection d’hydrogĂšne dans un rĂ©seau de distribution de gaz. Mais c’est dĂ©sormais chose faite : le dĂ©monstrateur Gestion des RĂ©seaux par l’injection d’HydrogĂšne pour DĂ©carboner les Ă©nergies (GRHYD) est opĂ©rationnel et il injecte depuis juin dernier des molĂ©cules d’hydrogĂšne dans le rĂ©seau de gaz de la mĂ©tropole de Dunkerque, dans les Hauts-de-France. “LancĂ© en 2014, le projet GHRYD est entrĂ© dans sa phase de dĂ©monstration le 11 juin 2018 : les premiĂšres molĂ©cules d’hydrogĂšne ont Ă©tĂ© injectĂ©es dans le rĂ©seau local de distribution de gaz naturel pour alimenter en chauffage et en eau chaude les logements et le centre de soins d’un nouveau quartier de Cappelle-La-Grande sur la CommunautĂ© Urbaine de Dunkerque”, prĂ©cise Engie dans un communiquĂ© de presse officiel. Comme son nom l’indique, ce dĂ©monstrateur vise Ă  expĂ©rimenter en situation de fonctionnement rĂ©el, d’une part, la production d’hydrogĂšne grĂące aux Ă©nergies renouvelables (via le Power-to-Gas) et, d’autre part, la rĂ©injection de cet hydrogĂšne dans un rĂ©seau local de distribution de gaz naturel. Par retour d’expĂ©rience, Engie pourra ainsi analyser de maniĂšre concrĂšte “les avantages techniques, Ă©conomiques, environnementaux et sociĂ©taux de cette nouvelle filiĂšre Ă©nergĂ©tique pour des villes durables et une mobilitĂ© verte”.

Le Power to gas au cƓur du projet Le dĂ©monstrateur GRHYD met en application le Power to gas qui permet de transformer de l’électricitĂ© en gaz grĂące Ă  la technique de l’électrolyse de l’eau. Cette derniĂšre consiste Ă  utiliser du courant Ă©lectrique pour transformer des molĂ©cules d’eau en hydrogĂšne gazeux (ou en oxygĂšne). Cet hydrogĂšne peut ensuite ĂȘtre valorisĂ© (sur place ou injectĂ© dans un rĂ©seau) ou stockĂ© afin d’ĂȘtre consommĂ© plus tard, au moment oĂč la demande en Ă©lectricitĂ© est supĂ©rieure Ă  l’offre.

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Le Power to gas apparait ainsi comme une solution adaptĂ©e Ă  l’intĂ©gration des Ă©nergies renouvelables. En effet, en raison de leur caractĂšre intermittent, les Ă©nergies Ă©oliennes et solaires ne permettent pas d’assurer en tout temps l’équilibre d’un rĂ©seau Ă©lectrique. DĂšs lors, la transformation de l’électricitĂ© renouvelable en hydrogĂšne pendant les pĂ©riodes de creux semble ĂȘtre une solution viable pour Ă©viter les dĂ©sĂ©quilibres rĂ©seau et favoriser l’intĂ©gration des ressources intermittente Ă  notre mix Ă©nergĂ©tique. Le Power to gas permet en effet de valoriser en tout temps les excĂ©dents d’électricitĂ© verte et de les mettre au service de diffĂ©rents usages (Ă©lectricitĂ©, chauffage, eau chaude sanitaire, mobilité ).

100 logements inclus dans l’expĂ©rimentation L’expĂ©rimentation d’Engie devrait durer 2 ans pour un budget total de 15 millions d’euros (financĂ© Ă  hauteur de 4 millions d’euros par le programme des investissements d’avenir de l’Ademe). Tout au long de cette pĂ©riode, le GRHYD injectera de l’hydrogĂšne dans le rĂ©seau de gaz de ville de la Cappelle-la-Grande pour 100 logements (chauffage, eau chaude et cuisine). Engie souhaite dans un second temps Ă©tendre son expĂ©rimentation Ă  une centaine de logements supplĂ©mentaires. “La proportion en hydrogĂšne dans le rĂ©seau n’est pas fixe, elle pourra varier de 0 Ă  20 % en fonction du coĂ»t de l’électricitĂ© verte”, explique Isabelle Alliat, coordinatrice du projet Grhyd pour Engie. Un outil de simulation du CEA permettra d’analyser le taux d’ensoleillement et de vent, afin d’évaluer la pertinence Ă©conomique de la production de l’hydrogĂšne renouvelable Ă  un instant T. Enfin, Engie a annoncĂ© l’adaptation d’une station de bus GNV au mĂ©lange d’hydrogĂšne et de gaz naturel issu de son dĂ©monstrateur. Une cinquantaine de bus devrait ĂȘtre alimentĂ©e avec ce mĂ©lange.

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HydrogÚne décarboné : EDF et McPhy main dans la main Article rédigé par la Rédaction - publié le 12.06.2018

Le groupe EDF vient de faire son entrĂ©e officielle sur le marchĂ© de l’hydrogĂšne-Ă©nergie. L’électricien a en effet annoncĂ© le 5 juin la signature d’un accord de partenariat industriel, commercial et de recherche avec la sociĂ©tĂ© McPhy. Cette derniĂšre, crĂ©Ă©e en France en 2008, est spĂ©cialisĂ©e dans la fabrication d’équipements de production et de stockage d’hydrogĂšne.

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EDF mise sur l’hydrogĂšne-Ă©nergie “Ce partenariat constitue une premiĂšre Ă©tape qui permettra ainsi Ă  EDF d’accĂ©lĂ©rer son arrivĂ©e sur ce nouveau marchĂ© en pleine croissance et crĂ©ateur d’emplois en France et dans le monde”, se fĂ©licite CĂ©dric Lewandowski, Directeur ExĂ©cutif du Groupe EDF en charge de la Direction Innovation, StratĂ©gie et Programmation. GrĂące Ă  ce nouveau partenariat, EDF compte favoriser le dĂ©veloppement et l’implantation des solutions de production d’hydrogĂšne dĂ©carbonĂ© sur le territoire français, mais Ă©galement Ă  l’international. Le groupe de Jean-Bernard LĂ©vy ambitionne notamment de proposer Ă  moyen terme une offre hydrogĂšne dĂ©carbonĂ©e et compĂ©titive Ă  ses clients industriels et de la mobilitĂ© lourde.

Renforcer la lutte contre le rĂ©chauffement climatique Lorsque l’opĂ©ration aura obtenu le feu vert de l’AutoritĂ© des marchĂ©s financiers, EDF investira au capital de McPhy via une souscription Ă  une augmentation de capital d’un montant de 16 millions d’euros. L’électricien français, via sa filiale Nouveaux Business, deviendra donc un actionnaire de rĂ©fĂ©rence en dĂ©tenant 21,7% du capital du spĂ©cialiste de l’hydrogĂšne. Un rapprochement financier qui permettra Ă  ce dernier de renforcer sa croissance et sa gamme de solutions (Ă©lectrolyseurs, stations de recharge hydrogĂšne
) “Cet accord marque le franchissement d’une nouvelle Ă©tape clĂ© dans le dĂ©veloppement de McPhy. GrĂące aux moyens financiers supplĂ©mentaires et au soutien du Groupe EDF, nous allons pouvoir accĂ©lĂ©rer notre croissance, renforcer notre dĂ©veloppement commercial et conquĂ©rir de nouveaux marchĂ©s”, confirme d’ailleurs le PrĂ©sident Directeur GĂ©nĂ©ral de McPhy, Pascal Mauberger, dans son communiquĂ© de presse. De plus, la signature de ce partenariat permet Ă  EDF et Ă  McPhy de rĂ©affirmer leur engagement contre le rĂ©chauffement climatique.

“ Le groupe de Jean-Bernard LĂ©vy ambitionne notamment de proposer Ă  moyen terme une offre hydrogĂšne dĂ©carbonĂ©e et compĂ©titive Ă  ses clients industriels et de la mobilitĂ© lourde ” L’hydrogĂšne produit grĂące Ă  l’électrolyse de l’eau apparait comme une solution technologique parfaite pour dĂ©carboner certains secteurs de notre Ă©conomie (industrie, transport), Ă  la condition que l’électricitĂ© utilisĂ©e soit elle mĂȘme dĂ©carbonĂ©e. C’est notamment le cas de l’électricitĂ© française, produite majoritairement grĂące aux Ă©nergies renouvelables et au nuclĂ©aire.

De l’intĂ©rĂȘt de l’hydrogĂšne pour la transition Ă©nergĂ©tique française L’annonce d’EDF s’inscrit dans un cadre d’engouement global pour l’hydrogĂšne-Ă©nergie en France. Le ministre de la Transition Ă©cologique Nicolas Hulot a en effet prĂ©sentĂ© il y a quelques jours un ambitieux plan hydrogĂšne dotĂ© d’une enveloppe de 100 millions d’euros. Il faut dire que l’hydrogĂšne prĂ©sente toute les caractĂ©ristiques pour figurer dans le mix Ă©nergĂ©tique français du futur (c’est-Ă -dire tel qu’il est dĂ©sormais envisagĂ© dans le cadre de la transition Ă©nergĂ©tique). Il s’agit en effet d’une ressource abondante et qui peut ĂȘtre gĂ©nĂ©rĂ©e grĂące Ă  des ressources dĂ©carbonĂ©es. Mieux, sa gĂ©nĂ©ralisation permettrait de favoriser l’intĂ©gration des Ă©nergies renouvelables intermittentes car il permettrait de stocker facilement les surplus d’électricitĂ© gĂ©nĂ©rĂ©s pendant les pĂ©riodes de forte production. Comme l’indiquait l’Agence de l’environnement et de la maĂźtrise de l’énergie (Ademe) dans son

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rapport publiĂ© dĂ©but avril, l’hydrogĂšne apporte Ă©galement une nouvelle solution pour favoriser la dĂ©mocratisation de l’électromobilitĂ©. La technologie de pile Ă  combustible permettrait en effet de garantir une bonne autonomie pour certains types de vĂ©hicules (comme les vĂ©hicules utilitaires lĂ©gers). Enfin, l’hydrogĂšne peut se rĂ©vĂ©ler ĂȘtre une vĂ©ritable opportunitĂ© Ă©conomique pour notre pays si les pouvoirs publics dĂ©cident de remplacer les ressources hydrogĂšne fossiles par des ressources renouvelables. “L’industrie emploie actuellement plus de 900.000 tonnes d’hydrogĂšne par an, produit Ă  partir de combustibles fossiles (
). La fabrication des Ă©quipements de la chaĂźne hydrogĂšne reprĂ©sente des enjeux de diversification pour de nombreux acteurs industriels ; ces technologies peuvent irriguer des secteurs variĂ©s (Ă©nergie, rĂ©seaux, tĂ©lĂ©coms, bĂątiments, numĂ©rique, transport, aĂ©ronautique) en crĂ©ant de la valeur ajoutĂ©e pour des intĂ©grateurs de solutions”, estiment les experts de l’Ademe.

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« La filiÚre hydrogÚne est essentielle pour le rendez-vous de la transition énergétique » Interview de Stéphane Aver - publiée le 21.09.2017

STÉPHANE AVER

PrĂ©sident d’Aaqius StĂ©phane Aver dispose de plus de 25 ans d’expĂ©rience dans l’élaboration et la mise en Ɠuvre de stratĂ©gies d’innovation de rupture et dans la nĂ©gociation de contrats industriels Ă  haut niveau dans le domaine des technologies Ă  forte rentabilitĂ©. Il fonde en 2006 la sociĂ©tĂ© Aaqius, spĂ©cialisĂ©e dans l’investissement et le dĂ©veloppement de standards technologiques dans le domaine du bas carbone et de la rĂ©duction des Ă©missions polluantes pour la mobilitĂ© et l’énergie.

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La jeune sociĂ©tĂ© Aaqius, qui a dĂ©veloppĂ© une technologie de stockage d’hydrogĂšne pour alimenter des scooters, vĂ©los, triporteurs, etc
, a signĂ© miseptembre un important contrat avec le distributeur de carburants chinois Censtar. Entretien avec StĂ©phane Aver, prĂ©sident fondateur d’Aaqius.

Vous avez dĂ©clarĂ© que la Stor H Ă©tait le “Nespresso de l’énergie”
 En quoi consiste votre innovation ? Nous aimons bien utiliser cette expression pour imager notre produit parce que le fondement de cette technologie est d’abord sa valeur d’usage pour l’utilisateur. Il s’agit d’une technologie de stockage d’hydrogĂšne dans un format de cartouche rechargeable d’une durĂ©e de vie de dix ans. Nous stockons l’hydrogĂšne dans une matrice solide, une peu comme une Ă©ponge que l’on remplit et qui permet de stocker l’hydrogĂšne en toute sĂ©curitĂ© sans pression. Cette technologie est trĂšs facile d’usage, disponible partout sans infrastructure. Il n’y a pas de station service, nous distribuons la technologie dans des distributeurs avec une application Ă  laquelle s’abonnent les consommateurs. Toutes sortes de vĂ©hicules y ont accĂšs, du vĂ©lo au scooter en passant par des vĂ©hicules d’aĂ©roport jusqu’à des petites voitures de moins d’une tonne. Nous dĂ©veloppons avec diffĂ©rents constructeurs sur la planĂšte des vĂ©hicules Ă  deux, trois ou quatre roues. Les offres sont diversifiĂ©es en fonction des diffĂ©rents marchĂ©s des pays. Nos canettes Ă  hydrogĂšne fournissent une autonomie jusqu’à 200 kilomĂštres et diminuent les coĂ»ts de transport de 20 Ă  30% par rapport Ă  un vĂ©hicule similaire Ă  essence ou Ă  batterie Ă©lectrique.

“ L’hydrogĂšne, aussi bien dans les thĂ©matiques de l’habitat ou de mobilitĂ©, rĂ©pond aux besoins du zĂ©ro carbone comme le nuclĂ©aire qui n’émet pas de CO2 ou les Ă©nergies renouvelables. La filiĂšre hydrogĂšne a de grands jours devant elle si l’impulsion politique est au rendez-vous ” Justement, en parlant de marchĂ©, vous venez de remporter un gros contrat en Chine
 AprĂšs un gros travail d’une annĂ©e de recherche de partenariats en Chine, nous avons passĂ© un accord avec Censtar, un distributeur privĂ© de carburants et de produits pĂ©troliers chinois qui possĂšdent plus de 40 000 stations service sur le territoire. Ce groupe nous a choisis pour assurer la transition Ă©nergĂ©tique et participer Ă  cette mutation du marchĂ© en proposant Ă  ses clients l’offre hydrogĂšne Stor H. Aaqius participera ainsi Ă  un projet visant Ă  lancer 100.000 vĂ©hicules Ă©lectriques jusqu’à fin 2020 dans la zone Ă©conomique de Nanjing.

On imagine alors que vous ĂȘtes fier d’ĂȘtre implantĂ© en Chine qui devient le leader de l’économie verte
 Oui, bien sĂ»r ! Il y a une forte impulsion politique en Chine sur ce sujet lĂ . Les Chinois ont mesurĂ© la nĂ©cessitĂ© environnementale aprĂšs la signature

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des accords de Paris. Ils ont bien compris l’enjeu Ă©conomique d’ĂȘtre des acteurs de premier plan. Ils prennent l’économie verte comme un levier de croissance. Ils savent que le chemin est long car il y a un fort dĂ©ficit en la matiĂšre. MĂȘme si tout n’est pas parfait, ils vont vite et sont actifs ! Nous avons Ă©tĂ© soutenus par les autoritĂ©s chinoises et appuyĂ©s par la fondation Prospective et Innovation prĂ©sidĂ©e par l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

Un tel contrat est sĂ»rement un sĂ©same pour obtenir de nouveaux contrats, en Inde, par exemple, cet autre grand pays pollueur et en marche vers la transition Ă©nergĂ©tique ? Oui, sĂ»rement, mais j’aimerais que notre prochain tremplin soit la France. Nous y travaillons pour convaincre les rĂ©gions. Un certain nombre d’entre elles se sont dĂ©jĂ  dites intĂ©ressĂ©es comme la rĂ©gion Auvergne-RhĂŽne-Alpes, la Bretagne ou la Normandie. DĂ©but 2017, le gouvernement français a lancĂ© le label « Territoire hydrogĂšne » qui nous a permis de monter un consortium avec des partenaires industriels français pour implanter notre Ă©cosystĂšme en France. Il est possible que nous signions dans les prochaines semaines un accord pour le dĂ©ploiement de cet Ă©cosystĂšme industriel et de services. Hors de l’Hexagone, nous devrions bientĂŽt officialiser un accord avec le nouvel aĂ©roport gĂ©ant de DubaĂŻ. Nous devrions ĂȘtres choisis pour Ă©quiper les vĂ©hicules de manutention du plus gros hub logistique du monde, d’une superficie de 140 km2 !

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La filiĂšre hydrogĂšne est balbutiante
 Que faire pour permettre son rĂ©el dĂ©collage ? Au delĂ  de la technologie, c’est une question politique. La filiĂšre hydrogĂšne, Ă  ce jour, n’existe pas en France, ni ailleurs. Si on veut ĂȘtre au rendezvous de la transition Ă©nergĂ©tique, il faut accĂ©lĂ©rer le processus. L’hydrogĂšne est un vecteur Ă©nergĂ©tique qui, trĂšs clairement, nous y aidera. Pourquoi ? Parce que l’hydrogĂšne, aussi bien dans les thĂ©matiques de l’habitat ou de mobilitĂ©, rĂ©pond aux besoins du zĂ©ro carbone comme le nuclĂ©aire qui n’émet pas de CO2 ou les Ă©nergies renouvelables. La filiĂšre hydrogĂšne a de grands jours devant elle si l’impulsion politique est au rendez-vous.

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Des vĂ©hicules Ă  hydrogĂšne en libre service qui carburent Ă  l’éolien Interview de Nicolas Ugalde - publiĂ©e le 09.02.2018

NICOLAS UGALDE

Directeur Général de VDN Group Consulter le profil

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La commune de Tupigny dans l’Aisne va lancer un projet Ă  la fois novateur et rĂ©pondant aux enjeux de l’énergie Ă©olienne : stocker l’électricitĂ© produite par son parc Ă©olien sous forme d’hydrogĂšne qui alimentera deux vĂ©hicules en libre-service. C’est l’entreprise VDN Group qui, forte de son expertise de plus de cinq ans dans le dĂ©veloppement de projets Ă©oliens, se lance Ă  prĂ©sent dans l’hydrogĂšne. VDN se positionne ainsi sur le « Power to gas », offrant de nouveaux dĂ©bouchĂ©s aux territoires dĂ©sireux de stocker et d’utiliser l’électricitĂ© issue de leur parc Ă©olien : l’hydrogĂšne au service de la mobilitĂ© durable. Pour bien comprendre comment tout cela fonctionne, nous avons interviewĂ© Nicolas Ugalde, directeur gĂ©nĂ©ral de VDN.

Mettre en libre-service deux voitures à hydrogÚne rechargées par un parc éolien, comment ça marche ?

Est-ce une premiĂšre en France ?

Le systÚme repose sur une borne branchée sur un systÚme électrique. Les électrons sortent du parc éolien (NDLR : 6 éoliennes au total), arrivent dans la borne via un cùble et permettent de transformer cette électricité en gaz par électrolyse. Cet hydrogÚne, stocké dans cette borne qui fait 4 kilogrammes, est ensuite transformé en électricité et ainsi injecté dans les véhicules équipés de piles à combustible.

Oui, sur une Ă©chelle locale comme celle-ci. L’éolien reste encore aujourd’hui abstrait. L’électricitĂ© produite reste noyĂ©e dans le mix Ă©nergĂ©tique français. L’idĂ©e de ce projet innovant et technique est donc de donner une finalitĂ© Ă  un parc Ă©olien qui va ĂȘtre construit sur le territoire de cette commune. L’objectif est que Tupigny puisse ĂȘtre Ă  la fois « producteur » mais aussi « consommateur » d’énergie Ă  travers l’utilisation qu’en feront ses habitants. Si tout se passe bien, les voitures Ă  hydrogĂšne seront disponibles dans deux ans.

Je prĂ©cise qu’un vĂ©hicule Ă  hydrogĂšne possĂšde tout de mĂȘme une autonomie de plus de 500 kilomĂštres pour un temps de recharge d’à peine 3/4 minutes. Le vĂ©hicule ne rejette que de l’eau en sortie.

Cette innovation va-t-elle selon vous ouvrir de nouveaux dĂ©bouchĂ©s aux territoires ? Clairement oui. Les Ă©lus de Tupigny sont dĂ©jĂ  sur l’aprĂšs. Aujourd’hui, nous avons proposĂ© un dĂ©monstrateur avec deux vĂ©hicules qui rĂ©pond aux besoins des habitants. La mairie, Ă  travers cette borne qu’on pourra renforcer, rĂ©flĂ©chit dĂ©jĂ  Ă  la mise en place d’un car de ramassage scolaire. On pourrait imaginer aussi le dĂ©veloppement de flottes administratives. Le Conseil dĂ©partemental, par exemple, est Ă©galement intĂ©ressĂ© par des vĂ©hicules hydrogĂšne. Dans quelques annĂ©es, on pourra pourquoi pas y intĂ©grer des tracteurs.

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Vous mettez en quelque sorte l’hydrogĂšne au service de la mobilitĂ© rurale
 Face aux problĂ©matiques rĂ©currentes de centralisation des services administratifs et commerciaux, l’enjeu est de pouvoir utiliser le parc Ă©olien pour faciliter les modes de transports et rapprocher ainsi ces services aujourd’hui Ă©loignĂ©s de la ruralitĂ©.

Les vĂ©hicules sont en libre accĂšs et gratuits
 Qui finance tout ça ?

“ Le stockage par hydrogĂšne devient aujourd’hui une solution crĂ©dible et efficace. La puissance Ă©nergĂ©tique de l’hydrogĂšne est telle que nous pouvons stocker en masse l’électricitĂ© ”

VDN finance tout en intégrant ces véhicules et la borne dans le financement du parc éolien.

Au-delĂ  d’une solution pour la mobilitĂ© de demain, votre innovation est-elle aussi une solution pour le stockage de l’énergie Ă©olienne ? Au mĂȘme titre que les autres Ă©nergies renouvelables, l’éolien est une Ă©nergie variable, ne produisant de l’électricitĂ© que lorsqu’il y a du vent. Afin de palier Ă  cette variabilitĂ©, le stockage par hydrogĂšne devient aujourd’hui une solution crĂ©dible et efficace. La puissance Ă©nergĂ©tique de l’hydrogĂšne est telle que nous pouvons stocker en masse l’électricitĂ© Ă  travers ce gaz.

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