Numéro 3, Septembre-Octobre 2011
Éditorial : PALINGÉNÉSIE
PALINGÉNÉSIE n.f. (gr. palin, de nouveau, et genesis, génération) Litt. Retour à la vie ; nouvelle vie. « Ma convalescence merveilleuse fut une palingénésie. Je renaquis avec un être neuf, sous un ciel neuf et au milieu de choses complètement renouvelées. » — André Gide, Les nourritures terrestres En cette rentrée, mêlée comme toujours d’appréhension et d’impatience, c’est au hasard des lectures qu’est apparu le mot qu’il fallait, poétique et inconnu jusqu’alors, pour exprimer notre joie de reparaître après quelques longs mois d’absence : le Gueuloir est en pleine PALINGÉNÉSIE et change de peau. Ceux qui en ont déjà tenu l’année dernière un exemplaire l’apprécieront mieux que les autres, qui eux auront à nous croire sur parole. Désormais, nous sommes un bimes-
triel : notre parution tous les deux mois nous permettra de faire des numéros plus complets, et de vous donner plus de lecture. Notre philosophie surtout change ; nous nous voulons moins ésotériques, plus dans le vent et à l’écoute de l’actualité, plus accessibles, plus impliquées dans la vie lycéenne. Pour cela entre autres, nous nous sommes décidément mises aux technologies nouvelles : le Gueuloir a maintenant sa panoplie de sites et de comptes, que vous pourrez apprécier en dernière page ; aussi nous chroniquons dorénavant systématiquement quelques unes des expositions en cours dans la région, ainsi que les films à l’affiche. Notre design évolue également. Moins de cadres, davantage de couleurs, une présentation radicalement différente et plus aérée, pour prendre plaisir à la lecture. Enfin, pour le dossier de ce numéro, nous sommes allées à la rencontre des personnes qui de par leur activité culturelle, animent et font remuer Nîmes, qu’on aurait tendance à croire dénuée de toute activité en matière artistique et culturelle : des artistes, des galeristes, des associations, des disquaires, des libraires… Nous nous sommes rendues compte qu’il ne suffit que de curiosité et d’écoute pour profiter de tout ce qui est à notre portée. Notre trio vous souhaite une bonne rentrée et réacclimatation au labeur ! • Morny (anciennement Castor)
DANS CE NUMERO Le dossier : Quelques personnalités nîmoises page 2 -Vincent et Pierre-Jean Teissier, libraires -Jacques Lafont et la galerie Le lac gelé - Isabelle Simonou-Viallat et la galerie La Vigie -Mathieu Simard et Géraldine Jeannon : Demande moi de m’arrêter -Alex Viltard et Fabien Tolosa, disquaires de 340 MS -Hélène Fabre et Christian Bonifas, Les Matons -Yoan Armand-Gil et Aurélie Aura, les Venus d’ailleurs L’actualité : Expositions page 11 -Une collection particulière -Odilon Redon -Le temps retrouvé Cinéma page 14 -La guerre est déclarée -Melancholia -Les biens-aimés Le Gueuloir de … - Gisèle Freund page 17 La playlist des reprises -I’m waiting for the man page 18
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Numéro 3 — Septembre-octobre 2010
> Le dossier : Quelques personnalités nîmoises FAIRE LE LIEN Lorsque nous avons décidé d’apporter au Lycée Daudet une revue centrée sur les arts et la littérature – en somme : la culture – nous pensions relever un véritable défi car il nous faudrait aller chercher très loin pour remplir ces feuillets de nos passions. La preuve, notre premier dossier mensuel concernait la littérature russe, froide et lointaine que nous essayions de conquérir. Mais il n’aura pas fallu bien longtemps pour que la tendance s’inverse et que nous découvrions qu’en se concentrant sur ce
qui nous était proche, nous n’aurions jamais assez de temps pour parler de tout ce qui nous touche. C’est pour cela que nous avons décidé de commencer l’année en vous parlant de ces personnes qui ont su changer l’opinion que nous avions de notre ville, parfait même inconsciemment : ce morceau de province sans paysage ni vie s’est très vite transformé en forteresse d’échanges à bâtir, et nous avons trouvé notre petite place dans une telle entreprise : faire le lien. Parmi ces personnes aux initiatives charmantes, vous y trouverez très certainement de quoi nourrir votre appétit culturel sans avoir à aller bien loin. • VERA
AU PROGRAMME Les galeristes : Jacques Lafont et le Lac Gelé page 4
La musique : Alex Viltard et Fabien Tolosa 340 MS page 7
Les galeristes : Isabelle SimonouViallat et La Vigie page 5
Les artistes : Hélène Fabre et Christian Bonifas Les matons page 8
Vincent et PierreJean Teissier : Nos libraires de prédilection page 3 La musique : Mathieu Simard et Géraldine Jeannon Demande moi de m’arréter page 6 Les artistes : Yoan Armand-Gil et Aurélie Aura Venus d’ailleurs page 10
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Le Gueuloir > Le dossier : un commerce
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Vincent & Pierre-Jean Teissier Libraires C'est avec le sourire que Vincent et Pierre-Jean Teissier nous ont accueillies par ce beau matin d'août dans leur librairie. Située dans la rue Régale, Les deux frères qui tiennent la librairie Teissier sont au cœur de l'activité littéraire de Nîmes, puisqu'ils participent à l'organisation du fameux festival de la biographie. Leur librairie, située rue Régale, est un vrai enchantement, puisque nous pouvons admirer les étagères de livres allant jusqu'au – très – haut plafond, fixées sur chaque mur de l'unique pièce. C'est donc dans cet endroit charmant et chaleureux, que les deux frères dirigent la librairie la plus atypique de Nîmes. Pouvez-vous nous conter l'histoire de la librairie ? Depuis quand existe-t-elle ? Nous n’avons pas la date exacte pour la libraire, mais c'était peut-être 1911 ou 1913 : on n'arrive pas à avoir de date précise de la création. Elle ne va pas tarder donc à fêter ses cent ans, c'est peut-être cette année ou peut-être l'an prochain. C'est notre arrière grand-père qui avait créé la librairie. Après son fils lui a succédé, notre grand oncle à qui nous on a succédé. On est la quatrième génération mais il y a eu un saut de génération, on est donc les troisièmes Teissier à tenir la librairie. Qu'est-ce qui vous a donné envie de la reprendre ? Elle était dans la famille ; l'un comme l'autre on adore bouquiner, ça fait partie de notre univers et malgré tout, l'univers familial. Et puis voilà, il y a eu cette opportunité, notre oncle prenant sa retraite, ses enfants ne voulant pas reprendre, alors on a sauté sur l'occasion. Maintenant on est là depuis 12 ans. Ce n'est pas trop difficile de travailler en famille ? Non, ça va. (rires) On est frères, mais on a neuf ans de différence donc ça crée une petite... Voilà. On est à la fois différents et complémentaires. Quels genres lisez-vous ? Pierre-Jean Teissier : On lit tous les deux de la littérature, essentiellement du roman et de la fiction. Moi j'ai plutôt une attirance particulière pour la littérature américaine, mais je ne lis pas que ça. Je me force à lire autre chose. Vous avez un livre préféré ? Pierre-Jean Teissier : Un auteur, par exemple, Jim Harrison, je l'aime beaucoup. Si je devais n'en sortir qu'un ce serait Jim Harrison. Vincent Teissier : Je n'ai pas d'auteur fétiche à proprement parler, mais j'aime bien un jeune auteur dont on ne parle pas beaucoup, que j'ai découvert il y a deux ou trois ans, Antoni Casas Ros. C'est un catalan français. Il va faire paraître bientôt son troisième roman, qui est moins intéressant que les deux précédents. C'est dommage, mais j'aime bien ce genre de chose, de temps en temps. Et de suivre, un peu.
Auriez-vous des ouvrages à conseiller aux lecteurs qui entrent en terminale et appréhendent la philosophie ? Non… C’est difficile, si vous arrivez sur la philosophie avec plein d'appréhension, il faut essayer de s’en détacher. C'est un univers que l'on pénètre. Après, on y est sensible ou pas. Si vous n'y accrochez pas, je ne pense pas qu’il y ait de livre particulier qui vous fasse accrocher. Ça dépend beaucoup des profs : c'est aussi au prof d'arriver à donner envie, et c'est compliqué sur des classes avec des effectifs importants,. C'est plus important. Le livre qui moi m'aura donné envie ne sera pas le livre qui vous, vous aura donné envie de lire de la littérature ou de la philo. Après, c'est aussi à travers la discussion, en parlant avec les gens qu'on arrive à savoir vers quoi on peut les diriger ou pas. Pour moi, il n'y a pas un livre absolu qui va vous faire entrer dans la philo. Comment gérez-vous la concurrence des grandes enseignes ? On ne s'en occupe pas beaucoup : on a notre spécificité. Oui, c'est une concurrence parce qu'ils vendent des livres aussi, après, ce ne sont pas les mêmes clientèles, les gens qui viennent ici et ceux qui vont là-bas n’ont pas la même attente. Sur leur créneau, on ne sera jamais les plus forts, donc on essaie de rester sur ce que l'on sait faire, sur les relations qu'on arrive à nouer avec les gens, qui sont peut-être plus difficiles à créer dans les grandes surfaces culturelles où il y a plus de monde. Qu'est-ce qui fait pour vous cette particularité de la librairie ? Les librairies comme ça, ce sont des librairies où il y a un contact qui est bien plus important que dans d'autres librairies plus importantes où dans les grandes surfaces qui vendent du livre un peu à la chaîne ou de façon plus anonyme. Je pense que c'est vraiment le contact que l'on a avec les gens, le fait d'arriver à personnaliser les rapports avec les clients qui font qu'on a encore une raison de vivre. Après c'est le conseil, mais ça on peut l'avoir dans d'autres endroits. Notre force est là, dans la relation que l'on a avec le client. Alors il y a des gens à qui ça ne plaît pas et qui ne viennent pas, et ceux qui viennent, on espère qu'ils viennent avec plaisir. Quelles sont vos bonnes adresses à Nîmes, les lieux que vous aimez fréquenter ? On est déjà très occupés par la librairie et par la lecture le soir, donc c'est vrai que par exemple je vais peu au cinéma, quand j'y vais c'est au Sémaphore, qui pour moi est un lieu qui correspond à ce qu'on fait ici comme eux ils le font pour le cinéma. Comme adresse culturelle, ça serait ça. Je ne vais pas au théâtre, mais voilà. On manque de disponibilité. J'ai un petit garçon de sept ans dont il faut aussi s'occuper. La librairie, c'est prenant toute la journée, donc si le soir on commence à partir à droite à gauche, ça devient difficile. • OSCAR
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> Le dossier : Les galeristes
Jacques Lafont fondateur de la galerie
Le lac gelé « Lieu de phénomènes photographiques » ainsi est intitulée la galerie bleue cise dans la Grand rue, au bas de la place du Chapitre. Déjà Le Gueuloir avait en mars consacré un article à Melania Avanzato qui y exposait des clichés de Berlin. Jamais encore on n’y a été déçus : d’expositions en expositions toujours l’on est surpris de la force et de la beauté brute des travaux présentés : Jacques Lafont, son créateur, s’en explique ainsi : « les photogrpahies qui sont présentées dans la galerie sont celles qui tiendront ecnore debout dans la galerie si on enlève le discours qui les accompagne » : des images qui parlent de leur simple présence, tout est là. Rencontre avec le fondateur.
c’est sûr qu’il vaut mieux être à Paris qu’à Nîmes, encore qu’après à Paris il y en a beaucoup : ici on se fait identifier beaucoup plus vite. Après dans les mentalités, Paris reste l’endroit des galeries. Nous vous avons vus à Arles pour le festival Voies Off, c’était une bonne expérience ? Cela se fait tous les ans ? C’était la première fois. Comme la galerie avait trois ans, nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas s’endormir sur ses lauriers. On a cherché un lieu sur Arles et trouvé un très bien placé, un temple. Il est passé beaucoup de monde, même François Hébel, le directeur artistique des Rencontres d’Arles : c’est la reconnaissance : il n’est pas passé pour rien, on sait qu’il ne va pas Pourriez-vous nous faire un petit historique de la création voir toutes les petites expos. C’était très bien, mais c’est beaude la galerie ? coup de travail, je ne m’étais pas suffisamment préparé : les Nous sommes ouverts depuis 2008, c’est une association : je artistes sont gentils, mais ils veulent toujours la meilleure place suis propriétaire avec mes frères. À la base j’étais photographe, et ne sont pas toujours de parole, mais ça s’est bien passé. on a réfléchi à la possibilité du lieu puis fait quelques travaux, et Quels sont vos projets à venir ? ouvert cette galerie en juin 2008. En septembre on attaque avec un collectionneur qui a bien vouD’où vient le nom de la galerie, Le lac gelé ? lu nous ouvrir ses tiroirs, il y aura du Jan Saudek, du Franco Cela vient d'une légende amérindienne, c'était le premier qui Fontana. Ce sont des gens connus et reconnus, surtout dans les était venu naturellement et après en avoir essayé d'autres c'est années 80. Il y aura quelques clichés d’eux avec d’autres, et celui qui s'est finalement imposé, ce qui était sûr c'est que cela que des tirages d’exposition. Ensuite en novembre, Eric Montes ne pouvait pas être "la tour Magne dans l'objectif" ou quelque qui nous vient de Barcelone, et en décembre une combinaison chose de ce goût là. de deux artistes que l’on a déjà exposé qui montent un projet Les artistes que vous exposez, viennent-ils à vous ou le contrai- ensemble : ils se montrent leurs photos et chacun choisit pour re, comment cela se passe-t-il ? l’autre, une sorte d’expo à quatre mains. Il y a aussi un projet Il y a plusieurs cas de figure : soit une démarche, par exemple avec un photographe de plateau, et il serait temps de travailler c’est Caroline (Caroline Chevalier) qui est passée. Après vous avec le Sémaphore. voyez, il y a un réseau qui se crée : Laurent (Laurent Chardon), Vous auriez de bonnes adresses à nous proposer ? Vos c’est par une petite maison d’éditions à côté de Paris, Poursuite lieux de référence à Nîmes en matière de culture ? Éditions, qui ne sort que des bouquins photo ; avant d’en sortir La galerie Philippe Pannetier, From point to point sur la place de un ils nous ont dit que ce serait bien d’en faire une exposition. la Calade devant le théâtre et aussi La vigie, dans la rue ClérisSinon il y a des lectures de portes folio, le soir tard, parfois à seau qui part à droite de Vauban, tenue par la fille du peintre Montpellier : les gens montrent leurs travaux, et puis ça plait ou Claude Viallat. S’il y en avait deux à retenir ce seraient celles-là. pas. C’est une façon de les rencontrer. • Propos recueillis par MORNY C’est important pour vous d’être à Nîmes, dans une ville de cette taille quand on peut rêver d’une ville plus grande, d’une capitale ? Je ne sais pas si c’était important. Il y avait la possibilité du lieu ; si je n’en avais pas été propriétaire je n’aurais sûrement pas ouvert cette galerie. Je suis nîmois, parti un peu partout mais revenu ici… C’est plus un choix de vie. Professionnellement, 4
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Isabelle SimonouViallat créatrice de La Vigie La Vigie est une singulière et discrète galerie d’art, située non loin de Vauban. Annoncée par un simple panneau blanc, on y rentre « comme dans une maison », selon la propre formule de sa directrice Isabelle Simonou-Viallat, fille du peintre Claude Viallat et professeur à l’École des Beaux-Arts. S’étageant sur quatre niveaux dans d’anciens appartements à vivre, La Vigie est un espace original et unique d’exposition, où tout l’enjeu pour les artistes est de s’adapter au lieu avec des œuvres créées spécialement pour l’endroit. Nous avons rencontré Isabelle Simonou-Viallat. Pourriez-vous nous faire un historique de la galerie ? Isabelle Simonou-Viallat : Tout d’abord, c’est une association. La différence majeure entre une galerie et une association, c’est que je ne suis pas marchande. Je ne choisis pas les œuvres que je montre en fonction d’une vente possible, je montre souvent du coup des choses invendables, dont beaucoup qui sont faites pour le lieu et qui sont détruites après l’exposition. J’ai créé La Vigie en 1992, ça fera 20 ans en janvier. L’idée était de créer un endroit où les artistes pouvaient se rencontrer, intergénérations et inter-lieux de vies. Il peut y avoir des gens qui viennent de la région, mais aussi d’ailleurs en France ou de l’étranger. Le lieu, c’est d’anciens studios à vivre que l’on a juste blanchis. Les expos sont faites in situ : il reste les compteurs, les sols, les éviers ; le lieu n’étant pas du tout aseptisé, ce n’est pas du tout la White box, l’on fait intervenir les artistes par rapport au lieu. C’est un peu l’image de marque de La Vigie : on fait des expositions éphémères, les artistes ne viennent pas accrocher un travail tout fait sur des murs, ils sont obligés de réagir à ce que propose le lieu, et aussi à ce qu’exposent les autres artistes qui exposent avec eux. Depuis l’origine, je fais deux expositions de groupe par an, Les rencontres : on prépare maintenant la 38ème qui sera en novembre ; et depuis six ans j’ai mis en place une autre exposition qui s’appelle le No limit : là c’est une seule personne, qui a déjà exposé dans une Rencontre qui revient seule se confronter au lieu. Comment avez-vous choisi le nom de la galerie ? I. S-V : On voulait vraiment partir sur une idée de voyage, de déplacement : aller voir ailleurs, ne pas présenter que des artistes d’ici et voir aussi ce qui pouvait se passer plus loin : on avait donc cherché des termes de bateau, tout bêtement, et on est tombé sur « vigie » et cela nous a paru juste : c’est celui qui surveille, qui voit. Cela s’est révélé encore plus juste car au début on n’avait que cette salle et celle du dessus, et petit à petit on s’est étalés jusqu’au 4ème étage : La vigie ce n’est quasiment qu’une colonne d’escaliers, et l’on arrive jusqu’en haut …telle une vigie. Pouvez-vous nous présenter l’exposition à venir ?
I. S-V : Je présente Anne-Marie Rognon, une artiste de Clermont-Ferrand. C’est quelqu’un que j’ai déjà montré dans une Rencontre, aussi à Artnim au salon d’art contemporain et à la nuit des musées. C’est une artiste que je suis, et cela m’a semblé naturel de lui confier ça : c’est quelqu’un qui réagit vraiment par rapport au lieu et à l’espace. Dans la forme plastique, elle est un peu différente de ce que je montre habituellement car j’ai une ligne assez abstraite et formelle, elle c’est plus figuratif et plus narratif. C’est un beau travail, une exposition de peinture et d’installations. La narration est très importante dans l’ensemble de son travail, et aussi la notion d’échelle : il y a un basculement entre ce qui peut paraître très grand ou très petit. Parfois les choses peuvent sembler à l’échelle normale, puis on se rend compte qu’il y a des miniatures et ce qui était à l’échelle normale devient immense. Est-ce important pour vous d’être à Nîmes, enfin dans une ville de cette taille quand on pourrait rêver étant galeriste de villes plus grandes, pour toucher plus de public ? I. S-V : C’est-à-dire que quand on a commencé à faire ça, on l’a fait ici parce qu’il y avait une opportunité du lieu, mais si l’on a créé La Vigie c’était que c’était un moment où il n’y avait plus beaucoup de galeries et d’associations, pas grand chose au niveau culturel. Maintenant je dirais que l’on est plus nombreux ; c’est important pour moi de venir en complémentarité des autres lieux : un ou deux lieux pour une ville ça ne suffit pas, il faut que cela devienne plus riche, car chaque galerie ou association va avoir un regard particulier et il faut être plusieurs pour pouvoir avoir un regard juste sur la création, sinon on a des angles de vue un peu étriqués. Par rapport au nombre de visiteurs, ce n’est pas quelque chose qui me pose vraiment un problème : il faut connaître ; on n’a pas un grand panneau sur la porte pour attirer du monde, il y a l’idée d’un lieu un peu secret. Les gens qui viennent là ne viennent pas par hasard, ils font la démarche de venir dans quelque chose qui ressemble plutôt à une maison, et j’aime bien cette idée là : que les gens s’investissent dans leur visite du lieu. Cela me permet d’être plus exigeante dans mes sélections, parce que je sais que les gens qui vont venir vont chercher à comprendre. Quelles sont vos bonnes adresses à Nîmes, les lieux ou les gens que vous aimez fréquenter en rapport avec la culture ? I. S-V : Il y a la galerie From point to point, le 4,Barbier qui est rue Maubet, Le lac gelé est très bien aussi ; Bienvenue à bord, l’école des Beaux-Arts, le carré d’Art… • Propos recueillis par MORNY No limit n°7 : Anne Marie Rognon, jusqu’au 22 octobre à La Vigie, 32 rue Clérisseau
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> Le dossier : La musique Mathieu Simard & Géraldine Jeannon de Demande moi de m’arrêter C’est par une chaude soirée d’été que nous retrouvons avec plaisir deux des membres fondateurs de l’association Demande moi de m’arrêter – Mathieu et Géraldine – pour nous présenter tout sourire leur projet qui anime la ville en musique depuis quelques années. Il ne faut pas aller bien loin pour réaliser que des personnalités nîmoises, au sens où notre dossier l’entend, ils ont tout : ils ne sont que passion et motivation, étincelants de cette force qui fait que jamais ils ne s’arrêtent. Une entrevue enrichissante, que l’on vous laisse découvrir.
Avec la SMAC qui va bientôt ouvrir vous devez être aux anges, non ? M : Oui carrément, on n’aura plus de problème de salle et ce sera plus facile pour nous du côté de la programmation ! G : Enfin on aura toujours cette problématique car on n’aura pas toujours la SMAC non plus mais on est très contents parce que le projet est vraiment chouette, le directeur est très bien et ça donne plein de possibilités. Il faut savoir que le club fait 450 places donc ça fait une grande jauge pour nous, ça va nous permettre d’accueillir des groupes un peu plus gros en prenant Pour ceux qui ne vous connaîtriez pas, vous pouvez nous moins de risque puisque l’on travaillera avec l’équipe de la expliquer en quoi consiste l’association ? SMAC. Géraldine : C’est une asso de passionnés de musique, plus M : Voilà en fait on va enfin pouvoir faire venir des groupes précisément de rock indé et garage, mais pas seulement ! On qu’on ne peut pas faire jouer dans des bars et toucher des gens est quatre, plus des membres qui gravitent occasionnellement dans un périmètre plus large. selon les années, et on organise des concerts ! G : On espère que ça va devenir un vrai lieu qui rayonnera sur Mathieu : On fait ça pour combler un vide, un vide de groupes toute la région ! qui ne jouaient pas dans la région et encore moins à Nîmes. Vous auriez un bon et un mauvais souvenir à nous raJe crois savoir qu’il y a une anecdote derrière le nom de conter ? l’asso, vous pourriez nous la raconter ? G : Des mauvais on en a pas mal ! Il y a le braquage à ValdeG : Il y a une anecdote effectivement, c’est qu’à l’origine il y gour ça c’est sûr que c’est loin d’être un bon souvenir… avait Loraine – la sœur de Mathieu – qui fait partie des quatre M : Les pluies torrentielles pour les Hushpuppies, ça devait être membres fondateurs et Fred qui regardaient un dvd live des un concert complet et puis ça a tout fichu en l’air ! Stone Roses et donc au début du dvd, Ian Brown dit « Tell me G : Le vide dans la salle pour Phantom Band alors que c’était un how to stop » et ils ont traduit ça en « Demande moi de m’arrê- concert magique, le vol de la guitare des Thee Vicars. Donc oui ter » ce qui n’était pas vraiment une bonne traduction mais que des mauvaises expériences on en a plein mais après des bonl’on a gardée pour le nom de l’asso ! nes c’est pareil ! Il y a eut de très belles rencontres, des groupes M : On s’appelait Interzone au début mais c’est pas resté long- qui sont revenus ou sont devenus des amis, chez qui on est temps ! invités à Détroit ou à Glasgow. Il faut savoir que votre projet a grandi au fil des années, Pour finir, vous avez des bonnes adresses à nous commuvous êtes combien maintenant ? niquer ? G : En ce moment, on peut compter vraiment huit membres M : Pour passer un bon moment et au niveau de l’habillage muactifs : Fred, Mathieu, Jérémy,, Julien Moi, Lucie, Pablo et Auré- sical je trouve que l’Instant T est un bon endroit. lien. G : Moi je ne sais pas parce qu’à Nîmes je trouve que ce qu’il M : Et quand il était encore sur Nîmes il y avait Tiste (chanteur manque c’est un vrai lieu avec une vraie identité musicale. Bien des Waterllillies, ndlr). sûr il y a des endroits sympas où tu peux te retrouver entre poQuels sont vos projets pour la rentrée ? tes mais un endroit avec une vraie identité musicale ça n’existe G : Alors il y en a deux qui viennent d’avorter : Black Diamond pas ! Je suis parisienne à la base alors ce qui me déstabilise un Heavies qui étaient prévus pour le 3 Septembre et Chokebore. peu c’est de ne pas retrouver ici de lieu où tu vas parce que 1. la Sinon de calé on a Tarwater le 3 décembre et Kid Congo le 14. musique que tu vas y entendre va te plaire ; 2. il y aura de l’amDonc là on a une rentrée plutôt calme voire déserte mais on a biance et 3. il y aura tous tes potes ! d’autres projets ! On va peut-être faire quelque chose avec Che- M : Au niveau du rock en tout cas, c’est pour ça qu’on y travaille veu et puis on va se poser les semaines à venir pour réfléchir à mais ça reste difficile. • Propos recueillis par VERA 6 ce qu’on peut faire sur Octobre/Novembre !
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Alex Viltard & Fabien Tolosa Disquaires de 340MS Au cours de ce dossier, l’on a que très peu parlé musique. Bien sûr, nous vous avons présenté l’association Demande moi de m’arrêter mais il manquait, à notre dossier comme à la ville, un lieu dédié à la musique. Nous avons donc été à la rencontre des disquaires nîmois de 340MS, dont la boutique fait en quelque sorte office de repère des personnalités nîmoises. Le temps de poser quelques questions à Alex Viltard et Fabien Tolosa et nous voyons défiler entre les quatre murs de la boutique un bon nombre de personnes que nous avons rencontrées pour vous au cours de ce dossier. Vincent, des Venus d’Ailleurs, se joindra même à la conversation. Pouvez-vous nous raconter l’histoire de la boutique ? Alex Viltard : Alors la boutique a été crée en 1980. Au départ elle était Rue Régale, jusqu’au début des années 90, et ensuite elle a changé deux fois d’endroit. On a été sur la place du Marché pendant trois ou quatre ans et nous sommes ici depuis environ une quinzaine d’années. Fabien Tolosa : A la base, la boutique est celle de Jean-Marie Vallés, qui a maintenant pris sa retraite, mais avec qui Alex a travaillé pendant une dizaine d’années. Mais au départ JeanMarie travaillait seul donc c’est lui qui a crée le concept 340 MS. Comment s’est faite la succession ? A V : Si vous voulez je fréquentais la boutique quand j’étais au Collège Feuchères puis au Lycée Daudet et c’est à ce moment là que l’on a sympathisé. Et puis il se trouve que plus tard je suis sorti avec sa fille. F T : Tout ça c’était calculé ! (rires) A V : Voilà, tout ça n’était qu’une histoire de famille pour que je puisse rentrer dans ce magasin ! Plus sérieusement, je n’avais pas de boulot et Jean-Marie m’a proposé de bosser avec lui et ça a tout de suite bien fonctionné entre nous. Maintenant, JeanMarie a pris sa retraite mais reste quand même gérant de la société tandis que Fabien et moi sommes les deux qui essayons de redonner vie au lieu. F T : Notre rencontre à tout les deux s’est faite au magasin puisque j’étais un très bon client et puis les choses se sont faites naturellement, en discutant. Jean-Marie en avait marre, on le sentait un peu venir, et puis d’une simple idée ça s’est concrétisé en peu de temps. A V : On ne voulait pas que l’histoire s’arrête avec le départ de Jean-Marie alors on a essayé de faire tout ce qu’il fallait pour que ça reparte et maintenant que c’est fait on espère que ça va continuer. D’où vous vient votre passion de la musique ? F T : Pour ma part je pense que c’est fatalement lié au fait de jouer d’un instrument (Fabien Tolosa officie à la batterie dans les groupes Clan Edison et The Last Brigade, ndlr) . Tout petit je tapais déjà un peu partout il faut le dire ! Après je pense que Jean-Marie a largement contribué à entretenir cette passion, notamment autour de l’objet du vinyle et des styles musicaux.
A V : Pour ma part, mes parents écoutaient beaucoup de musique donc c’est quelque chose qui me suit depuis que je suis gamin ! F T : Après on a tous un élément déclencheur, un groupe qui nous donne le déclic ! Pour moi c’était Hendrix, Alex c’était Depeche Mode. Tu te dis qu’il y a un truc qui se passe et puis tu écoutes un peu ce qui s’est fait à cette époque là et tu enchaînes et de là se font des rencontres : Jean-Marie mais aussi des musiciens. A V : C’est vrai que Jean-Marie nous a beaucoup guidé, il a su nous faire évoluer dans nos goûts en nous faisant écouter par exemple du jazz alors qu’on était centrés sur le rock. Il sait exactement trouver les disques à te passer pour que tu bascules sur un autre genre. Ce n’est pas trop dur d’être un disquaire en 2011 ? F T : Disons que l’on va un peu à contre-sens, mais c’est avant tout ce que l’on aime. A V : Si, c’est vrai que c’est dur. Mais c’est aussi le moment où il faut se lancer parce que les gens ont l’air de se lasser des grandes surfaces et nous on propose un retour au disque bio ! (rires) F T : C’est vrai que beaucoup de gens sont encore étrangers à ce genre de lieu mais on essaye ! A V : C’est pour cela aussi que l’on veut se diversifier : la base c’est le disque mais il y a aussi des tshirts et un peu de bouquins. En complément de tout ça on va essayer de développer de l’événementiel avec des expos, des projections de films ou des soirées 340MS. F T : L’idée c’est que ça devienne un petit lieu culturel où l’on puisse se retrouver, on aimerait que ça devienne un lieu de convivialité. On l’a vu déjà aux vernissages que l’on a faits, tout le monde s’échangeait des contacts et l’on a vraiment ressenti l’ambiance dont on voulait que le lieu s’imprègne. Ensuite comme disait Alex, cette année on va essayer de lancer des soirées 340MS, avec des DJs différents et que de la musique qui nous fasse plaisir. Pas spécialement dansante parce que c’est pas ce qui nous importe, on veut simplement écouter et faire écouter du bon son. Vous pouvez nous parler de votre partenariat avec Venus D’ailleurs ? A V : Déjà, on a fait une exposition ici et ça a été un réel plaisir puisque ça collait justement super bien avec l’esprit du magasin ! Ensuite c’est venu comme une évidence puisqu’il y avait un lien humain et puis leur approche artistique nous a touchés. F T : Mais c’est le côté humain qui prime, dans tout ce que l’on raconte depuis tout à l’heure c’est toujours ça qui nous importe. Vincent (Venus d’ailleurs) : Et puis je pense qu’il y a une sorte d’aller-retour qui se fait. Il y a le rapport humain mais aussi le fait que ce soit un lieu culturel qui doit prendre sa place dans la vie nîmoise.
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Le Gueuloir > Le dossier Nous on espère faire venir une certaine clientèle qui ne viendrait pas d’habitude et que ça attire et d’un autre côté ça nous permet de montrer notre travail à des gens qui n’iraient pas spontanément vers ça. Il y a un côté « chemin de traverse » puisque l’on a réalisé une expo qui avait une allure d’expo de galerie mais dans ce lieu qui est habité par la musique. Quels sont vos projets pour les mois à venir ? F T : Nos projets ? Alors déjà il va y avoir des expos ! Et aussi un site internet qui devrait arriver pour la fin de l’année ou au plus tard début 2012. Pour commencer, on a des expos programmées tous les mois jusqu’en décembre. Le mois prochain ce sera une expo sur le thème du skate. A V : Ensuite il y aura des dessins de Yoan Armand Gil de Venus d’Ailleurs et puis les photographies de Patate ! Quand on aura le site et le blog on pourra vraiment établir un programme détaillé de tout ce qui va se passer sur les prochains mois. Quelles sont vos bonnes adresses et vos bons contacts à Nîmes ?
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F T : Alors il y a Babass, je pense que c’est quelqu’un qui, dans sa façon de militer, est très intéressant. Il réalise des t-shirts avec des slogans à la fois humoristiques et engagés. Ensuite il y a le Skate Shop qui est très bien dans son genre, ce sont des gens qui se bougent et essaient d’organiser des contests par exemple. A V : Il y a aussi Le Jazz Est Là, un bon personnage qui milite tout seul, organise des concerts et se débrouille très bien. F T : Après au niveau des lieux j’en connais pas énormément. Il y a une bonne ambiance à l’Instant T et à l’Olive puisqu’ils se bougent pas mal pour organiser des concerts alors forcément ça crée quelque chose. A V : Il y a Jazzpanazz qui, dans son genre là aussi, est très bien. F T : Evidemment et encore une fois, on remercie Jean-Marie Vallés qui nous a permis d’aimer la musique comme on l’aime. • Propos recueillis par VERA 340MS, 2 Rue Auguste Pellet, Nîmes
> Le dossier : Des artistes
Hélène Fabre & Christian Bonifas Les Matons Un soir de Jeudi de Nîmes, nous rencontrons le couple de photographes Les Matons - formé de Christian Bonifas et Hélène Fabre – dans l’agitation du centre ville. Nous réussissons tant bien que mal à nous mettre au calme pour leur poser quelques questions, avant de réaliser très vite qu’il n’en ont pas besoin : ils parlent de leur projet avec tant de naturel qu’il est impossible de ne pas s’y attacher. Genèse Hélène Fabre : Les Matons sont nés à Barcelone au printemps 1988. On est allés passer quelques jours à Barcelone à l’époque où l’on était encore étudiants aux Beaux-Arts tous les deux : Christian en dernière année et moi en troisième. On a commencé à faire des photomatons souvenirs dans la ville de Barcelone et c’est ce qui a déclenché la chose car – comme beaucoup de personnes – on ne s’est pas reconnus sur les images. Mais nous on s’est dit « Ouais ! C’est super ! » et pas « Oh mince ! on se reconnaît pas » , du coup on en a fait une autre au retour en gare de Nîmes et on s’est dit qu’il faudrait continuer à en faire. Christian Bonifas : Voilà, c’était en 88 et en plus pour nous c’était plus ou moins la fin des études et on avait peut-être un peu marre de l’école alors on a eu envie de faire autre chose.
En se lançant dans les photomatons souvenir, on voulait pas faire quelque chose d’artistique. Justement, ce qui nous plaisait c’était de faire quelque chose de neuf, sans technique. Et là on l’a fait sans s’en rendre compte parce qu’on a fait des photomatons pour le plaisir et ensuite on se donnait des petits scénarios, on s’écrivait des choses. Mais il n’y avait pas de projet d’en faire quelque chose et c’était bien parce qu’on sortait des études artistiques où il faut en permanence avoir un but, un discours.. Et nous on ne sentait pas du tout en phase avec ça, on ne voulait pas continuer à défendre quelque chose de cette manière là. On ne pensait donc pas en faire quelque chose mais au bout d’un an on en avait fait plein et on aimait ça : on faisait ça à l’heure qu’on voulait, on avait pas besoin d’atelier, on allait à la gare la nuit tout simplement. Ensuite, c’est une amie qui était avec nous à l’école qui nous a proposé de faire une expo avec ces photos. Elle avait organisé une expo à Arles pendant le festival, en off du off. Mais à ce moment là la photo n’était pas très présente – aux Beaux Arts par exemple ça n’existait pas trop – et Arles était encore un festival assez classique, qui présentait de beaux tirages, qui n’étaient pas du tout dans une veine expérimentale.
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Alors les gens quand ils venaient voir l’exposition qui était gratuite et bien soit ils avaient un rejet complet parce que c’était du photomaton et pour eux c’était tout sauf de la photo soit ils étaient un peu intrigués. A côté de ça on avait fait de grandes affiches pour annoncer l’expo qu’on avait collées dans la rue avec des bandeaux « Actuellement » ou « VO » et pas mal de gens étaient venus pour nous demander où ils pouvaient voir le film. C’est à ce moment là qu’on s’est dit que peut-être la version affiche était plus efficace que de voir ces petites photos que l’on avait encadrées un peu en bande, on ne savait pas trop quoi en faire parce que c’est une technique pauvre alors l’encadrer ça changeait un peu l’objet, ça faisait précieux. A partir de là on a toujours présenté nos travaux sous forme d’affiches, d’agrandissements des photomatons initiaux. A deux c’est mieux H F : Ce qui nous intéressait c’était aussi de travailler à deux car à l’école des Beaux- Arts c’était de la recherche personnelle, du travail personnel et travailler à deux était complètement exclu. Alors peutêtre qu’inconsciemment on allait contre ça. Et puis le fait qu’on aille dans le même sens, que nos idées soient partagées ou s’alimentent entre nous c’était ce qui nous a donné envie de continuer plus en avant. C’est très ludique ! Parallèle(s) : Roblocado C B : En parallèle des Matons, je suis rédacteur en chef du fanzine Roblocado. Ca a commencé en 92, avec un ami on a commencé à éditer ce fanzine sous forme de bande-dessinée, Roblocado, du nom du personnage. Et puis au bout de dix numéros on s’est rendus compte que c’était un peu répétitif, alors on s’est dit que l’on pourrait inviter des gens à intervenir. C’est ce que l’on a fait, et maintenant la publication est ouverte à tout le monde, n’importe qui peut faire un numéro. Je ne pensais pas que ça marcherait si bien, je vais bientôt éditer le centième. Les Matons, le livre C B : Le fait de faire un livre c’était très lié au principe du fanzine puisque l’on restait dans l’auto-édition. Et finalement, avec ce livre que l’on a réalisé il y a deux ou trois ans on a touché plus de monde qu’en vingt ans d’expositions. Ca fait réfléchir, on se demande est-ce que finalement ce n’est pas plus accessible ? Avec le livre on peut revenir dessus, on peut le manipuler. Alors qu’une exposition c’est éphémère, c’est très bien aussi, c’est comme un concert c’est un moment très fort. Après, c’est vrai que le choix a été très difficile. Il fallait choisir une centaine de photos, et on a bloqué à un moment sur 200 photos. On est alors allés voir des amis à Marseille qui nous ont aidés, ils ont pu nous dire si c’était trop répétitif etc. et puis le tri s’est fait. La suite de l’histoire c’est que le nouveau livre est prévu pour 2012, même qu’il aura une autre forme ! Nîmes pour les Matons c’est…
« Les fantomatons sont des êtres capables d’ouvrir un théâtre au fond d’un dé à coudre » - Rémy Leboissetier H F : Le bar l’Instant T, puisque l’on y est ! Et le Café Olive quand il y a des concerts. C B : Sinon l’on va souvent au Sémaphore et chez les disquaires 340MS. Au niveau des galeries il y a Point To Point sur la place du Théâtre, il y a un esprit expérimental qui est très plaisant. Il y a NEGPOS aussi, on aime bien leur activité : c’est un lieu à Nemausus qui fait des expos photo et je trouve qu’ils font un travail assez étonnant sur Nîmes. Enfin, on aime beaucoup l'association du Fils du chanoine qui organise très régulièrement des expositions à la salle de danse tango de la Milonga del Angel, à coté du lycée Philippe Lamour. • Propos recueillis par VERA Toutes les informations et actualités sur www.lesmatons.com
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> Le dossier : Des artistes
Yoan Armand-Gil & Aurélie Aura Deux protagonistes des Venus d’ailleurs L’association hybride et assez surréaliste que composent les Venus d’ailleurs est unique dans le panorama nîmois. Des artistes très différents, regroupés parce qu’indépendants et inclassables, gravitent autour d’une revue et d’évènements communs. Deux des protagonistes dont nous croisons souvent la route nous aident à y voir un peu plus clair dans ce projet haut en couleur.
poésie et la littérature. Les autres collections sont surtout orientées vers les arts plastiques. Il y a des Carnets de dessins, des monographies, des livres d’artistes... Comment procédez-vous pour la création d'un numéro? Comment se passe la chaîne de l'idée à la création? Aurélie Aura : En fait c’est joyeusement anarchique… Au gré des rencontres, à l'échelle du vivant. Nous utilisons le hasard objectif. Après c'est une histoire d'atomes crochus... de quelques accidents signifiants… et avec les années, nous sommes devenus maitres dans l’art du système D. Dans quels arts et disciplines puisez-vous votre inspiration artistique? Yoan Armand Gil : Notre souhait est de réunir des artistes "en marge" animés par un même état d'esprit, le gout de l'étrange, l'art du collage et l'art magique. Une famille de pensée s'étendant du maniérisme au surréalisme, de Dada à Fluxus, du symbolisme à Panique et à la pansémiotique... Quels sont vos projets pour les mois à venir? Aurélie Aura : Oui, pas mal… 5 projets d’éditions sont en courts… Le tarot de Michel Cadière, les dessins d’Alain Snyers, une réédition du fantôme de l’opéra accompagnée d’un dvd avec une nouvelle bande originale signé Yan Lecollaire… Niveau événement, il y a quelques rendez-vous. Nous ouvrons un petit lieu d’exposition à Paris, la galerie 17 situé en plein cœur de Montmartre. A Nîmes, nous organisons un festival du 9 au 18 Novembre avec des expositions (Vincent Capes, Y.A.Gil), des concerts (le fantôme de l’opéra au Périscope), des projections, des signatures… la liste est un peu longue, il faudra se tenir au courant ! Avez-vous de bonnes adresses à nous recommander à Nîmes, des personnes qui œuvrent pour la culture ou l'art dont le travail vous touche? Yoan Armand Gil : Contrairement à ce que certains disent, Nîmes est assez active culturellement. Bien sûr à condition de faire l’effort d’y regarder de prêt. Il y a Neg Pos, 340 Ms, Nîmes sources adultes, le Périscope, la milonga del angel, la galerie de la Salamandre, les librairies Tessier et Goyard, l’école des Beaux Arts et la bibliothèque Carré d’art évidemment. Beaucoup de choses, et j’en oublie. Il faut simplement être curieux. • Propos recueillis par MORNY
Mais qui est Venus d’ailleurs ? VENUS D’AILLEURS - au départ - est une revue créée en 2006 par un groupe d’artistes et d’écrivains multi-générationnel, réuni par un même état d’esprit. Devenue une société d’édition à part entière, V.D.A explore depuis cinq ans les lois secrètes de la découverte et du mélange des genres où poètes, patascientifiques, ésotéristes, noopticiens, cinéastes, musiciens et artistes se retrouvent d’un commun accord pour édifier ces musées portatifs. Laboratoire d’expérimentations graphiques débridées et lieu d’échange loin du traditionnel livre d’artiste, VENUS s’acoquine d’ailleurs avec Umour aux livres à systèmes, aux boitages curieux, aux illusions d’optique, à l’éroscopie et aux jeux en tout genre… Quand et comment vous êtes vous regroupés? Combien de membres comptez-vous? Yoan Armand Gil : Nous avons commencé à faire de l'édition il y a 5 ans environ. Etant Outsider, jeune, pauvre et en province, nous avions beaucoup de difficulté à montrer nos œuvres. Nous nous sentions isolé du monde de l'art parce que "pas tendance", "vieillots présupposés kitch", "pas très art contemporain comme il faut". Nous nous sommes aperçu que nous n'étions pas seul dans ce cas et que ce n'était ni un problème lié à la localité, ni à la génération… Il y avait pas mal d'artistes "venus d'ailleurs", des OVNIs, des extra-terrestres, des habitants de mondes parallèles et V.D.A compte aujourd’hui presque 80 participants. Nous aimions les livres et une revue était un bon moyen d'exister : Un musée portatif, une zone autonome temporaire. Que produisez-vous, et à quelle fréquence? Aurélie Aura : En 5 ans, notre production s’est franchement diversifiée. Nous avons édité une cinquantaine d’ouvrages. En plus de la revue semestrielle qui est toujours l’axe principal de nos publications, nous avons développé une dizaine de collections avec différents collaborateurs. La collection Anima par exemple est consacrée aux films d’artistes et au cinéma expéri- Toutes leurs informations et actualités sur le site mental, les collections Pallas Hôtel et Poiêsis sont dédiées à la www.venusdailleurs.fr
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> L’actualité Expositions & Cinéma Notre notation : **** : décevant ****: pourquoi pas? **** : pas mal **** : formidable
> Les expos du moment
Une collection particulière **** tion des Treilles. Mais si l’on ne peut qu’imaginer le nombre de personnes qui gravitent autour de cette fondation, il faut retenir un nom : Anne Gruner-Schlumberger qui était à la fois mécène, amie et passionnée. Et c’est la combinaison de ces trois caractéristiques qui fait la force de l’exposition : les liens que cette grande dame a pu tisser avec les artistes exposés (des plus connus : Picasso, Leger, Giacometti aux plus belles découvertes : Matta, Brauner, Sima) sont palpables lorsque l’on parcourt les salles, l’on a le sentiment d’être guidés par une main à la fois amie et connaisseuse. Alors rien de tel que de se laisser guider à travers les mystères de cette palette d’avant-gardistes, de ces « artistes de l’imaginaire » comme elle se plaisait à les appeler. Et l’on ne peut que lui donner raison aux vues, par exemple, des travaux de Victor Brauner qui semble avoir atteint du bout de son pinceau le monde obscur et dérangeant de l’imaginaire humain ou encore le travail de Vieillard – véritable travail de fourmis – où l’on semble entrevoir le labyrinthe des songes de l’artiste. Particulière, cette collection l’est aussi dans le sens moins commun de singulier, spécial, typique. D’abord par son articulation, car elle prend véritablement possession du lieu qui l’accueille comme on peut le voir après nos premiers pas dans le Musée où trois Moutons de Lalanne semblent avoir décidé de venir admirer les toiles gigantesques d’un autre âge. Ensuite par sa vocation car elle réussi le pari de nous guider à travers une époque, de nouveaux modes de pensée et de langage et si l’on prend plaisir à visiter ou revisiter par la même Du 2 Juin au 2 Octobre, le Musée des Beaux-Arts de Nîmes occasion la collection permanente, le Musée des Beaux Arts accueille entre ses murs une exposition qui porte bien son nom. nous donne alors une belle leçon d’Histoire de l’Art. • VERA Particulière, elle l’est d’abord dans le sens où on l’entend communément dans le monde de l’art. C’est-à-dire que ces œuvres Une collection particulière, jusqu’au 2 octobre au Musée des que l’on peut admirer au premier étage du Musée appartiennent Beaux-Arts de Nîmes non pas à un Musée ou à l’Etat mais à une fondation, la Fonda11
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> Les expos du moment
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Odilon Redon, Prince du Rêve
C’est une exposition littéralement immense qui envahit le musée Fabre cet été. Présentée au printemps au Grand Palais, elle déferle maintenant en province. Bien plus vaste que celles que le musée a l’habitude d’accueillir, elle déborde de l’espace traditionnellement consacré aux expositions temporaires jusqu’à envahir quelques salles du premier étage. On ne peut nier que ce déploiement soit nécessaire : l’œuvre d’Odilon Redon, son cheminement et sa multiplicité en ont besoin pour pouvoir être compris et appréciés comme il se doit. Odilon Redon est par ailleurs assez méconnu, à part peut-être quelques-uns de ses Noirs, dont L’araignée et L’œil en sont les ambassadeurs les plus célèbres. L’exposition commence avec ces estampes sombres en hommage à Goya, illustrant explicitement Poe, Baudelaire ou Flau-
bert. C’est que ces fantasmagories peuvent être considérées comme leurs transcriptions picturales. Et quand Redon délaisse ses Noirs au profit d’aquarelles aux couleurs limpides (Le Bouddha, La cellule d’or), c’est à Mallarmé que l’on pense, ainsi qu’à Rimbaud dont le poème Ophélie inspira sans doute —qui sait ?— le tableau de Redon qui porte le même nom. Sans parler de Huysmans qui célèbre le peintre dans son roman À rebours, que le tableau Les yeux clos illustre très justement. À l’époque déjà se sont formulées ces équivalences : « autant que Baudelaire, monsieur Redon mérite le superbe éloge d’avoir créé un frisson nouveau » dira le jeune critique Émile Hennequin ; « il était très exactement le Mallarmé de la peinture » selon le peintre Maurice Denis. Pourquoi tant de correspondances avec la littérature ? D’une part, c’est qu’on ne peut que difficilement en tisser avec la peinture : Hennequin parle d’un « maître hors ligne qui, excepté Goya, n’a ni ancêtre ni émule » : Odilon Redon est à part et échappe aux classifications (le réduite au symbolisme serait une erreur), si ce n’est celle de la Modernité, de la nouveauté et de l’innovation complète. Son esthétique de l’ « étrangeté, sans laquelle, a dit Lord Byron, il n’y a pas de beauté parfaite» (Emile Hennequin) est certes unique, mais elle peut se rapprocher de celles de Baudelaire, qui quête le beau dans le mauvais et le sombre, ou de Flaubert ou Huysmans, qui réexplorent un complexe rapport à la mystique. Oui, le style de Redon réunit tout cela : il transforme mots et visions en images ; on comprend désormais l’intitulé de l’exposition « Prince du rêve » : mieux que personne de sa génération, Redon a su représenter et faire vivre l’imaginaire, que ce soit le sien ou celui de son époque. L’exposition, en plus de discerner chaque étape de son œuvre dans des salles avec des atmosphères et des configurations très différentes, dévoile quelques tableaux inédits depuis presque un siècle, ainsi que d’autres spécialement sortis de la collection de Gustave Fayet, mécène et collectionneur languedocien dont Redon portraitura la famille, et aussi le décor de la salle à manger de Domecy avec quelques pièces de tapisseries et d’ameublement dessinées par l’artiste à la fin de sa vie. Parallèlement, l’abbaye de Fontfroide (à Narbonne, dans l’Aude) ouvre exceptionnellement les portes de la bibliothèque de Gustave Fayet dont Redon a décoré les murs avec d’immenses fresques qui se font face, intitulées Le jour et La nuit. Et l’on ne soupçonne pas l’étendue du retentissement de l’œuvre d’Odilon Redon : après avoir fasciné les symbolistes de sa génération, il inspira les Nabis et même plus tard, les surréalistes. Cette exposition est ainsi, en plus d’être une balade magnifique, l’occasion de comprendre les prémices de ces mouvements si fascinants. • MORNY Odilon Redon, Prince du rêve, jusqu’au 16 octobre au Musée Fabre de Montpellier
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Le temps retrouvé : Cy Twombly photographe & artistes invités
Ce qui d’emblée distingue et consacre cette exposition, c’est son statut particulier : elle n’est pas le fruit que de l’imagination d’un conservateur, mais d’abord l’idée d’un artiste : Cy Twombly, qui fut secondé pour la concrétisation de ce projet par Éric Mézil, le directeur de la Collection Lambert en Avignon. Ce ne sont pas des prêts ordinaires d’œuvres consentis par d’autres musées contraints, mais un dévoilement rare d’œuvres parfois inédites, une formidable cueillette de photographies à travers les siècles et les continents, et des invitations d’artistes ravis de l’égard qui leur est fait de figurer dans une exposition orchestrée par le maître Cy Twombly. Consécration ultime et malheureuse, le décès de l’artiste de quatre-vingt-trois ans le 5 juillet, un mois à peine après le début de l’accrochage du Temps retrouvé, qui restera ainsi sa dernière création. « Cy nous manque déjà », achève Éric Mézil sur un cartel rédigé à l’occasion. Le titre de l’exposition, adroitement emprunté au dernier volume de La recherche du temps perdu proustienne, prend avec cette disparition son sens final : l’exposition elle-même défie le temps et l’oubli et fait ressurgie le passé, qu’il soit vieux de plusieurs centaines d’années ou de quelques semaines, auquel Cy Twombly appartient désormais. Pour cette quête du temps révolu, la photographie est sans conteste le biais le plus efficace qui soit. De par son instantanéité, elle capte un instant fugitif — au contraire des autres beaux
arts qui exigent un temps souvent pharamineux à leur réalisation ; Éric Mézil résume à merveille toute la dualité qui en fait la fascination : « dans la photographie, il y a réalité et passé ». L’exposition est fabuleusement diverse : nous y côtoient des photographies prises par des peintres tels Degas, Bonnard, Denis ou encore Vuillard, où l’on sent poindre des inspirations pour des tableaux à venir, jusqu’à une Autobiography de Sol LeWitt où l’artiste se raconte à trvaers des images de tous les objets qui l’entourent chez lui. Rodin peint des nuages qui isolent son Penseur sur une photo prise dans son atelier par un ami pour mieux se faire expliquer sa propre œuvre ; Brancusi quant à lui n’est jamais satisfait que par ses propres clichés de ses créations. Virginia Woolf est présente dans son impérieuse absence entre un portrait de sa mère par la photographie préraphaélite Julia Margaret Cameron et un cliché de Gisèle Freund de sa table d’écriture désertée après son suicide, et Baudelaire nous surprend au détour d’un escalier de son regard inquisiteur et un peu effrayant. Les personnages des photos de Lartigue semblent animés, si proches à travers les appareils stéréo d’où on les contemple, ahuris, en 3D ; ce sont des bourgeois BelleÉpoque de la même étoffe que ceux que Proust ressucite. Sally Mann nous promène dans de grands bois inquiétants, au sortir desquels nous dérangeons une grosse dame endormie sur un rocking chair sur le pas de sa porte, œuvre en recto verso du vidéaste David Claerbout. Autant de voyages et d’horizons (et tellement d’autres !) pour finalement arriver au commencement de tout, et ainsi boucler la boucle du Temps : place aux photographies de Cy Twombly, qui pour la première fois sont dévoilées sur notre sol français. Les plus délicieuses sont sûrement les plans très rapprochés sont des natures mortes, salades, pivoines, tulipes ou raisins, avec les couleurs acidulées propres aux photos Polaroïd, et aussi celles placées à la fin en apothéose de l’immensité de la mer obstruée par une armée de parasols et de transats. Toutes ces photos, en conservant intact un instant, à la façon d’une mise sous vide, sont des obstacles à la fugacité du temps ; le Passé se consulte ici avec infiniment plus de plaisir que de contrainte et semble transfiguré par cet assemblage d’une main artiste. Ce à quoi on a du mal à croire nous touche ici, et l’on s’en imprègne pour notre émancipation personnelle. Éric Mézil le dit parfaitement, comme toujours : « le Temps retrouvé oscille entre la nostalgie et la vitalité d’un futur à conquérir » • MORNY Le temps retrouvé, Cy Twombly & artistes invités, jusqu’au 2 octobre à la Collection Yvon Lambert en Avignon
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> Les films à l’affiche
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La guerre est déclarée de Valérie Donzelli, avec Valérie Donzelli & Jérémie Elkaïm nous plongeons dans l’œil de Juliette, qui repense à tout le chemin qu’elle a parcouru, de la rencontre avec Roméo, jusqu’à aujourd’hui. L’intrigue du film n’est pas portée sur la guérison, mais sur l’histoire d’amour. Comment ce couple va-t-il traverser cette épreuve ? Cette famille antagoniste qui va se souder et former une armée face à la maladie. L’humanité qui est remise en cause, pourquoi un amour parfait doit-il donner naissance à un enfant malade ? Cet enfant reflète ce monde si parfait dans la Genèse qui s’effondre. Même si tout est mauvais, il y a quand même de l’espoir, le monde peut renaître comme cet enfant survit, la lumière qu’Adam nous transmet en est la preuve. • OSCAR
La guerre est déclarée, le titre de ce film peut vous paraître ambigu, mais cette guerre, on pourrait sans doute la prendre au sens propre, puisque ce film est un combat infini contre le cancer. Ce cancer, il est là, c’est un personnage, le centre de la vie de ce couple, Roméo et Juliette, allégorie de l’amour parfait, et du fruit de cet amour, leur fils, Adam. Ce film, d’un optimisme débordant, nous entraîne d’abord dans l’histoire de ce couple, tombé amoureux d’un simple regard, de leur parcours et de leur séparation, car ne l’oublions pas, il se veut réaliste. Tourné un peu comme un documentaire, d’une simplicité étonnante, La guerre est déclarée nous touche. Cette histoire inspirée de celle de l’actrice et réalisatrice Valérie Donzelli et de son ex-compagnon, l’acteur Jérémie Elkaïm, nous emporte. En effet, le couple à l’écran comme il l’était aussi à la ville s’est battu et a vaincu le cancer de leur fils, Gabriel. Un hymne à l’amour comme un hymne à la vie, une histoire si touchante que même si quelques larmes nous viennent à l’œil, la joie nous transporte vers la guérison, de ceux qui ne perdent pas pied face à quelque chose de si grand, de si impressionnant que le cancer, et montre que l’espoir existe toujours face au pire. Aujourd’hui, leur enfant – le vrai comme le fictif – est totalement guéri. Il est probable de penser que c’est du gâchis de connaître la « fin » du film, la guérison, mais cela est faux. Ce film a une fin, cela est vrai. Mais leur histoire ne fait que commencer. Déjà, dès les premières minutes, Adam, joué par Gabriel Elkaïm, est présent, âgé de huit ans. Dès lors, nous
LA B.O La guerre est déclarée, film à couper le souffle, s’articule autour d’une bande originale délicieusement concoctée. En plus de parcourir des siècles de musique de Vivaldi à Yuksek en passant par Jacno, chaque morceau est doté d’un potentiel émotif si accru qu’il pousse au larmes sans même avoir besoin de s’accorder aux images. Alors quand musique et images fusionnent, l’on ne peut que frissonner et verser quelques larmes : Frustration entonne Blind lorsque Roméo et Juliette se rencontrent, les moments les plus intenses sont articulés autour du délicieux The Bell Tolls Five de Peter Von Poehl tandis que les notes classiques de Bach et Vivaldi viennent ponctuer ces moments si émouvants qu’ils nous paraissent irréels et que seule une musique venue d’un autre âge peut nous permettre de ressentir vraiment. • VERA 01. Frustration - Blind 02. George Delerue - Radioscopie 03. JB Bach - Menuet et Badinerie 04. Vivaldi - Cantate Cessate, Omai Cessate 05. Jacqueline Taïeb - La fac de lettres 06. Yuksek - Break Ya 07. Vivaldi - L'hiver des4 saisons 08. Jobim - Manha De Carnaval 09. Ennio Morricone - La Cosa Buffa 10. Vivaldi - Eje Mater, Fons Amoris 11. Offecback - La vie parisienne 12. 5 Gentlemans - Si tu reviens chez moi 13. Reprise de Jacques Higelin - Je ne peux plus dire je t'aime 14. Les acteurs - Ton grain de beauté (inédit de Benjamin Biolay) 15. Sébastien Tellier - Une vie de papa 16. Laurie Anderson - O Superman 17. Peter Von Poehl - The Bell Tolls Five 14 18. Jacno - Rectangle
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> Les films à l’affiche
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Melancholia De Lars von Trier, avec Kirsten Dunst & Charlotte Gainsbourg Après les événements du Festival de Cannes au printemps, l'on ne savait plus vraiment à quoi s'attendre concernant le prochain film de Lars Von Trier : Melancholia. D'un côté, la géniale Kirsten Dunst recevait le prix d'interprétation féminine pour le rôle qu'elle y tenait et de l'autre le réalisateur devenait persona non grata au Festival à cause de ses propos tenus sur Hitler et le nazisme en conférence de presse. Comme souvent, ses propos ont été amplifiés lors de l'extrême médiatisation qui a suivie et il faudra attendre le début de mois d'août pour que le réalisateur explique son geste lors d'une interview pour Libération : «En face d’une assemblée qui attend que je dise quelque chose - une provocation, puisque c’est mon style - je le fais. Et quand je dis que je suis un nazi, je suis très choqué, après, que des gens me croient ! Je reconnais que je suis compliqué… A Cannes, j’ai touché un vrai tabou, c’est ce qui explique les réactions violentes. .» Une fois la vérité rétablie, Lars Von Trier redevient auprès du public celui qu'il a toujours été : un réalisateur de génie, et l'on redevient des spectateurs fidèles attendant avec impatience la sortie de sa prochaine prouesse cinématographique comme le prix attribuée à Kirsten Dunst pouvait bien nous le faire croire. Et l'on ne s'était pas trompés ! Lars von Trier pousse le spectateur dans un état d’hésitation complet lorsque les premières scènes du film défilent sur l’écran : doit-on tenter d’analyser les plans qui s’offrent à nos yeux ou simplement se laisser porter par leur beauté infinie ? Il faut bien quelques minutes pour s’accommoder au paysage du film (le Château de Tjolöholm en Suède) et à ces personnages qui nous intriguent. Après un prologue comme une succession de plans parfaits, Lars Von Trier fait évoluer la première partie et s'autorise alors quelques imperfections dans la façon dont il filme ses personnages : lorsque l'on passe d'un visage à l'autre dans l'agitation du mariage de Justine (Kirsten Dunst) par exemple, la caméra est tremblante, trop rapide mais c'est précisément là, dans ces imperfections, que le réalisateur nous laisse une place, la place de nous imaginer dans leur rôle, avec notre propre famille autour. Le moment des noces est d'ailleurs parfaitement choisi : les tensions familiales, amoureuses et professionnelles se dessinent ainsi que les caractères de chacun. Tout ça peut paraître terriblement familier à n'importe quel spectateur, même si ne se
marie pas en grande pompe dans un si beau décor qui veut, on vous l'accorde. Mais cette tension qu'a choisit de faire ressortir Lars Von Trier entre les mélancoliques et les ordonnés appartient à chacun, car l'on est l'un ou l'autre et l'on vit entourés des uns ou des autres. L'on a là un concentré de ce qui peut se passer quand la tension deviennent trop grande : Justine se marie, ce sont donc ses dernières heures pour tout envoyer balader, pour laisser s'exprimer la douleur qu'elle a en elle de vivre dans ce monde sans y trouver vraiment sa place. Elle se retrouve dans l'incapacité de s'engager, incomprise par ceux qui l'entourent, surtout par sa sœur qui a organisé la cérémonie. Dès le moment où Justine se dérobe au destin que sa sœur lui avait mit entre les mains, le film prend une autre tournure : celle de la célébration d'une absence de futur. La petite sœur a tout gâché et tombe en dépression, sa sœur Claire (Charlotte Gainsbourg) l'accueille sans la comprendre, avec sa haine de ce qui fait sa différence (elle réplique plusieurs fois amèrement "Sometimes, I hate you so much"). C'est dans cette situation de tension qu'arrive Melancholia, cette planète autrefois cachée derrière le soleil et qui pourrait bien heurter la Terre et détruire toute forme de vie. L'absence de futur heurte Claire, son mari et son fils de plein fouet et les plonge dans le monde de Justine qui elle ne voit qu'en Melancholia que la réalisation de ce qui la ronge depuis longtemps. C'est lorsqu'ils arrivent au point de non -retour que Lars von Trier réalise une véritable prouesse, celle de nous peindre les émotions les plus terribles qui peuvent traverser l'esprit de personnes rationnelles lorsqu'elles sont confrontées à une situation qui ne l'est pas, à cette fin du monde imminente. Et inversement avec la réaction de Justine, très sereine face à la mort qui va finalement aider ceux qui l'entourent, peut-être pour la première fois. Le regard du spectateur devant ce film est indéniablement différent selon que l'on est mélancolique ou ordonné, mais sous des allures de provocation Lars von Trier a en fait réalisé un film sur l'altérité et l'on en sort grandi, fort de savoir ce qu'est la différence. Le futur est détruit par la surface brûlante de Melancholia dans un final magistral et l'on sort de la salle les jambes tremblantes et les quelques taffes tirées après ça en deviennent comme plus intenses. La vie elle-même prend une plus grande intensité pendant les quelques heures qui suivent la séance car le générique de fin nous rend la vie après nous l'avoir littéralement ôtée quelques minutes plus tôt.•VERA Retrouvez cette chronique et bien d’autres sur le www.take-adrag-or-two.blogspot.com
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Le Gueuloir
Numéro 3 — Septembre-octobre 2010
> Les films à l’affiche
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Les biens-aimés
de Christophe Honoré, avec Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni & Louis Garrel que où elle travaille ; elle rencontre Jaromil, bel étudiant praguois qu’elle se décide à suivre en Tchécoslovaquie, où ils passent cinq ans. Trompée et négligée par son mari, Madeleine décide de quitter Prague en 1968, au tout début du printemps de Prague, dès lors que les chars soviétiques envahissent la ville. Elle retourne à Paris avec sa fille Vera ; celle-ci grandit tandis que son père fait de chroniques allers-retours dans la vie de Madeleine qui s’est remariée. Vera devenue adulte (Chiara Mastroianni), ce sont ses errements que l’on suit, l’amour muet que Clément (Louis Garrel) lui porte et son histoire impossible avec Henderson (Paul Schneider). De toutes parts les amours ont des directions compliquées, de toutes parts le passé reste sur la conscience. Ce n’est pas pour autant un film déprimant : les couleurs acidulées des costumes, l’humour parcimonieux mais irrésistible, les plans de Paris et la riche bande originale portée par I go to sleep réinvesti par Anika et bien sûr Alex Beaupain font des Bien- aimés un mélo enchanteur et vivifiant. • MORNY
Aller voir le dernier film de Christophe Honoré, c’était avant tout s’assurer de retrouver ce qui chez lui nous est si cher : son chapelet d’acteurs fétiches — Louis Garrel, Ludivine Sagnier, Chiara Mastroianni—, les chansonnettes d’Alex Beaupain, et de belles histoires hantées par l’amour, le deuil et l’homosexualité. Mais Les Biens-aimés nous ont offert plus que ça : Honoré intensifie son intrigue, la déploie sur 40 années, soit deux générations, l’emmène balader aux quatre coins du monde (Paris, Prague, Londres, Montréal) et fait ainsi parler français, tchèque et anglais. Le duo que forment Catherine Deneuve et Chiara Mastroainni, mère et fille en réalité ainsi qu’à l’écran, donne à l’ensemble du film une tonalité incomparablement plus juste et réaliste. Rien ne se passe comme prévu, que l’on choisisse la légèreté ou qu’on en soit incapable, que l’on essaie de passer une existence rangée ou que l’on vive de changement, l’amour ne connaît ni loi ni frontière, et l’existence est transfigurée en un rien. Madeleine (Ludivine Sagnier) fait le trottoir dans le Paris dans années 60 avec sa paire de Roger Viver volée dans la bouti-
Les Biens-Aimés était le film que l’on attendait en cette rentrée 2011, imaginant à partir d’une bande-annonce tombant à point comment Honoré allait nous rendre la vie plus douce en nous montrant en images – une fois de plus – qu’une existence torturée par les liens amicaux, familiaux et surtout amoureux est finalement plus belle et intense que douloureuse ou plutôt que les deux se combinent magnifiquement. Et Christophe Honoré comblera tout nos souhaits en nous transportant dans la vie de Madeleine, il n’y a pas moins de cinq décennies, où la légèreté de Ludivine Sagnier prime, notamment à travers les chansons d’Alex Beaupain. Mais c’est lorsqu’arrive la deuxième partie du film, centrée sur Vera (Chiara Mastroianni), la fille de Madeleine, que l’on se sent perdus. Honoré façonne ses personnages mais oublie la pertinence derrière lui si bien que les rapports amoureux comme les dialogues sont parfaitement incongrus. Le film nous transporte, mais à moindre vitesse puisque l’on est bloqués par cette incompréhension qui nous travaille : pourquoi au juste une telle relation se construit entre Vera et Henderson, homosexuel atteint du sida, dont elle s’entiche sans qu’il puisse s’en défaire vraiment ? Mais c’est aussi cette part d’originalité dans les comportements amoureux qui nous séduit chez les personnages d’Honoré, Vera est l’amoureuse mélancolique comme l’est Otto dans La Belle Personne (adaptation moderne de La Princesse de Clèves) et, même si l’on ne comprend pas leur geste, l’on s’y attache et on s’en souvient. • VERA
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Numéro 3 — Septembre-octobre 2010
> Le Gueuloir de ...
Gisèle Freund « Quand les idées énoncées dans un livre nous ont plu, nous aimons voir le visage de celui qui les a exprimées. C'est la raison pour laquelle les éditeurs aiment publier l'image de l'auteur au dos du volume. L'auteur est inquiet et désireux de paraître aussi bien que possible, car son portrait est le seul moyen d'un contact charnel avec les lecteurs. » - Gisèle Freund Le nom de Gisèle Freund ne vous parle peut-être pas, mais son œuvre photographique si célèbre ne vous est certainement pas inconnue. Gisèle Freund, c’est d’abord la femme qui aura vécu tout un siècle. Restée très longtemps dans l’ombre, l’auteur de ces portraits ô combien célèbres d’artistes et écrivains du XXe siècle donne un visage à ceux que nous lisons ou dont nous admirons l’œuvre artistique. Elle photographie donc JeanPaul Sartre, Simone de Beauvoir, James Joyce, Virginia Woolf, André Malraux, Jean Cocteau, Colette, Samuel Beckett, André Gide et bien d’autres. C’est lorsque son père lui offrit son premier Leica que Gisèle Freund se prend de passion pour le photojournalisme. Allemande et de mère juive, elle se voit contrainte de fuir son pays natal pour la France alors que le nazisme est en pleine ascension. En avance sur le reste du monde, elle écrit la toute première thèse de sociologie sur l’image et parvient à faire des clichés en couleur à partir de 1938. Devenue française par mariage, elle fréquente le beau monde, et rend même visite à Jorge Luis Borges en Argentine ou bien Jules Supervielle en Uruguay, alors qu’elle est employée comme photojournaliste par le magazine Magnum. Elle est finalement forcée de retourner en France. Lauréate du grand prix national des Arts pour la Photographie, elle immortalise François Mitterrand dans son portrait officiel, alors qu’il est à peine élu président. L’année 1991 consacre alors sa carrière, avec la rétrospective de ses œuvres au Centre Georges Pompidou. Née en 1908, elle décède le 30 mars 2000, pour conclure ce siècle achevé. • OSCAR
Sélection de portraits :
De haut en bas et de gauche à droite : Simone de Beauvoir, JeanPaul Sartre, André Breton, Jean Cocteau et André Malraux
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Numéro 3 — Septembre-octobre 2010
I’m waiting for the man A chaque numéro du Gueuloir, l’on s’offre une parenthèse musicale pour célébrer l’art des reprises. Je parle d’un art dans l’art de la musique car c’est l’exercice musical qui démontre le mieux l’évolution d’un genre et comment chaque décennie s’approprie un titre. C’est pour cela que j’ai choisi de vous parler d’un titre mythique des années 60 : I’m Waiting For The Man du Velvet Underground, les protégés d’Andy Warhol à qui bon nombre de personnes les associe aujourd’hui. Et ils ont en partie raison, même s’il serait idiot de réduire le Velvet à l’album à la banane, car c’est Warhol qui détenait le succès dans ces années là alors que le groupe n’était connu que dans quelques sphères de musiciens. Comme l’a dit Brian Eno, « le premier album du Velvet ne s’est vendu qu’à 10 000 exemplaires, mais tous ceux qui l’ont acheté ont formé un groupe » ce qui résume bien l’époque : tout le monde est musicien ou artiste mais le succès n’appartient qu’à quelques-uns, délaissant au passage des formations de talent. Heureusement, le succès est venu – bien que tardivement – à la rencontre du Velvet Underground et le groupe a pu prendre place parmi les groupes les plus importants de son époque. Je dis heureusement car sans cela nous n’aurions pas pu apprécier des décennies de reprises et d’évolution de ce titre phare : I’m waiting for the man.
playlist des reprises
date de 1970 et représente bien la décennie qui va suivre, que Bowie va enchanter avec son Space Rock et les personnages qu’il créait en prenant en héritage la plume acide de Lou Reed. • Mais dans les années 70, un autre genre apparaît et s’approprie le titre de ses dignes parents : le punk rock. C’est là qu’interviennent Slaughter And The Dogs, une des premières formations du genre, qui fait de I’m waiting for the man un titre agressif, aux guitares lourdes, en débitant les paroles écrites par Lou Reed avec un fond de haine qui caractérisera le genre. • Dans les années 80, le titre n’a de cesse d’être repris en live notamment par Debbie Harry et Bauhaus mais ce sans grande évolution. Il faut attendre 1991 pour découvrir une reprise pour le moins surprenante : celle de Vanessa Paradis. Elle est alors une jeune fille et transforme le titre avec sa voix de midinette lors de son premier dans l’émission des Nuls. Une reprise représentative des années 90 où la télévision est souvent synonyme de rire mais parfois aussi de découvertes. • L’on arrive aux années 2000 avec l’excellente reprise de Belle & Sebastian qui donne une nouvelle vie au titre sur un air de bon rock indépendant comme on le connaît aujourd’hui. • Mais le mieux reste encore de laisser du temps au temps pour que les mains d’un génie remanient le titre. Et c’est arrivé en 2009 lorsque Beck et son Record Club se lancent le pari d’enregistrer un album en un jour. Défi relevé et l’on y trouve une version détraquée de I’m waiting for the man aux influences blues et country qui font étonnement ressortir les paroles de Lou Reed, qui résonnent alors en nous comme autant de possibilités d’envisager la musique. • VERA
• L’un de premiers à reprendre le titre, hormis Lou Reed lors de son envolée solo, a été le grand David Bowie. Sa reprise du titre Retrouvez toutes ces reprises sur Youtube !
Le Gueuloir n°3, septembre-octobre 2011 Internet : Retrouvez nous sur Facebook, ainsi que sur Twitter et sur notre blog en cours de réalisation : http://legueuloir.tumblr.com Rédaction Morny, Oscar, Vera Mise en page Morny Responsable de publication Mme Din