Fantastique Edo - Extrait

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Le guide illustré de l’époque d’Edo au Japon

Ce qu’on appelle l’époque d’Edo au Japon a duré de 1600 à 1868. Époque remarquable qui a mis fin à une longue période de guerre civile et qui a pu inaugurer et entretenir la paix pendant deux siècles et demi. Ce qui est remarquable avec la culture d’Edo, c’est son absence criante de relations avec le reste du monde — une autarcie qui a permis l’épanouissement d’une société unique et originale en Extrême-Orient.

Z E N Y O J I

En cinq chapitres d’une grande clarté et précision, l’auteur, qui est également l’illustrateur de l’ouvrage, nous plonge dans cette fascinante époque. En sortant de cette lecture vous saurez tout sur les us et coutumes de l’époque Edo, les samouraïs, les ninjas, les Yôkai, les châteaux, les kimonos, qui ont fait sa richesse et qui continuent à forger notre imaginaire !

F A N

T

A S T

I Q

U E E D O

ISBN : 978-2-35348-189-9 /18€

FANTAS TIQUE EDO

S U S U M U

ISBN : 978-2-35348-190-3/11€


Transcription des mots japonais À l’exception des termes lexicalisés en français (kimono, sumo, futon, samouraï…), les noms communs japonais sont ici indiqués en italiques et suivis de leur graphie japonaise entre crochets à leur première occurrence sur une double page de texte. Les noms propres sont indiqués en caractères romains et suivis de leur graphie japonaise entre crochets à leur première occurrence sur une double page de texte.

Époques et ères L’histoire du Japon se divise en grandes époques : par exemple, époque Jômon, époque de Kamakura… et celle bien sûr qui fait l’objet de cet ouvrage, l’époque d’Edo. À partir de la période Yamato (250 à 710 après J.-C.), ces périodes se divisent en ères, correspondant aux règnes des empereurs. La classification en périodes est abandonnée à compter de 1868. Restent les ères (ère Meiji, ère Shôwa…). Ce livre paraît en l’an 2 de l’ère Reiwa.


Fantastique Edo Le guide illustré de l'époque d'Edo au Japon

Te xt e s et il lu st rat io n s

S u s u m u Z e nyôji t ra d u c t io n d e l ' a n g l a is

Anne -Sylvie Homassel


Sommaire Les bases

9

Les gens et les mythes

10

Les gens et les plantes

12

La déesse du Soleil, ancêtre du peuple japonais 10 Les confrontations à l’origine de la religion Inari 11 Sakura Matsu Ume Kamon

Les gens et la religion

14

Le concept bouddhiste des Enfers La présence religieuse en ville

Wabi et Sabi

15 17

20

Miyabi et Fûryû Iki et Otsu Tsu’u Shisso Muku

12 12 13 13

20 21 21 21 21

Des dragons et des gens

22

Autres divinités naturelles Les paysages Le Soleil et la Lune Les cascades

24

Les singes Les cerfs Les corneilles Les mille-pattes

25 25 25 25

La pensée Ma et la pensée Ten Qu'en pensez-vous ? Ce qui est perdu est toujours retrouvé Bonnes manières Faire la queue Rester calme La ponctualité Encourager la norme Divination Vie professionnelle et vie privée

26 28 28 28 28 29 29 29 30 30

La pensée ma à l’époque edo

Les gens et le riz

Tanbo Le riz, aliment Le riz, monnaie d'échange La balle de riz Le son de riz, nuka La paille de riz, wara Les créatures des rizières

26

31

31 32 32 32 32 33 34

Chronologie

36

40

Chôji Satô Jitsubosan Uruyusu

71 71 71 71

70

Jihon-don'ya

72

24 24 24

Un peuple citadin 37 La vie des petites gens

38

Le Kôjimachi-shôran-emaki Yakushu-don'ya

San'yaku Daiô Kanzô Keihi Shaku-yaku Kankyô Kyônin

71 71 71 71 71 71 71

Yomi-hon E-zôshi Ki-byôshi Kashihon-ya Share-bon Ge-sakusha Hangi

73 73 73 73 73 73 73


Ningyô-don'ya

74

Hina-ningyô Maneki-neko Hagoita Edo-anesama Aka-fukurô Inu-bariko Zarukaburi-inu Imado-ningyô Hyottoko Denden-daiko

74 75 75 75 75 75 75 75 75 75

Kane-dôgu Mottoi Ranbiki Kanzashi Kushi-kôgai Suki-gushi Kanoko O-Shiroi Beni

77 77 77 77 77 77 77 77 77

Komamono-ya

76

Kome-don'ya

78

Kon-ya

79

Nuancier

79

Neri-gashi Rakugan Yôkan Mushi-manjû Dango Sakura-mochi Sanshoku-botamochi Dorayaki Castella

81 81 81 81 81 81 81 81 81

Ô-ban Zeni Ko-ban Gin Han-satsu

83 83 83 83 83

Tenarai-jo / Terakoya

84

Yu-ya / Furo-ya

85

Kashi-ya

80

Ryôgae-ya

82

Omote-dana Ura-nagaya / Ura-dana

86

Jishinban-goya & Kidoban-goya

88 90

Mittsu-dôgu Marchandises du quotidien

91 91

Yûzen Yukata Hitoe Hare-gi Shigoto-gi Haori Donburi Hanten Pacchi & Momohiki Shima Edo-komon Tanmono

92 92 92 93 93 94 94 95 95 95 95 96

Kimonos des gens du peuple

92

Coiffures des gens du peuple

98

Santé et beauté

100

Honda-mage Bachibin-chonmage Sokuhatsu Sakkô Shimada-mage Maru-mage Kushimaki Tate-hyôgo Momoware

99 99 99 99 99 99 99 99 99

Maquillage et beauté Maquillage des yeux Maquillage pour nez plat Pour les épaules trop larges Nuka-bukuro Uguisu-no-fun Hechima-sui Tsubaki oil Eau de cuisson des udon Shôyaku

101 101 102 102 103 103 103 103 103 103

Ama-geta Pokkuri Koma-geta Zôri Setta Waraji

104 104 104 104 104 104

Chaussures

104


Samuraïs et châteaux La société des samouraïs La société des samouraïs Samouraïs européens

Budô et désarmement

106

107 109

110

Interdiction des traitements cruels infligés aux créatures vivantes 111 La garde-robe des samouraïs

Obi-musubi Sokutai Daimon Kami-shimo Haori

Coiffure des samouraïs O-suberakashi Kata-hazushi Takashimada Ichô-mage Bunkin-mage Honda-mage Wakashû-mage Kôbusho-fû Rônin-fû

112 112 113 113 113 113

114 114 114 114 115 115 115 115 115 115

105 Épées japonaises

116

Châteaux du Japon

122

Les passe-temps des samouraïs

126

Tsuka Tsuba Kôgai et Kozuka Saya Sageo Nihon-zashi Sori Kissaki Jitetsu / Hada Hamon

Edo-jô Hirosaki-jô Matsumoto-jô Inuyama-jô Himeji-jô Matsuyama-jô Kumamoto-jô Nijô-jô Shuri-gusuku

Omoto Matsuba-ran

118 118 118 119 119 119 120 120 121 121 123 124 124 124 124 125 125 125 125

126 126


Les ninjas

127

Repérez le ninja !

128

Les régions

130

Quelques Ninjas célèbres

132

Hattori Hanzô Famille Yagyû Kazama Kotarô Yamaoka Kagetomo Katô Danzô Biwahôshi Shôichi Sugitani Zenjubô Sarutobi Sasuke & Kirigakure Saizô

Les ninjas dans l'histoire

Les Yôkai Les Yôkai de base

132 132 132 132 133 133 133 133

134

Armes et techniques Ninja Ninja-tô / Shinobi-tô Hei-nobori Za-sagashi Yari-dome Kusari-gama Shikomi-zue & Fukiya Shuriken Kusari-katabira Maki-bishi Kunai Kaginawa Hiya Shikoro Tori-no-ko Mizu-gumo Suiton-no-jutsu Kiki-mimi

136 136 137 137 137 138 138 139 139 140 140 140 141 141 141 141 142 142

143

144

Amano-jaku / Aman-jaku 144 Azuki-arai 145 Bake-gitsune / Bake-danuki / Bake-neko 145 Binbô-gami 147 Chôchin-obake 147 Daidara-bottchi 148 Inosasa-ô 148 Inu-gami 149 Ippon-datara 149 Ittan-monmen / Ittan-momen / Ittan-monme 150 Kami-kakushi 150 Kappa 151 Kasa-obake 152 Ki-no-ko 152 Kijimunâ 153 Korpokkur / Korbokkur 154 Kama-itachi 156 Mikoshi-nyûdô 156 Môryô 157 Nari-ya 157 Noppera-bô 158 Obariyon 158

Ô-namazu Oni Rokurokkubi Sanshi Sunakake-baba Tengu Tenjô-name Tsuchi-no-ko Tsuji-gami Umi-bôzu Yamanba Yôtô Zashiki-warashi

159 159 155 160 160 161 162 162 163 163 164 164 165

Yôkai apparaissant dans les maisons

166

Aka-neburi Aku-bôzu Asahiarai-yashiki Chômen-yôjo Futakuchi-onna Hitori-ma / Himamushi-nyûdô Ijaro-korogashi Kimo-tori

166 167 167 168 168 169 169 170


Kuro-tama Ô-kubi Sara-yashiki Shibito-tsuki Sumi-no-babasama Ushiro-gami Yuki-warashi

170 171 171 172 172 173 173

Yôkai apparaissant sur les sentiers nocturnes

174

Akarinashi-soba Amefuri-nyûdô / Ame-nyûdô Buru-buru Dodome-ki Gomen-bashi Itsu-ki / Kubire-oni Ipekari-oyashi Kubikire-uma Medama-shaburi Mimichiri-bôji Minkira-uwa Namera-suji Okuri-chôchin Paikai-kamui Te-no-me Sakasama-yûrei Shira-shûto Shitanaga-baba Sodehiki-kozô Tsue-tsuki Yogama-taki Yo-suzume

174 175 175 176 176 177 177 178 178 179 179 180 180 181 181 182 183 183 184 184 185 185

Yôkai apparaissant dans les montagnes

Kiri-ichibei Niku-sui Sanme-yazura Warai-onna / Warai-otoko Warodon / Yama-warawa Yama-gami Zarazara-zattara

186 186 187 187 188 188 189 189

Yôkai apparaissant au bord de l'eau

190

Yôkai et maladies

194

Hatapagi-manjai Funa-yûrei Iso-onna Nagare-andon Tenaga-baba Utsuro-bune Yazaimon-dako

190 191 191 192 192 193 193

Jinmen-sô Ôzake-mushi Ôseichû Shio-no-chôji Shiki-gami Yama-chichi

194 195 195 196 197 197

Beka-tarô Dô-no-tsura Hitotsume-kozô Nihon-ashi Nuppera-paff / Nuppe-pow Senpoku-kanpoku Shizuka-mochi Tantankororin Tôfu-kozô

198 199 199 200 200 201 201 202 202

Yôkai mignons

Postface

198

204


基礎知識 Les bases C

e qu’on appelle l’époque d'Edo a duré 268 ans, entre 1600 et 1868. Époque remarquable qui a mis fin à une longue période de guerre civile au Japon et

qui a su inaugurer et entretenir la paix pendant deux siècles et demi. Raison pour laquelle on s’y réfère parfois sous le nom de « Pax Tokugawana ». La paix, bien sûr, n’est pas revenue du jour au lendemain. La région d’Ôsaka a connu de rudes combats en 1615 — il s’agissait alors de mettre fin à la domination des Toyotomi [豊臣] — et en 1637, lors de la révolte des chrétiens. Mais à la suite de ces incidents, la paix s’est bel et bien installée dans l’archipel pendant plus de deux siècles, ce qui a grandement contribué au développement de la culture d’Edo, de ses mœurs et de son système de pensée. La guerre est un gâchis de ressources précieuses, tant humaines qu’économiques. Ce qui est si remarquable avec la culture d’Edo, c’est son absence criante de relations avec le reste du monde — une autarcie qui a permis l’épanouissement d’une société unique et originale en Extrême-Orient. Et si l’époque d'Edo semble souvent se résumer à un âge d’or des samurai [侍] — ses premières années ayant vu la construction d’un système social dont le samouraï était la base —, elle repose en fait sur la culture populaire de l’époque, une culture d’une extrême richesse.


Les gens et les mythes

L

人々と神話

a préhistoire du Japon est nimbée d’un certain mystère. L’âge paléolithique s’y poursuit jusqu’en 131 avant l’ère chrétienne. Au cœur de cet âge, se développe

jusqu’au VIe siècle avant J.-C. l’époque Jômon [縄文]. Civilisation qui ne connaît pas l’écrit, si bien qu’il est difficile d’en connaître les mœurs quotidiennes. Au regard des nombreux vestiges Jômon mis à jour au Japon, on sait que ces premiers Japonais habitaient de gros bourgs et vivaient de chasse, de cueillette et d’agriculture : des vestiges de vergers ont été découverts. Un commerce par voie fluviale entre ces communautés s’y était développé ; il semble par ailleurs qu’en plus de dix mille ans, le Japon de l’ère Jômon n’ait connu aucune guerre. Aucune arme n’a en effet été retrouvée sur les sites archéologiques de l’époque. C’est la plus longue période de paix dans l’archipel. Deux époques ont suivi : l’époque Yayoi et l’époque Kofun

[古墳], qui

[弥生],

jusqu’au III e siècle av. J.-C.,

dura jusqu’au VIIe siècle de l’ère chrétienne. Ces deux

époques servent de décor à nombre de mythes japonais, ce qui est peut-être lié à l’arrivée des Chinois au Japon. Avec eux parvenaient les premières influences cosmopolites du continent chinois et de la péninsule coréenne. Les poupées d’argile de l’époque Kofun nous renseignent sur les nouveaux arrivants de Corée, qui maniaient les armes et montaient à cheval ; nombre de kofun (le terme signifie en fait « tertre funéraire » ) et d’armes datant de cette époque ont été exhumés. Les mythes japonais furent alors collectés dans des ouvrages tels que le Koji-ki

[古事記],

(composé au VIII e siècle, c’est le plus ancien de ces recueils), le

Nihon-shoki [ 日 本 書 紀 ] et le Fudo-ki [ 風 土 記 ]. Ces mythes, dit-on, forment la base de la religion shintô [ 神道 ].

La déesse du Soleil, ancêtre du peuple japonais Ces mythes nous disent notamment que le dieu Izanagi [イザナギ] et la déesse Izanami [イザナミ] descendirent

sur Terre après leur mariage pour créer l’archipel du Japon.

Ils donnèrent naissance par la suite à de très nombreux dieux. Mais Izanami, malheureusement, succomba à de graves blessures en mettant au monde Kagutsuchi [カグツチ],

le dieu du feu. Izanagi, incapable de se résigner à cette mort, se rendit dans

l’au-delà pour la retrouver. L’âme de la déesse, hélas, était morte elle aussi et Izanagi rentra au Japon le cœur brisé. 10


À son retour, il créa trois nouveaux dieux en se nettoyant le nez et les yeux. L’une au sanctuaire d'Ise-jingû [伊勢神宮]. Il existe, concernant celle-ci, un mythe célèbre que l’on appelle Ama-no-iwato [天岩戸].

La déesse, s’étant émue de la brutalité de son jeune frère Susano'o

[スサノオ],

était allée se cacher dans la grotte d’Ama-no-iwato. Après y avoir pénétré, elle avait fermé l’entrée à l’aide d’un énorme rocher, privant ainsi le monde de lumière. Les Huit millions de dieux — Yaoyorozu-no-kami [八百万の神] — qui vivaient alors au Japon

Les bases |基礎知識

de ces divinités était Amaterasu-ômikami [天照大神], la déesse du Soleil, qui est adorée

se concertèrent et décidèrent d’organiser une fête devant la grotte pour faire sortir la déesse du Soleil de l’exil qu’elle s’était imposé. Intriguée, celle-ci déplaça le rocher pour voir ce qui se passait au-dehors. Les dieux la prirent par la main et la ramenèrent au monde, qui retrouva ainsi la lumière. La déesse du Soleil légua à ses descendants les Trois trésors sacrés, (Sanshu-no-jingi [三種の神器]), qui

seraient, dit-on, la propriété de la Famille impériale : un miroir en

métal, Yata-no-kagami

[八咫鏡],

une épée sacrée, Kusanagi-no-tsurugi [草薙剣] et un bijou

doté de pouvoirs divins (Yasakani-no-magatama

[八尺瓊勾玉]).

Les confrontations à l’origine de la religion Inari Les Recueils de la province de Hitachi, en japonais Hitachi-no-kuni fudoki [常陸国風土記], m e nt i o n n e nt d e s c o n f l i t s q u i o p p o s è r e nt a u d i e u Ya t o - n o - k a m i [夜刀神] les paysans qui voulaient cultiver de nouveaux champs. Le dieu fut vaincu par le chef des Yahazu-no-Matachi [箭括麻多智] et renvoyé dans ses montagnes. Les humains érigèrent des piliers au pied des monts pour matérialiser la frontière entre leur monde et celui de Yato-no-kami. Et ils lui tinrent ces propos : « À compter de ce jour et pour les siècles à venir, nous t’adorerons, dieu. Nous te construirons un temple et organiserons des cérémonies en automne. Alors ne nous maudis pas, et ne nous garde nulle rancune. » Telle est sans doute l’origine des fêtes des moissons qui se tiennent tous les ans aux temples Inari [稲荷]. Les piliers sont devenus par la suite des torii [鳥居] et le temple un palais qui accueille les dieux hostiles. La fête des moissons est une cérémonie qui permet le partage de la récolte des champs conquis sur les dieux. Les fêtes d’automne sont une manière de maintenir la paix en période de tension.

11


Wabi et Sabi

L

日本人の美意識

e wabi sabi [侘寂] est représentatif de l’esthétique japonaise. Au cœur de ce double concept se trouve le sens de la beauté que l’on éprouve devant un objet ou un

spectacle qui atteint son apogée, puis commence à décliner. Et cette déchéance a quelque chose de poignant. Imaginez-vous au cœur d’une forêt en plein hiver. Vous éprouvez un sentiment de satisfaction. C’est le wabi. Le sabi, lui, exprime la perte dans ce sentiment de plénitude. Au Japon, la perte n’est pas vécue comme négative. Elle fait partie d’un processus naturel. Dans la forêt, vous verrez des temples et des sanctuaires en ruine, vous remarquerez la manière dont le bois s’érode. C’est l’essence même du wabi sabi. Pour en faire l’expérience la plus complète, la meilleure solution est sans doute de se rendre à la pagode bouddhiste à cinq étages du mont Haguro

[羽黒山五重塔],

dans le

département de Yamagata. Érigée il y a 650 ans, la pureté et la simplicité de ses formes environnées d’arbres immenses vous coupera le souffle. Le wabi sabi se rapproche également de la nostalgie, mono-no-aware

[ものの憐れ],

qui se dégage de la poésie japonaise du VIII siècle, le waka [和歌]. C’est le destin de e

toute chose que de se dégrader ; la fragilité de l’existence est précisément ce qui la rend précieuse. Le wabi sabi peut aussi se rapprocher d’un sentiment de dévaluation et vous empêcher de faire ce dont vous êtes pourtant capable. Ce peut être aussi une impression de timidité : vous n’oserez pas aborder celui ou celle que vous aimez en secret. L’humilité, surtout celle que l’on éprouve devant les forces incontrôlables de la nature, est pour les Japonais une vertu.

Miyabi et fûryû [雅と風流] Ce sont là des concepts plus flamboyants que le wabi sabi. Miyabi

[雅]

se rapporte aux splendeurs de la cour impériale, tandis que fûryû

[風流]

décrit

l’amour des quatre saisons du Japon. 20


La floraison des pruniers qui annonce la venue du printemps, les averses de pétales de vent frais ; les chœurs automnaux des grillons rappelant le changement des saisons. Une autre façon de jouir du fûryû est de se préparer à l’avance à la venue de la saison nouvelle, dans sa façon de s’habiller, de cuisiner, de décorer son intérieur.

Iki et otsu [粋と乙] Assuré, franc, chaleureux et citadin, le style iki s’applique aux deux sexes, à la manière de s’habiller et de se conduire. Le kanji avec lequel il s’écrit

[粋]

Les bases |基礎知識

cerisiers qui en signalent la fin… En été, les clochettes éoliennes tintinnabulant dans le

se lit égale-

ment sui, renvoyant en ce cas à la sophistication, la bonne communication entre les hommes et les femmes. Quant à otsu, c’est une sorte d’humour qui fait ressortir le caractère iki d’une personne. Iki est plus générique, otsu plus individuel.

Tsu’u [通] Le terme est très courant et signifie la maîtrise d’un art, d’une technique, d’un passe-temps. Le kanji [通] signifie également « voie » ou « chemin ».

Shisso [質素] Le shisso est une qualité spécifique aux samouraïs, que Tokugawa Ieyasu a souvent vantée. Est shisso celui qui rejette les excès et sait se montrer sobre en toutes choses — sobriété qui confine à l’ascèse. Les modes et manières de vivre qui rejettent l’excès reflètent une grande force de caractère et ramènent au concept de wabi sabi.

Muku [無垢] Le muku est une autre forme de rejet de l’ostentation, préférant mettre en valeur la simplicité d’un matériau dans son état naturel (bois, ingrédients culinaires, par exemple). Ainsi, la cuisine japonaise n’utilise en général que de petites quantités de condiments pour préserver le goût naturel des ingrédients.

21


Autres divinités naturelles

その他の自然神

風景

Les paysages Dans le culte des montagnes, on adore le paysage, qui est une divinité en soi : en effet, lorsque l’environnement est en bonne santé, les récoltes sont abondantes. Les montagnes, en particulier, sont considérées comme sacrées.

太陽と月

Le Soleil et la Lune La déesse du Soleil, Amaterasu-ômikami [天照大神], et le dieu de la Lune, Tsukuyomino-mikoto [月読命], sont des divinités de premier rang dans la mythologie japonaise. Le Soleil représente l’honnêteté : « Quand on commet une mauvaise action, on ne peut pas marcher sous le soleil », dit un proverbe japonais. Le dieu de la Lune représente quant à lui la beauté et la fragilité, la régénération et le temps.

Les cascades Le kanji qui signifie « cascade » [瀧] contient le symbole du dragon [龍]. Les cascades étaient considérées comme des dragons réincarnés. Dans la religion des montagnes, les croyants se purifient sous les chutes d’eau.

24


Les bases |基礎知識

鹿

Pour Tokugawa Ieyasu, les singes sont des messagers de la déesse du Soleil ; ils sont adorés dans les sanctuaires shintô et les temples bouddhistes, tels que le Hieizan Enryaku-ji [比叡山延暦寺] du département de Saga et le Hie-jinja [日枝神社] de Tôkyô. Les singes protègeraient les chevaux, garantiraient la fertilité et contitueraient d’efficaces talismans contre les démons.

Les cerfs, certes chassés pour leur viande depuis l’aube des temps, sont également considérés comme des présences divines dans les forêts ; on les adore comme dieux des épées. Et comme ils perdent tous les ans leurs bois pour les voir ensuite repousser, ils sont aussi dieux des moissons. Ils servent, dit-on, de monture aux divinités. Deux sanctuaires fameux où l’on peut adorer les cerfs : le Kashima-Taisha [鹿島大社] dans le département d’Ibaraki [茨城県] et le Kasuga-Taisha [春日大社] à Nara [奈良県].

百足

Dans la religion des montagnes, les yata-garasu [八咫烏], corneilles mythiques, sont considérées comme des guides spirituels. Vassales de la déesse du Soleil, on leur prête un don de prophétie. Elles peuvent aussi apporter des moissons abondantes et la bonne fortune. L’équipe nationale de football du Japon a choisi le yata-garasu comme emblème.

Bien que venimeux, les mukade [ムカデ] étaient considérés autrefois comme les dieux des mines. Et comme ils ne reculent jamais et sont recouverts d’une solide carapace, ils étaient les protecteurs des guerriers. Avec le développement de l’industrie minière, ils devinrent également dieux de l’argent et du commerce.

Les singes

Les corneilles

Les cerfs

Les mille-pattes

25


Encourager la norme Le terme de « normalité », futsû [普通], est souvent utilisé au Japon. Dans la pensée ma, c’est une vertu. Le maintien d’un schéma répétitif permet de parvenir à la stabilité. Autre connotation de futsû : l’équité. Dans une société ma, l’impartialité est une source de satisfaction pour les individus.

Divination La divination d’après le groupe sanguin est extrêmement populaire au Japon, où prédomine le groupe A. De sorte que le pays est jugé en fonction des qualités supposées du groupe A, au premier rang desquelles figure le sérieux. Il faut cependant préciser que cela n’a rien de scientifique ; la divination par groupe sanguin est une aimable blague. Mais cela correspond en un sens à la pensée ma, qui apprécie les catégories. Une tendance qu’on retrouvera, cela va sans dire, dans le reste du monde. Les gens aiment bien se retrouver dans des groupes : ça rassure. Comme il n’y a que quatre groupes sanguins — A, B, O et AB — et que tout le monde relève de l’un de ces groupes, ce petit jeu reste très populaire au Japon. Parfois, la divination tombe juste, et les gens peuvent mettre en scène les caractéristiques de leurs groupes respectifs.

Vie professionnelle et vie privée Au Japon, les entreprises traditionnelles ont tendance à ne pas respecter la vie privée de leurs employés : les heures supplémentaires abondent ; on travaille pendant -le week-end et on est prié de socialiser avec les collègues en dehors du bureau. C’est qu’une organisation structurée par la pensée ma demande à ses membres un sentiment d’appartenance qui s’étend au-delà du travail et s’introduit dans la vie privée. Cela n’a pas que des inconvénients. Contrairement à ce qui se passe dans les organisations ten, il n’est pas facile de licencier un employé ma ; les salariés, à leur tour, restent fidèles à la structure. Et les hausses de salaire récompensent l’ancienneté plutôt que les capacités. Dans une entreprise ma, les objectifs sont atteints par l’ensemble des employés plutôt que par la somme des efforts individuels. * Et voilà pour le ma et le ten — en espérant que ces explications vous ont intéressé et qu’elles vous seront utiles !

30


Les gens et le riz

L

人々と米

e riz est l’un des principaux super-aliments du monde de par sa richesse en éléments nutritifs. Il y a deux types de riz asiatiques : le riz indien et le riz japonais,

cultivé au Japon. C’est la famille impériale qui en a généralisé et modernisé la culture il y a maintenant deux mille ans. Les empereurs ont accordé aux samouraïs le droit de lever des impôts sur le riz cultivé sur leurs terres, s’arrogeant en échange celui de gouverner le pays. Le riz que les samouraïs collectaient ainsi leur servait à payer leurs vassaux et autres employés, si bien que le riz est devenu la base de l’économie japonaise, au même titre que l’argent. On peut tout faire avec le riz : du vin (saké [酒]), des gâteaux (mochi [餅]), du son (nuka [糠] : c’est l’enveloppe du riz brun que l’on ôte pour faire le riz blanc), ou encore de la paille (wara [藁]), qui sert à fabriquer plus d’un objet de la vie de tous les jours. Du reste, il n’est pas inexact d’affirmer que la culture de l’époque d’Edo reposait en grande partie sur l’existence du riz. Un exemple, tiré du son de riz, que l’on

田んぼ

Tanbo


Kôjimachi 5-chôme Ôyokochô — Aujourd’hui croisement du bloc de 4-chôme.

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1 : San'nô-sai [山王祭] Une parade organisée par le sanctuaire de Nagatachô, Hie-jinja [日枝神社]. Le Kanda-myôjin de Kanda était le plus grand festival d’Edo. Il coûtait si cher qu’il ne pouvait être organisé qu’une année

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sur deux. Pour acheter à leurs filles des kimonos dignes de cette occasion, les gens d’Edo se saignaient aux quatre veines. 2 : Tôfu-kozô [豆腐小僧] Un yôkai apprécié des enfants (voir page 202).


Un peuple citadin |町の人々

3 : Iwaki Masu-ya [岩城枡屋] Un grand magasin qui vendait principalement des kimonos. Il faisait à peu près la moitié de la taille de Mitsukoshi [三越], autre grand magasin très réputé de Tôkyô. Ses murs blancs étaient en plâtre ignifugé ; quant aux citernes disposées sur le toit, elles servaient en cas d’incendie.

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4 : Tekomai [手古舞] De ravissantes geishas conduisaient le défilé ; elles constituaient le clou du spectacle. 5 : Okami [女将] Les commerçantes faisaient porter leurs sacs par des kozô.

6 : Rônin [浪人] Ces samouraïs sans emploi étaient faciles à reconnaître : ils ne se rasaient jamais le crâne. 7 : Hanabi-uri [花火売り] Vente de petits feux d’artifice.

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8 : Kashihon-ya [貸本屋] Ce bibliothécaire ambulant allait de maison en maison pour prêter des livres, surtout aux femmes et aux enfants. Appartenant à un réseau national, il pouvait également commander des ouvrages pour ses clients. 9 : Négociantes en promenade dans leur quartier La dame en kimono [着物] violet est une femme mariée ; la jeune femme en rose, sa fille. Les jeunes femmes en bleu marine sont des femmes de chambre ; suivent des kozô ou decchi, des apprentis qui servent de porteurs et de commissionnaires.

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10 : Yoshizu-uri [葦簀売り] Marchand ambulant de visières en roseau, destinées à protéger des rayons du soleil. Activité purement estivale ! 11 : Hôki-uri [箒売り] Marchand ambulant de balais fabriqués avec des branchettes. 12 : Abura-uri [油売り] Marchand ambulant d’huiles

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variées, à tous les prix, y compris des huiles de cuisine et celles dont on se sert pour les lanternes (andon [行灯]). 13 : Machi-kago [町籠] Taxi à la manière d’Edo. À l’époque d'Edo, il n’y avait pratiquement pas de chevaux en ville. On évitait même d’utiliser des charrettes à roues, qui abîmaient les chaussées.


16 : Hanshi [藩士] Samouraïs de province, ils avaient en général de longues périodes de loisir et aimaient à flâner dans Edo. 17 : Sakana-ya [魚屋] Ce vendeur de poisson ambulant parcourait toute la ville avec ses paniers. À l’heure du déjeuner, il n’avait souvent plus rien à vendre.

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Un peuple citadin |町の人々

14 : Kaname-sushi [要寿司] À l’origine, ils étaient vendus dans des étals. Par la suite, les restaurants de sushi commencèrent à proliférer, avec des offres très variées. 15 : Tamai-Kôtarô [玉井香太郎] Le magasin de cosmétiques le plus réputé d’Edo. Il suffisait d'exhiber le papier d’emballage de Tamai-Kôtarô pour paraître à la mode.

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18 : Tôjin'ame-uri [唐人飴売り] Ces vendeurs ambulants portaient des costumes chinois, jouaient de la trompette et dansaient… pour vendre leurs bonbons aux enfants. 19 : Hatamoto [旗本] Vassaux de la classe moyenne supérieure. Ils portaient des lances, ce qui indiquait

leur statut familial et social. Ils se déplaçaient à cheval et revêtaient des kimonos kataginu [肩衣], autre signe de noblesse. 20 : Nuppera-paff [ぬっぺらぱふ] Un yôkai [妖怪] blanc, presque translucide (voir page 200).

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180 : Logement d’un charpentier dans une ura-nagaya [裏長屋] Sa marque était gravée sur le linteau de la porte. 181 : Dorobô [泥棒] Ce voleur a une spécialité : les vêtements. 182 : Noguchi-ya Matakichi [野口屋又吉] Un restaurant. 183 : Mikawa-ya Yamashiro [三河屋山城] Confiserie qui vend des tsuru-no-ko [鶴乃子]. 184 : Biwa-hôshi [琵琶法師] Musicien aveugle qui

raconte des histoires en s’accompagnant du biwa. 185 : Taiko-uri [太鼓売り] Ce vendeur ambulant de taiko (tambour japonais) joue également du tambour pour annoncer l’heure. 186 : Komusô [虚無僧] Prêtre bouddhiste. Il portait un chapeau en bambou et jouait du shakuhachi [尺八] pour recevoir des aumônes. Même les samouraïs pouvaient devenir prêtres. Certains traversaient le pays pour accomplir leur vengeance.

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apprenaient la danse et la musique aux jeunes filles issues de familles aisées (lignées de samouraïs ou de commerçants) . 191 : Matsuzaka-ya Shôhachi [松坂屋] Boutique de tofu [豆腐] et d'atsuage [厚揚げ] (tofu frit). 192 : Kinokuni-ya Heiroku [紀伊國屋平六] Boutique de miso, de sauce soja shôyu [醤油] et de légumes en saumure, tsukemono. 193 : Shôyu-uri [醤油売り] Marchand de sauce soja.

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187 : Enfants jouant avec des doro-menko [泥面子], de petits disques d’argile ou de porcelaine. 188 : Kiseru-uri [煙管売り] Les kiseru sont de longues pipes à tige fine. Tout le monde ou presque fumait à l’époque d'Edo : jeunes et vieux, hommes et femmes, pauvres et riches. 189 : Daimyô-norimono [大名乗物] Le daimyô voyageait dans un luxueux palanquin. 190 : Jeunes filles d’Edo dansant. Des femmes

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194 : Kuzu-ya [屑屋] Ce marchand itinérant, qui se déplaçait toujours avec sa balance, collectait des bouts de métal et de papier. 195 : Yomiuri [読売り] Marchand de nouvelles et de ragots. Comme ses informations étaient confidentielles, il se dissimulait le visage, prêt à

prendre la fuite une fois sa révélation vendue. 196 : Eejanaika [ええじゃないか] Fête religieuse où les croyants dansaient, très populaire à la fin de l’époque d'Edo. Des amulettes en papier pleuvaient du ciel — mais, comme je le dépeins ici, peutêtre étaient-elles simplement lancées des toits.

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197 : Ura-nagaya-no-Inari [裏長屋の稲荷] Les nagaya disposaient toutes d’un autel à Inari. 198 : Setomono-don'ya [瀬戸物問屋] Boutique qui vendait des poteries provenant du Japon, mais aussi de Chine et de Corée. 199 : Kasa-don'ya [傘問屋] Vente de jolis parapluies et parasols, en général fabriqués à Kyôto. 200 : Nagamochi [長持] Coffre à kimonos. 201 : Cha-tsubo [茶壺] Grand bocal pour conserver

les thés de bonne qualité. 202 : Tori-uri [鶏売り] Marchand de poulets vivants. Dans nombre de maisons d’Edo, les poules étaient considérées comme des animaux de compagnie. On les nourrissait de restes de riz et de légumes. 203 : Tsuki-otoko [搗き男] Cet artisan abrasait le riz complet à l’aide d’un maillet et d’un mortier de bois.

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204 : Asagao-uri [朝顔売り] Marchand de plants de volubilis. Les samouraïs cultivaient ces jolies fleurs, qui évoquent l’été, et les revendaient à prix d’or. 205 : Hatsu-gatsuo [初鰹] Comme la fraîcheur du poisson est d’une importance vitale pour les consommateurs, les poissonniers avaient le droit de passer devant le palanquin d’un daimyô.

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205

La prise du premier thon de l’année (hatsu-gatsuo [初鰹])était un des grands événements de l’été ; certains citadins déboursaient jusqu’à trois ryô (300 000 yens) pour la livraison de l’année. Mais les poissonniers n’étaient pas les seuls à pouvoir brûler la politesse aux daimyô : les sages-femmes avaient aussi ce privilège.


qui était la règle à l’époque d'Edo. Il pouvait s’enorgueillir de compter parmi ses clients l’une des trois grandes maisonnées de Nagoya apparentées au shogun.

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Un peuple citadin |町の人々

206 : Ninja [忍者] Les ninjas protégeaient le cortège du shogun. Pour se fondre dans la foule, ils s’habillaient comme des citadins ordinaires. 2 0 7 : F u k u z a w a S a n ' e m o n [福沢三右衛門] Artisan qui fabriquait des arcs en bambou, ce

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208 : Machimawari-dôshin [町廻同心] Fonctionnaire du bakufu qui servait de gardien de la paix. Il patrouillait dans le quartier et veillait au maintien de l’ordre. 209 : Tsuji-uranai [辻占い] Cet astrologue prédisait l’avenir au coin de la rue. 210 : Nuke-mairi [抜参り] Journées de congé pour

aller en pèlerinage à Ise. Le sanctuaire d’Ise [伊勢 神宮] était l’un des plus réputés à l’époque d'Edo ; les patrons permettaient à leurs employés de s’y rendre. En chemin, ces derniers mendiaient à l’aide de louches, hichaku [柄杓]. Des enfants s’y rendaient parfois en groupe, ce qui ne présentait à l'époque aucun danger.

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Kashi-ya 菓子屋

E

do était le premier marché de l’archipel pour les confiseries traditionnelles, wagashi

[和菓子].

Il s’y trouvait un grand nombre de kashi-ya

[菓子屋]

où se les

procurer. Sans doute était-ce dû à la concentration élevée de résidences nobles et à la puissance de la société féminine, oku [奥]. De même que les auberges, les confiseries étaient le plus souvent dirigées par des femmes. Des jeunes filles issues de familles pauvres entraient par ce truchement dans l'oku, nouant des liens solides avec les familles nobles dont elles adoptaient les manières. Devenues de fidèles clientes de telle ou telle confiserie, les grandes familles et les ô-oku

[大奥],

les femmes de la famille du shogun, leur accordaient le droit de mentionner leur soutien sur leur enseigne — un précieux avantage sur la concurrence. Les friandises pour enfants provenaient plutôt des étals de rue, dagashi-ya [駄菓子屋]. Le haricot rouge, azuki [小豆], est un des ingrédients de base de la confiserie japonaise ; il sert à confectionner l'anko [餡子], la pâte de haricot. On se sert également du mochi [餅] (riz gluant), du mizuame [水飴] (sirop de riz), parfois de la farine de sarrasin (notamment pour les petits pains sucrés manjû ou d’herbe aux flèches 80

(kuzu [葛]).

[饅頭]),

d’algues yôkan [羊羹] et kanten [寒天],


落雁

羊羹

La forme et la couleur de ces sucreries qui accompagnaient le thé dans les maisons nobles change avec les saisons.

Une sorte de friandise connue sous le nom de higashi [干菓子], à base de farine de riz et de sucre et en forme de fleur ou d’animal.

Gelée à base d’algue et de pâte de haricot rouge, anko. L’une des friandises les plus populaires au Japon.

Neri-gashi

Rakugan

Yôkan

蒸し饅頭

団子

桜餅

Autre dessert très apprécié, petit pain cuit à la vapeur et fourré à l'anko.

La plus populaire des friandises japonaises. Ces boulettes de riz gluant sont écrasées, r o u l é e s , c u i t e s a u fo u r e t grillées en brochette. Elles peuvent être consommées de diverses manières.

Boule de mochi fourrée à l'anko et enveloppée dans une feuille de cerisier salée au préalable. L’arôme de la feuille pénètre dans la pâte de riz. Il existe une variante à base de feuille de cyprès, kashiwa-mochi [柏餅], que l'on consomme en mai.

Mushi-manjû

Dango

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練り菓子

Sakura-mochi

三色牡丹餅

Sanshoku-botamochi

Boule de mochi fourrée à l’anko et recouverte de farine de soja, de sésame ou d’une autre couche d’anko. Cette friandise également populaire se vendait chez O-tetsu [おてつ], un salon de thé situé en face du terrain d’entraînement des samouraïs, à Kôjimachi 3-chôme.

どら焼き

カステラ

Une crêpe ronde fourrée à l'anko. L'ancêtre de ce dessert très populaire, le sukesô-yaki [助 惣焼き], était vendu à Kôjimachi. par la pâtisserie Tachibana-ya

Génoise inspirée des gâteaux importés dans l'archipel au XVIe siècle. Le castella connut une immense popularité au XIXe siècle.

Dorayaki

Castella

[橘屋]

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Kimonos des gens du peuple

庶民の着物

友禅

Yûzen

Élégant et bariolé, le kimono yûzen était confectionné à partir de plusieurs coupons de soie à motif. À gauche sur l’illustration, un kimono furisode [振り袖] porté par les jeunes filles. À droite, un kimono tomesode [留袖], plus sobre, plus cérémonieux, destiné aux femmes mariées.

浴衣

Yukata

Kimono en coton, encore couramment porté en été. À l’époque d'Edo, ce vêtement décontracté était surtout utilisé après le bain.

単衣

Hitoe Kedashi

Illustration inspirée de Suzuki Harunobu

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Kimono léger, porté essentiellement du printemps à l’automne. Adapté à la vie de tous les jours, en coton ou en chanvre. Du reste, les citadins ordinaires n’avaient pas le droit de se vêtir de kimonos en soie. Pour avoir plus chaud, on pouvait porter un « sous-kimono », (kedashi [蹴出し] ou suso-yoke [裾よけ]). Ou encore un benibana-zome [紅花染め] de couleur rouge, très répandu à l’époque.


Date-eri

晴れ着

Hare-gi

Un peuple citadin |町の人々

Kimonos élégants portés pendant les fêtes et les cérémonies par les petites gens d’Edo. L’illustration représente un artisan et sa famille, dont une petite fille de sept ans, en route pour le sanctuaire shintô.

Mae-kake Yumoji

仕事着

Shigoto-gi

Kimono de travail. À gauche, une femme vivant dans une ura-nagaya [裏長屋]. Comme elle a très souvent les mains dans l’eau elle a relevé les manches de son vêtement. À droite, en bleu, l'employée d'un salon de thé. Elle porte un kimono dont le col reprend un motif très répandu, le date-eri [伊達衿]. La mode des cols noirs se répandit à la fin de l’époque d'Edo. Son tablier, ou mae-kake [前掛け], est très élégant.

P

Illustration inspirée d'Utagawa Toyokuni

ortés à l’origine comme sous-kimonos par les aristocrates, les kimonos du petit peuple d'Edo sont de style kosode [小袖]. Les gens du peuple les avaient adoptés

sans leurs ornements traditionnels, une mode plus simple qui se répandit en ville. Les kimonos japonais se caractérisent par leur manches carrées et leurs tissus non

extensibles — une propriété adaptée au climat humide du Japon. Les kimonos féminins, très longs, touchent les planchers en leur extrémité inférieure ; ils sont cependant équipés de cordelettes permettant de les relever lorsque les femmes 93


La société des samouraïs

D

武士の社会

u XIIe au XVIesiècle, époque d’armures et de châteaux ceints de douves, les samouraïs constituèrent une caste essentiellement militaire. En haut de la page

ci-contre, j’ai représenté Kuroda Nagamasa [黒田長政 ], l’un des dix principaux vassaux de Tokugawa Ieyasu [徳川家康]. Les seigneurs samouraïs de l’époque dite « des provinces en guerre » (sengoku jidai [戦国時代]) revêtaient avec fierté ces armures spectaculaires tandis qu'ils menaient leurs armées vers le champ de bataille. Avec l’affaiblissement du pouvoir impérial, les samouraïs gagnèrent en importance. Les plus nobles d’entre eux étaient soit liés par le sang à la famille impériale, soit issus de familles nobles établies de longue date. Quant aux samouraïs d’un rang intermédiaire, ils provenaient souvent de milices de village ; les plus humbles d’entre eux étaient tout simplement des fils de fermiers. Hommes d’honneur, les samouraïs s’affrontaient fréquemment en duel au début du Moyen-Âge japonais, tels les chevaliers des nations occidentales. Le duel laissa place aux guerres vers la fin du XIIIe siècle, quand les nations étrangères menacèrent l’indépendance de l’archipel. La première attaque fut menée par Genghis Khan, le fondateur de l’empire mongol, qui avait déjà conquis des pays entiers. Il débarqua au Japon avec une armée coréenne. Après avoir dévasté les îles situées entre la péninsule coréenne et le Japon, ses forces parvinrent bientôt à Fukuoka, mais les samouraïs purent contrer l’invasion. La seconde invasion mongole fut encore plus massive : 150 000 assaillants, soit quatre fois plus que lors de leur première tentative. Durant un violent affrontement, 4 000 navires mongols et coréens furent détruits par un typhon providentiel, acculant les envahisseurs à battre en retraite. Cette tempête fut baptisée par les Japonais kamikaze [神風] « vent des dieux ». Au XVIe siècle, le taikun [大君] Toyotomi Hideyoshi [豊臣秀吉] unifia

le Japon — et n’hésita pas à lancer une

contre-attaque sur la Corée, dans l’espoir de parvenir jusqu’en Chine. L’armée de Toyotomi atteignit les faubourgs de Séoul, où elle se confronta aux forces chinoises et coréennes, la Corée étant à cette époque sous la coupe de la Chine. Mais la mort de Toyotomi lui-même mit fin à ces vélléités de conquête. 106


Avec l’avènement de l’époque d'Edo, les conflits, tant civils qu’internationaux, s’éteignirent militaire des samouraïs fut réduit à sa plus simple expression jusqu’à la fin du XIXe siècle.

La société des samouraïs Contrairement à celle des roturiers, la société des samouraïs était d’essence féodale. Le chef des samouraïs était le shogun, que l’on appelait plus diplo-

Samurai et Châteaux |侍と城

presque entièrement au Japon. Le rôle

matiquement le taikun. Son rôle était similaire à celui d’un Premier ministre aujourd’hui ; l’empereur lui transmit d’ailleurs les rênes du gouvernement. Même si la famille impériale, avec ses deux mille ans d’histoire, avait préséance sur les militaires, le pouvoir appartenait au shogun. Ce système à deux niveaux fonctionne encore de nos jours. La présence de l’empereur faisait figure de « symbole d’absolue moralité ». Le shogun et les daimyô exerçaient leur pouvoir dans un cadre défini par cette moralité, et se devaient de maintenir la paix dans le pays. Si le taikun avait voulu s’en prendre à l’empereur, il serait devenu de facto devenu le roi du Japon. Mais il était plus profitable pour lui d'user de l’influence morale de l’empereur sur la société, si bien que le statu quo lui était préférable. La famille impériale vivait à Kyôto, tandis qu’Edo était le royaume du shogunat, sous le gouvernement duquel naquit la ville de Tôkyô. Pour renforcer les liens entre les deux niveaux du pouvoir, les taikun commencèrent à épouser des femmes de sang impérial à compter du troisième shogun. Le Japon avait ainsi deux capitales, Edo et Kyôto. Le bakufu instaura des lois strictes qui régissaient tant la noblesse que les communautés religieuses qui lui étaient étroitement attachées. La famille impériale avait introduit le bouddhisme pour peser sur la politique, la culture et l’éducation. À présent, les religieux passaient sous la coupe du bakufu. Leur rôle principal était de s’assurer que les gens du peuple s’affiliassent à un ninbetsu-chô [人別帳] au sein d’un temple spécifique. Ainsi, le peuple était contraint d’observer le culte bouddhiste, sans nécessité de conversion ; les aspirations au christianisme, elles, étaient étouffées dans l’œuf. 107


Épées japonaises

O

日本刀

n dit des épées japonaises, les katana [刀], qu’elles sont les lames les plus

tranchantes au monde. Bien plus tranchantes que vos couteaux

de cuisine, c’est une certitude… À l’époque d'Edo, un samouraï portait deux sabres à sa ceinture, le tachi

[太刀] et le

wakizashi [脇差し],

qui pouvaient respectivement mesurer jusqu’à 90 et 60 centimètres environ. Les femmes des familles de samouraïs possédaient de courtes épées, les aikuchi [匕首], qu'elles transportaient en journée dans un petit sac en soie attaché à leur ceinture. Ces dagues ne servaient que pour les suicides. Pour combattre, les femmes maniaient le naginata [薙刀], une arme beaucoup plus longue. La katana était à l’origine une épée à double tranchant. Elle n’a pris sa forme définitive qu’au XIe siècle. Le tachi — voir l’illustration ci-dessous — était suspendu à la ceinture par deux cordelettes ; il servait au combat à cheval. Les épées japonaises sont en effet incurvées, ce qui les rend particulièrement maniables par un cavalier. L’impact est moindre au combat rapproché, mais la lame risque moins de se briser. Du reste, ceci n’est pas une caractéristique du katana : d’autres chevaliers brandissaient à la même époque, dans d’autres parties du monde, des lames incurvées. Étant essentiellement l’apanage des commandants, le tachi n’était que rarement utilisé. L’empereur avait coutume d’en offrir un au shogun avant de l’envoyer mater les rébellions. C’étaient le naginata et le nagamaki [長巻き] à longue poignée que l’on dégainait sur le champ de bataille, ainsi que les lances. Les samouraïs ordinaires n’avaient pas accès aux arcs ni aux armes à feu. Tokugawa Ieyasu [徳川家康] lui-même était réputé pour ses talents de lancier et de tireur. Katana ancien : tachi

116


Non seulement très tranchants, les katana sont également d’une redoutable précision. Leurs lames, fabriquées par mélange d’aciers plus ou moins durs selon une technique du fourreau a deux fonctions : protéger l’épée et servir de bouclier. Si nombre d’autres pays se sont essayés à la production d'épées japonaises, comme la Corée, la Chine ou l’Allemagne, le véritable sabre japonais ne peut être que forgé au Japon. En effet, l'acier tama-hagane [玉鋼] des lames est produit selon la méthode dite tatara-seitetsu [たたら製鉄], dont seuls les artisans japonais ont la maîtrise. La plupart des hommes possédaient des armes, de nombreux fermiers ayant participé aux guerres civiles pré-Edo. Après l’avènement du clan Tokugawa, seuls les samouraïs furent toutefois autorisés à porter des épées en public. Lorsque les gens du peuple partaient en voyage, ou s’ils obtenaient la permission de s’armer pour toute autre raison,

Samurai et Châteaux |侍と城

XIIe siècle, sont très délicates, sensibles à la rouille et nécessitent des soins réguliers. Le

ils se servaient alors d’un wakizashi ordinaire. Symboles de la loyauté des samouraïs, les épées japonaises constituaient des cadeaux appréciés. Les guerriers de haut rang se voyaient offrir des épées magnifiquement ornementées, forgées par d’habiles forgerons ; ceux de rang inférieur recevaient en guise de récompense des épées renommées qui avaient servi à leurs supérieurs. La valeur des katana comme œuvre d’art s’accrut considérablement pendant l’époque d'Edo, ce qui ne les empêchait pas d’être parfaitement fonctionnels. Avant le XVIe siècle, la célébrité de certaines de ces lames ne tenait pas seulement à la réputation de leurs forgerons mais aux faits d’armes auxquels elles avaient participé. Au XVIIe siècle, on commença à tester les nouvelles lames sur les criminels, comme mentionné ci-avant. Cette pratique ayant été abolie par le cinquième shogun, Tsunayoshi, les expérimentateurs durent toutefois se contenter du cadavre des prisonner exécutés. La plupart des samouraïs possédaient chez eux plusieurs épées, toutes capables de trancher l’acier, y compris celui des heaumes ennemis. Et même les balles, ce qu'ont démontré les expériences effectuées. En conséquence, et dans les combats rapprochés, ces épées portaient au corps humain des coups souvent fatals. Ceci étant, comme les épées pouvaient aussi se casser, le samouraï en avait toujours une de rechange. Nous allons maintenant étudier les

Naginata

diverses parties de l’épée.

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Les passe-temps des samouraïs

D

武士の趣味

urant l’époque d'Edo, les samouraïs avaient du temps libre. Et, en l’absence de tout conflit, les familles ne cessaient de croître. Leurs choix professionnels étaient

limités ; et même ceux qui avaient un emploi ne l’exerçaient que quelques jours par an,

le système limitant le travail à trois familles qui l’accomplissaient au cours de l’année. Le bakufu créa un service spécifique, le kobushin-gumi

[小普請組], dédié aux samouraïs

sans emploi. Du temps libre à revendre et des salaires qui n’augmentaient guère : les samouraïs en profitèrent pour se plonger dans les mathématiques et la littérature. Ils étaient curieux et adoraient débattre, selon les quelques voyageurs européens qui avaient pu se rendre au Japon à cette époque. Passe-temps répandus : la pêche, l’élevage de petits oiseaux et de poissons rouges, (kingyo [金魚]), le jardinage et la confection de petites serviettes décoratives (tenugui [手ぬぐい] ).

Jardiniers émérites, les samouraïs exposaient leurs réalisations dans des foires horticoles. Ils étaient réputés pour leurs volubilis (asagao [朝顔]), leurs chrysanthèmes (kiku [菊]) et leurs bonsaïs [盆栽]. Les omoto et les matsuba-ran sont un choix plus singulier. Comme vous pouvez le constater avec l’illustration ci-dessous, ce sont des plantes assez ingrates. Elles ne produisent pas de fleurs extraordinaires et se ressemblent furieusement, mais elle font les délices des connaisseurs, qui apprécient le nombre et la rareté de leurs variétés — dont certaines se monnayaient à des millions de yens. Si les omoto et les matsuba-ran vous fascinent, vous avez peut-être de fortes tendances samouraï.

万年青

松葉蘭

Le omoto (lis sacré du Japon, Rohdea Japonica) pousse sur les rochers et procure, de par ses formes uniques, de grands plaisirs à qui les cultive. En produire une variété nouvelle, qui pouvait valoir le prix d’une maison, était le symbole d’un statut élevé.

Le psilote nu (matsuba-ran signifie orchidée « aiguille de pin ») est une étrange plante sans feuilles, dont les samouraïs cultivaient de rares variétés aux formes originales et uniques. Elle se répandit au milieu de l’époque d'Edo. Un manuel en recense plus de 120 variétés, dont les plus rares se vendaient très cher.

Omoto

126

Matsuba-ran


忍 者 Ninja L

es ninjas se sont rendus célèbres dans le monde entier. Et pourtant, ce qui se dit de ces guerriers d’un genre particulier n’est pas toujours exact, provenant

en général d’une littérature de fiction postérieure à leurs exploits. Du XIIIe au XIXe siècle, les ninjas servirent d’espions et de mercenaires ; après l’époque d'Edo, leurs techniques spécifiques furent adoptées par l’armée régulière. De même que les samouraïs, les ninjas appartenaient à l’origine aux comités de vigilance constitués dans les villages. Ils adaptèrent les techniques des forestiers, des chasseurs et des moines itinérants, tous types d’individus habitués à vivre dans des conditions difficiles au sein d’une nature hostile. Alors que les samouraïs, guerriers épris de loyauté, combattaient avec des techniques évidentes, les ninjas préféraient agir de manière plus furtive. Les samouraïs n’hésitaient pas à sacrifier leur propre vie ; les ninjas n’éprouvaient aucun scrupule à fuir, reculant pour mieux sauter. Si les loyaux samouraïs étaient faciles à contrôler, il fallait cependant que les généraux puissent compter sur des unités plus mobiles, plus stratégiques — rôle joué par les ninjas. Éclaireurs, espions, ils cherchaient la faille dans la cuirasse de l’adversaire avant que les troupes régulières ne s’engagent au combat. Malheureusement, peu de documents historiques peuvent nous renseigner sur leurs faits et gestes, souvent couverts par le secret. Indispensable à leur sécurité ! Ce que nous connaissons aujourd’hui des ninjas — leurs techniques de nin-jutsu, leurs costumes — provient de romans et de nouvelles écrites pendant la très pacifique époque d'Edo et non pas au XVIe siècle, période de leur apogée. Quant à leur l’entraînement, il n’a été popularisé qu’au XXe siècle.


撒き菱

Maki-bishi

À l ’o r i g i n e , o n u t i l i s a i t d e s châtaignes d’eau (hishi [菱]) séchées, que l'on les disper sait sur les chemins pour ralentir l’ennemi. Qui aurait pu soupçonner que ces aliments si communs pussent servir d’armes ninja ?

Maki-bishi « naturelles ».

Maki-bishi en fer

苦無

Kunai

Sorte de gros shuriken, avec lequel on pouvait creuser des trous ou escalader un mur.

鍵縄

Kagi-nawa

Petite ancre f ixée à une corde, qui servait à mesurer et à escalader les murs des châteaux ennemis.

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火矢

Hiya

N i n j a | 忍者

Flèches enflammées. Celles des ninjas n’étaient pas enduites d’huile mais de poudre ; leur effet était semblable à celui d’une roquette. Elles servaient à incendier des objectifs éloignés.

Shikoro

Petite scie de charpentier, pour découper portes et verrous.

鳥の子

Tori-no-ko

Petits pétards bruyants qui dégageaient une fumée intense, semant ainsi la confusion chez l’ennemi et couvrant la fuite des ninjas. Les explosifs des ninjas étaient puissants et destructeurs.

水蜘蛛

Mizu-gumo

« Araignées d’eau », sans doute utilisées pour traverser des cours d’eau, même si leur véritable usage demeure inconnu. Leur forme singulière permettait peut-être aux ninjas de marcher sur le fond des douves sans s’enfoncer dans la boue.

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水遁の術

Suiton-no-jutsu La plupart des demeures nobles et des châteaux disposaient de douves ou d’étangs. L'élément liquide étant un excellent conducteur de son, les ninjas à demi-immergés guettaient la surface pour surprendre une conversation, ou attendaient sous l’eau le moment où la voie serait de nouveau libre.

聞き耳

Kiki-mimi

Les amateurs de films historiques se souviennent tous de ce genre de scène : un ninja en quête de conversation à espionner, rôdant dans les recoins d’une vaste propriété. Les gardes étaient naturellement conscients de ce danger, ce qui compliquait les choses pour les ninjas. Comme une respiration un peu trop sonore était susceptible de les trahir, ils avaient perfectionné la technique du kiki-mimi et pouvaient, même après un effort prolongé, s’abstenir de respirer.

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妖 怪 Yô k a i L

e Japon, dit-on, est le pays qui héberge le plus de créatures surnaturelles — de yôkai — au monde. J’en ai moi-même découvert plus de trois mille, en

comptant les fantômes et les phénomènes inexpliqués, les êtres féériques et les dieux. Le terme de yôkai s’est popularisé pendant l’époque d'Edo ; il englobe une très grande variété d’entités surnaturelles. Autrefois, les démons, les esprits vengeurs, les dieux maléfiques et les fantômes appartenaient à des catégories différentes, ce qui n’a pas vraiment de raison d’être. Le shintô compte bien huit millions de dieux (Yaoyorozu-no-kami). Plus généralement, les yôkai sont des créatures qui vivent en dehors de la société humaine. En d’autres termes, tous les phénomènes qui dépassent la connaissance humaine ou se situent au-delà de ses activités sont dits yôkai. En japonais, le terme kami inclut tous les dieux des religions, ainsi que les esprits et les éléments sacrés de la nature. Pour moi, c’est du « yokaïsme » plutôt que de l’animisme. Une des différences entre le shintô et le christianisme est qu’il n’y pas de diable dans le shintô. Les dieux y sont plus passifs ; et comme les pratiques religieuses sont assez réduites, il n’existe pas vraiment d’entités mauvaises qui voudraient gêner les croyants dans l’exercice de leur foi. Si nombre de dieux ou de démons japonais peuvent causer du tort aux humains, ils ne sont jamais complètement mauvais. Il n’y a pas d’équivalent au satanisme dans la religion japonaise.


傘お化け

Kasa-obake Ce fantôme affecte la forme d’un vieux parapluie japonais (kasa) déchiré. Les enfants appellent les fantômes des o-bake. Le kasa-obake possède une longue langue et une geta à son unique pied. L e s e n f a n t s d e l’é p o q u e d ’ E d o aimaient bien ce yôkai, qui n’est pas réellement dangereux. Il cherche juste à vous surprendre… Les yôkai font peur, rien de plus. Et leur simple existence suffit à combler les enfants.

木乃子

Ki-no-ko La ki-no-ko est une fée des arbres qui vit au cœur des forêts. Elle ressemble à un enfant et porte des vêtements verts, fabriqués avec des feuilles, peut-être. Bien qu’elle semble faite d’ombre et qu’elle soit translucide, on peut quand même la voir. Elle parvient parfois à détourner votre attention et vous vole alors votre boîte à déjeuner (bentô

[弁当]).

C'est pourquoi il faut faire attention quand on se promène dans la forêt.

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L e s Yô k a i | 妖 怪

キジムナー

Kijimunâ C’est une fée qui vit au sommet des vieux arbres d’Okinawa. Son aspect peut varier : parfois couverte de poils,

dans votre sommeil et éteindra votre

elle peut aussi ressembler à un enfant

lanterne si vous marchez seul la nuit.

rouge, ou à un nain. Elle adore manger

Elle est la gardienne des arbres : si

les têtes de poisson et leur œil gauche.

vous coupez un arbre ou lui faites du

Elle aide les pêcheurs dont elle est

mal, elle se vengera, fera mourir votre

l'amie, mais déteste les pieuvres et les

bétail ou coulera votre bateau. Invisi-

pets. Si vous pétez sur le bateau, elle

ble le jour, elle commettra ses méfaits

disparaît !

de nuit si vous dites du mal à son sujet.

Farceuse, elle vous fera manger de la terre, vous attirera dans les creux des arbres, s’installera sur vous 153


コロポックル

Korpokkur / Korbokkur Nain aïnou [アイヌ] qui ne mesure que

percé d'un trou dans son jardin. Le

30 cm, son nom signifie « personne

ninguru s'y glisse et s’en gave tant et

vivant sous une feuille de pétasite ».

si bien qu’il ne peut plus en ressortir :

Les pétasites de Hokkaidô sont les

c’est ainsi qu’on attrape les ninguru !

plus grands du Japon ; ils peuvent at-

On prétend que pendant la Seconde

teindre un mètre de diamètre, ce qui

Guerre mondiale, l’armée japonaise

suffit à cacher n’importe quel nain.

voulut recruter des ninguru pour en

Le korpokkur vit de pêche. Même s’il

faire des espions, mais elle ne fut pas

évite les humains, il semblerait qu’il

capables d’en attraper un seul.

partage parfois ses prises avec des familles Aïnous.

Le ninguru fait l'objet de nombreuses autres légendes au Japon, où

Un jour, raconte-t-on, un jeune

il existe trois grandes cultures : celle

homme vit une main glisser par la

des Ryûkyû

porte entrouverte un poisson dans sa

Okinawa), de Yamato

maison. Il se rendit compte que cette

Aïnous. Nul ne sait si ce dernier peuple

main appartenait à une minuscule jeune

est arrivé au Japon par le Nord à l’Âge

femme d’une grande beauté. Elle était

de pierre, ou s’il y a toujours vécu.

[琉球]

(archipel où se situe

si vexée d’avoir été repérée que le village entier dut changer d’emplacement. Le ninguru

[ニングル]

est

encore plus petit : 3 cm ! Dans le Hokkaidô, on a coutume de laisser un melon Korpokkur

Ningur

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[大和]

et des


L e s Yô k a i | 妖 怪

ろくろっ首

Rokurokkubi Autre yôkai très connu, qui apparaît dans de nombreuses légendes. En plein milieu de la nuit, le cou d’une femme noble ou d’une épouse de samouraï s’étire démesurément et la

se détachait de leur cou (qui n’était

femme se met à laper

pas infiniment long) et essayait de

l’huile de la lanterne

les manger. Si cela vous arrive, il faut

en papier (andon).

impérativement trouver le corps

Au XVIIIe siècle,

correspondant à la tête et le déplacer ;

après la promulgation de

la tête ne pourra pas le retrouver. Malheureusement, vous devrez continuer à vous battre contre la tête jusqu’à la fin de la nuit. Quand le soleil se lèvera, la tête disparaîtra. Tenez bon !

l’« Interdiction des traitements cruels infligés aux créatures vivantes », la consommation de viande fut interdite. Les femmes pauvres, dont le régime était déséquilibré, prirent l’habitude de lécher l’huile végétale des andon. Dans les familles très pauvres, on utilisait une huile de poisson dont le goût était infect. On parle aussi d’hommes qui se perdaient dans les montagnes et qui, sans s’en rendre compte, passaient la nuit dans des maisons appartenant à des yôkai. Pendant qu’ils dormaient, la tête des rokurokkubi 155


Yôkai apparaissant dans les maisons 家屋敷に出る妖怪 Nombre des yôkai présentés ci-avant — le binbô-gami, le nari-ya, le zashikiwarashi — peuvent apparaître dans les maisons. En voici d’une autre sorte. La maison devrait être une forteresse de réconfort. Mais comme les murs vous séparent du monde extérieur, vous sentez immédiatement ce qui en trouble la sécurité. Des maisons hantées, il y en a dans le monde entier. Les yôkai dont je vais vous parler appartiennent cependant à une espèce parfaitement unique. Les Japonais pensent que lorsqu’on jette un ustensile domestique, il se transforme en un oni

[鬼]

du nom de tsukumo-gami. Cette légende prit forme au Xe siècle

parmi la noblesse de Kyôto. Une fois par an, les tsukumo-gami traversent la ville en cortège — et ceux qui le voient passer meurent. En cette époque de superstitions, la connaissance des causes réelles présidant aux phénomènes naturels n’était, il faut le dire, pas encore parfaitement établie.

垢舐り

Aka-neburi L’aka-neburi apparaît dans les salles de bain et lèche les dépôts de crasse dans les baignoires, les seaux, voire les corps des gens qui ne se seraient pas assez baignés. Aka, c’est la crasse ; neburi est un terme ancien qui signifie « lécher ». Et si les Japonais sont si propres, c’est peut-être parce qu’ils n’ont pas envie de se faire lécher par la longue langue d’aka-neburi. 166


灰坊主

L e s Yô k a i | 妖 怪

Aku-bôzu Ce yôkai inoffensif vivait, dit-on, dans la cendre du foyer. À l’époque d’Edo, les âtres des cheminées se trouvaient au milieu de la pièce à vivre ; aku-bozû y apparaissait quand vous attisiez le feu ou que vous preniez deux bains dans la même journée. Comme les Japonais du Tohôku, au Nord de l’archipel, passaient leurs journées blottis autour de l’âtre, akubôzu était brandi comme une menace pour discipliner les enfants récalcitrants.

足洗邸

Ashiarai-yashiki Ce y ô k a i h a nt a i t

en entendit parler

la maison d’un

et déclara au bakufu

samouraï. Toutes les

qu’il voulait s’installer

nuits, une voix

dans cette demeure.

tonnait du pla-

Mais dès qu’il fut dans

fond : « ashi wo

la maison, le pied

arae ! » (« Lave-toi

disparut pour ne

les pieds ! »), et un

plus jamais revenir.

pied énorme et

Ce conte fait partie

malpropre apparaissait.

de ce que l’on appelle

Il ne repartait que lorsque

les Sept mer veilles

les femmes de chambre

d’Edo [江戸の七不思議].

l’avaient lavé. Un autre samouraï 167


Le guide illustré de l’époque d’Edo au Japon

Ce qu’on appelle l’époque d’Edo au Japon a duré de 1600 à 1868. Époque remarquable qui a mis fin à une longue période de guerre civile et qui a pu inaugurer et entretenir la paix pendant deux siècles et demi. Ce qui est remarquable avec la culture d’Edo, c’est son absence criante de relations avec le reste du monde — une autarcie qui a permis l’épanouissement d’une société unique et originale en Extrême-Orient.

Z E N Y O J I

En cinq chapitres d’une grande clarté et précision, l’auteur, qui est également l’illustrateur de l’ouvrage, nous plonge dans cette fascinante époque. En sortant de cette lecture vous saurez tout sur les us et coutumes de l’époque Edo, les samouraïs, les ninjas, les Yôkai, les châteaux, les kimonos, qui ont fait sa richesse et qui continuent à forger notre imaginaire !

F A N

T

A S T

I Q

U E E D O

ISBN : 978-2-35348-189-9 /18€

FANTAS TIQUE EDO

S U S U M U

ISBN : 978-2-35348-190-3/11€


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