Câest culte
Jean-Pierre Catoul
TEXTEâ: DOMINIQUE SIMONET
Il y a vingt ans, le violoniste mourait dans un accident, à 37 ans. Lumineux, il est passé comme une comÚte dans le ciel
artistique. Sa compagne et ses amis musiciens lui rendent hommage le samedi 18 septembre au Théùtre Marni, à Bruxelles.
Jean-Pierre Catoul, ImportâââExport (1993), enregistrĂ© au Studio CaraĂŻbes et deuxiĂšme album solo.
Pirly Zurstrassen & Jean-Pierre Catoul, Septimana (2001), le dernier enregistrement du violoniste.
P
ar une froide nuit de janvier, sous la neige fondante, ils rentrent dâun dĂźner chez un collĂšgue et ami, lâaccordĂ©oniste GwenaĂ«l Micault. Soudain, sur lâautoroute, Ă hauteur de Kraainem, leur Volkswagen Golf est percutĂ©e de plein fouet par un chauffard bourrĂ©. En dĂ©lit de fuite aprĂšs avoir brĂ»lĂ© un feu rouge Ă la place Meiser, tous phares Ă©teints, il est poursuivi par la police. Ă 200 Ă lâheure, ça ne pardonne pas. Alors que sa compagne, Ariane Rochette, sâen sort «âmiraculeusementâ», selon ses dires, Jean-Pierre Catoul, violoniste hyper-talentueux, y laisse la vie. CâĂ©tait le 22 janvier 2001. «âCâest un grand musicien que la Belgique perdâ», nous dira William Sheller, sous le choc, deux jours aprĂšs. «âOn a perdu un talent exceptionnel. Pour le jazz belge, câest une trĂšs grande perteâ», rĂ©sonne en Ă©cho, vingt ans plus tard, le pianiste et accordĂ©oniste Pirly Zurstrassen. Lui, Charles Loos, Ăric Legnini, tous pianistes, ou encore le saxophoniste Pierre Vaian sont parmi les nombreux musiciens Ă reconnaĂźtre combien JeanPierre Catoul les a marquĂ©s, tant par sa personnalitĂ© et son attitude que par son art proprement dit. NĂ© Ă Huy le 14 aoĂ»t 1963, Jean-Pierre Catoul se met au violon classique dĂšs lâĂąge de 6 ans avant dâĂ©tudier le solfĂšge, lâharmonie et lâinstrument au Conservatoire de sa ville natale. «âMoi je lâai eu dans un stage, Ă Libramont, en 1983, se souvient Charles Loos. DĂ©jĂ Ă lâĂ©poque, jâĂ©tais frappĂ© par ses facilitĂ©s.â» LâannĂ©e suivante, il dĂ©croche les premiers prix de solfĂšge et de violon au Conservatoire de LiĂšge. Quelques annĂ©es plus tard, Charles et Jean-Pierre se retrouvent dans un stage des Lundis dâHortense, Ă La Marlagne, oĂč le violoniste Ă©tait devenu prof. «âCela a Ă©tĂ© lâĂ©tincelleâ!â» RĂ©sultat, deux albums en duo, Summer Winds et Sad Hopes, son dernier
Larsen
Septembre, octobre 2021
enregistrement. Coup de foudre semblable avec cet autre pianiste, aussi accordĂ©oniste, quâest Pirly Zurstrassen. Ă la fin dâun stage Ă Libramont, le concert des profs se donne sous chapiteau Ă Reduâ: «âIl y avait un orage et on a jouĂ© Ă©lectrique. Cette tension avec lâorage est un moment musical que je nâoublierai jamais. Dans les deux semaines, Jean-Pierre me relançait pour un duo.â» ConcrĂ©tisĂ© par lâalbum Septimana. La premiĂšre chose que retiennent ceux qui ont travaillĂ© avec Jean-Pierre Catoul, câest son professionnalismeâ: «âEn plus de ses facilitĂ©s, câĂ©tait un bosseurâ», enchaĂźne Charles Loos. Lors des rĂ©pĂ©titions ou des concerts, «âon sentait le travail en amont, trĂšs rigoureux, trĂšs professionnel. Pour moi, il Ă©tait extrĂȘmement gratifiant de composer pour un musicien dâune telle envergure. Et ce ne sont pas des morceaux facilesâ!â» MĂȘme son de cloche chez Pirly Zurstrassen, qui loue en le violoniste «âla capacitĂ© Ă sâinvestir, Ă se plonger dans le travail. Il Ă©tait Ă fond dans la musique.â» Ă cĂŽtĂ© de cela, «âcâĂ©tait un type gĂ©nĂ©reux, adorable, souriant.â» âEnthousiasteâ, âlumineuxâ sont des qualificatifs qui reviennent souvent dans les conversations. Rare aussi, pour ne pas dire exceptionnelle, la polyvalence dont le violoniste a fait preuve tout au long de sa brĂšve carriĂšre. Outre le jazz de ses amours, sur lequel il voulait se concentrer peu avant sa mort, Jean-Pierre Catoul Ă©tait ouvert Ă tous les styles de musiqueâ: fusion et funk dĂšs ses dĂ©buts, musique du monde, comme en tĂ©moigne lâalbum Other Worlds avec GwenaĂ«l Micault, folk irlandais en compagnie de Perry Rose, musique traditionnelle burkinabĂ©e avec Bebe Ouedraogo⊠Il ne semblait pas avoir de limites.
38
Câest culte