Lâart âoutsiderâ Handicap, quel handicap ? Le magazine de lâactualitĂ© musicale en FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles nÂș49 septembre â octobre 2022 Arno p.8 Primero p.12 Charles p.16 Ă-Celli p.19 Gil Mortio p.20 Concerts, festivals⊠toujours plus chers ? p.26 The CLUB p.28 Make Techno Queer Again ! p.32 DONNETOLIVIER©
LA COCOF PRĂSENTE :23 SEPT.-16 0CT. (CARTEISHAHOSHI BLANCHE) KLĂ LUXCLĂMIXPELOUSELOUSECRĂTESLESAVEC(CARTEMOCKEBONLESALEKLISAMARCELTOUTORCHESTRE(CARTEROKIAPELGAGBAMBABLANCHE)PUISSANTDUCHAMPLEBLANCETJAPONAISESENFANTBLANCHEE.PARRENIN)FLEURSDUSLAMSESSIONSKMONTES AN PIERLĂ IN HET FRANS KT GORIQUE PI JA MA ĂTIENNEGUTTILIMSASHELDONJOEYFIVEMAXIMEONHAMĂLANIEGRAVASMARTINLELONNYEESAH(CARTEGNIGNIGNIGNIGNIMLBLANCHE)YASUKENOISEURLUMINETISAACBODSONROBINHACHĂDâAULNAYCOPPĂE âŠROSEDUMBUNLALISAMONAFĂLICIENINTERDĂPENDANCEMUYOKIPILIBLEUROISEJULIAFORCEBENOĂTLESZEDIENERVEUZECROLLESHOMMES-BOĂTESTRANCHANDĂTERNLPERTUYLIADUCASSEMAJAPEUDECOURTOISIEDECHIEN BXL â BIODIVERSITĂ MUSICALE â FRANCOFAUNE.BE
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Nicolas Alsteen Denise Caels Juliette François-XavierDepré Descamps Christophe Hars Claire Monville deCoordinateurlarédaction
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3Larsen Septembre, octobre 2022 Sommaire
Prochain numéro Novembre 2022
Crédits Danny Willems Elodie StéphaneLaraStéphanieDraregGoosseHerbiniaRisack
Abonnement
p.6 EN VRAC # rencontres p.12 Primero p.13 Youssef
Impression die Keure
François-Xavier Descamps
Ce numĂ©ro ne fait pas exception Ă cet ADN, en rencon trant notamment Youssef Swattâs, indĂ©niablement lâun des rappeurs belges Ă suivre et qui vient de sortir un album avec des collaborations aussi prestigieuses que celles dâOxmo Puccino et GaĂ«l Faye. Ou encore Boa Joo, autre figure montante du rap belge qui « revendique tout simplement le droit dâĂȘtre aussi mĂ©diocre quâun homme ». Dans un autre registre, Larsen sâest deman dĂ© quel Ă©tait lâavenir, sâil y en avait un, de la critique musicale. Il sâest encore rendu Ă Bruxelles pour y dĂ©couvrir The CLUB, la nouvelle salle du Cirque Royal ou Ă©voquer le Travers, ce lieu improbable qui fut pendant prĂšs de 20 ans lâun des Ă©picentres de lâactivitĂ© jazz en UneBelgique.foisnâest pas coutume, on ne clĂŽturera pas ce bref Ă©dito sans avoir une pensĂ©e pour Catherine, Gilbert et Pierre, partis trop tĂŽt, trop vite⊠Trois personnalitĂ©s du monde musical belge, trois passionné·e·s qui nâont cessĂ© de soutenir les artistes. Et les remercier pour tout ce quâils ont fait.
O R p.16 Charles p.17 Under The Reefs Orchestra p.18 Solia p.19 Ă-Celli Articles p.20 AVANT-PLAN Gil Mortio p.22 360° Lâart âoutsiderâ p.25 180° Les 100 ans de la Sabam p.26 BUSINESS Concerts, festivals⊠toujours plus chers ? p.28 IN SITU The Club p.30 DĂCRYPTAGE La critique musicale en 2022? p.32 TENDANCE Make Techno Queer Again ! p.34 Les Bonussorties p.37 ARRĂT/IMAGE Alice Khol p.38 CâEST CULTE Le Travers p.40 VUE DE⊠La New Wave of Belgian Jazz p.42 JâADORE⊠Nikitch & Kuna Maze p.42 LâANECDOTE La Muerte P.8 Primero, il voyage en solitaire Arno, le temps dâun dernier album Charles, nouvelle icĂŽne rock Gil
Comité de rédaction
Sâil est Ă©vident que Larsen ne rĂ©invente pas lâactualitĂ© musicale, il sâefforce depuis presque 10 ans (dĂ©jĂ !) dâĂ©voquer des sujets peu ou pas traitĂ©s dans les mĂ©dias ou encore de donner une place Ă des artistes moins mĂ©diatisĂ©s.
Rédacteur François-Xavier Descamps
p.15 Mélanie Isaac S
p.14 Blu
Directrice de la rédaction Claire Monville
p.5 AFFAIRES Ă
Lâart âoutsiderâ, brut de dĂ©coffrage Ă la dĂ©couverte du Club, le sous-sol du Cirque RoyalP.28P.22P.20P.16P.12
p.8 ENTRETIEN Arno Ouverture p.4 ARRIĂRE-PLAN Fabian
Nicolas Capart Serge DidierAubryDidierDominiqueStéphaneJacquesJean-PhilippeVéroniqueLouiseJean-PierreCoosemansGoffinHermantLaurentLejeuneProuvostRenardSimonetStiersTourielZacharie
Collaborateur·trice·s
Ădito
MonvilleEnCouverture Hidalgo SUIVRE Swattâs Samu Boa Joo O R Mortio, artiste multi-talents
Relecteur Nicolas Lommers
Nicolas Alsteen
Conception graphique Mateo Seance.infoJean-MarcBroilletKlinkert
Promotion & Diffusion François-Xavier Descamps
4Larsen Septembre, octobre 2022 ArriĂšre-plan
Avec A Boy With A Beard, groupe bruxellois de pop noire, Fabian Hidalgo participe Ă la crĂ©ation des morceaux et Ă son dĂ©veloppement. Le deuxiĂšme album devrait sortir lâannĂ©e pro chaine. Il vient Ă©galement dâĂȘtre approchĂ© par un tout nouveau groupe, BrĂŒmes, qui livrera un premier EP Ă la fin de lâannĂ©e. « Jâai envie de faire plein de choses. Ăa me plaĂźt dâĂȘtre toujours un peu en flux tendu. » Entre ses diffĂ©rents concerts, ses pro jets jeunes publics, des Ă©ventuels remplacements dans des big bands, ses multiples collaborations et son travail chez FACIR, le musicien lâavoue, il ne dort pas beaucoup. « Jâai besoin de ces diffĂ©rents aspects, je ne pourrais pas faire que lâun ou lâautre. Jâai besoin dâune stimulation culturelle, musicale et intellectuelle avec des dossiers de fond.
ArriĂšre-plan Fabian stimulationHidalgo,culturelle
TEXTE : LOUISE HERMANT
Depuis 2016, Fabian Hidalgo sâoccupe de la coordination de la FACIR. Celle-ci sâoccupe de dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts des musi cien nes en ouAdedansbatteurIlWallonie-Bruxelles.FĂ©dĂ©rationestĂ©galementetimpliquĂ©unemultitudeprojets,dontBoyWithABeardBrĂŒmes.
# batteur# FACIR DELCOURTJOSIAS©
Il se souvient, Ă cette Ă©poque, galĂ©rer pour obtenir son statut dâartiste. « Je cherchais des rĂ©ponses partout » LâĂ©quipe se com pose de musicien·nes, de personnes du milieu. Fabian Hidalgo, lui, est batteur. « Mon expĂ©rience de musicien mâaide Ă parler la mĂȘme langue que les gens avec qui on travaille. Inversement, FACIR mâa appris Ă©normĂ©ment de choses sur le fonctionnement du secteur en Belgique. » Ses premiers pas dans la musique se font aux cĂŽtĂ©s de formations jazz et Ă lâharmonie de Nivelles, oĂč il sâoccupe des percussions avant de se mettre derriĂšre la batterie. Il intĂšgre par la suite le Conservatoire de Bruxelles en batterie jazz, aprĂšs une tentative dâĂ©tudes dâingĂ©nieur.
»
D
« CâĂ©tait la premiĂšre fois que je rencontrais des gens qui se posaient des questions sur leur mĂ©tier. Jusque-lĂ , les musicien·nes que jâavais rencontré·e·s se demandaient plutĂŽt comment faire de la musique. Il Ă©tait nĂ©cessaire de se fĂ©dĂ©rer, de rĂ©flĂ©chir ensemble Ă notre condition et de comment faire bouger les choses. »
epuis plusieurs mois, deux gros dossiers, parmi de nom breux autres, agitent les bureaux de la FACIR (la FĂ©dĂ©ration des Auteur·rices, Compositeur·rices et InterprĂštes RĂ©uni·es) : le renouvellement du contrat de gestion de la RTBF et la rĂ©forme du statut dâartiste. Le premier est clĂŽturĂ©, le deuxiĂšme toujours en cours. Fabian Hidalgo suit ces affaires de prĂšs, en tant que coordi nateur de cette association qui dĂ©fend les intĂ©rĂȘts des muscien·nes en FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles. PrĂ©sent depuis sa crĂ©ation en 2013, il sâoccupe dâabord du site internet en tant que bĂ©nĂ©vole.
« Bizarrement, en sortant du Conservatoire, jâai fait beau coup moins de jazz. Maintenant, je fais surtout du rock, de la chanson française et des concerts jeune public. » Le batteur multiplie les collaborations, en gardant lâenvie de se renouveler Ă chacune dâentre elles et de ne jamais se rĂ©pĂ©ter, aussi bien dans la genre musical (il est passĂ© du folk traditionnel au blues) que dans la technique (en intĂ©grant de lâĂ©lectronique par exemple). « Je nâai jamais Ă©tĂ© leader, je nâai jamais menĂ© un projet. Si je suis un sideman, ça ne veut pas dire non plus que je ne prends pas les choses au sĂ©rieux. Dans les groupes dans lesquels je joue maintenant, je nâai pas la mĂȘme implication dans chacun dâentre eux. »
STEFANELLICANULLOCHIARA©
# impro # DJ·set # ##Netflixlivestoner
Apex Ten est un groupe liĂ©geois de stoner Ă tendance psychĂ© dĂ©lique et qui laisse un bel espace Ă lâimprovisation. Le band sâarticule autour dâAlex Radelet (batterie et chant), Brad Masaya (basse) et de Benoit Velez (guitare) et laisse aussi entendre des instruments plus rares comme le theremin ou le lap steel. Le trio a dĂ©jĂ un premier album Ă son actif, 1st session (2021) ainsi quâun live, Chem-Trails, qui rend compte de leur espace dâimprovisation. Dernier single connu, The Fourth Passenger. Heavy et planant.
Fresh
©DR
# voix # secteur·musical#Chop# #Francofaunepodcasts
5Larsen Septembre, octobre 2022 Affaires Ă suivre
Tous les dimanches de lâĂ©tĂ©, les Nature Sessions vous ont offert la possibilitĂ© dâassister Ă des concerts live ou des DJ sets, au cĆur de la nature ardennaise. Des performances intimes dâar tistes de la FWB prĂ©sentĂ©s par Durbuy Music comme le « futur de la musique ». Sây sont succĂ©dĂ©s, entre autres, Coline & Toitoine, Condore, Stace ou encore Ana Diaz. Le tout est Ă voir ou Ă revoir sur la chaĂźne YouTube de Durbuy Music, ce nouveau studio dâen registrement nichĂ© au creux dâune nature trĂšs inspirante.
TopApexDurbuyCrolles(lapeufra)NatureSessionsTen10deGoûteMesDisques
DĂ©but juin, Netflix prĂ©sentait sa âNouvelle Ăcoleâ, une compĂ©tition style The Voice mais dĂ©diĂ©e au rap. 24 candidats se sont affrontĂ©s dans des battles, freestylesâŠ, sous lâĆil de trois personnalitĂ©s bien identifiĂ©es du rap francophone : SCH, Shay et Niska. Câest un Belge qui a Ă©tĂ© lâĂ©lu de cette premiĂšre Ă©dition, Fresh, qui cartonne depuis lors avec un premier EP dĂ©jĂ certifiĂ© or, un album Ă sortir Ă la rentrĂ©e et plus de 200.000 auditeurs mensuels sur Spotify seule ment. Dingue.
Crolles, ce sont deux comĂ©diennes bruxelloises Ă la tignasse rebelle. Deux voix en harmonie totale qui passent a cappella du jazz au slam, du rap Ă la chanson, en vous faisant le plein dâhu mour. SĂ©lectionnĂ©es par le Parcours Francofaune, le dispositif dâaccompagnement artistique du festival du mĂȘme nom, les deux crollĂ©es seront sur scĂšne Ă lâoccasion de lâĂ©dition 2022 de la manifestation, le 8 octobre au BRASS Ă Forest.
suivreĂ Affaires
LâĂ©tĂ© touche Ă sa fin mais il est encore temps de sâenfiler les 10 podcasts incontournables recensĂ©s par GoĂ»te Mes Disques, une vraie source dâinformations culturelles de qualitĂ© en FĂ©dĂ© ration Wallonie-Bruxelles. Une sĂ©rie de dix podcasts abordant la musique dans tous ses Ă©tats, de la scĂšne alternative musicale belge au âGuide de survie pour musicien·nesâ, en passant par les coulisses du mĂ©tier de DJ, autant de sujets passionnants pour celles et ceux qui sâintĂ©ressent au milieu musical!
Stromae vit un Ă©tĂ© chaud bouillant. AprĂšs ses concerts Ă Werchter Boutique et aux Ardentes, lâartiste sâest fendu dâune vidĂ©o pour dĂ©fendre les couleurs du single Mon Amour. AccompagnĂ© de la chanteuse SonbrouettesasemestreFrance,chiffresĂ etCettetourdâun(recyclĂ©avantaueffetfoule,TorseconcertsĂ dutitesâestparts,tĂ©.Ă©missionstementsecondvoixvientCabello,no-amĂ©ricainecubaCamillaleBruxelloisdedonnerdeladansunclip,trĂšsdegrĂ©etdirecinspirĂ©despiresdetĂ©lĂ©rĂ©aliPlĂ©biscitĂ©detoutesPaulVanHaveraussifaitunepeplacesurlascĂšnestadeRoiBaudouinlâoccasiondelâundesdeColdplay.nudevantlaChrisMartinaendĂ©clarĂ©saflammechanteurbelge,dâenfilerunt-shirt?)tamponnĂ©messagesansdĂ©:âILoveStromaeâ.attentionpubliquemĂ©diatiquesetraduitprĂ©sentdanslesdeventes.Enlorsdupremier2022,StromaeĂ©coulĂ©quelquesdedisques.album
Sources de revenus des Participezmusicien·nesĂ lâenquĂȘtedelâIAO !
Roméo Elvis
Pas de tournĂ©e française Ă la rentrĂ©e ! « Notre incapacitĂ© technique Ă pouvoir rĂ©a liser les diffĂ©rents concerts nous contraint Ă les annuler dĂšs maintenant sans dates de report prĂ©vues », a annoncĂ© le rappeur dans un communiquĂ© postĂ© dans ses stories sur Instagram. Sont toutefois maintenues quelques prestations dans divers festivals ainsi que LA date de la tournĂ©e, Ă savoir celle de lâAccor Arena, prĂ©vue le 24 no vembre 2022 Ă Paris (Bercy). Une annula tion qui souligne les difficultĂ©s du secteur. Car lâĂ©tĂ© a Ă©tĂ© meurtrier en Europe pour les festivals et les diverses manifestations dâampleur qui ont pour certaines peinĂ© Ă trouver leur public vu la plĂ©thore dâĂ©vĂ©ne ments proposĂ©s. Des Ă©vĂ©nements qui ont rencontrĂ© par ailleurs de gros problĂšmes dâapprovisionnement en matĂ©riel technique et qui souffrent dâune pĂ©nurie de main dâĆuvre qualifiĂ©e (et dĂ©jĂ sur-sollicitĂ©e ces derniers mois). Et comme lâon dit toujours dans ces cas-lĂ : « les remboursements se fe ront automatiquement Ă travers les diffĂ©rents points de vente concernĂ©s »
Une personnalitĂ© Ă part Manager du groupe Girls In Hawaii, instigateur de lâagence artistique Nada Booking, co-fondateur des labels 62TV Records (Sharko, Jawhar, Ada Oda) et Trente FĂ©vrier (Saule, Françoiz Breut), Pierre Van Braekel est dĂ©cĂ©dĂ© prĂ©matu rĂ©ment. Il avait 59 ans. Dâabord musicien, Pierre Van Braekel sâest rapidement dĂ©cou vert un goĂ»t et une vĂ©ritable vocation dans le management artistique et le booking. Premier tourneur francophone du groupe dEUS, lâhomme nâa jamais cessĂ© de dĂ©cou vrir des artistes Ă©mergents et de soutenir sur le long court les carriĂšres dâartistes dont il se sentait proche. Amateur de mĂ© lodies, fan de rock et de bonnes chansons, Pierre Van Braekel avait ses principes, une connaissance aiguisĂ©e du paysage musical et, surtout, une personnalitĂ© Ă part, pleine dâhumour. Toutes nos pensĂ©es vont Ă sa famille et Ă ses proches, Ă ses collĂšgues, ses camarades dâun jour ou de toujours. Une soirĂ©e exceptionnelle avec de nombreux artistes proches de Pierre aura lieu le 27 septembre au Botanique.
LâIAO est une super-fĂ©dĂ©ration regroupe 10 organisations nationales qui travaillent Ă reprĂ©senter et dĂ©fendre les droits des artistes dans le secteur musical. FACIR (la FĂ©dĂ©ration â belge â des Auteur·rices, Compositeur·rices et InterprĂštes RĂ©uni·es qui regroupe plus de 800 musicien·nes, tous styles musicaux confondus) fait partie des cofondatrices. Participez Ă lâenquĂȘte : iaomusic.org/survey-french
Responsable du dĂ© partement formationssesconnaissancestouteilCesBelgiquelatoujoursGilbertsesmentpourdâautresClaraKendjiPuggy,deconstruirelâhommenicationspĂ©cialisteMĂ©lomanelequittĂ©sLedermanBelgique,dâUniversalfrancophoneMusicGilbertnousaprĂ©maturĂ©mentvendredi1erjuillet.etpianiste,encommuetmarketing,aparticipéà lescarriĂšresMaurane,Stromae,Calogero,Girac,Louane,Lucianiettantencore.Connusoninvestissesanspareiletjudicieuxconseils,Ledermansâestconsacréà vieartistiqueenfrancophone.derniĂšresannĂ©es,adâailleursdĂ©montrĂ©lâĂ©tenduedeseslorsdeinterventionsauxorganisĂ©esparleConseildelaMusique.CapablederepĂ©rerlesartistesdedemainetdelespromouvoir,GilbertLedermanlaissedâexcellentssouvenirsderriĂšrelui.ClaraLuciani,KendjiGirac,CharlesouLouaneluiontdâailleursrendudevibrantshommagessurscĂšneousurlesrĂ©seauxsociaux,justeaprĂšsavoirprisconnaissancedesadisparition.ToutesnospensĂ©esvontĂ safamilleetĂ sesproches.
6Larsen Septembre, octobre 2022 En vrac En
vracâŠStromaecartonneenFranceAutopdesventesdâalbums
snepmusique.com
Disparition de Pierre Van Braekel
DécÚs de lesLedermanGilbertLedeuil&hommages
Le centre pour musicien·ne·s Volta, un espace de co-working situĂ© actuellement rue de la Petite Ăle Ă Anderlecht, est Ă la recherche dâun nouveau bĂątiment. Nombre dâartistes de la FĂ©dĂ©ration WallonieBruxelles ont pu bĂ©nĂ©ficier de leurs ser vices aux dĂ©tours dâune rĂ©sidence, dâune sĂ©ance de coaching ou dâune performance. Aujourdâhui, aprĂšs cinq annĂ©es de bons et loyaux services, lâĂ©quipe en place doit af fronter un nouveau dĂ©fi: trouver un nouveau lieu Ă mĂȘme dâaccueillir toutes leurs activi tĂ©s. Ils font ainsi appel Ă leurs rĂ©seaux et Ă la collectivitĂ©. Vous avez une idĂ©e de bĂątiment? Dâun minimum de 2.500mÂČ, dans un envi ronnement non-rĂ©sidentiel et bien desservi en transports en commun dans la RĂ©gion Bruxelles-Capitale? Vous pouvez prendre contact en envoyant Ă mail Ă building @volta.brussels. Merci dĂ©jĂ pour eux·elles.
LâIAO International Artist Organisation of Music veut en savoir plus sur les sources de revenus des musicien·ne·s et surtout la part quâoccupe aujourdâhui le streaming. Lâassociation veut rĂ©colter des donnĂ©es importantes afin dâĂ©laborer une meilleure solution Ă©conomique pour les artistes.
Multitude arrive ainsi en troisiĂšme position du Top 200 des ventes (streams audio + objets physiques), juste derriĂšre Orelsan et Ninho. Notons, par ailleurs, quâAngĂšle (17e), Damso (21e) et Green Montana (73e) rĂ©alisent, eux aussi, Plusperformances.dâexcellentesdâinfos?
VoltaRechercheBrusselsmaison
16% supplémentaires au budget
ImplantĂ© en plein cĆur de Roture, Le Lion Sâenvoile est un haut lieu de la nuit liĂ©geoise. ConfrontĂ© Ă la crise sanitaire et Ă de lourdes pertes lâancienfinanciĂšres,propriĂ©taire des lieux a finalement pris la dĂ©cision de se sĂ©parer de son bien. Initiale ment mis en vente pour 155.000 euros, lâĂ©tablis sement sâest vendu aux enchĂšres. Les nouveaux repreneurs, la coopĂ©ra tive Dynamo Coop et le Comptoir des Res sources CrĂ©atives, ont posĂ© 261.000 euros sur la table afin dâacquĂ©rir lâenseigne. SituĂ© juste Ă cĂŽtĂ© de la salle du KulturA, le bĂątiment est actuellement en piteux Ă©tat. Pour rĂ©habiliter les lieux et porter de nouvelles activitĂ©s culturelles entre les murs du Lion Sâenvoile, les nouveaux propriĂ©taires estiment quâil faudra dĂ©bourser plus dâun million dâeuros. En vue dâatteindre ce montant, les deux patrimonialentiquelâoffreannoncĂ©velleconnaĂźtreclubprochainslĂ©gendaires.mentWheelerBilltherine,Thielemans,jazzcommeSâenvoiledeslocales.rositĂ©participatifsurcomptentassociationsbeaucouplefinancementetlagĂ©nĂ©descollectivitĂ©sCrééaudĂ©butannĂ©es1980,leLionsâestimposĂ©unhautlieuduenBelgique.TootsPhilipCaSteveColeman,FrisellouKennyyontnotamjouĂ©desconcertsDanslesmois,lâanciendejazzvadoncunenouvieaveclâobjectifderenforcerculturelleetartisduquartier,toutprĂ©servantlecachetdeslieux.
LâattachĂ©e de presse Catherine Grenier nous a quittĂ©s. Elle est dĂ©cĂ©dĂ©e, dans la nuit du samedi 20 aoĂ»t, des suites dâune âlongue maladieâ. Un sourire. Du dynamisme Ă revendre. Une abnĂ© gation Ă toute Ă©preuve. Catherine Grenier Ă©tait lâĂąme de lâagence de promotion M.A.P., mais aussi partie intĂ©grante de lâentreprise commune The Publicists. Passion nĂ©e, toujours Ă lâĂ©coute de son coeur et de ses goĂ»ts musicaux, lâatta chĂ©e de presse a mis ses compĂ©tences et toute son Ă©nergie au service de nombreux artistes qui se reconnaĂźtront. Toutes nos pensĂ©es vont Ă sa famille et Ă ses proches, Ă ses collĂšgues et ses ami.e.s.
Parmi celles-ci, lâensemble Ictus qui sâĂ©tait retrouvĂ© en fĂącheuse position. Selon le gouvernement flamand, ces organisations âcontribuent de maniĂšre particuliĂšre Ă notre riche culture flamandeâ
Les 100 StromaepréférésartistesdesFrançaisetAngÚleausommet
En collaboration avec le site spĂ©cialisĂ© Riffx, le CrĂ©dit Mutuel vient de dĂ©voiler la liste des 100 artistes ou groupes prĂ© fĂ©rĂ©s des Français·e·s. Ă lâarrivĂ©e, câest une nouvelle victoire de Jean-Jacques Goldman. Le chanteur, qui vient de fĂȘter ses 70 ans, nâa pourtant plus rien sorti depuis vingt ans ! Il reste toutefois lâune des personnalitĂ©s les plus apprĂ©ciĂ©es chez nos voisins français. Juste derriĂšre JeanJacques Goldman, en embuscade, Stromae at tend son heure. Lâartiste bruxellois se hisse en effet Ă la deuxiĂšme place du classement 2022, Ă la suite de son retour Ă©vĂ© nement au mois de mars avec lâalbum Multitude Le podium est complĂ©tĂ© par Indochine, groupe inoxydable emmenĂ©
Concours International de ChefsdâOpĂ©radâOrchestreLeslaurĂ©ats
Maison PoĂšme
Les deux associations, jusquâici nomades, avaient remportĂ© lâappel Ă projets de la commune de Saint-Gilles et sâattĂšlent depuis plusieurs mois Ă remettre le lieu en Ă©tat de marche, tout en y organisant rĂ©sidences, ateliers, crĂ©ations artistiques. Passez leur dire bonjour !
Un nouveau regard Ă la direction AprĂšs 28 ans de bons et loyaux services, Charles Gardier et Jean Steffens laissent leurs places Ă la tĂȘte des Francofolies de Spa. Co-directeurs depuis la premiĂšre Ă©dition en 1994, ils passent le flambeau Ă Yoann FrĂ©dĂ©ric. Ancien chef de projet au sein de lâagence Impact Diffusion, il a collaborĂ© Ă la mise en place de nombreux rassemblements Ă©vĂšnementiels et culturels bien connus du public en FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles (Francofolies de Spa et de Kinshasa, FĂȘtes de Wallonie, Brussels Summer Festival, Vibrations, etc.). Il fut Ă©galement coordinateur gĂ©nĂ©ral du festival Les SolidaritĂ©s Ă Namur durant cinq Ă©di tions. Yoann FrĂ©dĂ©ric officie actuellement comme 5e Ă©chevin au collĂšge communal de la Ville de Spa. FĂ©licitations et bienvenue Ă la nouvelle direction qui prendra place dĂšs le 1er octobre.
DécÚs de Catherine Grenier Le secteurendeuillémusical
Le gouvernement flamand dĂ©pensera 178,5 millions dâeuros en subventions culturelles pendant les cinq prochaines annĂ©es (20232027), soit environ 25 millions dâeuros de plus que lors de la derniĂšre pĂ©riode. Un budget supĂ©rieur de surcroĂźt de plus de 16% au budget initial prĂ©vu. Le gouvernement a effectivement tenu compte de la forte crois sance de lâinflation et tous les montants des subventions ont Ă©tĂ© ajustĂ©s Ă la hausse.
Le Toneelhuis (Anvers), le plus grand théùtre urbain de Flandre, recevra finale ment des subventions malgrĂ© un avis nĂ©ga tif. Troubleyn, la compagnie de Jan Fabre, ne recevra quant Ă elle plus dâargent.
Câest ouvert !
Toutes les organisations qui ont reçu une Ă©valuation positive de la part des commis sions dâĂ©valuation seront subventionnĂ©es.
par Nicola Sirkis. Aux portes du Top 10, AngĂšle occupe dĂ©sormais le 13e rang du classement, entre Julien DorĂ© (12e) et Calogero (14e). Notons Ă©galement la prĂ©sence dâAxelle Red (77e). Tout le classement sur riffx.fr
La soprano Louise Foor sélectionnée
Le Concours de chant lyrique Operalia, fondĂ© en 1993 par PlĂĄcido Domingo et ouvert aux plus grandes voix du monde, se tiendra cette annĂ©e du 24 au 30 octobre Ă lâOpĂ©ra National de Lettonie. Rendez-vous incontournable et fortement prisĂ©, Operalia sâadresse aux chanteuses et chanteurs ĂągĂ©s de 18 Ă 32 ans. Au lendemain dâune minutieuse campagne de prĂ©sĂ©lection, le concours connaĂźt dĂ©sormais les noms des 35 candidat·e·s en lice pour lâĂ©dition 2022. La sĂ©lection propose un panel de 16 femmes et 19 hommes avec une forte reprĂ©sentation de voix amĂ©ricaines et sud-corĂ©ennes. Parmi les 35 candidatures retenues, le nom de la soprano belge Louise Foor retient tout particuliĂšrement notre attention. NĂ©e Ă Mons en 1996, Louise Foor est membre de la Chapelle Musicale Reine Ălisabeth. Lau rĂ©ate du Concours international Le Triomphe de lâArt Ă Bruxelles en 2016, Premier Prix au Concours international Virgilijus Noreika Ă Vilnius, la soprano est Ă©galement laurĂ©ate de lâAcadĂ©mie des ChĆurs du Théùtre Royal de la Monnaie. La Montoise va mainte nant tenter dâinscrire son nom au palmarĂšs dâOperalia.
la poésie et FrancoFaune. Elle a officiel lement ouvert ses portes ce 11 septembre.
Le gouvernement flamand a Ă©galement repĂȘchĂ© neuf organisations / institutions qui avaient reçu elles aussi un premier avis nĂ©gatif de la commission dâexperts et qui risquaient de perdre leurs subventions.
Francofolies de Spa
La Maison PoĂšme, ex-Théùtre PoĂšme, situĂ©e Ă Saint-Gilles (rue dâEcosse, 30), a Ă©tĂ© reprise conjointement par les Midis de
7Larsen Septembre, octobre 2022 En vrac
La Flandre généreuse avec la Culture ?
Le Lion Sâenvoile connaĂźt ses annoncĂ©eRenaissancemaĂźtresdâunclubmythique
Concours de chant lyrique Operalia
La seconde Ă©dition du concours liĂ©geois, organisĂ© par lâOpĂ©ra Royal de Wallonie, a sacrĂ© le pĂ©ruvien Dayner Tafur-Diaz, qui sera invitĂ© Ă diriger une production lyrique durant la saison 2023-2024. Le deuxiĂšme prix du concours est allĂ© au belgo-amĂ©ri cain Giulio Cilona, qui sera invitĂ© Ă diriger une production jeune public. Le troisiĂšme a Ă©tĂ© attribuĂ© Ă Luis Toro Araya (Chili), qui sera engagĂ© en tant quâassistant pour une production dâopĂ©ra.
Lâentretien WILLEMSDANNY© # album # ultime
Arno
8Larsen Septembre, octobre 2022 Lâentretien
Câest ce 30 septembre que nous arrivera Opex, lâultime album de lâirremplaçable Ostendais de Bruxelles, dĂ©cĂ©dĂ© le 23 avril de cette annĂ©e. Un disque voulu et conçu jusquâĂ la derniĂšre note par lâartiste, de sorte quâil occupera une place Ă part dans le paysage touffu des sorties post-mortem.
MĂȘme pas mort !
TEXTE : DIDIER STIERS
trĂšs respectĂ©. Jâavais beaucoup dâaf fection pour Arno parce que câest un artiste qui Ă©tait attachant. Il y avait quelque chose de gentil en lui et les QuĂ©bĂ©cois sont trĂšs sensibles Ă cela.
Un mot sur le morceau Court-circuit dans mon esprit, repris de Santeboutique, en duo avec Sofiane Pamart sur cet album ?
Quand Arno a-t-il commencĂ© Ă Ă©voquer ce projet ? Lâhistoire est assez simple. On a eu lâopportunitĂ© dâarranger une session avec Radio 1 (lâĂ©quivalent nĂ©erlandophone de notre PremiĂšre,â ndlr), Ă la fin de lâannĂ©e passĂ©e. On nâavait pratiquement fait aucune promo et puis, il allait plus mal que ce quâon avait imaginĂ©, ça nâa donc pas Ă©tĂ© facile pour lui. Mais le concert Ă©tait chouette, assez Ă©mouvant. Quand il est sorti de scĂšne, il Ă©tait avec nous, câest-Ă -dire sa maison de disques, Cyril, son manager (Cyril Prieur,â ndlr) et Teddy, son agent de concerts (Teddy Hillaert,â ndlr). Il nous a dit de but en blanc : « Le mĂ©decin mâa annoncĂ© que ce serait entre quatre et six mois⊠». Il nous a regardĂ©s : « Teddy, je veux encore faire des concerts ! Damien, je veux encore faire un disque ! Et Cyril, tu tâoccupes de tout ! ». Câest comme ça que ça a Ă©tĂ© lancé⊠Il a fait lâAB et Ostende, parce que câĂ©tait aussi moins fatigant, vu quâil pouvait retourner chez lui aprĂšs les concerts. Comme il le disait en rigolant : « La diffĂ©rence, câest que maintenant, je fais le concert, puis pipi et dodo ».
VoilĂ qui nous ramĂšne un peu au Blackstar de David Bowie ! Oui, sauf que ce disque est sorti la veille ou lâavant-veille de sa disparition⊠Mais il y a de ça : câest un disque quâArno a validĂ© Ă cent pour cent. Câest dâailleurs aussi en raison de la virulence de son cancer quâil a commencĂ© assez tĂŽt Ă en par ler. On ne voulait surtout pas quâon imagine que ce serait un disque fait de chutes, de bricoles, dâunreleased tracks⊠Tous les morceaux qui sont lĂ ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s pratiquement sur la mĂȘme session.
En passant par lâICPâŠ
En tant que label, jusquâoĂč avez-vous âaccompagnĂ©â la crĂ©ation du disque ?
En matiĂšre de communication et de promotion, comment va-t-on traiter cette sortie chez PIAS ? Ce nâest pas une sortie ânormaleâ⊠Tout nâest pas encore totalement dĂ©fini mais pour les raisons que je viens dâĂ©voquer, on nâa pas envie de commencer Ă faire parler tout le monde du projet. En vĂ©ritĂ©, Ă part Mirko, son fidĂšle musicien (Mirko Banovic, son bassiste, ndlr), il nây a pas grand monde autour dâArno qui puisse vraiment tĂ©moigner de ce qui sâest passĂ© en studio, du comment et du pourquoi. Mirko Ă©tait assez impliquĂ© sur les derniers albums, y compris Vivre. Il ârassuraitâ Arno et il maĂźtrise bien son rĂ©pertoire. Mais ici, on ne sâest pas dit quâon allait donner de longues interviews ou demander Ă des gens de tĂ©moigner. Il nâest pas dit que Mirko ne fera pas quelque chose, style Radio 1, mais lâidĂ©e nâest pas dây consacrer deux journĂ©es de presse avec lui ou avec Danny Willems, le photographe et ami de toujours dâArno. Je nâai pas envie de refaire un spĂ©cial Arno, de revenir sur toute sa carriĂšre, ce nâest pas lâidĂ©e. En rĂ©alitĂ©, ce quâon fait lĂ , câest âaccomplir ses derniĂšres volontĂ©sâ : il avait encore envie de faire un disque, il avait Ă©crit des morceaux, il voulait faire de la musique avec son fils, aprĂšs les concerts quâil a fait Ă lâAB et qui lui avaient redonnĂ© un coup de dash au niveau crĂ©atif.
Et de lâautre cĂŽtĂ© du Grand Bleu ? Pareil : Arno y connaissait une certaine notoriĂ©tĂ©. « Bien sĂ»r, ici, il nâavait sĂ»rement pas la mĂȘme envergure quâen Belgique, commente Patrick Baillargeon, journaliste Ă MontrĂ©al. On se comprend, il nâest pas quĂ©bĂ©cois, mais il Ă©tait trĂšs aimĂ©,
9Septembre, octobre 2022Larsen Lâentretien
I
Damien Waselle : Oui, il va sortir de maniĂšre posthume, mais il a Ă©tĂ© Ă cent pour cent validĂ© par Arno puisque câest lui qui lâa enregistrĂ©, qui lâa mis en boĂźte et ce, je ne vous apprends rien, malgrĂ© la maladie. Ce nâest pas un disque quâon aurait conçu avec des chutes de studio ou des fonds de tiroir. Il nây a aucune chanson qui nâa pas Ă©tĂ© enregistrĂ©e et validĂ©e par lui-mĂȘme. Il les a toutes entendues, il Ă©tait lĂ au mix, il Ă©tait là ⊠tout court. En lâoccurrence, oui, ce qui est bizarre, câest de le sortir alors quâil nâest plus de ce mondeâŠ
Câest un morceau qui date des sessions de Vivre, quâils avaient composĂ© ensemble mais qui ne se mettait pas bien sur cet album-lĂ . Quand Arno a recommencĂ© Ă bosser, il a rappelĂ© Sofiane pour lui dire que ce serait cool de le reprendre. Et donc voilĂ , il lâa enregistrĂ© avec lui.
Comme souvent avec Arno, il a tout fait tout seul. Alors oui, comme Ă chaque fois, on a Ă©tĂ© en studio, on a Ă©coutĂ© les mor ceaux, on en a discutĂ©, on a rĂ©flĂ©chi Ă plein de choses. Mais en gĂ©nĂ©ral, Arno entrait en studio et savait ce quâil voulait faire. On a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© plus âimpliquĂ©â pour lâalbum avec Sofiane Pamart, parce que lĂ , câĂ©tait une idĂ©e du label et Arno ne connaissait pas Sofiane. Mais câest Ă©galement Arno qui a choisi les morceaux qui sont sur Vivre, mĂȘme si on a Ă©coutĂ© le tracklisting et quâon en a discutĂ©. Ă la fin, câest quand mĂȘme souvent lui qui dĂ©cidait de tout.
Notre Ostendais prĂ©fĂ©rĂ© a bel et bien conquis la francopho-nie. Ă des degrĂ©s divers. « CâĂ©tait quelquâun, par exemple, que France Inter a toujours soutenu, rappelle Damien Waselle, encore Ă©tonnĂ© par lâampleur de la couverture journalistique de son dĂ©cĂšs. Il faisait partie de ces artistes qui ont un public fidĂšle et loyal. Chaque fois quâil tournait en France, il faisait entre 40 et 60 concerts, si pas plus. Et câĂ©tait toujours plein de monde. Il avait vraiment son public. AprĂšs, je nâai pas travaillĂ© avec lui pendant sa pĂ©riode faste en France, quand il Ă©tait chez Virgin et quâil a âtout explosĂ©â. Mais on voit vraiment que tous ceux qui lâont dĂ©couvert Ă ce moment-lĂ lui sont restĂ©s fidĂšles. Avec Vivre, je me suis aussi aperçu que dans toute la nouvelle gĂ©nĂ©ration de mes collĂšgues français, oĂč certains le connaissaient, mĂȘme un peu de loin, on avait envie de bosser pour lui. Mes collĂšgues français lâadoraient ! ».
On a bookĂ© des sessions Ă lâICP (studio dâenregistrement rĂ©putĂ© Ă Bruxelles,â ndlr) et puis, il savait ce quâil devait faire, il avait des trucs en tĂȘte. Il enregistrait un peu âcontre la montreâ, forcĂ©ment⊠Le seul morceau quâil nâa pas entendu, câest le duo avec Mireille Mathieu. Comme on le sait, ils nâĂ©taient pas en semble en studio⊠et le hasard malheureux a voulu quâil dĂ©cĂšde pendant quâelle enregistrait. Câest Cyril, qui Ă©tait lĂ -bas (Ă Pernes-les-Fontaines, prĂšs dâAvignon,â ndlr) qui lui a annoncĂ© la nouvelle quand elle est sortie de la cabineâŠ
Tout petit comité
Parlons plutĂŽt de âsortie posthumeâ, alors ?
Ailleurs en francophonie « Pour moi, Arno, ça a Ă©tĂ© trĂšs tĂŽt dans la vie, raconte Jean-Baptiste Goubard, le transfuge français de Luik Records oĂč il exerce comme label manager et A&R. Ă cause du morceau Jean Baltazaarrr que je chantais avec ma mĂšre, Ă©tant petit. Ă lâĂ©poque, en tant que âJBâ moi aussi, câest vite devenu un de mes surnoms. Mais dans mon entourage Ă Tours, le nom dâArno a toujours Ă©tĂ© accompagnĂ© derespect. Je suis issu dâune famille peu musicienne mais totalement mĂ©lomane, qui nâhĂ©sitait pas Ă se moquer de certains groupes (coucou Indochine). Et des anecdotes comme celle-lĂ , jâen ai quelques-unes. Ă OuĂŻ FM oĂč jâai Ă©tĂ© un an, ce mĂȘme morceau passait souvent. Les yeux de ma mĂšre est aussi un morceau qui a touchĂ© beau coup de proches. Je nâaurai jamais eu lâoccasion de le voir en live. Mais pour moi, câest un artiste Ă lâinstar dâun Jacques Dutronc, mais en plus engagĂ© et punk. »
Un peu comme Rachid Taha, qui a Ă©tĂ© adoptĂ© au QuĂ©bec. Câest vraiment ça, le lien quâil y avait entre lui et le public dâici ! ».
l se cache jusque dans le titre mĂȘme de son dernier album, Arno⊠« Opex, câest en effet aussi le nom qui a Ă©tĂ© donnĂ© au quartier des pĂȘcheurs et des ouvriers construit Ă la fin du 19e siĂšcle dans la ville cĂŽtiĂšre, histoire de ne plus trop les voir mĂ©langĂ©s avec les touristes alors de plus en plus nombreux. » Une chanson avec Sofiane Pamart, un duo rĂȘvĂ© avec Mireille Mathieu, dix morceaux en tout : il sâagira donc bel et bien dâun âvraiâ disque dâArno. « Je ne sais pas si on peut vraiment le qualifier dâalbum posthume », nous dit Damien Waselle, directeur de PIAS Belgique.
Ăa⊠On va sortir ce disque, qui est trĂšs beau je trouve, câest un trĂšs bon disque dâArno. Il y a longtemps quâil nâavait plus en registrĂ© un album aussi âaccessibleâ et homogĂšne. On va faire ce quâil nous a demandĂ© de faire, en somme. Et jâespĂšre que le public sera au rendez-vous, parce que câest toujours sympa de voir que la musique dâun artiste comme lui continue Ă ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e. Mais ce nâest pas non plus Johnny Hallyday pour qui il y aurait eu quarante-cinq tĂ©moignages !
Le public sera au rendez-vous ?
10Larsen Septembre, octobre 2022 Lâentretien
ment, vous vous en doutez bien, sa disparition a fait que ce disque sâest re-vendu. CâĂ©tait son dernier album, il y avait une Ă©motion, ce nâĂ©tait pas une rĂ©trospective puisquâil nâavait pas choisi les morceaux dans cet esprit. Mais avant mĂȘme son dĂ©cĂšs, Vivre est un album qui avait dĂ©jĂ pratiquement vendu le double ce quâArno avait chaque fois vendu pour ses trois derniers. Donc oui, quelque chose se passe⊠On a une petite Ă©dition limitĂ©e en prĂ©-commande via la boutique et lĂ , on a vu tout de suite un gros dĂ©marrage. Maintenant, est-ce que tous les gens qui ont aimĂ© Vivre vont acheter celui-ci ? Je ne crois pas. Mais je crois par contre que les gens qui suivent Arno depuis toujours, entendront son dernier disque et ne seront pas déçus. Sâil nây avait eu que trois titres de mis en boĂźte, on nâaurait sĂ»rement pas âcomplĂ©tĂ©â avec quoi que ce soit dâautre. Encore une fois, câĂ©tait lâessentiel pour moi : on sortait un vrai album ou on ne sortait rien !
Les disquaires attendent cet album avec impatience ? Il y a une forte demande de leur cÎté ?
On sent que le disque est attendu, oui. Vivre avait cartonnĂ©, enfin, toutes proportions gardĂ©es, on ne va pas comparer avec AngĂšle⊠Mais il y avait longtemps quâArno nâavait plus vendu autant dâalbums. Et ce avant mĂȘme son dĂ©cĂšs. Ăvidem
WILLEMSDANNY©
Johnny
Au dĂ©but, les deux, trois premiers jours, il y avait cette nostal gie qui Ă©tait lĂ et puis, ensuite, on est allĂ© de lâavant. On devait tracer car il y avait un dĂ©lai assez short ! »
Lâentretien11Larsen Septembre, octobre 2022
David Bowie, Black Star, 2015
Dans la jungle des albums posthumes
Plus rassurant sont Ă©videmment les albums dont on sait quâils Ă©taient plus ou moins voulus par leurs auteurs. Welcome2America, par exemple, enregistrĂ© en 2010 par Prince et restĂ© inĂ©dit jusquâen juillet 2021. Ou Je suis africain, que Rachid Taha avait presque fini dâenregistrer et de mixer quand il a Ă©tĂ© terrassĂ© par une crise car diaque, et qui verra le jour un an aprĂšs sa disparition.
Chez Daptone Records, on sort Soul of a woman et Black velvet une fois les dĂ©cĂšs de Sharon Jones et de Charles Bradley surve nus, en 2016 et 2017. Jimi Hendrix est, lui, un habituĂ© du post-mor tem⊠à son corps dĂ©fendant. Le plus marquant pour lui, peut-ĂȘtre : First rays of the new rising sun, en 1997. Ce disque-lĂ comble alors les fans qui attendaient le quatriĂšme album du Gaucher : conçu Ă lâinstigation de sa famille par Eddie Kramer, lâingĂ©-son, il tire la quin tessence des premiĂšres sorties postĂ©rieures au dĂ©cĂšs dâHendrix.
En gĂ©nĂ©ral, les fans ne crachent pas sur un album posthume. Reste que la manoeuvre nâest jamais sans soulever quelques ques tions. Comme : hommage ou irrespect ? Surtout sâil sâagit dâan ciens titres que lâartiste nâa pas voulu sortir en leurs temps. Autre question encore, aussi cruciale : Ă qui cela profite-t-il vraiment ? Tout dĂ©pend souvent des intentions du label, des ayants droit ou⊠de lâartiste lui-mĂȘme. Si Blackstar faillit ĂȘtre un disque posthume puisquâil est paru le 8 janvier 2016, soit deux jours avant le dĂ©cĂšs de David Bowie, Closer, le deuxiĂšme et dernier album de Joy Division, par exemple, a vu le jour â dans les bacs âle 18 juillet 1980 mais reprend des morceaux Ă©crits (et dĂ©jĂ jouĂ©s pour certains) en 1979 et 80. Donc avant le suicide de Ian Curtis. Chef-dâoeuvre du post punk ! Magnifique Ă©galement : Nirvana, unplugged in New York, sorti le 1er novembre 1994, soit prĂšs de sept mois aprĂšs le suicide de Kurt Cobain. Le label voulait un live de Nirvana, alors Dave Grohl et Krist Novoselic finissent par opter pour les titres jouĂ©s pendant lâĂ©mission de MTV. Cet âunpluggedâ passe pour ĂȘtre lâalbum âposthumeâ le plus vendu au monde.
Nirvana, Unplugged in New York, 1994
Hallyday, diront les rieurs, aura quand mĂȘme rĂ©ussi Ă nous sortir deux albums aprĂšs son dĂ©cĂšs. Certes, ce nâest pas de sa faute⊠Reste que le disque posthume est gĂ©nĂ©ralement une petite entreprise qui ne connaĂźt pas la crise. Elvis Presley, Whitney Houston, Michael Jackson : on ne compte plus les artistes disparus qui, pourtant, ont continuĂ© voire continuent toujours Ă faire frissonner le tiroir-caisse Ă coups de disques conçus au-delĂ de leur disparition, pour de bonnes ou de trĂšs mauvaises raisons. La scĂšne rap et urbaine est tout aussi exemplaire de ce point de vue, plus rĂ©cemment encore depuis que les Mac Miller, Pop Smoke, Juice WRLD et autre XXXTentacion ont passĂ© lâarme Ă gauche.
Non mais oui Mais parfois, les labels se ravisent. Il suffit dâinsister un peu et dâavoir une bonne raison⊠DĂ©cĂ©dĂ©e le 7 mai 2018, Maurane prĂ©parait Ă lâĂ©poque un album de reprises de Jacques Brel, qui devait aussi marquer son retour aprĂšs deux ans dâabsence. Au moment de sa disparition, elle nâavait encore enregistrĂ© que des maquettes. Pour Polydor, pas question dĂšs lors dâen faire un disque. Sauf que Lou Villafranca, sa fille, voulait que ce âtĂ©moignage discographiqueâ de sa maman voit le jour. Ce sera donc chose faite le 12 octobre 2018. La sobriĂ©tĂ© est de mise, sur ce Brel, instillĂ© par le fidĂšle pianiste Philippe Decock, qui se charge Ă©galement des arrangements et de la production de ce disque posthume. « CâĂ©tait surrĂ©aliste, confiait Lou Ă la RTBF, ce nâĂ©tait pas toujours simple. On travaillait Ă lâenvers, ce nâĂ©tait pas facile de caler les musiciens sur la voix de Maurane.
Bien entendu, quand la seule motivation est le profit financier, en matiĂšre dâalbums posthumes, on tombe aussi sur des choses au-delĂ de lâindĂ©cence⊠Mentionnons par exemple ces duos qui nâont jamais existĂ© du vivant des artistes. Genre Presley et ses Christmas duets en 2008, ou The Notorious BIG et son Duets : The final chapter trois ans plus tĂŽt. Dans le mĂȘme style sans vergogne, notons aussi Michael, sorti un an et demi aprĂšs le dĂ©cĂšs du King Of Pop. On y compte trois titres chantĂ©s par un sosie vocal ! Sony a fini par admettre la chose mais prĂ©tendant avoir Ă©tĂ© trompĂ© par les producteurs les ayant fournis. Et GrĂ©gory Lemarchal, vous vous souvenez ? Dans sa discographie, on repĂšre lâalbum La voix dâun ange, sorti un mois et demi aprĂšs son dĂ©cĂšs, fourre-tout dâinĂ©dits et de reprises enregistrĂ©es pendant sa participation Ă la Star Acâ. Un paquet de singles, du live et des compiles ont encore suiviAlorsdepuisâŠoui, le âbusiness posthumeâ, câest un peu la jungle⊠Mais Anderson .Paak a, lui, dĂ©jĂ rĂ©solu le problĂšme, en se faisant tatouer sur lâun de ses avant-bras les mots que voici : « When Iâm gone, please donât release any posthumous albums or songs with my name attached. Those were just demos and never intended to be heard by the public. » LâidĂ©e a tellement bien plu Ă Lana Del Rey quâelle a dĂ©cidĂ© de faire apparaĂźtre ce genre de mention dans son testament, de sorte que tout projet contraire devra faire lâobjet dâune demande lĂ©gale.
Vos parents aiment-ils votre musique ?
12Larsen Septembre, octobre 2022 # rencontres
Avant dâaimer mes chansons, ils apprĂ©cient surtout lâidĂ©e que je mâadonne Ă la crĂ©ation. Puis, voir quâil y a un public pour Ă©couter ma musique, ça les rassure. Au dĂ©but, pour tant, ils semblaient un peu rĂ©ticents et insensibles Ă tout ça. Maintenant, câest diffĂ©rent : ma mĂšre Ă©coute attentivement mes morceaux. Il lui arrive mĂȘme de mâenvoyer des petits messages pour les commenter. Comme je partage des sentiments per sonnels dans mes chansons, les paroles enferment certaines vĂ©ritĂ©s sur ma vie intime. Dâordinaire, je ne parle jamais de ça avec mes parents. Du coup, ma mĂšre me redĂ©couvre Ă travers la musique.
Primero
EntamĂ©e au printemps dernier, Fragments est une sĂ©rie de plusieurs EP. Pourquoi avoir optĂ© pour ce format plutĂŽt que pour lâalbum ?
Avez-vous grandi dans un cercle familial dĂ©volu Ă la musique ? Pas vraiment. Ă la maison, nous avions des CD de Miles Davis, George Brassens, Suzanne Vega et Bobby Lapointe. Ăa se limitait à ça. Mes parents ne sont pas musiciens. En revanche, ils sont crĂ©atifs. Chez eux, lâart sâinvite au dĂ©tour du quotidien. Par exemple, quand ils me laissaient un petit mot sur la table avec la liste des trucs Ă acheter Ă lâĂ©picerie du coin, câĂ©tait tou jours poĂ©tique, super bien Ă©crit. Par ailleurs, mon pĂšre a beau coup de rĂ©partie et il adore les jeux de mots. Sans le savoir, il a vraiment Ă©veillĂ© ma passion pour la langue française.
En lançant les bases de la sĂ©rie Fragments, vous entamez une solide Ă©chappĂ©e solitaire. Ce nouveau projet marque-t-il la fin de LâOr du Commun ? Faire une carriĂšre en groupe, cela implique de faire des concessions. Que ce soit sur scĂšne, en studio ou sur le tournage dâun clip vidĂ©o, nous avons toujours cherchĂ© Ă Ă©voluer vers des formes de consensus. Câest la recette de notre longĂ©vitĂ©. VoilĂ dix ans que lâODC est notre prioritĂ© absolue. DĂ©sormais, le rapport de force tend Ă sâinverser. Dans les prochains mois, nos envies personnelles vont prendre le dessus sur le collectif. Ma carriĂšre solo nâinduit pas nĂ©cessairement la fin de LâOr du Commun. Au sein de lâĂ©quipe, lâentente est au beau fixe. Humainement, nous nous comprenons mieux que jamais. Cette comprĂ©hension mutuelle est notre plus grande force. Partant de lĂ , nous aurons certainement lâoccasion de nous rĂ©unir, un jour, pour de bonnes raisons.
TEXTE : NICOLAS ALSTEEN Cheville ouvriĂšre de LâOr du Commun, Primero fausse compagnie au groupe bruxellois afin de poser sa voix sur des rĂ©cits personnels. Parti en solitaire, le rappeur interroge le monde au dĂ©part de sa propre vie. Pour se raconter sans dĂ© tour, il prend lâoption Fragments : une sĂ© rie de EP rĂ©alisĂ©e avec lâaide de quelques producteurs (Le Motel, VYNK, PhasmâŠ) et de lâun ou lâautre collaborateur (RomĂ©o Elvis, Isha). LancĂ© dans cet Ă©tonnant ma rathon discographique, lâartiste marque une pause en compagnie de Larsen.
# solo # EP © ROMAIN GARCIN
En solo, je me considĂšre comme un artiste Ă©mergent. LâOr du Commun est certainement un nom qui parle aux gens, mais pas celui de Primero. LâidĂ©e avec cette sĂ©rie de EP, câest donc de rencontrer un public. En voyant la façon dont on consomme la musique aujourdâhui, je me voyais mal publier un album. Je me serais sans doute tirĂ© une balle dans le pied⊠Jâai beau coup de mal avec lâidĂ©e quâon puisse survoler un album et le consommer aussi vite quâun burger dans un fast-food. Quand
Avec LâOr du Commun ou en solo, cela fait dĂ©sormais dix ans que vous ĂȘtes dans le mĂ©tier. Vos aspirations musicales sont-elles les mĂȘmes quâĂ vos dĂ©buts ?
Primero : Au fil du temps, dĂ©jĂ , les influences musicales Ă©voluent. Avant, jâĂ©tais Ă fond dans le rap français. Je suis arrivĂ© Ă la musique en Ă©coutant Sniper, Kerry James, Akhenaton ou Lunatic. Aujourdâhui, je mâintĂ©resse Ă dâautres styles mu sicaux. RĂ©cemment, je me suis dĂ©couvert des affinitĂ©s avec des groupes de soul, de rock ou de R&B. Artistiquement, mon style a aussi Ă©voluĂ©. Ă mes dĂ©buts, je me plaçais dans un rĂŽle dâobservateur : les compos parlaient de ce que je voyais. Je me suis ensuite tournĂ© vers la fiction en pensant mes morceaux comme de vĂ©ritables scĂ©narios. Ă prĂ©sent, la musique est le rĂ©ceptacle de mes sentiments et de mon vĂ©cu. Câest beaucoup plus personnel quâautrefois.
« Jâai commencĂ© Ă 14 ans, retracet-il. Dans le milieu, jâĂ©tais un prĂ©maturĂ©. Aujourdâhui, je ne suis plus un enfant : je dois convaincre les gens que jâai Ă©voluĂ©. » Pour ça, il suffit de jeter une oreille Ă Pour que les Ă©toiles brillent, le troi siĂšme essai du self-made man.
Primero Fragments
Youssef Swattâs
dans un hĂŽtel guin dĂ© de la capitale, Youssef Swattâs reçoit Larsen autour dâun cafĂ©. Simple, dĂ©ten du et franchement avenant, le rappeur tournaisien vient de fĂȘter ses 24 ans. VoilĂ pourtant prĂšs dâune dĂ©cennie quâil traĂźne ses baskets dans les coulisses du rap indĂ©pendant. Vrai-faux artiste Ă©mergent, il aborde ainsi la sor tie de son troisiĂšme album avec la maturitĂ© dâun vieux briscard.
TEXTE : NICOLAS ALSTEEN
MAXIME LORAND
Les morceaux enregistrĂ©s sur Fragments reposent sur une Ă©criture directe, dense et raffinĂ©e. La littĂ©rature est-elle lâun de vos moteurs crĂ©atifs ?
Je ne lis pas autant que je le voudrais. Cependant, jâentretiens une relation trĂšs forte avec quelques ouvrages de rĂ©fĂ©rence comme Les IdentitĂ©s meurtriĂšres dâAmin Maalouf, par exemple.
©
Produit aux cĂŽtĂ©s dâEl Gaouli, beatmaker connu pour ses collaborations avec Demi Portion, Kool Shen ou LâHexaler, le nouvel album du Tournai sien aligne 17 titres dopĂ©s par une Ă©criture dense et incisive. Dans une veine boom-bap, son flow dĂ©bouche sur de solides morceaux (Solo, Remonter le temps), mais aussi sur un duo de dingo avec lâemblĂ©matique Oxmo Puccino (Le poids des mots). Ă lâĂ©cart des autoroutes goudronnĂ©es Ă lâAuto-Tune, Youssef Swattâs trace sa route Ă lâancienne, dans un style quâil serait tentant de qualifier de rap conscient. « Je ne prĂ©fĂšre pas, dit-il. Car cela sous-tend une forme de condescendance. Un peu comme si les autres formes de rap Ă©taient, par opposition, inconscientes⊠Lâengagement social traverse plusieurs de mes textes, mais je mâautorise aussi la possibilitĂ© dâĂ©crire des choses plus lĂ©gĂšres. Je com prends quâon puisse mâaccoler lâĂ©tiquette rap conscient mais, potentiellement, mon prochain album sera complĂštement diffĂ© rent. » On ne demande quâĂ voir. Vivement la suite.
# album# rap·indé
Ce bouquin mâa ouvert les yeux. En le lisant, jâai compris lâab surditĂ© des clichĂ©s. RĂ©sumer quelquâun Ă une seule facette de sa personnalitĂ©, câest forcĂ©ment rĂ©ducteur⊠Pour comprendre les gens, il faut accepter quâils soient porteurs de multiples sentiments. Dans un autre registre, je suis sensible aux romans dâanticipation signĂ©s par des auteurs comme Aldous Huxley ou George Orwell. Mais je nâirais pas jusquâĂ les prĂ©senter comme des sources dâinspiration.
« Jâai progressĂ© dans ce mĂ©tier de façon ultra naĂŻve. Ă 16 ans, par exemple, je dĂ©croche une scĂšne dans un grand festival. LĂ , les or ganisateurs me demandent oĂč est mon attachĂ© de presse. Je leur dis quâil nâest pas lĂ . La vĂ©ritĂ©, câest que je ne savais pas de quoi il Ă©tait question. Une personne ? Un objet ? Pas la moindre idĂ©e⊠Le lendemain, jâai dĂ» aller sur Goo gle pour me renseigner. » Pendant des annĂ©es, Youssef apprend sur le tas. LâexpĂ©rience acquise lâamĂšne dĂ©sormais Ă sâentourer dâune Ă©quipe compĂ©tente, mais aussi Ă conseiller les autres Depuis peu, il est ainsi manager du groupe Ă©lectro-pop Coline & Toitoine. « Jâaime jongler avec
Dans quel domaine puisez-vous vos meilleures idĂ©es pour la musique ? Dâabord dans ma propre vie. Ensuite, dans les films et les docu mentaires. Je connais tous les plans de 99 Francs, par exemple. Ce film de Jan Kounen est une adaptation du roman de FrĂ©dĂ©ric Beigbeder. Ce nâest pas un chef-dâĆuvre, mais chaque partie du film recĂšle dâidĂ©es qui, Ă mon sens, sont absolument gĂ©niales. Par ailleurs, je suis un grand fan de huis clos. RĂ©ussir Ă capter lâattention du public au dĂ©part dâun espace-temps ultra Ă©lĂ©men taire, ça me fascine. Dans le genre, il faut voir Locke, un thriller rĂ©alisĂ© par Steven Knight. Pendant tout le film, lâacteur est dans sa voiture, suspendu au tĂ©lĂ©phone. Au niveau du script et du rythme, le huis clos implique de redoubler dâinventivitĂ©. En tant quâartiste solo, je trouve ça hyper inspirant.
mes deux casquettes. Un jour, je suis lâartiste et on sâoccupe de moi. Le lendemain, je suis le manager et je prends soin des autres. Cela me permet dâajuster le curseur, de me prĂ©munir des vices de lâego trip. »
Attablé
Chaque collaboration sâinscrit dans le prolongement dâune relation humaine. Jâai besoin de me reconnaĂźtre dans le travail de lâautre, mais aussi dâavoir un rapport authentique dans lâĂ©change artistique. Pour ça, RomĂ©o Elvis et Isha Ă©taient des Ă©vidences.
AprĂšs un Ă©tĂ© qui lâa vu se produire au festival Lollapalooza ou aux cĂŽtĂ©s dâIAM, Youssef Swattâs dĂ©voile les dessous de son troisiĂšme album. Avec de multiples collaborations (Oxmo Puccino, Scylla et GaĂ«l Faye), Pour que les Ă©toiles brillent illumine la rentrĂ©e.
je compose, je soigne les dĂ©tails et je prends le temps de faire les choses correctement. Sortir plusieurs EP, câest donc une dĂ©claration dâintention, mais aussi le moyen de donner une meilleure visibilitĂ© Ă mes compos.
Labrique
13Larsen Septembre, octobre 2022 # rencontres
Chaque Ă©pisode de Fragments enferme un morceau enregistrĂ© en âfeaturingâ. RomĂ©o Elvis Ă©tait lâinvitĂ© du premier volet. Cette fois, câest Isha. Quels sont vos critĂšres de sĂ©lection pour rĂ©aliser ces titres en duo ?
Primero « En solo, je me considÚre comme un artiste émergent. »
l est des retours qui ra vissent plus que dâautres. Et le plaisir de ces retrou vailles-lĂ est non feint. Depuis la sortie du titre Fautil et la pu blication du EP ctrl-alt-delete (2019), le grain de voix Ă©cor chĂ© et les yeux rieurs de Blu Samu nous avaient manquĂ©s. SalomĂ© Dos Santos (de son vrai nom) est une petite tempĂȘte au nom ensoleillĂ©. Des rayons de lâastre portugais â oĂč elle grandit les premiĂšres annĂ©es â aux pavĂ©s bruxellois en pas sant par le bitume des ruelles anversoises, celle-ci a affĂ»tĂ© son rap, apprivoisĂ© son chant et multipliĂ© les rencontres qui comptent. Les gars du 77 bien sĂ»r, Zwangere Guy aussi, ou plus rĂ©cemment le producteur français Sam Tiba, qui lui a concoctĂ© ce quatriĂšme EP.
Au dĂ©tour de 7, Blu Samu rappe toujours en anglais, rime encore en français mais dĂ©terre aussi ses racines pour la premiĂšre fois en chantant le portugais. « Jây pensais depuis longtemps sans mâen sentir capable. Ayant quittĂ© le Portu gal pour la Belgique enfant, je craignais de ne pas ĂȘtre lĂ©gitime, je voulais ĂȘtre acceptĂ©e par ma communautĂ©, je me mettais la pression. Sur ce projet, je mâen suis totalement libĂ©rĂ©e et ça a Ă©tĂ© une grande victoire. Appa remment, jâai mĂȘme lâaccent de mon village (rires). Jâarrive Ă exprimer des choses inĂ©dites en portugais. Maintenant que câest dĂ©bloquĂ©, il y en aura dâautres. »
© YAQINE HAMZAOUI
TEXTE : NICOLAS CAPART
Boa Joo
Des sept pistes de ce nouvel EP, câest dâailleurs le morceau Elastico qui fait la course en tĂȘte cĂŽtĂ© streams, chargĂ© de parfums mĂ©diterranĂ©ens. Preuve que du cĂŽtĂ© du public existait dĂ©jĂ lâen vie. Sorte dâOVNI, le titre Amor interpelle et sĂ©duit lui aussi, mais Ă©loigne lâauditeur des sentiers urbains foulĂ©s dâordinaire par Blu Samu. Une nouvelle porte ouverte grĂące au concours du producteur de 7 « Pour certains ma voix cassĂ©e est mon charme, pour moi elle reste une difficulté⊠Sam mâa donnĂ© la confiance, mâa poussĂ© Ă oser, Ă sortir de ma zone de confort et Ă chanter ou rapper selon mon ressenti. Pour ça je lui dis merci. »
Si elle aborde Ă©galement au fil du EP SĂ©rĂ©nade les thĂšmes de lâĂ©mancipation de la femme, les questions de genre ou encore ses relations avec sa mĂšre, Boa Joo harangue en effet Ă lâenvi ces messieurs. « On peut dire beaucoup de choses sur des sons drill ou de la trap, les deux ne sont pas incompatibles. On y dĂ©crit une rĂ©alitĂ©, un quotidien, la misĂšre, la violence⊠Il demeure une revendication en filigrane. Jâai baignĂ© dans lâunivers des rappeurs, câest une musique qui mâinfluence Ă©normĂ©ment sans pour autant que je mâaffilie Ă un courant. Mâexprimer, câest ce qui importe le plus. »
© ADĂLE BOTERF
Blu Samu
C
Ă 27 ans, elle y apparaĂźt plus sereine que jamais, comme apaisĂ©e. Son feu brĂ»le toujours mais il semble aujourdâhui maĂźtrisĂ©. « Disons que le rĂȘve est devenu plus humble. Jâai rĂ©alisĂ© que devenir quelquâun, ĂȘtre reconnu pour la musique que je fais, nâallait pas forcĂ© ment rĂ©gler les soucis ou effacer les douleurs et peurs du passĂ©. Le rĂȘve, je suis dĂ©jĂ en train de le vivre, il nây a pas de destina tion. Si ce nâest ĂȘtre la plus vraie possible, mâaccepter telle que je suis et rester fidĂšle Ă moi-mĂȘme.
Auteure-compositrice et interprĂšte dâorigine belgorwandaise, Boa Joo sâest inspi rĂ©e pour son nom dâun person nage issu du manga One Piece, âBoa Hancockâ. Une impĂ©ra trice amazone charismatique, Ă la tĂȘte dâune Ăźle uniquement peuplĂ©e de femmes dont les
âest un visage et une voix que lâon entend et aperçoit tant et plus ces derniers mois. Une nouvelle tĂȘte et non des moindres pour dĂ©fendre les couleurs dâun rap au fĂ©minin trop peu reprĂ©sentĂ© en France et quasi dĂ©ser tique sous nos latitudes â nâen dĂ©plaise Ă la reine Shay, bien seule sur son trĂŽne. Forte dâune premiĂšre sortie plutĂŽt rĂ©ussie, Boa Joo prenait la route et multipliait les dates estivales, sa SĂ©rĂ©nade sous le bras. Un rĂȘve de longue date, pour autant diffĂ©rĂ© trĂšs longtemps, dont elle savoure aujourdâhui chaque instant. « Cette scĂšne dâEsperanzah!, je ne lâoublierai jamais ! Devenir musicienne, câĂ©tait un rĂȘve de gamine, mĂȘme si je me suis lancĂ©e tard. Jâai interrompu mes Ă©tudes il y a 3 ans pour entamer un parcours diffĂ©rent. »
La chanteuse dâorigine portugaise nous revenait cet Ă©tĂ© les bras chargĂ©s dâun, dĂ©jĂ , quatriĂšme EP.
I
14Larsen Septembre, octobre 2022 # rencontres # portugais # révélation # EP # EP
hommes sont exclus. Toute ressemblance avec les textes de lâartiste bruxelloise nâest ab solument pas fortuite. « Jâadore lâunivers des mangas, et jâai choisi Boa Hancock car je la trouvais inspirante. Elle me re prĂ©sentait bien Ă lâĂ©poque⊠Une femme, qui a pas mal de choses Ă reprocher aux hommes. Mais, comme câest le cas dans One Piece, les choses sont souvent plus nuancĂ©es quâil nây paraĂźt et les raisons derriĂšre la colĂšre, plus subtiles. »
TEXTE : NICOLAS CAPART
Dans la foulĂ©e dâun EP publiĂ© au prin temps, Boa Joo sâoffrait sa 1Ăšre tournĂ©e de festivals cet Ă©tĂ©.
reprĂ©ciser mes envies. » Pour Surface, MĂ©lanie Isaac sou haitait plus « dâimmĂ©diatetĂ© », quelque chose de moins produit que son projet prĂ©cĂ©dent.
15Larsen Septembre, octobre 2022 # rencontres # cap·2023 # chanson # psyché·rock # album
TEXTE : LOUISE HERMANT Le voilĂ enfin, celui que lâon dĂ©crit comme son vrai premier album. Un disque de neuf titres baptisĂ© Surface, composĂ© entre Paris, la commune française Rivesaltes et notre capitale. DONNET L G. LAGADEC
son premier jet. Des chansons, elle en a plein les tiroirs depuis des annĂ©es, comme elle le raconte. Il lui a fallu du temps pour toutes les assembler, les livrer et les rendre Ă son image, bien quâelle soit dans le mĂ©tier depuis une dizaine dâannĂ©es. En 2012, elle remporte le concours tremplin de la Bien nale de la Chanson Française. « Je lâai gagnĂ© avec un projet expĂ©rimental de rock progres sif. Je ne le trouvais pas assez abouti. MĂȘme si câĂ©tait super de gagner ça quand on commence, ça mâa beaucoup encouragĂ©, câĂ©tait aussi vertigineux. Je sen tais quâil y avait encore du tra vail Ă fournir », reconnaĂźt-elle.
Coller
Six ans plus tard, elle prĂ©sente son EP LâInachevĂ©e Des annĂ©es pendant lesquelles lâartiste quarantenaire traverse de nombreuses Ă©preuves dans sa vie privĂ©e. « Une sĂ©rie noire, assure-t-elle. Je ne pense pas, malgrĂ© tout, que prendre tout ce temps-lĂ Ă©tait nĂ©gatif. Jâai pu
Mélanie
« MĂȘme si jâadore les musiques plus rock ou Ă©lectro, je voulais revenir Ă la base des chansons. Tout le contexte de la pandĂ© mie nous a aussi amenĂ©s Ă revire des choses plutĂŽt dans la simplicitĂ©. » Le disque laisse davantage place Ă sa superbe voix, Ă sa Gibson Firebird et son piano, Ă la mĂ©lancolie et Ă la variĂ©tĂ© française. « En Belgique, on mâa souvent dit que je nâĂ©tais pas Ă la mode », sâĂ©tonne-t-elle. Quâimporte, la chanteuse originaire de NeufchĂąteau propose une musique ultra personnelle, hors du temps, celui avec lequel elle sâest tant battue. « Je veux pouvoir proposer une sĂ©rie de chansons, laisser une trace. Finalement, mĂȘme si le temps a Ă©tĂ© long, il nây a pas grandchose dâautre dans la vie qui mâintĂ©resse. Le prochain album ne devrait pas prendre si long temps, je lâespĂšre ! »
TEXTE : DIDIER STIERS
Airplaneâ ! Alors que ce nâest pas une volontĂ© de notre part⊠» La leur serait plutĂŽt de sortir des co des. Sophie : « Peut-ĂȘtre avec des batteries plus trip-hop ou groovy. On a dĂ©jĂ travaillĂ© avec plusieurs batteurs et on voulait justement sortir dâun cĂŽtĂ© rock, lourd, qui ne rencontrait pas nos envies. »
Deux filles, deux garçons : plein de possibilitĂ©s⊠musicales ! Les Bruxellois veulent sâen donner les moyens et sâor ganisent une fin dâannĂ©e bien chargĂ©e.
S O R O R
DĂ©but 2023, un album devrait voir le jour, faisant suite Ă lâEP paru voilĂ deux ans. Un disque trĂšs Ă©clectique dixit Thibaut : « Chaque titre a son identitĂ©. Ăvidemment, il y aura toujours cette trame mĂ©lanco lique. » Et qui sera annoncĂ© par lâun ou lâautre extrait dans les semaines Ă venir, encore mis en images par Alice : « Jâai fait des Ă©tudes de cinĂ©ma. Ă la base, avant la musique, jâaurais voulu ĂȘtre rĂ©alisatrice ! » Voyez par exemple le clip de Wash Your Hands. S O R O R, toujours in die tendance DIY, a en tout cas trouvĂ© son fil rouge. « Cette mu sique reste quand mĂȘme assez organique, naturelle, reprend Sophie. Par exemple, on nâen registre pas au click, mais tous ensemble, live, justement pour conserver ce cĂŽtĂ© organique. » Et ThĂ©o de conclure : « Câest ce qui est commun Ă tous nos morceaux malgrĂ© lâĂ©clectisme des influences et des styles. Jâai lâimpression quâon est dâabord un groupe de live. »
Isaac a pourtant du mal à le véritablementconsidérercomme
On nâa dâailleurs pas de volontĂ© dâen pratiquer prĂ©cisĂ©ment un. Au public de sâexprimer lĂ -dessus ! « On nous dit que câest assez vintage. Ă la fois vintage et moderne, sâamuse Alice. Notre esthĂ©tique est quand mĂȘme assez rock psychĂ©. PsychĂ© vintage, pas celui des annĂ©es 2000 ! On a amenĂ© un peu dâĂ©lectro avec une boĂźte Ă rythmes : ça, forcĂ©ment, ce nâest pas vintage ! Et puis, il y a un morceau, Ă chaque fois quâon le joue, on nous dit âJefferson
© OLIVIER
© MA Ă
Mélanie Isaac
des Ă©tiquettes, ce nâest pas leur truc Ă So phie Chiaramonte (basse, chant) et Alice Ably (chant), Ă lâorigine dâun groupe nĂ©, comme elles disent, de lâenvie de faire de la musique et partager un truc humain. « Jâavais quelques petites compos, raconte la premiĂšre, jâai contactĂ© Alice et pendant un an, on a bidouillĂ© les choses, on les a mises Ă notre sauce commune. » Puis retra vaillĂ©es avec Thibaut (guitare, synthĂ©s) et aujourdâhui ThĂ©o (batterie), dernier arrivĂ© dans la bande. « Ce qui nous intĂ© resse, câest dâamener une idĂ©e au feeling et faire en sorte que chacun y pose un peu sa patte, sa couleur, de maniĂšre Ă ce que ça nous plaise Ă tous. » Et donc, chez S O R O R, on envoĂ»te mais on ne dĂ©finit pas les styles.
NĂ©e en janvier 2001, Charlotte Foret â de son vrai nom â a grandi du cĂŽtĂ© de Braine-le-ChĂąteau.
Lâ
« Une copine, dont le grand frĂšre Ă©tait fan de rock, mâa dit dâĂ©couter Nirvana. Ăa mâa coupĂ© le souffle. Dâabord parce que je pensais que Nirvana Ă©tait le nom dâune chanteuse⊠» PassĂ© lâeffet de surprise, Charlotte Foret dĂ©couvre le visage de Kurt Cobain, lâart du pogo et le goĂ»t de la disto. « Partant de lĂ , je suis devenue fan de groupes comme Arctic Monkeys, Nothing But Thieves, System of a Down ou Muse. » Câest dâailleurs avec une reprise dâun titre de Muse quâelle sâimpose en finale de lâĂ©mission The Voice au printemps 2019. Une victoire qui, au passage, lui offre un contrat chez Universal.
« Avant dâenregistrer, je devais dâabord comprendre le mĂ©tier , mâinventer un rĂ©pertoire et trouver un nom de scĂšne. »
Charlotte Foret
Charles Until We Meet Again Universal Music Belgium
TEXTE : NICOLAS ALSTEEN
# album # 312 © STEPHANIE GOOSSE
Ă©tĂ© dernier, Ă lâheure des premiĂšres vagues de chaleur, Charles dĂ©ballait ses nouvelles chansons sur la plaine de Rock Werchter « Ă lâorigine, je nâĂ©tais pas prĂ©vue au programme, retrace-t-elle. Mais comme Sam Fender est tombĂ© malade, on mâa proposĂ© de le remplacer au pied levĂ©. » Plus de 15.000 personnes assistent Ă sa per formance. « Ă mes dĂ©buts dans la musique, jouer Ă Rock Werchter Ă©tait un objectif ultime. Le concrĂ©tiser aussi rapidement, câest assez dĂ©concertant⊠» Dâau tant que le concert en question rĂ©alise une gageure fort prisĂ©e au pays du surrĂ©alisme : combler un public venu du nord et du sud de la Belgique. Au-delĂ des frontiĂšres linguistiques, Charles rassemble donc les gens sous un mĂȘme drapeau.
Sorti juste avant lâĂ©tĂ©, lâalbum Until We Meet Again dĂ©cline la thĂ©matique du changement en onze mor ceaux. Charles y aborde des pĂ©riodes de transition parsemĂ©es de doutes, de ruptures sentimentales et dâautres moments Ă©prouvants comme la perte dâĂȘtres chers. « Cela peut sembler un peu dĂ©primant, note-t-elle. Pourtant, au quotidien, je suis une personne ultra positive. Ă 90% du temps, je suis heureuse et optimiste. Mais pour Ă©crire des chansons, je puise toujours mon inspiration dans les 10% restants. » Dans ce registre âchiffres et statistiquesâ, difficile de ne pas Ă©voquer le numĂ©ro 312 tatouĂ© sous la gorge de la chanteuse. « Câest le nombre porte-bonheur de mon pĂšre ! Ă lâĂąge de 15 ans, il a commencĂ© Ă travailler aux Forges de Clabecq. OĂč son casier portait le numĂ©ro 312. Depuis, il a fait du chemin. Mais ces trois chiffres lâont toujours accompagnĂ©. Comme jâai beaucoup dâadmiration pour son parcours et que ce numĂ©ro lui porte chance, jâai dĂ©cidĂ© de lâemporter partout avec moi. » Et jusquâici, le gri-gri fonctionne parfaitement. Entre un dĂ©but de carriĂšre lancĂ© en aoĂ»t 2020 sur la mĂ©lodie de Wasted Time et une collaboration avec Hooverphonic sur lâĂ©criture du morceau The Wrong Place, porte-dra peau de la Belgique lors de lâEurovision 2021, Charles a vu son visage projetĂ© sur les gratte-ciels new-yorkais de Times Square dans le cadre dâune campagne menĂ©e par Spotify pour affirmer la place des femmes dans lâindustrie musicale. Les deux pieds sur terre, Charles se concentre Ă prĂ©sent sur une sĂ©rie de dates Ă lâĂ©tranger. « Cet Ă©tĂ©, jâai eu lâoccasion de jouer en Allemagne. Je me suis Ă©galement produite aux Francos de La Rochelle et Ă Paris. Fin septembre, je mâenvole pour La RĂ©union. LâannĂ©e prochaine, je rĂȘve dâaller en core plus loin pour dĂ©fendre mon album sur dâautres terri toires. » Avec le numĂ©ro 312 Ă portĂ©e de main, Charles a, probablement, toutes les chances de parvenir Ă ses fins.
Nouvelle star de la pop âmade in Belgiumâ, Charles met sa passion du rock au cĆur dâun premier album conçu tel un journal intime. Puissant, souvent bouleversant, Until We Meet Again surmonte les Ă©preuves de lâexistence pour se hisser au sommet de grandes chansons. Quelque part entre Billie Eilish et Muse, lâĂ©co systĂšme imaginĂ© par la Brainoise a dĂ©jĂ convaincu Hooverphonic et illuminĂ© les Ă©crans gĂ©ants de Times Square. Des Forges de Clabecq Ă New York, Larsen retrace les Ă©tapes de cette fulgurante ascension.
Danseuse en herbe, elle se passionne bientĂŽt pour les stars amĂ©ricaines. « JâĂ©tais fascinĂ©e par des personna litĂ©s comme Britney Spears ou Lady Gaga. » Quelques annĂ©es plus tard, elle cĂšde Ă lâappel des guitares.
« Avant dâenregistrer, je devais dâabord comprendre le mĂ©tier, mâinventer un rĂ©pertoire et trouver un nom de scĂšne. » Elle opte pour Charles en hommage Ă son grand-pĂšre, dĂ©cĂ©dĂ© quelques mois plus tĂŽt. Puis, pendant un an, elle affine son style. Aux confins dâune esthĂ©tique gravĂ©e dans le rock et de mĂ©lodies ultra pop, sa musique affirme son identitĂ©, ses singularitĂ©s.
16Larsen Septembre, octobre 2022 # rencontres
Charles
ClĂ©ment Nourry â guitare « Ce disque est dâune certaine maniĂšre un peu plus rock, dense, un peu plus âcolĂ©riqueâ que le premier album. »
Câest ce 23 septembre que sort, chez les Bruxellois de Capitane Records, le nouvel et deuxiĂšme album du trio constituĂ© par ClĂ©ment Nourry, Marti Melia et Jakob Warmenbol. Formation atypique pour musique aux confins, en huit instrumentaux : explications.
cette deuxiĂšme galette, intitulĂ©e Sakurajima, Under The Reefs Orchestra nâest plus rĂ©elle ment une âdĂ©couverteâ. Le projet a pris un peu de bouteille, il vit. « Ce disque est dans la lignĂ©e du premier malgrĂ© tout, commente ClĂ©ment Nourry, et en mĂȘme temps, il est dâune certaine maniĂšre un peu plus rock, dense, un peu plus âcolĂ©riqueâ. Peut-ĂȘtre moins contemplatif en tout cas. Et oui, nous avons envie que ça se poursuive, que ça se transforme, que ça mute⊠» Parmi les mutations dĂ©jĂ survenues, on notera un changement de batteur : si Louis Evrard (Jawhar, YĂŽkaĂŻ) officiait aux fĂ»ts sur le premier album, il a Ă©tĂ© remplacĂ© par Jakob Warmenbol (World Squad, Don Kapot) : « Jakob nous a rejoints en cours de route. Ăa change le groupe, ça change lâĂ©nergie globale. Câest un batteur de feu, ça met donc du feu dans la soupe ! ».
17Larsen Septembre, octobre 2022 # rencontres
OrchestraTheUnderReefs
Avec
La musique dâUnder The Reefs Orchestra,quelque part entre post-rock et jazz, pour faire simple, a aussi dâindĂ©niables qualitĂ©s filmiques. « Je nâimagine pas spĂ©cialement des images quand je travaille, raconte ClĂ©ment, mais mon adolescence, câest David Lynch, Lost Highway, Jarmusch, Dead Man. Ce sont vraiment les annĂ©es 90 et ces films oĂč la musique est hyper im portante, oĂč elle soutient le rĂ©cit. David Lynch dĂ©fonce complĂštement sa dramaturgie visuelle et la recons truit dans un langage qui nâest pas rationnel. Câest assez inspirant ! »
TEXTE : DIDIER STIERS
La nature peut ĂȘtre Ă la fois effrayante et rassurante. Câest quelque chose dâĂ©norme, qui tâenglobe, qui peut tâavaler et te broyer totalement. Mais Ă cĂŽtĂ© dâun oura gan, dâun volcan ou dâune croĂ»te terrestre qui se dĂ©chire, il y a une Ăźle dans le Pacifique⊠Les Galapagos, câest un petit paradis sur terre, foisonnant, plein dâespĂšces incroyables. Ces deux aspects sont dans la musique. »
Under The Reefs Orchestra Records
Sakurajima Capitane
Pour lâheure, la âsoupeâ fait souvent rĂ©fĂ©rence Ă la nature. Avec sur ce disque des titres comme Ants, Galapagos, Heliodromde, Soleil trompeur⊠ClĂ©ment Nourry, qui se dit quelque peu hantĂ© par lâidĂ©e de lâapocalypse tout en prĂ©cisant que chez lui, le sens ne prĂ©cĂšde pas forcĂ©ment le geste artistique, le recon naĂźt Ă©videmment : « Câest lâidĂ©e de la puissance de la nature, mais pas dâune revanche quâelle prendrait. Il y a lĂ -dedans ce truc de collapsologie, dâeffondre ment, de monde qui part complĂštement en sucette.
# album # instrumental © SARAH BASTIN
Un Moog et Lynch Câest il y a un peu plus de deux ans et demi quâUnder The Reefs Orchestra est apparu sur nos Ă©crans radar. Ă la manĆuvre pour « lâapproche gĂ©nĂ©rale », comme il le dit lui-mĂȘme, ClĂ©ment Nourry, qui nâen nâest plus lĂ Ă ses premiers pas. Reste quâici, la âformuleâ est pour le moins inĂ©dite : une batterie, un saxophone basse (propriĂ©tĂ© de Marti Melia) et une guitare Ă©lectrique, pour une poignĂ©e de titres instrumentaux. « Câest un peu un truc dâinstinct, raconte ClĂ©ment. Jâavais envie dâune basse qui ait du souffle, quelque chose dâorga nique. Dont le son est nourri non pas par un systĂšme Ă©lectrique mais par une colonne dâair, en gros. » Avec le trio, le son vit dâune autre maniĂšre sur la longueur⊠« Ă la base, jâavais des sons de Moog en tĂȘte. Mais je savais que Marti, avec qui jâavais jouĂ© longtemps en fanfare, possĂ©dait un saxophone basse, et je me suis dit âpourquoi pasâ ? Je savais aussi quâil avait envie de lâĂ©lectrifier, quâil essayait des choses. Et parmi ses qualitĂ©s, il y a un timing de feu, ce qui est rare chez un saxophoniste. Je pensais quâil pourrait tout jouer, le saxophone, la basse, les percussions, mais ce saxo phone basse est tellement Ă©norme quâil ne fait que ça ! » Effectivement : le groupe Ă©tait dĂ©but aoĂ»t au Micro Festival, et sur scĂšne, ça en jette aussi cĂŽtĂ© visuel. « Câest presque mĂ©diĂ©val », sâamuse le guitariste !
En y plaçant aussi un contexte par des tĂ©moignages enregistrĂ©s comme les chants des enfants dans la cour de lâĂ©cole sur RĂ©crĂ©ation â « Jâaime ces chants dâenfants quâon entend encore dans les cours dans la rĂ©gion de Malmedy » â ou les cloches sur Carillon : « Ăa fait partie de ces petites interventions qui rendent le disque vivant ». Sur Ma MĂšre, elle Ă©tait CouturiĂšre, on Ă©coute les souvenirs dâantan dâune personne ĂągĂ©e : « Câest mon pĂšre qui chante, jâavais allumĂ© mon GSM pendant quâil racontait, Marielle a eu lâidĂ©e de coller une compo sition Ă elle sur ses paroles : ce quâil dit, câĂ©tait la belle Ă©poque, on chantait les chansons de nos grands-pa rents. Câest trĂšs fragile, tout est dit dans le texte, câest un patrimoine quâil faut conserver et la transmission par les anciens est une façon de laisser une trace : les couturiĂšres chantaient dans les ateliers, comme les sardiniĂšres en Bretagne ».
Ă 14 ans, dans son village, Raquel Gigot dansait des danses folkloriques, des danses wallonnes, avec deux musiciennes violonistes. Pendant 25 ans, elle joue dans le groupe Orion : « En allant jouer en Bretagne et en Irlande je me suis rendu compte que la musique tradition nelle y est trĂšs vivante et intergĂ©nĂ©rationnelle. Alors, je me suis dit : âpourquoi pas chez nous ?â. Ce projet sur les musiques de Wallonie sommeillait en moi et on y trouve encore des trĂ©sors du patrimoine. »
tare classique : « Notre dĂ©marche, câest de sâinspirer des musiques traditionnelles de Wallonie en y ajou tant des couleurs, des variations, des ornements⊠»
18Larsen Septembre, octobre 2022 # rencontres
Raquel Gigot
TEXTE : JEAN-PIERRE GOFFIN
RafraĂźchir un patrimoine musical dĂ©laissĂ© en Wallonie, il ne sâagit pas que dâune intention pour Solia : la preuve avec Raquel Gigot et cet album.
Solia naßt alors tout naturellement avec Marielle Vancamp qui y joue de la nyckelharpa, du violon et chante, Renaud Dardenne à la guitare manouche, Frédéric Malempré aux percussions, Adeline Ghilain à la flûte traversiÚre et Thibault Debehogne à la gui
# patrimoine # Wallonie © LUK STIENS
Lâ
« Câest un patrimoine quâil faut conserver et la transmission par les anciens est une façon de laisser une trace : les couturiĂšres chantaient dans les ateliers, comme les sardiniĂšres en Bretagne. »
Solia Tous les parfums homerecords.be
On se laisse aller aux souvenirs un peu tristes sur Leyiz Me Plorer, peut-ĂȘtre la chanson qui rĂ©veillera le plus de souvenir dans les oreilles, mais on se reprend aussi vite sur une Mazurka : « Renaud Dardenne y joue la guitare. Une mazurka câest presque une java avec des accords un peu manouche. Sur lâensemble de lâal bum, je ne joue que de lâaccordĂ©on chromatique ». En ressortant des greniers de vieux cahiers de mĂ©lodies oubliĂ©es, Solia ne se veut pas passĂ©iste, style âcâĂ©tait mieux avantâ, mais mĂ©tamorphose les airs de nos contrĂ©es en y instillant poĂ©sie, couleurs et originalitĂ©. Avec Tous les Parfums, Solia pratique une synthĂšse musicale Ă©lĂ©gante et originale de plusieurs siĂšcles de musiques de Wallonie. Avec pour tout bagage deux instruments augmentĂ©s, çà et lĂ , dâune guitare dâune flĂ»te et dâune percussion, on voyage du mĂ©diĂ©val Ă nos jours, on exhume des pĂ©pites, on se rappelle des airs qui nous caressent la mĂ©moire et on gambade au tra vers des dĂ©cors de la vie quotidienne. SĂ»r quâon avait presque oubliĂ© que ça existaitâŠ
Curieusement, Solia trouve plus facilement sa place dans les concerts et festivals de Flandre, ce quâexplique AurĂ©lie DorzĂ©e qui accompagnera Raquel Gigot dans sa tournĂ©e : « Il y a une curiositĂ© de par la langue. En jouant en Flandre un morceau en wallon, ils ne savent pas ce que câest, ça a un cĂŽtĂ© un peu exotique. De plus, le patrimoine y est clairement plus mis en avant quâen Wallonie. Petit Ă petit, on reva lorise notre patrimoine aussi, mais ça prend peut-ĂȘtre du temps ». Ce disque devrait Ă coup sĂ»r y contribuer.
Solia
accordĂ©on a Ă©tĂ© maudit pendant des annĂ©es, câĂ©tait ringard. La musique traditionnelle de Wallonie a Ă©tĂ© longtemps ignorĂ©e, voire snobĂ©e. Avec un groupe comme Solia, les choses Ă©vo luent et on pourrait retrouver le chemin qui mĂšne Ă la gigue, Ă la matelote ou Ă la mazurka.
Mais au fond, pourquoi huit violoncelles, et pas quatre, sachant quâun quatuor reste la formation clĂ© de la musique de chambre ? « Tout simplement parce que, lorsquâil sâagit de rĂ©interprĂ©ter de grandes Ćuvres orchestrales, la richesse dâun octuor est infinie. Nous assemblons en fait huit voix solistes, ce qui permet une grande variĂ©tĂ© de timbres », rĂ©sume SĂ©bastien.
19Larsen Septembre, octobre 2022 # rencontres
Cap sur lâAmĂ©rique pour les huit violoncellistes dâĂ-Celli, qui revisitent Gershwin, Bernstein, Ellington et Price. Et gravent en premiĂšre mon diale le triptyque American Wanders du Belge Harold Noben.
DĂ©monstration Ă©clatante avec les piĂšces de cet Ă-Celli in America, heureux melting-pot qui dĂ©marre en force avec lâouverture jazzy de Porgy and Bess de Gershwin. EnchaĂźne avec la trop rare Ethiopiaâs Shadow in America de lâafro-amĂ©ricaine Florence Price. InsĂšre en crĂ©ation mondiale le tryptique American Wanders dâHarold Noben. Poursuit avec Imagination de Fud Livingston et West Side Story de Bernstein. Et sâachĂšve sur un medley arrangĂ© par Michel Herr rĂ©unissant une dizaine de standards de Duke Ellington.
u dĂ©part, câest une histoire dâamitiĂ© toute simple, de celle qui nourrit les rĂȘves un peu fous. Mais, surtout, qui les fait aboutir. En crĂ©ant il y a onze ans Ă-Celli, un octuor de violoncellistes, SĂ©bastien Walnier, soliste Ă la Monnaie, et Alexandre Beauvoir, chambriste de renom, Ă©taient bien dĂ©cidĂ©s Ă Ă©largir leur rĂ©pertoire classique Ă dâautres horizons, au prix dâarrangements dĂ©complexĂ©s de musiques de films, dâopĂ©ras populaires et dâairs traditionnels.
Mais que lâon ne sây trompe pas. Si tout cela sonne parfaitement, si ces arrangements de piĂšces souvent cĂ©lĂšbres ne choquent pas mais rĂ©vĂšlent au contraire de nouvelles couleurs, câest parce que ces partitions sont réécrites Ă la note prĂšs. « Il est vrai, reconnaĂźt SĂ©bastien, quâil a fallu oser se lancer et que, au dĂ©part, nous avons eu quelques hĂ©sitations Ă toucher Ă de telles musiques. Depuis, certains dâentre nous se sont fait une spĂ©cialitĂ© de leur adaptation. Nous visuali sons plus facilement ce quâune Ćuvre peut devenir. Cela nâempĂȘche pas de constantes discussions sur le rĂ©pertoire au sein de lâĂ©quipe, oĂč nous sommes sur un pied dâĂ©galitĂ©. » Lâaffirmation peut surprendre. Dans un quatuor classique, le premier violon est toujours le leader du groupe. Alors, quid dans un octuor ? « Notre philosophie est diffĂ©rente, revendique SĂ©bastien. Nous ne voulons pas de chef. Le premier violoncelle, si lâon peut parler ainsi, varie selon les piĂšces. De plus, nous arrangeons les piĂšces pour que chacun ait une ligne alternant passages solistes et dâaccompagnement. Et nous Ă©changeons nos places Ă chaque piĂšce ! »
# america # octuor © BENJAMIN BROLET
DĂšs lors, au risque de surprendre, la principale difficultĂ© reste en fin de compte lâorganisation et la planification des rĂ©pĂ©titions. AssumĂ©e essentiellement par SĂ©bastien et son comparse Alexandre Beauvoir, cette gestion est dâautant plus exigeante que les musiciens Ă©voluent dans des ensembles diffĂ©rents. Si Corinna Lardin cĂŽtoie SĂ©bastien Ă la Monnaie, JeanPierre Borboux officie, lui, Ă lâOPRL, RaphaĂ«l Perraud Ă lâOrchestre national de France et Yoori Lee Ă lâOpĂ©ra national de Paris. Un puzzle que complĂšte Shiho Nishimura et, dĂ©sormais, la jeune StĂ©phanie Huang, rĂ©cente laurĂ©ate du Concours Reine Ălisabeth. Huit violoncellistes. Un projet. Et dĂ©jĂ quatre disquesâŠ
Avant de traverser lâAtlantique, cet octuor peu banal, souvenez-vous, nous avait dĂ©jĂ gratifiĂ© de deux disques revisitant des thĂšmes classiques rĂ©cupĂ©rĂ©s par le septiĂšme art, ainsi que dâun Sunnyside, en 2019, qui arrangeait quelques perles hispaniques signĂ©es Piazzolla, Villa-Lobos ou Rota. On avait mĂȘme eu droit en prime Ă un remake emballant pour huit violoncelles de Bohemian Rhapsody. De QueenâŠ
« Cette volontĂ© de mixer les genres, nous lâavons eue dĂšs le dĂ©but. »
TEXTE : STĂPHANE RENARD
A
Sébastien Walnier
Ă-Celli
Ă-Celli in America Cypres
« Cette volontĂ© de mixer les genres, nous lâavons eue dĂšs le dĂ©but, insiste SĂ©bastien Walnier. De mĂȘme que celle de rĂ©aliser des arrangements, ce qui est toujours trĂšs inspirant pour un musicien. » Ce quatriĂšme CD, Ă-Celli in America, confirme une fois de plus que le pari nâĂ©tait pas fou et que huit violoncelles, lorsquâils sâentendent et sâamusent autant entre professionnels de haut vol, cela dĂ©mĂ©nage.
Avant-plan Gil Mortiohors-cadre
20Larsen Septembre, octobre 2022 Avant-plan
© HERBINIALARA
INTERVIEW : LOUISE Orchestrateur,HERMANTproducteur, muti-instrumentiste, rĂ©alisateur, accompagnateur⊠Le Bruxellois multiplie les rĂŽles et les collaborations depuis 20 ans. Il fait de lâimprovisation son moyen dâexpression principal, une maniĂšre de rester hors des clous et de continuer Ă se surprendre.
Vous avez également bossé avec Claude Semal et Daniel Hélin. Comment se sont passées ces rencontres ? Est-ce une autre expérience de travailler autour de la chanson française ?
Vous multipliez les casquettes : producteur, arrangeur, musicien⊠Est-ce nĂ©cessaire de toucher un peu Ă tout ? Je ne pense pas ĂȘtre un cas isolĂ©, aujourdâhui on ne produit pas de musique sans sâimproviser ingĂ©nieur du son, gra phiste, mixeur, arrangeur⊠Mais câest vrai, jâaime les choses bien faites, quand on peut rencontrer lâunivers dâun autre Ă travers son projet, on a un regard, une place qui me plaĂźt parce quâelle est riche dâĂ©changes et dâexpĂ©riences. Un tout est possible.
Il touche au classique, Ă la chanson, au rock, au jazz. Ses col laborations sont nombreuses, on le retrouve tout simplement par tout dans la scĂšne musicale belge depuis une vingtaine dâannĂ©es (ATTICA, Mud Flow, Barbarie Boxon, Mathias BressanâŠ). Lâar tiste de 45 ans se trouve aussi parfois derriĂšre la camĂ©ra pour la rĂ©alisation de films ou de clips (Jawhar, Endz). Son groupe de rock psychĂ© Joy As A Toy, formĂ© en 2009, reste ce qui se rapproche le plus dâune expĂ©rience solo. Sans oublier son groupe dâimprovisa tion, Pompei, pour lequel il tient la basse. « Mes projets solo sont plutĂŽt collectifs, finalement ! Jâai, par exemple, un projet de disque de NoĂ«l, Valley Of Love, que jâai mis en place de A Ă Z. Câest comme si, bizarrement, jâavais besoin dâavoir des gens autour de moi pour mâexprimer. Ăa doit ĂȘtre le cĂŽtĂ© producteur qui ressort. »
Aimeriez-vous davantage ralentir ?
Ătonnamment, aprĂšs avoir suivi des Ă©tudes de cinĂ©ma et de son (IAD, INRACI) et une annĂ©e au Conservatoire du Luxembourg en guitare jazz, le producteur se retrouve en composition clas sique au Conservatoire de LiĂšge. « JâĂ©tais obligĂ© dâaller Ă fond dans la partition. Mais jâai une espĂšce dâaversion totale pour le travail et le fait de devoir lire les notes quâon mâimpose, soutient le producteur artistique multi-instrumentiste Bruxellois. Avant dâaller au conservatoire, je pensais que les rockeurs avaient tout inventĂ© et que les jazzeux avaient dĂ©couvert la dissonance. En sortant de lĂ , jâai compris quâil y avait beaucoup de gens qui avaient fait de la musique avant eux. » Cette expĂ©rience lui permet de faire des ponts entre diffĂ©rents styles musicaux.
Quelle est la place de lâimprovisation dans vos projets ? Cela vous stimule-t-il davantage ?
Jâaime bien quand on me demande un peu lâimpossible ou alors quand un artiste est prĂȘt Ă retourner sa veste, pour peu que ça ait du sens. MĂȘme si Ă la fin câest moi qui la
Quelles évolutions avez-vous noté dans le milieu depuis le début de votre carriÚre ?
Jâaimerais quâon ait le temps de faire les choses. Mais dans les faits, on te demande cinquante choses en mĂȘme temps. Pour les mois dâavril, mai et juin, jâai eu quatre projets en mĂȘme temps qui sâentrecroisaient en permanence. JâĂ©tais Ă la fois sur un spectacle pour lequel je faisais de la musique live, sur une relecture opĂ©ratique de Franz Schubert avec mon groupe dâimprovisation Pompei et sur la production de deux disques. Je crois quâon est beaucoup Ă vivre ça. On ne sait pas de quoi sera fait demain, alors on peut avoir tendance Ă surcharger. Il y a une sorte dâobligation Ă crĂ©er du contenu en permanence. Câest trĂšs difficile, aujourdâhui, de faire un disque maturĂ© lentement et de le sortir dans de bonnes conditions, sans avoir trois ou quatre activitĂ©s sur le cĂŽtĂ© pour pouvoir compenser financiĂšrement.
On me demande sâil y aura un troisiĂšme volume de Valley Of Love, mes aventures de NoĂ«l. Pourquoi pas, tous les six ans⊠en 2024, donc. Et sinon rigoler, prendre du plaisir, je pense que lâĂ©poque en a bien besoin.
21Larsen Septembre, octobre 2022 Avant-plan «P
Quand jâai commencĂ© la musique, un projet passable avait potentiellement un peu dâavenir devant lui, ce qui nâĂ©tait pas toujours un bon service Ă rendre Ă lâauditeur. Aujourdâhui, jâai lâimpression quâil y a tellement de bons projets que je nâaurais pas le temps dâen Ă©couter, ne fut ce quâun infime pour centage. Le revers de la mĂ©daille est quâil est devenu quasi impossible, Ă moins dâĂ©couter de la musique Ă plein temps, de vraiment rentrer dans la matiĂšre dâun disque. Je dirais aussi quâon prend de moins en moins le temps de se pencher sur ce quâon fait et quâil nâest pas rare de porter cinq ou six projets en mĂȘme temps, de sorte quâon peut se perdre facilement dans la course Ă lâactualitĂ©.
Lâimprovisation est, et reste, le moyen dâexpression le plus vivant pour rentrer dans la composition, dans lâarrangement et dans la matiĂšre, sans prĂ©jugĂ©s. Elle reste mon moyen dâexpression principal, quel que soit lâendroit oĂč je travaille. Jâappelle ça la tolĂ©rance 100%.
Billions Of Comrades, Quark, Tout Finira Bien, Karim Gharbi⊠Vous avez produit beaucoup dâartistes. Comment choisissez-vous vos collaborations ? Selon des affinitĂ©s amicales, musicales ou plutĂŽt par dĂ©fi ou curiositĂ© ?
Pour quelquâun qui assure ne pas aimer travailler, Gil Mortio semble dĂ©cidĂ©ment sur tous les fronts. Rien que ces prochains mois, on le retrouvera sur le nouveau projet de la chanteuse finlandaise Anu Junnonen, sur le prochain disque du Canadien Joey Robin HachĂ©, sur une relecture opĂ©ratique du Voyage dâHiver de Franz Schubert avec Pompei en partenariat avec deux musiciennes clas siques pour lâOpĂ©ra de Lille ainsi quâau Festival Francofaune pour la carte blanche dâAn PierlĂ© en octobre. Rencontre avec celui que lâon surnomme le âPhil Spectorâ belge dans le milieu.
Je nâai pas choisi la chanson française, elle est venue Ă moi, par hasard. Maintenant, câest moi qui la choisis parce que jâai fini par me dire que câest juste une langue et pas une musique. Avoir travaillĂ© avec des artistes qui manient cette langue avec brio mâa appris Ă poser la musique sur le poids des mots, sans se laisser pour autant envahir par le texte. Au fond, câest sortir dâune vieille logique anglo-saxonne qui, je pense, nâest plus dâactualité⊠mĂȘme en anglais dâail leurs. Aujourdâhui, jâaccorde plus dâimportance aux mots quâavant. Finalement, câest presque un plaisir de se contre dire, jâaime ça.
retourne, ça fait partie du jeu. Si je ne devais retenir quâune seule chose : il faut que ce soit instructif et amusant. Jâai trop fait de projets que je pensais devoir faire, plus maintenant. Dans un projet, il y a une rĂšgle de trois quâil faut absolument respecter. Soit il te rapporte de lâargent, soit la musique est incroyable, soit les gens avec qui tu travailles sont gĂ©niaux et tu vas passer un bon moment. Il faut quâil y ait au moins une de ces trois conditions pour se lancer.
Quels défis souhaitez-vous relever dans un avenir proche ?
our le mĂȘme coup, jâaurais pu ĂȘtre caissier », plaisante Gil Mortio lorsquâil repense Ă ses dĂ©buts au piano, vers ses sept ans, Ă©poque oĂč il adorait « appuyer sur des boutons ». Sâil suit quelques cours, il continue son apprentissage de son cĂŽtĂ©. MĂȘme scĂ©nario pour la guitare, quâil dĂ©couvre quelques annĂ©es plus tard. Lire des partitions ou dĂ©chiffrer les tablatures lâennuie. « Je nâai jamais aimĂ© travailler, je crois », confie-t-il. PlutĂŽt que dâapprendre des morceaux par cĆur pour les reproduire parfai tement, il prĂ©fĂšre bidouiller, trouver dâautres accordages, suivre son instinct. Il avoue se sentir parfois « extraterrestre » dans sa maniĂšre de jouer vis-Ă -vis de ses pairs. « Quand jâai commencĂ©, jâai essayĂ© de faire comme tout le monde avec le rock 90âs qui passait Ă la radio, mais en prenant un malin plaisir Ă ne jamais apprendre les morceaux et en improvisant tout autour. Je suis restĂ© comme ça, pour le meilleur et pour le pire, je suppose. »
TEXTE : JEAN-PHILIPPE LEJEUNE
Depuis une trentaine dâannĂ©es la Belgique est pionniĂšre dans le travail artistique avec des personnes en situation de handicap. En tĂ©moigne dâailleurs le travail menĂ© par Le CEC1 La Hesse, une association artistique et culturelle « qui transcende la simple connexion entre artistes handicapĂ©s et non-handicapĂ©s pour raconter la recherche dâun terrain dâentente entre deux modus vivendi de lâart ». Dans son sillage, ou parallĂšlement, plusieurs projets musicaux ont vu le jour puis ont Ă©tĂ© signĂ©s sur des labels. On ne compte mĂȘme plus leurs prestations scĂ©niques Ă lâinvitation de festivals de musique expĂ©rimentale comme le Sonique Ă Paris. Voici lâhistoire de ces groupes hors du commun dont lâaura dĂ©passe les frontiĂšres de la FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles.
22Larsen Septembre, octobre 2022
© DR
Chevalier Surprise, le projet inclusif encadré par Jeremy Alonzi
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Lâart âoutsiderâ handicapquelHandicap,?
Anne-François Rouche
Damien a Ă©tĂ© inspirĂ© par les Reynols dâAlan Courtis, un groupe de musique expĂ©rimentale, fondĂ© en Argentine au milieu des annĂ©es 90, connu dans tout le pays et qui intĂšgrait une personne handicapĂ©e en tant que leader3. Mais le travail du musicien avec le Wild va plus loin encore puisquâil a créé des instruments sur mesure adaptĂ©s aux diffĂ©rents membres du groupes : « On a construit une sorte de basse pour SĂ©bastien, lâĂ©gĂ©rie du groupe ; pour Wim on a aussi adaptĂ© un sampler sur un multi-effets Ă pavĂ© tactile ; Johan, le souffleur, peut jouer de plusieurs instruments avec un contrĂŽleur qui est dĂ©clenchĂ© par le souffle. »
Les Choolers se sont souvent produits Ă Vielsalm. Et ce sera en core le cas le 28 mai 2023 lors dâune grande exposition Ă la S Grand Atelier avec la Jungle, CocaĂŻne Piss, Chevalier Surprise. Ă lâoccasion de ces portes ouvertes, câest le rĂ©alisateur et comĂ© dien Bouli Lanners qui sera le maĂźtre de cĂ©rĂ©monie.
Dans la lignĂ©e du Wild, Choolers Division fĂȘte quasiment leurs dix annĂ©es dâexistence. Câest en pleine tournĂ©e estivale dans le sud de la France, Ă Chalon-sur-SaĂŽne que nous parvenons Ă les contacter. La premiĂšre mouture du groupe comptait douze personnes et Ă©tait logistiquement assez difficile Ă faire tour ner. Il a donc Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© de crĂ©er une plus petite formule hip-hop avec Antoine BoulangĂ©, Ă©ducateur, Jean-Camille Charles et deux rappeurs, Kostia Botkine et Philippe Marien. Kostia vient du sud de la France et a rencontrĂ© Antoine dans le cadre dâun atelier du CrĂ©ham et Philippe a intĂ©grĂ© le groupe via une âChoolers Academyâ, câest-Ă -dire un casting pour recruter de nouveaux musiciens plus jeunes. Il est passĂ© par tous les instruments (trombone, batterie, guitareâŠ) avant le rap. Le duo de rappeurs ne se connaissait pas avant. Kostia parle de son parcours : « Je viens de la rĂ©gion dâAix-en-Provence, je fais beaucoup de hip-hop. Mon pĂšre jouait de la flĂ»te et ma mĂšre de la guitare, jâai baignĂ© dans la musique. » Et Philippe dâajouter fiĂšrement : « Nous avons tournĂ© dans de nombreux pays comme lâAllemagne, la SuĂšde, le Luxembourg, la Suisse, la Hollande, lâEspagne, on joue peu en Belgique sauf Ă Bruxelles. On signe mĂȘme des autographes ». Le groupe se produit dans un certain nombre de festivals alternatifs, plus underground, oĂč le public est plus ouvert. « Nous avons beaucoup de bonnes critiques artistiques, prĂ©cise Antoine, nous ne sommes pas dans une dĂ©marche oĂč le public montre de la compassion face Ă des personnes avec un handicap. »
Damien Magnette
L
Anne-Françoise Rouche, directrice du CEC la Hesse Ă Vielsalm connaĂźt bien Choolers Division et travaille depuis longtemps sur ces rencontres entre artistes avec ou sans handicap. « Il faut une certaine exigence, bien sĂ»r, tout le monde peut expĂ©rimenter mais ce qui va ĂȘtre montrĂ© sur scĂšne doit ĂȘtre au point. Si la premiĂšre confrontation Ă la diffĂ©rence ou au handicap par le biais dâune prestation artistique est positive, le public restera sur cette idĂ©e que les personnes fragiles amĂšnent quelque chose Ă la culture et il ne les verra plus comme des personnes Ă charge de la sociĂ©tĂ©. »
« Dans lâart outsider, il y a une authenticitĂ© rare. »
Le Wild Classical Music Ensemble est donc un groupe pion nier, aprĂšs un premier album enregistrĂ© au CEC la Hesse avec Antoine BoulangĂ© (The Choolers Division), ils en ont trois Ă leur ac tif depuis. Au terme âpersonne en situation de handicap mentalâ, Damien prĂ©fĂšre parler dâoutsider : « Au niveau de lâhistoire de lâart, Dubuffet sâest rendu compte quâil y avait des productions dans les asiles psychiatriques, et ailleurs, ce quâil a appelĂ© lâart brut. Cette dĂ©nomination a bougĂ© avec le temps vers celle dâart outsider. Ce qui inclus tous les gens en dehors du circuit professionnalisant de lâart, donc des personnes qui ont une pratique artistique sans vouloir une reconnaissance. Cela peut ĂȘtre un amateur qui fait des sculptures dans son jardin. Dans lâart outsider, il y a une authen ticitĂ© rare ». Le groupe est signĂ© sur Born Bad Records, un label
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e Wild Classical Music Ensemble est lâun des premiers projets de ce type Ă avoir vu le jour, il y a une quinzaine dâannĂ©es. Ă lâĂ©poque, Damien Magnette, musicien et crĂ©ateur, fait un remplacement dans un atelier de sculp ture pour personnes fragiles⊠et câest le flash artistique. « Je suis musicien, pas Ă©ducateur, je ne travaille pas dans une structure et câest vraiment par intĂ©rĂȘt artistique que jâai suivi cette direction, pas par un biais social ou complaisant. Je sortais dâune Ă©cole dâart et jâavais envie de me reconnecter Ă une rĂ©alitĂ© artistique plus ancrĂ©e. Je voulais une dĂ©marche punk et free par rapport Ă ce qui se faisait. Je voulais faire des rencontres, Ă©changer, collaborer et voir ce qui se passe. » Mais quand Damien sâest mis Ă la recherche de personnes pour lancer son projet, toutes les portes Ă©taient fer mĂ©es. Puis câest la rencontre avec Luc Vandierendonck de lâasbl VZWwith2, Ă Courtrai, au sein des ateliers dâarts plastiques pour personnes porteuses de handicap. Certain·e·s avaient envie de participer Ă un projet musical. « Mon prĂ©supposĂ© Ă©tait que les per sonnes handicapĂ©es Ă©taient trĂšs douĂ©es pour lâimprovisation libre, pour ce qui est arythmique, atonal⊠On a expĂ©rimentĂ© pendant six mois, le groupe Ă©tait mouvant jusquâĂ lâarrivĂ©e dâun guitariste, je me suis mis Ă la batterie pour pouvoir diriger et driver le groupe et lâalchimie a opĂ©rĂ©. Ensuite on a Ă©tĂ© invitĂ© par Tuyau, une structure de musique expĂ©rimentale basĂ©e Ă Bruxelles. Le test nous a rassu rĂ©s et nous avons continuĂ©. »
parisien de rock indĂ©pendant qui compte parmi ses poulains des groupes comme Cheveu, La Femme, Vox Low⊠Et le band ne chĂŽme pas, puisquâun nouvel opus, en collaboration avec Lee Ranaldo (le guitariste de Sonic Youth) devrait sortir prochaine ment sur un petit label lillois, Label Brut, puis un autre album est en prĂ©paration⊠et une tournĂ©e est prĂ©vue pour le mois de mars 2023.
Un des derniers-nĂ©s dans cette mouvance sâappelle Chevalier Surprise. Leur histoire commence en 2018, quand le musicien RĂ©mi Rotsaert (Dalton Telegramme, BaliMurphyâŠ), travaillait Ă Zone-Art asbl Ă Verviers. Dans ce service qui organise des ate liers artistiques pour personnes en situation de handicap mental, il proposait des accompagnements musicaux. « RĂ©mi mâa proposĂ© de former un groupe et de lui donner un coup de main, explique
« Le public restera sur cette idée que les personnes fragiles amÚnent quelque chose à la culture et il ne les verra plus comme des personnes à charge de la société. »
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Et le duo ne sâest pas arrĂȘtĂ© lĂ car pour leur prochain album, ils se sont associĂ©s au musĂ©e bruxellois Art et Marges afin de rencontrer des artistes pratiquant lâart brut. « Nous voulions un vrai album de La Jungle mais avec une autre approche dans la composition et dans le graphisme. Nous avons fait des recherches dans diffĂ©rents centres et nous avons choisi les artistes qui nous plaisaient. Cela nous a permis de dĂ©couvrir leur travail, leur univers » Matthieu et RĂ©mi ont composĂ© un titre pour chacun de ces artistes en leur proposant de peindre ou de dessiner sur la chanson. Onze artistes, onze chansons. Lâalbum sera enregistrĂ© dâici la fin de lâannĂ©e !
1. Centre dâExpression et de CrĂ©ativitĂ©
le guitariste Jeremy Alonzi (aussi dans le groupe The Experimental Tropic Blues Band) Nous Ă©tions une quinzaine au dĂ©part, RĂ©mi est parti faire des Ă©tudes dâinfirmier et on mâa proposĂ© de reprendre le projet. » Jeremy a voulu faire un band âplus carrĂ©â et pour ce faire, il sâest adjoint les services de David La Scarpetta (le batteur des Tropic)⊠et comme le monde est petit, il avait dĂ©jĂ travaillĂ© avec Philippe et Kosta des Choolers. Chevalier Surprise est un groupe de rock mais avec des codes plus hip-hop contemporain, emmenĂ© par deux rappeurs, Omega, qui vient dâune famille de musiciens, et Julien, qui est tĂ©nor et a fait partie dâune chorale. « Je me suis rendu compte, constate Jeremy, que jâĂ©tais en compagnie des gens les plus adaptĂ©s jamais rencontrĂ©s. Leur façon dâaborder la musique et dâĂȘtre sur scĂšne mâapporte Ă©normĂ©ment dâenseignements, ils sont justes, ils sont vrais, il nây a pas de filtre ! » Le groupe a sorti un album sur Spotify, Morceau de Bravoure, un disque fait avec peu de moyens. Julien explique son rĂŽle dans le groupe : « On est un bon groupe parce quâon fait du rock et moi je chante et je gueule, ça me fait du bien, ça mâaide Ă extĂ©rioriser ma colĂšre, ma frustration. » Et Jeremy Alonzi dâajouter en guise de conclusion : « Toute leur vie, on a dit Ă ces personnes : fais ceci, ne fais pas ça⊠Et lĂ , on leur dit âvas-y, fait tout ce que tu veux, exprime-toi !â. Quand je les accompagne, je vois Ă travers leurs yeux ce que jâai vĂ©cu moi lors de mes premiers concerts, comme la premiĂšre fois oĂč jâai jouĂ© Ă Dour ou Ă La Zone. Ils signent aussi des autographes. Ils sont mis en valeur, ils existent. » Chevalier Surprise sera sur la scĂšne du Rockerill de Charleroi, le 2 dĂ©cembre.
2. Chez Wit.h, vivre lâart est affaire de collaboration et de dialogue entre artistes avec et sans handicap, entre lâindividu et la sociĂ©tĂ©.
Non loin de lĂ , Ă Mons, câest un duo plutĂŽt remuant et expĂ© rimental qui a vu le jour : La Jungle ! Ce duo techno/kraut/transe nâen finit pas de tourner chez nous mais aussi en France, en Hollande et en Suisse. MalgrĂ© une activitĂ© plutĂŽt intense, Matthieu Flasse et RĂ©mi Vernant ont rĂ©pondu Ă lâappel dâAntoine Capet du collectif Brut Pop qui travaille avec des personnes porteuses de handicap dans le cadre de Esch2022, Esch-sur-Alzette est
Capitale EuropĂ©enne de la Culture en cette annĂ©e 2022. « Antoine crĂ©e des instruments spĂ©cifiques, explique RĂ©mi. Dans le cadre de cette rĂ©sidence, il avait un rĂŽle de chef dâorchestre, câest lui qui âmixaitâ tout le monde. Nous jouions avec six adolescents dâun Institut mĂ©dicoĂ©ducatif (IME) et le but Ă©tait dâintĂ©grer trois groupes, dont La Jungle, pour proposer un concert. Câest la premiĂšre fois que lâon travaillait avec ce genre de personne. » Les deux musiciens sont unanimes, ils ont Ă©normĂ©ment appris dans cette expĂ©rience, comme le souligne Matthieu : « On a laissĂ© libre cours aux propo sitions des jeunes, nous ne voulions pas quâils chantent simplement sur La Jungle. Ces ados nâavaient jamais touchĂ© un instrument de leur vie et leurs instruments ont Ă©tĂ© simplifiĂ©s. Ils nâavaient jamais travaillĂ© le rythme non plus : câĂ©tait leur premiĂšre rencontre avec la musique et ils en ont sorti des phrases, un rythme, des mĂ©lodies de voix⊠Nous avons juste enrobĂ© le tout afin de bĂątir une charpente pour les soutenir ».
Choolers Division, rap brut
© DONNETOLIVIER
3.www.wzwith.orgPourensavoir plus, voir le documentaire Buscando a Reynols (72 min) sur YouTube.
de permettre Ă quiconque de faire un rapide calcul du montant Ă payer.SilaSABAM bosse pour garantir une rĂ©munĂ©ration juste aux auteurs-compositeurs quâelle reprĂ©sente, son rĂŽle ne doit pas ĂȘtre confondu avec celui des Ă©diteurs qui, eux aussi, reprĂ©sentent les auteurs-compositeurs. Un Ă©diteur cherchera Ă placer une chanson (dans une publicitĂ©, une sĂ©rie, un film ou autre) pour crĂ©er de la valeur. La SABAM sâoccupera de percevoir et redistribuer cette valeur. Dans tous les cas, câest lâauteur-compositeur qui dĂ©cide sâil accepte de voir sa chanson circuler. Exemple de saison : Kate Bush ou Metallica dans la sĂ©rie Stranger Things ? Proposition de lâĂ©diteur, accord de lâartiste et lâĂ©quivalent de la SABAM en Angleterre et aux Ătats-Unis sâoccupe de rĂ©colter les deniers chez Netflix.
Aujourdâhui, justement grĂące Ă Netflix, mais aussi TikTok, YouTube ou Spotify, la musique circule de plus en plus. RĂ©sultat, les droits dâauteur valent de lâor. Et cela, les majors du disque et autres grosses boĂźtes dâĂ©dition lâont bien compris, qui rachĂštent des catalogues entiers Ă prix dâor. La chanson se monĂ©tise, le droit dâauteur devient valeur financiĂšre. Cela se passe surtout aux Ătats-Unis ou en Grande-Bretagne, avec les stars du rock comme Bruce Springsteen, Bob Dylan ou Neil Young, mais la tendance est universelle. Et semble lĂ pour durer.
DR
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Souvent associĂ©e exclusivement Ă la musique, la SABAM reprĂ©sente pourtant toutes sortes dâauteurs, au sens large : com positeurs, paroliers, dramaturges, peintres, illustrateur, poĂštes, vidĂ©astes, journalistes ou Ă©diteurs et on en passe⊠Aujourdâhui, ils sont presque 46.000 Ă ĂȘtre affiliĂ©s Ă la SABAM soit 1.734 nou veaux membres par an. Le catalogue de la Sabam reprĂ©sente des millions dâĆuvres belges et Ă©trangĂšres. Mais concentrons-nous sur la musique. ConcrĂštement, comment ça fonctionne ?
La
Comment se positionne la SABAM par rapport Ă tout cela, elle qui voit le droit dâauteur comme le Graal des auteur·trices ? « Ăa dĂ©pend des cas, dit Steven Desloovere. Je peux comprendre quâun Springsteen qui est dĂ©jĂ ĂągĂ© et en fin de carriĂšre, veuille vendre. Mais pour de jeunes auteurs-compositeurs, câest diffĂ©rent. Quelle est la valeur dâune crĂ©ation ? Câest ce quâon cherche Ă savoir. » La SABAM va-t-elle dĂšs lors se dĂ©velopper en conseiller ? « Câest une possibilitĂ©. Une chose est sĂ»re, on va toujours dĂ©fendre les com positeurs pour quâils rĂ©coltent le fruit de leur travail Ă la plus haute valeur possible pour une chanson sur le marchĂ©. »
TEXTE : DIDIER ZACHARIE
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Les auteurs-compositeurs ou Ă©diteurs en sâaffiliant deviennent actionnaires de la sociĂ©tĂ© coopĂ©rative (SABAM) pour que celle-ci puisse (en direct ou via la plateforme Unisono) nĂ©gocier et conclure des licences pour lâutilisation de son rĂ©pertoire avec diffĂ©rentes parties comme les chaĂźnes de radio et de tĂ©lĂ©vision, les plateformes de streaming et de partage, lâhoreca ou les commerces.
La lesresteEndâauteurGardienneSABAMdudroitdepuiscentanscentans,lâobjectifdelaSABAMlemĂȘme:faireensortequecrĂ©ateursrĂ©coltentunejusterĂ©munĂ©rationpourleurĆuvre,Ă partirdumomentoĂčcelle-ciestdiffusĂ©eouexĂ©cutĂ©eenpublic.
Tout cela Ă quel tarif ? « Cela dĂ©pend du type de diffusion et dâexploitation, dit Steven Desloovere, responsable opĂ©ra tions. Quâil sâagisse dâune utilisation quotidienne (streaming, radio, cafĂ©s) ou occasionnelle (spectacle ou soirĂ©e), le tarif sera diffĂ©rent ». En gros, le calcul de la valeur des Ćuvres utilisĂ©es prend en compte de nombreux critĂšres. Un simulateur de tarif est dâailleurs mis Ă disposition sur le site Unisono afin
SociĂ©tĂ© Belge des Auteurs, Compositeurs et Ăditeurs est nĂ©e en 1922 alors que la musique enregistrĂ©e se rĂ©pandait dans les foyers grĂące au gramophone et au 78 tours. Ce sont pourtant les droits dâauteurs proprement dits (liĂ©s Ă la composition et Ă lâĂ©criture) et non les droits liĂ©s Ă lâenregistrement, quâelle dĂ©fend. « La mission de la SABAM est de valoriser les crĂ©ations de ses membres. La sociĂ©tĂ© belge et multi disciplinaire a Ă©tĂ© fondĂ©e par des auteurs qui se sont rendu compte quâil fallait crĂ©er un systĂšme qui leur permette dâĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ©s pour lâutilisation de leurs Ćuvres », explique Anne-CĂ©cile Collignon, du service communication de la sociĂ©tĂ©.
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Si lâinflation est gĂ©nĂ©ralisĂ©e sous nos plates latitudes, le secteur culturel et le prix des billets de spectacles nâĂ©chappent pas Ă la rĂšgle. Festivals et salles de concert luttent aujourdâhui pour rester Ă la fois rentables et abordables, tout en poursuivant leur mission de catalyseur de musiques, face Ă de nouveaux phĂ©nomĂšnes comme la tarification dynamique⊠Et câest souvent le mĂ©lomane qui paie la note. Petit Ă©tat des lieux.
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TEXTE : NICOLAS CAPART
BABETTEBERNARD
Concerts,festivals...Toujourspluschers?
Une facture globale de plus en plus salĂ©e Au-delĂ de ces constats, une sĂ©rie dâautres facteurs influent sur la tarification. Les coĂ»ts de production ont augmentĂ© de plus ou moins 20% en 3 ans, les scĂšnes sont devenues gigantesques et le public sâattend Ă du grand spectacle. La facture Ă©nergĂ©tique et les coĂ»ts logistiques participent Ă©galement de cette augmentation, sans parler du manque de personnel ou encore de la frilositĂ© des sponsors. « Cette annĂ©e, tous les organisateurs dâĂ©vĂ©nements ont Ă©tĂ© trĂšs impactĂ©s par une sĂ©rie dâaugmentation des coĂ»ts des matiĂšres premiĂšres et de la main-dâĆuvre, poursuit Jean-Yves Reumont. De 20 Ă 70% sur certains postes, notamment techniques.
Ce systĂšme se nomme la tarifica tion dynamique. Un modus operandi que lâon connaĂźt â ou subit â dĂ©jĂ , lorsque lâon booke un vol ou loue une chambre dâhĂŽtel. Le prix est ainsi fixĂ© par le jeu de lâoffre et de la demande, sans aucun contrĂŽle, dans une acception totale de libre marchĂ© et vers une financiarisation grandissante de la sphĂšre culturelle et musicale. Ces prix dynamiques vont de pair avec la rĂ©colte de donnĂ©es sur leurs clients de la part des entreprises.
Aujourdâhui, les spectacles constituent 3/4 des revenus des artistes, une proportion qui a plus que doublĂ© depuis la fin des annĂ©es 80. Cette bascule nâa pu sâopĂ©rer quâavec une forte augmentation du montant des tickets de concerts et de festivals.
« On voit apparaĂźtre des montants dĂ©mesurĂ©s, regrette Paul-Henri Wauters. Plus la salle est grande, moins le rapport Ă la musique est per sonnel et plus le prix peut ĂȘtre Ă©levé⊠Câest une drĂŽle dâĂ©quation. Ă lâinverse, ce qui est dâailleurs tout aussi Ă©trange dâun point de vue moral, câest que des artistes Ă©mergents â qui prennent un risque majeur et vont presque jouer leur peau sur scĂšne lors de concerts-dĂ© couverte â vont gagner trĂšs peu et le prix des tickets sera assez bas malgrĂ© un rapport de proximitĂ© incroyable. »
Aux Ardentes comme partout dans le plat pays, il y a eu une augmentation du prix des billets dâentrĂ©e, mais elle sâest accompa gnĂ©e en lâoccurrence dâune forte Ă©volution de lâĂ©vĂ©nement. « Nous avons dĂ©mĂ©nagĂ©, la physionomie du festival et sa taille ont changĂ©, Ă lâinstar de lâaffiche. Entre lâĂ©dition de 2019 et ce cru 2022, lâaf fluence a plus que doublĂ©. »
Enfin, de plus petites structures telles que le Micro Festival de vront sans doute mobiliser dâautres moyens pour continuer leur mis sion de diffuseur de culture dans le futur. « Pour poursuivre, il faudra peut-ĂȘtre modifier un peu le modĂšle Ă©conomique, jouer sur les prix. Reste aussi lâespoir de dĂ©crocher un financement plus consĂ©quent et structurel via les dispositifs dâun contrat-programme. Pour pouvoir continuer Ă mobiliser le public autour de dĂ©couvertes et de genres plus pointus et ainsi pĂ©renniser lâaccĂšs dĂ©mocratique Ă la musique. »
MĂȘme son de cloche du cĂŽtĂ© du Botanique, dont le directeur se fĂ©licite dâavoir pu contenir lâinflation autant que faire se peut. « Avant le passage Ă lâeuro, nos billets avoisinaient les 400-500 francs et une trentaine de concerts y Ă©tait organisĂ©s par an. Aujourdâhui, il se situe autour de 17 euros et on a multipliĂ© le nombre dâartistes invitĂ©s Ă lâannĂ©e par dix. On ne peut donc pas dire quâen 20 ans nos prix se soient rĂ©ellement enflammĂ©s. Nous sommes toujours dans une po litique dâĂ©crasement maximal du prix, pour Ă©viter un effet dissuasif tout en restant rentable, en assurant aux jeunes artistes la prĂ©sence dâune audience en face et en ne dĂ©prĂ©ciant pas leur travail. »
Toujours dans le pays liĂ©geois, mais avec des mensurations bien moindres â 300.000 euros pour 3 jours de musique alternative et 2.500 festivaliers quotidiens â, le Micro Festival a aussi vu grimper lĂ©gĂšrement le prix des tickets et augmentĂ© son offre avec une troisiĂšme journĂ©e au lieu de deux. « LâĂ©tĂ© dernier, sans les aides ex ceptionnelles liĂ©es au COVID, notre trĂ©sorerie Ă©tait juste Ă lâĂ©quilibre, sans pour autant assurer une pĂ©rennitĂ© de lâĂ©vĂ©nement, explique Jean-François Jaspers, co-organisateur de lâĂ©vĂ©nement. Cette annĂ©e, lâobjectif Ă©tait donc de faire vivre le Micro et de le renforcer. Le but est atteint et le bilan moral est top, mĂȘme si lâon est Ă nouveau trĂšs juste financiĂšrement, voire un peu en dĂ©ficit. Est-ce que lâutopie paie ? Câest la question que lâon va devoir se poser Ă lâavenir. »
La tournĂ©e amĂ©ricaine des Rolling Stones, en 2019, fut lâune des plus rentables de lâhistoire, amassant prĂšs de 180 millions de dollars en⊠16 dates ! Les fans belges de Mick Jagger et de ses complices auront quant Ă eux parfois dĂ©boursĂ© 500 euros pour as sister Ă leur prestation du 11 juillet dernier au stade Roi Baudouin. La Belgique, terre de festivals sâil en est, nâĂ©chappe en effet pas Ă la tendance, comme le confirme Jean-Yves Reumont, respon sable de la programmation et de la communication des Ardentes, du RonquiĂšres Festival et de la salle liĂ©geoise Le Reflektor. « Le montant des cachets dâartistes a Ă©tĂ© ces derniĂšres annĂ©es la raison principale de lâinflation des tickets. Depuis la premiĂšre Ă©dition des Ardentes en 2006, ils ont grimpĂ© en flĂšche. Pour certains grands noms internationaux, on parle de sommes extrĂȘmement consĂ© quentes, de montants Ă 6 chiffres⊠»
Une tournée à 180 millions
Au Micro Festival, si lâon nâa « rien Ă voir en termes de ressources et de logistique avec les mĂ©ga festivals, Jean-François Jaspers voit le verre Ă moitiĂ© plein des intermittents. Certes, nous subissons des augmentations de coĂ»ts, mais certaines dâentre elles font du bien. Je pense au personnel technique, dont les tarifs et rĂ©munĂ©rations nâavaient plus Ă©voluĂ© depuis une quinzaine dâannĂ©e. Câest donc une bonne chose pour le secteur, dâautant quâun tel savoir-faire est devenu trĂšs prĂ©cieux. Et le Micro a pu tourner avec ses prestataires historiques, presque en famille. »
augmente. Impossible de ne pas lâavoir remarquĂ©, la majoritĂ© des prix Ă la consommation a considĂ©rablement augmentĂ© ces derniĂšres annĂ©es. Aux lendemains dâune crise sanitaire dont les nombreux stigmates demeurent toujours visibles, la tendance va en sâaccentuant et touche dĂ© sormais les milieux culturels et Ă©vĂ©nementiels trĂšs durement. En consĂ©quence, ce sont les mĂ©lomanes et fĂ©rus de notes qui mettent la main au porte-monnaie pour aller applaudir leurs idoles.
27Larsen Septembre, octobre 2022 Business
Tout
Une inflation globale dont nous ne prenions pas encore la mesure Ă lâheure de fixer les tarifs, et que nous nâavons donc pas pu reporter sur le prix des billets cet Ă©tĂ©. En raison de cette situation post-COVID, on a Ă©galement eu dâĂ©normes difficultĂ©s Ă trouver de la main-dâĆuvre. Nous avons dĂ» faire venir du personnel dâEspagne. Des bras plus rares et donc inĂ©vitablement plus chers. »
Tarification dynamique RĂ©cemment, des prix allant jusquâĂ 5.000 euros pour la prochaine tour nĂ©e de Bruce Springsteen aux ĂtatsUnis ont dĂ©frayĂ© la chronique. 10% furent vendus comme cela, 1% autour de 1.000 euros et jusquâĂ 10.000 euros pour une poignĂ©e de siĂšges au premier rang. Une polĂ©mique que le manager du rockeur ne comprend pas, estimant ces montants âjustesâ pour voir sur scĂšne « lâun des plus grands artistes de sa gĂ©nĂ©ration ». Pour les promoteurs XXL (AEG, Live Nation) et les gĂ©ants de la billette rie comme Ticketmaster, les mĂ©ga concerts sont de fait une aubaine, puisque la demande persiste.
Un systĂšme qui peut fonctionner sur des Ă©vĂ©nements pour lesquels la demande est forte, promis Ă un sold out rapide selon Jean-Yves Reumont, mais ne semble donc pas possible Ă instaurer durant lâannĂ©e dans une salle comme le Reflektor. « Ce que lâon Ă©tudie de prĂšs et pratique depuis quelques annĂ©es, ce sont des tarifs de festival diffĂ©renciĂ©s, en fonction des services proposĂ©s. On a Ă©videmment le billet classique et le billet VIP, mais on peut imagi ner une sĂ©rie dâautres accĂšs dans lâintervalle. Des menus Ă la carte, en fonction des envies et du budget de chacun, pour lesquels il y a une vraie demande de la part du public. »
En dĂ©pit de tout cela, et au regard de ses subventions, les Ardentes se sont engagĂ©es Ă maintenir un accĂšs le plus dĂ©mocra tique possible aux festivaliers. Câest lâessence mĂȘme du soutien des pouvoirs publics. « Un prix minimum abordable mais nĂ©anmoins rĂ©aliste par rapport aux coĂ»ts dâorganisation dâun tel Ă©vĂ©nement. »
Cette augmentation des tickets, si elle sâaccĂ©lĂšre aujourdâhui, fut initiĂ©e il y a au moins deux dĂ©cennies. « Le monde de la musique et son modĂšle Ă©conomique nâont eu de cesse dâĂ©voluer depuis la fin des annĂ©es 50, explique Paul-Henri Wauters, directeur du Botanique. Cela a abouti Ă une dĂ©matĂ©rialisation et une digitalisation Ă lâĂšre dâinternet qui ont mis lâindustrie par terre et fait fondre les revenus discographiques dâartistes contraints dâaller chercher lâargent ailleurs⊠En lâoccurrence dans le live, devenu valeur refuge. Ainsi se sont multipliĂ©s les mĂ©ga concerts, dans de gigan tesques salles de plus en plus nombreuses. »
Sous
Sous la grande salle du Cirque Royal, il y a dĂ©sormais The CLUB, une plage de bĂ©ton lissĂ© ouverte au sous-sol de la mythique institution. Cette nouvelle adresse complĂšte lâoffre de lieux de petite jauge Ă Bruxelles, mais sa petite taille ne rĂ©duit pas pour autant son ambition.
© RISACKSTĂPHANE In Situ
28Larsen Septembre, octobre 2022 In Situ
TEXTE : VĂRONIQUE LAURENT
« La programmation doit ĂȘtre le reflet de ce quâil se passe dans la grande salle, poursuit le directeur. Aujourdâhui, au Cirque Royal, un groupe comme Midnight Oil peut monter sur scĂšne le lendemain dâun spectacle de danse contemporaine⊠juste avant la presta tion dâun humoriste ! » Pas sectaire, pas fermĂ©, ce Club. « Il y a beaucoup de musique, bien sĂ»r, et de tous les styles, mais aussi du théùtre ou du stand-up », un crĂ©neau porteur. Des directions
Jouer au CLUB de Bruxelles
BienvenueauCLUB!
sa visiĂšre, une entrĂ©e de verre. DerriĂšre une façade haute, la grande salle au dĂŽme. Le Cirque Royal ne cache pas son Ă©poque de construction, 1953 ; le mouvement moderniste y a laissĂ© son empreinte sous la main de lâarchitecte Charles Van Neuten. Lâinstitution bruxelloise existait pourtant bien avant et lâouverture du CLUB rĂ©vĂšle un autre temps de son histoire. Ă la fin du 19e siĂšcle, des promoteurs privĂ©s du quartier commandent un endroit de spectacle de cirque. Ă un petit vol de pigeon de la colonne du CongrĂšs, une impressionnante construction â une structure de mĂ©tal polygonale de 20 cĂŽtĂ©s âinsĂšre sa façade dans la rue de lâEnseignement, entre deux maisons bourgeoises nĂ©o-classiques. De ce premier Ă©difice inaugurĂ© en 1778 ne reste quâun sous-sol Ă colonnes et voussettes, plus ou moins laissĂ© Ă lâabandon pendant des dizaines dâannĂ©es. DĂšs son entrĂ©e en fonction, et alors que la grande salle vient de subir une rĂ©novation complĂšte, lâactuel directeur, Denis Gerardy, sug gĂšre Ă la Ville de Bruxelles, propriĂ©taire des lieux, de rĂ©habiliter ce sous-sol. La rĂ©alisation du projet prendra du temps. Ce nâest pas uniquement la faute Ă la crise sanitaire mais elle nâa certaine ment pas InaugurĂ©aidĂ©.le 30 mai dernier, le CLUB tout neuf, 350 places debout, 180 assises, sâenroule autour dâune portion dâun fĂ»t central en briques brutes. Il sâagit de lâancienne piscine aux phoques, indique un plan dâĂ©poque. Elle pouvait sâouvrir au centre de la scĂšne, Ă lâĂ©tage au-dessus. Des petits abreuvoirs
en pierre rythment la base du cylindre ; lâendroit accueillait jusquâĂ une centaine de chevaux. Il y eut mĂȘme, dit-on, des Ă©lĂ© phants et des fauves ! Une autre faune, tout aussi variĂ©e, devrait Ă prĂ©sent se rassembler sous ses voĂ»tes. Brut de matĂ©riaux, intime par ses dimensions, scĂšne de 70 mÂČ, la salle se trouve Ă©qui pĂ©e dâun « kit son et lumiĂšre dernier cri », dĂ©crit son directeur. Et, cĂŽtĂ© public, rendue accessible, comme il se doit, aux personnes Ă mobilitĂ© rĂ©duite. Deux loges flambant neuf complĂštent lâoffre. Le Cirque, vite devenu Royal par la grĂące de LĂ©opold II, a vu dĂ©filer des compagnies du monde entier, jusquâen 1913. Toutes sortes de spectacles â revues de music-hall, pantomimes, concerts (dĂ©jĂ ), ballets, reprĂ©sentations sur glace etc. sây sont tenus depuis⊠et mĂȘme des meetings politiques. « Le CLUB renoue avec la tradition du music-hall », insiste Denis Gerardy. Un esprit dâouverture aux diffĂ©rentes disciplines artistiques affirmant une certaine vision de la culture.
Cercle ouvert
univers de rĂ©unions privĂ©es, voire sĂ©lectes ou secrĂštes. Plus pragma tiquement, et aprĂšs avoir frĂŽlĂ© âLâUndergroundâ (qui reflĂ©tait le cĂŽtĂ© dĂ©veloppement dâartistes, de rĂ©sidences), âLa Factoryâ ou encore âLes Ăcuriesâ, la nouvelle salle fut baptisĂ©e The CLUB. Un nom qui sâest imposĂ© de lui-mĂȘme. Les professionnel·le·s du secteur posaient la question : « Quand est-ce quâil ouvre, votre club ? ». « On a conservĂ© le terme », explique le directeur En majuscules.
dâĂ©coles du quartier ont contactĂ© lâinstitution, demandeurs dâun lieu de spectacle pour leurs Ă©lĂšves. « Il sâagit dâune salle publique, financĂ©e avec de lâargent public, elle doit servir la plus grande diversitĂ© artistique. »
Cette contrainte sonore a vite Ă©tĂ© surmontĂ©e : bienvenue Ă lâalter nance et aux plages horaires crĂ©atives. Le CLUB programme des spectacles courts Ă partir de 19h, qui devraient attirer les travail leurs bruxellois. Autre proposition : 22h30. Ce qui laisse le temps de manger avant le concert. Les restaurateurs du quartier, malme nĂ©s par la crise sanitaire, se rĂ©jouissent et, avertis de lâaffluence et du type de spectacles, adaptent leurs commandes Ă leurs fournis seurs â oui, il semble que les amateurs de rock ne sĂ©lectionnent pas les mĂȘmes plats que les adeptes de ballet⊠Denis Gerardy soigne Ă©galement les relations avec les riverains, il rencontre leurs reprĂ© sentants une fois par mois, « ça fait partie de mes attributions »
La salle prend son essor en douceur. Quelques groupes y ont jouĂ© en juin dernier pendant la FĂȘte de la Musique. « On redĂ©marre vrai ment en octobre », communique encore son directeur. Portes ouvertes aux vents divers, maillĂ© dans le tissu local, lâendroit devrait progressi vement trouver sa vitesse de croisiĂšre. Allez ! Bienvenue au CLUB.
Petit bĂ©mol, les deux salles, la grande et la petite, bien que complĂ©mentaires, ne peuvent pas fonctionner en mĂȘme temps.
© RISACKSTĂPHANE
29Larsen Septembre, octobre 2022 In Situ
Du cĂŽtĂ© des artistes, ils sont de plus en plus nombreux Ă avoir besoin de ce type de structure, Ă petite jauge. Denis Gerardy : « Auparavant, il leur Ă©tait possible de dĂ©marrer dans une salle de 1.000 personnes. Aujourdâhui, les artistes doivent augmenter pro gressivement les jauges. Et je vois quâon a beaucoup de demandes de la part de petites structures qui sâoccupent dâartistes Ă©mer gents. La ville a acceptĂ© quâon travaille, au niveau de la location du CLUB, Ă un prix plancher. Ce qui permet aussi de plafonner le prix des places Ă maximum 20 euros. » La petite salle se veut un outil clĂ© sur porte, ce qui ne veut pas dire que le directeur dit oui Ă tout, sourit-il. Le lieu accueillera encore des rĂ©sidences ou des crĂ©ations de spectacles, facilitant, avec une proposition de tarif encore plus avantageuse, le travail des artistes balle dans le camp des Bruxellois et Bruxelloises.
Pourquoi The CLUB ? Ă lâĂ©noncĂ© du mot gĂ©nĂ©rique, les rĂ©fĂ©rences pleuvent. BoĂźte, bar, music-club stimulent un imaginaire, sulfu reux Ă©ventuellement, mais aussi avant-gardiste et Ă©vocateur de sous-sols, berlinois ou new-yorkais, oĂč sâinventent de nouvelles façons de vivre la culture. Devenir membre dâun club suggĂšre un
© DR
TEXTE : SERGE COOSEMANS
30Larsen Septembre, octobre 2022 Décryptage
Décryptage
« Ăcrire sur la musique, câest comme danser sur lâarchitecture » aurait un jour balancĂ© Elvis Costello. Ou Ă©tait-ce Frank Zappa ? Quoi quâil en soit, ça date du temps oĂč la critique musicale Ă©tait Ă©coutĂ©e, prise (trop ?) au sĂ©rieux et permettait de vivre correctement dâune vocation ; fin mĂ©lange dâĂ©rudition, de talent littĂ©raire, de mauvaise foi et de simple marketing. Une occupation qui existe toujours, mais de moins en moins rentable et donc moins rĂ©munĂ©rĂ©e, et que lâon dit mĂȘme sou vent Ă deux doigts de rejoindre la liste des mĂ©tiers disparus. Ou pas, finalement, contre toute attente ?
La musicalecritiqueen 2022 Stop encoreou?
Certes, des noms comme Lester Bangs, Yves Adrien, Nick Kent, Simon Reynolds et Nicolas Ungemuth ont pu briller Ă lâexer cice de la âcritique rockâ et donner lâenvie dâacheter des disques. Mais est-ce mĂȘme encore possible Ă lâheure des playlists, du streaming et de ce marketing moderne pensĂ© pour ratiboiser tout semblant de pensĂ©e critique ? Qui lit (ou Ă©coute ?) encore les critiques musicaux, chez les jeunes, sur Internet ?
Tiens, et si on lançait un webzine oĂč lâon critiquerait les critiques ?
littĂ©raire un poil masturbatoire ou vrai service au lecteur ? Journalisme pur et dur ou partenariat marketing au ton â plus ou moins â libre et indĂ©pendant ?
31Larsen Septembre, octobre 2022 Décryptage
Conseils humains pertinents ou avis aussi aptes à tourner en rond que les algorithmes⊠qui ne proposent que des choses qui se ressemblent ?
quotidienne et gĂ©nĂ©raliste, les critiques dâal bums sont de plus en plus rares, de plus en plus courtes. TOUS les magazines spĂ©cialisĂ©s (Rock This Town, Ritual, Mofo, RifRaf, Voxer et Out Soon) ont quant Ă eux disparu depuis belle lurette. De lâavis communĂ©ment admis au sein des journalistes spĂ©cialisĂ©s, la simple critique est dĂ©sormais un moyen de prĂ©senter une sensibilitĂ©, un choix personnel, de mettre en avant des petits labels ou des groupes dĂ©butants. Le minimum, donc. Lâarticle de fond, lâinterview, voilĂ autre chose nettement plus apprĂ©ciable, pas seulement au niveau promotionnel mais aussi au plaisir de lâĂ©crit et de la lecture. Bref, il y a bien depuis quelques annĂ©es une rĂ©elle question de fond sur la âpertinenceâ de la critique. Qui reste encore dĂ©fendue par des clans dâirrĂ©ductibles Gaulois, Ă lâinstar de Laurent RaphaĂ«l, rĂ©dacteur en chef du Focus-Vif : « La critique musicale indĂ©pendante â indĂ©pendante dâintĂ©rĂȘts Ă©conomiques ou idĂ©ologiques sâentend est le moins pire des systĂšmes pour explorer la sono mondiale sans sây perdre. On nâa en tout cas rien trouvĂ© de mieux pour sĂ©parer le bon grain de lâivraie, dĂ©busquer les perles rares et dĂ©masquer les charlatans. Ce rĂŽle dâarbitre qui refuse la paresse intellectuelle, et suppose une part de snobisme, dâĂ©litisme et dâarrogance, qui passe mal Ă lâheure de la pensĂ©e chicorĂ©e, est dâautant plus crucial aujourdâhui que la presse classique a tendance Ă dĂ©laisser la critique pure et dure, sans colorants et sans additifs, au profit de formats fast food inspirĂ©s de la culture web. Câest moins un problĂšme de format dâailleurs que de paresse intellectuelle et de manque de convictions. Ne pas faire de vagues, ne pas froisser les sensibilitĂ©s et amuser la gale rie sont les nouveaux standards de la âcritiqueâ 2.0 ou 3.0 ».
Le temps des âbiblesâ (les Inrocks de 1990, le NME de 1994âŠ) Ă©tant rĂ©volu, quasi tout le monde reconnaĂźt aujourdâhui pico rer, autrement dit frĂ©quenter des niches, justement. GoĂ»te Mes Disques, GonzaĂŻ et Pitchfork sont les noms qui ressortent le plus souvent. Wire chez les plus pointus. MĂȘme sâil semble clair que quelques phrases Ă©ventuellement brillantes nâauront plus jamais la mĂȘme force de frappe sur le public quâune chanson placĂ©e dans une scĂšne choc de la sĂ©rie culte du moment, la critique musicale nâest donc pas forcĂ©ment condamnĂ©e. Selon Laurent RaphaĂ«l, « elle Ă©volue, elle se mĂ©tamorphose. Il y a beaucoup de dĂ©chets mais on voit aussi apparaĂźtre des initiatives intĂ©ressantes qui pourraient lui donner un coup de fouet. Je pense par exemple Ă ces sĂ©ances dâĂ©coute sur YouTube avec les commentaires en direct. Le discours sur la musique intĂ©resse toujours les gens. Mais la posture du critique en surplomb qui dĂ©verse la bonne parole pourra Ă lâavenir ĂȘtre plus compli quĂ©e Ă tenir. »
Ă raison, sans doute. Prenons quelquâun de gĂ©nĂ©ralement reconnu comme un excellent critique, le britannique Simon Reynolds. Ce quâil pense en quinze lignes du dernier BeyoncĂ© peut ĂȘtre trĂšs intĂ©ressant. Mais moins que ses livres sur le post-punk et les raves et moins que les podcasts oĂč il parlerait de ces bouquins. Moins aussi que les playlists de post-punk et de rave-music quâil pourrait concocter pour lâune ou lâautre plateforme de streaming. Et mĂȘme moins quâune interview de BeyoncĂ© par Simon Reynolds. Le dĂ©sintĂ©rĂȘt pour la critique musicale tient donc assurĂ©ment aussi de lâintĂ©rĂȘt justement sou vent limitĂ© de lâexercice, surtout Ă une Ă©poque oĂč des technolo gies abordables permettent des choses beaucoup plus crĂ©atives quâun paragraphe poussif et tortueux pour dire quâun album est juste âmoyenâ. Comme le dit Jeff Lemaire : « La critique musi cale, jâadore ça. Je ne comprends pas trop le dĂ©samour pour cet exercice qui est passionnant quand il dĂ©passe le strict cadre de lâanalyse pure et dure du disque pour essayer de placer ce lui-ci dans un contexte plus large, et dây ajouter des balises et des indices qui permettent de mieux apprĂ©hender lâĂ©poque dans laquelle on vit. En tout cas, quand câest possible, câest ce quâon essaie dâapporter avec GoĂ»te Mes Disques. Mais on ne peut pas nier que lâavĂšnement des blogs et des webzines, sâils ont Ă©tĂ© lâoccasion de dĂ©couvrir un paquet de belles plumes, ont Ă©tĂ© aussi un terreau fertile pour une quantitĂ© non nĂ©gligeable de âwannabeâ Lester Bangs, qui nâavaient pour eux que des ambi tions inversement proportionnelles Ă leurs talents. »
Laurent RaphaĂ«l est de cette gĂ©nĂ©ration qui a connu lâĂąge vraiment dâor des Inrocks et de la presse gratuite ainsi que la phase des blogs musicaux et lâĂšre MySpace des annĂ©es 2000, qui ont « fait Ă©merger des groupes sortis de nulle part » comme Arcade Fire et Arctic Monkeys. Ă ses yeux, le fossĂ© entre celles et ceux qui accordent encore un peu dâimportance Ă la critique nâest toutefois pas gĂ©nĂ©rationnel mais bien culturel, « lâintĂ©rĂȘt pour des contenus de qualitĂ© Ă©tant prĂ©sent dans toutes les tranches dâĂąge. » Lâavenir de lâexercice critique ne se serait donc pas arrĂȘtĂ© le 23 avril 2006, date de la crĂ©ation de Spotify. « Je vois trois scĂ©na rios : dans le premier, la critique devient une niche, plus ou moins prospĂšre, rĂ©servĂ©e Ă un public averti prĂȘt Ă payer cher pour en tendre des avis nuancĂ©s, construits, charpentĂ©s, voire littĂ©raires. Dans le second, plus apocalyptique, la loi du marchĂ©, les algorithmes et le langage aseptisĂ© ont Ă©crasĂ© toutes les voix discordantes et toute forme de complexitĂ© au profit dâun discours creux, inter changeable ou de faux clashs instagrammables. La troisiĂšme voie, que jâappelle de mes vĆux, verrait la critique Ă©pouser de nou veaux formats (podcasts, publications de prestige comme chez Le Mot et le ResteâŠ) sans pour autant tuer la presse papier, berceau historique de la critique. »
Un site comme GoĂ»te Mes Disques partage toujours ses emballements mais, justement, on parle bien lĂ davantage dâemballements plutĂŽt que de moqueries (critiquesâŠ) vis-Ă -vis de sorties jugĂ©es minables. De nos jours, la critique Ă©rudite (ou non) donnant son avis sur tout ce qui sort, semble avoir bel et bienDansvĂ©cu.lapresse
Une vision du futur proche que partage Jeff Lemaire, tĂȘte pensante du site GoĂ»te Mes Disques, autre tribu de derniers Mohicans locaux : « Des scĂ©narios que Laurent esquisse, jâopte rais moi aussi assez naturellement pour la troisiĂšme voie, qui est la plus intĂ©ressante, et celle qui est le plus en phase avec les habitudes de consommation de 2022. Ceci dit, cette troisiĂšme voie existe dĂ©jĂ : des bons podcasts musicaux, cela ne manque pas, des ouvrages passionnants et pertinents sur la musique sortent trĂšs rĂ©guliĂšrement et sur YouTube, on peut trouver des formats pas inintĂ©ressants sans trop se fouler. Le nerf de la guerre reste ra encore et toujours lâargent. On a habituĂ© le consommateur Ă une illusion de gratuitĂ© et je suis assez pessimiste par rapport Ă la capacitĂ© du consommateur lambda Ă investir dans la presse culturelle. GoĂ»te Mes Disques nâa pas de modĂšle Ă©conomique. On ne vit aujourdâhui que de maigres rentrĂ©es et mĂȘme quand on ex plique aux gens la dĂ©marche, on galĂšre Ă obtenir une centaine dâeuros par mois alors quâon peut sâappuyer sur une communautĂ© de milliers de personnes. Ce qui me fait dire que bien que la troi siĂšme solution serait la meilleure, on risque fort dâaller plutĂŽt vers la premiĂšre, celle dâune presse musicale devenue niche. Parce que soyons honnĂȘtes : le second scĂ©nario oĂč les algorithmes et la loi du (cyber)marchĂ© cassent tout, câest dĂ©jĂ arrivĂ© selon moi⊠et on en paie le prix fort aujourdâhui. »
Exercice
© DR
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TEXTE : DIDIER ZACHARIE
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32Larsen Septembre, octobre 2022 Tendance
La nuit, tous les chats sont gris. Chacun peut se prĂ©senter comme bon lui semble, se transformer en reine de la nuit ou montrer son vrai visage : gay, trans, genderfluid, chĂŽmeur, banquier ou drag queen⊠Tout est permis, la nuit accueille le monde tel quâiel est. Sauf que cette image dâĂpinal nâest plus tout Ă fait juste.
Cet Ă©veil est-il dĂ» Ă une rĂ©elle volontĂ© de coller Ă la sociĂ©tĂ© ou a-t-il pour but dâatteindre un certain quota ? « Ne le font-ils pas simplement par peur de se faire dĂ©noncer ? Pour moi, câest ça qui est un peu dĂ©rangeant, dit ShaĂŻne de Psst Mlle. La dĂ©marche nâest pas saine et rĂ©elle. Et on arrive Ă des situations comme Ă Marseille
LĂ -dessus aussi, les choses commencent Ă bouger. Ces deux derniĂšres annĂ©es, en fait, depuis #BalanceTonBar, les change ments se font sentir, des choses « pour Ă©duquer le staff » par rap port Ă la prĂ©sence de personnes FINTA. Au C12, les initiatives ont commencĂ© dĂšs 2019 oĂč « on a eu beaucoup de monde et parfois des comportements pas toujours cool », dit Tom Brus, cofondateur du club.ConcrĂštement, le club, qui tient Ă avoir un public diversifiĂ© et ouvert dâesprit, collabore avec diffĂ©rents collectifs. Ă lâentrĂ©e (jamais de prĂ©vente, ça permet un premier filtrage), ShaĂŻne de Psst Mlle « fait un speech dâintro qui permet dâexpliquer nos valeurs. Ă lâintĂ©rieur, on essaie de limiter les photos au maximum, dit Tom Brus. On a aussi créé cette team de personnes FINTA qui sont lĂ pour naviguer incognito dans le club et essayer de repĂ©rer des comportements qui ne sont pas ok. Ă ce moment, la sĂ©cu doit leur faire confiance et sortir la personne en question ». Il y a aussi un âhelpdeskâ, des toilettes mixtes et des collaborations en vue avec cette scĂšne pour de futures soirĂ©es.
On est vraiment les seules à aimer ce genre de musique ? »
« La question des quotas est compliquĂ©e, enchaĂźne Souria. Dâun cĂŽtĂ©, câest un outil hyper efficace, mais si tu nâas pas un travail de fond derriĂšre, si rien ne change Ă lâintĂ©rieur des structures et des institutions culturelles, ça ne sert Ă rien. Le line-up, câest la pointe de lâiceberg. » Câest le deuxiĂšme âmaisâ. Le changement doit se faire en profondeur. Il faudrait aussi parler de la sĂ©curitĂ©, des techniciens, des managers, programmateurs, directeurs de clubs et de salles, etc. Bref, lâĂ©cosystĂšme de la musique live a besoin dâĂȘtre fĂ©minisĂ©.
Reste Ă savoir si ces initiatives seront suffisantes pour faire Ă©voluer les mentalitĂ©s. LâidĂ©e Ă©tant aussi « dâamĂ©liorer lâatmosphĂšre gĂ©nĂ©rale dans lâespace public ». Lâun dans lâautre, il sâagit aussi pour les communautĂ©s qui lâont créé de se rĂ©approprier la techno. ShaĂŻne de Psst Mlle : « Il y a des Afro-AmĂ©ricains aux USA qui ont lancĂ© un mouvement Make Techno Black Again. Câest vraiment lâidĂ©e de rĂ©apprendre lâhistoire de la techno et dire : ben non, ce nâest pas une musique de berlinois blancs, câest une musique dâAfro-AmĂ©ri cains queers. Câest bien de le rappeler. Les kids qui sont en club ne sont pas forcĂ©ment au courant de ça. Câest aux clubs dâĂ©duquer le public lĂ -dessus. LâĂ©ducation peut se faire sur le dancefloor ».
Le constat est lĂ : la scĂšne Ă©lectro (au sens large), rĂ©putĂ©e inclu sive et ouverte dâesprit, ne lâest plus tant que ça. Ăa se traduit par un manque de visibilitĂ© des personnes FINTA (femmes, intersex, non-binaires, trans, a-genre), queers ou dâorigine Ă©trangĂšre, que ce soit dans la cabine du DJ ou sur la piste. RĂ©sultat, iels restent sous le radar, prĂ©fĂ©rant des soirĂ©es au sein de leurs communautĂ©s organisĂ©es par une des nombreuses associations qui dĂ©fendent leurs droits Ă plus de visibilitĂ©. Des soirĂ©es plus âchillâ, plus âsafeâ, plus ouvertes dâesprit, en un mot, plus agrĂ©ables. Mais pour faire avancer les mentalitĂ©s dans la bonne direction, rester entre soi ne suffit pas, « on doit occuper lâespace, Ă©duquer, se mĂ©langer ».
Le festival Bru-X-Elles qui aura lieu fin septembre au VK a pour but de mettre sous les projecteurs les artistes FINTA (on leur doit par ailleurs ce nouvel acronyme qui permet de ne parler que dâidentitĂ© de genre et non de questions dâordre sexuel,â ndlr). En avril, un appel Ă artistes a Ă©tĂ© fait. Les organisteur·ices ont reçu⊠247Encandidatures.clair,ilyade quoi faire. Rien quâau niveau de la scĂšne Ă©lectro, on peut citer Melissa Juice, Sara Dziri, Karla Böhm, AliA, Spirite, Vera Moro, Dance Divine, Gem&I, Marouchka⊠Les ar tistes sont lĂ , elles et iels existent, mais on ne leur offre que trop rarement la scĂšne. Câest notamment pour remĂ©dier Ă cela que des collectifs sont nĂ©s, eux aussi nombreux, mais qui vivent avec les moyens du bord et la passion de la cause juste Ă dĂ©fendre : Psst Mlle, Not Your Techno, Mothers & Daughters (MoDa), Les VolumineusesâŠ
oĂč une fille trans sâest faite programmer dans une boĂźte et elle a Ă©tĂ© reçue comme une merde. »
Il sâavĂšre que la nuit nâest pas trĂšs accueillante, « pour les femmes, on lâa bien vu avec #BalanceTonBar, mais aussi pour les personnes trans, queers ou non-binaires. Iels ne se sentent pas dans un âsafe spaceâ ». « Je ne pense pas quâon puisse dire quâon se sente en sĂ©curitĂ© dans un club en 2022, dit ShaĂŻne de Psst Mlle. Certes, il y a beau coup de choses qui sont mises en place, mais est-ce que je me sens plus safe maintenant en tant que femme quâavant ma transition ? Non. Lâalcool aidant, on sait que ça peut devenir rapidement dangereux. »
Yasmine Dammak â Not Your Techno « On doit faire nous-mĂȘmes les soirĂ©es pour mettre ces artistes en avant. »
Pour autant, chacune est dâaccord pour dire que les choses bougent dans la bonne direction. Il y a eu un Ă©veil. Les clubs comme le C12 ou le Fuse ont embauchĂ© des femmes comme DJ rĂ©sidentes (AliA et Karla Böhm au C12, Sara Dziri au Fuse). Et, probablement grĂące au rapport SCIVIAS, les programmateurs se posent dĂ©sormais la question de la diversitĂ© de leur line-up. Mais, il y a deux âmaisâ Ă considĂ©rer.
Câest la question de lâaccueil, de lâatmosphĂšre dâun club. « Câest important de mettre lâaccent sur lâaccueil, dit Yasmine de Not Your Techno. En tant que personne queer, on peut adhĂ©rer Ă des endroits plus masculins et hĂ©tĂ©ros, mais si tu ne te sens pas la bienvenue, quâest-ce que tu fais ? Beaucoup Ă©vitent certains endroits pour cette raison. »
i la house et la techno sont nĂ©es parmi les communautĂ©s noires et âqueersâ aux Ătats-Unis, elles ont aujourdâhui lâimage de musiques dâEuropĂ©ens aisĂ©s et bien comme il faut. « Câest devenu un phĂ©nomĂšne global, dit Tom Brus du C12. Sortir en club, câest un hobby qui coĂ»te de lâargent, il faut pouvoir se permettre de payer une soirĂ©e et câest vrai quâĂ un mo ment, les Blancs hĂ©tĂ©ros se sont un peu appropriĂ©s le truc. Avec lâEDM (Electronic Dance Music,â ndlr), on sâest beaucoup Ă©loignĂ© de ce quâĂ©tait lâĂ©lectro au dĂ©part ». En dâautres termes : « Sur le dancefloor, si tu regardes autour de toi, câest surtout des hommes blancs », dit ShaĂŻne Mahaux du collectif Psst Mlle.
Safe Space
VoilĂ pour la cabine DJ. Place au dancefloor. « On a fondĂ© Not Your Techno en partant dâun constat, dit Yasmine Dammak, cofondatrice du collectif en 2019 avec la DJ Sara Dziri toutes deux dâorigine tunisienne. La musique Ă©lectronique, câest notre truc, on sortait faire la fĂȘte et on se demandait : oĂč sont les personnes comme nous ?
Goddess is a DJ Il y a quelques mois, le rapport de la plateforme SCIVIAS a jetĂ© un fameux pavĂ© dans la mare des organisateurs de concerts en calculant le nombre de personnes FINTA Ă lâaffiche des festi vals de la FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles : 78% dâhommes, 21% de femmes, 1% de personnes non-binaires. La scĂšne Ă©lectro nâĂ©chappe pas Ă ce constat, mĂȘme si des efforts ont Ă©tĂ© faits ces derniĂšres annĂ©es. Ă Dour, 11 artistes sur 30 programmĂ© e s sur la scĂšne Balzaal Ă©taient des femmes ou âfemale identifiedâ.
33Larsen Septembre, octobre 2022 Tendance
S
« On doit faire nous-mĂȘmes les soirĂ©es pour mettre ces artistes en avant, dit Yasmine Dammak de Not Your Techno, mais on a aussi besoin dâapprĂ©ciation par dâautres organisations plus reconnues. » « Sur le long terme, lâobjectif est dâinfluencer le secteur musical avec les Ă©vĂ©nements quâon organise, dit Souria Cheurfi de Psst Mlle. Ce dont on a besoin, câest que les institu tions culturelles reconnues de type AB ou Bota suivent. Mais câest tout lâĂ©cosystĂšme qui doit Ă©voluer. » Exemple parlant, parmi les programmateurs en FWB, seules 15% sont des femmes.
pant (et en remportant) de nombreux concours, Ă lâimage de ce Jâaime bien quand on baise, au dĂ©bit impression nant, et surtout de GĂ©omĂ©trie, titre Ă©purĂ© voix / piano, Ă lâesprit trĂšs LĂ©o FerrĂ© Brutal & susceptible ? Direct et poĂ©tique aussi. FXD
Chouk Bwa & The à ngströmers
34 Les sortiesLarsen Septembre, octobre 2022
SpoonCommander
Entre Spooning, qui nâa pas vraiment eu lâoccasion dâĂȘtre dĂ©fendu sur scĂšne, et un prochain album Ă venir en 2023, il y a eu une pandĂ©mie. Pendant cette pĂ©riode, Commander Spoon ne sâest pas tournĂ© les pouces. Le quartette en a profitĂ© pour inviter des amis Ă le rejoindre en studio et tenter de trouver de nouvelles pistes. Et voici Flock (le troupeau). « Câest un side project, explique le saxophoniste Pierre Spataro. LâidĂ©e Ă©tait de travailler avec la scĂšne belge quâon aime bien, tous horizons confondus, et dâavoir un maximum de processus crĂ©atif en studio. On a pro posĂ© des thĂšmes aux artistes qui ont choisi ce qui leur parlait le plus ». LâEP se dĂ©coupe en quatre Ăpisodes, qui se dĂ©clinent en vidĂ©os, clips et interviews sur les rĂ©seaux⊠plus un morceau (Premier mars), qui sâest Ă©chappĂ© du troupeau. Commander Spoon a donc explorĂ© diffĂ©rents sons sans jamais oublier son identitĂ©. Il y a dâabord un Ă©change explosif avec ECHT! et Esinam pour une approche ethno/Ă©lec tro brute. « Tous les instruments sont doublĂ©s et le challenge Ă©tait de trouver la complĂ©mentaritĂ© ». Vient ensuite la voix envoĂ»tante de Tristan qui emmĂšne le morceau dans un univers assez théùtral avant de partir presquâen vrille. IrrĂ©sistible ! La prĂ©sence de Shungu, beatmaker et producteur, dans le troisiĂšme Ă©pisode ramĂšne le groupe dans une sphĂšre plus groove, jazz et funk. « Il est fort influencĂ© par le jazz et nous par son hip-hop. Il a une carriĂšre incroyable Ă lâinternational et nâest pas assez connu chez nous. Il a presque dirigĂ© la session et nos Ă©changes Ă©taient riches ». Et puis, il y le quatriĂšme Ă©pisode avec Miss Angel et son flow unique et brĂ»lant. « Elle est dans le top 3 des rappeuses en Belgique, si pas la premiĂšre, et a amenĂ© une Ă©nergie de dingue qui a fait dĂ©coller le morceau. » Au final, ce disque hĂ©tĂ©roclite et trĂšs produit, qui aurait pu ĂȘtre chaotique, est un parfait condensĂ© de ce qui se fait de mieux sur une certaine scĂšne jazz (au sens large) en Belgique. Une rĂ©ussite totale.
FortyTwo
Une autoproduction, oui, mais de grande classe. Avec derriĂšre les manettes et aux arrangements lâomniprĂ©sent Remy Lebbos (Great Mountain Fire, David Numwami, FĂčgĂč Mango, Atome et on en passe) ainsi que Lionel Capouillez du Studio Air (qui a notamment collaborĂ© avec Stromae ou Bigflo & Oli), ThĂ©o Eloy sâest bien entourĂ© et sâest mĂȘme offert les services de Casimir Liberski au piano. Bref, le Brel du brol, comme il se dĂ©finit (ou encore lâAngĂšle chauve) avait envie de bien faire les choses pour ce premier EP sauce hip-hop atypique. On retrouve la distance et lâironie (Les Ătats-Unis) qui caractĂ©risent son Ă©criture qui se montre aussi souvent trĂšs frontale et trashy pour passer le monde Ă la loupe un peu façon Orelsan (Village). Une Ă©nergie et un flow qui viennent du slam, un style dans lequel lâartiste sâest longtemps illustrĂ© en partici
Vu le pseudonyme, le lettrage et la pochette, on pourrait sâattendre Ă de la techno nordique. En rĂ©alitĂ©, Otto se prĂ©nomme Cyrille et câest bien dâun projet bruxellois quâil sâagit. 42 minutes (dâoĂč le titre), 2 morceaux. Au moment de classer lâalbum, on choisira le rayon âambient nĂ©o-clas sique minimalisteâ. Au moment de vivre ces compositions, car câest autant une expĂ©rience Ă vivre que quelque chose Ă dĂ©poser sur une platine, oui, on optera plutĂŽt pour la contemplation et lâintrospection. Reg, la face A, est plutĂŽt Ă©lĂ©giaque, le genre de musique que lâon imagine bien entendre dans sa tĂȘte quand on se promĂšne sur la plage de la pochette, par temps instable. The Donkey Theory est en revanche plus sombre, voire mĂȘme anxieux. Si les motifs principaux se rĂ©pĂštent et sâĂ©tirent, il se passe beaucoup de choses en arriĂšre-plan. Qui courtcircuitent le cerveau et ouvrent les cĆurs. Dans son genre, un trĂšs bel album. SC
Totalism
Flock Humpty Dumpty Records
Ayiti Kongo Dub #1
Les Disques Bongo Joe Chouk Bwa & The Ă ngströmers sâest rĂ©vĂ©lĂ© en 2020 Ă la faveur de Vodou AlĂ©, album subliminal imaginĂ© Ă la croisĂ©e des temps et des conti nents. Entre traditions ancestrales importĂ©es dâHaĂŻti et pulsations tribales distillĂ©es depuis des unitĂ©s Ă©lectroniques, le collectif a rĂ©alisĂ© un coup aussi parfait quâimpromptu : connecter les croyances de musi ciens haĂŻtiens avec le savoir-faire de producteurs bruxellois (FrĂ©dĂ©ric Alstadt et Nicolas Esterle). AprĂšs avoir reliĂ© la Mer du Nord Ă celle des CaraĂŻbes en un disque, lâassociation revient sur un format court, profilĂ© pour agiter le dancefloor. En trois morceaux resserrĂ©s autour des tambours, le groupe belgo-haĂŻtien explore les limites de la transe via des cavalcades propices aux halluci nations collectives. CĆur battant, corps dansant, lâĂ©quipĂ©e traverse les vapeurs du dub et sâinfiltre dans la culture techno. De quoi invoquer les esprits sans prise de tĂȘte. NA
â JP
Jakbrol
Brutal & susceptible Autoproduction
sortiesLes
Otto Lindholm
Antoine Chance et Nicolas Mouquet pratiquent lâart du dĂ©calage et ce, depuis leurs dĂ©buts et leur entrĂ©e remarquĂ©e sur la scĂšne de la FĂ©dĂ©ra tion Wallonie-Bruxelles par la case Concours Circuit. AprĂšs quelques singles et autant de clips barrĂ©s, lâheure du premier album a sonnĂ©. HĂ©bergĂ© par la maison Capitane Records (Juicy, Nicolas MichauxâŠ), cette âlongue histoire courteâ (on vous parlait de dĂ©calage) se dĂ©cline en dix titres dans un style pop lo-fi qui se montre tour Ă tour ensoleillĂ© ou ombragĂ©, dans la veine dâEfterklang ou dâAnimal Collective. Ă la premiĂšre Ă©coute, Ă la lecture des titres Ă contre sens (Lobstory, Ahahaha ou encore Bossa Charleroi) et Ă la vue de leur
Tru Thougthts
Barbara Wiernik
Un premier album trĂšs rĂ©ussi, trĂšs cohĂ©rent, ludique et loin dâĂȘtre idiot. Le pied, quoi. FXD
Ellipse
Back & Forth
Nikitch & Kuna Maze
Livre-disque conçu Ă lâattention des enfants, Grand DĂ©mĂ©nagement entremĂȘle mĂ©lodies et poĂ©sie au cĆur dâun rĂ©cit inspirĂ© par le dĂ©clin de lâindustrie miniĂšre en Wallonie. Chanteuse, illustratrice et conteuse de cette Ă©popĂ©e atypique, Françoiz Breut revient sur les prĂ©mices du projet : « Il y a une dizaine dâannĂ©es, lâauteur carolo Mathieu Pierloot mâa proposĂ© dâillustrer ses textes. Il y Ă©tait question dâun village et dâun charbonnage. Nous avions un Ă©diteur. Malheu reusement, ce dernier a fait faillite⊠» Les choses auraient dĂ» en res ter lĂ . Une randonnĂ©e va toutefois inverser le cours de lâhistoire. « En 2019, jâai participĂ© Ă La boucle noire, retrace Françoiz Breut. Câest une marche de vingt-trois kilomĂštres autour de Charleroi. Elle a pour but de retracer lâhistoire de la rĂ©gion. Jâai donc escaladĂ© des terrils et observĂ© le panorama. Le soir, en rentrant chez moi, jâai repensĂ© aux textes de Mathieu Pierloot. » La chanteuse reprend alors contact avec lâĂ©crivain en vue de remanier leur collaboration oubliĂ©e, de poser de nouvelles illustrations sur les mots. Dans le mĂȘme temps, des chansons se dessinent aux cĂŽtĂ©s de Mocke et Claire Vailler, les chevilles ouvriĂšres du groupe Midget!. Lus ou chantĂ©s, les morceaux de Grand DĂ©mĂ©nagement ne sombrent jamais dans la dĂ©pression.
Breut, &MockeClaire Vailler
Grand dĂ©mĂ©nagement Le Label Dans La ForĂȘt
Barbara Wiernik sâest entourĂ©e de musiciennes dĂ©licates (HĂ©lĂšne Duret Ă la clarinette et clarinette basse, Sigrid Vandenbogaerde au vio loncelle) et dâun vibraphoniste non moins sensible : Bart Quartier. Au travers de 10 chansons plus sensibles les unes que les autres, Barbara dĂ© pose ses mots bien choisis et vocalise (rappelant parfois lâesprit dâune Kate Bush) ou scatte Ă sa façon, avec une pointe de chant indien. Cela donne Ă lâensemble une tonalitĂ© singuliĂšre, entre mĂ©lancolie (Land Of Poetry ou la magnifique berceuse Bird Of Sukhotai) et chants optimistes. Les arrangements et compositions sont savamment construits et les interventions boisĂ©es des marimba et clarinette viennent en contrepoints dĂ©licieux des cordes et de la voix. Laissez-vous embarquer, ça fait vraiment du bien. â JP
Monolithe Noir
Autant y aller franchement : ce troisiĂšme album de Monolithe Noir restera assurĂ©ment comme lâune des meilleures choses sorties de Belgique au moment de tirer le bilan de cette Ă©trange annĂ©e 2022. DĂ©jĂ parce que cette musique ne ressemble Ă rien de connu, quâon est bien en peine dây dĂ©gotter une influence Ă©vidente ; bref, que Monolithe Noir est tout sauf une version locale dâun projet Ă©lectronique Ă©tranger, plus connu et plus talentueux. Histoire de tout de mĂȘme situer un peu lâaffaire, on dira malgrĂ© tout quâon navigue ici entre post-punk (le for midable single Finvus), ambient Ă violon, chansons habitĂ©es et agi tĂ©es sans ĂȘtre vraiment rock, et mĂȘme world music mutante (lâinquiĂ© tant Barra Rouge, feat. Jawhar). « Sâils ont Ă©tĂ© composĂ©s et peaufinĂ©s dans une forme dâapaisement, les titres de Rin restent traversĂ©s par des tensions, la colĂšre, la foudre », nous apprend le dossier de presse, prĂ©cisant Ă©galement que « La Bretagne, lâenvie de la retrouver et la redĂ©couvrir a Ă©tĂ© centrale dans lâĂ©criture du disque et dans lâimagi naire qui en Ă©mane. Chemins creux, arbres noueux et rĂąblĂ©s, cĂŽtes ciselĂ©es, lande, Brest, les villages esseulĂ©s, les zones pĂ©riurbaines, une centrale nuclĂ©aire en plein Monts dâArrĂ©e. Et autant dâintempĂ© ries que dâĂ©claircies ». Ă chacun son imaginaire. Celui de lâauteur, Breton habitant Bruxelles, nâĂ©tant pas forcĂ©ment celui de quelquâun retrouvant sur cet album un peu des ambiances Ă la Trent Reznor ou la tension Ă©lectrifiante des meilleurs albums post-punk. Comme quoi, Ă lâinstar du monolithe noir du film 2001, lâOdyssĂ©e de lâespace, celui-ci explose votre Ăąme en mille morceaux cosmiques. SC
â
univers colorĂ© aux clips rigolos, on aurait tendance Ă rĂ©duire le groupe Ă de la pop feel good. Il y a de ça, un peu dâeasy listening par-ci par-lĂ ou de tropical song aux rythmes syncopĂ©s et Ă la guitare funky. Mais Ă toute part de soleil â toutefois souvent dĂ©sĂ©quilibrĂ©e par des tonalitĂ©s mĂ© lancoliques (Bossa Charleroi, Sunny Eggs) â, il y a sa part dâombre. Who Cares (« The world is falling apart⊠who cares ») et surtout, Not Trying, sa guitare dark et ses arrange ments planants (« Iâm not trying to be anyone else ») viennent assombrir le tableau et contrebalancer les trou vailles humoristiques jouant sur les mots (Lobstory) ou autres sujets WTF (Ghost Hair ou Lost in Playlists).
35 Les sortiesLarsen Septembre, octobre Françoiz2022
Elle en rĂȘvait depuis longtemps : chanter en sâaccompagnant dâins truments qui rendent parfaitement hommage Ă son timbre de voix.
« Comme ce livre-audio sâadresse Ă des enfants, on se voyait mal Ă©voquer la pollution souterraine et le taux de chĂŽmage. Nous nous sommes donc concentrĂ©s sur des points positifs et durables : la vĂ©gĂ©tation sur les terrils, la possibilitĂ© dây cultiver des fruits et des lĂ© gumes. » Si lâhistoire contĂ©e par Françoiz Breut et les siens sâinspire du bassin industriel carolorĂ©gien, le rĂ©cit se veut universel, ajustable Ă dâautres rĂ©alitĂ©s. Ă dâautres sols rongĂ©s par la voracitĂ© du capita lisme. Entre vertus poĂ©tiques et historiques, Grand DĂ©mĂ©nagement puise les ressources nĂ©cessaires pour sĂ©duire petits et grands. â NA
Twin Toes Long Story Short Capitane Records
Spinach Pie Records
Deux ans aprĂšs le bien nommĂ© DĂ©buts, Nikitch et Kuna Maze remettent le couvert avec Back & Forth. Si le duo français ne se quitte plus, il travaille aussi Ă distance. Le premier (Nicolas Morant) depuis Grenoble et le second (Edouard Gilbert) Ă Bruxelles oĂč il rĂ©side de puis plusieurs annĂ©es. Si la âtouche françaiseâ est notable dans les sons de synthĂ©s vintage qui parcourent le disque, câest plutĂŽt du cĂŽtĂ© de Londres et de la nouvelle scĂšne jazz UK quâon rapprochera Back & Forth pas Ă©tonnant si lâalbum sort sur le label londonien Tru Thoughts. Un jazz moderne, dĂ©complexĂ© et Ă©lectronique. Mais lĂ oĂč Kokoroko, par exemple, puise son inspiration dans les sons dâAfrique, câest du cĂŽtĂ© du BrĂ©sil que lorgnent Nikitch et Kuna Maze. Un BrĂ©sil quâon retrouve dans cette rythmique funky en diable faite de basses et percussions incessantes, mais aussi dans une flĂ»te magique qui se promĂšne ça et lĂ et des voix carioca entĂȘtantes qui permettent au duo de faire le grand Ă©cart entre clubs de jazz et clubs house. Un disque Ă Ă©couter la nuit, en mode festif ou intime. â DZ
Rin Humpty Dumpty Records / Capitane Records
« When I was a little boy, I remember⊠» La voix est modulĂ©e par des cordes vocales qui ont vĂ©cu. On visualise : la catastrophe sâest produite. Devant un paysage dĂ©solĂ©, lâhomme Ă©grenant ses souve nirs pourrait ĂȘtre le dernier sur Terre. « I am legend », Ă la Richard Matheson. Et câest bien Ă une lĂ©gende quâappartient cette voix. Iggy Pop la pose sur le violon et les effets de Catherine Graindorge comme sâils avaient toujours Ă©tĂ© son milieu naturel. La musique de Catherine lui Ă©voque « des calices, des corsages et des vieilles pierres. Câest le romantisme europĂ©en et il sâinsinue en moi comme un brouillard, comme lâhiver Ă Venise, comme un vent de minuit ». DĂ©cidĂ©ment, le karma de la musicienne lui vaut de belles rencontres ! Celle avec notre bon vieux pied nickelĂ© a commencĂ© quand deux des titres de lâalbum Eldorado sorti en octobre 2021 ont Ă©tĂ© playlistĂ© dans Iggy Confidential, lâĂ©mission quâil anime en radio (6Music, BBC), sâest poursuivie par plusieurs Ă©changes ayant abouti Ă trois des quatre morceaux de ce saisissant EP, et sâest concrĂ©tisĂ©e âen vraiâ du cĂŽtĂ© dâAnvers le temps du tournage dâun clip pour The Dictator, la plage dâouverture. « Il y a une âmaçonnerie gothiqueâ Ă lâĆuvre ici, avec une force trĂšs ancienne soutenue par des structures trĂšs astucieuses, observe Iggy Ă propos de la musique de Catherine. Ma contribution consiste Ă rendre compte, par les mots, de la menace actuelle et de lâaspiration au bonheur et Ă la paix. » La bande originale parfaite de notre sombre monde, oĂč tout grince et crisse, aux Ă©chos chargĂ©s dâinquiĂ©tudes. â DS
LâintĂ©grale en 4 coffrets
NĂ© Ă LiĂšge en 1822, mort Ă Paris en 1890, CĂ©sar Franck a droit, pour le bicentenaire de sa naissance, Ă une sympathique dĂ©fer lante de CD balayant la totalitĂ© de son Ćuvre. Ces intĂ©grales ont le mĂ©rite de rappeler que, si tout ne fut pas impĂ©rissable dans sa production, la richesse du catalogue du âpĂšre Franckâ ne se limite pas Ă ces quelques tubes que sont sa sonate pour piano et violon, son quintette ou son Ă©mouvant PrĂ©lude, fugue et variation Mieux, ils sont lâoccasion de rappeler que ce Wallon naturalisĂ© français, pianiste prodige et organiste talentueux, connut une lĂ©gitime heure de gloire. Sâil crĂ©a avant son ami Liszt la forme du poĂšme symphonique, il sut enrichir la musique française en donnant Ă ses illustres Ă©lĂšves dâIndy, Chausson et autre Duparc le goĂ»t des grandes formes musicales. Ce sont dâailleurs ses Ă©lĂšves qui Ă©rigeront en systĂšme la forme cyclique dont on lui attri bue rĂ©guliĂšrement la paternitĂ©, alors quâil se sera toujours gardĂ© de lâenseigner. EnfermĂ© Ă tort dans une image un peu passĂ©iste, ce progressiste catho mais pas bigot, portĂ© par lâidĂ©al de la RĂ©volution de 1848, donnait volontiers des concerts de charitĂ© pour les ouvriers. Il fut aussi, on le sait moins, un ardent propa gandiste de la formation musicale pour les femmes, quâil estimait des artistes Ă part entiĂšre. LâintĂ©grale des Ćuvres orchestrales (4 CD Fuga Libera), gravĂ©e par lâexcellent Orchestre Philharmo nique Royal de LiĂšge et ses diffĂ©rents chefs est un must, couronnĂ© dâun Diapason dâOr. LâintĂ©grale de la musique de chambre (4 CD Fuga Libera), rĂ©alisĂ©e Ă lâinitiative de la Chapelle Musicale, est tout aussi captivante. Si le coffret MĂ©lodies et duos parlera surtout aux afficionados, aucune rĂ©serve en revanche sur la réédition de lâintĂ© grale pour orgue et harmonium par Joris Verdin. â SR
La Reine Seule Visages
et gracieux ou sâaffoler Ă lâarchet sur Pas de signal, par exemple. Tout sâĂ©change, se mĂ©lange et se mĂȘle avec cohĂ©rence. Entre valses lentes, ballades aux effluves rock, musique de chambre, pointes de cool jazz et improvisations, Synestet impose son esthĂ©tique singuliĂšre tout au long dâun disque inventif, intelligent et plein dâĂ©blouissements. VoilĂ sans aucun doute lâune des plus intĂ©res santes sorties jazz de ces derniers mois.
featuringGraindorgeCatherineIggy Pop
JP
De la musique balkanique mais sauce techno ? Oui, ami puriste et amateur de sonoritĂ©s cuivrĂ©es, passe ton chemin. Outre le final Ratatak, plus âtraditionnelâ, il vous faudra apprĂ©cier lâapproche Ă©lectro, voire hard techno (Peroxyd) de Bernard Orchestar, trĂšs Ă©loignĂ©e du son de ses dĂ©buts. Un cocktail multivita minĂ© au surrĂ©alisme bien de chez nous (« Ton boulet⊠mes frites / Mon boulet⊠tes frites ») oĂč lâhumour sert parfois Ă laisser passer un message (« Yâa plus de castor dans les bois (âŠ) BientĂŽt yâaura que toi et moi » sur La Vie Sauvage avec MC Putois Ă la prod.). Soit neuf plages alter nant plaisir (Ă©lectro) instrumental et humour (rappĂ© / scandĂ©) dĂ©calĂ© (La Joie).
Synestet RĂŽles
Igloo Records
KapitÀn Platte
36Larsen Septembre, octobre 2022 Les sorties
FXD
The Dictator Glitterbeat
César Franck
Judith Hoorens fait partie du groupe post-rock We Stood Like Kings et elle sâoffre ici, en âReine Seuleâ, une virĂ©e piano solo. Huit plages nĂ©o-classiques avec comme contrainte de dĂ©part une cellule de trois notes, quâelle fait Ă©voluer harmoniquement, mĂ©lodiquement, du mineur au majeur, du romantisme au minimalisme, crĂ©ant ainsi huit atmosphĂšres qui sâenchaĂźnent, vous transportent, vous Ă©meuvent. Huit petits moments trĂšs contemplatifs et cinĂ©matographiques. Pour les amateur·trices de Philip Glass et autres Michael Nyman, Keith Jarrett, etc. Des visages, des images, des Ă©motions. FXD
Rebel Up / Bernard Orchestar / Vlad Productions
Bernard Orchestar Climax
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RĂŽles, le second album de Synestet est un vĂ©ritable petit bijou. HĂ©lĂšne Duret a rĂ©ussi le pari dâenrober une musique fouillĂ©e, voire complexe, dans un Ă©crin inattendu, poĂ©tique, ludique et trĂšs Ă©loquent. On pourrait presque y voir des couleurs ou sentir des odeurs, tellement câest incarnĂ©, mais on entend surtout une musique inventive dĂ©livrĂ©e avec une simplicitĂ© dĂ©sarmante. Aux sons feutrĂ©s et mys tĂ©rieux de la clarinette (et clarinette basse) dâHĂ©lĂšne Duret se mĂȘlent ceux, plus Ăąpres, du sax de Sylvain Debaisieux, tantĂŽt tĂ©nĂ©breux, tantĂŽt incisif. La guitare, toujours fluide, de Benjamin Sauzereau peut ĂȘtre sobre (Reine sous terre) ou trĂšs volubile (sur le magnifique La mesure du possible) et parfois totalement dĂ©bridĂ©e (Flying Low). La batterie de Maxime Rouayroux, au son mat (presque pĂąteux), tout en ârouleauxâ et roule ments, agit comme un merveilleux tapis sur lequel chaque musicien peut se laisser aller. Fil Caporali peut ainsi Ă©grener un balancement doux
KHOLALICE© BEYERALEXANDRA©KholAlice
Et
Ăcrire des images pour la musique, comme elle dit, la passionne. Alice Khol nâa pas fait dâĂ©tudes de cinĂ©ma mais suivi des cours du soir de photo, Ă lâĂ©cole AgnĂšs Varda. « La vidĂ©o, jâai appris en pratiquant, aussi⊠» Elle rit : « Mais je suis beaucoup moins geek que tous ces gars, et passer des heures sur des tutos YouTube, gĂ©nĂ©ralement, ça me fait ch⊠à mort ! Je sais que la 3D est trĂšs Ă la mode, mais ça mâĂ©tonnerait quâun jour, je trouve la patience de mây mettre. » Vous verrez donc trĂšs peu dâeffets dans ses clips. Ses compĂ©tences sont ailleurs. « JâĂ©cris, je tourne et je monte. Quand on se limite Ă quelques aspects, on peut parfois
TEXTE : DIDIER STIERS
et au BSFF (Brussels Short Film Festi val,â ndlr), mais nâest pas encore sorti. » Si ça sây prĂȘte, nous dit-elle encore, câest une piste quâelle aimerait explorer : moins dâimages, plutĂŽt une idĂ©e simple. La rĂ©alisatrice en est convaincue : si on veut faire un mĂ©tier de crĂ©ation, on ne devrait pas se fixer de rĂšgles ni de limites !
de deux ! Le VKRS, pour les intimes le Video Killed The Radio Star Festival, a dĂ©cernĂ© pour la deuxiĂšme fois un prix Ă Alice Khol. La premiĂšre, câĂ©tait pour Je mange du pain dâAlek et Les Japonaises. Et lĂ , cette annĂ©e, le clip quâelle a imaginĂ© pour Shaka Shams et son Balrog a pareillement Ă©tĂ© saluĂ©. « Câest toujours encourageant, commente la Bruxelloise dâadoption. Ăa montre que le travail plaĂźt. AprĂšs, je ne mâinscris pas dans quantitĂ© de festivals, ce nâest donc pas comme si jâavais des clips multiprimĂ©s ou qui y font un parcours incroyable. Ăa sâarrĂȘte souvent Ă la diffusion sur le Net ! ».
creuser un peu plus. Et les contraintes poussent Ă rester crĂ©atif ! Je mâinterdis certains thĂšmes que jâai dĂ©jĂ abordĂ©s dans dâautres clips. Avec le tout dernier pour Vaague (Raakma,- ndlr), jâai essayĂ© de faire quelque chose de non narratif, ce qui mâest peu arrivĂ©, et un seul plan. Parfois, je me dis que pour certains morceaux, moins dâimages favorise lâĂ©coute. »
Elle a mis en images des morceaux de BRNS, Alek et Les Japonaises, Marc MeliĂ , River Into Lake ou encore Shaka Shams. RĂ©alisĂ© deux documentaires. Et elle travaille actuellement sur un court-mĂ©trage de fiction ainsi quâun clip pour Pierres. Petit tour au jardin dâAliceâŠ
37Larsen Septembre, octobre 2022 ArrĂȘt sur image
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« Cette photo est tirĂ©e de Tarot, un court-mĂ©trage musical que jâai rĂ©alisĂ© pour River Into Lake. » Le pitch ? DĂ© coupĂ© comme un tirage de Tarot, lit-on, ce court-mĂ©trage musical de 10 minutes Ă©galement scĂ©narisĂ© par Alice, aborde Ă travers la danse des corps un instant de questionnement dâune jeune femme queer. « Il a Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ© au VKRS
NĂ©e Ă Grenoble, Alice Khol se souvient de la premiĂšre fois oĂč elle a vu un clip. « Jâhabitais dans les Hautes-Alpes. Nous nâavions que trois chaĂźnes, je nâallais pas aux concerts, il nây avait pas vraiment de vie culturelle dans mon village. Dans la vallĂ©e, chez des amis, alors que je devais avoir 6 ou 7 ans, sur M6, jâai vu celui de Voyage, Voyage, je pense. » Elle rit : « Ăa mâa frappĂ©. Cette lumiĂšre, cette mise en scĂšne⊠AprĂšs, jâai commencĂ© Ă faire des clips pour des amis, comme plein de gens. » Et lâintĂ©rĂȘt pour la musique ? Venu Ă lâadolescence : « Par une amie qui mâavait fait dĂ©couvrir PJ Harvey, Radiohead, Björk⊠Je me souviens dâĂ©motions incroyables en Ă©coutant Cocteau Twins, par exemple. » Elle phi losophe : « Il y a de la musique pour tout, pour nous accompagner dans la vie. Chez beaucoup de gens, ce rapport Ă la musique sâen va aprĂšs leur jeunesse. Moi, je nâai jamais eu envie que ça passe ! »
TraversiĂšre, Ă cĂŽtĂ© de ce qui allait devenir le Travers, ouvre le Brussels Loft. Dans ce club, Philippe de Visscher, fan de jazz amĂ©ricain, programme lâArt Ensemble of Chicago, Archie Shepp quand ils ont un jour libre en tournĂ©e⊠« Ses concerts ne com mencent jamais Ă lâheure et moi, je dĂ©couvre un milieu farfelu. Ă 10 heures, il doit fermer son troquet et ils dĂ©barquent tous chez nous, Ă cĂŽtĂ©, avec leurs binious. Les premiĂšres jams commencent dĂšs octobre 1978. »
1978 sur les chapeaux de roue Ă bien des Ă©gards, lâannĂ©e 1978 marque un formidable rebond de lâactivitĂ© jazz en Belgique. Câest lâannĂ©e oĂč Daniel Sotiaux crĂ©e les disques Igloo. Au mĂȘme moment, lâassociation des jazzmen belges, Les Lundis dâHortense, lancent leur propre Ă©tiquette, LDH, qui publiera quelques 33 tours avant de fusionner avec Igloo. Ă ses dĂ©buts, le Travers nâavait rien dâun club de jazz : « Des choses inavouables vont passer dans ce lieu, du théùtre, de la chanson, des happenings, des gens complĂštement fous, le Magic Land Théùtre⊠Avec les premiers concerts, je dĂ©couvre une musique dont je nâai que faire, mais les musiciens sont balĂšses ».
Il y avait quelque chose de prĂ©destinĂ© dans cette idĂ©e que quelque chose de transversal allait sây passer. Au dĂ©part, le 11 rue TraversiĂšre est une colocation de trois journalistes travaillant Ă Notre temps, sous-titrĂ© âle journal qui appartient Ă ses lecteursâ. Une coopĂ©rative. Jules Imberechts, lâun des colocataires, est Ă©galement dĂ©lĂ©guĂ© dâagent de change Ă la Bourse de Bruxelles : « Je gĂ©rais le marchĂ© au comptant pour certaines valeurs comme Canadian Petrofina, se souvient-il, je travaillais lĂ de 10 heures du matin Ă 3 heures de lâaprĂšs-midi, le reste Ă©tait du temps libre ».
à partir de 1982, il y a donc des concerts tous les soirs au Travers, « avec personne au début, mais tout le monde commence
Quand le journal ferme, en 1978, Jules sâassocie avec son coloc Philippe Vandermeulen pour ouvrir un bistrot et une maison de jeux. Non, pas un tripot roulette, plutĂŽt genre Ă©checs, bridge⊠à lâaube des annĂ©es 80 â câĂ©tait il y a plus de quarante ans â, Bruxelles est un bouillon de culture, dont lâun des grands maĂźtres est Jo Dekmine, dĂ©nicheur de talents, connu pour avoir fondĂ© le Théùtre 140, avenue Plasky, Ă Schaerbeek.
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« Et surtout, je ne sais quoi programmer, avoue Jules Imberechts, comme je nây connais rien, plutĂŽt que de me tromper, je dis oui Ă tout le monde, dâoĂč cet esprit dâouverture et de libertĂ© du Travers. Ă partir de 1982, on est devant de belles grosses pertes. Le lieu est tout petit et nâa pas encore dâimage. DâaprĂšs mon comptable, il nây a quâune solution : ouvrir tous les jours ! ». Ă lâĂ©poque, Jules est entourĂ© dâune petite bande de musiciens : les guitaristes Pierre Van Dormael et Bernard Dossin, le saxophoniste Bernard Loncheval, le batteur Philippe Mobers. Chacun prend en charge un jour de programmation.
Ă la faillite du Loft, en mars 1979, le Travers prend naturel lement le relais de lâactivitĂ© musicale : « Le premier vrai concert annoncĂ© sera celui de Frankie Rose Ă la guitare et Vincent Penasse au saxophone, en duo, au printemps 1979 ». Câest le dĂ©but dâune longue sĂ©rie de 7.000 concerts en 22 ans, le Travers devant fermer, le 9 septembre 2.000, sous la pression du propriĂ©taire voulant rĂ©affecter les lieux.
le Travers fut un des Ă©picentres de lâactivitĂ© jazz en Belgique, dans un esprit de libertĂ©, de dĂ©couvertes et dâouverture quelque peu rĂ©volu.
Ăa se passe aux Halles Quand, en 1963, il loue la salle paroissiale pour crĂ©er le 140, Dekmine (1931-2017) nâen est pas Ă son coup dâessai. Il sâĂ©tait fait les dents sur plusieurs cabarets, dont LâOs Ă MoĂ«lle, place Meiser, fondĂ© en 1960 et plus ancien Ă©tablissement bruxellois en activitĂ©. Ă partir de 1972, avec Philippe Grombeer (1946-2020), il participe aussi Ă faire des Halles de Schaerbeek ce quâelles sont encore aujourdâhui.
vec sa porte en fer forgĂ© et son grand volet souvent baissĂ©, câest une maison discrĂšte dans une rue Ă©troite de Saint-Josse, bien dans le style du quartier du Jardin botanique. Rien, mĂȘme pas une enseigne lumineuse, ne laissait imaginer que lĂ , dans ce qui est devenu un immeuble Ă appartements, se trouvait lâune des scĂšnes les plus dynamiques de la place bruxelloise pendant plus de deux dĂ©cennies : le Travers. Lieu de rencontre et dâĂ©mulation, il tirait son nom de la voie sur laquelle lâimmeuble est situĂ©, la rue TraversiĂšre.
38 Câest culteLarsen Septembre, octobre 2022 Câest culte
« Les Halles, câest toujours la fĂȘte, on y fait des feux prĂšs de vieux camions de pompier », se remĂ©more Jules Imberechts qui, Ă cĂŽtĂ© de ses activitĂ©s boursiĂšres et de son bistrot avec potes, y est pris comme bĂ©nĂ©vole. Le 1er octobre 1978, au 13 de la rue
Jules, en long, en large et en Travers
TEXTE : DOMINIQUE SIMONET
CâĂ©tait un petit club de rien du tout, au 11 rue TraversiĂšre, dans le quartier du Jardin botanique Ă Bruxelles. Ă partir de 1978 et pour plus de vingt ans,
Les musiciens de Miles Davis DĂ©sormais, on voit dĂ©filer au Travers les musiciens de Miles Davis ou des frĂšres Brecker aprĂšs leur concert : Mike Stern, Marcus Miller, Bill Evans (le saxophoniste). Jaco Pastorius, Bobby Mc Ferrin sont aussi passĂ© par lĂ , mais sans jammer. Entretemps, lâactivitĂ© sâemballe, Jules Imberechts est associĂ© avec Jean-Michel De Bie lors de la crĂ©ation de Jazztronaut, une agence de concerts. Dans la foulĂ©e, le Travers organise le concert de⊠Miles Davis au Cirque Royal, le 25 avril 1983.
AprĂšs le Polâs Jazz Club, rue de Stassart, Pol Lenders, personnage bruxellois haut en couleur, inaugure le Bierodrome, place Fernand Cocq. Puis câest au tour du Sounds dâouvrir, rue de la Tulipe, sous la houlette de Sergio Duvelloni. Une concurrence ? Pas vraiment : « Sâil nây avait pas eu le Sounds, jâaurais eu 10% de clientĂšle en moins au Travers. Au dĂ©part, la clientĂšle peut diminuer lĂ©gĂšrement, Ă cause de la curiositĂ©, et puis la dynamique amenĂ©e par les nou veaux clubs amĂšne du public dans les anciens. Quand le Brussels Jazz Club1 a fermĂ© Grand-Place, on a perdu des gens, alors que ce nâĂ©tait pas la mĂȘme frĂ©quentation ».
« Chaque fois quâun truc ouvrait, il y avait une sorte dâĂ©mula tion, rĂ©sume Jules du Travers, je le vois ici aussi, Ă Sart-Risbart. » Oui, parce que lâhistoire du Travers ne sâest pas arrĂȘtĂ©e avec la fermeture du lieu, rue TraversiĂšre. Jules a ensuite rĂ©alisĂ© la pro grammation jazz du Théùtre Marni, Ă Ixelles, tout en crĂ©ant, suite Ă une fĂȘte des voisins qui a pris de lâampleur, un festival â Les Sentiers de Sart-Risbart2 â et une saison de spectacles pluridisci plinaires chez lui, dans la mĂ©tairie de sa grand-mĂšre paternelle. Dans le village brabançon de la commune dâIncourt, il ap plique les principes de toujours. « Câest vraiment Jo Dekmine qui mâa appris Ă aller regarder ailleurs. DĂ©jĂ Ă lâĂ©poque, il se battait pour lâouverture aux autres, aux Flamands notamment. Câest lui qui mâa ouvert les yeux sur des pratiques théùtrales et culturelles, sur son intĂ©gration dans le quartier de Schaerbeek. Lui et Philippe Grombeer, ce sont des gens qui avaient lâesprit de la Ferme VÂł, lâes prit garage, lâesprit quartier, poursuit-il. Bien sĂ»r, je programme parce que jâai envie de sĂ©duire un public. Il ne sâagit pourtant pas seulement de donner envie, il faut aussi convaincre, et convaincre de revenir. »
1. Situé en sous-sol à la Grand-Place, le Brussels Jazz Club était trÚs sélect et accueillait des musiciens comme Art Blakey et son Jazz Messengers, Dexter Gordon, etc.
2. Le festival Les Sentiers de Sart-Risbart et la saison Les Rendez-vous de Sart-Risbart sont organisés par Travers Emotion, www.travers.be
MARCONGUIDO©
39 Câest culteLarsen Septembre, octobre 2022
Jules Imberechts, à la fin des années 70.
Ă venir jouer. Pour la jam du lundi, il a parfois fallu mettre des tables dehors ! ». Jammer, faire le bĆuf pour les Français, est un Ă©lĂ© ment clĂ© de la pratique du jazz, Ă lâĂ©poque oĂč les acadĂ©mies et conservatoires lui Ă©taient fermĂ©es. Dans ces moments de ren contres souvent impromptues, on improvise, on se dĂ©fie, on expĂ©rimente des formules ; des idĂ©es dâarrangement ou des esquisses de mĂ©lodie peuvent surgir. La scĂšne du Travers devient un lieu phare. Jules y prĂ©sente les concerts en veste et nĆud papillon, conservĂ©s de sa journĂ©e Ă la Bourse.
1984, câest aussi lâouverture, en tant que centre culturel, du Botanique, Ă deux pas du Travers et du Cirque Royal. « CâĂ©tait une institution extrĂȘmement mĂ©prisante par rapport au quartier et aux petits Ă©tablissements comme le mien ou de Jo Dekmine, malgrĂ© son Ă©norme aura culturelle », se rappelle un Jules quâil convient dĂ©sormais dâappeler Jules du Travers â une particule qui en vaut bienDesdâautres.pointures internationales passent au Travers, comme Hermeto Pascoal qui y fera trois sets avant dâĂȘtre produit, par le Travers, Ă lâAncienne Belgique, une salle Ă la mesure du succĂšs du multi-instrumentiste brĂ©silien. « LâAB Ă©tait trĂšs ouverte Ă accueil lir les concerts que je proposais, elle Ă©tait trĂšs active, alors que les Francophones me piquaient mes idĂ©es. »
Ămulation plus que concurrence
3. SituĂ©e au 213 chaussĂ©e de Roodebeek Ă Woluwe-Saint-Lambert, la Ferme V est connue pour avoir organisĂ© des concerts dâanthologie, dont la premiĂšre venue de Genesis sur le continent europĂ©en, le 7 mars 1971.
En rĂ©alitĂ©, câest un peu tout qui sâemballe Ă cette Ă©poque-lĂ Ă Bruxelles. En 1980, AndrĂ© Dael a ouvert le Bloomdido, prĂšs de la place Saint-GĂ©ry et organise de grands concerts : Sun Ra Arkestra, Gary Burton⊠Il tiendra jusquâen 1984, avant de retourner Ă ses activitĂ©s de graphiste pour la plupart des producteurs de concerts, dont il rĂ©alise les affiches.
Des cafĂ©s aux centres culturels ExportĂ© des Ătats-Unis, le jazz est arrivĂ© au dĂ©but du 20e siĂšcle. Django Reinhardt, Philip Catherine, Toots Thielemans⊠des grands noms du jazz sont nĂ©s en Belgique. Les big bands Ă©taient trĂšs po pulaires dans les annĂ©es 40-60, le service public audiovisuel BRT avait mĂȘme son propre groupe.
Vue de Flandre
« Ăa sâest fait un peu par hasard, une vague de musiciens talentueux ont Ă©tudiĂ© ensemble au Conservatoire de Gand. Ils ont complĂš tement renouvelĂ© la scĂšne du jazz et jouent dans des festivals Ă©lectro ou rock ainsi que dans des théùtres. Ils se dissĂ©minent partout », raconte Mik Torfs.
mâa frappĂ© de voir Ă quel point le jazz est une scĂšne trĂšs conviviale, accessible Ă tous, lance Mik Torfs, directeur artistique de la plateforme JazzLab créée en 1993. Ă la fin de leur concert, les plus grands noms du jazz vont boire un verre au bar et com mencent Ă parler avec les gens du public. »
Au fur et Ă mesure des annĂ©es 2000, le pianiste originaire de Turnhout est devenu une rĂ©fĂ©rence dans lâalliance de jazz, mu sique classique et pop. Avec le Jef Neve Trio, il sâest produit aux quatre coins du monde, du Danemark Ă lâAustralie, du Canada au Japon. « Jef Neve a une place importante dans la scĂšne de jazz belge. Il attire un public qui nâaurait jamais Ă©coutĂ© de jazz autre ment », relĂšve Peter De Backer, journaliste spĂ©cialisĂ© dans le jazz pour De Standaard.
La New Wave of Belgian Jazz, plus moderne et expérimentale, est une scÚne en plein essor, confirme le journaliste mélomane
Issu du monde de la musique classique, Mik Torfs se rappelle ses dĂ©buts il y a 15 ans pour JazzLab, une organisation qui accompagne les nouveaux talents : « Ma premiĂšre tournĂ©e pour JazzLab Ă©tait avec Jef Neve. On sentait quâil allait percer, il reste pourtant trĂšs sympa thique, modeste, avec les pieds sur terre. »
New Wave of Belgian jazz ! AprĂšs lâĂ©poque de Laurent Blondiau et consort, Jef Neve, le batteur Teun Verbruggen et lâaccordĂ©oniste Tuur Florizoone marqueront une entre-pĂ©riode. Et puis, un sĂ©isme fait trembler la scĂšne jazz belge : pop/rock, electronica, musique du monde⊠Les artistes de cette nouvelle vague mĂ©langent les codes.
Son nom ? The New Wave of Belgian Jazz. Lâappellation a Ă©tĂ© empruntĂ©e au lĂ©gendaire slogan que lâon retrouvait systĂ©mati quement sur les Ă©lĂ©gantes pochettes du label novateur Impulse! qui a fait fureur avec John Coltrane dans les annĂ©es 60 : The New Wave of Jazz Is On Impulse!
« Quand JazzLab a Ă©tĂ© créé il y a prĂšs de 30 ans, on allait Ă©couter du jazz dans les cafĂ©s, une clope au bec, un verre Ă la main. Les artistes Ă©taient mal payĂ©s et jouaient dans de mauvaises conditions. Lâobjectif de JazzLab Ă©tait dâoffrir la possibilitĂ© aux groupes de jazz de se produire sur des scĂšnes professionnelles », explique Mik Torfs.
En parallĂšle, les conservatoires de Gand et dâAnvers ont commen cĂ© Ă proposer des formations en jazz, un changement fondamental selon Peter De Backer : « Il nây avait pas de formation de jazz avant, tu devais te lancer comme autodidacte si tu voulais devenir musicien de jazz. Il y a dâailleurs actuellement de plus en plus de cursus »
«
Ăa
Apparu il y a entre 5 et 7 ans, le mou vement New Wave of Belgian Jazz influence la scÚne européenne
La New Wave of Belgian Jazz, phénomÚne unique en Europe
grĂące Ă ses musicien·nes talen tueux, rois de lâexpĂ©rimentation. Larsen fait le tour dâhorizon.
TEXTE : AUBRY TOURIEL
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Fin des annĂ©es 80âdĂ©but 90, un nouveau mouvement voit le jour. Il est principalement actif Ă Bruxelles ainsi quâĂ Gand et Ă Anvers. Le directeur artistique de JazzLab cite quelques noms en vogue Ă lâĂ©poque : le trompettiste Laurent Blondiau, le saxophoniste Jeroen Van Herzeele ou le pianiste Kris Defoort ainsi que des groupes comme Aka Moon ou le Brussels Jazz Orchestra.
« Le jazz est devenu un bien commun. La scĂšne sâest profession nalisĂ©e. Les musiciens jouent encore dans les cafĂ©s pour le plaisir, mais beaucoup moins quâavant », surenchĂ©rit Mik Torfs.
PassionnĂ© de musique, il troque alors le ballon pour le saxo phone. Il sâinscrit Ă lâexamen dâentrĂ©e pour le Conservatoire dâAnvers. Lors de ses Ă©tudes, il a pu collaborer avec le trompettiste amĂ©ricain Ambrose Akinmusire et sâest produit avec lui au festival anversois Jazz Middelheim en 2019.
Lennert Baerts joue au sein du quartet Anti-Panopticon, un groupe que Peter De Backer a eu la joie de voir rĂ©cemment en concert : « CâĂ©tait phĂ©nomĂ©nal. Câest du jazz acoustique moderne en mode quartet classique, ça mâa fait penser Ă Branford Marsalis. »
Mik Torfs conclut : « Le jazz belge jouit dâune bonne rĂ©putation en Europe. La professionnalisation a fonctionnĂ©. La New Wave of Belgian jazz est un phĂ©nomĂšne unique en Europe. Les derniĂšres dĂ©cennies, on a vu une forte influence des musiciens scandinaves. Ces derniers temps, câest au tour des Belges. »
du Standaard : « En 2014, Nordmann a par exemple remportĂ© la deuxiĂšme place du prix Humoâs Rock Rally alors que câest un groupe de jazz-rock. Il a Ă©galement jouĂ© au Pukkelpop. »
Les diffĂ©rentes rĂ©formes de lâĂtat ne sont pas Ă©trangĂšres Ă cette Ă©volution, dâaprĂšs Mik Torfs : « Les ministres en charge de la culture ont une autre vision. Le budget et les ambitions sont diffĂ©rents. On le voit sur le terrain. En Wallonie, on est jaloux de la Flandre. On reçoit plus de financement dans le secteur culturel flamand. Et tout comme en danse et au théùtre, le clichĂ© veut que le jazz en Flandre expĂ©rimente plus. »
Le charismatique leader de dEUS sâassocie notamment au saxophoniste Robin Verheyen, prodigieux musicien belge Ă©migrĂ© Ă New York pour constituer Taxiwars, un quartet dont la musique bouillonnante et Ă©nergisante carbure au rock, au funk et au punk. Sans oublier, la tromboniste Nabou Claerhout et le trio de jazz Ă©lectroacoustique De Beren Gieren
OĂč aller Ă©couter un concert de jazz en Flandre ? Les centres culturels sont friands de concerts de jazz : Nona (Malines) / Kaap (Ostende - Brugge) / De Casino (Saint-Nicolas) / 30CC (Louvain) / CC Muze (Heusden - Holder) / Handelsbeurs (Gand) / Rataplan (Anvers) / De Bijloke (Gand)
Une adresse pour retrouver les principaux concerts de jazz : jazzinbelgium.com
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Jusque dans les annĂ©es 90, il y avait une seule scĂšne belge, se rappelle le directeur artistique : « Tous les musiciens de jazz flamands connaissaient les wallons et vice versa. Ces derniĂšres annĂ©es, on connaĂźt surtout les artistes flamands, mĂȘme si la scĂšne bruxelloise regagne en force. »
Anti-Panopticon, Channelling The Flood (2020)
sâest créé une rĂ©putation en misant sur le caractĂšre expĂ©rimental, notamment en raison des programmes plus avant-gardistes dans les conservatoires de Gand et dâAnvers. Certains artistes wallons commencent Ă prendre le pas », tĂ©moigne Mik Torfs.
« En Wallonie, on est jaloux de la Flandre » MĂȘme si la New Wave of Belgian Jazz est belge, le mouvement a dĂ©butĂ© en Flandre. « Il y a quelques annĂ©es, la scĂšne flamande
Lennert Baerts, le Thibaut Courtois du jazz Lennert Baerts fait aussi partie de cette nouvelle vague. Et son his toire est plutĂŽt atypique. En mars 2014, alors deuxiĂšme gardien du RC Genk (ancien club de Thibaut Courtois), il se blesse pendant lâĂ©chauf fement dâun match contre Anderlecht. Le verdict du chirurgien est sans appel : fini le sport de haut niveau pour ce footballer prometteur.
Les moyens financiers sont donc plus importants en Flandre et les managers de groupes peuvent aussi recevoir des subsides. Aubergine Management, Inside Jazz Management bĂ©nĂ©ficient par exemple de soutien pour promouvoir les artistes Ă lâinternational.MalgrĂ©tout,les organisations francophones et nĂ©erlando phones continuent Ă se serrer les coudes. Les francophones des Lundis dâHortense et les flamands de JazzLab organisent des tournĂ©es de groupe de jazz belges et collaborent Ă lâorganisation du Belgian Jazz Meeting, trois jours destinĂ©s Ă attirer des program mateurs internationaux.
Le quintet Black Flower propose quant Ă lui un voyage atmosphĂ©rique et planant avec ses envolĂ©es de flĂ»te, tempos groovy, sonoritĂ©s de lâĂthiopie.
Vous préférez les festivals ? Gent Jazz (Gand) / Jazz Middelheim (Anvers)
Black Flower, Magma, Sdban Ultra (2022)
Si Kuna Maze sâest installĂ© Ă Bruxelles, câest parce quâil suivait « la scĂšne beat locale qui avait lâair de pas mal bouger avec Lefto, Le Motel avant quâil ne bosse avec RomĂ©o Elvis, LGTL⊠Quand jâai dĂ©couvert la ville, jâai dĂ©cidĂ© dây rester. Lefto a clairement eu une influence sur mon parcours, mĂȘme si aujourdâhui, je fais une musique diffĂ©rente ». Le duo sâest rencontrĂ© au Conservatoire de Lyon, section jazz. Câest la scĂšne beat de Los Angeles (Flying Lotus, The Gaslamp KillerâŠ) qui les a dâabord rapprochĂ©s. Mais sâil faut citer deux artistes qui ont nourri leur travail en commun, Ădouard cite en premier lieu le groupe Azymuth : « Un trio brĂ©si lien des annĂ©es 70 qui mĂ©lange jazz et funk Ă la Herbie Hancock avec ce cĂŽtĂ© samba en plus. On Ă©coute beau coup. Câest un groupe qui a vraiment nourri le cĂŽtĂ© jazz de notre musique. On ne se lasse jamais dây revenir. Les gars doivent avoir 70 ans, mais ils continuent Ă tourner et sortir des trucs ». Le titre Sauce Brazil sur Back & Forth peut ĂȘtre entendu comme un clin dâĆil Ă Azymuth.Autregrosse influence du duo, le producteur an glais IG Culture : « Câest un des pionniers de la scĂšne broken beat, une scĂšne musicale nĂ©e Ă Londres dans les annĂ©es 90-2000 qui mixait hip-hop, house et acid jazz. On a beaucoup Ă©coutĂ© ce quâil a fait Ă lâĂ©poque et encore ce quâil fait aujourdâhui. Il y a deux ans, il a sorti un double album sous le nom Likwid Continual Space Motion, entre jazz et beat music. Câest un peu barrĂ©, mais on aime beaucoup. Câest par le broken beat quâon est allĂ© vers la house, des trucs comme Moodymann et la house de Detroit, des trucs plus garage aussi. Moodymann, câest aussi quelquâun de trĂšs important pour nous. Câest clairement une grosse influence »
faitesvousqueceJâadore
Back & Forth est le deuxiĂšme album collaboratif entre Nicolas Morant (aka Nikitch) et Ădouard Gilbert (aka Kuna Maze), deux producteurs français dont lâun a posĂ© ses valises Ă Bruxelles. Un disque oĂč les percus sions Ă©lectroniques se fondent dans un jazz cosmique.
Azymuth est un groupe de jazzfunk fondĂ©brĂ©silienen1973. Trio devenu duo Ă la mort du pianiste ZĂ© Roberto en 2012, le âSambadoâ,demusiqueeux-mĂȘmesIlsJazzannĂ©esunetlestone,britanniquessurdisqueslatourner.continuegroupedeIlasortiplupartdesesenEurope,deslabels(MiFarOut)amĂȘmeobtenuhitaudĂ©butdes80avecCarnival.dĂ©criventleurcommelaâSambaDoicâest-Ă -direfolleâ.
TEXTE : DIDIER ZACHARIE
©SAMUEL CARNOT
TEXTE : DIDIER STIERS
Impossible pour Didier Moens de se souvenir de sa premiĂšre rencontre avec les gens de Front 242 en tant que groupe. Un peu comme sâils avaient toujours Ă©tĂ© lĂ , dit-il⊠Ce dont le guitariste de La Muerte est sĂ»r par contre, outre de partager avec eux la mĂȘme Ă©thique de travail, câest de les avoir croisĂ©s bien avant quâils ne deviennent ensemble les inventeurs de lâEBM. « Ă lâĂ©poque, Daniel (Daniel Bressanutti, alias Daniel B.,â ndlr) travaillait chez Hillâs Music oĂč jâachetais mes cordes. Il mâavait Ă la bonne. Je pense quâil Ă©tait encore occupĂ© avec ProthĂšse et il me montrait ce quâil faisait, avec son matĂ©riel quâil avait installĂ© dans un coin du magasin. Quant Ă Richard (Richard Jonckheere aka Richard 23,â ndlr), il avait montĂ© un projet avec un pote Ă moi, Phiphi, qui a Ă©tĂ© roadie pour La Muerte pendant des annĂ©es. Mais il nâĂ©tait pas encore dans Front, donc ça remonte aussi au Moyen-Ăge ! » Pour le reste, trop compliquĂ© de se remĂ©morer le premier concert de Front 242 auquel il a pu assister ! Ă la maison des jeunes de Ganshoren ? Lors dâun festival Ă Braine-le-Comte, comme le suggĂšre Madame, qui a une mĂ©moire dâĂ©lĂ©phant (sic). Allez savoir ! « Je nâarrive pas Ă remonter dans le temps aussi loin, je crois que câest un peu foutu ! Mais on a jouĂ© lâune ou lâautre fois ensemble. » Lâoccasion la plus mĂ©morable ? « Câest Ă©videmment le concert Ă la GaĂźtĂ© pour Rox Box ! » Pour le compte de lâĂ©mission prĂ©sen tĂ©e sur la RTBF par Ray Cokes, entre 1982 et 1986, on filmait des doubles concerts belges. « Avec Front, ça traĂźnait parce quâils ne voulaient pas quâon leur impose une premiĂšre partie. Ils voulaient que ce soit nous. Au bout du bras de fer, Daniel leur a dit que ce serait nous ou rien. Et Rox Box a pliĂ©, au grand dam de Ray Cokes qui nous dĂ©testait clairement ! Câest donc grĂące Ă Front 242 quâon a fait cette Ă©mission et quâon a sorti Peep show parce que câĂ©tait enregistrĂ© en multipistes et quâon a pu rĂ©cupĂ©rer les bandes. » LâEP sort en 1986, comprenant Ă cĂŽtĂ© de ce live Lucifer Sam repris de Pink Floyd, 976.2626, Evil Land, Motor Gang ainsi que Blues, Heaven or Hell. Une aubaine : « Aujourdâhui, câest encore facile, mais Ă lâĂ©poque, on nâaurait pas pu se payer un enregistrement multitracks. Il fallait un studio mobile comme celui quâil y avait Ă lâextĂ©rieur de la GaĂźtĂ©, on enregistrait tout sur bandes. Ăa coĂ»tait une blinde, mais lĂ , ça nous a juste coĂ»tĂ© les bandes ! »
La Muerte
Lâanecdote
42Larsen Septembre, octobre 2022 LâanecdoteJâadoreâŠ
Nikitch et Kuna Maze
©DR
Les Bruxellois boucleront lâannĂ©e avec un nouvel album. IntitulĂ© Sortilegia, il sortira le 2 novembre sur Consouling Sounds (Amenra, WiegedoodâŠ). Autre disque millĂ©simĂ© 2022 : en juin, un label amĂ©ricain sâintĂ©ressait Ă leur version de Headhunter (concoctĂ©e en 2017 avec Front 242 Ă lâoccasion du Record Store Day), pour en tirer un disque de remixes et autres covers inĂ©dites. La Muerte et Front ? Câest une vieille histoire !
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