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La bonne voie et les écueils

par Patrice Zehr

Le mois de mars autour de la journée du 8 mars, Journée Internationale des Droits de la Femme, et les nombreuses manifestations et célébrations qui l’ont accompagnée aura donné le ton pour Monaco. L’année 2023 sera sous le signe de l’égalité salariale et de la lutte contre toutes les violences contre les femmes. Sur les progrès encore à faire une sorte de consensus existe sur les objectifs sinon sur les moyens, entre le Gouvernement et le Conseil national. Il n’est pas impossible cependant que des thématiques nouvelles liées aux droits de la femme et au néo féminisme ne s’invitent dans le débat. On pense à l’avortement et à la théorie du genre, sujets qui demeurent clivant à Monaco...

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g Pour la famille et l’égalité g Des avancées indiscutables

La Commission des droits de la femme sous l’impulsion de la Présidente du Conseil National Brigitte Boccone-Pages a changé d’appellation. Elle devient la Commission des droits de la famille et de l’égalité. Un signe envoyé pour l’action en faveur des femmes dans le cadre spécifique de Monaco. La Principauté depuis plusieurs législatures comble petit à petit un retard évident par rapport aux pays les plus avancés sur le sujet. Pour Christine Pasquier-Ciulla, Présidente de la nouvelle commission, le retard est en passe d’être comblé pour un Monaco sur la bonne voie. Pour Céline Cottalorda, Déléguée interministérielle pour la promotion et la protection des droits de la femme, 2023 sera placé sous le signe de l’égalité salariale et de la défense des victimes de violence conjugale. Personne ne met en cause une indispensable adaptation par rapport à des textes archaïques pour tenir compte de l’évolution de la société et de ses mentalités. Mais le combat féministe dans certains pays va de plus en plus vite et un néo féminisme politique veut imposer sa conception du rôle de la femme dans la société. C’est pourquoi on voit monter certains écueils.

L’élection d’une femme à la tête du Conseil National, la féminisation du Cabinet Princier comme du Gouvernement attestent que les choses évoluent à Monaco et de plus en plus vite sous l’impulsion du Prince. Ainsi les femmes sont à égalité avec les hommes pour la transmission de la nationalité. Les femmes fonctionnaires peuvent être chefs de foyer, le congé maternité a été rallongé, un contrat civil de solidarité a

RAPPORT été établi, un Pacs à la monégasque. La loi, a été dépoussiérée même dans le vocabulaire obsolète et les violences faites aux femmes sont désormais une cause prioritaire. Dans les prochains mois un fond d’indemnité pour les victimes de violence, le plus souvent conjugale va être instauré. Les travailleuses indépendantes auront accès à une indemnité de congés maternité. Ça avance et dans tous les domaines. g Les talents reconnus Il y a toujours chez les femmes un besoin de reconnaissance. Le sentiment que leurs talents n’ont pas été pris en compte dans une société valorisant les hommes. Un sentiment d’injustice pris en compte à Monaco. Le mois de mars a permis de mettre en lumière certaines femmes méritantes faisant honneur à Monaco comme en atteste le Trophée des femmes d’engagement. La Journée Internationale des Droits des Femmes a été célébrée au Conseil National, le mercredi 8 mars, par une cérémonie organisée dans le grand Hémicycle, en présence du Prince Albert et de la Princesse Charlène de Monaco, les plus hautes personnalités de l’Etat, des Conseillères nationales, des Conseillers nationaux et de nombreuses associations. Chantal Ravera a reçu son Trophée en tant que Présidente de l’Association des Femmes Leaders Mondiales Monaco et son soutien au profit de la recherche pour combattre la maladie d’Alzheimer et prévenir les maladies cardiovasculaires ; Caroline Rougaignon-Vernin

Anticorruption : Monaco bon élève

La décision de Moneyval de mettre Monaco sous surveillance renforcée a provoqué le choc que l’on sait. Quelques semaines plus tard voilà le rapport du Greco bien plus positif sur les efforts de Monaco. Le Gouvernement se félicite des bons points accordés par cet organisme dépendant lui aussi du Conseil de l’Europe au Conseil national et à la direction des Services judicaires. Seuls les spécialistes savent les différences entre Moneyval et le Greco. Les deux missions sont proches : l'évaluation du respect de ces normes européennes GRECO pour la corruption, MONEYVAL pour le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. On comprend finalement que les pouvoirs législatif et judicaire font des effortsinternesplussatisfaisantspourleConseildel’EuropequeleGouvernementquiaprisduretardsurlamiseenconformité de certaines lois et règlements. Par ce rapport, le GRECO met fin à la procédure de conformité de la Principauté pour ce cycle qui avait débuté en 2016. Le GRECO conclut en effet que Monaco « a mis en œuvre de façon satisfaisante ou traité de manière satisfaisante douze des seize recommandations contenues dans le Rapport d’Evaluation du Quatrième Cycle », quatre recommandationsrestantpartiellementmisesenœuvre.LeGRECOarelevé,pourcequiconcerneleConseilNational, « des avancées significatives visant à renforcer les mesures d’intégrité » et notamment l’adoption du Règlement intérieur de l’Assemblée et de la Charte de déontologie des Conseillers nationaux, ainsi que la transparence accrue du processus législatif. En ce qui concernelesmagistrats,leGRECOaretenu « l’adoption d’un Recueil de principes éthiques et déontologiques des magistrats, de même que la législation organisant le Tribunal Suprême et l’adoption de la Charte de déontologie pour ses membres » ainsi que « la nouvelle loi portant statut de la magistrature qui renforce le positionnement du Haut Conseil de la Magistrature comme garant de l’indépendance judiciaire et de l’application du statut des magistrats, aux côtés du Secrétaire d’Etat à la Justice ». Le Gouvernement Princier salue les progrès reconnus des deux institutions et on sait qu’il avait de son côté annoncé des réformes dans le délai imparti d’un an pour sortir du suivi renforcé et de tout danger de se retrouver sur une liste grise. Par rapport aux négociations, avec cette fois l’Union Européenne, ces rapports sont importants. Important également la décision du Tribunal Suprême rejetant les recours contre le nouveau statut des fonctionnaires. La loi réserve le statut de fonctionnaire aux monégasques selon le critère institutionnel de la priorité nationale tout en consolidant le statut pour les étrangers d’agents contractuels. Pourlessyndicatsrequérantsilyadanscetteloiunesourced’inégalitéetmêmedediscriminationdanslesystèmed’embauche. C’est un point délicat. Le Tribunal Suprême consolide une spécificité en Europe établissant une préférence nationale justifiée par la démographie pour protéger l’emploi des monégasques minoritaires dans leur pays. Une contradiction indiscutable par rapport aux principes de l’Union européenne. Pour le Tribunal Suprême la loi n’interdit rien aux étrangers dans la fonction publique tout en réservant aux nationaux la qualité de fonctionnaire. (P.Z.)

pour son parcours au service des Institutions, notamment en tant que Conseillère nationale de 2013 à 2018 et en sa qualité de Présidente du Conseil Économique, Social et Environnemental ; Valérie Campora-Lucas pour son engagement sans faille auprès des victimes de violences sexuelles ou intra-familiales au sein de l’Association des Victimes d’Infractions Pénales (AVIP) qu’elle dirige avec courage et détermination. La présidente Brigitte BocconePagés a rappelé le sens du mot « engagement » : « Nous n’attendons pas la marque d’un jour dans le calendrier pour nous consacrer à la cause de l’égalité et de la défense des droits des femmes. Mandature après mandature, c’est plus qu’un sujet parmi d’autres, c’est un devoir de vigilance qui s’impose dans notre manière d’aborder toute l’action législative. L’engagement ne va pas de soi. Ce n’est pas une posture ni une idéologie, c’est un acte quotidien. C’est un acte de foi dans une cause, c’est un acte de décision, c’est un acte de conduite, parfois au prix de sacrifices, et c’est un acte qui se juge dans la durée. » g Le signal du sit-in g Faire confiance aux femmes monégasques

Pour certaines cependant cela ne va pas assez vite et assez loin. Cela a donné lieu le 8 mars à un sit-in inédit Place d’Armes au centre de la vie de Monaco, autour de l’emblématique marché. « Certes elles n’étaient pas nombreuses : 14. Mais c’est un signe qui confirme le score aux dernières élections de Juliette Rapaire sur une ligne plus radicale et candidate au sein de Nouvelles idées pour Monaco ». Elle persiste et signe et entend bien surfer sur son résultat électoral qui a surpris. « Aucun compromis pour la liberté des femmes » le slogan était clair. Le ton était donné et on voit bien le non-dit ou presque de ce sit-in. On n’évitera pas un nouveau débat sur l’avortement. Christine Pasquier-Ciulla a dit espérer que l’IGV puisse être pratiquée à Monaco. Mais elle a de suite précisé que c’était « à titre personnel ». En effet l’avortement dans un pays catholique et lié au Vatican par un Concordat est un sujet brûlant où la liberté privée se heurte à l’identité constitutionnelle. A Monaco, l’avortement est dépénalisé aucune femme ne peut être poursuivie pour l’avoir pratiqué… à l’étranger. Mais il reste interdit aux praticiens installés à Monaco. Dénoncer une hypocrisie est donc facile, plus facile que de ne pas tenir compte des institutions et de la sensibilité de nombreux monégasques.

Ce sujet délicat va rattraper l’évolution des doits de la femme et peut-être même durcir son approche. Il existe sur d’autres sujets des risques de fractures dans la société monégasque. Ainsi la prise en compte dans des tables rondes des métiers genrés ou la volonté de sensibiliser les élèves à la déconstruction est loin, c’est le moins qu’on puisse dire, de faire l’unanimité. Le wokisme ne s’arrêtera pas aux frontières de Monaco et ce n’est pas sans soulever des inquiétudes. Le légitime combat pour l’égalité des femmes ne doit pas à Monaco être instrumentalisé pour d’autres objectifs menaçant les fondamentaux même d’une société spécifique. Le plus simple est sans doute de faire confiance aux femmes monégasques.