Le baromaître n°2 - La crise migratoire

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DÉCEMBRE 2015 - #2

LE BAROMAÎTRE LE JOURNAL DES ÉLÈVES AVOCATS

LUMIÈRE SUR...

«LA CRISE MIGRATOIRE» DE L'EXIL À L'ASILE ?

MIGRATION ET TERRORISME : ENTRETIEN D'UN AVOCAT L'UE FACE À L'IMMIGRATION : L'AVIS D'UN UNIVERSITAIRE IMMERSION AU LIBAN DANS UN CAMP DE RÉFUGIÉS LE POINT DE VUE DES ÉLÈVES AVOCATS

PROMOTION HENRI LECLERC

TRIBUNE LIBRE

RETOUR SUR UNE PERMANENCE PÉNALE LE POINT DE VUE DES ÉLÈVES AVOCATS ÉTRANGERS



#2 - EDITO

A

É D I T O

l’heure où nous écrivons ces lignes, la France souffre. Les attentats du vendredi 13 novembre résonnent dans nos mémoires, ils écorchent nos âmes, ils brouillent nos esprits.

L’inconcevable provoque des réponses exceptionnelles. Dès le 14 novembre, l’état d’urgence est décrété : les perquisitions, les assignations à résidence se multiplient et sont autorisées sans contrôle judiciaire. La France, berceau des Droits de l’Homme, décide de prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la Convention européenne des droits de l’homme. La réaction est humaine, le sentiment justifié, les mesures compréhensibles, mais. Mais. Cette souffrance ne doit pas nous faire oublier les droits et libertés qui constituent l’essence de notre démocratie. « Un pays qui durcit ses lois au mépris des libertés qu'il a mis des siècles à mettre en place est un pays qui cède au terrorisme » nous confiait Me Nogueras, reprenant l’argumentation de Me Badinter. La sauvegarde de l’intégrité de la Nation conduit le législateur à prendre des mesures qui restreignent nos libertés comme a pu l’être la loi sur le Renseignement, sujet que le Baromaître avait abordé dans le numéro précédent. « Un attentat reste un attentat. À l’usure, on peut le gérer techniquement, pas humainement. L’émoi et l’effroi ne font pas bon ménage avec le sang froid. Lorsque l’horreur frappe, c’est toujours le coeur qu’elle frappe en premier » écrivait Yasmina Khadra dans l’Attentat, roman violent qui narre ce drame humain en plein conflit israélo-palestinien.

Les flux migratoires sont récurrents bien que leurs causes et leurs natures évoluent. Pendant plusieurs dizaines de milliers d’années, l’homo sapiens est un nomade, il se déplace au gré de ses besoins, change son habitat afin d’assurer sa survie. En Europe, il faut attendre le néolithique (aux alentours de 8500 av JC.) pour constater une sédentarisation des populations, et l’instauration progressive des premières « propriétés ». Puis, les frontières se matérialisent ; alors le « migrant » est apprécié juridiquement, appréhendé par une communauté installée : la terre est la nôtre, la vôtre ou la leur. L’espace territorial incarne une société, une culture distincte dont le franchissement implique des droits et des devoirs pour « l’étranger ». Néanmoins, l’accueil des migrants et leur intégration sont partie de notre diversité culturelle et de notre patrimoine national. Dans notre Histoire et notamment après les grands conflits du XXe siècle, l’Europe a eu besoin de migrants et de leur main-d’œuvre. Aujourd’hui encore, les démographies européennes souffrent d’un déficit qui n’est pas propice à une croissance constante et les flux migratoires restent nécessaires. Dès le mois de septembre, l’équipe du Baromaître choisissait de développer le thème de la crise migratoire. Malheureusement, la situation actuelle a tendance à attiser les confusions, entrainer de regrettables amalgames. Il est de plus en plus fréquent d'employer les termes de « migrant », « réfugié », « demandeur d'asile » comme synonymes alors que ces expressions revêtent une signification bien différente. Ces confusions entretenues par la presse et l’opinion publique sont omniprésentes. Cependant, de telles inexactitudes sémantiques risquent d’entraîner détournements et manipulations. Ce numéro tentera de définir les différentes notions propres à la crise migratoire et d'en expliquer leurs régimes afin d'appréhender au mieux les problématiques qui en découlent. Face à une crise humaine d'une ampleur sans précédent, l'Union européenne a dû réagir et adopter plusieurs mesures afin de répondre à ces flux de réfugiés. Monsieur Slama, Maître de conférence spécialisé en Droit des étrangers, a eu la gentillesse de les commenter, soulignant l’équilibre difficile entre le principe fondamental de communautarisation de la politique d'asile et l’actuel durcissement des conditions d’accueil. Cette crise migratoire est sans précédent dans notre histoire contemporaine. Près de 900.000 hommes, femmes et enfants ont traversé les frontières de l’Union européenne en 2015. Cette crise a plusieurs causes au titre desquelles les évènements dramatiques qui bouleversent le Moyen-Orient font figure de proue. En outre, les flux migratoires sont également liés aux changements climatiques et risquent malheureusement de s’intensifier, du fait notamment de la hausse du niveau des mers et des océans. Ces femmes, ces hommes et ces enfants sont autant d’êtres humains, de semblables, d’amis qui, jetés dans un exil épouvantable, n’aspirent pourtant qu’à vivre dignement et dans la paix.

Margaux GUÉRIN et Florent GASSIES, Directeurs de Publication. AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE | 3


S o m m a i r e 4 | AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE

LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE

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ENTRETIEN AVEC MAITRE NOGUERAS

5

HISTOIRE(S) D'IMMIGRATION

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VOUS AVEZ DIT « MIGRANT » ?

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L'AVIS DU SPÉCIALISTE : SERGE SLAMA

12

LE DROIT DES ÉTRANGERS : ENTRE PRINCIPE D'ÉGALITÉ ET SOUCI D'INTÉGRATION

14

DAECH : UN ETAT EST NÉ ? INFLUENCES ET POLITIQUES ÉTRANGÈRES

16

FOCUS SUR LA RUSSIE - NUISANCE OU PUISSANCE

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LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE MIGRATOIRE

20

L’ALLEMAGNE : TERRE D’IMMIGRATION ?

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L’ACCUEIL DES MINEURS ÉTRANGERS PRÉSENTS EN FRANCE

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LES MINEURS ISOLÉS BROYÉS DANS L’ÉTAU INSTITUTIONNEL

26

PASSEURS DE MIGRANTS : UN SERVICE « ALL-INCLUSIVE », MÊME LE PIRE.

28

UNE JOURNÉE AUPRÈS DES RÉFUGIÉS SYRIENS AU LIBAN

30

L'AIDE AUX MIGRANTS : MOYENS D'ACTION DES CITOYENS

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TÉMOIGNAGE D'UN MÉDECIN BÉNÉVOLE DE LA CROIX ROUGE

34

TRIBUNE LIBRE

44

MUTILATIONS SEXUELLES ET « MARIAGE » FORCÉ : IL NE FAUT PAS TOURNER LA PAGE

44

RETOURS SUR UNE PERMANENCE PÉNALE

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PERMANENCES JURIDIQUES AU SEIN DE L'ASSOCIATION « DROITS D'URGENCE »

50

TOUR DE TABLE AVEC L’UNION DES JEUNES AVOCATS

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LE POINT DE VUE DES ÉLÈVES AVOCATS ÉTRANGERS

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CAPA : IMMERSION AVEC LA PROMOTION LEBORGNE

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LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE

ENTRETIEN

Me XAVIER NOGUERAS

" TERRORISME ET CRISE MIGRATOIRE "

X

avier NOGUERAS a accepté de nous recevoir dans son cabinet le 19 novembre 2015, pour répondre à nos questions. L'entretien

complet a été filmé et est disponible sur la chaîne youtube " Le Baromaitre ". Nous vous proposons des extraits choisis.

Le Baromaître : Bonjour Maitre Nogueras et merci de nous recevoir. L'accueil de migrants, principalement venus de Syrie, pose des problèmes tant humains, que politiques et économiques. Certains vont jusqu'à parler de crise migratoire. Pour vous, quelles en sont les vraies causes ? Me Nogueras : La cause principale est bien évidemment la situation géo-politique en Syrie. Beaucoup pensent que la France est intervenue en Syrie au mois de septembre puisqu'elle s'estimait en état de légitime défense, compte tenu des attentats de janvier 2015 et de la progression des groupuscules terroristes en Syrie. En réalité, si elle était intervenue en réaction à une atteinte portée aux intérêts de la Nation, elle l'aurait fait bien plus tôt, peut-être même au lendemain des attentats de janvier (bien que les frères Kouachi n'avaient pas de lien direct avec la Syrie).

de la Nation mais également pour mettre fin à la problématique économique de la crise migratoire syrienne. En mai-juin 2013, Barack Obama s'est posé la question d'intervenir quand on a eu la confirmation que Bachar Al-Assad utilisait des bombes chimiques à l'encontre de son peuple. Il a finalement fait machine arrière. Je me rappelle, de même, l'allocution de Laurent Fabius le 4 juin 2013 où il affirme que la France doit intervenir en Syrie. Face à l'inertie des pays occidentaux malgré des déclarations de volonté d'interventions, la Syrie va être le théâtre d'abominations : des groupuscules vont proliférer. D'abord Jabhat Al-Nosra (Al Quaïda en Syrie) puis ensuite, progressivement les troupes venues d'Irak qui arrivent en Syrie et forment ce qui va devenir l’État Islamique jusqu'en 2014 avec la proclamation du grand califat. Le peuple syrien se retrouve donc dans un étau avec, d'un côté, Bachar Al-Assad qui massacre son peuple et de l'autre, des groupes d’islamiques radicaux. Ces populations vont donc chercher à quitter leur pays et accéder à une meilleure vie notamment en Europe.

Selon moi, la France intervient en septembre parce qu'il y avait d'une part, une atteinte aux intérêts AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE | 5


LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE Le Baromaître : Comment le droit peut-il apprécier cette situation et quels mécanismes juridiques et sémantiques peut-on utiliser ?

remise en cause du rôle de la DGSI. Il ne faut cependant pas oublier qu'il faudrait 5 DGSI en France pour permettre un bon fonctionnement.

Me Nogueras : Il existe des conventions internationales qui permettent d'accueillir les populations issues de pays en guerre.

La fiche S est souterraine ; par conséquent, il est impossible de connaître son effectivité.

Ce sont des peuples qui migrent en raison de la guerre qui se déploie dans leur pays, et qui doivent donc être considérés comme réfugiés. Lorsque le gouvernement a eu à se prononcer sur leur qualité, il a souligné les voies de droit qui leur étaient offertes. Pas simplement aux Syriens aujourd'hui mais à toutes les populations opprimées dans leur pays. En réalité, ce sont les organismes tels que l'Office français de protection des réfugiés apatrides (Ofpra) qui octroient après examen d'un dossier la qualité de réfugié. Les situations sont étudiées au cas pas cas. Le Baromaître : On parle de flux migratoires depuis la Syrie notamment. Pensez-vous qu'il y ait un risque que des terroristes s'infiltrent en Europe en utilisant ces flux ? Me Nogueras : On a effectivement beaucoup parlé de cette possibilité. Selon moi, c'est un fantasme, c'est même une argumentation nauséabonde. Je crois qu'elle a été utilisée la première fois par l'extrême droite pour donner une justification à la fermeture des frontières. En réalité, si Daech veut envoyer des terroristes en France, ils vont utiliser des djihadistes français qui ont été formés en Syrie. Il y a un nombre considérable de départs vers la Syrie depuis 2013 et de plus en plus de retours, ce qui fait qu'on est sur un flux migratoire constant. Daech n'a donc pas besoin de s'infiltrer par des groupes de migrants pour atteindre le territoire français. De nombreux français aujourd'hui grossissent les rangs de Daech. Les attentats du 13 novembre l'ont d'ailleurs démontré : il s'agissait de Français, de Belges. Ce n'est donc pas quelque chose que l'on doit craindre. Si l'on doit craindre le terrorisme, ce sont les français qui reviennent de Syrie par des filières qui leur permettent de ne pas être automatiquement fichés par la DGSI. Le Baromaître : Pensez-vous que le fichage des présumés terroristes n'est pas effectif ou du moins est-il perfectible ? Me Nogueras : Les fiches S sont un fantasme. Personne ne sait exactement ce qu'est une fiche S. Les fiches sont créées dès qu'une personne a, de près ou de loin, un rapport avec la Syrie. Il faut également être conscient que certaines fiches S apparaissent après les attentats pour éviter une 6 | AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE

Quand je dépose des recours administratifs devant le tribunal administratif pour contester des arrêtés ministériels, des interdictions de sortie du territoire depuis novembre 2014 ou maintenant des assignations à résidence, je demande au tribunal d'enjoindre le Ministère de l'intérieur à communiquer de façon contradictoire les éléments sur lesquels ils se sont basés pour désigner telle ou telle personne comme fichée S et ils sont incapables de le faire. Le Baromaître : Vous disiez qu'il faudrait 5 DGSI pour prévenir réellement le terrorisme. Vous rejoignez ainsi le juge Trévidic quand il dit que la justice manque de moyens ? Me Nogueras : Évidemment. Les magistrats et les juges d'instruction du parquet anti-terroriste travaillent dans des conditions très particulières. C'est d'autant plus au coeur du sujet qu'on va durcir le système, on va armer les policiers municipaux, on va anéantir progressivement un certain nombre de libertés fondamentales. Tout le monde accepte ça. L'immense majorité des Français est aujourd'hui d'accord avec les assignations à résidence. La liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre sont anéanties. En réalité, alors qu'on devrait résoudre le problème en injectant des moyens, on le règle avec de la poudre aux yeux, en mettant plus de militaires dans les rues, en armant les policiers municipaux, en faisant des lois prolongeant l'état d'urgence. Je reprends l'argumentation de Robert Badinter qui disait qu'un pays qui durcit ses lois au mépris des libertés qu'il a mis des siècles à mettre en place est un pays qui cède au terrorisme. Robert Badinter nous exhorte à ne pas céder au terrorisme, à appréhender le problème tout en conservant notre Etat de Droit. Une manière de continuer à combattre le terrorisme est de lutter avec notre arsenal juridique et de ne pas anéantir progressivement ces fondements qu'on a mis tellement de temps à bâtir. Le risque est peut-être un jour par finir par se comporter comme nos agresseurs.


LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE Le Baromaître : Vous évoquez les Français qui partent en Syrie rejoindre Daech. Que pensez-vous de leurs motivations et justifications ?

commencera le procès d'une filière djihadiste syrienne, incarcérée en juin 2013.

Me Nogueras : Pour essayer de comprendre leurs motivations, il faut remonter dans le temps : on ne part pas avec les mêmes motivations en 2013, qu'en 2014 ou en 2015.

Le second stade est la réinsertion mais il reste mineur. L’État tente d'abord de se prémunir contre les passages à l'acte. Par exemple, depuis janvier, ont été mis en place des centres de déradicalisation. La prison de Fresnes a été une première zone d'expérimentation.

En 2013, on part pour faire tomber Bachar Al-Assad, c'est un esprit plus guerrier mais dans un soucis d'humanité pour défendre le peuple arabe qui se fait massacrer, on ne part pas pour prêter allégeance à une organisation terroriste.

Cette réinsertion devient beaucoup plus compliquée en cas d'attentat puisque face à une situation d'extrême violence, la population se crispe et c'est alors qu'apparaissent de nombreux amalgames. L'effort sur le préventif doit malgré tout être poursuivi.

Progressivement, ces groupes terroristes vont prendre de l'ampleur (Daech, le Front de libération syriens, Jabhat Al-Nosra, etc.). La proclamation du grand califat en juin 2014, l’État Islamique, est tellement mondialement diffusée comme information qu'on n'a plus besoin de filière d'acheminement, il n'est plus nécessaire de convaincre les jeunes, on assiste à un phénomène d'autoradicalisation. Ainsi, les jeunes ne peuvent plus expliquer qu'ils ne savent pas où ils vont. Ils partent donc dans l'objectif de rejoindre les rangs de Daech ou une autre organisation terroriste.

Le Baromaître : Doit-on changer les réponses judiciaires et policières afin de mieux répondre aux problématiques qu'engendrent le terrorisme ? Par exemple, doit-on instaurer un état d'urgence permanent ?

Il existe enfin une troisième phase, surtout à partir de la deuxième partie de l'année 2014. Elle est beaucoup plus idéologique : ce sont donc des départs prophétiques. C'est une migration inverse. Ils partent pour un pays où on applique la Charia, la loi islamique. Ils partent pour rejoindre un Etat islamique au sens premier du terme où ils pourront être musulmans. Le Baromaître : Lorsque ces jeunes partis en Syrie reviennent en France, est-il possible pour l’État de les réintégrer au sein de la société ?

Me Nogueras : L'état d'urgence suspend nos libertés. Il doit donc être temporaire. Je suis autant terrorisé que vous. Je me pose même d'ailleurs la question sur ma capacité à continuer à défendre des gens concernés par cette problématique. Mais je ne suis pas un observateur de notre société, je suis un avocat. Je suis là simplement pour regarder si des excès dans l'anéantissement de nos droits ont été commis et s'il existe un moyen de les dénoncer. Car finalement, ce sont les libertés de tous qui sont concernées. Lorsque la population veut plus de sécurité, elle ne se rend pas forcément compte que ce sont ses droits qui sont progressivement anéantis.

Propos choisis par Margaux GUÉRIN Élève avocat

Me Nogueras : L’État le fait déjà depuis quelques temps. Le premier stade est celui de l'incarcération. De façon préventive, il faut placer ces jeunes en détention pour que l'autorité judiciaire évalue leur degré de dangerosité. Ce que l'on constate, c'est la systématisation du placement en détention provisoire. La systématisation de la judiciarisation n'est pas un problème, c'est même une nécessité. Mais placer systématiquement ces personnes en détention provisoire est contestable. La personne en détention l'est selon un titre qui s'appelle un mandat de dépôt dont la validité est de quatre mois dans les affaires correctionnelles. Tous les quatre mois, le mandat est renouvelé. C'est un renouvellement permanent jusqu'à la comparution du détenu devant la juridiction correctionnelles. Par exemple, le 1er décembre

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ERRATUM : L'article "Les enjeux juridiques du renseignement économique" de notre précédent numéro sur "Le Renseignement" a été écrit par Amanda Dubarry, élève avocate. La correction est disponible sur le site de l'AEA sur la version numérique du journal. ----------------------------------------------------------------------

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LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE

HISTOIRE(S) D'IMMIGRATION EN FRANCE

D

evenue terre d’immigration au milieu du 19e siècle, la France a connu, et connaît encore, de nombreux flux migratoires aux origines et motifs variés. Face à ces flux, la France oscille entre ouverture et fermeture des frontières, suivant la conjoncture. En 2013, les « personnes nées de nationalité étrangère à l’étranger et résidant en France »1 représentaient 8,5% de la population totale du pays. Des immigrés dont l’histoire est abritée, depuis bientôt dix ans, entre les murs du Palais de la Porte Dorée à Paris, au Musée de l’histoire de l’immigration. Une histoire de près de deux siècles, dont il est impossible de retracer l’intégralité en quelques lignes, mais dont on peut essayer d’exposer les principales étapes.

XIXE SIÈCLE – 1914 En 1830, la population résidant en France est déjà composée d’individus de nationalité étrangère, les Italiens représentant à l’époque la plus nombreuse communauté. Principalement originaires des pays frontaliers que sont la Belgique, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et la Suisse, les immigrés sont un million en 1881, soit 2,5% de la population vivant en France. 8 | AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE

Le début du 20e siècle est ensuite marqué par une grande vague d’immigration ouvrière, également originaire des pays voisins, et par le développement d’une immigration politique arrivant de Russie, d’Arménie et d’Allemagne.

1914–1944 Pendant la Première Guerre mondiale, le pays a besoin de main-d’œuvre et fait appel aux travailleurs étrangers (Algériens, Marocains, Indochinois, Chinois)2. La France est le « pôle mondial de l’immigration »3 jusqu’en 1931, lorsqu’elle est affectée par la « Grande Dépression ». Alors que 3 millions d’immigrés résident sur le territoire, on assiste au premier recul important des flux migratoires. Des dispositions sont prises par les autorités afin de ralentir l’entrée des travailleurs étrangers sur le territoire. Une fermeture des frontières à laquelle s’ajoute l’instauration de quotas d’ouvriers étrangers dans les entreprises ainsi qu’une limitation de l’exercice de certaines professions aux Français. L’immigration est de nouveau privilégiée pendant la Seconde Guerre mondiale, mais sous le régime de Vichy, les étrangers sont soumis à une surveillance étroite4.

1 Définition du mot « immigré » par le Haut Conseil à l’Intégration et qui est utilisée par l’INSEE. Au niveau international, l’Organisation des Nations unies utilise une définition plus large, puisqu’elle y inclut les personnes qui sont nées françaises mais à l’étranger, ce qui augmente la part des immigrés en France à 11%

2 Musée de l’histoire de l’immigration, « L’appel aux travailleurs étrangers, coloniaux et chinois pendant la Grande Guerre », 3 BLANC-CHALEARD M a r i e - C l a u d e , « Introduction », Histoire de l’immigration, Paris, La Découverte, « Repères », 2001, 128 pages. 4 LOCHAK Danièle « Les étrangers sous Vichy », Revue Plein droit n° 29-30, novembre 1995, « Cinquante ans de législation sur les étrangers ». 5 BLANC-CHALEARD Marie-Claude, op. cit.


LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE 1945 – 1975 Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France doit se reconstruire et a de nouveau besoin de main-d’œuvre. C’est le début des « Trente Glorieuses de l’immigration »5. L’immigration va se diversifier au fil des années, les immigrés ne venant plus seulement des pays frontaliers mais également du Portugal, de Turquie, des pays du Maghreb et des pays d’Afrique sub-saharienne qui accèdent à l’indépendance au cours de l’année 1960. De 1,7 million d’étrangers en 1946, on atteint 3,4 millions en 1975, soit 6,4% de la population vivant en France.

DEPUIS 1975 Dès 1974, la crise économique ralentit le développement de l’immigration. Une politique rigoureuse de contrôle des flux migratoires est mise en place, avec un contrôle strict des entrées et des séjours et l’instauration d’aides au retour volontaire dans le pays d’origine. Contrairement aux idées reçues, depuis les années 1980, la proportion d'immigrés résidant en France est plutôt stable. En 1982, 4 millions d'immigrés résident sur le territoire français, 4,1 millions en 1990, 4,3 millions en 1999, 5 millions en 2004, et selon les derniers chiffres de l’INSEE, 5,8 millions en 20136 (soit 8,5% de la population totale). C’est le profil des immigrés qui a surtout fortement évolué ces dernières années. La France connaît par exemple une immigration de plus en plus européenne, avec près de la moitié des immigrés entrés en France en 2012 qui sont nés sur le continent européen, contre un tiers il y a dix ans7.

GÉNÉRATIONS DE DESCENDANTS D’IMMIGRÉS Cette longue histoire de l’immigration a profondément diversifié l'origine des Français. Aujourd’hui, si l’on remonte sur trois générations, un Français sur quatre compte dans sa famille un ancêtre d'origine étrangère8. Pour désigner des descendants directs d’immigrés, c’est-à-dire ayant au moins un parent immigré, la notion de « seconde génération » d’immigrés se développe dès les années 1980 dans les médias, les politiques publiques et l’opinion. En 2012, le total

des « première » et « seconde » générations représente 27% des 25-54 ans en France et la « seconde génération » compte 6,7 millions de descendants directs d’immigrés9.

6 INSEE, « Les immigrés récemment arrivés en France », dans Une immigration de plus en plus européenne, n°1524, novembre 2014.

La « seconde génération » est renommée « deuxième génération » avec l’émergence d’une « troisième génération », certaines études sociologiques parlant même d’une « quatrième génération ». Nous vient alors en tête le fameux slogan chanté lors de toute manifestation de soutien aux immigrés ou de lutte contre le racisme : « Première, deuxième, troisième génération, nous sommes tous des enfants d'immigrés ».

7. cf site de l'INSEE.

Aujourd’hui, la France compte plus d’enfants d’immigrés que d’immigrés et si l’on compare avec les autres pays européens, l’importance des « deuxième » et « troisième » générations apparaît spécifique à la France10. Si les descendants d’immigrés vivent majoritairement mieux que leurs parents, subsiste chez certains le sentiment de ne pas être intégrés à la société française. En Ile-de-France par exemple, une étude de l’INSEE publiée en 2012 révèle que si 90% des descendants déclarent se sentir Français, ils ne sont pourtant que 67% à avoir le sentiment d’être vus comme des Français11.

8 DERDER Peggy, Idées reçues sur les générations issues de l'immigration, Le Cavalier bleu, 2014, 176 p. 9 BOUVIER Gérard, « Les descendants d’immigrés plus nombreux que les immigrés : une position française originale en Europe », dans Immigrés et descendants d'immigrés en France - Insee Références Édition 2012. 10 Ibid 11 Ibid

L’histoire de l’immigration en France est riche et singulière. L’on comprend alors la complexité de la mission du Musée de l’histoire de l’immigration, établissement public chargé « de rassembler, sauvegarder, mettre en valeur et rendre accessibles les éléments relatifs à l’histoire de l’immigration en France » et « de contribuer ainsi à la reconnaissance des parcours d’intégration des populations immigrées dans la société française et de faire évoluer les regards et les mentalités sur l’immigration en France ».

Raphaëlle GATIN

Élève avocat

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LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE

VOUS AVEZ DIT « MIGRANT » ? « Il faut parler de ce que l'on ne connaît pas, c'est plein de surprises »1. Et quelle surprise effectivement de voir un sujet crucial, et intimement lié aux droits fondamentaux tel que celui de la « crise des réfugiés » appréhendé de manière aussi approximative. Alors que la question de la « crise migratoire » que traverse actuellement l’Europe constitue un enjeu majeur dans sa construction, sa présentation au grand public pâtit d’importantes inexactitudes sémantiques, ouvrant la voie à tous les détournements et manipulations possibles.

façon temporaire ou permanente dans un pays dans lequel elle n’est pas née, et qui a acquis d’importants liens sociaux avec ce pays »4. Cette définition peut cependant, au regard de la situation actuelle, sembler trop restrictive ou incomplète, certains pays considérant comme migrants des personnes certes nées sur leur territoire, mais d’origine étrangère. La Rapporteure spéciale aux droits de l’homme des Nations Unies a donc recommandé d’apporter des précisions et d’inclure dans la catégorie des migrants dans son premier rapport (E/CN.4/2000/82)5 :

Le terme « migrant » n’a en effet jamais été autant utilisé dans les médias, et plus généralement dans les discours de l’opinion publique. Pourtant, il demeure absent du vocabulaire juridique. Plusieurs associations, à l’instar de la Cimade2, soulignent qu’il n’existe à l’heure actuelle pas de définition juridique internationale du terme, qui n’apparaît au demeurant qu’à trois reprises dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile3. L’utilisation excessive et généralisée d’un terme n’existant juridiquement que de manière résiduelle ne peut que conduire à une incompréhension des véritables enjeux et des besoins réels desdits « migrants », dans le contexte actuel de crise.

- les personnes qui se trouvent hors du territoire de l’Etat dont elles possèdent la nationalité ou la citoyenneté, mais qui ne relèvent pas de la protection juridique de cet Etat, et qui se trouvent sur le territoire d’un autre Etat ;

Poursuivant l’objectif de pallier ce cruel et dommageable manque de définition, les Nations Unies proposent de définir le terme « migrant » comme « toute personne qui vit de

Les définitions ainsi dégagées au niveau international opèrent donc bien une distinction claire entre les « migrants » et les bénéficiaires de la protection internationale, au moment même

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- les personnes qui ne jouissent pas du régime juridique général inhérent au statut de réfugié, de résident permanent, de naturalisé, ou autre statut octroyé par l’Etat d’accueil ; - les personnes qui ne jouissent pas non plus d’une protection juridique générale de leurs droits fondamentaux en vue d’accords diplomatiques, de visas ou d’autres accords.

1 Jacques SALOME,

Formation à l’entretien et relation d’aide, 2000. 2 Association compétente en matière de droit des étrangers. 3 Le terme est en effet uniquement utilisé aux articles L622-1 (relatif à l’aide à l’entrée et au séjour irrégulier), à l’article L911-1 (relatif au financement de projets de codéveloppement) et R316-1 (relatif à l’admission au séjour des étrangers victimes de traite des êtres humains et du proxénétisme). 4 Définition du terme “Migrant” donnée par les Nations Unies. 5 Gabriela Rodríguez Pizarro, Special Rapporteur of the Commission on Human rights in A/57/292, Human rights of migrants, Note by the Secretary-General. 9August 2002.


LUMIÈRE SUR...LA CRISE MIGRATOIRE où les termes de « migrant » et de « réfugié » sont confondus dans les médias. Cette confusion ne se limite en outre pas aux nonjuristes : la récente réforme de l’asile6 témoigne également de la méconnaissance, volontaire ou non, des termes du problème par le législateur. Parce qu’elle prend place au sein même d’un discours politique, supposé cadrer l’action nationale, cette confusion amène fatalement à la formulation d’une réponse particulièrement inadaptée à l’arrivée des ressortissants étrangers demandeurs de protection internationale. En effet, alors que le caractère fondamental du droit d’asile interdit de confondre les questions d’asile et d’immigration7, plusieurs dispositions législatives issues de la réforme utilisent de manière indifférenciée les termes « étrangers » et « demandeurs d’asile », entretenant ainsi un certain flou quant à la limite entre ces deux notions. Cette confusion entre le respect par la France de ses obligations en matière de protection internationale et la politique migratoire saute aux yeux à la lecture de l’exposé des motifs du projet de loi. Alors que le nouveau dispositif est censé rendre la procédure d’asile plus efficace et respectueuse des droits fondamentaux des demandeurs, l’exposé des motifs souligne néanmoins les « incitations au détournement de la procédure d’asile à des fins migratoires » et insiste en conséquence sur la nécessité « d’améliorer encore la protection des personnes réellement en besoin d’une protection internationale » et de « permettre plus facilement au dispositif d’écarter rapidement la demande d’asile infondée ». Ce type de formulation, qui oppose les « bons » aux « mauvais » demandeurs d’asile, ou encore les « vrais » demandeurs d’asile aux « fraudeurs », contribue à créer un climat de suspicion généralisée accentué par les discours affolant l’opinion publique trop souvent relayés par les médias et la toile. La désinformation gagne du terrain… La protection internationale dont il est question ici est celle octroyée par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), voire par la Cour nationale de droit d’asile (CNDA) en cas de rejet de la première demande. Cette protection ne s’obtient qu’à la suite de démarches durant parfois plusieurs années. Elle est délivrée sur différents fondements : - Le statut de réfugié8 est par définition accordé à « toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou,

du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Les personnes qui se voient ainsi reconnaitre ce statut bénéficient d’une carte de résident valable dix ans10. - Plus rare, l’asile constitutionnel est quant à lui reconnu à « toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ». Son bénéficiaire se voit attribuer les mêmes droits que le réfugié en matière de titre de séjour, soit une carte de résident de dix ans.

6 LOI n° 2015925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile. 7 CNCDH, Avis sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile, 20 novembre 2014.

- Enfin, la protection subsidiaire qui est octroyée aux personnes qui ne répondent pas à la définition du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève précitée, mais pour lesquelles il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elles courent dans leur pays un risque réel de subir la peine de mort, des faits de torture ou encore des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette protection peut également être accordée aux civils qui démontrent une menace grave et individuelle contre leur vie ou leur intégrité physique, en raison d’une violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé interne ou international11. Les bénéficiaires de cette protection se voient alors délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », valable pour une durée d’un an, renouvelable12.

8 Reconnu en application de l’article 1er A2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951.

Ces précisions faites, il devient donc évident que les personnes ayant fui au péril de leur vie, des pays en guerre, relèvent, pour la plupart, de l’asile ou de la protection subsidiaire. Ainsi en est-il des ressortissants syriens et de ceux venant d’autres pays en conflit, tels que l’Erythrée, le Soudan, l’Irak, ou encore la Lybie. Dès lors, les percevoir comme « migrants » est extrêmement réducteur et fausse le débat par une fâcheuse confusion entre les questions d’asile et d’immigration.

13 Editorial Esprit, n°418, Octobre 2015.

9 Michel FOUCAULT Sécurité, territoire et population, Gallimard, 2004. 10 Article L31411-8 Ceseda. 11 Article L7121 du Ceseda. 12 Celle-ci est délivrée en vertu de l’article L31313 du Ceseda.

Les questions sémantiques, et les débats qui les accompagnent, sont donc nécessaires à la bonne appréhension du sujet, chaque mot choisi renvoyant à une notion juridique particulière, faisant ellemême écho à un régime particulier. Ces débats ne doivent cependant pas amener à une vision tronquée de la réalité, et à s’éloigner de l’essentiel : c’est bien notre sentiment de faire monde commun avec ceux qui sont frappés par la violence et la guerre qui est mis à l’épreuve dans le drame qui se joue aux portes de l’Europe13.

Lucile DELORME Élève avocat AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE | 11


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L'AVIS DU SPÉCIALISTE

SERGE SLAMA Serge Slama est maître de conférences en droit public, à l’Université Paris Ouest-Nanterre La Défense et membre du CREDOF du CTAD. Il est aussi créateur du blog : http:// combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr

F

petit Aylan) a accéléré le processus et abouti en septembre à l’adoption, à la majorité qualifiée, d’un programme plus ambitieux et obligatoire concernant 160 000 réfugiés (dont 120 000 relocalisations) sur deux ans.

Quelles sont les mesures adoptées par l’Union européenne face à ce qu’il est convenu d’appeler la crise des réfugiés et des migrants ?

La mise en œuvre de ce programme ne se fait d’ailleurs pas sans mal. D’une part, parce que certains Etats étaient opposés à son adoption – et risquent de ne pas accepter les transferts – et d’autre part, une partie seulement des places promises ont été réellement débloquées par les Etats. Fin novembre, seule une centaine de réfugiés syriens ou érythréens a été réellement transférée.

ace à la crise des migrants et des réfugiés de 2015, l'Union Européenne (UE, ci-après) a adopté un certain nombre de mesures complémentaires à celles en vigueur depuis près de vingt ans avec la « communautarisation » de la politique de l’asile. Le 14 novembre 2015, Serge Slama nous livrait ses impressions sur les mesures adoptées par l'Union européenne face à la crise migratoire.

En réalité on a assisté au cours de cette année 2015 à une succession de « crises » migratoires sans précédent auxquelles l’Union européenne et ses Etats membres ont eu bien des difficultés à répondre en faisant prévaloir le principe de solidarité et d’humanité. La première crise est liée à la multiplication des morts par noyade en Méditerranée consécutivement à la décision prise en novembre 2014 d’interrompre l’opération italienne « Mare Nostrum », qui intervenait près des côtes libyennes, et son remplacement par l’opération Triton pilotée par Frontex. Face à l’émotion suscitée, cette agence européenne a dû revoir ses règles d’intervention en haute mer et la Commission européenne a présenté en mai 2015 un Agenda européen en matière de migration visant à ce que l’UE développe « une approche globale et cohérente », maniant la carotte et le bâton. Le premier pilier de ce plan, fondé sur l’article 78-3 du TFUE, repose sur, d’une part, un programme temporaire de relocalisation de réfugiés en « besoin manifeste de protection » (Syriens, Erythréens) en provenance des Etats membres de l’UE en « première ligne » (Grèce, Italie- la Hongrie a refusé de bénéficier de ce dispositif) et, d’autre part, un programme de réinstallation de réfugiés pris en charge par l’UNHCR dans les pays limitrophes à la Syrie. Après bien des tergiversations cet été, la succession d’événements tragiques (découverte fin août de 71 personnes asphyxiées dans un camion en Autriche, photo du 12 | AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE

Quelles ont été les contreparties plus répressives ? Cette adoption ne s’est pas faite non plus sans contreparties. La relocalisation s’accompagne de la mise en place dans certains « points chauds » en Italie (Lampedusa) et en Grèce (îles grecques, notamment de Lesvos) de « hot spots ». On peine à traduire ce terme en français car il s’agit pour certains de centres d’accueil ou de transit pour les uns, « centres de crise » pour les autres et « camps» pour les derniers. En tout cas, les migrants et réfugiés y sont retenus, comme le sont des étrangers dans une zone d’attente, le temps que les autorités nationales de ces deux pays, épaulées par les agences européennes (Frontex et Bureau européen de l’asile – EASO) et les organismes nationaux chargés d’examiner les demandes d’asile (OFPRA en France) prennent les empreintes dans le fichier EURODAC, effectuent les contrôles de sécurité et surtout fassent le « tri » entre les migrants. Seuls Syriens et Erythréens seront transférés dans les différents Etats membres suivant la clef de répartition. Les autres demandeurs d’asile relèveront toujours de la compétence de ces deux pays de première entrée. Enfin, les migrants non demandeurs d’asile auront vocation à être éloignés du territoire européen. Un programme de retour complète en effet les mesures adoptées par l’UE. De manière plus discrète a aussi été adopté le principe d’une opération avec des moyens militaires dénommée


LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE « EU Navfor Med ». Elle vise officiellement les passeurs et leurs embarcations mais, concrètement, elle empêchera de nombreux réfugiés de trouver asile en Europe si on neutralise ces moyens de transport et risque de surenchérir le coût de la traversée et sa dangerosité. Néanmoins, en l’absence d’aval du Conseil de Sécurité des Nations, cette opération n’est qu’une opération de « police » visant à les identifier et non à les neutraliser militairement. En quoi l’adoption de ces différentes mesures fragilise l’édifice européen reposant sur les deux piliers « Schengen » et « Dublin » ? Il est vrai que ces récents événements et mesures adoptées mettent frontalement en cause les deux principaux mécanismes de régulation des migrations au sein de l’UE (excepté les pays qui n’y participent pas comme la Grande Bretagne). S’agissant de « Schengen », la crise a provoqué l’effet inverse. Le 13 septembre, l’Allemagne décide de rétablir des contrôles frontaliers comme le permet le Code frontière Schengen dans certaines circonstances. Elle a été suivie peu après par d’autres pays européens (Autriche, Pologne, Slovaquie ou par la suite Suède puis France dans le cadre de la COP 21 et des attentats terroristes du 13 novembre). Si la Commission européenne a validé ces décisions, elle est plus critique à l’égard des mesures adoptées par certains Etats membres, principalement la Hongrie. Dans le contexte actuel, on peut se demander si on ne va pas aboutir à une remise en cause plus profonde de Schengen. S’agissant de « Dublin », la décision prise en septembre 2015 de ne plus appliquer les règles de réadmissions des demandeurs d’asile syriens (clause de souveraineté) a été déterminante. Ce mécanisme du règlement « Dublin », révisé en 2013, est critiqué de longue date car il est très inégalitaire entre Etats et injuste pour les demandeurs d’asile qui ne peuvent choisir leur pays d’accueil et alors même que les conditions d’accueil et taux de reconnaissance varient énormément d’un pays à l’autre. Les réfugiés syriens en votant avec leurs pieds pour l’Allemagne ou la Suède ont contribué à une remise en cause de ce mécanisme obsolète. Mais les Etats membres de l’UE vont-ils enfin changer de logiciel dans ce domaine ? D’une certaine manière, le plan de relocalisation, même s’il n’est que temporaire, est une forme de remise en cause de l’obsolescence des critères de répartition de « Dublin III ». Négociations avec les pays limitrophes L'UE a ouvert des négociations avec des Etats limitrophes de l'UE, notamment la Turquie, les pays des Balkans et

les pays africains, comme cela a pu être le cas lors du récent sommet de La Valette. La Turquie a un rôle essentiel puisque sur les 800.000 migrants entrés dans l'UE cette année, une très large partie est passée par la Turquie. L'Etat turc compte actuellement 2,2 millions de réfugiés syriens sur son territoire, accueillis dans des conditions très difficiles. L'UE souhaiterait transformer la Turquie en point de fixation de ces réfugiés. Pour ce faire, l'UE aiderait la Turquie dans l'accueil des réfugiés mais en contrepartie, celle-ci mettrait en place des « zones tampon » à la frontière turque, c'est-à-dire des zones où sont installés de très grands camps de réfugiés, comme en Jordanie et au Liban, ce qui pose problème en matière de respect des droits fondamentaux. Un paradoxe au moment même où le Conseil d’Etat vient de donner injonction au ministère de l’intérieur d’améliorer les conditions de vie dans le camp de la Lande de Calais afin de respecter la dignité de la personne humaine ! Assiste-t-on à une amélioration ou à un durcissement des conditions d’accueil des demandeurs d’asile ? Dans le cadre de la transposition de directives sur l’asile adoptées en 2013, les Etats membres sont en train d’accélérer le traitement et de durcir les conditions d'accueil des demandeurs d’asile. La liste des pays réputés d'origine sûrs, mécanisme qui permet de traiter plus rapidement les demandes d'asiles avec un système de présomption défavorable, s’allonge dans différents Etats (la France a la liste la plus longue) et une liste européenne est en cours d’adoption. Les pays des Balkans sont inscrits ou réinscrits sur cette liste, notamment le Kosovo (première demande d'asile en 2014). On voit donc que la contrepartie de l'accueil de ces centaines de milliers de réfugiés syriens ou érythréens est de fermer la porte aux autres demandeurs d'asile notamment ceux des Balkans. La France a en particulier développé un système dissuasif depuis une dizaine d'années. Environ un tiers des demandeurs d’asile ne sont pas pris en charge dans un dispositif d’accueil dédié. Le taux de reconnaissance est plus faible que dans d’autres pays européens : 25% de taux de reconnaissance pour 65.000 demandeurs d'asile l'année passée, contre un taux de reconnaissance de 45% en Allemagne ou de 80% en Suède. Mais il est vrai qu’avec la récente réforme du droit d’asile adoptée cet été et le plan de relocalisation de 24.000 personnes les autorités publiques françaises ont développé d’importants moyens complémentaires. .

Propos receuillis par Amanda DIAS Élève avocat AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE | 13


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LE DROIT DES ÉTRANGERS :

L

ENTRE PRINCIPE D'ÉGALITÉ ET SOUCI D'INTÉGRATION

e principe d'égalité est un principe fondamental inconditionnel reconnu par de nombreux textes tels que l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme1 et du citoyen ou encore l'article 1er de la Constitution de 19582. Ce principe d'égalité est établi tant du point de vue international (prenons comme exemple la convention OIT du 1er juillet 19493 qui prévoit l'égalité de traitement pour les travailleurs migrants ou encore le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques qui s'applique à toute personne sans considération de sa nationalité4), que du point de vue de l'Union européenne (UE) notamment dans le traité de Rome de 1957. Ce principe joue également au profit de ressortissants d’États tiers qu'ils soient des membres de la famille d'un citoyen européen5 ou des résidents de longue durée6.

Il ne faut cependant pas oublier que ce principe d'égalité est loin de supprimer toute différence entre l'étranger et le national mais se contente de les atténuer. Ainsi, l'étranger ne dispose pas des mêmes droits et devoirs que le national. Il convient néanmoins de souligner la différence de traitement entre l'étranger membre de l'Union européenne et l'étranger issu d'un État tiers. 14 | AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE

Distinguons ainsi les droits civils, les droits professionnels et les droits sociaux. Concernant les droits civils, l'article 11 du code civil consacre le principe de réciprocité diplomatique : « L'étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle cet étranger appartiendra ». L'interprétation moderne de cet article permet de retenir qu'un étranger jouit en France des mêmes droits civils que le national à moins qu'une disposition législative spécifique ne l'en prive. Ces dispositions sont de plus en plus rares : on pense notamment à l'article L.225-13 du code de commerce qui permet de réserver aux actionnaires français ou ressortissants de l'UE le droit de vote double, ou encore à l'article 706-3 du code de procédure pénale qui réserve le bénéfice des règles relatives à l'indemnisation des victimes d'infractions pénales commises à l'étranger aux victimes de nationalité française. Se pose alors la question de la constitutionnalité de ces dispositions spécifiques au regard du principe d'égalité. Ainsi, les étrangers, qu'ils soient ressortissants de l'UE ou non, jouissent notamment des mêmes droits familiaux que les nationaux (droit au mariage, adoption, etc.). De plus,

1 « Les hommes naissent et de-

meurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ». 2 « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ».

3 Convention n° 97 de l'OIT du 1er juillet 1949 relative aux travailleurs migrants, ratifiée par la France et publiée par le décret du 4 août 1954 (JORF du 7 août 1954) CA Lyon, 24 mars 2014, n°13/03463

4 Article 26 : « Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique et de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation». 5 Directive 2004/38/CE. 6 Directive 2003/109/CE.


LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE ils ont également le droit à la protection de leur vie privée. Les droits professionnels diffèrent également de ceux du national du point de vue de l’accès à certaines professions malgré certaines récentes évolutions7. En effet, la condition de nationalité apparait de plus en plus discutable et obsolète. Néanmoins, certaines différences de traitement subsistent. À défaut d’un texte spécifique, un étranger ne peut se voir refuser l’accès à l’emploi en raison de son extranéité (articles 225-1 et 2252, 3° du Code pénal). Concernant le secteur privé, l’accès à une cinquantaine de professions est restreint pour les étrangers, principalement des professions libérales organisées sous forme ordinale8. Mais le domaine le plus concerné par ces restrictions est bien sûr le secteur public : seuls les emplois de non titulaires sont ouverts aux étrangers ressortissants d’Etats tiers à l’UE. Cette interdiction reste aujourd’hui énoncée à l’article 5, 1° de la loi du 13 juillet 1983 : « nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire s’il ne possède la nationalité française ». Cette exclusion est étendue aux auxiliaires de la justice (avocats, mandataires judiciaires, etc.) et officiers publics ou ministériels. De plus, l’étranger, même ressortissant d’un pays de l’UE, est exclu de l’armée9 sauf rares exceptions comme c’est le cas pour la Légion étrangère. C’est en matière de droits sociaux que le principe d’égalité entre nationaux et étrangers s’est réellement développé. Depuis la décision du 22 janvier 1990 du Conseil constitutionnel, il existe un principe constitutionnel d'égalité entre Français et étrangers en matière de prestations sociales10 qui est considéré comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République depuis la décision du Conseil d’État du 30 juin 1989, Ville de Paris. En 1996, ce principe d’égalité est proclamé par la Cour européenne des droits de l’Homme à son tour11. Elle admet ainsi le jeu du principe de non-discrimination en matière de droits sociaux. Du point de vue international, cette égalité de traitement est affirmée par l’article 6 de la Convention OIT n° 97.

La condition de nationalité pour bénéficier des prestations sociales a donc été remplacée par la condition de résidence régulière qui, pour éviter l’écueil de la discrimination, doit être exigée tant des nationaux que des étrangers12. Enfin, concernant les droits politiques, ils sont généralement un attribut de la qualité de citoyen et les étrangers en sont exclus. Ainsi, la Constitution et le code électoral prévoient que les non-nationaux ne peuvent participer à de nombreuses élections (président de la République, référendum, etc.). Cependant, les ressortissants des pays de l’UE résidant en France ont le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et européennes13.

7 Règlement Union Européenne n° 1612/68, art 1§2 qui postule le droit des citoyens européens d’accéder à l’emploi au même titre que les nationaux ; ou encore, la recommandation de la Halde pour la suppression de la condition de nationalité pour l’accès à l’emploi (Délibérations du 30 mars 2009). 8 La liste de ces profes-

sions est disponible sur le site internet de l'Assemblée Nationale.

Parallèlement à ces droits qui leur sont accordés, les étrangers résidant en France ont également des devoirs afin de s’intégrer au mieux au sein de la société française.

9 Article L. 4132-7 Code de la défense.

Avant toute chose, ils doivent évidemment respecter la législation française, payer l’impôt sous toutes ses formes, s’acquitter des cotisations sociales.

11 CEDH, 16 septembre 1996, Gaygusuz

De plus, l’étranger admis pour la première fois au séjour en France et qui souhaite rester doit « préparer son intégration républicaine dans la société française »14. Il doit pour cela conclure un contrat d’accueil et d’intégration avec l’Etat qui impose une formation civique portant sur les institutions françaises et les « valeurs de la République » (laïcité, égalité homme-femme, etc.) ainsi qu’une formation linguistique modulée suivant les besoins individuels et validée par un diplôme.

10 Décision n°89-269 DC du 22 janvier 1990.

12 CE, 7 juin 2006, Aides. 13 Article 88-3 de la Constitution, révisé par la loi du 25 juin 1992. 14 Article L. 311-9 CESEDA.

Ainsi, il ressort que bien que l’étranger ressortissant de l’UE soit assimilé à un national dans de très nombreux domaines, la situation de l’étranger ressortissant d’un pays tiers est bien différente. En effet, malgré le principe d’égalité proclamé tant au niveau national, qu’au niveau européen ou même international, les différences de traitement entre étrangers subsistent néanmoins. Il ne faut cependant pas oublier les récentes évolutions incontestables qui tendent à réduire ces disparités tout en tentant d’assurer une réelle intégration au sein de la société.

Margaux GUÉRIN Élève avocat

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DAECH :

UN ÉTAT EST NÉ ?

L

e 29 juin 2014, Daech, acronyme arabe islamique d'Etat islamique en Irak et au Levant (encore appelé El), se révélait au monde en proclamant le califat dans tous les territoires sous son contrôle en Irak et en Syrie. Bien que l'organisation ait été fondée en 2006, la montée en puissance de Daech a pris la communauté internationale de court. Initialement rattachée à Al-Qaida en Irak, elle s'en est progressivement affranchie.

AUX ORIGINES DE L'ETAT ISLAMIQUE En décembre 2011, les soldats américains quittaient l'Irak et la sécurité était abandonnée à l'armée irakienne. De nombreux commentateurs internationaux y voyaient la naissance d'une démocratie après huit mois de conflit. Or, pour le gouvernement à majorité chiite dirigé par Nouri Al-Maliki, la minorité sunnite d'Irak était synonyme d'Al-Qaida et du parti Baas. Il s'est ensuivi une politique d'exclusion : des centaines de sunnites étaient arrêtés et détenus arbitrairement par des milices chiites, les cadres sunnites du gouvernement de l'époque étaient remplacés par des cadres chiites. La communauté sunnite était peu à peu marginalisée et écartée de l'appareil d'Etat. Daech a prospéré sur les braises de cette guerre confessionnelle entre chiittes et sunnites. L'organisation, constituée de djihadistes sunnites et d'anciens généraux du Parti Baas, promettait la vengeance aux sunnites. C'est dans ce contexte, qu'elle se ralliait aux manifestants sunnites dans le conflit qui les opposait en 2006 à l'armée irakienne. Pourtant, Daech n'est devenu ce qu'il est aujourd'hui qu'après son arrivée en Syrie. Au début de la guerre civile, Abou Bakr al-Baghdadi, son leader autoproclamé, envoyait une centaine de djihadistes combattre auprès des troupes rebelles formant l'opposition contre l'armée de Bachar-el-Assad. Son message trouvait, en effet, écho auprès des sunnites majoritaires syriens qui voulaient mener une guerre contre leur gouvernement chiite et des jeunes sunnites déçus par l'échec des printemps arabes. Le monde arabe sunnite quant à lui, soutenait l'action des manifestants sans se soucier exactement des bénéficiaires de ces financements. Progressivement, l'organisation va s'imposer sur l'ensemble des groupes rebelles et devenir autosuffisante notamment du fait de l'appropriation des champs pétrolifères. Daech gagnerait ainsi entre 500.000 et 1.000.000 de dollars par jour rien qu'avec les revenus du pétrole. Progressivement aussi, 16 | AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE

Daech dévoile son vrai visage et change de discours : il ne s'agit plus de combattre Bachar-el-Assad mais d'imposer la charia - la loi islamique - sur l'ensemble des territoires conquis. Le projet des terroristes a muri. Il ne cherche plus qu'à combattre l'Occident, mais également la création d'un Etat, une vraie Nation différente d'Al-Qaida, entité abstraite, sans véritable matérialisation. Cet objectif est atteint en juin 2014 lorsque al-Baghdadi proclame la création du califat, une Nation islamique sans frontière, représentant les musulmans du monde entier. Son premier geste sera donc la destruction de celle séparant la Syrie et l'Irak.

VIVRE SOUS DAECH La vie des Irakiens et des Syriens a été totalement bouleversée par Daech. Ceux-ci sont contraints de se soumette aux lois et diktats imposés par le groupe islamiste sous peine de torture, de flagellation ou de décapitation. Le califat est le rêve d'un islam pur, fondé sur une conception binaire : les disciples qui font allégeance à Daech et les mécréants qui doivent être décimés. Daech impose ainsi une conception de la morale dont le respect est assuré par "la hisba", la police de la charia. Les femmes sont contraintes de porter le niqab, les hommes, l'habit afghan. L'éducation des enfants a été confiée aux djihadistes. À l'égard des non-musulmans, le groupe terroriste a adopté ostensiblement une attitude mafieuse. Le groupe terroriste a également imposé une série de règles aux chrétiens d'Irak et de Syrie vivant sur son territoire. Le"jizhah", taxe qui était imposée au premier temps de l'islam aux nonmusulmans, a été rétablie. Les chrétiens, vivant sur l'ensemble des territoires conquis, doivent aujourd'hui s'acquitter de cet impôt - arbitrairement fixé - pour se soustraire a minima aux exactions des djihadistes. La population yezidie, minorité religieuse, est quant à elle particulièrement persécutée car perçue et présentée comme adoratrice du diable par Daech. De nombreux rapports de Human Right Watch dénoncent les crimes perpétrés par Daech contre les membres de cette minorité. Le sort réservé aux femmes yezidies est particulièrement infâme et scandaleux : dès qu'elles sont capturées, elles sont vendues au marché comme esclaves sexuelles. Pour l'ensemble de ces raisons, des milliers d'Irakiens et de Syriens ont préféré abandonner leur foyer plutôt que de vivre sous Daech. Le conflit syrien est, selon les Nations Unies, la plus importante crise humanitaire dans le monde. Les réfugiés


LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE qui fuient vers le Liban, en Turquie et arrivent parfois en Europe, décrivent tous le même chaos notamment les exécutions, les pillages et les rackets. Tels sont les hauts faits d'armes des soldats de Daech. Ces derniers mois, le nombre des migrants fuyant la guerre en Syrie et en Irak n'a cessé d'augmenter. Au vu de l'enlisement du conflit, les mouvements de population vont sans doute s'intensifier et ce, malgré les entraves juridiques, administratives et autres moyens coercitifs mis en place par certains Etats européens.

Stéphanie MANGUELE Élève avocat

POLITIQUES ÉTRANGÈRES Après plusieurs années de guerre au Moyen-Orient, la situation semble sans issue tant la multiplication des protagonistes sur zone et la complexification de leurs rapports vont crescendo. Une implication désormais mondiale a succédé à un conflit territorial qui s’est notamment enflammé suite aux étincelles créées par les différents conflits en Irak et la révolte du peuple syrien contre Bachar-el-Assad. Endeuillée par les attentats du 13 novembre, la France décide d’augmenter les bombardements sur zones stratégiques (et notamment la ville de Rakka) dès le 15 novembre. La donne a changé depuis ces événements dans la mesure où l’implication de la Russie est croissante dans le conflit syrien. Il est fait fi de la politique russe qui fut tant décriée en France, que cela soit en raison du conflit ukrainien ou du soutien à Bachar-el-Assad. La Russie pourrait devenir un allié de taille dans le Moyen-Orient, les deux pays ayant un ennemi commun. Paradoxalement la France ne peut espérer une alternative à cette alliance avec un pays qui soutient ouvertement le régime syrien, tant l’appui des USA s’est affaibli depuis la décision prise par Obama, de consulter le Congrès à l’été 2013. En outre, bien que la réaction militaire soit largement soutenue par les citoyens, il faut garder à l’esprit les récents conflits auxquels des puissances d’occident ont pris part, comme en Irak ou en Lybie. Il est irréfutable que l’acte de guerre, la destruction, ne font qu’attiser la haine et la misère des populations civiles et ne peuvent avoir pour conséquences, l'instauration automatique de démocraties ou l’unification des peuples dans ces pays en souffrance.

Aujourd’hui quatre principaux acteurs locaux s’affrontent en Syrie : le régime syrien qui souhaite conserver le pouvoir, les rebelles (qui comprennent à la fois des membres de l’armée syrienne libre mais aussi le font Al-Nostra et l’Armée de la libération ainsi que Ahrar-al-Sham et le Front islamique syrien qui rassemble onze groupes rebelles islamiques en Syrie), les forces kurdes qui s’étendent sur quatre pays de la région et revendiquent un Etat propre, et Daech. De surcroît, des acteurs régionaux se sont immiscés dans la crise. La Turquie soutient les rebelles syriens auxquels elle fournit des armes tout comme le Qatar, l’Arabie-Saoudite ou la Jordanie. En effet, ces pays désirent faire tomber le régime alaouite de Damas (une branche du chiisme). A contrario, le régime syrien est soutenu par l’Irak, le Hezbollah libanais ou l’Iran qui vont jusqu’à l’envoi d’hommes au sol. Finalement, certaines positions sont tenues par des Kurdes syriens soutenus par d’autres Kurdes notamment en Turquie et en Irak. Un de leurs faits d’armes remarquable demeure la reprise, le 13 novembre 2015, de la ville de Sinjar en Irak, qui était aux mains de Daech depuis plus d’un an. Ces acteurs régionaux ont un ennemi commun : Daech. Cependant, les intérêts politiques en jeu sont hétérogènes et indépendants. Il en est de même de la coalition internationale. Les comportements des Etats impliqués dans ce conflit sont fluctuants et leurs intérêts flottants. La Syrie est soutenue par la Russie qui intervient militairement en Irak et en Syrie. Officiellement la Russie effectue des bombardements contre Daech, mais dès le début de son intervention, il a été constaté que les bombardements étaient prioritairement destinés aux rebelles, opposants au régime syrien. Les USA et les Etats européens soutiennent officiellement ces rebelles mais n’effectuent pas d’intervention militaire au sol, se contentant de bombarder Daech en Irak et en Syrie (la France est impliquée militairement depuis le mois de septembre). Leur volonté est de chasser Bachar-el-Assad du pouvoir, mais ils doivent pour l’instant se résoudre à combattre le groupe terroriste. La Turquie est également dans la coalition internationale, mais elle craint la création d’un Kurdistan autonome et bombarde à la fois Daech et les forces kurdes. Le 24 novembre, la Turquie a détruit un avion russe qui revenait de Syrie, à la frontière, entrainant un inquiétant regain de tensions au sein de la coalition. L’ennemi direct est commun. Des communautés d’intérêts ainsi que des alliances stratégiques peuvent être identifiées. Néanmoins, les intérêts divergent et la crise que traverse le Moyen-Orient est le théâtre d’opérations dont les fondements sont construits sur des intérêts nationaux propres à chaque acteur. Espérons que la France sortira la tête haute de ce conflit qui risque malheureusement de s’enliser, au détriment des populations locales.

Florent GASSIES Élève avocat

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FOCUS SUR

LA RUSSIE : NUISANCE OU PUISSANCE

L

’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 19991 coïncide avec la question d’un retour effectif de la Russie sur la scène internationale. Aujourd’hui, la question de son retour ne se pose plus, tant la présence de Moscou semble nécessaire et souhaitée.

Selon nous, il faut renverser cette appréhension bipolaire. La nuisance est symptomatique d’une besoin de puissance (§.1.) et se matérialise par l’entrave, la coercition et récemment l’annexion (§.2.). Elle est une condition nécessaire, mais insuffisante de la puissance (§.3.).

A cette première interrogation s’est désormais substituée celle de la nature de son retour. La Russie est, et reste, un partenaire incontournable de par son histoire, ses capacités militaires et son statut de membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU.

1 - UNE NUISANCE SYMPTOMATIQUE D’UN BESOIN DE PUISSANCE

1 Il est Président

par intérim du 31 décembre 1999 au 7 mai 2000. Il est officiellement élu Président de la Fédération de Russie le 26 mars 2000.

Il est impossible de penser la Russie en l’absence de considération historique. Si la Russie est une puissance impériale pluriséculaire, l’effondrement de l’URSS marque une perte de puissance considérable, laquelle a poussé le nouvel Etat russe à exercer une forme de nuisance.

2 Selon un sondage IFOP pour le JDD en date du 3 octobre 2015, 72% des Français ont une mauvaise opinion de Vladimir Poutine, dont 33% une « très mauvaise opinion ».

La Russie fascine car le pouvoir et l’autorité de son exécutif sont de plus en plus sollicités dans les démocraties européennes – y compris en France où une partie de la droite et de l’extrême droite soutient ouvertement Moscou. Néanmoins, l’immense majorité des Français conserve une mauvaise opinion de Vladimir Poutine2, lequel est perçu pour 86% d’entre eux comme un « ennemi de la France ».

L’histoire de la Russie se confond avec celle de l'Empire russe : du XVIème au XXème siècles, la Russie a toujours été un Empire. Cet empire fut une progression quasi constante et se réalisa dans une continuité territoriale, ce qui en rend la séparation plus complexe. L’URSS concrétise l’apogée de cette expansion territoriale en portant la superficie de son territoire à hauteur de 22.402.200 km2. De cette histoire et expansion continue naît un incontestable culte de la puissance militaire et étatique russe, « la Derjava ».

4 En 1991, la population de l’URSS était de 293.047.571 habitants. Celle de la Russie était de 148.600.000. Aujourd’hui, la Russie en compte 146.267.288.

Cette double perception, balancée entre fascination et crainte, entrave toute réflexion et tend à caractériser les interventions russes sur la scène internationale comme l’expression de son pouvoir ou, a contrario, comme la manifestation d’une simple capacité de nuisance.

Avec l’implosion de l’URSS, la Russie perd la moitié de sa population4 et plus de 5 millions de km2 de territoire 5. A cette perte territoriale et démographique, s’ajoute une perte d’influence notable tout au long de la dernière décennie du XXème siècle.

Pourtant, la grille de lecture française apposée aux interventions russes semble soit périmée car issue des jeux à somme nulle de la guerre froide, soit empreinte d’une idéologie tendant à la fascination ou à la révulsion.

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3 Enquête express organisée par LCP-AN et leJDD.fr réalisée le 15 septembre 2015.

5 La superficie totale de l’URSS était de 22.402.200 km2 contre 17.125.187 km2 pour la Russie actuelle.


LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE Face à cette perte de puissance, la Russie tente alors de peser dans les relations internationales, au-delà de son statut particulier. Les différentes tentatives – qualifiées comme des formes de nuisance, d’influence ou de défense d’intérêts – sont en réalité pour Moscou un besoin de réaffirmer sa puissance perdue. Ce besoin revêt plusieurs formes, de la simple entrave ou coercition, à l’annexion.

2 - LA MATÉRIALISATION DE LA NUISANCE : ENTRAVE, COERCITION ET ANNEXION Pour rétablir sa puissance face à « l’étranger proche », la Russie a d’abord tenté de mener une politique d’intégration régionale, laquelle a largement échoué. Lancé en 2003, l’espace économique commun entre la Russie, la Biélorussie, l’Ukraine et le Kazakhstan n’est pas parvenu à enclencher une dynamique d’intégration régionale. Moscou n’a pas réussi non plus à doter la Communauté des Etats Indépendants (CEI) d'une stature internationale, aussi bien sur le plan diplomatique que sur le plan économique. Face à l’échec de sa politique d’intégration régionale, la Russie a alors exercé une nuisance constante sur les anciens satellites soviétiques. L’intervention militaire en Géorgie en 2008, les menaces de non-approvisionnement de l’Europe en gaz, les tentatives de déstabilisation de l’exécutif ukrainien, jusqu’à l’annexion et le rattachement de la Crimée, ont le même dénominateur commun : Moscou détourne les enjeux politiques en substituant le nationalisme impérial à la construction d’un Etat moderne. L’intervention en Syrie marque une nouvelle étape dans la politique étrangère russe.

3 - LA NUISANCE, CONDITION NÉCESSAIRE MAIS INSUFFISANTE DE LA PUISSANCE Face aux tentatives menées par les occidentaux pour endiguer l’avancée de Daech, Vladimir Poutine souhaite démontrer que la Russie a la détermination et les moyens d’utiliser la force pour atteindre ses objectifs politiques. Une telle action est aussi l’occasion de montrer que la Russie a les capacités de projeter ses forces au-delà de l’espace post-soviétique. La démonstration de puissance affichée par Moscou nous renvoie parallèlement à notre propre impuissance – à savoir – celle d’afficher

des résultats tangibles dans l’affaiblissement de l’Etat islamique. Si l’intervention russe a permis de faire évoluer les positions des Européens et Américains sur la nécessité d’accélérer et accentuer les frappes aériennes, le colonel Michel Goya, stratégiste et professeur associé à SciencesPo, note néanmoins que « les forces russes actuellement déployées sont tout à fait insuffisantes pour envisager la destruction de l’Etat islamique sans parler d’une reconquête de l’ensemble du pays, œuvre complexe dans laquelle personne ne veut s’engager »6. Surtout, l’intervention russe va à contre-courant de la diplomatie menée par les Etats-Unis et la France qui vise non seulement à éradiquer Daech, mais aussi à préparer la transition de Bachard El-Assad. Ainsi, Vladimir Poutine doit transformer sa nuisance en puissance : une équation que le président russe n’arrive pour le moment pas à résoudre. Cette transformation pourrait pourtant s’appuyer sur l’intervention militaire russe pour présenter un plan de solution négociée en Syrie, qui lui permettrait en plus de sortir de l’isolement diplomatique dont il souffre depuis la crise ukrainienne.

6 Michel Goya,

« La Question : Quelle est la stratégie militaire de la Russie en Syrie ? », in Le Monde, 2 octobre 2015.

7 Pour rappel, l’invasion soviétique en Afghanistan a duré de 1979 à 1989. .

8 En 1905 contre le Japon et en 1989 à la suite du retrait d’Afghanistan.

En tardant à proposer un tel projet, la Russie prend des risques, notamment celui d’une escalade et d’un enlisement de type afghan qu’elle a déjà connus par le passé7. Dans la guerre asymétrique, la puissance russe sera confrontée aux mêmes limites que ses rivales occidentales. Cette guerre risque également d’avoir des répercussions intérieures ou frontalières graves, en ravivant le conflit latent entre le pouvoir central et les populations musulmanes du Caucase. Si l’histoire nous aide à mieux comprendre la politique étrangère russe, elle met également en garde Moscou contre les défaites qui ont été, par deux fois dans l’histoire de la Russie8, des vecteurs dans l’effondrement du régime alors en place.

Pierre-Philippe SECHI Élève avocat

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LUMIÈRE SUR...LA CRISE MIGRATOIRE

LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE MIGRATOIRE

L

’Europe a connu cette année la vague de migration la plus importante depuis la Seconde Guerre Mondiale, principalement du fait des crises au Moyen Orient où les persécutions de Daech ont conduit des milliers de Syriens et d’Irakiens à fuir leur pays pour rejoindre l’Europe. Selon l’ONU, 700.000 personnes ont traversé la Méditerranée1 depuis le début de l’année mais plus de 3.000 personnes y sont mortes ou portées disparues en tentant de rejoindre l’Europe. La photo du petit Aylan Kurdi, enfant syrien âgé de 3 ans, décédé sur une plage en Turquie, a bouleversé l’opinion publique et a poussé les politiques à prendre des décisions pour faire face à cet afflux de migrants.

UN RÉTABLISSEMENT DES FRONTIÈRES DANS L'ESPACE SCHENGEN ? L’Europe remet-elle en cause l’espace Schengen ? C’est ce que l’on pourrait croire au regard de la multiplication, aux frontières intérieures, des constructions de murs et barbelés et du rétablissement des contrôles systématiques. Alors que les accords de Schengen prévoient la libre circulation des personnes, l’Europe subit dès juin 2012, une construction de murs et de barbelés aux frontières. En 2012, la Grèce, l’un des principaux points d’entrée de migrants clandestins, a achevé la construction d’un mur de plus de dix kilomètres sur sa frontière avec la Turquie dans le but de contrer cette immigration clandestine. 2

La Hongrie a construit « le mur d’Orban », du nom du premier ministre hongrois, de 175 kilomètres de long, à la frontière avec la Serbie. En septembre 2015, elle a également annoncé son intention de construire un second mur le long de la frontière avec la Croatie. L’Autriche veut également construire une barrière sur plusieurs kilomètres à Spielfeld, à la frontière avec la Slovénie. La France n’est pas épargnée puisqu’en juin 2015, elle décide de bloquer sa frontière avec l’Italie à Vintimille et rappelle à l’Italie que conformément au 20 | AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE

règlement Dublin II3, cette dernière a l’obligation de prendre en charge les migrants arrivés en premier sur son territoire. Toutefois, l’article 2.2 de la convention de Schengen prévoit une réintroduction des contrôles aux frontières en cas de circonstances exceptionnelles : « lorsque l’ordre public ou la sécurité nationale l’exigent [un pays peut] (…) décider que, durant une période limitée, des contrôles frontaliers nationaux adaptés à la situation seront effectués aux frontières intérieures ». Ces Etats ne seraient donc pas dans l’illégalité, néanmoins, ils doivent justifier d’une « menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour l’un des intérêts fondamentaux de la société ». Ces mesures étant temporaires, on ne peut donc pas parler de « mort des accords de Schengen » dès lors qu'il ne s’agit pas d’une fermeture définitive des frontières. La nuance est toutefois relative du fait, notamment, du rétablissement des contrôles systématiques aux frontières intérieures. En principe, toute personne, quelque soit sa nationalité, peut franchir les frontières intérieures de l’Europe sans que des vérifications soient effectuées. Toutefois, la crise migratoire a conduit plusieurs pays d’Europe à rétablir des contrôles systématiques aux frontières. L’exemple le plus criant est celui de l’Allemagne. Alors qu’Angela Merkel avait annoncé vouloir accueillir systématiquement les Syriens, elle a décidé de suspendre la libre circulation prévue par les accords Schengen et a réintroduit provisoirement les contrôles d’identité à sa frontière avec l’Autriche. En effet, submergée par l’afflux de réfugiés, elle a été obligée de revoir sa politique migratoire. La Suède a rétabli le contrôle aux frontières avec le Danemark et l’Allemagne, en prétextant qu’avec l’arrivée de 80.000 personnes depuis le mois de septembre, elle n’était pas en mesure d’assurer un « accueil des réfugiés qui doit se faire avec ordre et rigueur ».


LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE La politique d’asile définie par le Règlement Dublin III4 est critiquée. En effet, ce système prévoit que l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile présentée par un réfugié est le premier Etat membre que le demandeur d’asile a traversé. Cet Etat doit donc le prendre en charge et pourvoir à ses besoins, même s’il a déposé une demande d’asile dans un autre Etat précédemment traversé. Cette règle a pour objectif d’éviter l’ « asylum shopping », c’està-dire, permettre à un demandeur d’asile de choisir le pays dans lequel il introduira sa demande. Elle a néanmoins des effets pervers puisqu’elle fait peser principalement sur la Grèce et l’Italie la charge des demandeurs d’asile alors que les réfugiés qui arrivent dans ces pays souhaitent plutôt rejoindre l’Allemagne, la Suède ou le Royaume-Uni.

UNE POLITIQUE MIGRATOIRE DÉCRIÉE La politique migratoire de l’Europe est décriée en raison d’une violation importante des droits de l’Homme comme en témoigne la qualification de « cimetière » de la Méditerranée et les critiques faites aux camps de migrants situés aux abords des frontières. La Méditerranée, est le lieu de passage le plus meurtrier au monde pour les migrants. En quinze ans, on compte près de 20.000 migrants morts dans les eaux méditerranéennes. Cette traversée de la Méditerranée se fait principalement du Maroc vers l’Espagne par les enclaves de Ceuta et Mellila et de la Tunisie et de la Libye vers l’Italie et la Grèce. Fin octobre, de nombreux naufrages y ont eu lieu. L’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) a établi un lourd bilan : plus de 3200 personnes, en majorité des enfants, sont mortes dans la mer d’Egée5. Conscients du risque qu’ils prennent, les migrants, souvent des réfugiés politiques, passent par l’île de Lampedusa pour rejoindre l’Italie en raison, notamment, du renforcement des frontières terrestres et des contrôles aux points de passage. L’agence européenne chargée de la gestion des frontières extérieures, Frontex, a mis en place, le 1er novembre 2014, l’opération Triton qui vise à surveiller et protéger les routes migratoires maritimes. Elle a aussi pour mission de lutter contre les réseaux de passeurs qui ont mis en place une technique de « go fast » qui consiste en de petites embarcations rapides. En appréhendant ainsi les passeurs, Frontex souhaite faire cesser les trafics d’êtres humains. Toutefois ses moyens d’actions restent limités tant financièrement que géographiquement. De nombreuses atteintes aux droits fondamentaux des migrants ont été mises en lumière aux frontières.

Décriées, ces conditions de vie, voire de survie, sont inhumaines et dégradantes. La communauté internationale s’émeut du nombre de victimes aux frontières de l’Europe mais également du sort que subissent les migrants une fois entrés en Europe, qu’il s’agisse de la « jungle » de Calais ou du camp slovène de Brezice. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a également émis des recommandations dans un rapport rendu public le 6 octobre 2015. Il explique que des réponses exclusivement humanitaires sont insuffisantes et demande la suspension temporaire du Règlement Dublin III. Il rappelle que « le droit de quitter un pays, y compris le sien, notamment pour demander l’asile, est un droit internationalement et constitutionnellement consacré ». Par ailleurs, Médecins du monde et le Secours Catholique ont déposé un recours en référé-liberté devant le tribunal administratif de Lille à l’encontre des pouvoirs publics pour « insuffisances criantes » dans la situation des réfugiés de Calais. Le manque d’hygiène est pointé du doigt (manque de toilettes, réservoirs d’eau toxiques, épidémie de gale) tout comme le manque de nourriture et la violence (viols, agressions, ratonnades). Ces organisations non gouvernementales demandent le démantèlement du camp et des propositions de solutions d’hébergement. Elles appuient leur requête sur la violation de plusieurs droits fondamentaux.

1 Rapport

du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés du 27 octobre 2015.

2 Signés le 14 juin 1985, ils lient aujourd’hui vingt-cinq Etat .

3 DU BLIN II est entré en vigueur en 2008. 4 Règlement du Parlement européen et du Conseil européen n°604-2013 du 26 juin 2013. 5 La mer Egée est une mer intérieure du bassin méditerranéen, située entre l’Europe et l’Asie.

Le 2 novembre dernier, le tribunal administratif de Lille s’est prononcé et a donné partiellement gain de cause aux demandeurs en sommant l’Etat, sous astreinte, de procéder, au recensement des «mineurs isolés en situation de détresse » en vue de leur placement. De plus, l’Etat doit créer dix points d’eau supplémentaires dans la mesure où le camp de Calais n’en dispose que de trois ; nettoyer le site et permettre un accès pour les services d’urgence. Toutefois, la juridiction administrative a considéré qu’il n’y avait pas de carence de l’Etat en matière d’accès au droit d’asile. Le démantèlement du camp reste en suspens. Dans les Balkans, la condition des migrants se dégrade également. Dans le camp de Brezice, à la frontière croato-slovène, le manque d’eau et de nourriture est alarmant. Cette frontière est qualifiée de « nouvel abcès » de la route des Balkans. Au-delà des conditions de vie inhumaines dans les camps, les migrants sont victimes de traumatismes dus à la guerre, de blessures et d’abus sexuels. Ils s’estiment abandonnés à leur sort.

Laëtitia BRAHAMI Élève avocat AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE | 21


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L'ALLEMAGNE, TERRE D'IMMIGRATION ? P

ourquoi l’Allemagne a t-elle fait le choix d’accueillir des réfugiés?

Si la plupart des pays européens sont réticents à accueillir des migrants, l’Allemagne a déclaré être favorable à l’accueil des réfugiés issus de la guerre en Syrie. C’est ce qu’a affirmé la Chancelière Angela Merkel début septembre 2015 en déclarant les frontières de l’Allemagne ouvertes. La Chancelière était alors considérée comme véritable « leader politique » en Europe assumant ce « moment historique » : la crise des réfugiés. Plusieurs raisons expliquent cette politique. D’une part, l’Allemagne connaît un déclin démographique important dû à un taux de natalité très faible et une population vieillissante. Une étude de la Fondation Bertelsmann a affirmé que d’ici 2050, sans immigration, la population active allemande pourrait passer de 49 millions de personnes à 29 millions. L’immigration est donc une solution au vieillissement de la population. D’autre part, la population issue de l’immigration constitue un intérêt pour l’économie allemande, elle est une main-d’œuvre potentielle à bas coût

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et permet d’attirer des profils qualifiés. En effet, contrairement à beaucoup de pays en Europe, l’Allemagne n’a qu’un taux de chômage faible : 6,2 %, et a un besoin permanent de main-d’œuvre.

QUELLES CONSÉQUENCES POUR L’ALLEMAGNE ? Toutefois, cette faveur n’est pas sans conséquences. Cet accueil important suppose une organisation des flux d’arrivants et des solutions de logements. Par ailleurs, une telle mesure a des coûts significatifs, le coût par personne s’élève à 13 000 euros. Ainsi, le Frankfurter Allgemeine Zeitung (édition du 6 septembre 2015) estime qu’à court terme, l’intégration des migrants devrait coûter 10 milliards d’euros à l’Allemagne. L’intégration culturelle est également un défi de taille. La première barrière est linguistique. Toutefois, le pays met en place des programmes d’intégration avec apprentissage de la langue (environ 600 heures), des valeurs constitutionnelles et de la culture chrétienne. Des divergences culturelles, comme la religion


LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE peuvent également poser problème. En effet, la majorité des Syriens sont de confession musulmane.

seront accélérées » affirme Peter Altmaier, actuel directeur de la chancellerie fédérale.

Des personnes profitent également de la situation pour demander l’asile de manière illégitime, ce qui complique le contrôle des demandeurs d’asile.

QU’EN PENSENT LES ALLEMANDS ?

VERS UNE REMISE EN CAUSE DE LA POLITIQUE PRO-IMMIGRATION ? La chancelière allemande semble être aujourd’hui dépassée par l’afflux des réfugiés. Elle a ordonné provisoirement la fermeture des frontières entre l’Allemagne et l’Autriche. Le nombre de migrants est colossal : d’après le journal allemand Bild Zeitung (édition du 5 octobre 2015) cela signifierait l’incorporation de plus d’un million de personnes cette année. Angela Merkel s’est d’ailleurs rendue le 18 octobre 2015 à Istanbul pour négocier avec la Turquie un renforcement des frontières européennes. En effet, elle souhaiterait que la Turquie maintienne sur son territoire davantage de migrants issus de la guerre en Syrie. Dans son discours du 7 octobre 2015, la Chancelière souligne la nécessité de revoir le dispositif européen en vigueur pour la demande d’asile des réfugiés. Le droit d’asile dans l’Union européenne est aujourd’hui basé sur la Convention de Genève (1951) et organisé par le règlement de Dublin (1990). Ce dernier prévoit que le premier Etat membre dans lequel un réfugié adulte dépose sa demande d’asile doit traiter la demande et le prendre en charge. Cette réglementation crée des inégalités entre les Etats membres puisque les pays situés aux frontières extérieures sont davantage sollicités (comme la Grèce, l’Italie). Dans le cadre de cette crise migratoire, l’Allemagne comptait, déjà à la fin du mois de juin 2015, 50% des 592.000 demandes d’asile en instance en Europe. Angela Merkel souhaite la mise en place d’un dispositif en faveur d’une répartition des demandeurs d’asile fondé sur la solidarité des Etats membres. Elle souligne que l’Allemagne est « au bout de ses capacités d’accueil » et que les autres Etats auraient dû également contribuer à l’accueil des migrants. Le 25 octobre 2015, l’Allemagne, sous pression de l’opinion publique, a dû durcir les conditions au droit d’asile. Ainsi, sont privés du droit d’asile, les ressortissants de trois pays supplémentaires des Balkans (Albanie, Montenegro et Kosovo). Cette exclusion est fondée sur l’idée que ces pays sont désormais « sûrs ». Par ailleurs, « les procédures d’expulsion des personnes déboutées de leur demande

Les Allemands ressentent cette situation particulière de manière concrète. Chacun est concerné : « Dans mon école, des classes dites de « bienvenue » sont ouvertes aux migrants » témoigne un professeur d’un lycée privé de Berlin. La population se mobilise par l’organisation de collectes, de cours d’allemand gratuits et de mise à disposition de logements. Les gymnases, les lieux de conférence, sont pleins. Si la population est plutôt favorable à l’immigration dans son principe, les évènements sont plus importants que prévus et les Allemands craignent que la situation ne soit plus contrôlable. En effet, un sondage publié par la chaîne ADR démontrait que 95% soutenaient ce mouvement de solidarité. Deux mois plus tard, un sondage Emnid a renversé la tendance, 59% des Allemands considèrent que l’Allemagne n’est pas en mesure de surmonter cette crise migratoire. La préoccupation de la population se renforce et exige plus de fermeté dans le contrôle des frontières. Angela Merkel connaît également une chute de popularité importante étant tenue responsable de la situation. Par ailleurs, des mouvements radicaux, surtout à l’Est de l’Allemagne dans les Länders anciennement de la RDA (République Démocratique d’Allemagne), contestent ce mouvement migratoire. Les rassemblements, notamment du mouvement anti-immigration allemand Pegida, attirent de plus en plus d’Allemands préoccupés par la politique menée au sujet de l’immigration. Cette hostilité à l’égard de l’immigration se concrétise également par des incidents criminels de foyers de migrants et des actes de violence comme la police l’a rapporté. Il ne s’agit pas d’un renversement d’opinion, mais d’une préoccupation grandissante des Allemands sur la politique à mener et les moyens à fournir pour contrôler les flux migratoires.

Tania IAKOVENKO-GRÄSSER Élève avocat

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L’ACCUEIL DES MINEURS ÉTRANGERS PRÉSENTS EN FRANCE

A

ssurer la protection des mineurs nationaux ou isolés étrangers (ci-après MIE) se trouvant sur le territoire français, est une mission des départements. Les MIE sont les personnes âgées de moins de 18 ans non accompagnées d'un adulte responsable d'eux et qui se trouvent en dehors de leur pays d'origine. Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) institue un régime dérogatoire à l’égard de tous les MIE en les dispensant de l’obligation de disposer d’un titre de séjour pour se maintenir légalement en France. Si près de 20% des MIE qui sont accueillis par les services de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) fuient les conflits et/ou les persécutions relevant ainsi de la Convention de Genève de 1951, les autres, soit près de 80%, s'exilent en France pour des raisons principalement économiques. Les premiers, demandeurs d'asile, peuvent faire une demande de protection auprès de l'OFPRA, tandis que les autres solliciteront un titre de séjour à leur majorité. Afin de mieux répondre à l'afflux massif de MIE observé depuis 2011, et dans le but d'organiser une meilleure gestion de la protection de ces jeunes, le Ministère de la Justice a mis en place un dispositif national d'accueil et de répartition des mineurs sur l'ensemble du territoire français mis en place par la circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers.

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L’ÉVALUATION DE LA SITUATION DU MINEUR Il résulte des textes aujourd'hui en vigueur que les services de l’ASE évaluent les situations et déterminent les actions de protection nécessaires. Un premier entretien doit être réalisé avec les primo-arrivants et ce, même dans le cas où le jeune apparaîtrait « manifestement » majeur. La situation du jeune est évaluée par le biais d'un faisceau d'indices résultant de l'entretien et de la vérification de ses éventuels documents d'état civil par les services de la police de l'air et des frontières (PAF). Les informations relatives à l’histoire du jeune et sa situation dans son pays d'origine, à son parcours d’asile (pays traversés, passeurs) et à ses conditions d’arrivée en France puis à Tours permettent de vérifier la cohérence du discours et l'âge allégué. Si le doute persiste, le parquet peut réquisitionner une expertise médicale, laquelle doit avoir lieu avec le consentement du jeune. L'âge alors estimé ne constitue qu'un élément de l'évaluation. La fiabilité et la pertinence du recours à ce type d'expertise, et notamment à des tests osseux, sont actuellement vivement contestées tout comme la possibilité pour ces jeunes d’exprimer un réel consentement. L'évaluation porte également sur la situation d’isolement. Il s'agit de rechercher l'existence d'un adulte responsable d'eux de par la loi ou la coutume.


LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE La preuve d'un lien de filiation, l'inscription du mineur sur le passeport d'un majeur ou la production d'un acte valant de plein droit délégation d'autorité parentale sont recherchées. Si la minorité et l'isolement sont établis, le Procureur de la République protège le mineur par ordonnance de placement provisoire (OPP). Le MIE est alors maintenu dans le département d’origine ou orienté par la cellule nationale dans un autre département. Une fois confié à l’ASE, le jeune bénéficie du même système de protection que les nationaux. Le juge prononce une mesure d’assistance éducative ou une tutelle. Suite à une évaluation de son niveau scolaire et à l'élaboration de son projet d’insertion, le jeune est orienté dans une structure d’accueil adaptée : famille d’accueil, foyer.

LA PROTECTION DU MINEUR ISOLÉ ÉTRANGER PAR LE DROIT COMMUN Un responsable de l’ASE du Conseil Départemental d’Indre et Loire a accepté de répondre à mes questions. Quelles catégories de jeune recevez-vous majoritairement (nationalité, âge, situation etc.) ? Comment se retrouvent-ils à la porte de votre bureau? « La plupart des jeunes sont orientés vers les services de l’ASE par des associations militantes ou par les réseaux de passeurs. D’autres par la police. 80% des jeunes que nous accueillons viennent d’Afrique sub-saharienne : Guinée Conakri, Mali, Angola, République Démocratique du Congo. Les 20% restant sont originaires d’Afghanistan, du Pakistan ou encore des Balkans. On constate une augmentation de l’âge moyen des jeunes depuis plusieurs années. Nous nous inquiétons de la baisse fulgurante du nombre de filles. A titre d'exemple, en 2014, nous avons admis 120 garçons et seulement 3 filles alors qu'auparavant les filles constituaient la moitié des admis. Nous ne connaissons pas exactement les causes de cette baisse : réseaux de prostitution ou d'esclavage ? Difficulté de quitter leur pays d'origine, les places étant prises par des garçons ? Les jeunes pris en charge par l’ASE relèvent de la demande d'asile, d’une protection subsidiaire ou se sont exilés en France pour des raisons économiques sollicitant un titre de séjour à la majorité ». Avec quels acteurs collaborez-vous lors de l’évaluation et de la prise en charge des jeunes ?

« Je travaille de concert avec la cellule nationale, le parquet, la police nationale, la gendarmerie, la PAF et les préfectures. La collaboration avec les ambassades est quotidienne pour les démarches d'obtention de passeports et parfois de recherches dans les pays d'origine pour des mineurs très jeunes en fugue. Je m'adresse également à l’OFPRA. Enfin, je suis amenée à collaborer avec l’ensemble des partenaires sociaux ayant vocation à l’accueil et l’aide à l’insertion des jeunes pour préparer l'accès à la majorité». La procédure d'accueil mise en place par le protocole de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation de 2013 est-elle selon vous efficace ? « Oui, avec le dispositif de la cellule nationale gérée par la DPJJ pour l'organisation de la répartition des MIE entre les départements, l’aide technique et juridique aux services de l'ASE, et enfin la contribution à la lutte contre les filières (avec l'aide du Ministère de l'Intérieur). Nous avons désormais une vision nationale de la situation et des enjeux ». Quelles sont les principales difficultés rencontrées par le département dans la gestion de l'accueil des mineurs ? « La principale difficulté réside dans la saturation des dispositifs. Au moins 60% des jeunes qui se présentent pour l'ensemble du territoire français sont majeurs! La saturation concerne aussi l’ensemble des acteurs comme les commissariats, la PAF, les tribunaux (Parquet, Juges des enfants...). Tout cela ralentit les dispositifs d’évaluation et de prise en charge. Nous rencontrons également des difficultés d’orientation des jeunes, les lieux de placement étant saturés. Les places disponibles ne sont pas toujours adaptées à tous les profils de jeunes. Nous sommes aujourd'hui contraints d'organiser leur hébergement en chambres d’hôtel dans l'attente de la décision ou non de protection judiciaire et d'orientation en établissement d'accueil. ». Réussissez-vous à respecter les délais légaux pour instruire la demande ? « Non, ni l'ASE, ni le Parquet n'y parviennent en raison de cette saturation présente à tous les stades prévus par le dispositif ». Violaine DELAVAUD Juriste

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LES MINEURS ISOLÉS BROYÉS DANS L’ÉTAU INSTITUTIONNEL

LE BAROMAITRE vous propose une version résumée de cet article d'Adrien ROUX, disponible dans son intégralité sur le site www.village-justice.com

L

es mineurs dépourvus de représentants légaux arrivant sur le territoire français sont confrontés à une contestation systématique de leur situation par les départements, qui se délestent ainsi de la mission de protection de l’enfance qui leur est confiée. Malgré d’importants dysfonctionnements mis en exergue au cours des dernières années, la situation perdure.

MINEURS À PROTÉGER OU MAJEURS À JETER La France a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant, qui prévoit une protection de l'enfant sans aucune distinction. L'Etat français est en principe lié pas les obligations découlant de la Convention à l'égard des mineurs isolés étrangers (MIE) comme il est à l'égard de tout enfant présent sur son territoire. Or, se déroule depuis quelques années un bras de fer entre l’Etat et les départements. L’Etat estime que les MIE sont avant tout des enfants, et que les départements sont seuls compétents en matière de protection de l’enfance, comme le prévoit la loi n°86-17 du 6 janvier 1986. Les départements quant à eux estiment ne pas pouvoir assumer la charge financière des MIE et que cette prise en charge relève de l’accueil d’urgence et à ce titre dépend de l’Etat. Les victimes de cette querelle institutionnelle sont indéniablement les MIE. La France a créé un système « d’évaluation » dérogatoire au droit commun des mineurs, visant à trier les MIE 26 | AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE

en fonction de la plausibilité de leur récit et de leurs documents d’identité. En principe, tout mineur dépourvu de référents légaux, étranger ou non, peut saisir le juge des enfants sur le fondement de l’article 375 du Code civil lorsque « la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non-émancipé sont en danger ». Les mesures prévues consistent principalement en une prise en charge par l’aide sociale à l'enfance (ASE) de l’hébergement et de l’accueil dans un établissement éducatif dans le cadre d’une formation. En 2003, un dispositif destiné à renforcer la protection des MIE était mis en place. Ce dispositif est rapidement devenu un entretien de vérification de minorité par la Permanence d’Accueil et d’Orientation des MIE (PAOMIE), gérée depuis 2011 par l’association France terre d’asile. Les nombreux dysfonctionnements de ce dispositif, tels que des appréciations sur le physique du jeune, sur la validité de ses documents d’identité en dehors de toute expertise documentaire, ou une évaluation hâtive du récit du MIE, ont été pointés du doigt par les associations de défense des jeunes isolés étrangers, ainsi que par le Défenseur des droits. Pourtant, l’article 47 du Code civil instaure une présomption d’authenticité des documents d’identité faits à l’étranger. A défaut de preuves de falsification de ces documents, ils sont supposés faire foi de l’identité et de l’âge de leur titulaire. Néanmoins, il arrive régulièrement qu’un jeune en possession de documents d’identité attestant de sa minorité fasse l’objet d’un refus auprès d’un de ces dispositifs d’évaluation, qui arguent d’un doute sur l’authenticité sans pour autant avoir soumis lesdits documents au bureau de la fraude documentaire. En outre, l’appréciation portée sur le récit du jeune et pouvant conduire à un refus est


LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE préoccupante : les refus des dispositifs d’évaluation indiquent souvent que le discours est « lacunaire » ou « stéréotypé ». Pourtant, comme le relève le pédopsychiatre Rahmeth Radjack, responsable d’une consultation « mineurs isolés » à l’hôpital Cochin à Paris, le traumatisme vécu par le jeune avant ou pendant son voyage influera indubitablement sur le déroulé de son récit. Lorsque le jeune fait l’objet d’un refus, il est fréquent que la PAOMIE ou son homologue d’un autre département ne lui remette pas une décision de refus, laissant le jeune en errance. Or, l’obtention de la décision de refus est capitale pour lui permettre de passer à l’étape de droit commun de tout mineur en situation de danger : la saisine du juge des enfants. Il ne peut pas contester la décision de refus de prise en charge par l’ASE devant le juge administratif, alors même que cette décision émane de l’administration. En effet, le Conseil d’Etat a indiqué dans son arrêt du 1er juillet 2015 que la juridiction administrative était incompétente en la matière, sous prétexte que le mineur en question n’a pas capacité à agir du fait de sa minorité, ajoutant qu’il existe la possibilité pour le jeune de saisir le juge des enfants, considérant même que cette possibilité constitue « une voie de recours dont l’intéressée disposait », créant une confusion entre deux procédures ayant des objets différents.

UNE JUSTICE INIQUE Le jeune se retrouve alors démuni face à cette décision de refus lui déniant l’accès à l’ASE, ne pouvant la contester ni devant le juge administratif qui le considère mineur au regard de sa capacité à agir, ni devant le juge judiciaire qui ne peut se prononcer sur la légalité d’une décision administrative. Il n’a d’autre choix que de saisir le juge des enfants sur le fondement de l’article 375 du Code civil, procédure qui dure parfois plusieurs mois pendant lesquels il n’aura ni hébergement ni moyens de subsistance. Ce système de tri orchestré par les départements, l’autorité judiciaire et l’autorité administrative conduisent à ce que de nombreux jeunes fassent l’objet d’un refus et ainsi soient condamnés à errer dans les rues en attendant de pouvoir rencontrer le juge des enfants. Il est impossible de savoir précisément combien de MIE se retrouvent à la rue pendant plusieurs mois. Lorsqu'il est présenté au juge des enfants, ce dernier dispose d’une marge de manœuvre considérable pour contourner la présomption d’authenticité des documents d’identité du jeune, du fait de la formulation large du deuxième alinéa de l’article 47 du Code

civil, qui dispose en substance que la présomption ne joue s'il résulte de certains éléments que les faits déclarés ne correspondent pas à la réalité. Ainsi, il est régulièrement ordonné un examen osseux, alors même que le jeune dispose de documents attestant de sa minorité. C’est le cas d’I., un jeune garçon qui a fui le Pakistan à la suite d’une violente rixe. La Cour d’appel a confirmé la décision du juge des enfants, estimant que son récit est « flou et stéréotypé, difficilement crédible et peu sincère». Le mépris accordé au récit du jeune n’est manifestement pas l’apanage de l’administration. La Cour d’appel avait pourtant souligné que « le bureau de la fraude documentaire ne détectait aucune trace de falsification sur le « birth certificate » transmis par l’intéressé ; il était indiqué qu’il s’agissait d’un document authentique ». Malgré cette authentification formelle, un examen de détermination d’âge osseux était parallèlement diligenté, et concluait à un âge supérieur à 18 ans. Cette technique d’examen, parfois improprement nommée « expertise osseuse », a été mise au point à des fins médicales dans les années 1930 à partir des caractéristiques morphologiques de personnes nord-américaines. Son utilisation à des fins judiciaires a été contestée par l'ensemble de communauté médicale et judiciaire. Pour autant, l'Administration n'a pas renoncé à utiliser cette technique. Sept mois plus tard, I. vit toujours dans la rue, et a dû arrêter le lycée, ne réussissant pas à combiner scolarité et survie.

CONCLUSION Rejetés par les départements, ignorés par l’Etat, renvoyés par le juge administratif au juge judiciaire et inversement, les mineurs isolés étrangers sont laissés pour compte. Le traumatisme vécu par ces jeunes avant et pendant leur voyage pour rejoindre la France est minimisé par l’attitude suspicieuse et expéditive des services d’accueil, et ne peut qu’être aggravé dans ces conditions. Le pays des Droits de l’Homme a encore un long chemin pour être à la hauteur de ses engagements.

Adrien ROUX

Élève avocat

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PASSEURS DE MIGRANTS : UN SERVICE « ALL-INCLUSIVE », MÊME LE PIRE. « Ils restaient debout, suppliant de pouvoir traverser les premiers, et tendaient les mains, dans leur désir de l'autre rive. Mais l'impitoyable Nocher accepte tantôt ceux-ci, tantôt ceux-là, refoulant les autres loin à l'écart du rivage »1. Il ne s’agit pas là d'une scène observée sur les côtes libyennes il y a quelques semaines, mais de la traversée des ombres des défunts menée par Charon, l' « effrayant portier » décrit par Virgile dans son Enéide. La ressemblance entre cette traversée mortuaire et celle organisée aujourd’hui par certains passeurs de migrants est troublante.

LES PASSEURS « TRAFIQUANTS DE MIGRANTS » Les passeurs constituent un des éléments clés de la crise migratoire. Ils organisent, de manière illégale, l’acheminement des personnes qui souhaitent quitter leur pays vers la terre qu’ils désirent rejoindre. La plupart d'entre eux travaillent en réseaux et certains n'hésitent pas à profiter de personnes extrêmement vulnérables. L'activité de ces passeurs est qualifiée de

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« trafic de migrants » par la Commission Européenne et l'Organisation des Nations Unies (ONU)2. Elle occupe le troisième rang des trafics illégaux dans le monde, après le trafic de stupéfiants et celui des armes3. La Commission Européenne entend lutter activement contre ces réseaux4. À cette fin, elle souhaite renforcer leur prise en charge policière et judiciaire, notamment en adaptant la législation européenne, en identifiant en amont les bateaux destinés au transport des migrants et en privant les passeurs de leurs profits. Le plan de la Commission prévoit également une amélioration du rassemblement et du partage de l’information entre Etats, en particulier avec les Etats du tiers monde. En outre, la Commission Européenne souhaite développer la prévention auprès des entreprises des secteurs à risques comme le transport. Enfin, l’instance européenne envisage d’améliorer l’assistance des migrants vulnérables et de rendre effectif l’effet dissuasif du retour dans le pays d’origine des personnes entrées illégalement sur le territoire de l’Union Européenne.

1 Virgile, Enéide, livre 6,

313.

2 Communication from the Commission to the European Parliament, the Council, the European Economic and Social Committee and the Committee of the Regions, EU Action Plan against migrant smuggling (2015 - 2020) et Protocole de l'ONU contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air. 3 Le Figaro, « Ces passeurs auxquels l’Europe veut s’attaquer », 23/04/2015. 4 Communication from the Commission to the European Parliament, the Council, the European Economic and Social Committee and the Committee of the Regions, EU Action Plan against migrant smuggling (2015 - 2020).


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UN TRAFIC RÉPRIMÉ En France, « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros ». La peine pour ce délit est portée à 10 ans d'emprisonnement lorsque l'infraction est commise en bande organisée5. Certains magistrats s’opposent à une criminalisation de l’infraction qui alourdirait la procédure et offrirait aux personnes poursuivies l’occasion de quitter la France sans avoir été jugées6. A titre d’exemple, suite au démantèlement d’une filière de passeurs afghans à Calais, l’un des deux passeurs albanais a été condamné à trois ans de prison ferme, 5.000 euros d’amende et une interdiction du territoire français pendant cinq ans. L’autre a été condamné à dix-huit mois de prison ferme et une interdiction du territoire français de deux ans. La troisième personne condamnée est un Français, gérant d'hôtel à Dunkerque où les migrants étaient logés avant leur passage en Angleterre. Il a été condamné à deux ans de prison ferme et une interdiction de gérance pendant cinq ans.

DES PROFILS VARIÉS ET BEAUCOUP D'ARGENT AMASSÉ Il est difficile d'établir le profil des passeurs. Certains sont organisés en grands réseaux très « professionnels » et spécialisés. D'autres fonctionnent en réseaux de moindre taille mais tout aussi dangereux. Ils savent repérer les personnes vulnérables et profiter de cette vulnérabilité pour leur vendre des voyages extrêmement risqués. Et puis il y a tous ceux qui ferment les yeux sur un trafic qui leur permet d'arrondir leurs fins de mois : des transporteurs, des hôtes occasionnels... Les formules proposées aux migrants sont variées. Leur coût dépend de la longueur du trajet et du degré de sécurité du voyage. Une fois le périple lancé, le trajet peut

varier en fonction d'une législation plus favorable dans un État, d'une frontière plus facile à franchir. Les migrants les plus pauvres peuvent payer « au coup par coup » différents passeurs. Les plus démunis risquent d'être abandonnés en cours de route et de subir des mauvais traitements. C'est à l'issue de ces pratiques que l’on retrouve des personnes abandonnées en pleine mer ou dans le désert ou enfermées dans des fourgons. Les sommes brassées par les trafiquants sont considérables. D’après Anne-Laure Arassus, chef adjoint de l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (Ocriest), un réseau démantelé à Boulogne-sur-Mer mi-août 2015 a révélé un chiffre d’affaires de 1,4 million depuis le mois de février 2015. Le voyage proposé par ce réseau depuis l'Albanie, dont 255 personnes ont pu bénéficier, coûtait entre 9 100 et 9 800 euros par personne7.

5 Article L622-1 et 5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile 6 Le Figaro, « Démantèlement d'une filière de passeurs afghans à Calais », 29/09/2015. 7 Le Point, « Calais - Passeurs : qui sont-ils et combien demandent-ils ? », 19/08/2015. 8 https:/www.unodc.org, Criminalité transnationale organisée : Mettons fin à leurs activités. 9 Gisti, Plein droit n° 84, mars 2010, « Passeurs d’étrangers », Des passeurs bien commodes.

Selon les Nations Unis, il existe deux principales filières de trafic de migrants : de l'Afrique du Nord, de l'Est et de l'Ouest vers l'Europe et de l'Amérique du Sud vers l'Amérique du Nord. Les réseaux de ces régions rapporteraient aux trafiquants 6,75 milliards de dollars américains par an8. Il ne faut cependant pas assimiler tous les passeurs à des trafiquants. Distinguer le simple « coup de main » donné à un compatriote de la volonté d’exploiter la misère humaine n’est pas toujours évident. Certains passeurs agissent seuls, parfois dans le but de financer leur propre voyage9. D'autres n'ont pas conscience que leur action s'inscrit dans un réseau criminel, d'où la nécessité de s'en prendre aux cerveaux de ces réseaux.

Camille QUINTON

Élève avocat

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UNE JOURNÉE AUPRÈS DES RÉFUGIÉS SYRIENS AU LIBAN « Je ne vais pas changer le monde, mais je peux essayer de contribuer à l'améliorer à ma façon ». C'est ce que je me suis dit lorsque j’ai décidé de m'engager auprès des réfugiés syriens au Liban aux côtés de personnes que j'ai rencontrées ici, à Beyrouth, pendant mon projet pédagogique individuel de l’Ecole du Barreau de Paris. Le 20 septembre 2015, je me suis rendue dans la vallée de la Bekaa au Liban avec l'aide de l'organisation SAWA for development and aid. La Bekaa est une région nichée entre deux chaînes de montagnes dont l’une forme la frontière avec la Syrie où s’est établie la majorité des deux millions de réfugiés présents au Liban. Grâce aux dons qu’une amie et moi avons collectés, nous nous sommes d’abord rendus dans l’école construite et entièrement gérée par SAWA au bénéfice des enfants réfugiés syriens pour distribuer à chacun des 350 enfants un ensemble de vêtements d'hiver (pulls, pantalons, chaussettes, sous-vêtements). Je n’oublierai jamais l’excitation et la joie des enfants ce jour-là mais également leurs grandes timidité et

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curiosité lorsqu’ils attendaient sagement en rangs leur sac de nouveaux vêtements. Ensuite, nous sommes allés dans quatre camps afin de distribuer un pack de nourriture aux 148 familles (lentilles, riz, huile, sucre, café, sel, diverses boîtes de conserve de légumes et poisson...). Il faut savoir qu’au Liban, il existe très peu de camps de réfugiés officiels. L’expérience palestinienne d’abord temporaire, puis devenue définitive, est trop présente dans les esprits. Certaines municipalités et des propriétaires refusent toute amélioration structurelle importante de crainte que les réfugiés ne restent au Liban. La plupart d’entre eux vivent dans des sortes de tente à même le sol, sur des terrains vacants qui menacent de s’effondrer avec l’arrivée de la pluie et de la neige et qu’ils louent pour 100-200 dollars par mois. Ils ne bénéficient d’aucune infrastructure de base, telle que l’électricité, l’eau potable ou des sanitaires. Pourtant, j’ai été frappée par la générosité des familles syriennes que nous avons rencontrées. A plusieurs reprises, des familles vivant dans le


LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE dénuement le plus total nous ont invités à prendre le thé pour nous remercier. A cette occasion, j’ai pu me rendre compte de la solidarité et du travail formidable qu’effectuent les bénévoles de SAWA au quotidien. Ils connaissent chaque famille, prennent le temps de les écouter et de trouver les solutions adaptées en cas de problème. Ils luttent contre le travail des enfants et encouragent leur scolarisation tout en essayant de favoriser une mixité entre les filles et les garçons. Cela fait déjà quatre ans qu’ils sont présents sur le terrain. L’organisation a été créée en 2011 en réaction au manque extrême d’aide aux réfugiés syriens au Liban, en raison, notamment, de ces camps de réfugiés informels qui rendent l’organisation et l’accès à l’aide humanitaire traditionnelle plus difficiles. Étudiants, professionnels, universitaires syriens, libanais et de nationalités diverses se sont unis afin d’améliorer les conditions de vie des réfugiés et de les accompagner vers leur indépendance matérielle et financière. En effet, au Liban, pays soixante fois plus petit que la France, près de deux habitants sur cinq sont réfugiés syriens. On parle de crise des migrants en Europe mais la crise est ici, pour les douze millions de déplacés en Syrie, les quatre millions de réfugiés dans les pays voisins et leurs populations d’accueil. La guerre en Syrie exerce une pression humanitaire, sociale et économique très forte sur ses voisins – Liban, Jordanie, Irak et Turquie – qui peinent déjà à fournir des infrastructures et services de base à leur propre population. Le Liban a déjà atteint le niveau de population initialement prévu pour 2050, le nombre de personnes sans emploi a explosé et le salaire moyen a fortement diminué. Les réfugiés syriens n’étant pas autorisés à travailler au Liban, ils acceptent un salaire à moins de 10 dollars par jour et le marché du travail s’en trouve d’autant affecté. Beaucoup – dont de nombreux enfants dans les rues de Beyrouth – sont réduits à la mendicité pour survivre, surtout depuis que l’aide alimentaire des Nations Unies a été

supprimée pour plus d’un million de réfugiés et que les bons alimentaires distribués chaque mois sont passés de 30 à 13 dollars par famille. La situation des réfugiés syriens est critique. Celle des pays d’accueil également. 170 000 Libanais pourraient basculer dans la pauvreté cette année. D’où des tensions croissantes entre les communautés. D’où le besoin d’aide d’urgence en terme de nourriture, vêtements, matériaux d’habitation et de combustion pour l’hiver, mais également de solutions durables pour les populations locales et les réfugiés. Permettre aux enfants d’aller à l’école pour lutter contre la maltraitance et le travail des enfants en fait partie. Malheureusement, l’aide vient souvent d’initiatives spontanées et privées, comme celles des bénévoles de SAWA, insuffisantes sur le long terme. Et pourtant, sans ce genre d’actions ponctuelles, ce sont des milliers de familles ayant fuit les atrocités de la guerre qui seraient complètement abandonnées.

Ariane LANDAU

Élève avocat

Pour plus d’information sur SAWA et leurs actions : www.sdaid.org Facebook : SAWA for development and aid Email : donate@sdaid.org.

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L'AIDE AUX MIGRANTS :

LES MOYENS D'ACTION DES CITOYENS « Un étranger est un ami que l’on ne connaît pas encore ». Proverbe irlandais Un matin de septembre, le corps inerte d’un petit garçon sur une plage, celui d’Aylan, est apparu sur nos écrans. Les migrants ont alors eu un visage, un pays, une histoire. Aylan est entré dans notre imaginaire collectif et a personnifié le drame humain qui a lieu depuis plusieurs mois. La mort du petit garçon a entraîné une prise de conscience et une mobilisation des citoyens, c’est-à-dire des personnes n’ayant pas de liens familiaux avec les étrangers à qui ils viennent en aide. Si les actions citoyennes ont pu se dérouler en toute légalité, c’est en grande partie grâce à la modification de l’article L 622-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). L'article L 622-1 du CESEDA punit de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 30 000 euros l'aide directe ou indirecte à l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France. Nonobstant, ce principe connaît des exceptions prévues à l’article L 622-4 du CESEDA qui ont évolué ces dernières années. Afin de lutter contre les réseaux liés à l’immigration clandestine, la loi du 16 juin 2011 n’exonérait de poursuite les personnes ayant aidé des étrangers en situation irrégulière que dans le cas où leur action

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s'inscrivait « face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la personne de l'étranger ». De plus, cette aide ne devait donner lieu à aucune contrepartie. Extrêmement restrictif, de nombreuses voix se sont élevées contre ce texte créant, de facto, un « délit de solidarité ». Ces dispositions pouvaient décourager ceux qui désiraient aider les sans-papiers et servaient de moyen de pression contre les associations. Si la réforme du 31 décembre 2012 n’abroge pas le délit visé à l’article L 622-1 du CESEDA, elle en élargit le champ des exceptions. En effet, selon l’article L 622-4 3° du même Code, sont désormais exempts de poursuites l’aide consistant « à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l'étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l'intégrité physique de celuici » à condition de n’en tirer aucune contrepartie directe ou indirecte. La Cour de cassation est vigilante quant à l’existence effective d’une contrepartie. Par un arrêt du 4 mars 2015, la Chambre criminelle a cassé une décision de la Cour d’appel de Reims qui avait condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis un homme ayant hébergé et fourni des attestations de domicile à des


LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE sans-papiers. En effet, la Haute Juridiction a estimé que la Cour d’appel n’avait pas caractérisé l’existence d'une contrepartie directe ou indirecte. Les personnes désintéressées peuvent donc aider les migrants sans crainte, que ce soit par le biais d’associations ou de leur propre initiative. Se rapprocher d’une association permet d’agir dans un cadre sérieux avec des personnes ayant l’habitude de traiter ces problématiques. Les associations venant en aide aux étrangers sont nombreuses. Certaines, telles que le secours populaire ou le secours catholique, sont des associations généralistes alors que d’autres, telles que le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) ou les Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s (ASTI), concentrent leurs actions sur les immigrés. Soutenir les associations peut tout d’abord se faire grâce à des dons. Il peut s’agir de dons en nature (nourriture ou de vêtements) ou de dons financiers. Dans le second cas, ils permettent aux associations de couvrir les besoins non pris en charge par les dons en nature qu’il s’agisse des frais de fonctionnement administratifs de l’association, de l’achat de produits frais (viande, légumes), de titres de transport ou de médicaments pour les nouveaux arrivants. De plus, les sites de financement participatif permettent de faciliter l’envoi de dons et de savoir à quel projet ils seront affectés, de l’affrètement d’un navire à la fourniture de biens de première nécessité, par exemple.

faire connaître et faire valoir les droits des migrants ou de les aider dans leurs demandes de régularisation. Les citoyens peuvent aussi agir en dehors du cadre associatif. Par exemple, des sites comme Refugees Welcome ou Comme A La Maison (CALM) sont récemment apparus. Ces sites mettent en relation des réfugiés avec des personnes qui souhaitent les loger, temporairement et gratuitement. Outre le fait que ces initiatives permettent de pallier, pour un temps, le manque de place en centre d’hébergement d’urgence, elles permettent surtout aux migrants d’être en contact avec les populations locales et de faciliter leur insertion. La mort d’Aylan a suscité une vague d’émotion entraînant un mouvement de solidarité sans précédent. Alors que l’hiver approche, espérons que cet élan ne restera pas sans lendemain.

Alban SÉNÉCHAL et

Jonathan SORRIAUX

Élèves avocats

S’investir comme bénévole est aussi un moyen d’aider les associations. Les tâches sont variées et dépendent des compétences, du temps et des envies de chacun. Il peut s’agir de l’accueil des réfugiés, d’aider aux tâches administratives ou de faire de l’alphabétisation. Les profils de juristes sont aussi recherchés pour faire de l’accompagnement juridique afin de

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TÉMOIGNAGE D'UN MÉDECIN BÉNÉVOLE DE LA CROIX ROUGE

F

ace à l'arrivée massive de réfugiés et à la crise humanitaire qu'elle engendre, la Croix Rouge se mobilise.

La Croix-Rouge française a d'ailleurs récemment rappelé sa mission humanitaire fondée « sur le respect de la dignité humaine et l'accueil inconditionnel des personnes vulnérables » et appelé à la mobilisation. La Croix-Rouge allemande (Deutshes Rotes Kreuz) accueille actuellement des milliers de réfugiés qui sont logés dans des camps et centres d'accueil à travers l'Allemagne. Une jeune médecin, bénévole au sein de la Croix Rouge, apportant son aide dans un camp de réfugiés en Rhénaniedu-Nord-Westphalie en Allemagne, témoigne. Quel est le rôle de la Croix-Rouge dans l'accueil des réfugiés ? Comment avez-vous eu l'idée de travailler pour la Croix Rouge ? La mission de la Croix-Rouge est de porter assistance à toutes les personnes vulnérables. Face à l'afflux de migrants, elle met en place des actions d'aide dans tous les domaines : accueil, soins médicaux, logements, aide administrative... Actuellement, il faut faire face à l'urgence ! 34 | AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE

Touchée par le drame humain qui se joue en Europe et tout juste diplômée en médecine, j'ai envoyé ma candidature à la Croix-Rouge pour y être bénévole. Le besoin était tel, que deux jours après, j'ai reçu une réponse positive. Comment se passe une journée de travail comme médecin dans le camp de migrants ? J'arrive le matin aux alentours de 9h. Je ne sais jamais à quelle heure je vais repartir. Je reste parfois jusqu'à 1h du matin afin d'avoir le temps d'examiner le maximum de personnes. Je n'ai pas de salle qui me soit spécialement réservée. Je partage donc une pièce avec les autres bénévoles qui ont chacun leur rôle : psychologue, aide administrative... Je reçois les migrants, je leur prescris des médicaments si besoin. Je les envoie à l'hôpital si une radiographie ou une opération est nécessaire. De quels pays viennent la majorité des migrants que vous recevez ? Combien de temps restent-ils dans ce camp ? Les migrants restent dans le camp le temps de leur enregistrement par l'administration qui leur adresse ensuite une décision les autorisant ou non à rester sur le territoire. Les délais sont très


LUMIÈRE SUR... LA CRISE MIGRATOIRE variables selon le nombre d'arrivées chaque semaine. Nous recevons beaucoup de Syriens mais également des personnes venant d'Erythrée, de Somalie, de Serbie, d'Afghanistan ou encore du Kosovo. Quels sont les médicaux rencontrés

principaux problèmes par les migrants ?

Beaucoup présentent des blessures dues à la guerre. Certains ont des balles à l'intérieur du corps qu'il faut retirer. La semaine dernière encore, j'ai reçu un homme qui avait une balle dans le ventre. Ils ont, par ailleurs, souvent besoin d'une aide psychologique. Ils présentent des traumatismes dus à la guerre, à leur voyage très long et difficile, à la perte de membres de leur famille ou de certains de leurs amis. Je vérifie également qu'ils ne présentent pas de maladies contagieuses qu'ils pourraient ramener de leur pays. Sinon, je soigne beaucoup de rhumes et de bronchites dus à leur parcours d'exil et à la différence de climat entre leur pays d'origine et l'Europe.

Violaine DELAVAUD Juriste

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MUTILATIONS SEXUELLES ET « MARIAGE » FORCÉ : IL NE FAUT PAS TOURNER LA PAGE

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la fin des années 1970, le personnel des services de pédiatrie français a découvert les mutilations sexuelles féminines sur des fillettes de parents africains, dans le contexte de la politique de regroupement familial. Après une longue bataille judiciaire, ces faits furent qualifiés de crimes, des exciseuses et des parents furent condamnés et des fillettes furent protégées.

Comment se peut-il qu'en 2014 une adolescente de retour de vacances d'Afrique s'effondre en larmes dans sa classe à l'évocation des mutilations sexuelles féminines1 ? Comment se peut-il que des médecins brandissent le secret médical2 face à l'obligation de signaler tout crime imminent sur une mineure et n'aient pas le réflexe de faire un signalement au Procureur de la République ? S'applique à chacun l'article 223-6 du Code pénal disposant que « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ». Alors que la dénonciation et la condamnation des mutilations sexuelles féminines débutent

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en France dans les années 1980, aujourd'hui faute de signalement, des jeunes filles qui pourraient être protégées ne le sont pas, laissant des agresseurs et des agresseuses perpétuer leurs crimes et poursuivre le cycle de cette violence par les « mariages » forcés.

LES MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES : VIOLENCES, TORTURE ET ACTE DE BARBARIE En 1975, Benoîte Groult, autrice féministe, dédie le chapitre « haine du c... » dans son ouvrage « Ainsi soit-elle », à la dénonciation de la clitoridectomie (amputation du clitoris) et de l'infibulation (muselage vulvaire) pratiquées dans certains pays d'Afrique3. Elle évoque les différentes justifications de la pratique par exemple : la contribution à « la santé de la femme », « la maîtrise de la croissance de cet organe qui pourrait devenir aussi long que celui de l'homme », et surtout la volonté de « limiter l'appétit sexuel des femmes4 »5. Elle épingle celles et ceux qui, en Occident acceptent cette pratique au nom de la différence culturelle et vont jusqu'à la défendre devant les tribunaux. C'est au nom de la religion musulmane que des parents de petites filles mutilées avaient justifié leur geste6. Cependant des savants musulmans se

1 Témoignage, intervenante scolaire, projet de la région île de France, « Jeune pour l'égalité ». 2 Article 226-13 du Code pénal. 3 La classification des mutilations sexuelles féminines : http://www. who.int/mediacentre/ factsheets/fs241/fr 4 D'où l'importance du terme « sexuel » et non « génital » employé en anglais. L'objectif de la mesure est bien de contrôler la sexualité toute entière de la femme et non seulement de raccourcir un organe. 5 B. Groult, Ainsi soitelle, Paris, Grasset, 1975, pp. 89-100.


TRIBUNE LIBRE sont élevés contre cette interprétation de la religion. Par ailleurs, la clitoridectomie a été pratiquée au 19e siècle en Europe par des médecins recommandant cette « intervention chirurgicale »7 afin de « soigner les femmes diagnostiquées folles, épileptiques, hystériques »8. Dès 1982, Maître Linda Weil Curiel, avocate au Barreau de Paris, se porte partie civile pour une association féministe à l'occasion des procès de parents africains. Elle souleva d'emblée le caractère criminel et non délictuel (tel que retenu par le Parquet) de ces violences infligées aux petites filles9. Nombreux furent les défenseurs du droit à la différence culturelle qui refusèrent la qualification criminelle des faits10. Or, le premier cas de clitoridectomie soumis à la Cour de cassation est celui d'une fillette victime de violences exercées par sa mère bretonne (Cass. Crim., 20 août 1983, n° 83-92.616). Dans un arrêt à l'origine non publié, les juges qualifièrent les conséquences de ces violences volontaires de « mutilation », retenant le caractère érectile des organes sexuels féminins, clitoris et petites lèvres (ancien article 312-3 du Code pénal devenu 222-9 et 222-10 du Code pénal). Notons que la qualification de torture ou actes de barbarie (article 222-1 Code pénal) a aussi servi de fondement à des poursuites de cas de mutilations sexuelles féminines. A partir de 1984, des médecins de centre de protection maternelle et infantile se sont mobilisés pour l'information des mères sur le caractère préjudiciable de ces mutilations et leur interdiction. La combinaison des condamnations par les cours d'assises largement rapportées par la presse et des mesures d'information et de prévention a eu pour conséquences positives que de très nombreuses fillettes ont été épargnées.

du viol ? Ce n'est pourtant pas suivant cette analyse que la pratique est à ce jour analysée. Les dispositions du chapitre II de la loi du 4 août 2014 portant sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes visent, donc justifient, « un contrat de mariage ». A l'inverse, si l'analyse était initiée à partir des faits en cause, ce sont les relations sexuelles non consenties qui seraient visées en premier lieu. Le viol qualifié, l'objet du contrat étant un crime, le contrat contraire à l'ordre public, (article 6 du code civil) sera nécessairement jugé nul.

LA VIGILANCE NE DOIT PAS ÊTRE RELÂCHÉE Aujourd'hui les procès pour faits d'excision se sont raréfiés et, conservant en mémoire les unes des journaux des années 80 et 90, nous aimons à penser que ces pratiques n'ont plus cours en France. Mais les témoignages des femmes montrent que si des filles ont été protégées ici notamment grâce aux procès et aux consultations en PMI, les pratiques n'ont pas complètement cessé, certains parents employant toutes sortes de subterfuges pour « respecter la tradition ». Il est essentiel de rappeler que l'article 226-14 du Code pénal lève le secret professionnel de celles et ceux qui ont notamment connaissance de mutilations sexuelles sur mineures. Les professionnel(le)s qui, dans ces conditions, font un signalement ne peuvent pas être exposé(e)s à des sanctions civiles, pénales ou disciplinaires.

6 « Ce n'est pas pour aujourd'hui », Bafing Kul : https:// www.youtube.com/ watch?v=q_-FQ3MP9eg 7 Termes qui permettent d'occulter la violence des faits et vocabulaire médical qui permet aujourd'hui la réalisation de mutilations sexuelles féminines dans des hôpitaux. 8 I. Baker Brown, On the curability of certain forms of insanity, epilepsy, catalepsy and hysteria in females, London, 1866 (google book disponible directement en version numérique). 9 L. Weil Curiel, N. Henry, Exciseuse : entretien avec Hawa Gréou, City, Grainville, 2007. 10 « Entretien avec Tobie Nathan, sorcier des banlieues », Science et Nature, février 1995, p.7. 11 Waris Dirie, Fleur du Désert, (film) 2009, et Ayaan Hirsi Ali, Infidel, Atria Books, 2006.

Les professionnel(le)s du droit dans la foulée de la prévention exercée par les professionnel(le)s médico-sociaux contribuent ainsi à protéger des filles de violences d'un autre temps qui n'ont plus droit de cité ni ici ni ailleurs. Choralyne DUMESNIL

MARIAGES FORCÉS : QUELLE QUALIFICATION ?

Élève avocat

Les femmes victimes de mutilations sexuelles racontent que les souffrances ne s'arrêtent pas là11. La suite, c'est le « mariage » arrangé par les familles entraînant des relations sexuelles non consenties. N'est-ce-pas la définition

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TRIBUNE LIBRE

RETOURS SUR - UNE PERMANENCE PÉNALE

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COMPARUTIONS IMMÉDIATES ET DÉFENSE D’URGENCE

a défense d’urgence est une assistance juridique en situations exceptionnelles, de temps et de moyens. En matière pénale, ce concept se retrouve au sein des permanences pénales, et notamment des comparutions immédiates en matière correctionnelle. Les élèves avocats qui sont invités à participer, sous la supervision d’un avocat référant, aux permanences du Tribunal correctionnel de Bobigny, y découvrent une école de la plaidoirie tout autant qu’une formation accélérée à l’apprentissage de la défense d’urgence. La règle est simple : arrivé à 9 heures au Tribunal, l’élève avocat se voit confier la responsabilité d’un ou deux dossiers à décortiquer à la recherche de nullités éventuelles et des lignes de défense à tracer. Affaires de stupéfiants, vols simples ou avec violences, agressions sont le lot de ces dossiers qui sont autant de tragédies personnelles. Synthétiser les faits, prendre la mesure d’un contexte de précarité souvent prégnant, esquisser la personnalité d’un homme et la juste réponse de la société devant ses actes. Un travail d’une journée en une heure. Le temps file. A peine la lecture achevée, l’heure est à la rencontre, non plus des litanies de procédure des procès-verbaux, mais de l’homme dont on a accepté la défense. En tête à tête au dépôt – véritable prison du Tribunal – parfois avec interprète, c’est le plongeon plus en avant dans la composante humaine de la vocation. Questionner, interrompre, reprendre s’il

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le faut, pour comprendre. Fil ténu entre l’empathie et la distance professionnelle, gageure d’une défense de qualité. Une expérience que l’on sent riche déjà d’enseignements. Apprentissage accéléré des gammes de pénaliste, de l’avocat tout simplement. Rapidité et rigueur de l’analyse d’un dossier, maîtrise de la procédure et des détails qui soulèvent les verrous. Confrontation et distance face aux vérités à deux visages et aux silences de ceux que l’on défend. Prendre ses marques devant un Tribunal, enfin. Car, si l’on oublierait le temps pour un instant, lui ne nous oublie pas. Il est 13 heures déjà, la 17ème chambre vous attend. C’est le baptême du feu des plaidoiries. Un Tribunal de trois juges avec à sa tête un Président, les flèches de l’accusation en la personne du substitut du Procureur, la famille et les amis du mis en cause derrière vous, et à votre gauche, escorté et souvent moins débutant que vous, celui que vous défendez. Partager sa conviction, le temps d’une plaidoirie, pour emporter celle de la cour. Un exercice formateur où l’apprentissage se fait par l’observation et la répétition. Interroger le Tribunal sur les irrégularités d’une procédure, éclairer les zones d’ombre d’un dossier, rendre à un acte délictueux son lourd et précaire contexte qui a bien souvent présidé à sa réalisation. Révéler une vérité différente, à côté de celle du Ministère Public, pour regarder sans fléchir la balance, et rendre à la Justice son rôle antique de peseur des âmes.

Mathieu Baggard Élève avocat


TRIBUNE LIBRE

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UNE JOURNÉE AU TRIBUNAL DE BOBIGNY

e 8 janvier 2015, le lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo, j'effectue ma première journée de permanence pénale au Tribunal de Bobigny. En quoi cela consiste ? Défendre les prévenus qui, suite à une garde à vue, vont être jugés en urgence. Autrement dit, je vais rencontrer des individus qui sortent à peine d'une longue garde à vue et qui s'apprêtent à être jugés, le lendemain même de leur arrestation. Élève avocat, j'assiste et apporte mon aide à un avocat commis d'office. La journée se passe en plusieurs temps : on étudie d'abord les dossiers des prévenus, puis on les rencontre. Enfin, l'audience a lieu. Je ne pensais pas assister à une telle misère et à une telle violence. En prenant la voiture à 07h00, je mets France Inter et j'entends Patrick Pelloux, chroniqueur de Charlie Hebdo, pleurer ses collègues et amis. La tuerie de la veille est dans tous les esprits. Quelques minutes avant d'arriver, j'apprends qu'une fusillade a eu lieu porte de Châtillon, blessant une policière. Je ne suis pas encore arrivé que j'ai déjà le cœur lourd. Lorsque je me gare, il fait encore nuit noire. Les drapeaux sont en berne. Le dispositif de sécurité est renforcé. J'enlève ma ceinture, je donne mes clefs, mon portefeuille et mon portable puis je passe sous un portique.

Je rejoins le bureau de l'ordre où accueille le coordinateur de la permanence pénale. Je m'apprête à sortir ma carte d'identité pour lui montrer que je suis bien la personne attendue. Il m'arrête : « Je te crois sans problème. Qui donc voudrait passer une journée ici ? ». Quelques minutes après que les dossiers nous soient distribués, nous apprenons le décès de la policière de la porte de Châtillon. Chaque avocat reçoit à peu près 5 dossiers. Ces dossiers sont composés de l'ensemble des pièces produites par la garde à vue. Les échanges entre les prévenus et les policiers, fidèlement retranscrits, sont particulièrement instructifs. Rapidement, il faut aller rencontrer les prévenus. Nous ne pouvons donc pas explorer les dossiers dans leur intégralité, nous les parcourons en essayant de ne passer à côté d'aucune information essentielle. On descend alors dans un lieu sombre, au sous-sol. De nombreuses cellules individuelles sont gardées par des policiers. Pas loin, des box. Les box sont de minuscules salles où tiennent à peine deux chaises et où l'avocat peut rencontrer et dialoguer la personne qu'il va défendre.

Nous donnons au policier l'identité du premier prévenu que nous devons défendre. Il va alors le chercher et revient quelques instants plus tard avec l'intéressé. Il est grand et porte des survêtements. On sent la colère en lui. La haine aussi. Les lacets de ses chaussures ont été retirés pour éviter qu'il ne se pende. Dans le box, nous sommes trois et nous sommes à l'étroit. Les policiers passent régulièrement devant pour voir si tout se passe bien. Lorsque l'échange est fini, nous devons taper sur la porte pour qu'un policier vienne chercher le prévenu et l’amène dans sa cellule. L'échange est tendu. Le jeune homme est sorti il y a un mois de prison et il risque fort d'y retourner. C'est ce que l'avocat essaye de lui expliquer. « Wesh mon frère j'ai rien fait ». C'est tout ce qu'il peut dire. Il s'énerve. Il hausse la voix. « Je ne suis pas votre ennemi » lui rappelle calmement l'avocat. Le prévenu ne construit pas ses phrases. Les mots se suivent sans aucune cohérence, aucune logique. Les entretiens se succèdent. Souvent, on essaye de savoir quelle est la nature de l'insertion professionnelle de la personne que l'on défend pour plaider qu'une sanction trop lourde risquerait d'avoir un effet contre-productif. Mais la plupart du temps, le prévenu est « en recherche d'emploi » mais bien incapable de faire état de la moindre démarche effectuée pour trouver un travail. Le deuxième prévenu est plus âgé, plus volubile, plus souriant. Il est poursuivi pour des faits commis il y a plusieurs années. Entre temps, il était recherché par la police mais était en Côte d'Ivoire. Le dialogue est plus facile. Vient le troisième entretien. Celui-là a moins l'habitude, semble-t-il, du traitement qui lui est fait. Son casier judiciaire est encore vierge. Chaque minute en cellule lui semble insupportable. « J'ai envie de mourir » nous dit-il. A lui aussi, on a retiré les lacets. A un moment, l'avocat est appelé par le procureur. Il me laisse seul dans le box avec l'individu. Ce garçon a mon âge. Deux mois séparent sa naissance de la mienne. Je suis en costume, porte une cravate, et dormirai dans un lit ce soir. Lui est en jogging avec un t-shirt froissé et l’endroit où il dormira ce soir reste incertain. Il vient de passer de nombreuses heures dans une cellule sans avoir la moindre idée de l'heure qu'il était. Pas de fenêtre dans les cellules des gardés à vue. Je suis donc seul face à lui. Un silence s'installe. Je ne sais pas quoi dire. Nous avons le même âge mais tout nous sépare. Rien ne laisse en effet penser que je pourrai un jour être à sa place ou lui à la mienne. Nos regards ne se croisent pas un instant. Je suis démuni. Les secondes, AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE | 47


TRIBUNE LIBRE lourdes, marquent un peu plus le contraste entre sa situation et la mienne. Alors que ces minutes sont particulièrement éprouvantes pour moi, elles sont précieuses pour lui : tant qu'il est ici, il n'est pas enfermé dans une cellule.

ignorance, son désœuvrement. Le prévenu écoute alors le triste portrait qui est fait de lui. Il a honte d'être décrit ainsi, publiquement. Mais il comprend que cette description peu élogieuse est sensée le servir.

L'avocat revient. Les rencontres se multiplient. Parfois, une interprète vient nous aider à communiquer avec le prévenu qui ne parle pas le français. Un SDF à qui on a donné des médicaments nous est présenté. Impossible pour lui de lever la tête plus de 3 secondes. Il se rendort aussitôt, devant nous.

Très souvent, les prévenus peinent à s'exprimer. Ils ne maîtrisent pas la grammaire la plus élémentaire et n'ont aucun vocabulaire. A un moment, un jeune homme précise qu'il donne des cours de foot. S'ensuit un échange navrant entre la magistrate et l'individu :

A midi, les policiers se relaient pour aller effectuer une minute de silence pour leurs collègues décédés la veille et le jour même. S'ensuivent un manque d'effectif, un ralentissement de l'activité et une certaine tension. Les rencontres avec les prévenus et avec le procureur continuent. On entend des détenus taper contre les portes de leur cellule ou essayer de communiquer entre eux en criant, souvent en arabe. La seule femme prévenue que j'ai rencontrée ne répondait pas aux questions qu'on lui posait : elle ne faisait que pleurer en silence pendant qu'on lui annonçait que ses enfants avaient été placés dans un centre spécifique où l'on s'occuperait d'eux. Finalement, son jugement sera différé. Lorsque nous remontons, l'audience commence aussitôt. Le déroulement de l'audience est toujours le même : dialogue entre les juges et le prévenu ; réquisition du procureur ; plaidoirie de l'avocat. Puis l'audience est suspendue pour que les juges puissent délibérer. Ils reviennent ensuite annoncer leur verdict. Lorsque les juges dialoguent avec le prévenu, ils lui demandent son identité. Puis ils lui rappellent les faits qui lui sont reprochés. Des questions lui sont posées et le prévenu peut présenter des observations. Le rôle du procureur est de défendre les intérêts de la société. Il demande avec un certain systématisme aux juges de prononcer la sanction la plus importante possible. Il ne trouve aucune circonstance atténuante. Il dresse toujours un portrait terrible de l'individu dont la récidive semble être la seule perspective. De nombreuses tensions, souvent implicites, parfois explicites, régissent les relations entre l'avocat et le procureur. La plupart du temps, l'avocat, pour défendre son client, met en avant sa bêtise, son

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− Ha c'est bien ça, au sein de quelle structure ? demande la magistrate. − Comment ? − Au sein de quelle structure vous donnez des cours ? − Heu, du football Madame. − Oui d'accord mais je vous demande au sein de quelle structure, de quel organisme, vous donnez des cours ? − Ha pardon. Près de St-Denis Madame. La gêne envahit la salle d'audience. Moi-même, je suis très gêné. J'ai pitié et ma pitié me met très mal à l'aise car le mépris ou la condescendance ne sont jamais très loin de la pitié. « Comment un individu incapable d'entretenir un dialogue élémentaire peut-il avoir une place dans la société ? » Je prends soudain conscience de l'évidence : le langage est une chance. Lorsque cet individu apprend qu'il est condamné à 18 mois de prison ferme, il demande la parole. Chacun se demande quelle va être la réaction d'un homme qui vient d'apprendre qu'il va être privé de liberté pendant un an et demi. L'homme lâche alors : « Et mon portable, je vais le récupérer ? ». Un autre prévenu, lorsqu'il apprend sa peine, n'attend pas qu'on lui donne la parole pour la prendre : « Mais j'ai rien fait ! Bandes de fils de pute j'ai rien fait ! J'vais tous vous niquer ! ». Les policiers lui disent de se calmer. Il ne se calme pas. Ils souhaitent l'emmener dans sa cellule mais il se débat. Quatre policiers sont nécessaires pour l'immobiliser et le sortir de la salle. Mais même quand il n'est plus dans la salle, on entend toujours ses cris, ses insultes, sa haine. Quelle image gardera ce jeune homme de la Justice ? Un peu plus tard, un jeune homme, dont le père est décédé, est jugé pour s'être rendu en


TRIBUNE LIBRE Seine-Saint-Denis alors qu'il n'en avait pas le droit, du fait d'une interdiction judiciaire.

Souvent, la condamnation prononcée le jour même n'est que la dernière d'une longue liste.

− Pourquoi y êtes-vous allé ? demande la magistrate.

La sonnerie retentit : les juges reviennent s'installer. Encore une fois, les peines prononcées sont importantes.

− Pour voir ma mère. Habitués que nous sommes aux mensonges décomplexés de la part des prévenus, nous ne croyons pas ce jeune homme : il a été arrêté par des policiers alors qu'il faisait une roue arrière sur une moto avec des amis. − Et pourquoi est-ce que ce n'est pas votre mère qui vient vous voir ? insiste la magistrate. − Parce qu'elle est handicapée à 90% Madame. A nouveau, une gêne envahit la salle. L'avocat et moimême ignorions ce fait. La précipitation avec laquelle nous devons lire les dossiers nous empêche de prendre connaissance de faits pourtant essentiels. Alors que l'audience n'est pas finie, nous percevons du bruit au fond de la salle. Une femme entre sur un fauteuil roulant, aidée par un policier. Quand elle aperçoit son fils derrière le box, elle commence à pleurer très bruyamment et à marmonner des phrases dans une langue que je n'identifie pas. Le fils, coincé entre trois policiers, ose à peine la regarder. Il baisse les yeux. La honte l'envahit. Sans que je sache pourquoi, elle m'envahit aussi.

Le cœur lourd, nous retournons dans le bureau de l'ordre récupérer nos affaires, nous apprêtant à quitter le Tribunal. Puis nous sortons du Tribunal de Bobigny. Les portables et les cigarettes s'allument. Je m'apprête à retourner dans la petite rue où je me suis garé. « Fais attention à toi quand même, c'est dangereux par ici » me dit l'avocat avec qui j'ai passé la journée.

Dylan SLAMA Élève avocat

La femme a traversé tout le département en fauteuil roulant pour venir voir son fils au Tribunal. Elle continue à pleurer, rendant l'audience plus insupportable encore. Au bout de quelques longues minutes, elle sort de la salle d'audience, hurlant de douleur. Le dernier délibéré a lieu à 21h00. Nous n'avons pas eu le temps d'avaler quoi que ce soit de la journée. L'avocat que j'ai accompagné sort des clémentines et m'en propose. Nous attendons que les juges prononcent leur dernier verdict concernant l'agression d'une vieille dame. L'émotion est palpable du fait de la présence de la victime, venue faire face à ses agresseurs. « Je m'excuse, même si ce que j'ai fait est inexcusable » a-t-on pu entendre. Il fait nuit. Il est tard. Nous sommes fatigués. Je suis sous le choc de la journée que je viens de passer. Nous échangeons quelques mots avec les avocats commis d'office. Eux sont désabusés. C'est parce que je ne le suis pas encore que je ressens le besoin de faire le récit de cette journée. Chaque scène m'a marqué, chaque individu m'a bouleversé. Les images se bousculent, une émotion chassant l'autre. Tous le long de l'aprèsmidi, les lourdes condamnations se sont enchaînées.

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TRIBUNE LIBRE

PERMANENCES JURIDIQUES AU SEIN DE L'ASSOCIATION« DROITS D'URGENCE » « Droits d’urgence » est une association à but humanitaire dont l’objet est de faciliter l’accès au droit des populations fragilisées et des personnes vivant en situation de précarité. Elle organise la mise en place de permanences juridiques gratuites auprès d’associations caritatives et humanitaires (Emmaüs, Secours Populaire, Bus des Femmes) et des services publics et parapublics (hôpitaux, Service de Prévention et de Protection de l’Enfance). À la différence d’associations plus spécialisées (problématiques centrées sur le droit au logement à l’Abbé Pierre, ou sur le droit des étrangers au GISTI), la pratique des permanences à Droits d’urgence est généraliste. En conséquence, il n’est besoin d’aucune spécialisation préalable pour s’y engager. Une formation juridique, la volonté d’aider et l’ouverture d’esprit sont les seuls prérequis.

Le problème de la compatibilité avec les cours à l’EFB demeure malheureusement le majeur obstacle à un engagement. Les permanences sont en général en semaine l’après-midi (de 14h à 17h de manière générale), à l’exception d’une activité au Secours Populaire le samedi matin de 10h à 12h30 (créneau en conséquence assez bien rempli). Dans la mesure où l’EFB rend obligatoires une à deux « consultations juridiques gratuites » pour les élèves avocats, il pourrait être intéressant de proposer que la participation à des permanences juridiques choisies puisse faire l’objet d’une cause justificative d’absence. Une alternative à l’absence aux cours est également la possibilité qui est offerte aux bénévoles de prendre en charge un dossier d’une personne recourant aux services de l’association, afin de le traiter sans qu’une nécessité de présence physique à heures fixes contraigne ce bénévole.

Comme le rappelle à juste titre Pacôme Huet, coordinateur des permanences, à des bénévoles inquiets : « On est tous légers au début. Avec le temps et la pratique, on devient plus lourds ».

Cette possibilité est pour l’instant plus encouragée pour les avocats, mais c’est une pratique qui pourrait être étendue plus largement aux élèves avocats, après discussion avec Droits d’urgence.

Les bénévoles traitent indifféremment des questions en droit de la famille, en droit social, en droit des étrangers ou bien encore en droit du logement ou en droit pénal.

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Mathieu Baggard Élève avocat


TRIBUNE LIBRE

Nous sommes très heureux de vous annoncer que la toute première troupe des élèves-avocats de l'EFB est née cette année! Cette année, la pièce choisie sera Building, une pièce caustique de Léonore Confino sur le monde du travail. Du stagiaire à l'hotêsse d'accueil, en passant par le chargé de communication et le patron, tout le monde y est représenté avec finesse et humour. Venez voir vos futurs confrères le 10 mars 2016, à 20h30, au théâtre Adyar. Le théâtre a été spécialement choisi pour sa grande proximité géographique avec la plupart des cabinets d'avocats. Le tarif est fixé à 10 euros seulement pour les étudiants (15 euros en plein tarif). Par ailleurs, l'ensemble des bénéfices seront reversés à Avocat Sans Frontières. Pour exister, cette troupe a bénéficié du soutien du fonds de dotation betto seraglini. Contact : Dylan - 06 64 79 54 51 lesmicycles@gmail.com ----------------------------------------------------------------------

Dessin réalisé par Pascal ROUANET Élève avocat AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE | 51


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Tour de table avec Aminata NIAKATE, Présidente de l’Union des Jeunes Avocats

Des minima sont mis en place par deux barèmes de rétrocessions: l'un provient de l’Ordre, l'autre de l'UJA. Les cabinets peuvent-ils s'affranchir de ces barèmes ? Sont-ils généralement appliqués par les cabinets ? L’UJA de PARIS vote chaque année un « tarif » pour les deux premières années de collaboration. Le « tarif UJA » est calculé sur un budget standard incompressible. Il est actualisé chaque année par l’Union des Jeunes Avocats de Paris afin de tenir compte de l’évolution des postes de dépenses. Vous trouverez le détail du calcul du tarif sur le site de l’UJA. (Ndlr : Tarif 2015 - 3.745 euros (HT) pour la première année de collaboration et 4.150 euros (HT) pour la deuxième année). En 2008, le Conseil de l’Ordre a voté un tarif minimum établi par référence au plafond de la sécurité sociale pour les deux premières années. Ce tarif minimum fixé bien en-deçà du tarif UJA, correspond au montant en-dessous duquel il est interdit de conclure un contrat de collaboration. Lors de la « validation » des contrats de collaboration, il peut arriver que les services de l’Ordre laissent passer des contrats prévoyant des rétrocessions inférieures, ou que le tarif ne soit pas réévalué au premier anniversaire de la prestation de serment du collaborateur. Le collaborateur pourra alors saisir le Bâtonnier d’une demande de rappel de rétrocessions d’honoraires. Seul le tarif UJA permet de vivre décemment à Paris et il est fortement recommandé de ne pas accepter de contrat de collaboration offrant une rétrocession inférieure. Lorsqu’il a adopté le tarif minimum ordinal, le Conseil de l’Ordre lui-même a précisé : « le revenu minimum proposé par l’UJA est un revenu convenable qu’il est recommandé à tous les cabinets d’adopter ». On ne peut que regretter que le Conseil de l’Ordre persiste à refuser d’aligner son tarif minimum sur le tarif UJA… 52 | AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE

Quelle est la part de charges sociales et autres contributions que doit régler un collaborateur pendant ses deux premières années de collaboration ? Comme tout entrepreneur individuel, le jeune avocat est tenu de s'affilier et de cotiser à divers organismes de protection sociale. Il doit tout d'abord adresser une déclaration de début d'exercice à l'URSSAF, laquelle transmettra les données de l'intéressé au Régime Social des Indépendants (RSI) et à l'administration fiscale. Il doit en outre, pour sa retraite, s'affilier à la Caisse Nationale des Barreaux Français (CNBF). L'immatriculation auprès de ces organismes déclenche l'appel d'une série de cotisations auxquelles il conviendra d'ajouter les appels provenant de l'Ordre des avocats. Au cours des deux premières années de pratique, l'avocat reçoit des appels de cotisations forfaitaires de l'URSSAF, du RSI et de la CNBF. Lorsque son revenu imposable de l'année N est connu des organismes sociaux en N + 1, ceuxci lui adressent des appels complémentaires calculés sur son revenu réel. Il est recommandé au jeune avocat libéral de mettre de côté a minima 40 % de son chiffre d'affaires pour le paiement des charges sociales et fiscales (hors TVA). Les réponses aux questions que les jeunes confrères se posent à ce sujet pourront être affinées au cours d'une des réunions d'information sur le début d'activité régulièrement organisées par l'ANAAFA. Quelles sont les garanties de base et les garanties complémentaires auxquelles un collaborateur doit souscrire ? Le collaborateur, comme tout avocat inscrit au Barreau de PARIS, doit obligatoirement être affilié au RSI, au CNBF et au régime de prévoyance du Barreau de PARIS (AON). En cas de longue maladie par exemple, cette protection pourra s’avérer insuffisante.


TRIBUNE LIBRE De même, l’avocat collaborateur ne cotisant pas auprès de l’UNEDIC ne peut bénéficier d’une indemnité de chômage en cas de perte de collaboration. S’il le souhaite, le collaborateur peut donc également souscrire à des assurances complémentaires individuelles privées. Avant la souscription à de telles assurances, le collaborateur peut se renseigner auprès de ses propres assurances ou auprès d’AON HEWITT ou encore auprès du Service Social de l'Ordre au 01 44 32 49 74. Des réunions d’information sur la protection sociale sont organisées mensuellement par le Service social de l’Ordre. Les collaborateurs peuvent prendre connaissance des dates de tenue de ces réunions en appelant ce service. Que pensez-vous du projet de réforme de l'aide juridictionnelle actuellement en débat ? La Chancellerie envisageait de diminuer les barèmes de l’aide juridictionnelle et de demander aux avocats d’en assurer une partie du financement. A titre d’exemple, il était prévu que le barème de l’assistance d’un gardé à vue pendant les 24 premières heures passe de 300 euros (HT) à 180 euros (HT). Et le projet de loi de finances 2016 prévoyait, sans étude d’impact, un prélèvement de 15 millions d’euros sur les produits financiers des fonds déposés dans les CARPA pour contribuer au financement de l’aide juridictionnelle. Une diminution des barèmes couplée à cette « taxation » de la profession d’avocats auraient eu un effet dévastateur sur la prise en charge des dossiers d’aide juridictionnelle, qui soit n’auraient plus été traités du tout, soit auraient été traités à la va-vite au profit de dossiers rentables. Il faut savoir, que les avocats financent déjà une part importante du système en prenant en charge, généralement à perte, l’intégralité des dossiers d’aide juridictionnelle. A cet égard, aucun justiciable à l’aide juridictionnelle n’est laissé de côté par les avocats. Il faut également noter que la gestion par les CARPA des fonds de l’aide juridictionnelle représente une contribution de la profession d’avocats à hauteur de 17 millions d’euros. Les avocats qui contribuent ainsi déjà de manière importante au financement de l’aide juridictionnelle se sont rebellée contre cette réforme qui prévoyait d’alourdir leur contribution. La profession, par une mobilisation sans précédent, a ainsi entamé un large mouvement de grève qui a duré plusieurs semaines, au terme desquelles la profession a obtenu un recul du Gouvernement quant à son projet de réforme. Un protocole d’accord conclu le 28 octobre 2015 entre le Conseil National des Barreaux et la Chancellerie, a ainsi acté que la réforme de l’aide juridictionnelle ne serait pas financée par un prélèvement sur les produits financiers des produits des CARPA ni par une taxe spécifique sur la profession. L’unité de

valeur a bénéficié d’un relèvement, de 12,6 % en moyenne sur le territoire national, de 16 % à Paris. Toutefois, ces mesures sont insuffisantes pour permettre une pérennisation du financement de l’aide juridictionnelle. Si les avocats échappent à une contribution supplémentaire, le système de l’aide juridictionnel, sous-financé, demeure à bout de souffle. Les discussions se poursuivent actuellement entre le Conseil National des Barreaux et la Chancellerie pour rechercher « les conditions d’un meilleur accès au droit et à la justice », ce qui passe nécessairement par une hausse substantielle de la rétribution des avocats dans les missions les plus courantes. Nous serons attentifs à l’évolution de ces négociations et sommes, à l’UJA, prêts à repartir sur un mouvement de protestation si ces négociations n’aboutissent pas à une véritable réforme de l’aide juridictionnelle. De quel statut bénéfice un élève avocat qui a fini son stage final mais qui n'a pas encore prêté serment (i.e., entre les mois de juillet et octobre) lorsqu'il est engagé par un cabinet ? A l’expiration de la convention de stage de l’EFB le 30 juin et dans l’attente de son inscription au Barreau, le futur collaborateur peut régulièrement travailler pour un cabinet d’avocat, à condition d’être soumis à un statut adéquat. Il n’est pas possible pour le futur collaborateur de continuer à bénéficier d’un statut de stagiaire. En effet, les stages sont interdits hors cursus pédagogique, c'est-à-dire pour des personnes non-inscrites dans un cursus scolaire ou universitaire (article L. 612-8 du code de l’éducation). En outre, il n’est pas non plus possible pour le futur collaborateur de travailler de manière indépendante pour le cabinet en qualité d’auto-entrepreneur par exemple. La consultation et la rédaction d’actes à titre principal en cette qualité contreviendrait à la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 qui sanctionne l’exercice illégal du droit. L’UJA et l’EFB rappellent donc aux cabinets qu’ils ont l’obligation de conclure un contrat de travail avec le futur collaborateur, qui lui permet de poursuivre son activité professionnelle en qualité de juriste jusqu’à sa prestation de serment. Puisqu’il n’est en principe pas possible de conclure un CDD afin de pourvoir durablement un poste, il convient en conséquence de conclure un contrat à durée indéterminée qui sera soit rompu, soit nové à la date de prestation de serment (cf. Jenna Scaglia, Futurs collaborateurs: Quel statut pendant la période antérieure à la prestation de serment?, lettre de l’UJA n°185, page 5 ; Guide pratique de l’élève avocat 2013-2014, EFB). Si le collaborateur travaille en l’absence de contrat de travail écrit, il est en droit de demander la requalification de sa relation en contrat de travail à durée indéterminée (Cass. Soc. 14 mai 1996, n°93-40135).

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TRIBUNE LIBRE Quel est le moment idéal pour chercher une collaboration ?

- extrait du casier judiciaire du ou des pays dont il a la nationalité, datant de moins de 3 mois ;

Les cabinets d’avocats sont nombreux à proposer une collaboration aux élèves avocats à leur sortie de l’école (dès leur prestation de serment) lorsqu’ils ont effectué leur stage final de six mois chez eux. Ainsi, dès la recherche du stage final en cabinet d’avocats, l’élève avocat peut favoriser les stages qui offrent une perspective de collaboration.

- deux attestations de moralité établies, sur papier à en-tête, par des personnalités du monde juridique ou judiciaire, ayant au moins 10 années de pratique professionnelle, et comportant des indications quant à la moralité du candidat, sa compétence et son aptitude à exercer la profession d’avocat. Il n’est pas proposé de modèle, la rédaction étant laissée à la libre appréciation de l’auteur. Une seule de ces attestations peut être établie par un membre du cabinet que le candidat s’apprête à rejoindre ;

Si le cabinet où l’on effectue son stage ne garantie pas de telles perspectives, l’élève avocat peut entamer ses recherches de collaboration pour la date de sa sortie d’école (octobre) dès le printemps qui précède (mars-avril). La période la moins propice sera le mois d’août, période très calme pour la majorité des avocats. Quelles sont les conditions à réunir pour prêter serment?

- justificatif des futures conditions d’exercice professionnel (contrat de collaboration ou contrat de bail ou contrat d’association) ; - un curriculum vitae reprenant l’historique des stages et des expériences professionnelles réalisés ;

Nul ne peut intégrer la profession d'Avocat s'il ne remplit pas les conditions prévues aux articles 11 de la loi de 1971, et les articles 51 et suivants du décret de 1991.

- deux photos d’identité ;

La seule réussite du CAPA ne suffit donc pas à demander son inscription au Barreau. Outre des conditions de formations et de nationalité, il convient de justifier des conditions de moralité suivantes :

Le dossier d’inscription est à télécharger sur le site de l’Ordre à l’adresse suivante : http://www.avocatparis.org/ system/files/editos/DEPinscript_CAPA.pdf et à déposer sur rendez-vous au service de l’exercice professionnel du Barreau de Paris situés 11 place Dauphine 75001 Paris. Une pré-inscription peut se faire en ligne.

- Ne pas avoir été l'auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs, - Ne pas avoir pas été l'auteur de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d'agrément ou d'autorisation, - Ne pas avoir été frappé de faillite personnelle ou d'autre sanction en application du titre VI de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ou, dans le régime antérieur à cette loi, en application du titre II de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes. Il conviendra également de justifier des futures conditions d’exercice sachant que tout avocat peut exercer individuellement, ou en groupe dès sa prestation de serment. Pour solliciter son inscription, tout candidat devra s’il souhaite prêter serment à Paris constituer le dossier d’inscription suivant : - original et copie de pièce d’identité ; -originaux et copies du CAPA et des diplômes universitaires français (Master 1 et au-delà) ou étrangers, établies et paraphées par le candidat ; 54 | AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE

- un chèque de 800 euros pour les frais d’inscription.

Après vérification formelle des pièces par le service de l’exercice professionnel, un rapporteur sera désigné. Le candidat avocat devra ensuite prendre rendez-vous avec lui pour un entretien à son cabinet. A l’issue de cet entretien, il émettra un avis sur la candidature. Dès obtention de l’avis favorable du rapporteur, le dossier d’inscription sera à déposer au bureau d’accueil du service de l’exercice professionnel. C’est à ce moment que la date de prestation de serment sera choisie par le candidat. Il appartiendra ensuite au candidat de se présenter en robe le jour J! Comment prêter serment lorsqu'un élève avocat souhaite se mettre à son compte à la sortie de l'école ? La réponse est donnée ci-dessus. Il suffit de justifier des conditions d’exercice professionnel. A défaut d’un contrat de collaboration, le jeune avocat qui s’installe au sortir de l’école doit justifier d’un domicile professionnel (titre de propriété, bail, contrat d sous-location, contrat de mise à disposition de locaux professionnels ou contrat avec le CDAAP). Quelles conseils donneriez-vous à un jeune avocat se mettant à son propre compte ? Quelques conseils pour un jeune avocat qui s’installe :


TRIBUNE LIBRE - faire un bilan de compétence. S’assurer que l’on est solide en termes de formation. La collaboration préalablement à l’installation a cette vocation. Ne pas hésiter à échanger avec d’autres confrères lorsque l’on est confronté à une difficulté dans un dossier, une fois installé ; - avoir, pour un collaborateur qui s’installe, préalablement provisionné quelques économies pour assumer les charges financières à venir, avoir veillé à développer sa clientèle personnelle pendant la durée de la collaboration, et à cette fin disposer de cartes de visite individuelles (différentes de celle fournie par le cabinet) dès le début de la collaboration; - se mettre dans la peau d’un entrepreneur : choix de la structure d’exercice adaptée à son projet d’installation (installation seul ou avec d’autres confrères, association, rachat de clientèle, etc…), évaluer ses besoins en financement, dresser un business plan, activer et développer ses réseaux pour mieux développer sa clientèle, communiquer sur son installation (carte de visite, carte de vœux, sollicitation personnalisée,…) ;

L’avocat qui a une activité de conseil (non contentieuse) peut également exercer librement son activité professionnelle, peu important son Barreau d’appartenance. En tant que collaborateur, si je tombe malade, suis-je protégé ? Dans le cadre de SOS Collaborateurs, l’UJA a été alertée sur la recrudescence des ruptures de contrat de collaboration après l'annonce par le collaborateur ou la collaboratrice au cabinet d'une indisponibilité pour raison de santé. A l'occasion des litiges occasionnés par ces ruptures, certains cabinets d'accueil faisaient en effet valoir que le délai de prévenance devait s'imputer sur l'arrêt maladie, privant ainsi le collaborateur, au moins pour partie, d'un délai de prévenance effectif, dans un moment de fragilité particulière.

- explorer avec audace les nouveaux marchés du droit et être acteur plutôt que spectateur de la révolution numérique de l’économie ;

L'UJA de PARIS, considérant qu'une telle position était contraire aux principes directeurs les plus essentiels de notre profession, et en particulier à l'humanité et la délicatesse, a donc voté une motion sollicitant que soit précisé expressément que le contrat de collaboration était suspendu pendant l'absence pour raison de santé.

- s’inscrire éventuellement aux permanences pénales, consultations gratuites en Mairie ou au Palais, aux missions d’aide juridictionnelles, etc…, ce qui peut utilement permettre de couvrir quelques charges quand on démarre ;

Le Conseil National des Barreaux, lors de son assemblée générale du 11 avril 2014, a en conséquence modifié les articles 14.3 et 14.4 du RIN, accordant une meilleure protection au collaborateur libéral en cas de maladie.

- ne pas hésiter à participer aux permanences mensuelles de la Commission Carrière, Installation et Association qui accueille les confrères tous les derniers mercredis du mois sur l’heure du déjeuner pour accompagner l’élaboration des projets d’installation et d’association. Doit-on obligatoirement être inscrit au Barreau dans lequel on compte exercer ? Un avocat doit obligatoirement être inscrit dans le Barreau où il établit son domicile professionnel. L’avocat ne peut postuler (représenter son client) que devant les tribunaux de grande instance du ressort de la Cour d’appel dans lequel il a établi son domicile professionnel et devant ladite Cour. En région parisienne, le régime de la multipostulation permet aux avocats des Barreaux de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre de postuler devant les quatre Tribunaux de grande instance, et devant les Cours d’appel de Paris et de Versailles s’ils ont postulé en première instance devant un Tribunal de grande instance du ressort de ces Cours. L’avocat peut en revanche plaider devant toutes les juridictions françaises. L’avocat peut également librement plaider ou représenter son client devant les autres juridictions françaises : tribunaux administratifs, conseils des prud’hommes, tribunaux d’instance, tribunaux de commerce, etc.

14.3 RIN : Maintien de la rétrocession en cas d’arrêt maladie du collaborateur « En cas d'indisponibilité pour raison de santé médicalement constatée au cours d'une même année civile, l'avocat collaborateur libéral reçoit pendant deux mois maximum sa rétrocession d'honoraires habituelle, sous déduction des indemnités journalières éventuellement perçues au titre des régimes de prévoyance collective du barreau ou individuelle obligatoire. Une telle indisponibilité pendant la période d'essai suspend celle-ci. La période d'essai reprend de plein droit, pour la durée restant à courir, au retour du collaborateur ». 14.4.2. RIN : Rupture du contrat de collaboration libérale en cas de maladie « La notification de la rupture du contrat ne peut intervenir pendant une période d'indisponibilité du collaborateur pour raison de santé médicalement constatée, sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de santé. Cette période de protection prend fin à l'expiration d'un délai de six mois à compter de l'annonce de l'indisponibilité du collaborateur pour raison de santé médicalement constatée ». Le contrat ne peut donc pas être rompu pendant cette période de sorte que le délai de prévenance ne peut commencer à courir qu'au retour du collaborateur. AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE | 55


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LE POINT DE VUE DES ÉLÈVES AVOCATS ÉTRANGERS

I

ls sont Espagnol, Luxembourgeois, Chinois ou encore Tchèque, en quelques lignes ils se confient au Baromaître et nous racontent l’EFB.

F : Originaire du Luxembourg. F. a étudié le droit en Allemagne avant de s’installer en France en 2012 pour poursuivre sa carrière juridique sous les couleurs du drapeau bleu-blanc-rouge. M : Après avoir débuté son cursus de droit à Madrid, M. poursuit une double maîtrise en droit francoespagnol. Ayant toujours voulu donner une dimension internationale à ses études, la France lui est apparue comme une évidence. R : Suite à l’obtention de son master et l’équivalent du CAPA chinois, R. s’est pris de passion pour l’avocature du pays des droits de l’homme. V : Arrivée tout droit de Prague pour une année ERASMUS à Paris, V. a saisit l’opportunité qui se présentait et réussi avec succès l’obtention du CRFPA tout en poursuivant en parallèle ses études à l’Université de Prague.

ILS NOUS EXPLIQUENT BRIÈVEMENT LEUR SYSTÈME ET LEUR ARRIVÉE À L’EFB M : Par rapport à l’examen d’avocat en France, il faut savoir qu’en Espagne cela n’existait pas : avec un niveau Bac +5 en droit, on devenait automatiquement avocat. Ce n’est que l’année dernière que le système a changé. Maintenant, pour devenir avocat il faut faire un master « d’accès à la profession d’avocat » et passer un QCM à la fin, ce que je ne trouvais pas du tout satisfaisant, d’autant plus que la formation est très chère. R : Au lieu de vous répondre pourquoi avoir choisi de passer l'examen d'avocat en France, je me permets de 56 | AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE

vous parler des raisons pour lesquelles j'ai choisi de faire l'école d'avocat en France, car je me suis inscrite en tant que docteur en droit. A vrai dire, avant de décider de faire l'école d'avocat en France, j'ai dû d'abord faire un choix entre la France et ailleurs, la Chine par exemple... C'est un sujet lourd, personnellement. J'ai finalement réussi à me convaincre de rester encore quelques années à l'hexagone, prévoyant un projet professionnel relativement raisonnable. Et puis pourquoi faire l'école d'avocat ? Dès le tout début de mon étude en France, j'ai été, aussi par hasard, fascinée par la culture du barreau français, c'est pour cela que j'ai fait une thèse en droit comparé sur la profession d'avocat ; ensuite, titulaire du CAPA chinois, je crois que je serai doublement valorisée, avec le CAPA français ; troisièmement, l'échange économique et culturel entre l'Asie et l'Europe ne cesse d'augmenter, et j'espère que je pourrai y jouer un rôle actif et surtout intéressant. V : En République tchèque, après avoir obtenu le Master, les jeunes diplômés doivent effectuer un travail-stage (NB : ce n’est pas un stage à la française, mais plutôt un vrai travail) de 3 ans pour pouvoir passer le barreau final (équivaut à CAPA). Ainsi, il n’y a pas d’examen d’entrée, mais un vrai « Bar exam » à la fin incluant toutes les matières principales de droit : civil, pénal, commercial, constitutionnel, administratif. En France, la durée incluant l’année de la CRFPA + 18 mois. L’EFB était plus courte et étant à ce moment-là plus proche du droit français, j’ai décidé de passer le barreau en France. F : Je suis venu en France dans le cadre d’une double maîtrise en droit franco-allemand. En tant qu’étudiant luxembourgeois en droit, il est en effet indispensable de connaitre le droit français ou belge puisqu’il est très similaire à notre droit. Et puis, il n’existe pas d’étudiant luxembourgeois qui ne soit pas parti à l’étranger pour les études. A défaut d’études à l’étranger on n’est pas pris


TRIBUNE LIBRE au sérieux et ne trouve que très difficilement un emploi (à juste titre d’ailleurs). J’ai choisi de passer l’examen d’avocat en France puisque je n’avais pas envie de rentrer chez moi à 22 ans et parce que le CRFPA me semblait être un beau défi. En plus je ne pense pas que beaucoup de Luxembourgeois soient avocat au Barreau de Paris (anti mainstream).

CE QU’ILS RETIENDRONT DE L’EFB PAR-DESSUS TOUT ! F : Les études à l’EFB m’ont apporté une carte de fidélité de la boulangerie MOA et pas beaucoup plus. Je pense que l’EFB sert surtout à faire connaissance avec les futurs confrères et peut être aussi à habituer les étudiants à travailler avec des personnes qu’ils ne connaissaient pas avant. M : Je vais garder le souvenir d’être passé par ce type d’exercice : les permanences, les consultations, les cours de déontologie, les ateliers d’éloquence. Ces types d’exercices, on ne peut les faire que dans ce cadre, et c’est très enrichissant. Je vais garder un bon souvenir de mon étape d’élève-avocat. R : Les études à l'EFB m'ont apporté beaucoup de choses. D'un point de vue technique, je trouve que les cours sont plutôt enrichissants et intéressants. Et puis, utile ou non, ça dépend de ce que nous voulons. Personnellement, je pense que tant qu'ils nous véhiculent des techniques à utiliser, des leçons à tirer, ou simplement des points de vue différents, ils peuvent être considérés comme étant utiles, et ce, d'autant que les intervenants sont soit des avocats expérimentés, soit des magistrats avec qui nous devrons travailler ensemble, peu ou prou, ou d'autres professionnels juridiques, qui peuvent nous inspirer de manière très différente. Outre les cours et les échanges avec les intervenants, les échanges entre les camarades sont également très importants. Des souvenirs... Je n'ai pas encore fini ma formation au sens strict, mais c'est vrai que j'ai déjà des souvenirs inoubliables, je pense notamment à notre directeur, M.Jean-Louis Scaringella, qui m'a accueillie chaleureusement pour me donner des conseils sur mon choix de stage PPI, je pense également à Mme G. qui a une fois répondu à ma question un dimanche (je me permets de ne pas indiquer son nom pour que sa boîte mail n'explose pas), je pense aux intervenants humains et bienveillants, je pense à mes camarades intelligents et travailleurs, je pense à nos très beaux locaux, je pense à wifi dans l'amphi, je pense aux machines à café dans lesquelles moi qui ne bois pas de café j'ai mis des monnaies juste pour prendre de l'eau chaude...

gaspillés en allant aux cours à l’EFB (seulement les foisonnements ont été vraiment utiles) et des étudiants sympathiques. Et bien sûr, du striptease suivi en direct de l’un des intervenants.

LES DIFFICULTÉS QU’ILS ONT PU RENCONTRER V : En général, ce sont les difficultés administratives où le système est compliqué, pas très moderne, flexible et logique. Mais ce ne sont pas des éléments propres à l’EFB, c’est partout comme ça. En ce qui concerne la formation en dehors de l’EFB (à l’Université) ce sont également les difficultés propres au formalisme dans les études (j’ignore toujours la raison et l’utilité de cette manie française de distinguer tout en deux parties et deux sous-parties). R : Je n'ai, fort heureusement, pas eu beaucoup de difficultés, grâce à l'aide du personnel de l'EFB, et celle de mes camarades bien sûr. C'est vrai que j'ai eu des difficultés pour trouver un stage PPI qui me convenait, mais très vite, grâce à l'EFB, j'ai été retenue par la cour d'appel de Paris, sachant que pour une étudiante de droit qui est toujours un grand fan de la culture juridique et judiciaire française, ce stage est un stage de rêve, à 100%. F : « Steeeeeeve pourquoi j’ai une absence vendredi soir alors que j’ai badgé comme il le fallait ?!

CE QU’ILS ONT DE DIFFÉRENT (NDLR : PARCE QUE DANS LE FOND ON EST TOUS DANS LA MÊME GALÈRE) F : On me fait souvent la remarque de l’accent. Surtout d’ailleurs les personnes qui ont eux-mêmes un accent (Martinique, Toulouse, Paris 16ième…), complexe d’infériorité ? M : La langue est aussi un problème parfois, quand on ne comprend pas des expressions ou des références purement françaises. Pareil avec certaines expressions. L’accent est peut être aussi un obstacle, on est tout de suite reconnu est c’est parfois gênant quand il y a des exercices à l’oral.

Ce qu’il manque à l’EFB : un accueil pour les étudiants étrangers ! #AEAPOLEEVENEMENTIEL on compte sur vous !

Propos résumés par Lisa VARELA Élève avocat

V : Je vais me souvenir de ma très longue et dure recherche des stages (Ndlr : à qui le dis-tu…), des locaux inadaptés pour le nombre d’étudiants, des 6 mois AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE | 57


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CAPA - IMMERSION AVEC LA PROMOTION LEBORGNE Chers futurs Confrères, Après les fous rires, les larmes, les adieux, les bonjours, la promotion Jean-Yves Leborgne est appelée au confessionnal, et elle nous dévoile tout… Vraiment tout. L'information sur le déroulement des épreuves du CAPA à laquelle nous avons accès est théorique et insuffisamment développée pour atténuer l’appréhension qui nous guette d’être face à ce jury de déontologie, devant cette épreuve de rédaction d’actes ou encore nez à nez avec la fameuse épreuve de plaidoirie. Le Baromaître a revêtu son imperméable, ses lunettes noires et est parti enquêter sur le terrain, débusquant la promotion Leborgne, fraîchement diplômée et rescapée des épreuves du CAPA encore bien ancrées dans leurs mémoires. Ces interviews sont retranscrites synthétisées et anonymes.

QUESTIONS GÉNÉRALES Lors des épreuves, avons-nous droit aux codes ? Oui. Une épreuve vous a-t-elle déstabilisé(e), surpris(e) ? Oui, l’épreuve de rédaction d’actes dans le cadre des épreuves finales qui porte essentiellement sur la réalisation d’une consultation en droit de la famille (concubinage). L’épreuve pour laquelle nous n’avons finalement pas eu d’annexes précisant le type d’acte à rédiger ni les articles dont nous avions besoin contrairement à nos confrères des années précédentes. N’ayant pas apporté mes codes pour cette raison j’ai donc dû composer sans aucun support.

Quand avons-nous connaissance de nos notes ? A la remise du diplôme pour les épreuves finales et 6 mois après les partiels de janvier pour le contrôle continu soit en juin. Peut-on récupérer ses copies corrigées ? Seulement les copies d’examens réalisées dans le cadre des foisonnements.

RÉDACTION D'ACTES Concrètement, que s'agit-il de faire (comment se présente le cas à résoudre, quelles sont les consignes et l'objectif, quelle est la longueur du dossier) ? Cette épreuve se compose en deux parties : une partie consultation juridique dans laquelle il nous est demandé de répondre à un cas pratique en s’adressant au client et en présentant notre copie telle qu’elle et une partie rédaction d’actes juridiques (assignation au fond, en référé). Avez-vous disposé de suffisamment d'éléments pour résoudre le cas (modèles d'actes, articles pertinents annexés) ? Non, aucune annexe pour l’épreuve finale. Les Codes sont indispensables. Comme expliqué plus haut il n’y avait pas d’annexes fournies avec le sujet et je n’avais pas mes codes, comme nombre de mes camarades de promotion. Avez-vous disposé de suffisamment de temps ? Non, j’ai dû terminer mon épreuve très rapidement faute de temps. En soit les 5 heures ne sont pas de trop pour traiter les deux sujets correctement.

Qu'auriez-vous aimé savoir avant de passer les épreuves du CAPA ? Tout. Nous avons eu les informations sur les modalités des examens au compte-gouttes, très peu de temps avant les épreuves. Nous n’avons pas eu la chance d’avoir un journal étudiant comme celui-ci pour combler les lacunes de l’administration (ou peut être que si mais nous n’étions pas au courant). Je pense qu’il est nécessaire de disposer d’une présentation des matières qui figurent au programme de révisions pour l’épreuve finale de rédaction d’actes.

Comment vous êtes-vous préparé(e) à cette épreuve ? Il faut, à mon sens, dans un premier temps, comprendre les différentes procédures (domaine d’application, conditions du référé, compétence territoriale, ect.) et ensuite, dans un second temps, apprendre les mentions obligatoires des principaux actes (assignation, requête, etc.). Nous n’avons pas été préparés à la consultation juridique, j’ai dû mobiliser mon expérience acquise au cours de mon stage final. Pour la partie rédaction d’acte juridique les foisonnements ont été très utiles.

Avec le recul, avez-vous trouvé que les épreuves étaient faciles ? Les épreuves ne sont pas faciles avec le recul, mais elles ne sont pas insurmontables (au regard du nombre d’admis les épreuves du CAPA sont loin d’être insurmontables). Toutefois le manque de visibilité et de communication sur les modalités d’examen, etc., rendent l’exercice particulièrement stressant.

Remarques éventuelles : Des sujets essentiellement axés sur le droit civil, créant un déséquilibre notoire entre les élèves avocats selon leur « spécialité ».

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CONSULTATION JURIDIQUE Concrètement, que s'agit-il de faire (comment se présente le cas à résoudre, quelles sont les consignes et l'objectif, quelle est la longueur du dossier) ? C’est présenté comme un cas pratique avec plusieurs problématiques. Les réponses apportées sont de même nature que celles que l’on retrouve en


TRIBUNE LIBRE cas pratique, mais la présentation diffère puisque nous nous adressons au client directement.

et les pièces de la partie adverse afin de respecter le principe du contradictoire.

Quelles sont les étapes d'une consultation juridique ? Analyse du dossier, discussion avec le client pour déterminer au mieux ses attentes, important travail de recherche, rédaction de la consultation qui doit éclairer le client sur l’ensemble des solutions qui s’offrent à lui, leurs conséquences et quelle est la solution la plus adaptée à son cas tout en répondant à l’ensemble de ses attentes.

LES RAPPORTS DE STAGE

A-t-on besoin de connaissances juridiques dans le domaine du droit concerné ? C’est le problème central selon moi de cette épreuve. Les élève avocats sont plus ou moins spécialisés dans plusieurs domaines du droit. L’épreuve en 2015 était principalement axée sur du droit de la famille, matière qui remonte à la licence 1 ! Il faudrait, sur ce point, améliorer l’épreuve à mon sens en proposant plusieurs sujets. Êtes-vous informés à l'avance sur quel domaine du droit porte la consultation ou l'avez-vous découvert le jour même ? Nous l’avons découvert le jour même. Le domaine du droit sur lequel porte l'épreuve est-il imposé ou y a-t-il un choix ? Il est imposé.

ORAL DE DÉONTOLOGIE L'épreuve écrite de déontologie est-elle semblable à ce que ce nous avons pu faire en TD ? L’épreuve en contrôle continu est un QCM, l’épreuve de septembre est un oral. Faut-il connaître certaine jurisprudences récentes ? Non.

LA PLAIDOIRIE Concrètement, que s'agit-il de faire (comment se présente le cas à résoudre, quelles sont les consignes et l'objectif, quelle est la longueur du dossier) ? Lorsque l’on se présente dans la salle pour composer on nous attribue une partie (défendeur ou demandeur). Chaque partie a avec ses pièces. Nous devons alors analyser le dossier pour rédiger notre plaidoirie. Le temps imparti est largement suffisant.

Quels conseils pouvez-vous nous donner sur la rédaction des rapports de stage ? Aucune faute d’orthographe, de ponctuation, de grammaire, etc. Faire attention à la présentation. Le même conseil que tout le monde mais personne ne respecte : s’y prendre à l’avance. Garder toutes les notes que vous pouvez prendre durant le stage afin d’alimenter votre rapport. Avez-vous disposé d'un modèle ? Certains modèles de rapport de stage sont consultables sur demande à la bibliothécaire et des collaborateurs du cabinet dans lequel vous effectuez votre stage peuvent éventuellement vous fournir leurs rapports. Quelles sont les erreurs à éviter ? Le faire au dernier moment au lieu de le faire progressivement au cours de son stage. Sur ces bonnes paroles, nous remercions la promotion Leborgne pour sa participation, leurs témoignages nous sont précieux et le seront encore plus au mois de septembre 2016. Nous vous en remercions et vous souhaitons tous nos vœux de réussite professionnelle.

Les 10 commandements de l'élève avocat 1. Au début et à la fin de chaque cours, de ta carte d’étudiant la badgeuse tu embrasseras.

2. Dès le mois de février ton stage final tu chercheras. 3. Au vade-mecum ton allégeance tu voueras. 4. Aux foisonnements tu survivras. 5. De la machine à café, un ennemi tu te feras. 6. A la monotonie d’Issy-les-moulineaux tu t’habitueras. 7. Au cours du matin tu t’éveilleras, au cours de l’après-midi tu siesteras, au cours du soir tu dormiras.

Plaidons-nous contre quelqu'un ? Oui nous passons deux par deux devant le jury. Le demandeur expose sa plaidoirie puis le défendeur.

8. Aux after work de l’AEA des rencontres tu feras, aux

Comment vous êtes-vous préparé à cette épreuve ? Grâce aux foisonnements et il faut aussi savoir y aller au feeling.

9. Le CAPA en poche, au mois d’octobre, tu auras.

Remarques éventuelles : Encore un sujet de droit de la famille. La partie demandeur avait ses écritures tandis que la partie défendeur n’avait que des pièces créant ainsi un déséquilibre entre les deux parties dans la préparation de la plaidoirie. De plus, il aurait été judicieux d’avoir les écritures

à la vie d’étudiant et bonjour à la vie d’avocat, tu diras.

tarifs élèves-avocats tu boiras et le cours d’immersion référé tu oublieras.

10. Au gala de la promotion Henri Leclerc tu iras, au revoir

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