MuMa - Le Havre : livret Pissarro

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MUMA - MUSÉE D’ART MODERNE ANDRÉ MALRAUX - LE HAVRE PARCOURS DANS LES COLLECTIONS

D’UN PORT À L’AUTRE

CARNET DE VISITE DES CLEFS ET DES JEUX POUR COMPRENDRE


BIENVENUE AU MUSÉE ! Le MuMa (Musée d’art moderne André Malraux) te présente aujourd’hui une partie des œuvres de ses collections permanentes. En t’apportant un éclairage sur les artistes et leurs œuvres, ce livret va te permettre de pénétrer dans l’univers du musée. Grâce aux jeux et aux points de repère, tu pourras suivre les artistes dans leurs voyages et leurs aventures. Tu découvriras leurs techniques ainsi que différents courants artistiques… À la fin du livret, les mots marqués d’un astérisque* te seront expliqués. Tu trouveras également des chiffres entre parenthèses à la suite de nom d’artistes : cela correspond à leur année de naissance et de décès ! Prends ton temps, explore le musée à ton rythme, et passe un bon moment au MuMa !

Ce carnet a été réalisé par l’équipe du MuMa – Musée d’art moderne André Malraux. Il a été publié avec le soutien de l’AMAM. Coordination : Marie Bazire, responsable du service des publics. Textes : Jeanne Busato, Gaëlle Cornec, Karine Martin de Beaucé, Emmanuelle Riand, médiatrices. Conception graphique et mise en page : L’Atelier de communication. Dessins : François Trocquet. Impression : Ville du Havre En couverture : Camille Pissarro, L’Anse des Pilotes et le brise-lames est, Le Havre, après-midi, temps ensoleillé, 1903, huile sur toile, MuMa. 2


PRÊT À LARGUER LES AMARRES ? Qu’ils soient situés au nord ou au sud de l’Europe, qu’ils soient peints, photographiés ou même filmés, les ports sont les amis des artistes, et Le Havre ne fait pas exception à la règle. Un port est toujours un lieu riche en rencontres, en parfums, en images dépaysantes. C’est une source d’inspiration presque inépuisable ! Dans ce livret, tu vas partir à la découverte d’artistes, parfois havrais, parfois étrangers, qui se sont imprégnés des ambiances portuaires pour en retranscrire toute la magie et la poésie.

EN ROUTE MOUSSAILLON ! PORT [PCR] 1. Abri naturel ou artificiel aménagé pour recevoir les navires, pour l’embarquement et le débarquement de leur chargement. Nom donné à une ville qui possède un port : Marseille, port de la Méditerranée. 2. les différents types de ports : port maritime ou fluvial, port de pêche ou de commerce, port pétrolier, port militaire, port de plaisance… un port peut être aussi tout à la fois ! 3. Une autre définition : Le port est, dans un sens imagé, un lieu de repos, un abri, un refuge, un « hâvre » !

LE SAVAIS-TU ? Le Havre est d’abord le rêve d’un roi. En 1517, François Ier décide de faire construire une cité et un port à l’embouchure de la Seine, « Le Havre de Grâce ». Son idée est de protéger le royaume de ses ennemis de toujours (les Anglais…) et de favoriser le commerce avec l’Amérique, nouvellement découverte. 3


IMAGES DE PORTS AU FIL DU TEMPS Au XVIIe siècle, les peintures de paysages, peu appréciées en France ou en Italie, deviennent une spécialité des peintres hollandais. La mer, source de richesse, fait partie des sujets favoris des peintres et des collectionneurs.

Certains artistes, comme Adam Willaerts (1577-1664), connu pour ses batailles navales, ou ses représentations des activités liées à la pêche ou au commerce maritime, se consacrent exclusivement aux marines*. Le grand tableau, Vaisseau appareillant, donne au peintre l’occasion de représenter le quotidien d’un port flamand*. Les scènes de commerce, d’adieux ou d’embarquement qui se déroulent sur les quais retiennent son attention et il décrit, avec la même minutie, les embarcations, les gestes des pêcheurs, à terre ou en mer, ou ceux des marins qui préparent au départ le somptueux navire que l’on voit au centre de l’œuvre. 4

ADAM WILLAERTS, Vaisseau appareillant, 1630, huile sur toile, MuMa.


EUGÈNE BOUDIN, Tempête près des digues de Hollande

JACOB VAN RUYSDAËL, La Tempête, vers 1660, huile sur toile, musée du Louvre, Paris.

1854, huile sur toile, MuMa.

Entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, de nombreux artistes européens découvrent la peinture flamande, longtemps négligée. Les marines peintes par le Hollandais Jacob van Ruysdaël inspirent les peintres anglais puis français. De 1851 à 1853, Eugène Boudin (1824-1903), peintre autodidacte*, reçoit une pension* de la Ville du Havre pour se former au musée du Louvre à Paris, en copiant des tableaux. Tempête près des digues de Hollande, peinte d’après une œuvre de Ruysdaël, fait partie de ces copies. Le jeune peintre reste fidèle au tableau du maître hollandais. Il reproduit le ciel immense et les flots tumultueux, la silhouette du port, juste esquissée*, et les deux « nefs* » malmenées par la houle. Comme Ruysdaël, Boudin s’attache au rendu du climat mais sa touche* rapide et libre, enrichie d’empâtements*, contraste avec la précision flamande et annonce ses travaux à venir.

OBSERVE ET COMPARE Cherche les points communs et les différences entre la tempête de Boudin et celle de Ruysdaël qui lui a servi de modèle !

Plus loin tu découvriras une autre tempête peinte par Eugène Boudin au Havre en 1895. Si tu ne peux attendre : vogue pleine voile vers la page 9 !

GÉOGRAPHIE Sauras-tu situer sur cette carte les pays dont nous te parlons dans ce chapitre ? 5


CAP AU NORD Dans le sillage des peintres hollandais, d’autres artistes s’emparent du thème portuaire. Certains d’entre eux vont peu à peu adopter une nouvelle façon de représenter les ports, ouvrant la voie de la modernité en peinture.

JOHANN-BARTOLD JONGKIND, Quai à Honfleur, 1866, huile sur toile, collection Senn, MuMa.

En 1846, Johann-Bartold Jongkind (1819-1891), qui n’a jamais quitté la Hollande, arrive en France suite à sa rencontre avec Isabey qui accepte de l’accueillir dans son atelier. Quatre ans plus tard, il découvre la Normandie en compagnie de son maître. Dans Quai à Honfleur, le vaste ciel qui domine le paysage, la lumière froide et claire, et les reflets lumineux observés sur l’eau appartiennent à la tradition hollandaise. Sur le quai, les rails de la voie ferrée guident le regard vers le fond de la composition. Peintre de la « modernité », Jongkind s’attache ainsi à évoquer le caractère industriel du port. Sur ce quai, les voiles traditionnelles des grands bateaux côtoient les équipements contemporains : chemin de fer, poulies*… et les petites silhouettes sombres, qui rappellent le rôle des « travailleurs de la mer », apparaissent désormais secondaires. 6


Eugène Isabey (1803-1886) qui travaille régulièrement à Honfleur ou au Havre peint la mer et les activités qui lui sont liées. Inspiré par les maîtres flamands, par les paysagistes* anglais et par ses amis romantiques*, il apprécie les effets dramatiques des tempêtes, les ciels mouvementés et les flots déchaînés. Le tableau Marée basse, peint en 1861, montre le travail difficile d’un groupe de pêcheurs à l’entrée d’un port. D’une touche rapide et pleine d’élan, Eugène Isabey construit un paysage de mer impressionnant et donne vie aux travailleurs qui l’animent. Probablement imaginés par le peintre, le lieu et la scène représentés ont l’apparence de la réalité.

EUGÈNE ISABEY, Marée basse, 1861, huile sur toile, MuMa.

CAMILLE COROT, Dunkerque, remparts et porte d’entrée du port, 1873, huile sur toile, collection Senn, MuMa.

À l’opposé du port imaginaire d’Isabey, Dunkerque peint sur le motif* par Camille Corot (1796-1873), montre un vrai site. La muraille de la ville et sa tour sont reconnaissables. Sur le quai presque désert, le temps semble arrêté. La cité, les bateaux aux voiles transparentes et le personnage isolé sont reconnaissables. Mais, comme dans un rêve, tous les détails disparaissent, seules les silhouettes* des formes demeurent, simplement esquissées. Elles composent une image presque irréelle, un « souvenir » lointain du port de Dunkerque. 7


ON JETTE L’ANCRE AU HAVRE Le port du Havre, par son animation, les couleurs toujours changeantes de la mer et du ciel, la fumée des bateaux, les mouvements des navires… est un lieu qui intéresse et passionne les artistes dès le XIXe siècle.

EUGÈNE BOUDIN, L’Hôtel de ville et la tour François Ier, 1852, huile sur toile, MuMa.

Eugène Boudin, fils de marin élevé au Havre, s’attache très tôt à la représentation de vues portuaires. Le Havre, ses plages et son port seront pour lui une source majeure d’inspiration durant toute sa carrière. Dans ses premières œuvres, peintes en atelier, l’artiste représente des petites scènes, très étudiées, très détaillées, et marquées par un grand sens de l’observation et du pittoresque*, comme dans ce panneau au format allongé peint en 1852.

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Peu à peu, Eugène Boudin se détache de la représentation anecdotique* du réel. C’est l’atmosphère qui se dégage du paysage, et non plus les détails de celui-ci, qu’il va vouloir représenter. Cette volonté de peindre la lumière naturelle, les variations lumineuses et atmosphériques, va l’amener à sortir de son atelier, pour peindre en plein air, au pastel, ou à l’huile, en observant le paysage qu’il a sous les yeux. Camille Corot le surnomme « le roi des ciels » car il décline à l’envi, comme dans l’œuvre Entrée des jetées du Havre par gros temps où la tempête fait rage, une multitude de variations de couleurs subtiles pour évoquer les infinies nuances du ciel et de la mer. Le port est un endroit idéal pour capter ces fluctuations de lumière…


EUGÈNE BOUDIN, Crépuscule sur le bassin du Commerce au Havre,

EUGÈNE BOUDIN, Entrée des jetées du Havre par gros temps,

1892-1894, huile sur toile, MuMa.

1895, huile sur toile, MuMa.

Avec Crépuscule sur le bassin du Commerce au Havre, Eugène Boudin multiplie les effets de couleur, les bleus, les gris, les roses et les jaunes pour donner l’illusion du crépuscule. La touche rapide et libre de l’artiste, sa manière d’esquisser les mâts et les bâtiments, donnent

au spectateur de l’œuvre un sentiment d’instantané* qui restitue l’atmosphère de brouillard diffus de ce coucher de soleil. Cette œuvre est très proche, par le site choisi et par son atmosphère, d’Impression, soleil levant, le tableau peint par Claude Monet en 1872 et qui donna son nom à l’Impressionnisme*.

UN ESPACE POUR DESSINER Tu viens de traverser plusieurs siècles de peinture, à toi de jouer maintenant ! Imagine et dessine un port, peut-être celui du futur, ou celui où tu aimerais vivre.

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AU BORD DU QUAI Un port, ce ne sont pas seulement des nuages ou des bassins. Ce sont aussi des navires qui viennent à quai, des promeneurs qui prennent l’air, ou des ouvriers qui travaillent… Toute une vie, animée, changeante, que les peintres, ou les photographes, ont essayé de capturer !

À SAVOIR Tu le sais peut-être, les collections du MuMa s’enrichissent régulièrement grâce à des dons ou à des achats. C’est le cas pour ce tableau de Raoul Dufy qui est entré dans les collections du musée en 2012. RAOUL DUFY, Fin de journée au Havre, 1901, huile sur toile, MuMa.

Cette œuvre de jeunesse de Raoul Dufy (1877-1953) représente le quai Colbert au Havre qui, au début du XXe siècle, était affecté au déchargement du charbon. À gauche, des tas de charbon dissimulent les bateaux à voile et à vapeur amarrés* dans le bassin Vauban. Plus loin se dessinent les silhouettes des grues électriques installées à partir de 1897, et qui se détachent sur le ciel d’une fin d’après-midi d’hiver. Les hautes façades du quartier Saint-François apparaissent au fond à droite, tandis que le premier plan est occupé par le sol boueux du quai où se pressent des petits groupes d’ouvriers, dockers ou manœuvres*, revenant chez eux après leur travail. La connotation* réaliste et sociale de cette toile transparaît peu dans les autres vues de ports peintes par Raoul Dufy entre 1903 et 1905, et rend cette œuvre exceptionnelle dans la carrière de cet artiste. 10


À SAVOIR ! Cette œuvre de Gustave Le Gray n’appartient pas au MuMa. Elle vient d’être achetée par la Bibliothèque du Havre qui, elle aussi, possède quelques trésors dans ses collections…

GUSTAVE LE GRAY, Musée et ville du Havre, vers 1856-1857, photographie, Bibliothèque du Havre.

Gustave Le Gray réalise ses premiers clichés de mer ou de ports en Normandie, en 1856. Cette vue appartient à ces premières photographies du port du Havre. L’artiste y montre la ville moderne et animée et renouvelle la vision du paysage fixée par la peinture : les voiles triangulaires des navires répondent à la forme du toit et de l’escalier ! Le photographe nous fait aussi découvrir le premier musée du Havre : ce grand bâtiment majestueux abritait nombre d’œuvres d’art avant la destruction de la ville en 1944.

À TOI DE JOUER En sortant du MuMa, choisis un point de vue où tu pourras dessiner ou photographier le musée, comme Gustave le Gray l’avait déjà fait au XIXe siècle.

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LES MOTS CROISÉS DU PORT

M

D

À l’aide des citations, essaye de compléter cette grille de mots croisés ! G

Victor Hugo :

« Je me suis promené dans le port. J’ai causé avec un douanier qui surveillait le déchargement d’un navire. »

Charles Baudelaire :

Georges Perec :

« des ports immenses avec des jetées de plusieurs kilomètres, des docks et des quais, des centaines de grues et de ponts roulants »

G

V

« Je vois un port rempli de voiles et de mâts — Encore tout fatigués par la vague marine. » V

S A

R

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MA CHRONOLOGIE* EN IMAGES Voici quelques illustrations réalisées par l’artiste havrais François Trocquet. Celui-ci s’est inspiré des tableaux que tu as découverts dans ce livret pour en faire des vignettes. Découpe et colle ces vignettes dans l’ordre chronologique, en t’aidant des indices.

Pages à découper


1860

Ho hisse !

1870

1900 Les charbonniers

Mar

1920


1890

rĂŠe montante

Soleil couchant


Pages à découper


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CAMILLE PISSARRO, DERNIÈ Grâce à l’importation du café et du coton, Le Havre est au début du XXe siècle, l’un des plus importants ports d’Europe. L’activité y est incessante et la vie sur les quais offre un spectacle animé ! En 1903 Camille Pissarro réalise une série de peintures qui fixent une page de l’histoire du Havre… Les dix dernières années de sa vie Camille Pissarro, peintre impressionniste, peint régulièrement en Normandie. Il s’intéresse aux activités et à la lumière des ports de Rouen, de Dieppe et du Havre. Au mois de juillet 1903, sur les conseils d’un collectionneur havrais, Pieter Van der Velde, Camille Pissarro arrive au Havre. Il s’installe avec sa femme à l’Hôtel Continental, située juste en face de l’entrée du port. Depuis la fenêtre de son hôtel, Camille Pissarro peint 24 tableaux !

À TOI DE JOUER En 1874, la première ligne de tramway du Havre est inaugurée. Regarde attentivement les deux tableaux et retrouve la ligne de tramway peinte par Camille Pissarro. Le Havre - Chaussée des États-Unis, carte postale, Archives municipales du Havre

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OBSERVE Observe les grues de déchargement. En 1903, Le Havre est le premier port Européen de café et importe 250000 tonnes de coton !


RE ESCALE… « On pouvait le voir, du matin au soir, vieillard à barbe blanche, devant sa fenêtre en face de son chevalet la palette à la main, un béret sur la tête, le regard perçant et serein. » Georges Lecomte

CAMILLE PISSARRO Page 18 : L’Avant-port du Havre. Matin. Soleil. Marée montante, 1903, huile sur toile, MuMa.

Page 19 : L’anse des pilotes et le brise-lames est, Le Havre, après-midi, temps ensoleillé, 1903, huile sur toile, MuMa.

À SAVOIR Dans ces deux tableaux, Camille Pissarro peint ce qu’il voit : l’atmosphère qui se dégage de l’instant présent, le jeu des nuages dans le ciel et les reflets de la lumière sur l’eau. Il s’intéresse également au mouvement sur les quais avec les nombreux promeneurs, la fumée des bateaux, les grues, les navires qui rentrent à quai. Fasciné par ce spectacle, le peintre, attentif, retranscrit avec une épaisse matière picturale l’intense agitation de cette journée. Des travaux sont prochainement prévus pour agrandir le port en pleine expansion. L’artiste fixe ici une page de l’histoire du Havre avec ses tableaux qui témoignent de l’état du port au début du XXe siècle. Camille Pissarro rentre à Paris au mois de septembre 1903. Il meurt quelque temps après le 13 novembre 1903. La « série portuaire » réalisée au Havre est donc la dernière peinte par l’artiste…

Le 26 août 1903, la ville du Havre, achète à Camille Pissarro ces deux tableaux, pour la somme de 4000 francs. C’est un achat audacieux car c’est la première fois qu’une ville achète une œuvre à Camille Pissarro de son vivant !

OBSERVE ENCORE ! Regarde bien le point de vue de Camille Pissarro. Il peint en hauteur depuis sa chambre d’hôtel et adopte ainsi une vision « panoramique ». On appelle cela un cadrage « en plongée ». 19


LE HAVRE ÉTERNEL… Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Le Havre a subi de terribles destructions. En 1944, les bombardements détruisent une grande partie de la ville et le port n’est plus qu’un amas de ruines.

VÉRONIQUE ELLENA, Lever de lune, 2007-2010, photographie couleur, MuMa.

La reconstruction est confiée à l’architecte Auguste Perret qui utilise des méthodes modernes et des matériaux innovants comme le béton armé. Aujourd’hui, Le Havre reconstruit continue d’inspirer de nombreux artistes, telle Véronique Ellena (née en 1966) qui photographie la plage du Havre à la tombée de la nuit, au moment où la lune se lève. La lumière, douce et intime, « colore » les immeubles Perret et leurs reflets sur le sable mouillé. L’harmonie des habitants avec la ville semble totale ! 20

ZOOM SUR Pour réaliser cette photographie, Véronique Ellena se place en dessous du sujet qu’elle photographie. Son appareil est alors très proche du sable et orienté vers le haut. C’est un cadrage en contre-plongée qui permet de magnifier les reflets !


RAOUL DUFY, L’Estacade et la plage du Havre, vers 1926, huile sur toile, MuMa.

À SAVOIR Sa ville natale reste pour Raoul Dufy une source inépuisable d’inspiration tout au long de sa carrière. Les activités portuaires et balnéaires* qui ont bercé sa vie fascinent le peintre. Le motif de l’estacade* de la plage du Havre est présent dans son œuvre dès 1901 et se répète à de nombreuses reprises. Dans ce tableau, la foule tournée vers la mer regarde un bateau qui passe au loin. Raoul Dufy organise sa composition grâce à la couleur ambiante du bleu. La couleur est utilisée pour créer la lumière et illustre la théorie de la « couleur lumière » chez Dufy.

Dès 1907, Raoul Dufy va adopter une nouvelle façon de représenter la lumière en peinture. Il considère que l’origine de la lumière c’est… la couleur ! Ainsi les teintes les plus sombres deviennent les plus lumineuses et inversement. Entre 1946 et 1952 Raoul Dufy réalise une série de peintures sur le thème du « Cargo noir ». Dans ces peintures, le noir traduit donc la lumière absolue du soleil !

À TOI DE JOUER ! L’estacade au Havre est une construction permettant aux promeneurs de s’avancer à pied jusqu’au-dessus de la mer. Elle fait partie intégrante du paysage havrais ! En t’inspirant de Raoul Dufy, utilise uniquement des bleus différents pour colorer « ton » estacade ! 21


LE HAVRE AU FIL DES PAGES Comme tu as pu le remarquer, l’image du port et de la ville du Havre a beaucoup marqué les artistes : depuis Claude Monet et son célèbre Impression, soleil levant, décrivant l’avant-port en 1872, jusqu’aux photographes contemporains comme Véronique Ellena (p. 20).

CLAUDE MONET, Impression, soleil levant, 1872, huile sur toile, musée Marmottan, Paris.

Mais la ville portuaire a inspiré d’autres productions artistiques, comme les romans. De grands écrivains, natifs ou non du Havre, ont choisi comme décor à leurs ouvrages cet espace si particulier, à la fois urbain et maritime. Guy de Maupassant (1850-1893), dans Pierre et Jean (1887), porte sur le port une vue en plongée et compare ses phares à des géants : « Au-dessus de Sainte-Adresse, les deux phares électriques du cap de la Hève, semblables à deux cyclopes monstrueux et jumeaux, jetaient sur la mer leurs longs et puissants regards. Partis des deux foyers voisins, les deux rayons parallèles, pareils aux queues géantes de deux comètes, descendaient, suivant une pente droite et démesurée, du sommet de la côte au fond de l’horizon. Puis sur les deux jetées, deux autres feux, enfants de ces colosses, indiquaient l’entrée du Havre ; là-bas, de l’autre côté de la Seine, on en voyait d’autres encore, beaucoup d’autres […] » 22


RAOUL DUFY, Fin de journée au Havre (détails), 1901, huile sur toile, MuMa.

Philippe Huet (né en 1945), dans l’émouvant roman Les quais de la colère, détaille les difficiles conditions de travail des dockers dans les années 1910, dans le grand port du Havre en constante agitation : « … le quai Colbert n’était pas la ville. C’était un autre monde, noir et misérable, peuplé de terrils, de collines charbonneuses, enserré dans des colliers de palissades vermoulues. Personne ne s’engageait dans ce boyau obscur pavé d’une croûte visqueuse, où les navires eux-mêmes avaient l’air de cercueils. À entendre les gens de la ville, le quai au charbon n’avait rien d’humain. »

DEVINE… « Sur le bateau de Trouville, les passagers montaient déjà. Pierre s’assit, tout à l’arrière, sur un banc de bois (…) Le petit paquebot sortit des jetées, tourna à gauche et soufflant, haletant, frémissant s’en alla vers la côte lointaine qu’on apercevait dans la brume matinale. » Dans cet extrait de Pierre et Jean, Maupassant évoque les mouvements de bateaux, tout comme Raoul Dufy dans son tableau L’Estacade et la plage du Havre, à quelques différences près : sauras-tu les retrouver ? 23


LE HAVRE FAIT SON CINÉMA Et puis, il y a aussi le « septième art », le cinéma. Le Havre et son port sont des habitués du grand écran.

GÉRARD OURY, Le Cerveau, 1968, film de cinéma.

FABIEN ONTENIENTE, Disco, 2008, film de cinéma.

FRANCE, Paquebot France, 1965, photographie.

Tu connais peut-être certaines comédies tournées dans la ville, comme Le gendarme à New York, datant de 1965, avec l’acteur comique Louis de Funès. Ce film montre brièvement un autre trésor de la ville : le majestueux paquebot France, qui pendant douze ans a voyagé entre Le Havre et New-York. Le France fait également une apparition dans le film de Gérard Oury Le Cerveau, en 1968. Jean-Paul Belmondo et Bourvil y campent deux très mauvais cambrioleurs, dont la fuite passe par Le Havre. Enfin en 2008, dans la comédie Disco, l’acteur Franck Dubosc joue le rôle d’un ancien danseur havrais qui essaie de renouer avec le succès. 24


Mais d’autres films, plus sérieux cette fois, ont choisi Le Havre comme lieu de tournage. C’est le cas de Quai des brumes en 1938. Le réalisateur Marcel Carné y met en scène la magnifique et tragique histoire d’amour entre Jean Gabin et Michèle Morgan, qui étaient aussi amoureux dans la vie. C’est dans ce film que Jean Gabin prononce la célèbre réplique : « T’as d’beaux yeux, tu sais ! » MARCEL CARNÉ, Quai des brumes, 1938, film.

DEVINE ! " Je suis tom bé amo ure ux du Havre, de ses lum ières qui séd uisaien t déjà Ma net, de ses qua rtie rs

ouvriers, de ses doc ks, de son port. J'ai don c don né son nom à mon film et j'es père avoir réussi à en faire le person nag e prin cipal. "

De qui peut être cette citation ?

En 2011, le finlandais Aki Kaurismäki vient aussi poser sa caméra au Havre pour son film… Le Havre. La découverte du monde des passagers clandestins y trouve un décor sur mesure dans la géographie du port. La ville devient ainsi quasiment un personnage du film… AKI KAURISMÄKI, Le Havre, 2011, film.

DEVINE ENCORE ! 73 ans les séparent, mais Le quai des brumes et Le Havre ont un point commun. À toi de deviner lequel : Ils ont le même réalisateur. Ils ont reçu tous les deux le prestigieux prix Louis Delluc, qui récompense chaque année le meilleur film français. Tous deux sont des films comiques. 25


GLOSSAIRE Amarré : se dit d’un navire retenu à un quai par des cordages ou des câbles métalliques.

La matière picturale : épaisseur de peinture que l’artiste pose sur la toile.

Anecdotique : se dit d’un récit ou d’une peinture qui se concentre sur de petits détails.

Une nef : navire à voile en vieux français, ou dans un langage poétique.

Un autodidacte : personne qui s’est instruite par elle-même. Eugène Boudin est donc devenu peintre en apprenant par lui-même les techniques picturales !

Panoramique : se dit d’une photographie ou d’une peinture qui montre un large paysage, comme si l’artiste avait balayé ce paysage du regard.

Balnéaire : se dit d’un endroit où l’on prend des bains de mer.

Les Paysagistes anglais : peintres de paysages qui travaillèrent en Angleterre.

Une chronologie : suite d’événements dans le temps. On peut la représenter sous la forme d’une frise sur laquelle les dates se succèdent.

Une pension : somme d’argent versée ponctuellement ou régulièrement à une personne, soit pour l’aider, soit parce qu’elle est à la retraite…

Un collectionneur : personne qui fait collection d’objets, par exemple d’œuvres d’art, pour son plaisir personnel ou pour se constituer un patrimoine.

Pittoresque : qui attire l’attention par son aspect original

Une composition : c’est la façon qu’a le peintre d’organiser sa peinture : ce qu’il met au premier plan, à gauche, derrière… un arrangement de lignes, formes et couleurs ! Une connotation : valeur que prend quelque chose en plus de sa signification première. Un docker : ouvrier de la mer, c’est un homme qui travaille à charger et décharger les navires. Un empâtement : quand un peintre utilise des quantités épaisses de peinture, et qu’il en sème des petits tas sur sa toile, on dit qu’il fait des empâtements. Cela produit un relief sur la toile, et conserve l’empreinte du pinceau. Une estacade : jetée s’avançant dans la mer, construite avec des pieux ou des pilotis de bois. Un Flamand : habitant de la Région Flamande, située en Belgique. L’Impressionnisme : pour être incollable sur ce mouvement artistique de la fin du XIXe siècle, relis le livret que nous lui avons consacré et que tu peux trouver au comptoir du MuMa Instantané : qui ne dure qu’un petit moment, qu’un court instant. Une jetée : construction formant une chaussée qui s’avance dans la mer. Un manœuvre : ouvrier exécutant des travaux qui ne demandent pas d’apprentissage particulier. Une marine : peinture ayant la mer pour sujet. 26

Une plongée, une contre-plongée : ces mots s’utilisent principalement en photographie : une photographie en plongée donne l’impression que le photographe est situé en hauteur par rapport à son sujet. Avec la contre-plongée, on a au contraire l’impression que le photographe dirige son objectif vers le haut. Une poulie : petite roue entourée d’une corde ou d’une courroie qui sert à soulever des choses lourdes. Les Romantiques : écrivains, peintres, sculpteurs ou musiciens ayant participé au mouvement artistique du Romantisme, apparu vers 1820. Une silhouette : forme dont les contours sont dessinés de façon schématique. Peint sur le motif : il s’agit d’une manière de peindre, directement face à son sujet, et non plus dans l’atelier. Par exemple, un paysage « peint sur le motif » est réalisé en extérieur par l’artiste, face au paysage, et non plus dans son atelier. La touche : manière de poser les couleurs et les tons sur la toile, par exemple avec un coup de pinceau. Tribord : quand un marin veut dire « à droite », il utilise le mot « tribord ». Quand on va vers la gauche, c’est à « bâbord ».


RÉPONSES AUX JEUX

Pages 15

M A T

D

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C

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Page 23 L’un parle d’un paquebot tournant à gauche, il s’agit de Maupassant l’écrivain. L’autre, le peintre Raoul Dufy, montre un voilier filant vers tribord*

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Page 25 Devine… : B. le prix Louis Delluc

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Devine encore ! : Aki Kaurismäki

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A N I E O

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Pour apparaître dans ce livret, les œuvres de la collection du musée ont été photographiées : merci donc aux photographes du MuMa, Florian Kleinefenn et Charles Maslard, et à tous ceux qui nous ont prêté d’autres images ! JACOB VAN RUYSDAËL, La Tempête, Paris, musée du Louvre © RMNGrand Palais (musée du Louvre), Gérard Blot GUSTAVE LE GRAY, Musée et ville du Havre, vers 1856-1857, photographie © Bibliothèque municipale du Havre RAOUL DUFY, Fin de journée au Havre, 1901. Le Havre, MuMa, musée d’Art moderne André Malraux. Acquis avec l’aide de l’association des Amis du musée et du Fonds régional d’acquisition des musées de Haute-Normandie © Photographie Galerie Fanny Guillon-Laffaille CLAUDE MONET, Impression, soleil levant, 1872, huile sur toile © Paris, musée Marmottan LE HAVRE, image du film d’Aki Kaurismäki © Sputnik Oy Photo Marja-Leena Hukkanen


CARNET DE VISITE JEUNE PUBLIC DES CLEFS ET DES JEUX POUR COMPRENDRE Ce petit guide à l’usage des jeunes visiteurs peut-être utilisé d’une œuvre à l’autre, dans l’ordre ou le désordre, seul ou avec l’aide d’un adulte. Comme un souvenir de voyage, on pourra le feuilleter de nouveau après la visite, s’attarder, compléter les jeux, dessiner…

PRIX : 3 € / ISBN 978-2-903125-14-1


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