Livre - René Guénon - [1925] - L'Homme et son devenir selon le vêdânta -- CLAN9 livre electroniq

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que des modalités de l’état humain, mais très éloignées à tous égards de la modalité corporelle ; nous avons pensé qu’il était nécessaire d’attirer l’attention sur ce point, afin de prévenir toute méprise et toute erreur d’interprétation, avant de reprendre notre exposé des modifications posthumes auxquelles peut être soumis l’être humain. « L’« âme vivante » (jîvâtmâ), avec les facultés vitales résorbées en elle (et y demeurant en tant que possibilités, ainsi qu’il a été expliqué précédemment), s’étant retirée dans son propre séjour (le centre de l’individualité, désigné symboliquement comme le cœur, ainsi que nous l’avons vu au début, et où elle réside en effet en tant que, dans son essence et indépendamment de ses conditions de manifestation, elle est réellement identique à Purusha, dont elle ne se distingue qu’illusoirement), le sommet (c’est-à-dire la portion la plus sublimée) de cet organe subtil (figuré comme un lotus à huit pétales) étincelle (1) et illumine le passage par lequel l’âme doit sortir (pour atteindre les divers états dont il va être question dans la suite) : la couronne de la tête, si l’individu est un Sage (vidwân), et une autre région de l’organisme (correspondant physiologiquement au plexus solaire) (2), s’il est un ignorant (avidwân) (3). Cent une artères (nâdîs, également subtiles et lumineuses) (4) sortent du centre vital (comme les rais d’une roue sortent de son moyeu), et l’une de ces artères (subtiles) passe par la couronne de la tête (région considérée comme correspondant aux états supérieurs de l’être, quant à leurs possibilités de communication avec l’individualité humaine, comme on l’a vu dans la description des membres de Vaishwânara) ; elle est appelée sushumnâ » (5). Outre celle-ci, qui occupe une situation centrale, il y a deux autres nâdîs qui jouent un rôle particulièrement important (notamment pour la correspondance de la respiration dans l’ordre subtil, et par suite pour les pratiques du Hatha-Yoga) : l’une, située à sa droite, est appelée pingalâ ; l’autre, à sa gauche, est appelé idâ. De plus, il est dit que la pingalâ correspond au Soleil et l’idâ à la Lune ; or on a vu plus haut que le Soleil et la Lune sont désignés comme les deux yeux de Vaishwânara ; ceux-ci sont donc respectivement en relation avec les deux nâdîs dont il s’agit, tandis que la sushumnâ, étant au milieu, est en rapport avec le « troisième œil », c’est-à-dire avec l’œil frontal de Shiva (6) ; mais nous ne pouvons qu’indiquer en passant ces considérations, qui 1 — Il est évident que ce mot est encore de ceux qui doivent être entendus symboliquement, puisqu’il ne s’agit point ici du feu sensible, mais bien d’une modification de la Lumière intelligible. 2 — Les plexus nerveux, ou plus exactement leurs correspondants dans la forme subtile (tant que celle-ci est liée à la forme corporelle), sont désignés symboliquement comme des « roues » (chakras), ou encore comme des « lotus » (padmas ou kamalas). — Pour ce qui est de la couronne de la tête, elle joue également un rôle important dans les traditions islamiques concernant les conditions posthumes de l’être humain ; et l’on pourrait sans doute trouver ailleurs encore les usages qui se réfèrent à des considérations du même ordre que ce dont il est ici question (la tonsure des prêtres catholiques, par exemple), bien que la raison profonde ait pu parfois en être oubliée. 3 — Brihad-Âranyaka Upanishad, 4e Adhyâya, 4e Brâhmana, shrutis 1 et 2. 4 — Nous rappelons qu’il ne s’agit pas des artères corporelles de la circulation sanguine, non plus que de canaux contenant l’air respiré ; il est bien évident, du reste, que, dans l’ordre corporel, il ne peut y avoir aucun canal passant par la couronne de la tête, puisqu’il n’y a aucune ouverture dans cette région de l’organisme. D’autre part, il faut remarquer que, bien que la précédente retraite de jîvâtmâ implique déjà l’abandon de la forme corporelle, toute relation n’a pas encore cessé entre celle-ci et la forme subtile dans la phase dont il s’agit maintenant, puisqu’on peut continuer, en décrivant celle-ci, à parler des divers organes subtils suivant la correspondance qui existait dans la vie physiologique. 5 — Katha Upanishad, 2e Adhyâya, 6e Vallî, shruti 16. 6 — Dans l’aspect de ce symbolisme qui se réfère à la condition temporelle, le Soleil et l’œil droit correspondent au futur, la Lune et l’œil gauche au passé ; l’œil frontal correspond au présent, qui, du point de vue du manifesté, n’est

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