32 La vie locale
«Vivre au présent à bon escient» près deux conférences sur le sens de la vie dans le judaïsme et le christianisme, l’association Cordoba a donné la parole sur ce sujet à Saïd Ali Koussay, imam de l’hôpital Avicenne de Bobigny.
A
Régis Oudot, Président de l’association Cordoba.
I
nterdit le porc chez les musulmans ? Tout est affaire de circonstances… «Lorsqu’il n’a pas le choix, rien d’autre pour se nourrir, un musulman peut manger du porc», lance Saïd Ali Koussay, face au public d’une salle Pierre-Cochereau comble, venu entendre l’aumônier de l’hôpital Avicenne de Bobigny, lors d’une conférence
organisée à Saint-Mandé par l’association Cordoba, au soir du 14 avril. «C’est écrit dans le Coran», réitère l’imam, également membre du Comité National d’Ethique du Funéraire. Il faut préserver la vie... Celle des hommes, qui ont été «conçus pour être le siège du Seigneur», dit Saïd Ali Koussay. Par petites touches, soigneusement structurées, celui qui est aussi le coprésident du Groupe d’amitié islamo-chrétienne , se livre à un exercice difficile… Répondre au problème posé pour l’année 2014/2015 par Cordoba, «Quel est le sens de la vie dans les religions juive, chrétienne et musulmane ?», au travers de conférences visant une meilleure compréhension des trois monothéismes. Saïd Ali Koussay prend ainsi la suite du Grand Rabbin de France Haïm Korsia, venu éclairer la question à Saint-Mandé en novembre, et celle du père Alain de La Morandais, figure du christianisme, qui a donné sa vision du sens de la vie en février à Vincennes. «Prenons la question un peu à l’envers, commence Saïd Ali Koussay, et définissons ce qu’est la vie, avant de parler de son sens. Pour le Coran, dont je ne m’éloigne pas, la vie, la nôtre, avec un petit «v», est une émanation de la Vie avec un grand «V», c’est-à-dire du vivant qui ne meure jamais», explique-t-il. «Elle subsiste par elle-même et d’elle-même». Un scientifique pourrait y voir des bases spirituelles au très concret «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme» de Lavoisier… D’autant que, poursuit l’imam, «l’homme expérimente deux sortes de vie et deux sortes de morts. Il vient du «néant», avant de naitre, puis de mourir et de ressusciter. L’heure de cette seconde vie, de la résurrection, est aussi celle de rendre des comptes au Seigneur. Et la récompense ne vient que si la première vie a été faite de bonnes actions. C’est cela qui donne un sens à la vie : nul ne sachant quand il va mou-
Saïd Ali Koussay, imam à l’hôpital Avicenne de Bobigny.
rir, chacun se doit d’utiliser à bon escient le temps présent en faisant le bien». Ceux qui, à l’instar d’Abel et Caïn, commettent le premier acte criminel, le meurtre, illustrent le mauvais sens de la vie, commente l’imam. A l’inverse, «faire passer par sa main les richesses dispensées par Dieu sur terre pour aller vers l’autre», ou encore, «aimer pour son frère ce qu’on aime pour soi», etc., sont autant de recommandations coraniques indiquant le bon sens» déclare Saïd Ali Koussay. L’homme est libre de faire, ou non, les bons choix… «Cette dualité lui est spécifique, explique l’imam, les animaux ne la connaissent pas. Libre à l’homme d’agir pour être puni ou récompensé. De même qu’il peut croire ou non». Quant à la coexistence des différentes religions, Saïd Ali Koussay, non sans humour, l’illustre à l’aide d’une métaphore fabriquée à partir d’une roue de bicyclette… «Quelles que soient nos croyances, nous vivons tous sur la jante… Et les différentes religions empruntent un rayon différent de la roue pour aller vers son axe, un même centre ! Aussi n’est-il nul besoin de se chamailler !». Une conclusion qui, bien involontairement, annonce le prochain cycle 2015/2016 des conférences Cordoba, consacré à la diversité interne dans les trois monothéismes.