Le patrimoine en bibliothèque

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Gaëlle Bernier et Sara Hug Licence professionnelle métiers du livre - spécialité bibliothèque IUT Aix-en-Provence – département information et communication Projet tutoré Janvier 2010

Le patrimoine en bibliothèque

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Remerciements

Tous nos remerciements aux professionnels que nous avons rencontrés et interviewés : Philippe Ferrand - conservateur responsable du service Patrimoine à la bibliothèque municipale de la Méjanes à Aix-en Provence Raphaële Mouren - maître de conférence à l'Enssib Brigitte Blanc - conservatrice chargée du patrimoine à la BMVR de l'Alcazar à Marseille Catherine Picard – responsable du département jeunesse à la BDP des Bouches du Rhône à Marseille Aurélie Giordano - coordinatrice des conservations partagées à l'Agence Régionale du Livre PACA . Merci également à tous les participants à la liste de diffusion Bibliopat qui sans le savoir ont éclairé notre réflexion par leurs messages divers et variés. Et un remerciement particulier à ceux qui ont pris le temps de répondre à distance à nos questions.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION..............................................................................................................................4 I - DEFINITION DU PATRIMOINE...............................................................................................6 1 - Les textes de référence...............................................................................................................6 Définition de l’objet patrimonial d’après les textes de référence..........................................6 Les missions des bibliothèques en matière de patrimoine d’après les textes de référence ...7 2 - La politique patrimoniale et sa mise en œuvre en bibliothèque ................................................9 La définition d'une politique patrimoniale.............................................................................9 La conservation des collections..............................................................................................9 L'enrichissement des collections..........................................................................................10 Le signalement des collections.............................................................................................11 La communication et la valorisation des collections...........................................................12 II - LE RESEAU DES BIBLIOTHEQUES FRANCAISES EN MATIERE DE PATRIMOINE ............................................................................................................................................................14 1 - Les différents échelons administratifs, leurs structures et leurs missions patrimoniales.........14 Le rôle de l’Etat....................................................................................................................14 Le rôle des collectivités territoriales....................................................................................18 2 - Les différentes collaborations possibles ..................................................................................21 La BnF et ses pôles associés................................................................................................21 Les plans régionaux de conservation partagée.....................................................................22 Les catalogues collectifs.......................................................................................................23 III – LA NUMERISATION DU PATRIMOINE ...........................................................................25 1 – Les enjeux de la numérisation pour les collections patrimoniales des bibliothèques..............25 Les intérêts de la numérisation pour le patrimoine des bibliothèques.................................25 Le travail préparatoire à la numérisation du patrimoine des bibliothèques.........................26 Les problèmes juridiques posés par la numérisation............................................................27 2 - La numérisation du patrimoine des bibliothèques françaises...................................................28 La polémique avec Google...................................................................................................28 « La numérisation à la française »........................................................................................31 Des projets inégaux..............................................................................................................34 3 - Les défis de la numérisation du patrimoine..............................................................................35 L'organisation et l'exploitation des données numériques.....................................................35 La nécessaire coopération entre les bibliothèques...............................................................37 CONCLUSION.................................................................................................................................41 REFERENCES.................................................................................................................................42 ANNEXES.........................................................................................................................................44

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INTRODUCTION

En France, existe une longue tradition des bibliothèques patrimoniales issues des confiscations révolutionnaires des biens du Clergé et de la Noblesse. En 1792, la Nation se retrouve soudain propriétaire d'une immense collection de livres et d'objets d'art. Les révolutionnaires nourrissent déjà le projet de créer des musées et des bibliothèques pour éclairer la Nation. Un décret de 1803 transfèrera ces collections aux communes qui n'auront pas les moyens de faire vivre ces collections qui vont se fossiliser au fil des années. A partir des années 1970, professionnels des bibliothèques et politiques affichent une réelle volonté de sortir de l'image poussiéreuse et ennuyeuse des bibliothèques patrimoniales réservées exclusivement aux érudits. Ces collections patrimoniales sont alors désignées comme responsable du retard pris par la France en matière de lecture publique. Dans les années 80, parallèlement au développement de la lecture publique sur tout le territoire français, les collections patrimoniales des bibliothèques conserveront une place privilégiée dans la réflexion politique. Elles font partie du patrimoine national, l'État s'en soucie. Plusieurs rapports gouvernementaux concernant le patrimoine des bibliothèques seront rédigés : notamment le rapport de la commission Louis Desgraves, inspecteur général des bibliothèques, remis à la Direction du Livre et de la Lecture (DLL), en juin 1982. A l'aube des années 2000, le modèle de bibliothèque publique construit en opposition aux bibliothèques patrimoniales semble s'essouffler. Les professionnels se mettent en quête d'un nouveau modèle pour garder leur public, voire en attirer d'autres, pour pouvoir encore et toujours convaincre les tutelles politiques de leur utilité et ainsi préserver leurs financements. Et curieusement, c'est à ce moment crucial dans la réflexion des bibliothèques publiques, que le patrimoine en bibliothèque est mis sur le devant de la scène politique et médiatique (reportages sur les chaînes de télévision et de radio publiques, articles dans la presse, hypermédiatisation de Google, effet d'annonce des politiques...). Le patrimoine des bibliothèques est d'actualité et fait débat en France, en Europe et dans le monde entier. Il permet de parler des bibliothèques sur la place publique ; preuve que les collections patrimoniales font partie de la dynamique des bibliothèques publiques. Ce sont des collections vivantes, en perpétuelle évolution, que les bibliothèques veulent communiquer à leur public. « Et si le passé était l'avenir des bibliothèques ? »1. Dans ce mémoire, nous verrons à quel point, la définition du patrimoine a évolué et a complexifié la gestion de ces collections au quotidien. 1

Le 18 décembre dernier, Claude Poissenot posait la question sur le blog

de Livres Hebdo :

www.livreshebdo.fr/weblog:du-cote-des-lecteurs

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En 1982, le rapport Desgraves préconisait l'élaboration d'un plan national de conservation partagée et la mise en place de catalogues nationaux aussi précis que possible. Plus de vingt après, ces réflexions sont toujours d'actualité, le réseau a commencé à se mettre en place, nous ferons l'inventaire des différentes bibliothèques françaises qui ont en charge du patrimoine et les différentes collaborations possibles. Puis nous tenterons de mieux cerner les enjeux de la numérisation du patrimoine des bibliothèques et les réflexions en cours sur le sujet.

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I - DEFINITION DU PATRIMOINE

1 - Les textes de référence Définition de l’objet patrimonial d’après les textes de référence Le Code du patrimoine2 définit le patrimoine de la façon suivante : « Le patrimoine s'entend de l'ensemble des biens immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique. » Face à cette définition générale du patrimoine, nous comprenons que le patrimoine des bibliothèques est une petite partie du patrimoine national. Les objets patrimoniaux présents en bibliothèque sont très hétéroclites. On peut les diviser en quatorze catégories (livres et partitions imprimés, incunables et manuscrits, cartes géographiques imprimées, archives, mais aussi gravures, estampes, dessins, photographies, films, tableaux et peintures, monnaies et objets archéologiques...). Dans notre réflexion, nous traiterons surtout des « documents patrimoniaux », les plus présents en bibliothèque. On peut davantage dresser un contour du patrimoine des bibliothèques qu’en donner une véritable définition. Concernant le patrimoine en bibliothèque, nous citerons surtout la Charte des bibliothèques, adoptée par le Conseil supérieur des bibliothèques le 7 novembre 1991 : article 8 : « Les collections patrimoniales sont formées des collections nationales constituées par un dépôt légal et des documents anciens, rares ou précieux. » Et les notes d'accompagnement précisent : « Par document, on entend non seulement les unités bibliographiques mais des collections dont la valeur globale peut être sans rapport avec celle de chacun des éléments qui la composent. Il faut entendre aussi le document dans sa particularité, dont la valeur peut être sans rapport avec celle des autres exemplaires connus. Par document ancien, on entend tout document de plus de cent ans d’âge. - Par document rare, on entend tout document qui ne se trouve dans aucune autre bibliothèque proche ou apparentée, ou pour une bibliothèque spécialisée tout document qui entre dans sa spécialité. - Le 2

Le code du patrimoine – consultable en ligne sur le site http://www.legifrance.gouv.fr

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caractère précieux d’un document doit être, indépendamment de sa rareté, apprécié en fonction de sa valeur vénale, culturelle ou scientifique, en particulier pour les documents d’intérêt local ou ceux qui entrent dans la spécialité d’une bibliothèque spécialisée. » Pour comprendre ce que l’on entend par document patrimonial, il faut considérer le document comme faisant parti d’un ensemble dont la valeur patrimoniale réside dans la mise en relation des documents entre eux, au sein d’un fonds particulier, davantage que dans la valeur du document en soi. Cette conception met en perspective l’articulation entre le patrimoine à conserver et la constitution du patrimoine de demain. Raphaële Mouren dans son ouvrage Manuel du patrimoine en bibliothèque donne une définition très large des documents patrimoniaux : « les documents patrimoniaux, ce sont ceux que l'on conserve ou que l'on achète dans l'objectif d'une conservation à long terme. ». La notion de patrimoine en bibliothèque est prise de plus en plus dans un sens élargi et ne concerne plus uniquement les documents rares ou précieux.

Les missions des bibliothèques en matière de patrimoine d’après les textes de référence Les différentes approches du document patrimonial que nous venons d'évoquer nous font pressentir une certaine complexité dans la définition des missions des bibliothèques vis-à-vis de ce patrimoine. Le manifeste de l’UNESCO sur la bibliothèque publique, rédigé avec l’IFLA en 1994 précise que : la bibliothèque publique « doit être à la fois le reflet des tendances du moment et de l’évolution de la société, et mémoire de l’entreprise et de l’imagination humaines. » Parmi les missions fondamentales de la bibliothèque publique : « […] -5. Contribuer à faire connaître le patrimoine culturel et apprécier les arts, le progrès scientifique et l’innovation … ». La Charte des bibliothèques : « TITRE I. – Missions et accessibilité des bibliothèques Article 8.- Toute bibliothèque d’une collectivité publique est responsable des fonds et documents patrimoniaux dont elle a la propriété ou l’usage. […] Leurs conditions de conservation satisfont aux règles techniques en usage et sont soumises au contrôle technique de l’Etat. 7


Les collections patrimoniales doivent être traitées et mises en valeur par les collectivités publiques qui en ont la propriété ou l’usage. Les responsabilités patrimoniales des bibliothèques des collectivités publiques doivent être assurées dans le cadre de coopérations, notamment par la constitution de catalogues collectifs, la gestion d’équipements collectifs, le développement d’une politique de conservation, de reproduction et de plans de sauvegarde concertés. » Le texte sur la bibliothèque publique adopté par l'ABF le 29 janvier 1990 : « La bibliothèque acquiert le patrimoine de demain. Mémoire locale et témoin de son temps, elle accroît ses collections des œuvres, sur tous supports, qui feront la richesse de son patrimoine futur : le patrimoine de demain, c'est la création d'aujourd'hui. La bibliothèque est responsable du patrimoine qu'elle détient. Elle veille à sa bonne conservation matérielle afin de pouvoir le transmettre aux générations futures. Elle le diffuse, le met en valeur et le fait connaître par tous les moyens appropriés. » Les différents textes cités permettent de dégager plusieurs missions fondamentales et pas toujours évidentes à concilier pour les bibliothèques en matière de patrimoine : - la conservation du patrimoine ancien - la constitution du patrimoine de demain - le traitement et la mise en valeur - la communication et la mise à disposition du public - la constitution de réseaux de coopération entre bibliothèques pour la réalisation de ces missions. Nous allons maintenant voir comment les bibliothèques mettent en œuvre les différentes missions fondamentales qui leur sont confiées en matière de patrimoine.

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2 - La politique patrimoniale et sa mise en œuvre en bibliothèque Les collections patrimoniales sont à la fois des collections comme les autres qui nécessitent un travail de gestion ordinaire (des documents à repérer, à traiter, à connaître et à diffuser...), et des collections à part qui nécessitent un travail particulier (notamment des conditions de conservation très réglementées, des traitements préventifs et curatifs si nécessaire...).

La définition d'une politique patrimoniale Le préalable à toute action concernant les collections patrimoniales est la définition d'une politique patrimoniale générale. En fonction du contexte, de son environnement, de son histoire, de son statut... la bibliothèque va déterminer ce qu'elle va conserver et développer, pour qui ? pour quel usage ? Un certain nombre de questions doivent être posées quant à la pertinence de la conservation de tout document. Il ne doit pas être automatique de conserver un document du simple fait de son ancienneté. S’inscrit-il dans la politique documentaire de l’établissement ? Y a-t-il un fonds auquel l’inclure ? A-t-il une cohérence avec ce fonds ? Apporte-t-il un réel enrichissement au fonds en question ? Etc... La bibliothèque doit connaître ses fonds patrimoniaux, les organiser en ensembles cohérents et signifiants et dégager des priorités. Ce n'est qu'après que les différentes actions de gestion de ces collections pourront être mises en œuvre.

La conservation des collections Toutes les bibliothèques qui ont la charge d'un fonds patrimonial se confrontent aux problèmes de conservation de ces objets et documents patrimoniaux afin de les maintenir dans le meilleur état, le plus longtemps possible, pour pouvoir continuer à les communiquer au public et les transmettre aux générations futures. Les collections patrimoniales sont, comme nous l’avons vu, très diverses. Et les matériaux qui la composent sont, eux aussi, très divers : papier, carton, parchemin, cuir, encres, films, bandes magnétiques, supports numériques... avec des formats différents (documents brochés, reliés, en feuilles, rouleaux...), des dimensions différentes et des caractères plus ou moins précieux (les 9


manuscrits, les incunables et les ouvrages de bibliophilie étant les documents les plus précieux). La plupart des documents sont regroupés au mieux, en fonction de leurs caractéristiques, notamment pour des raisons de rangement et de mobilier adapté. Cependant même si les matériaux sont très divers, ils sont pour la plupart organiques et répondent à des exigences communes de conservation. Ils sont soumis à des dégradations, certes, inévitables dû à des facteurs internes engendrant le vieillissement, mais contrôlable au niveau des dégradations provoquées par des facteurs externes comme les accidents et catastrophes (incendies, dégâts des eaux) et les différentes conditions environnementales (moisissures, insectes). Pour contrer ces dégradations externes, de nombreuses précautions doivent être prises, en suivant des règles précises pour le traitement des documents, avec des conditions de manipulation et de stockage bien définies, des locaux répondant à des normes établies… La lumière, la température, l'humidité, la pollution atmosphérique doivent être contrôlées. Les collections patrimoniales nécessitent une surveillance régulière à titre préventif (repérage, nettoyage, petites interventions). La conservation nécessite un équipement technique et une maintenance de ce matériel, donc des moyens financiers substantiels. Dans la pratique, il y a encore de grosses lacunes en ce qui concerne le respect de normes de conservation. Et parfois les traitements curatifs qui s'imposent sont très coûteux : restauration (à noter que le ministère de la culture doit être informé de tout projet de restauration avec la transmission d'un dossier détaillé), procédures d'urgence (en cas de dégât des eaux ou d'inondation, d'attaque massive de moisissures ou d'insectes...).

L'enrichissement des collections L’enrichissement des collections patrimoniales est essentielle car comme toute autre collection, une collection patrimoniale qui ne s'enrichit pas, perd de sa valeur. Ce processus d’enrichissement de la collection n’est pourtant pas simple. Les collections patrimoniales sont en effet très variées (fonds de patrimoine ancien, fonds local, fonds spécialisé …) et découlent de différentes volontés (des tutelles, de la politique documentaire générale de l’établissement, du réseau dans lequel s'inscrit l'établissement…). Cela complexifie la tâche du bibliothécaire qui doit gérer l’enrichissement de la collection en tenant compte de ces contraintes. Si on y ajoute la question des moyens (financiers ou en terme de surface par exemple), la latitude d’action peut être mince. Il existe plusieurs sources d'enrichissement possible pour un fonds patrimonial : le désherbage des 10


collections courantes, les dons, les dépôts, les acquisitions onéreuses... Les domaines d’enrichissement d’un fonds patrimonial doivent être définis même simplement en amont, pour aider le bibliothécaire dans son travail. Des pôles d'excellence peuvent être fixés pour une bibliothèque et déterminer ainsi un domaine strictement délimité. La mise en place d'un plan de développement des collections est essentiel. Cela peut permettre de délimiter le champ d’action du bibliothécaire, notamment dans ses décisions d’acquisition onéreuse, et de le prévenir contre tout écueil d’ordre personnel (ex : acquérir en se laissant porter par ses goûts sans qu’il y ait une réelle pertinence avec le reste du fonds) ou d’ordre professionnel en restant en accord avec la ligne directrice définie par les établissements, les tutelles ou encore les ayant droits (ex : le fonds Camus de la bibliothèque Méjanes est règlementé par certaines conditions posées par les ayants-droit). Pour orienter les achats d’enrichissement d’un fonds patrimonial, des structures existent et encadrent les bibliothèques dans cette démarche. Le bureau du patrimoine de la Direction du livre et de la lecture (DLL), par exemple, en fonction de listes des fonds thématiques des bibliothèques, établies au fil du temps par le ministère de la culture, dépouille les catalogues de ventes et tient informer les bibliothèques, des ventes qui pourrait les intéresser. D’autre part, dans certaines régions a été mis en place des fonds régionaux d'acquisition pour les bibliothèques (FRAB), créés par convention entre l'État et les Conseils régionaux qui subventionnent des acquisitions patrimoniales à des taux bien supérieurs à ceux de l'État (jusqu'à 80%). Il existe douze FRAB : Aquitaine, Auvergne, Bourgogne, Bretagne, Centre, Champagne Ardenne, Haute-Normandie, Lorraine, MidiPyrénées, Pays de Loire, Rhône-Alpes.

Le signalement des collections Le signalement des collections patrimoniales est indispensable pour « repérer » les documents afin qu’ils soient accessibles facilement pour toutes les recherches ou autres demandes du public. La première étape consiste à classer les documents patrimoniaux par ensemble de documents, à organiser les fonds, pour permettre éventuellement une consultation par le public avant même le catalogage. Ils seront d'ors et déjà connu des bibliothécaires qui en ont la charge. Ceci facilitera aussi le travail de catalogage. Le classement s’attache à permettre le rangement puis la description des documents en conservant l’unité intellectuelle qui les relient entre eux. Grâce à cela si un fonds est éclaté dans l’espace pour des raisons de conservation, il peut être réuni par une précision dans la côte par exemple. Pour le classement, le contenu d’un fonds est séparé par type de documents : manuscrit, correspondance, 11


dessins... ensuite subdivisé en d’autres catégories. Les documents d’un fonds étant classé et donc rendu un minimum repérable, il faut s’interroger sur les priorités de mise à disposition des documents et établir le degré de précision nécessaire à chacun, afin de définir les actions à mener ensuite : inventorier, décrire, cataloguer. Il n’est pas possible et pas forcément utile d’entreprendre un catalogue dans lequel on chercherait, pour chaque document, à établir une notice parfaite et la plus complète possible car aucune bibliothèque française ne dispose des moyens nécessaires à une telle entreprise. Même si de grands progrès ont été réalisés pour le signalement des collections patrimoniales françaises, notamment avec la conversion rétrospective des fichiers et catalogues menée dans les années 1990 puis avec la création du catalogue collectif des bibliothèques de France (CCFr), ainsi que l'existence de catalogues collectifs de livres anciens, de manuscrits... malgré tout, la moitié des collections patrimoniales ne seraient toujours pas cataloguées à ce jour. Le signalement des collections patrimoniales même succinct est indispensable pour une valorisation et une mise à disposition du public.

La communication et la valorisation des collections L’idée d’une promotion des collections patrimoniales auprès du plus large public possible remonte à la Révolution française et fût souvent relayée par les nombreux donateurs posant cette condition lors du legs de leurs collections à une bibliothèque. Depuis la fin du XIXéme siècle, la communication des collections fait partie des principales missions des bibliothèques. Lorsque se pose la question de la valorisation se pose, irrémédiablement, la question des publics. Ainsi dans une démarche de valorisation d’une collection patrimoniale, il faut réfléchir au public qu’elle intéresserait ou à celui que l’on voudrait intéresser pour adapter les actions à mener dans ce sens. Il y a différents publics du patrimoine : - les chercheurs qui ont besoin d’un signalement et d’une communication des documents efficaces - les érudits locaux et autres groupes qui entament des recherches, en particulier sur les fonds locaux, qui ont besoin de temps et d’attention car ils ne maîtrisent pas forcément le fonctionnement du service - et le « grand public » qu’il faut encourager dans la consultation des fonds patrimoniaux en éliminant la peur des bibliothécaires vis-à-vis des ces collections « fragiles » et la peur des usagers en leur expliquant que ces documents sont accessible à tous… 12


Il y a plusieurs façons de valoriser les collections patrimoniales aux yeux du public. Avec en premier lieu, les expositions. Les expositions, qu’elles soient thématiques, sur un auteur, ou encore à partir d’un type de document, permettent de faire connaître les collections au public et sont aussi un bon outil pédagogique. Une exposition nécessite beaucoup de temps et de moyens : avec un travail préparatoire important de conception (choix des documents à exposer, scénographie, installation…) et de communication en amont (documents de communication et d’information, conception graphique de ceux-ci, travail de sensibilisation sur le sujet…). Il n’est donc pas toujours évident d’organiser de telle manifestation. Des actions de plus petite envergure sont alors envisageables, par exemple : exposer dans une vitrine des documents patrimoniaux en les mettant en relation avec d’autres collections. D’autres options existent pour mettre en valeur les collections patrimoniales comme l’organisation de manifestations autour d'un fonds patrimonial : la visite du fonds, l’organisation d’ateliers, de rencontres, de tables rondes, de conférences… Par exemple, en février 2010, la BMVR de l’Alcazar à Marseille organisera une grande exposition intitulée « Voyage en Perse » avec des rencontres et conférences sur la Perse, des ateliers pour enfants sur le thème des carnets de voyage et des ateliers d'images en relief pour les publics mal-voyants. D’autres façons de valoriser les fonds patrimoniaux existent en s’appuyant sur les grands programmes nationaux comme « Les journées du patrimoine », « Lire en fête », « Le printemps des poète » et bien d’autres. La valorisation peut aussi passer par les publications de catalogues du fonds ou de catalogues thématiques, d’ouvrages de chercheurs et autres publications scientifiques. Une autre manière de valorisation est aujourd’hui possible avec la numérisation et la mise en ligne de documents patrimoniaux numérisés : vaste sujet que nous traiterons dans notre troisième partie.

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II - LE RESEAU DES BIBLIOTHEQUES FRANCAISES EN MATIERE DE PATRIMOINE Le texte sur les bibliothèques publiques adopté par l’ABF le 29 janvier 1990 rappelle que : « Le réseau des bibliothèques est collectivement dépositaire du patrimoine national, qu’il soit propriété de l’Etat ou des collectivités territoriales. Il définit, au sein des instances compétentes une politique cohérente de conservation répartie ; il assure l’accessibilité aux documents ; il œuvre à la promotion de ce patrimoine, mémoire collective souvent méconnue. ». Ainsi le réseau français de bibliothèques publiques se répartit les missions et les tâches patrimoniales. Selon les tutelles dont elles dépendent, les bibliothèques publiques ne se voient pas confier les mêmes rôles. En effet, en matière de patrimoine, les différentes bibliothèques (BnF, B.U., B.M.) ont des attributions de nature plus organisationnelles ou plus fonctionnelles.

1 - Les différents échelons administratifs, leurs structures et leurs missions patrimoniales La Charte des bibliothèques du 7 novembre 1991 définit dans les grandes lignes le rôle patrimonial de l’Etat et ceux des collectivités publiques.

Le rôle de l’Etat Charte des bibliothèques, article 10 : « L’Etat a des responsabilités particulières en ce qui concerne les fonds patrimoniaux des bibliothèques. Il doit exercer son contrôle et intervient lorsque l’intégrité des documents est menacée. Il doit donner les conseils nécessaires et émettre toute recommandation utile à leur préservation et à leur mise en valeur, notamment en tenant le registre des documents techniques appropriés. Il organise le dépôt légal. Il est responsable du recensement et de l’inventaire général du patrimoine national et de sa diffusion. Il doit favoriser les actions de concertation et de coopération dans le domaine patrimonial. » L'État a un rôle important en ce qui concerne le contrôle et l’aide à apporter aux bibliothèques afin qu’elles remplissent leurs missions patrimoniales. 14


Concernant les collections patrimoniales des bibliothèques : l'État a trois rôles essentiels : - il finance ; - il assure la tutelle de la Bibliothèque nationale de France (BnF) ; - il contrôle. L'État finance de différentes manières l'acquisition, la conservation ou la restauration des documents patrimoniaux, en voici une liste non exhaustive : - la part du concours particulier accordé aux bibliothèques dans le cadre de la dotation générale de décentralisation peut permettre de financer du matériel de conservation ou une mise aux normes des réserves et des magasins des bibliothèques dans des projets de construction ou de réhabilitation ; - les aides aux acquisitions patrimoniales d'intérêt national (APIN) destinées à contribuer à l'acquisition, à hauteur d'environ 50%, de documents ayant un intérêt national et non un intérêt local. Ces subventions sont attribuées aux collectivités qui engagent une politique patrimoniale satisfaisante en matière d'enrichissement, de traitement, de description, de mise en valeur... sur des critères de plus en plus restrictifs ; - des crédits de restauration-conservation peuvent être accordés aux bibliothèques dans certaines régions. Ils permettent de financer des travaux de restauration sur des documents de fonds d'État ainsi que la fourniture de matériel de conservation ; - l'aide à la numérisation des fonds patrimoniaux est également possible dans le cadre du programme national de numérisation du ministère de la culture et de la communication. La Mission de la recherche et de la technologie (MRT) du ministère de la culture étudie et finance les projets les plus pertinents pour la mise en valeur des collections patrimoniales. La MRT coordonne différents projets en matière de numérisation du patrimoine : elle assure notamment l’animation et la maintenance du catalogue du patrimoine culturel numérique français. La BnF, établissement sous la tutelle de l'Etat, aide également les bibliothèques françaises à remplir leurs missions patrimoniales. Les missions de la BnF ont été définies par le décret n°94-3 du 3 janvier 1994 qui instaure sa création. Ses collections sont constituées d'acquisitions et du dépôt légal dont elle est responsable. Elle doit constituer et diffuser la bibliographie nationale. Elle doit veiller à la conservation, au catalogage, à la mise en valeur et à la communication de ses collections. Elle a développé un réseau de pôles associés sur tout le territoire français pour l'aider à remplir ces missions. La BnF met en place des services collectifs nationaux, tel que le catalogue collectif français (CCFr). Elle a un rôle essentiel dans la coopération des différentes bibliothèques du territoire. Elle apporte son aide sur les plans financier, par le biais de subventions diverses, et technique avec la mise à 15


disposition d’outils, la mise en place de formation, des publications sur les études et recherche menées sur les questions de conservation… Nous reviendrons sur le rôle de la BnF et ses actions tout au long de notre travail. Et enfin, l'État exerce différentes formes de contrôle sur les collections patrimoniales des bibliothèques territoriales. Celles-ci sont réparties en deux groupes : celles qui sont la propriété de l'État mais dont une collectivité à la charge, le droit permet alors à l'État « d’ordonner, d’interdire ou de punir » ; et celles appartenant aux collectivités territoriales qui les conservent, pour lesquels l'État considère qu’il garde une responsabilité, l'État souhaitant alors être tenu informé de toutes les décisions importantes concernant ces collections. Ce contrôle s’appuie sur plusieurs textes législatifs3. Dans le cas d'un projet de restauration d'un document patrimonial rare ou précieux par une bibliothèque territoriale, l'État doit obligatoirement être tenu informé en amont. Les communes doivent obligatoirement fournir au ministère de la Culture un dossier détaillé du projet de restauration. Ces dossiers sont alors étudiés par le Comité technique de restauration du Conseil national scientifique du patrimoine des bibliothèques publiques pour avis. Le ministre peut interdire la restauration d'un document appartenant à l'État. Les communes doivent également informer le ministère de la culture de tout projet de désaffectation, prêt ou échange d'un document rare ou précieux. Et enfin, en cas de sinistre, soustraction ou détournement concernant les collections patrimoniales, les communes doivent informer le Préfet. L'État exerce aussi un contrôle sur les collections patrimoniales des bibliothèques territoriales, par le biais de l’inspection générale des bibliothèques (IGB). Les inspecteurs généraux des bibliothèques peuvent alerter le ministère de la culture en cas de non respect des exigences relatives à la conservation, la gestion, la communication des collections patrimoniales, l'organisation des locaux... Ce contrôle des bibliothèques par l’IGB peut être demandé par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), si elles observent des dysfonctionnements au sein d’une bibliothèque. Les DRAC n’exécutent pas elles-mêmes ces contrôles. Elles sont, en effet, chargées de la mise en œuvre et de l’application des décisions prises par le ministre chargé de la culture ou le préfet. A noter également le rôle des DRAC en matière de patrimoine des bibliothèques, avec le plan d’action pour le patrimoine écrit (PAPE) lancé par le ministère de la culture en 2004. Elles ont alors été chargées de réaliser un état des lieux des collections patrimoniales de leur territoire afin de 3

Le Code général des collectivités territoriales dont le code des communes qui traite des bibliothèques (livre III, titre IV, chapitre 1er). Le décret n° 88-1037 du 9 novembre 1988 relatif au contrôle technique de l’État sur les bibliothèques des collectivités territoriales.

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déterminer les priorités d'action en matière patrimoniale, de mieux équilibrer les besoins et d'inciter à la coopération. Les DRAC ont également des missions d’aide aux bibliothèques locales. Dans certaines régions, elles accordent notamment après avis du comité technique de restauration des crédits de restauration. Nous reviendrons ultérieurement sur l'échelon régional en matière patrimonial. Nous ne pouvons parler du rôle de l'Etat sur les collections patrimoniales des bibliothèques publiques sans évoquer même rapidement les bibliothèques universitaires (BU). L'État, par le biais, cette fois-ci, du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, doit, là aussi, tenir un rôle d’encadrement des BU en ce qui concerne la dimension patrimoniale. Ce ministère est doté de la sous-direction des bibliothèques et de l’information scientifique (SDBIS), pour mettre en œuvre les missions lui incombant. Les collections patrimoniales des BU ont été jusqu’ici délaissées. Le ministère n’a jusqu’alors pas mis en œuvre de réelle politique patrimoniale et ceci pour plusieurs raisons : la prédominance de la formation par rapport à la recherche, et aussi la circulation de la théorie que la recherche se nourrit exclusivement de « documentation fraîche ». Cela dit, la SDBIS a été réorganisée, en 2007, donnant une nouvelle importance au patrimoine de ces bibliothèques et les professionnels espèrent que cela donnera naissance à une réelle politique patrimoniale. Cette structure est cependant, en passe d’être remplacée dans le cadre de la réorganisation de ce ministère, par une « mission de l’information scientifique et technique et des réseaux documentaire »4. Il faudra alors voir si cela va dans le sens d’un développement des actions à mener en matière patrimoniale,

dans ces

bibliothèques. Toutefois, un certain nombre de structures sont déjà en place, tel que l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (ABES), le Centre technique du livre de l’enseignement supérieur (CTLES) ou encore le réseau des centres d’acquisition et de diffusion de l’information scientifique et technique (Cadist) et aident les BU et les Services Commun de documentation (SCD) dans leur mission de gestion du patrimoine. Pour Jean-Luc Gautier Gantés5, en matière de patrimoine, il faut noter une certaine tendance du ministère de la culture et de la communication à s’occuper davantage de conservation tandis que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, a tendance à mettre l’accent sur la signalisation des collections. Ces deux tendances sont à rééquilibrer, à réunir ; l'une ne pouvant subsister sans l'autre, sur le long terme. 4 5

Cf. décret n°2009-293 du 16 mars 2009. GAUTIER-GANTES (Jean-Luc), Le patrimoine des bibliothèques : rapport à Monsieur le directeur du livre et de la lecture, Bulletin des bibliothèques de France, n°3, 2009.

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Plus de vingt ans après le rapport de la commission Desgraves, il apparaît toujours nécessaire aujourd’hui d'accentuer les efforts pour atteindre un équilibre permettant d’avoir un patrimoine des bibliothèques publiques conservé dans de bonnes conditions et signalé efficacement pour une bonne communication.

Le rôle des collectivités territoriales Les communes et les B.M. Charte des bibliothèques, article 24 : « Les bibliothèques municipales ou intercommunales doivent constituer et entretenir, en concertation avec les archives et les musées, un fonds d’intérêt local. » On pourrait définir un fonds local comme un fonds éminemment patrimonial qui regroupe tous les documents en rapport avec le territoire desservi par la bibliothèque, ou écrit par un auteur local ou imprimé sur le territoire ou édité sur le territoire : tous ces critères de sélection sont discutés et décidés en équipe. Le fonds local est transversal à tous les départements d'une bibliothèque : histoire, musique, cinéma, jeunesse, arts, société... Le fonds local draine souvent l'essentiel du budget municipal d'acquisition des fonds patrimoniaux. Pour les bibliothèques municipales, il faut distinguer les bibliothèques municipales classées (BMC). Les BMC conservent des collections patrimoniales d'une certaine importance appartenant à l'Etat, le plus souvent issues des saisies révolutionnaires. A ce titre, elles ont bénéficié de la mise à disposition d'un ou plusieurs conservateurs d'Etat, intégralement pris en charge par l'Etat. Elles sont au nombre de 54, pour la plupart situées dans des grandes villes. Dans la région Provence Alpes Côte d'Azur, il existe cinq BMC : Aix-en-Provence, Avignon, Carpentras, Marseille et Nice. Ces BMC ont donc la particularité d'avoir une double tutelle : l'Etat et la commune. Hormis les BMC, les bibliothèques municipales n’ont pas d’obligation patrimoniale, elles n’ont pas toutes des fonds patrimoniaux sous leur responsabilité. Mais certaines BM non classées font tout de même le choix de conserver des collections patrimoniales. Dans la région PACA par exemple : la BM de Cavaillon, qui n'est pas une BMC, a choisi d'acquérir « du patrimoine de demain », et ainsi de se constituer une collection patrimoniale, un fonds de livres d'artiste. Et d'autres BM non classées de la région ont choisi de participer au réseau de conservation partagée jeunesse et ainsi de prendre en charge la conservation d'une collection patrimoniale. Le point de 18


départ de toutes ces initiatives : la volonté d'une équipe ou d'une bibliothécaire. En PACA, en 2005, 31 bibliothèques municipales déclaraient dans leur rapport annuel à la DLL posséder un fonds patrimonial. On peut différencier deux sortes de fonds patrimoniaux dans les bibliothèques municipales : ceux dont elles ont la propriété et ceux qui ont été mis en dépôt. Dans les deux cas, les missions sont les mêmes. Elles doivent en assurer la conservation et donc veiller aux normes de conservation et en assurer la valorisation et la communication. La loi du 22 juillet 1983 précise que les bibliothèques municipales sont organisées et financées par les communes, avec en contrepartie, comme nous l’avons vu précédemment, différentes structures nationales pouvant leur apporter des aides. Les réformes en cours sur les collectivités territoriales, avec notamment la suppression de la taxe professionnelle pour les communes, laissent présager une diminution certaine des budgets municipaux accordés à la culture, donc aux bibliothèques municipales et encore plus aux fonds patrimoniaux de ces bibliothèques. De nombreuses questions se posent aussi en ce qui concerne l’intercommunalité. Même si cela ne change pas la nature des mesures qu’appellent les fonds patrimoniaux (conservation, valorisation, communication), cela peut engendrer deux cas de figure bien différents. En effet, le fait que les fonds patrimoniaux relèvent d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au lieu des communes peut aboutir à des conséquences soit négatives : si aucune commune du groupement ne se sent responsable d’eux, soit positive : si l’EPCI cherchant à consolider son identité se tourne vers le patrimoine. Pour l’instant la compétence culturelle n’étant pas obligatoire pour les intercommunalités, nous ne pouvons présager de rien.

Le rôle des départements et les BDP Avec les lois de décentralisation de 1982 et 1983, les compétences culturelles des départements, et notamment les bibliothèques centrales de prêt (BCP : les ancêtres des bibliothèques départementales de prêt, les BDP) et les archives départementales, ont été placées sous la tutelle des conseils généraux. La Charte des bibliothèques évoque les missions du département en matière patrimoniale : article 25 : « Le service départemental doit organiser la coopération entre les bibliothèques qu’il dessert notamment en matière […] de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine ». Le rôle des départements en matière de patrimoine est défini dans une dimension essentiellement organisationnelle, d'organisation de coopération. Leurs actions restent disparates au 19


niveau de l’ensemble du territoire français. Certaines BDP assument une fonction patrimoniale avec la conservation de fonds patrimoniaux (par exemple : la BDP 13 a en charge des fonds de conservation partagée jeunesse et un fonds de livres d'artistes) ou impulsent une véritable coopération entre les bibliothèques de leur territoire en matière de patrimoine, mais ceci n’est pas généralisé. L'actuelle réforme territoriale menace les départements avec les projets de renforcement soit de l'intercommunalité soit des régions. Ces projets de réforme va peut être inciter les départements à affirmer leur identité, et le patrimoine peut être un vecteur important dans cette optique. En matière de patrimoine, l'échelon départemental est pourtant intéressant ; les départements et les BDP sont plus proches des communes que les régions, ils peuvent donc avoir, pour une politique patrimoniale, une action plus efficace. L’IGB avait d’ailleurs fait des observations dans ce sens à la DLL quand lui a été présentée pour avis la première version du Plan pour le patrimoine écrit, dans lequel le département n’était pas mentionné6.

Le rôle des régions Charte des bibliothèques, article 26 : « La région favorise la constitution, le développement, la conservation, l’accessibilité et la mise en valeur de fonds documentaire ou patrimoniaux d’intérêt régional. » Ici, les missions patrimoniales attribuées à l'échelon régional semblent plus étendues. En 1982, la commission Desgraves posait la question : quels moyens en région pour conduire en matière patrimoniale une politique complète, pertinente et durable ? La question demeure pertinente. L'échelon régional se caractérise par l'absence de bibliothèque régionale sous sa tutelle. Mais cela n'empêchent pas différents acteurs régionaux d'agir pour le patrimoine. A titre d'exemple, en PACA, le conseil régional soutient différentes structures qui agissent pour le patrimoine des bibliothèques ; nous en citerons quelques unes : - l'ARL, l'Agence Régionale du Livre qui a mis en place entre autre la conservation partagée jeunesse en 2002, et plus récemment la conservation partagée des périodiques ; - le centre interrégional de conservation du livre (CICL) installé à Arles, depuis 1987, qui mène des actions dans les domaines de la restauration, de la conservation préventive, du traitement des collections et du transfert de support. Et depuis 1992, une nouvelle structure, le centre de conservation du livre (CCL) vient compléter ses activités pour s'étendre à celles 6

GAUTIER-GANTES (Jean-Luc), Le patrimoine des bibliothèques : rapport à Monsieur le directeur du livre et de la lecture, Bulletin des bibliothèques de France, n°3, 2009.

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de la formation, de l'expertise et de la coopération interprofessionnelle dans les domaines de la conservation et de la gestion du patrimoine documentaire ; - le centre interrégional de conservation et restauration du patrimoine (CICRP), qui a une activité de conseil auprès des professionnels pour tout ce qui concerne la restauration et la conservation préventive ; - le centre régional de formation aux carrières des bibliothèques du livre et de la documentation (CRFCB) qui propose notamment des stages sur le patrimoine... Dans certaines régions, mais pas en PACA, existent les FRAB, dispositif subventionné à parité par la DRAC et par le Conseil régional pour aider les acquisitions patrimoniales des bibliothèques. Nous allons maintenant nous intéresser aux différentes collaborations possibles entre les différentes bibliothèques publiques qui assument des missions patrimoniales. Ces coopérations mises en place permettent de mieux répartir le travail des bibliothèques et d’avoir une gestion du patrimoine raisonnée sur l’ensemble du territoire. Cette mise en réseau est encore en construction, elle doit poursuivre son développement, notamment avec les outils numériques pour parvenir à un résultat plus efficace et plus homogène.

2-Les différentes collaborations possibles La politique de mise en réseau des fonds patrimoniaux découle d'une question très simple : est-il utile que plusieurs bibliothèques conservent les mêmes documents dans leur fonds patrimoniaux ? La conservation patrimoniale coûte cher, prend de la place, du temps, requiert des compétences spécifiques.... Il apparaît alors pertinent de répartir le travail et les documents patrimoniaux selon les types d'établissements et les types de documents. A titre d'exemples, nous traiterons successivement du réseau des pôles associés de la BnF, des plans régionaux de conservation partagée et des catalogues collectifs.

La BnF et ses pôles associés La BnF se situe au cœur d’un réseau national de coopération. La mise en place des pôles associés de la BnF, en 1994, répond à un double objectif de conservation partagée du patrimoine national (24 pôles associés de dépôt légal imprimeur) et de complémentarité documentaire avec les collections de la BnF (pôles associés de partage documentaire sur des thématiques ou des genres imprimés précis). 21


Les pôles associés ont des statuts divers : bibliothèques municipales, bibliothèques universitaires, centres de documentation, services d’archives, associations... Ils signent une convention avec la BnF et reçoivent des subventions pour mener les missions ainsi définies. Au fil des années, la BnF a diversifié ses modes de coopération avec ses partenaires. Si ceux-ci concernent toujours les acquisitions et la gestion du dépôt légal, ils peuvent aussi inclure des plans de conversion rétrospective des catalogues, des projets de conservation partagée ou de numérisation partagée, des outils collectifs de signalement, enfin des actions de valorisation (expositions). Dans le cadre du catalogue collectif de France, ont été réalisées des opérations de conversions rétrospectives des catalogues des fonds anciens et des fonds locaux de 53 bibliothèques municipales et les catalogues de 8 bibliothèques spécialisées. Il permet de localiser actuellement plus de 2,5 millions de notices via le CCFr, ce qui constitue un outil majeur pour la recherche. C’est un axe essentiel de la politique de coopération des pôles associés. Quelques exemples de pôles associés documentaires par genre de production imprimée : la Joie par les livres (JPL) pour la jeunesse, la Bibliothèque de littérature policière (Bilipo) à Paris, le Centre national de la Bande dessinée et de l’image (CNBDI) à Angoulême pour la BD. Dans un domaine donné, les pôles associés peuvent être constitué de plusieurs établissements d’une région, par exemple à Brest : la bibliothèque municipale, le SCD de l’Université de Bretagne occidentale et le centre de documentation de l’IFREMER forment le pôle associé pour l’océanographie.

Les plans régionaux de conservation partagée La conservation partagée est le plus souvent répartie7, comme c'est le cas avec le dispositif mis en place par la BnF et ses partenaires, ou alors avec les plans de conservation partagée en région. Les plans de conservation partagée régionaux ont commencé au milieu des années 80. Les plans de conservation partagée des périodiques sont les plus fréquents (actifs dans 8 régions et en développement dans 3 autres). Cela se comprend aisément car ces documents nécessitent un volume en mètre linéaire extrêmement important ; les bibliothécaires réalisent très vite l'intérêt de mettre en place un tel réseau. Il existe d’autres plans de conservation partagée, tel celui concernant les fonds jeunesse de la région PACA qui fut pionnière en la matière. Ce plan a été mis en place par l'Agence régionale du livre 7

L'autre forme de conservation partagée est la conservation partagée centralisée. Elle n'est pratiquée que par un seul

établissement, le Centre technique de l’enseignement supérieur (CTLES) qui a une mission nationale de collecte, de conservation et de communication des collections des bibliothèques universitaires d’Ile-de-France.

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PACA ; il est effectif depuis 2003. Il s'agit de répartir la conservation des ouvrages jeunesse désherbés par les différentes bibliothèques participantes. Il a démarré avec 40 bibliothèques participantes. En 2008, 72 bibliothèques participent à l'opération. Ces 72 bibliothèques ont des statuts différents : bibliothèques relais, bibliothèques d'IUFM, BM normatives ou pas, BDP, BMVR... 37 sont pôles de conservation et choisissent un thème, un auteur ou un éditeur à conserver. Le département Ile aux livre de la BMVR de Marseille est pôle d'excellence et conserve tout ce qui n'est pas conservé par les autres bibliothèques. En 2003, environ 2500 ouvrages ont transité par cette opération, en 2006 : plus de 6000 documents. Quand Aurélie Giordano, la coordinatrice des conservations partagées à l'Agence Régionale du Livre PACA fait le bilan des sept années de conservation partagée jeunesse, elle reconnaît le travail des bibliothécaires jeunesse qui sont les véritables initiateurs de ce projet et y participent sur la base du volontariat. Elle souligne toutefois les problèmes du programme : notamment au moment d'un changement de personnel, la passation de conservation partagée n'est pas toujours bien vécue par le nouvel arrivant qui peut y voir une surcharge de travail non choisie. Mais pour Aurélie Giordano, la plus grosse lacune de ce plan de conservation jeunesse est l'absence d'un catalogue collectif qui permettrait d'inventorier, de localiser tout ce qui est conservé. La moitié des bibliothécaires participants ne cataloguent pas leur fonds de conservation partagée. Et plus le temps passe, plus le nombre d'ouvrages conservés augmente, plus le travail rétroactif de catalogage sera fastidieux. Une fois encore, le catalogage est désigné comme le point faible de la conservation des collections patrimoniales françaises. Trop de bibliothécaires ne réalisent pas l'importance du catalogue collectif, ou plutôt n'ont pas les moyens (budget et personnel) de réaliser un tel travail. Pourtant, conserver pour communiquer, telle est la mission première des bibliothèques en matière de patrimoine.

Les catalogues collectifs Les catalogues collectifs sont essentiels pour améliorer la visibilité des collections et intensifier la coopération entre les bibliothèques. Même si la France a des lacunes sur ce point, plusieurs catalogues collectifs se sont développés. Les nouveaux outils numériques ont permis ces dix dernières années de faire des progrès considérables dans la mise en commun des bases de données bibliographiques. Les catalogues collectifs supposent aujourd’hui une rétroconversion préalable des anciens catalogues papiers. Les catalogues régionaux ou locaux comme Hermine en Bretagne, la Base bibliographique bourguignonne ou encore le catalogue collectif normand : Normania (mené par l’ARL de Normandie), constituent de véritables réseaux régionaux et permettent un développement de la 23


communication et de la valorisation des collections patrimoniales sur leur territoire. Le principal catalogue collectif est le Catalogue collectif de France (CCfr). Projet commencé en 1997, il est actif depuis 2000. Sa gestion a été confiée à la BnF depuis 2001, il ne s 'agit pas d’une base de donnée centralisée mais d’un outil d’interrogation des différents catalogues qu’il regroupe. Les partenaires du CCFr sont le ministère de le Culture et de le Communication, le ministère de l’Education nationale, la DLL, la Sous-direction des bibliothèques et de la documentation de la Direction de l’enseignement supérieur et l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (ABES). Les trois principaux catalogues français accueillis par le CCFr sont le catalogue de le BnF, le SUDOC (le catalogue des bibliothèques de l’enseignement supérieur, géré par l’Agence bibliographique de l'enseignement supérieur (ABES)) et la base patrimoine (le catalogue des fonds anciens et/ou locaux rétroconvertis de 60 bibliothèques municipales et spécialisées). Le CCFr intègre aussi la base PALME qui constitue le répertoire des manuscrits littéraires français du XXéme siècle, repris de l’ancien catalogue BN-Opaline ainsi qu’une partie du Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France (CGM). Il est d’ailleurs prévu que pour les manuscrits, tous les catalogues soient réunis au sein du CCFr. Le CCFr permet aussi de consulter le répertoire national des bibliothèques et des centres de documentation (RNBCD) qui répertorie l’ensemble des bibliothèques françaises ouvertes au public (plus de 4500 en 2006) et en donne une description précise (informations pratiques : horaires, coordonnées, conditions d’accès mais aussi les collections conservées). De plus en plus de catalogues collectifs se font entre bibliothèques, archives, musées et autres institutions publiques ou privées qui ont en charge du patrimoine. Et puis dans notre contexte de mondialisation, de plus en plus de coopérations européennes et mondiales voient le jour. Depuis peu, le CCfr s'intègre dans le réseau mondial ; il vient d'être reversé sur le site de l'OCLC8. Bien d'autres formes de coopérations sont possibles toujours dans l'idée de mieux gérer, de mieux signaler et de mieux communiquer les collections patrimoniales. Actuellement, le réseau de coopération se concentre sur des initiatives concernant la numérisation du patrimoine.

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L'OCLC (Online Computer Library Center), créé en 1967 dans l'objectif d'offrir aux bibliothèques des services

permettant d'accroître leur accès à l'information mondiale, s'est naturellement développé avec l'arrivée du numérique, en produisant et en maintenant le catalogue collectif en ligne : WorldCat.

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III – LA NUMERISATION DU PATRIMOINE

1 – Les enjeux de la numérisation pour les collections patrimoniales des bibliothèques Face à la pression technologique, face aux nouveaux usages des publics et à l'utilisation massive du web, la France, comme tous les pays occidentaux, se préoccupe sérieusement de la numérisation du patrimoine de ses bibliothèques.

Les intérêts de la numérisation pour le patrimoine des bibliothèques La numérisation d'un objet patrimonial va permettre d'avoir une copie sur fichier informatique de l'objet. La copie sur fichier n'est ni l'objet réel, ni l'objet intégral : c'est autre chose. Mais pour le patrimoine des bibliothèques, cette technique est intéressante à plus d'un titre. Le premier intérêt se mesure en terme de diffusion, d'accessibilité, de visibilité des collections patrimoniales. C'est un intérêt pour le public. Les chercheurs n'ont plus besoin de demander une accréditation ou de faire une demande par écrit, de faire le déplacement sur les horaires précis de la bibliothèque. Ils peuvent consulter à distance, de jour comme de nuit les documents qui les intéressent. Le public plus large peut aussi découvrir au hasard d'un parcours sur le site de sa bibliothèque, les documents patrimoniaux numérisés et mis en ligne. Le deuxième intérêt concerne la valorisation des collections : un moyen supplémentaire de faire connaître les collections patrimoniales souvent mal connues de sa bibliothèque avec par exemple des visites ou des expositions numériques moins coûteuses à mettre en place. Le troisième intérêt pour une bibliothèque de numériser son patrimoine concerne la préservation des documents originaux. Certains documents patrimoniaux vieillissent plus mal que d'autres, sont fragiles et sont pourtant très consultés et donc encore plus fragilisés par les diverses manipulations. Par exemple, s'agissant de la presse, une fois numérisée, elle peut être consultée à distance ou sur place sans être manipulée. La numérisation de la presse amène aussi un confort de lecture aux usagers.

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Le travail préparatoire à la numérisation du patrimoine des bibliothèques La numérisation des collections patrimoniales comme pour toute action en bibliothèque nécessite un réel travail préparatoire, que l'on peut intégrer dans la définition de la politique patrimoniale de l'établissement abordée dans la première partie de notre travail. Ce préalable, indispensable à la cohérence du projet patrimonial, est évidemment mené en prenant en compte les moyens à disposition (financiers, compétence du personnel...) et les objectifs de l'établissement. Après la réflexion en équipe sur la pertinence de la numérisation, la bibliothèque doit choisir les documents à numériser. La priorité est souvent donnée aux documents uniques, libres de droit et d'intérêt local : - les manuscrits d'une bibliothèque ; une bibliothèque numérise en priorité ses trésors, ce qui fait son unicité, sa fierté. De plus la numérisation des manuscrits fait partie de programmes nationaux et peut donc bénéficier de subventions ; - la presse locale ; pour des raisons de sauvegarde des documents comme nous l'avons vu précédemment, pour des raisons de facilité aussi (c'est ce qui se numérise le plus facilement au niveau du format, de l'à-plat...) et également pour leur caractère unique comme pour les manuscrits ; - les fonds iconographiques avec leurs caractéristiques physiques moins contraignantes ont été également parmi les premiers à être numériser ; - ensuite, les autres documents patrimoniaux numérisés seront choisis selon trois critères : le cadre strict du domaine public (donc souvent impasse sur le XXème siècle), l'état physique du document (on ne numérisera pas un document qui risque d'être dégradé par l'opération de numérisation) et si l’aspect physique du document est propre à la numérisation. Après vient la préparation des documents à numériser. Les documents à numériser sont classés, inventoriés, comptés, déreliés si besoin, conditionnés, mis en caisse, estampillés... De petites réparations peuvent également être réalisées sur certains documents avant leur numérisation. Tout ce travail est plus ou moins long selon le nombre de documents à numériser bien sûr, donc selon la taille de la structure, et selon que la numérisation se fait à l'intérieur de l'établissement avec le propre matériel de numérisation de la bibliothèque ou avec l'intervention d'un prestataire de services dans l'établissement ou si la numérisation est effectuée par un prestataire à l’extérieur. Dans le dernier cas, le long travail préparatoire est encore plus nécessaire. 26


Les problèmes juridiques posés par la numérisation Les bibliothèques sont encore frileuses quant à la numérisation et à la diffusion des documents du XXème siècle, redoutant d'être dans l'illégalité si l'œuvre n'est pas libre de droits. En droit français, le Code de la propriété intellectuelle a une vision extensive de la protection des droits d’auteur. La numérisation d'une œuvre est une reproduction. La reproduction et la diffusion d'une œuvre ne peuvent se faire sans l'autorisation préalable de son auteur ou de ses ayants droit. En cas de numérisation puis de diffusion en ligne d'une œuvre, pour agir en toute légalité, il faut donc savoir si une œuvre est libre de droits ou pas. Une œuvre est libre de droit 70 ans après la date de sa première publication. Et dans le cas d'une œuvre sous droits : deux cas de figure sont possible : soit l'auteur ou ses ayants droit sont identifiés, alors il faut obtenir leur accord préalable, soit les auteurs ou les ayants droit ne sont pas identifiés malgré des recherches sérieuses, alors l'œuvre est considérée comme orpheline. Il faut encore distinguer un dernier cas particulier : le cas des œuvres épuisées, il s'agit d'une œuvre déclarée commercialement indisponible. Un programme européen Accessible Registry of Rights and Orphan Works (ARROW), a été lancé en septembre 2008 pour tenter de mettre en commun le maximum d'informations concernant le statut juridique des œuvres du XXème siècle. L'objectif est la création d'un réseau de bases de données européennes existantes, des bases de données de bibliothécaires, d'éditeurs, de gestionnaires de droit. Plusieurs institutions européennes, dont la BnF, participent au projet. Pour Raphaële Mouren, ces questions de droits sont souvent de faux problèmes en ce qui concerne les collections patrimoniales, en particulier celles qui sont constituées de documents issus de fonds locaux dont il est moins difficile de retrouver les ayants droit et d’obtenir les autorisations nécessaires. La numérisation du patrimoine en bibliothèques nécessite donc du temps, de la préparation, des moyens financiers et techniques et du personnel compétent. Les compétences du personnel doivent être multiples : connaissances en bibliothéconomie bien sûr, connaissances en droit (concernant notamment les droits d'auteur), connaissances en objets patrimoniaux, connaissances administratives pour monter les dossiers de subventions... et bien sûr connaissances en informatique, en techniques de numérisation, en organisation des métadonnées... Mais l'enjeu de la numérisation n'est pas le même pour les grandes bibliothèques patrimoniales françaises, telles la BnF et la BM de Lyon et les autres bibliothèques de moindre taille. Nous laisserons volontairement les bibliothèques universitaires de côté car elles dépendent du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et fonctionnent selon d’autres principes, une autre organisation et d’autres structures relais (comme le Sudoc-PS en ce qui concerne les périodiques). 27


2 - La numérisation du patrimoine des bibliothèques françaises

La polémique avec Google En France, la numérisation du patrimoine des bibliothèques est surtout connue du grand public par la polémique avec Google, abondamment relayée par les médias (presse, radio et télévision). La polémique commence en 2004, avec l'annonce faite par l'entreprise américaine Google de son grand projet de bibliothèque numérique mondiale : Google Books. Pour alimenter Google Books, à ce jour, Google aurait signé un partenariat de numérisation avec plus d'une trentaine des plus grandes bibliothèques mondiales, lesquelles disposent toutes de fonds patrimoniaux prestigieux. En France, c'est Jean-Noël Jeanneney, président de la BNF au début de la polémique, qui a fait de cette affaire de numérisation du patrimoine par un prestataire privé une bataille idéologique. A l'époque, la BNF décide de lancer la numérisation de masse de son patrimoine, elle discute alors avec Microsoft, mais l'affaire ne se conclut pas... puis elle discute avec Google. Jean-Noël Jeanneney dénonce alors publiquement les conditions de contrat proposées par Google et son projet de bibliothèque mondiale. Il s'agit pour lui de lutter contre le monopole d'une entreprise privée, et de défendre l'absolue nécessité de la diversité culturelle mondiale. La proposition de Google n'est pas assimilable à du mécénat : Google ne verse pas d'argent aux bibliothèques pour aider à la numérisation de leur patrimoine. Il fait une offre différente en proposant de numériser gratuitement leur patrimoine, de leur donner une copie du fichier numérique et en contrepartie de pouvoir diffuser ce fichier librement sur Google Books et d'en conserver les droits d'exploitation pendant un certain temps. Google s'assure donc pendant un certain temps la pleine propriété des fichiers numérisés. Depuis la polémique n'a cessé d'enfler, avec de plus en plus d'incertitudes concernant les intentions et la fiabilité de Google : notamment avec les différents procès intentés à Google pour le nonrespect des droits d'auteur, leurs techniques de numérisation et leurs contrats de partenariat tenus secrets, la liste des ouvrages qu'ils ont déjà numérisés est également tenue secrète... Il y a aussi les nombreuses erreurs repérées sur Google books, avec notamment le problème avec les dates d'édition ; le robot-scanner de Google reconnaîtrait comme date de publication le premier chiffre qu'il croise. Beaucoup de questions restent en suspens concernant le partenariat avec ce prestataire privé : la pérennité de l'archivage des fichiers numérisés, la question de la propriété des fichiers numérisés et la question de la position dominante de Google sur la diffusion de la connaissance au niveau mondial. 28


Plus tard, les médias relaieront la signature du contrat de numérisation entre la BM de Lyon et Google, la BM de Lyon étant la plus importante bibliothèque patrimoniale de France, avec notamment le fonds des Jésuites. Patrick Bazin, le directeur de la BM de Lyon, ne refuse pas de voir les défauts de Google (il reconnaît notamment les erreurs sur les métadonnées) mais il décrit dans la presse surtout les avantages de la solution qu'il a choisit (les moyens financiers et l'infrastructure technique impressionnante de Google, sa rapidité d'exécution...). Il est persuadé d'avoir mené une bonne négociation avec l'entreprise américaine. Ses arguments clairs déstabilisent l'opinion publique et les professionnels. Dans un récent article de Télérama du 2 décembre 20099, il revient encore sur l'affaire. Il dit qu'il n'est pas payé pour combattre les monopoles. Et justement pour lui, empêcher Google « d'ajouter à ses fichiers les publications françaises n'est-il pas au fond, le meilleur moyen d'offrir à la culture américaine une position dominante ? ». Et il ajoute que « la jouer perso ne sert à rien, puisque Google puise nos livres du patrimoine dans les bibliothèques américaines. Vous trouvez intelligent que la première édition du Gargantua de Rabelais -un pur patrimoine lyonnais – renvoie à l'université de Californie ? Nous avons le même dans notre fonds ! ». Et enfin, « Pourquoi me soucierais-je de l'usage que fera Google de ces fichiers ? Je n'ai pas signé cet accord pour alimenter Google Books, mais pour la bibliothèque de Lyon puisse faire connaître son patrimoine à tous, gratuitement, démocratiquement, sur son propre site. C'est sa mission, non? ». Patrick Bazin était présent à la journée de l'ABF PACA à Martigues, le 19 octobre 2009, il a dressé l'historique de la négociation et de la conclusion du contrat. La BM de Lyon a commencé la numérisation des documents en 1992, avec des financements de la BNF et des financements privés de France Télécom. Elle a pu numériser quelques centaines d'ouvrages. En novembre 2006, le Conseil municipal autorise le maire de Lyon a passer l'appel d'offre pour la numérisation de masse des ouvrages de la bibliothèque. Seule l'entreprise Google répond. Le 11 juillet 2008, la ville de Lyon signe le contrat avec Google, en tant que prestataire de services. Le cahier des charges est réalisé par la BM de Lyon qui a fixé un certain nombre d'exigences : - chaque fichier sera numérisé en mode image et en mode texte. - la bibliothèque choisit les livres à numériser, uniquement des ouvrages imprimés et libres de droit. - la numérisation doit être effectuée avec tournage des pages à la main pour une plus grande sécurité et qualité de travail. - les reliures doivent également être numérisées. - la numérisation doit être faite dans un centre de numérisation près de Lyon pour que l'équipe 9

« Lyon se livre à Google »- Télérama 3125 - 2 décembre 2009

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puisse vérifier régulièrement le travail effectué et pour éviter les problèmes avec les transporteurs. et enfin la BM de Lyon a exigé une mise en ligne par le prestataire. La réponse de Google a été positive. En contrepartie de la numérisation et de la mise en ligne gratuite, la ville de Lyon s'engage à ne pas avoir un usage commercial des fichiers qu'elle récupère pendant quinze ans après la numérisation. Début janvier 2010, la revue Livres Hebdo10 nous informe que le programme a commencé, dans un centre de numérisation que Google a fait spécialement construire à cinquante kilomètres de Lyon, lieu encore tenu secret. Le projet sera mené sur 10 ans maximum. Au final, 500 000 ouvrages de la BML seront scannés. Le premier ouvrage scanné a été Pronostication pour 1555 de Nostradamus, le plus ancien texte conservé de l'auteur et seul exemplaire recensé. Et puis il y a eu un dernier vent de polémique durant l'été 2009, avec les annonces dans la presse de nouveaux pourparlers entre la BNF et Google ; le nouveau président de la BNF, Bruno Racine, semblant moins farouchement opposé à un contrat avec Google. Face à la pression de Google, la classe politique française a alors décidé de se pencher sur la problème et d'entamer une réflexion sur les questions du partenariat possible avec le privé dans le respect des exigences des institutions publiques. Le 26 octobre 2009,

Frédéric Mitterrand, le ministre de la Culture et de la Communication

annonçait11 : « J'ai fait, pour ma part, de la numérisation des contenus culturels, l'une des priorités de mon action de ministre de la Culture et de la Communication. ». Il a alors chargé Marc Tessier, ancien directeur général du Centre national de la Cinématographie (CNC) et ancien président de France Télévision, de la présidence de la Commission sur la numérisation des fonds patrimoniaux des bibliothèques. Sous tutelle du ministère de la Culture et de la Communication, cette commission était composée de Emmanuel Hoog (président de l'Institut national de l'audiovisuel), Olivier Bosc (conservateur des bibliothèques au Château de Chantilly), Alban Cerisier (directeur des fonds patrimoniaux et du développement numérique aux éditions Gallimard), François-Xavier Labarraque (directeur du développement et de la stratégie de Radio France). La commission était chargée d'étudier les risques et les avantages d'un éventuel accord avec un opérateur privé, afin de numériser ou mettre en ligne les fonds des bibliothèques, en prenant notamment en compte les points suivants : la libre disposition du patrimoine numérisé national, la parfaite conservation sur le long terme des fichiers numérisés, la visibilité de la culture et l'accès aux contenus français sur internet, l'intérêt économique et financier pour l'Etat et le contribuable, le 10 11

Livres Hebdo n°803 – vendredi 8 janvier 2010 – p 65 - « Nostradamus numérisé par Google » Discours de Frédéric Mitterand, ministre de la culture – Paris – 26 octobre 2009 – consultable en ligne sur le site http://www.culture.gouv.fr

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message politique à adresser à la communauté internationale. La commission devait analyser les éléments techniques, les conditions juridiques, l'intérêt économique, l'opportunité politique et stratégique de tels accords. Le rapport définitif, qui était attendu mi-décembre 2009, a finalement été rendu avec un mois de retard le 12 janvier 2010. Ce rapport met l'accent sur l'accessibilité pour tous au patrimoine écrit avec un objectif d'exhaustivité. Il prône une plate-forme mixte public privé regroupant la BnF, les grandes bibliothèques françaises et les éditeurs. Il préconise également que des accords soient passés avec des grands opérateurs du web de façon à favoriser la consultation du patrimoine écrit. On peut se demander de quels autres grands opérateurs, à part Google, s'agirait-il ? Le ministre de la culture et de la communication s'est montré plutôt favorable à ce projet de plate-forme et souhaite y intégrer Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF. La réalisation de ce projet semble encore vague mais semble tendre vers une coopération avec Google. Un dernier élément nous semble important concernant la prise de conscience politique des enjeux de la numérisation du patrimoine des bibliothèques, en décembre 2009, Nicolas Sarkozy, le président de la République française a annoncé officiellement que 750 millions du grand emprunt seront consacrés à la numérisation du patrimoine français, pour les bibliothèques et les autres institutions en charge du patrimoine français. La numérisation du patrimoine français et notamment du patrimoine des bibliothèques françaises risquent de faire couler beaucoup d'encre dans la presse des mois à venir : affaire à suivre... Mais les bibliothèques françaises n'ont pas attendu Google et son projet Google Books pour s'intéresser à la numérisation de leur patrimoine. Un certain nombre sont parvenues, sans Google à mener à bien leur campagne de numérisation. L'exemple, le plus notable est bien entendu le cas de la BNF.

« La numérisation à la française » La numérisation du patrimoine à la BNF Le 1er décembre 2009, lors du colloque « Les métamorphoses numériques du livre » organisé par l'Agence régionale du livre PACA, à la Cité du livre d'Aix en Provence, Isabelle Le Masne, adjointe au directeur des collections à la bibliothèque nationale de France (BnF), était là pour présenter la numérisation à la BnF, et plus précisément pour présenter la bibliothèque numérique de la BnF. 31


Quand François Mitterrand annonce le grand projet de la BNF en 1988, la mission d'innovation technologique de cette future bibliothèque est déjà présente. En 1992, les expériences de numérisation sont encore très artisanales ; il faudra attendre octobre 1997 pour voir une version pilote de bibliothèque numérique. La volonté politique est évidente à l’époque. Une première proposition est faite suite aux réactions des usagers. En janvier 2000 est mis en ligne Gallica 2000 : une bibliothèque accessible, libre et gratuite (135 000 documents imprimés numérisé à l’époque). Gallica 2000 se veut une bibliothèque encyclopédique avec les disciplines phares liées à la BnF. Cette première version de bibliothèque numérique propose essentiellement les collections physiques de la BnF. La littérature représente environ la moitié du fonds, l’histoire environ un tiers du fonds, le fonds est surtout francophone au départ, avec une forte dominante XIXème siècle (pour des questions de droit le XXème siècle est écarté et le XIXème siècle est important quantitativement à la BnF par rapport aux siècles précédents). Les documents rares et précieux sont également très présents dans cette première version. Gallica 2000 suit une politique de sélection structurée, une logique de corpus. Dès la fin des années 90, avec l’appui de spécialistes, des corpus de référence sont constitués, très axés pour un public de chercheurs à l’époque ; sont retenus les ouvrages d’orientation (dictionnaires…) et les textes fondamentaux de chaque discipline. Divers modes d’accès sont proposés : l’interrogation classique (catalogue), l’interface découverte, les dossiers thématiques. Pour la première mise en ligne, Gallica classique propose 1000 textes fondamentaux de la littérature classique et une bibliothèque des utopies. Suivront Voyages en Afrique et bien d'autres... Actuellement, la BnF travaille à l’augmentation de la masse de documents disponibles avec trois gros chantiers menés simultanément : - un programme sur la numérisation de la presse commencé en 2004, est en cours d’achèvement. Le corpus de la presse de la BnF est une des collections les plus riches du monde et une des plus consultées par le public, avec des problèmes de conservation dûs au format et à l’acidité du papier. Un programme au coût très lourd : 3,3 millions d’euros, effectué sur les chaînes internes de la BnF, avec de multiples manipulations. Les effets sont déjà visibles sur le web : possibilité de consulter en ligne : Le temps, Le Matin… - un deuxième programme en cours concerne les imprimés hors presse. Ce programme de grande ampleur arrivera à échéance en septembre 2010. Là aussi un coût très lourd : quatre millions d’euros par an pendant quatre ans (très lourd pour la puissance publique, grâce aux crédits du CNL). Ce programme de numérisation de masse concerne toutes les disciplines l’histoire, la 32


littérature et aux sciences. Concernant la littérature (romans, poésie, théâtre) : pour les romans, le but est de mettre à disposition les chefs d’œuvre et la littérature industrielle pour montrer la variété de la création littéraire (roman d'aventure, roman d’anticipation...). Pour la poésie, ce qui émerge comme corpus ce sont les grands textes, les entrées royales, les pamphlets, la poésie de circonstances, la poésie féminine, la poésie ouvrière, la poésie politique, la poésie régionale... : la forme poétique dans tous ses genres. Et enfin, pour le théâtre, et plus largement les arts du spectacle ; les œuvres complètes de dramaturge, les études sur les arts du théâtre, l'opéra-bouffe… - un troisième programme a été lancé durant l’été 2009 pour trois ans ; il concerne la numérisation des trésors, les documents rares et précieux (manuscrits, estampes, photos, ouvrages rares, partitions…), notamment pour mettre de l'image à disposition. Ce programme est en cours de définition, en concertation avec des programmes universitaires de recherche. 4500 manuscrits en ligne sur Gallica aujourd’hui. Ces programmes de numérisation de masse de la BnF arrivent bientôt à leur fin, à l’été 2011. Gallica ne cherche plus à s'adresser seulement aux historiens. L'offre qui apparaît en ligne favorise la recherche pluridisciplinaire et ouvre le champ de la recherche aux curieux. Nous aborderons plus tard les réflexions actuelles de Gallica sur l'organisation des contenus et la structure des bibliothèques numériques.

La numérisation du patrimoine des autres bibliothèques françaises Comme nous l'avons déjà évoqué à plusieurs reprises, toutes les bibliothèques ne sont pas concernées par la numérisation du patrimoine. Toutes les bibliothèques n'ont pas en charge un fonds patrimonial, et toutes les bibliothèques qui ont en charge un fonds patrimonial n'ont pas forcément quelque chose à numériser qui s'inscrivent dans une politique documentaire pertinente ou n'ont pas les moyens de numériser. Et quelques bibliothèques développent des projets de bibliothèque patrimoniale en ligne, en se passant de numérisation. La BM de Lisieux, la toute première bibliothèque patrimoniale française en ligne, est souvent citée en exemple pour son côté artisanal : les ouvrages mis en ligne ne sont pas numérisés ; leurs contenus sont saisis à la main par les bibliothécaires ! En France, environ 300 bibliothèques conservent des collections patrimoniales. 33


Quelques unes ont déjà entrepris un travail de numérisation de leurs collections : la BM de Grenoble (avec le fonds Stendhal), la BM de Troyes, la BM de Roubaix, de Montpellier, de Lille, de Toulouse... Les réalisations de bibliothèques patrimoniales numériques commencent à être plus nombreuses et dans des bibliothèques de plus en plus petites : la médiathèque de Dole, la BM de Bourg-en-Bresse... Pour ces différentes initiatives autonomes, différents financements sont possibles : - La BnF aide la numérisation des collections patrimoniales de ses pôles associés et peut également aider à financer la numérisation d'ouvrages sur des thématiques précises de bibliothèques qui ne font pas partie du réseau des pôles associés ; - la MRT du ministère de la culture et de la communication précédemment citées ; - le recours au mécénat et aux financements privés est aussi parfois possible... - il reste à savoir comment vont être utilisés les 750 millions d'euros du futur grand emprunt affectée à la numérisation du patrimoine. Le catalogue des collections numérisées Patrimoine numérique12 du ministère de la culture dresse un panorama de la numérisation du patrimoine écrit en France : plus de 500 institutions culturelles seraient impliquées dans plus de 1400 opérations de numérisation. Toutefois, dans un article du BBF de janvier 200913, Isabelle Westeel, analyse ces chiffres : « ces chiffres qui attestent une activité certaine dans ce domaine, sont néanmoins trompeurs. Une observation précise de la situation des bibliothèques (157 établissements) montre un bilan plutôt mitigé. 40 % des projets signalés dans l’ensemble des bibliothèques (plus de 50 % des projets des bibliothèques municipales) concernent la campagne nationale de numérisation d’enluminures des manuscrits médiévaux menée par l’IRHT (Institut de recherche et d’histoire des textes) en partenariat avec la Direction du livre et de la lecture. Les projets en ligne et les véritables bibliothèques numériques (on entend par là des collections organisées) sont finalement assez peu nombreux. On peut compter une trentaine de projets pour les bibliothèques municipales : Troyes, Lyon, Lille, Roubaix, Valenciennes, Toulouse… »

Des projets inégaux Les différentes bibliothèques numériques que nous avons précédemment citées ne sont pas toutes égales en qualité. Certaines sont plus agréables à consulter que d'autres, la présentation est plus ou moins réussie, la recherche est plus ou moins facilitée... 12

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http://www.numerique.culture.fr Westeel, Isabelle, « Le patrimoine passe au numérique », BBF, 2009, n° 1, p. 28-35 – en ligne http://bbf.enssib.fr

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Exemple : sur le site de la BM des Champs libres, sur chaque photo d'un document numérisé, se trouve inscrit au milieu en gros caractères « Musée de Bretagne ». Exemple : sur le site de la BM de Lille, la recherche est assez facile, mais il est impossible de feuilleter les livres, il est difficile de lire un livre en entier. Exemple : Gallica nous apparaît de plus en plus surchargée d'informations, ce qui peut aussi gêner l'usager lors de sa visite... Il est difficile de trouver un outil qui allie à la fois une recherche facile, un confort de lecture, une bonne organisation des documents, une incitation à flâner dans la bibliothèque numérique... Les concepteurs de ces nouvelles bibliothèques semblent encore chercher à s'approprier ce nouveau support. Il ne semble pas exister encore de logiciel idéal pour les bibliothèques numériques. Manque de personnel avec les compétences pertinentes et

manque de personnel en général,

manque de moyens, problèmes techniques difficile à surmonter... de nombreuses causes sont invoquées à ces problèmes. En tout cas, le constat simple : les internautes ne vont pas sur les sites des bibliothèques. Près de 90% des internautes passent par un moteur de recherche. En mai 2008 : +90% des requêtes effectuées sur internet en France passent par Google. Une intense réflexion en amont de tous ces projets devraient certainement aider à surmonter ces obstacles.

3 - Les défis de la numérisation du patrimoine L'organisation et l'exploitation des données numériques La réflexion en amont sur les contenus et les services aux usagers est essentielle. Même à petite échelle, un projet de bibliothèque numérique doit être réfléchi : pourquoi je veux une bibliothèque numérique ? pour quel public ? Comme une bibliothèque matérielle, une bibliothèque numérique doit organiser ses collections numériques. Les réflexions sont les mêmes : quelles collections numérisées je propose ? comment j'en permets l'accès ? comment je les organise ? comment je les mets en valeur ? comment je les enrichis ? Comment j'accompagne l'usager ? Pour Raphaële Mouren : « Derrière chaque bibliothèque numérique, il devrait y avoir un bibliothécaire. ». Comme pour l'organisation des collections physiques, l'usager est placé au cœur des réflexions. La mise à disposition d'une quantité de livres ou d'images ne suffit pas à constituer une bibliothèque 35


numérique. L'usager doit être accompagné virtuellement dans sa visite d'une bibliothèque numérique. Une bibliothèque numérique doit être encore mieux organisée et structurée qu'une bibliothèque matérielle pour la simple et bonne raison que l'internaute n'a personne en face de lui pour répondre immédiatement à une question qu'il pourrait se poser, il est seul pour mener sa recherche. Lionel Maurel de la BNF Gallica présent à la journée de l'ABF PACA à Martigues, le 19 octobre 2009, à insister sur cette nécessité. La BnF cherche à trouver un moyen pour exprimer la profondeur de Gallica. Des parcours doivent être proposés, suggérés à l'internaute : comme une invitation à explorer. Des repères doivent être créés pour lui. Pour Lionel Maurel, la numérisation des livres doit apporter quelque chose de plus. L'usager peut accéder à l'univers du livre, tout ce qui est autour : carte, photo, manuscrit... le livre est augmenté, enrichi. Tout un travail de médiation est à inventer selon les différents types de publics, pour leur donner envie d'utiliser ces bibliothèques numériques et leur apprendre à les utiliser. Lors d'une table ronde sur la numérisation des fonds patrimoniaux organisée par la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale le mercredi 25 novembre 200914, Bruno Racine, l'actuel président de la BnF s'est exprimé ainsi « L'enjeu de demain est la construction des outils intelligents d'exploitation des données, et non la numérisation proprement dite, considérée comme un processus industriel supposant une bonne organisation et des investissements, mais sans grande complexité intellectuelle. » et d'ajouter « Est-ce un drame d'aller vers Google si nous conservons la capacité d'organiser la numérisation en fonction de nos propres choix ? » Les bibliothèques numériques existantes cherchent à développer des nouvelles fonctionnalités, des nouveaux services aux internautes. Pour Gallica, le tournant fondamental est le passage au mode texte, avec, depuis 2007-2008, la conversion en mode texte des documents en mode image associé à une campagne de numérisation directement en mode texte (actuellement, Gallica 2000 est encore essentiellement en mode image, ce qui empêche la navigation dans le document). Récemment, les documents Gallica sont devenus moissonnables ; il est possible de récupérer les documents de Gallica. Les internautes peuvent se créer un espace personnel, se créer leur propre bibliothèque numérique, après inscription. Les documents conservés peuvent être classés en sousdossier, marquer, tagger. Désormais il est possible de dialoguer avec le blog Gallica, de s'abonner à la lettre électronique d’information, de s'abonner au flux RSS pour les nouveautés, de signaler une anomalie, une insatisfaction ou de faire la proposition de tel document à numériser. 14

Le compte rendu de la table ronde sur la numérisation des fonds patrimoniaux organisée par la commission des Affaire culturelles de l'Assemblée nationale organisée le mercredi 25 novembre 2009 – consultable en ligne sur http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/cr-cedu/09-10/c0910016.pdf

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Gallica est également adaptée pour les non-voyants ou malvoyants : mode écoute des documents, possibilité d’augmenter les caractères… Le 23 novembre 2009, un nouveau visualiseur a été mis en place pour un feuilletage plus simple, plus rapide, plus puissant, pour une lecture avec plus de repères (possibilité de mettre pages en face à face). Comme toujours en matière de numérisation du patrimoine, d'une bibliothèque à l'autre, la situation est très différente. Cela dit, il est estimé que 52 % des documents numérisés par les établissements culturels français ne sont pas en ligne. Par exemple, à la BMVR de l'Alcazar, tous les documents patrimoniaux numérisés ne sont accessibles que sur place avec le GED (gestion électronique de documents) et encore avec des déficiences techniques. La coopération entre établissements est sans doute le meilleur moyen de remédier à ces diverses problèmes que pose la numérisation, en développant de nouveaux projets, encore plus pertinents.

La nécessaire coopération entre les bibliothèques Au-delà des projets conduits par les établissements, de manière autonome, se construisent peu à peu des programmes coopératifs, à divers niveaux : local, régional, national, européen, voire mondial. Ces efforts de mutualisation peuvent permettre de réfléchir et de trouver des solutions ensemble aux multiples questions en suspens concernant la numérisation du patrimoine : les problèmes juridiques, les problèmes financiers, les problèmes de conservation et d'archivage des données numérisées... Pour les problèmes juridiques, nous avons déjà évoqué le programme européen ARROW, pour une mise en commun des bases de données des ayants droit et de toutes les informations utiles sur le statut juridique des œuvres du XXème siècle.

Des réponses collectives au problème de coût de la numérisation La question du coût de la numérisation avec la masse de données à numériser et le niveau de sécurité requis nécessite des actions de coopération : coopération nationale (programmes de numérisation concertée, notamment avec les pôles associés) et internationale (notamment pour Europeana, la bibliothèque numérique européenne). La BnF recherche de nouvelles sources de financement (fondations américaines, programmes européens, CNRS …) pour pouvoir lancer de nouveaux programmes de numérisation. 37


A titre d'exemple : le projet européen Europeana Regia est un projet européen collaboratif de numérisation de manuscrits médiévaux, axé sur trois ensembles aujourd’hui dispersés en Europe. La coordination générale sera assurée par la BnF. La durée du projet est de 30 mois, à partir du 1er janvier 2010. Plus de 307 000 images seront produites. Le budget total est de 3.400.000 euros, incluant une subvention européenne à hauteur de 50 %. Il couvre les ressources humaines, notamment pour l'établissement des métadonnées scientifiques ; la numérisation ; les transports ; la communication ; la création d'un site web dédié. A l'échelon local, bien que les coûts soient moindre, les problèmes de financement de la numérisation se posent. Des actions de numérisation collaboratives entre différentes bibliothèques d'un même territoire seraient envisageables : montage d'un projet de numérisation commun pour négocier des prix auprès d'un prestataire, mise en commun de matériel de numérisation... A l'échelon local, des projets de moindre envergure sont possibles et à inventer.

Une collaboration pour une mise en réseau des documents déjà numérisés Pour une meilleure mise en réseau des documents déjà numérisés, plusieurs exemples sont déjà mis en place : - le catalogue collectif du CICL (Centre Interrégional de conservation du livre d'Arles) et son site d'une nouvelle bibliothèque numérique collective et patrimoniale www.e-corpus.org, qui vise à répertorier et diffuser les documents numérisés de multiples établissements de PACA. La BMVR de l'Alcazar est actuellement en pourparlers avec le CICL pour un hébergement en ligne de ses fonds déjà numérisés. - le site Numes est, lui, l’inventaire en ligne des corpus numérisés et des projets de numérisation des établissements et organismes de l’enseignement supérieur. - le site Enluminures est une base de données, coproduite par la DLL et l’Institut de recherche et d’histoire des textes (IRHT). Ce programme de recherche comprend plusieurs phases : le recensement des manuscrits enluminés, l’inventaire et la reproduction de leur décoration, le catalogage (avec élaboration des notices) et la mise en ligne gratuite : actuellement plus de 80 000 images tirées de 4 000 manuscrits médiévaux (remarque : les reproductions des enluminures sont très souvent partielles). - Europeana, lancée officiellement le 20 novembre 2008, est un projet initié par la BnF avec pour objectif de créer une bibliothèque numérique européenne. Elle pourrait, à termes, être une interface de mise en commun des ressources de documents patrimoniaux numérisés, 38


consultable gratuitement, elle est accessible en 21 langues et pourrait donc, avoir une réelle portée au niveau européen. La coopération sur le plan national est cruciale car les établissements, selon leur taille, ne peuvent pas toujours, gérer seuls, ni la numérisation ni la mise en ligne de leur documents patrimoniaux. Dans ce but, un schéma numérique national des bibliothèques est en préparation à la BNF, pour mettre au point une politique coordonnée en la matière allant de l'identification des fonds à numériser jusqu'à leur diffusion. Ceci, pour réfléchir à l'ouverture des marchés de numérisation de la BNF aux BM et aux BU qui ne sont pas pôles associés et qui ont pourtant des fonds intéressants et qu'il apparaît nécessaire de rendre publique.

Les problèmes de conservation pérenne des données numérisées Les documents numérisés qu'ils soient patrimoniaux ou non (et toutes les données numériques en général) doivent être entreposés de manière sécurisée et pérenne. La BNF a récemment lancé le programme SPAR (Système de Préservation et d’Archivage Réparti). Sa conception s'appuie sur des normes internationales faisant autorité dans le monde de la pérennisation des informations numériques. SPAR respecte en particulier la norme OAIS, modèle de référence pour un système ouvert d'archivage d'information. SPAR est plus qu'un simple entrepôt de données sécurisé, c'est un programme de haute technologie : - il effectue de multiples copies des objets numériques et assure une surveillance continue de l'état des équipements et des médias d'enregistrement des fichiers permettant d'anticiper les recopies avant la perte définitive. - il permet grâce à un travail permanent de veille technologique sur les formats, de garantir la continuité d'accès en procédant aux transformations nécessaires en cas d'évolution technologique. Ainsi, par exemple, si le format d'image JPEG devient obsolète, SPAR pourra être en mesure de transformer les images concernées dans un nouveau format. - il s'adosse aussi à un système expert de gestion de droits. SPAR n'a pas vocation à être uniquement un outil interne à la BnF. Dans une volonté de mutualisation des expertises et des coûts, la BnF ouvre son système à d'autres partenaires et institutions : les grands centres d'archivages et les grands établissements universitaires. Ce projet est extrêmement ambitieux et particulièrement technique. Il semble prévoir les différentes évolutions technologiques et les problèmes que cela pourrait engendrer en termes de 39


conservation des données numériques. Mais reste à savoir si le progrès technologique ne dépassera pas les prévisions du projet SPAR et si les formats ne se multiplieront pas (ils sont déjà nombreux aujourd’hui : pour les fichiers image : jpeg, PICT, BMP, GIF, TIFF…), devenant alors trop compliqués à gérer. D’autre part, ce projet ne répond pas au problème de la double conservation (matérielle et numérique des documents) et donc au doublement des moyens (spatial et financier notamment) de leur conservation. Toutes ces réflexions autour de la conservation des documents numérisés ne doivent pas écarter la question de la conservation physique des documents patrimoniaux. De nouveaux systèmes sont encore à penser, de nouvelles perspectives à envisager, une nouvelle organisation à inventer et peut être une nouvelle conception de la politique patrimoniale à élaborer.

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CONCLUSION L'intérêt croissant de nos contemporains pour la mémoire et l'identité, le dynamisme de la décentralisation culturelle et enfin l'essor des nouvelles technologies ouvrent de nouvelles perspectives à la politique patrimoniale des bibliothèques. Pour chaque bibliothèque en charge de collections patrimoniales, la conservation et la communication de ces collections permettent de se forger une identité, de se donner une image singulière dans le paysage des bibliothèques françaises. Le patrimoine peut être un allié dans cette quête. Le patrimoine des bibliothèques, qui a pris un sens élargi en ne se limitant plus aux fonds rares et précieux, est largement pris en considération dans les projets nationaux : enquête nationale, catalogue collectif, plan de conservation partagée... et actuellement l'aide à la numérisation. Toutefois le regain d'intérêt pour le patrimoine, et notamment pour la numérisation du patrimoine, ne doit pas se faire au détriment du financement de la mission de lecture publique par l'Etat et les différentes collectivités territoriales. Sur les sites internet des bibliothèques, on voit de plus en plus les collections patrimoniales numérisées côtoyer les documents nativement numériques et l'agenda des manifestations de la bibliothèque. La preuve concrète que la mission de lecture publique et la mission patrimoniale des bibliothèques, encore si souvent opposées dans la tête des professionnels, peuvent être réunies.

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REFERENCES Ouvrages Association des Bibliothécaires de France, Raphaële Mouren et Dominique Peignet (dir.), Le Métier de Bibliothécaire, Editions du Cercle de la Librairie, 2007. BERTRAND (Anne-Marie), Les bibliothèques, Collection Repères n°247, La Découverte, 2007 (3ème édition). MOUREN (Raphaële) , Manuel du patrimoine en bibliothèque, collection bibliothèques, édition du cercle de la librairie, 2007.

Articles GAUTIER-GANTES (Jean-Luc), Le patrimoine des bibliothèques : rapport à Monsieur le directeur du livre et de la lecture, Bulletin des bibliothèques de France, n°3, 2009. GAUTIER-GANTES (Jean-Luc), Le contrôle de l'État sur le patrimoine des bibliothèques des collectivités locales et des établissements publics, Bulletin des bibliothèques de France, n°6, 1998. LAFFONT (Caroline) et MOUREN (Raphaële), Les ennemis du livre, Bulletin des bibliothèques de France, n°1, 2005. TESNIERE (Valérie), Patrimoine et bibliothèques en France depuis 1945, Bulletin des bibliothèques de France, n°5, 2006.

Revues Bulletin des bibliothèques de France. Consulter les numéros thématiques suivants : Les bibliothèques au rapport, n°3; Gérer le patrimoine, n°1, 2009 ; Construire le patrimoine, n°6, 2008 ; Les collections singulières, n°4, 2007 ; Patrimoines, n°5, 2004. (revue également consultable en ligne sur http://bbf.enssib.fr) Dazibao - Agence Régionale du Livre PACA. Consulter les numéros thématiques suivants : Conservation partagée des périodiques en PACA, n°14, septembre 2007 ; Plan d'Action pour le Patrimoine Ecrit, n°7, décembre 2005.

Sources internet Le site du Ministère de la Culture et de la Communication : http://www.culture.gouv.fr Le site Patrimoine numérique du Ministère de la culture : http://www.numerique.culture.fr Le site du Catalogue collectif de France : http://www.ccfr.bnf.fr 42


Le site du Sudoc : http://www.sudoc.abes.fr Le site de l’OCLC : http://www.oclc.org Le site du catalogue collectif Numes : http://www.numes.fr:8080/numes/mainMenu.html Le site Enluminures : http://www.enluminures.culture.fr Le site de l'Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/credu/09-10/c0910016.pdf (pour le compte rendu de la table ronde sur la numérisation des fonds patrimoniaux organisée par la commission des Affaire culturelles de l'Assemblée nationale organisée le mercredi 25 novembre 2009 )

Quelques bibliothèques numériques Gallica : http://gallica.bnf.fr Europeana : http://www.europeana.eu La bibliothèque mondiale de l'UNESCO : http://www.wdl.org/fr Le site de la BM de Dole : www.dole.org/mediatheque/ Le site de la BM de Lisieux : www.bmlisieux.com/ Le site de la BM de Troyes : www.mediatheque-agglo-troyes.fr/ Le site de la BM de Toulouse : www.bibliothequedetoulouse.fr/ Le site de la BM de Grenoble : www.bm-grenoble.fr/ Le site de la BM des Champs libres de Rennes : www.bibliotheque-rennesmetropole.fr/

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ANNEXES

Compte-rendus de nos échanges avec des professionnels - Questionnaire sur la conservation partagée - Compte-rendu de l'entretien avec Brigitte Blanc, conservatrice chargée du patrimoine à la BMVR de l'Alcazar à Marseille - Bilan des échanges email avec les abonnés à la liste de diffusion Bibliopat

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QUESTIONNAIRE SUR LA CONSERVATION PARTAGEE 1- Quand la conservation partagée du fonds jeunesse a-t-elle commencé dans le département des Bouches-du-Rhône ? 2- Quelles sont ses origines ? Quelles problématiques ont suscité la mise en place de la conservation partagée ? 3- Comment s’est déroulée cette mise en place ? Quels ont été les problèmes rencontrés ? 4- Quelles sont les perspectives ? Les nouveaux projets de développement de cette conservation partagée ? Quels problèmes se posent actuellement ? 5- Quelles sont les améliorations possibles du réseau ? (Si vous avez des chiffres, n’hésitez pas à nous les communiquer). Voici quelques exemples de questions complémentaires : -Nombre d'ouvrages constituant le fonds ? -Nombre d’ouvrages enrichissant le fonds chaque année ? (en moyenne) -Coût de l’entretien de ce fonds -Exemple de budget dédié à ce fonds -Nombre de bibliothèques participantes (et autres structures s’il y en a et lesquelles ?) Merci de votre disponibilité.

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COMPTE-RENDU DE L’ENTRETIEN AVEC BRIGITTE BLANC Conservatrice, responsable du patrimoine, à la BMVR l’Alcazar à Marseille le samedi 16 janvier 2010

PRESENTATION DU FONDS PATRIMONIAL DE L’ALCAZAR Le fonds patrimonial de l’Alcazar est divisé en trois services : - le service de la documentation régionale - le service des fonds rares et précieux - le service des références (qui est un peu détaché du secteur patrimonial avec un travail plus indépendant). Le service de la documentation régionale est composé de deux types de fonds : le fonds du XXéme siècle et le fonds du dépôt légal imprimeur (tous les documents datant d’avant 1900 sont rattachés au fonds rare et précieux). Il répond à deux objectifs : le prêt et la conservation. Une équipe de 10 personnes gère ce service : un bibliothécaire, 5 assistants et 4 agents de catégorie C. Le service des fonds rares et précieux représente 280 000 livres, 2 000 manuscrits, 150 médiévaux et une soixantaine d’enluminures. Une équipe, composée d'un conservateur, d'un bibliothécaire responsable de l'équipe, d'un bibliothécaire responsable de la numérisation, de 4 assistants bibliothécaire et de 4 employés de catégorie C, gère ce fonds. Ce service est composé : - d’un pôle d’excellence sur le thème du « voyage en Orient » particulièrement tourné vers l’Egypte avec notamment les dessins de l’architecte J.P. Coste, des portulans (cartes marines manuscrites) - d’un fonds bandes dessinées : ce fonds est né dans les années 80 de la volonté d'un conservateur. Dépôt légal éditeur jusqu’en 2007 (arrêté avec les nouvelles lois sur le nombre d’exemplaires à fournir par les éditeurs) - d’un fonds littoral méditerranéen : lui-même composé de plusieurs fonds : le fonds de la revue Cahiers du Sud, le fonds Jules Roy, le fonds des poètes marseillais (J.L. Brauquier, Audiziot, Neveu…) et un fonds comprenant les bibliothèques personnelles héritées de ces poètes. - d’un fonds de plus de 15 000 titres de périodiques. - du fonds de la société géographique nationale de Marseille, en très mauvais état mais qui a 46


été catalogué dans son intégralité grâce aux subventions reçues dans le cadre de la construction de la BMVR. LES CAMPAGNES DE RETROCONVERSION ET DE NUMERISATION : En 2003, à l’occasion du déménagement de la bibliothèque, sur le nouveau site de l'Alcazar, cours Belsunce (ouvert en mars 2004), des crédits exceptionnels ont permis de réaliser une grande campagne de rétroconversion. La conversion en l’état de la totalité de ces fichiers ne sont pas encore sur l'OPAC, ils se retrouvent uniquement sur le catalogue professionnel. Ils ne sont pas encore disponibles pour les usagers car se pose encore le problème de l’exemplarisation qui n’a pas été réalisée. Ceci est actuellement à l’étude avec Bibliomondo. La première campagne de numérisation a eu lieu en 2000, supervisée par Noëlle Colombier et fut réalisée par un prestataire extérieur. Cette campagne de numérisation était commune à la bibliothèque de l’Alcazar, aux Archives et au Musée d’histoire de Marseille. Pour le fonds de la BMVR de Marseille, cela a représenté : - 6000 dessins de Pascal Coste - 3000 cartes et plans - un fonds de photographies : environ 3000 photographies. - un fonds de presse en provençal (en partenariat avec d’autres organismes) En 2009, a été réalisée la numérisation du fonds Daumier, environ 1300 lithographies de Daumier. Et celle du fonds Michel De Léon (historien travaillant sur la Révolution à Marseille). La prochaine campagne de numérisation concernera les impressions marseillaises. Tout ce qui est local et libre de droit a été numérisé. La BMVR de Marseille est un pôle associé de la BnF sur le dépôt légal et sur la Méditerranée, ainsi des aides à la numérisation leur sont octroyés. Pour financer la numérisation, ils ont aussi lancé des projets avec la Mission de recherches technologique (MRT). Aujourd’hui, deux problèmes se posent à eux par rapport à leur programme de numérisation. D’une part, ils souhaiteraient numériser le fonds littoral méditerranéen mais de gros problème juridiques se posent, ne serait-ce que pour retrouver tous les ayants-droits. D’autre part, il s’agit d’un problème d’ordre plus technique : les fichiers numérisés ne sont pas accessible aux usagers sur internet, ils ne le sont que sur place avec la GED (Gestion électronique des documents) et ce service n’est pas totalement efficace. Pour résoudre ce problème de taille, ils sont en négociation avec le CICL à Arles. 47


L’ENRICHISSEMENT ET LA RETAURATION DES COLLECTIONS : Avec un budget de 10 000 euros par an pour l’enrichissement des collections patrimoniales, la BMVR met l’accent sur deux fonds : - celui du pôle d’excellence, « voyage en Orient » avec par exemple pour l’année 2009 des acquisitions sur la Perse. - et des acquisitions pour le fonds de livres d’artistes, pour l’instant encore peu abondant. Seulement 7000 euros de budget annuel sont consacrés à la restauration. De plus pour tout projet de restauration, il est nécessaire de passer devant Comité scientifique du ministère qui a tendance à être très exigent. Le fonds est globalement en assez mauvais état et aucune réelle campagne de restauration des documents des fonds patrimoniaux n'est mise en place.

LA VALORISATION DU PATRIMOINE : Depuis son arrivée à la direction de la BMVR de Marseille, Gilles Eboli a mis en place une véritable action de valorisation du patrimoine avec notamment un travail sur des brochures, l’encouragement de multiples manifestations organisées par le service des références et une grande exposition annuelle. Cette dernière regroupe une exposition importante, des mises en œuvre pour la rendre accessible aux malvoyants, mais aussi des ateliers pour adultes ou pour enfants, des conférences, des tables rondes… En février 2009, le thème était : les enluminures et en 2010 se sera sur la Perse.

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ECHANGES AVEC LA LISTE DE DIFFUSION BIBLIOPAT Pour suivre de près l'actualité et partager les préoccupations quotidiennes des personnels des bibliothèques travaillant sur le patrimoine, nous nous sommes inscrites sur la liste de diffusion Bibliopat. Nous avons également décidé de lancer un appel à témoignage pour éclairer notre mémoire. Merci à Raphaële Mouren, la modératrice de Bibliopat d'avoir accepté de diffuser notre message.

Voici le mail que nous leur avons envoyé : « Bonsoir, Nous sommes deux étudiantes en licence professionnelle Métiers du livre (spécialité bibliothèque) à l'IUT Métiers du livre d'Aix en Provence. Nous travaillons à la rédaction d'un mémoire intitulé : "Patrimoine en bibliothèque". Auriez-vous un moment à nous accorder pour répondre à nos questions ? Cela nous permettrait d'apporter un point de vue pratique (un point de vue de terrain) à notre mémoire. 1- Quel est le problème principal que vous rencontrez, aujourd'hui, dans votre travail de gestion du patrimoine en bibliothèque ? 2-Avez-vous une ou des pistes, idées ou propositions (au niveau législatif, financier, organisationnel...) qui aiderait à la résolution de celui-ci ? Merci d'avance. Sara Hug et Gaëlle Bernier »

Et voici quelques unes des réponses reçues : En provenance d'une conservatrice du Service des Collections Patrimoniales de la BU Sciences Université Montpellier 2 : « Je suis conservateur en charge des collections patrimoniales de la BU Sciences de Montpellier depuis 2004. A mon arrivée les fonds anciens de la BU avaient été conservés dans de bonnes conditions, mais étaient sous exploités car très peu connus. Le problème majeur que je rencontre depuis lors est de communiquer autour de ces collections et d'attirer un public de chercheurs ou étudiants pour exploiter ces fonds. 49


La communication que j'organise autour de ces collections prend toutes sortes de formes: édition de cartes postales et envoi massif d'échantillons de notre production éditoriale à divers collègues au niveau local ou national, participation à des opérations de la BU Sciences tel le CinéSciences (projections thématiques de documentaires que nous enrichissons par des sélections d'ouvrages anciens présentés en vitrines), participation et organisation de diverses expositions au sein de l'université (nous collaborons notamment avec le Service Commun des Collections de l'université) ou à un niveau plus large (en 2007 exposition "L'astronomie aux sources des Lumières" organisée en partenariat avec les Archives Départementales de l'Hérault, la Société d'Etudes GT Raynal, dans le cadre du XIIe Congrès International des Lumières à Montpellier). A cela s'ajoutent les diverses visites dans les fonds patrimoniaux (un partenariat est à l'étude avec l'association Kyklos sur l'histoire des sciences pour valoriser ces fonds). Il n'en reste pas moins que le travail "de fonds" comme les inventaires, et tout simplement l'étude des collections anciennes sont des tâches très chronophages qui sont peu reconnues au niveau du service, et qu'il est très difficile de jongler avec la multitude de casquettes que j'arbore tour à tour dans la BU. La solution pour l'instant je ne la connais pas, j'espère juste qu'au bout d'un certain temps ce travail finira par être reconnu au niveau local, car les collègues qui travaillent également avec moi dans l'embryon d'équipe patrimoine que nous sommes manquent également de reconnaissance. » En provenance de la responsable de l'artothèque de Lyon : « Bonjour, Je travaille sur le vingtième siècle, photo, estampe, livre d'artiste. Les problèmes : - les droits d'auteurs - la visibilité/accessibilité de la collection - la conservation dans son antagonisme avec la diffusion (je suis responsable de l'Artothèque de Lyon...) Solution : j'aimerais bien la connaître ! - créer des espaces permanents de présentation des collections ? - accélérer la numérisation de la collection puis sa mise en ligne ? - créer des emplois de médiation, diffusion ? - négocier à l'échelle de l'état les droits de repro/ mise en ligne des oeuvres de nos collections ? » –

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En provenance d'une bibliothécaire chargée du patrimoine à la Bibliothèque-médiathèque de Mulhouse : « En réponse à vos questions voici des éléments de réponse de la bibliothèque de Mulhouse : 1. Problème actuel qui devrait se solutionner dans le futur : Moyens de numériser les collections de presse

locale,

car

ce

sont

des

documents

très

fragiles

et

très

consultés.

- Convaincre nos élus locaux du problème et obtenir des financements, qui complèteront les subventions Drac. 2. Résoudre des problèmes de droits encore complexes : ex. cas des video U Matic de conservation alsatique. On a un devoir de conservation de la mémoire locale, mais on perd les droits de communiquer ces documents au public... - Faire remonter ce type de question à la Direction du Livre, afin de faire avancer la législation. » En provenance d'une responsable du fonds ancien de la Bibliothèque universitaire de médecine de Marseille, La Timone : « 1- Principal problème rencontré : le manque de moyens de toutes sortes. Pas de budget pour acheter des documents. Fournitures au minimum (1 toute petite commande par an actuellement) Personnel très insuffisant : actuellement, 2 magasinières consacrent chacune 2 h par semaine au fonds ancien. Et je suis conservatrice responsable, mais travaille à 60%, et fais presque la moitié de mon temps en service public. Locaux trop petits. 2- proposition : que la politique de numérisation des documents anciens soit organisée nationalement, de façon à ce que des moyens suffisants soient dégagés. Nous avons beaucoup de documents anciens qui mériteraient d'être numérisés. Mais nous n'avons ni le personnel, ni le matériel, ni les compétences nécessaires. Il me paraîtrait inutile et néfaste que chaque bibliothèque "bricole" dans son coin une numérisation qui ensuite ne serait pas aux normes et ne s'intègrerait pas dans une vision à l'échelle nationale. » En

provenance

de

la

bibliothèque

patrimoniale

du

château

de

Chantilly

:

« Le problème majeur, me semble t-il (et je l'ai rencontré dans mes autres postes) est le manque de place dans les locaux adaptés à la conservation. Les institutions sont souvent un peu réticentes à investir dans un équipement patrimonial assez expansif (papier neutre, boîte à aspiration pour le dépoussiérage, boîte de conservation, déshumidificateur, sonde d'hygrométrie). Les collections sont donc parfois conservées dans des locaux non prévus à cet effet. Voilà à première vue le problème majeur qui me vient à l'esprit. Il peut être résolu grâce à une sensibilisation des élus aux problèmes inhérents du patrimoine, en leur laissant entrevoir le côté valorisation des collections conservées 51


dans leur collectivité. » En provenance du service « Etudes et Patrimoine » de la Médiathèque de Sedan : « Le principal problème auquel je suis confronté est un problème financier; Sedan, ville d'Art et d'Histoire, ville de 20000 hbs est confronté depuis les années 1980 à une crise économique importante, puisqu'elle a perdu toute son industrie textile qui faisait une partie de sa renommée. Ville d'Histoire puisque on y retrouve les noms des familles princières Bouillon, La Tour d'Auvergne dont le maréchal Turenne, Fabert et au niveau intellectuel Pierre Bayle (professeur à l'Académie protestante de Sedan) jean jannon (imprimeur du Roi, puis imprimeur princier à Sedan : 17e siècle), Frédérick Tristan, Georges Delaw (premier maire de la commune libre de Montmartre) , etc.... Je pense que pour les villes classées Ville d'Art et d'histoire, il devrait avoir une obligation de consacrer un pourcentage du budget communal par an au patrimoine écrit; Sedan possède le Château Fort le plus étendu d'Europe; Il est vrai que la mise en valeur de ce dernier nécessite un effort financier important, mais je pense que le patrimoine "pierre" et le patrimoine "écrit" son indissociables. Autre concurrent du patrimoine écrit : le Football! incroyable mais c'est un domaine porteur qui est beaucoup parlant que l'achat d'un livre du 17ème siècle (même avec une campagne de communication bien orchestrée). » En provenance d'un conservateur d'Etat de la bibliothèque de Moulins : « jusqu'à aujourd'hui, ce qui a manqué à la préservation et la valorisation du patrimoine de la BMC de Moulins : des moyens en investissement et fonctionnement, en particulier en personnel. Quand on est contraint d'affecter l'essentiel des moyens à un service minimal en "lecture publique", le patrimoine est - ou l'a été à Moulins - le parent pauvre. Le soutien de l'Etat reste indispensable. »

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