Près du piano fermé suivi de Le Sourire voilé

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Avec la collaboration et le soutien de l’Espace Pandora 8 place de la Paix 69200 Vénissieux

Collection « Haute Mémoire » La publication de cet ouvrage s’inscrit dans le contexte du

(Ville de Lyon)

Darmet (Louis).- Près du piano fermé suivi de Le Sourire voilé.Genouilleux, Éditions La passe du vent, janvier 2019.- 292 p., ill., 14 x 20,5 cm.ISBN : 978-2-84562-328-6 [coll. « Haute Mémoire » ; éd. Michel Kneubühler].


LOUIS DARMET 1890-1918

PRÈS

DU PIANO FERMÉ POÈMES 1909-1911 suivi de

LE SOURIRE

VOILÉ

POÈMES 1912-1916

Édition établie par Michel Kneubühler avec le concours de Jacques Joyard


AVANT-PROPOS « L’âme en nostalgie » « La lampe à son déclin tremblote, bleue et grise, Et dans les plis légers de ta robe indécise Il me semble qu’un peu de ma vie agonise… » Louis Darmet, Près du piano fermé (1912)

C’est une forme de miracle que ce livre voie le jour, un siècle et quelques mois après la mort, à pas même vingt-huit ans, sur le front picard, de Louis Darmet. Certes, la Bibliothèque nationale de France conserve dans ses collections l’exemplaire du recueil Près du piano fermé qu’avait reçu, dédicacé, Henry Dérieux, un des amis du poète et comme lui contributeur de la revue L’Art libre ; certes, ce même recueil se trouve également à la Bibliothèque municipale de Lyon, ville où l’auteur naquit en 1890. Mais bien rares ont sans doute été depuis 1912 – date de la publication, à l’enseigne des Éditions Ernest Basset & Cie, des trois cents exemplaires de ce livre – les lecteurs de ces poèmes pourtant salués en leur temps par Frédéric Mistral, Henri de Régnier ou Henry Bataille. Et, mis à part les membres de la famille, personne encore n’avait pu lire la soixantaine de poèmes que Louis Darmet, peu avant sa mort, avait réunis dans un recueil qu’il souhaitait faire paraître et qu’il avait choisi d’intituler Le Sourire voilé. En réalité, il a fallu un rare concours de circonstances pour que, par-delà le siècle terrible qui s’est écoulé et dont la Grande Guerre marquait d’une certaine façon le véritable début, ces vers trouvent place dans un volume offert à la curiosité des amateurs de poésie. Il faut donc savoir gré à Patrice Béghain, auteur en 2017 d’une érudite anthologie consacrée aux Poètes à Lyon au 20e siècle, d’avoir choisi, voisinant avec des textes dus à Gabriel-Joseph Gros, Joseph Billiet ou Paul Aeschimann, quelques extraits du recueil Près du piano fermé. Grâce à cette première mise au jour, un an plus tard, sur la scène du Théâtre des Marronniers de Lyon, un spectacle, Hommes de l’avenir, souvenezvous de nous !, consacré à Guillaume Apollinaire et aux poètescombattants, donnait à entendre quelques vers issus de cette sélection. Du coup, le nom de Louis Darmet, parce qu’il figurait dans les documents d’annonce du spectacle, put venir s’inscrire sur l’écran de Marie-France Joyard, nièce du poète et épouse de Jacques Joyard, lequel s’empressait d’entrer en contact avec le –7–


Théâtre et l’auteur du spectacle ! Très vite, au fil des échanges qui s’ensuivirent, il apparut que les archives familiales étaient riches, non seulement du recueil Près du piano fermé, mais également d’un autre recueil, celui-là inédit, composé par le poète – en deux versions, l’une manuscrite, de la main même de l’auteur, l’autre, dactylographiée, bien après sa mort, par sa belle-sœur, la mère de Marie-France – sans compter des archives – correspondances, coupures de presse, photographies... Devant un tel présent du destin, comment ne pas envisager de donner à lire ces vers sans cela promis à l’oubli ? C’est là que nous tenons à saluer la démarche des époux Joyard qui, conjuguant piété familiale et générosité citoyenne, ont non seulement accepté la publication de l’ensemble des poèmes, mais encore ouvert leurs archives et apporté un concours plus que précieux afin d’aider à mieux faire connaître la courte vie de Louis Darmet, sa famille, ses amis, le milieu littéraire et artistique qu’il fréquentait, les six années et plus qu’il passa sous l’uniforme : il va sans dire que, sans eux, ce livre n’aurait pu exister et nous leur sommes infiniment reconnaissants de leur féconde et chaleureuse coopération. Mais les nièces et neveu de Louis Darmet (Jacqueline, Louis et MarieFrance) et leurs conjoints ont fait plus encore, puisqu’ils ont souhaité que les archives du poète puissent désormais, un siècle après sa disparition, rejoindre une collection publique, en l’occurrence la bibliothèque de sa ville natale, déjà riche de plusieurs fonds liés aux auteurs de L’Art libre. Et voilà le miracle accompli : la découverte inespérée de précieux manuscrits et documents, accompagnée de la publication de près de cent cinquante poèmes composés, au début du XXe siècle, par un jeune homme précocement saisi par l’urgence d’écrire. Comme si, dès l’adolescence, il pressentait que le temps, comme à tant de ses contemporains, lui serait compté et que, « lorsque l’orage est proche et que l’heure est critique », rien n’est plus essentiel que l’écriture. Mais, avec Louis Darmet, en face de qui sommes-nous ? De quel genre de poète s’agit-il ? Certes, il n’est pas un inventeur de formes nouvelles. Ses poèmes, dans leur plus simple expression, sont plutôt classiques, et leur portée vient d’ailleurs. Mais cette portée est immense, mêlant espoirs et tragédie, décrivant avec une grande justesse le monde de ce début de XXe siècle. Un monde partagé entre l’élan vital et collectif et une lente traversée de l’Enfer, une remontée en terre froide, un brouhaha ensanglanté. Louis Darmet, en vrai poète, a su être une voix et un témoin de son temps. Ce qu’il écrit, ce qu’il dépeint avec précision, est de l’ordre de la réalité. Une réalité à la fois lyrique et crue. –8–


La poésie de Louis Darmet n’ignore aucun des chemins de l’existence, tantôt rythmée et légère, aux accents verlainiens, tantôt grave et charriée par les misères. C’est que notre poète a traversé la Grande Guerre, cette boucherie sans nom. Frappé en pleine jeunesse, alors qu’il est encore un auteur en herbe, un artiste incomplet à l’œuvre inachevée, Louis Darmet laisse derrière lui, cependant, deux recueils de poèmes (Près du piano fermé et Le Sourire voilé) et quelques vers épars et inédits. Son talent a déjà pu s’affirmer, en effet, et l’authenticité de son chant est frappante – dès la première lecture. Louis Darmet a vécu en poète et en soldat les années de sa jeunesse. Et il n’est pas allé plus loin. Le beau jeune homme s’est éteint, pas même parvenu au milieu du gué. Qui peut prétendre connaître la tournure qu’aurait prise le cours de son existence après 1918 ? Comment son œuvre aurait-elle évolué ? Vers quelle destination se serait-elle orientée ? Le silence est de mise, bien sûr, et nous n’en saurons rien. À jamais. Nous ne saurons rien de ce futur qui aurait pu devenir l’autre présent de Louis Darmet. Mais nous aimons beaucoup ce poète tombé, comme d’autres, au front. Nous l’aimons pour son courage, et pour ses vers que nous sommes fiers de sortir de l’oubli dans lequel ils avaient, pour un temps, été plongés. Louis Darmet est mort à la guerre, mais son œuvre poétique est restée vivante. C’est une œuvre qui mérite qu’on s’y attarde, mérite, oui, qu’on la cueille dès l’aube naissante et qu’on la conserve précieusement, de jour comme de nuit. Car c’est, peutêtre, une œuvre de tous les instants de la vie, même si elle nous rappelle l’automne, la fraîcheur des petits matins gris et, aussi, les feuilles mortes qu’on ramasse sur le sol. Nous avons évoqué Verlaine, tout à l’heure, et ce n’est pas fortuit. La poésie de Louis Darmet, au fond, est une chanson d’automne. Elle révèle chez nous une part commune demeurée secrète et nous met « l’âme en nostalgie ».

Thierry Renard et Michel Kneubühler Vénissieux, le jeudi 6 septembre 2018 ; Lyon, le 9 septembre 2018

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PARTIE I LOUIS DARMET,

POÈTE (1890-1918)



LOUIS DARMET (1890-1918) Entre 1924 et 1926, sur l’initiative de l’Association des écrivains combattants, l’éditeur amiénois Edgar Malfère publia en cinq volumes une Anthologie des écrivains morts à la guerre 1914-1918 regroupant cinq cent soixante notices biographiques d’auteurs « morts pour la France »1. Voici en quels termes y sont évoquées la vie et l’œuvre de Louis Darmet, dont la notice, selon la Bibliothèque nationale de France, est due à Gabriel-Joseph Gros, un des amis proches du poète, et poète lui-même2.

Louis Pierre Darmet est né à Lyon le 17 décembre 1890. Après des études particulièrement brillantes dans cette ville au lycée Ampère, il se destina à l’industrie. Plus tard, le temps du service militaire écoulé, il fit le choix d’une autre carrière, la pensant plus conforme à ses aptitudes, et étudia la pharmacie. Mais Louis Darmet était un poète qui se cherchait ailleurs que dans lui-même. Modeste et travailleur, il n’eût osé penser qu’il était uniquement un poète. Pourtant, l’œuvre – trop courte hélas ! – qu’il a laissée, le prouve abondamment. Un livre, Près du piano fermé, qu’il publia chez Basset en 1912, et le manuscrit inachevé d’autres poèmes qu’il devait réunir sous le titre Le Sourire voilé, révèlent une âme sensible, toute en nuances, infiniment mélancolique. Louis Darmet fut aussi un poète mystique d’une ineffable ferveur ; mais c’est surtout Lyon, son atmosphère de brumes, ses ciels bas, ses jardins de banlieue, la molle quiétude de ses campagnes, qui se retrouvent dans ses vers qu’anime un pur souffle d’amour. La guerre interrompit tragiquement le rêve du poète. Parti sergent à la mobilisation, Louis Darmet obtint successivement ses galons jusqu’au grade de lieutenant. Après quatre années de front, le 2 septembre 1918, à Juvigny (Aisne), il tomba à la tête de sa section, frappé à la poitrine par un éclat d’obus. Il était âgé de vingt-sept ans.

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Ayant fait en maintes circonstances l’admiration de ses chefs, le lieutenant Louis Darmet était titulaire de trois citations, décoré de la Légion d’honneur. Sa dépouille repose aujourd’hui au cimetière de Bron, près Lyon3. Voici en quels termes sa gloire fut reconnue :  Le 25 mars 1917 « Officier de premier ordre ayant pris part à tous les combats du bataillon jusqu’en avril 1915, au cours desquels il s’est toujours fait remarquer par son courage et son allant » Ordre de la brigade du 11e bataillon de chasseurs [alpins]  Le 10 août 1917 « Au cours des opérations du 28 juillet au 3 août 1917, a conduit sa section avec un entrain et un zèle dignes des plus beaux éloges. A fait l’admiration de ses chasseurs en circulant, d’une façon constante, sur le front de sa section malgré de violents bombardements par obus de gros calibre » Ordre de la brigade du 8e groupe de chasseurs alpins  Le 16 août 1918 « Officier adjoint au chef de bataillon, a été pour son chef de corps un auxiliaire précieux, tant pendant la préparation qu’au cours de l’exécution de l’attaque du 8 août 1918. Veillant à tous les détails de liaison ainsi qu’à la transmission des ordres et des renseignements, a fait preuve pendant la bataille du plus beau sang-froid et d’un complet mépris du danger » Ordre de la 66e division  Le 16 janvier 1919 « Officier superbe, d’une conscience du devoir exceptionnelle.

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Comme chef de section et comme officier adjoint au chef de corps, s’est toujours affirmé comme officier de premier ordre. A été blessé mortellement le 2 septembre 1918 devant Juvigny, au cours d’une mission dangereuse qu’il accomplissait avec son calme habituel » Le général commandant la 10e armée, Mangin4 * *

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Par ailleurs, dans les archives de la famille Darmet, une photographie de Louis Darmet en uniforme de lieutenant du 28e bataillon de chasseurs alpins est accompagnée des informations suivantes : « Louis Darmet, lieutenant au 28e bataillon de chasseurs alpins, tombé pour la France, le 2 septembre 1918 à Juvigny (Aisne). 5 citations : 2 à l’ordre de la brigade, 1 à l’ordre de la division, 2 à l’ordre de l’armée Croix de guerre à l’ordre général 2 étoiles bronze, 1 étoile argent, 1 palme Croix de la Légion d’honneur Croix de guerre belge »

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Notes 1. Anthologie des écrivains morts à la guerre 1914-1918, publiée par l’Association des écrivains combattants, Amiens, Edgar Malfère, 1924-1926 [coll. « Bibliothèque du hérisson »]. Les cinq cent soixante noms recensés sont ceux qui figurent sur le mémorial que le président de la République, Raymond Poincaré, inaugura au Panthéon le 15 octobre 1927. 2. Né, comme Louis Darmet, en 1890, Gabriel-Joseph Gros est un ami proche du poète, qui lui a du reste dédié son recueil Près du piano fermé ; sur sa vie et son œuvre, voir p. 50. 3. Dans une lettre à son fils Jean datée du 4 novembre 1918, Antoine Darmet, le père de Louis, écrit que, dans un premier temps, la dépouille du poète a reposé « dans un cimetière militaire à Chevillecourt, tout près de Vic s/ Aisne » (archives familiales). Les corps enterrés dans ce cimetière provisoire ont été, soit rendus à la famille – comme ce fut le cas pour Louis Darmet –, soit transférés en 1920 dans la nécropole nationale de Cuts (Oise). 4. Charles Mangin (1866-1925), après avoir servi avant-guerre en Afrique, est nommé général de brigade en août 1913 ; la guerre le voit successivement en Artois, à Verdun et au Chemin des Dames. Au printemps 1918, il est nommé à la tête de la Xe armée et prend part à la seconde bataille de la Marne, fait reculer les Allemands dans l’Aisne – c’est lors de ces combats que Louis Darmet trouve la mort – puis, après l’armistice, commande les troupes françaises stationnées à Mayence.

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PARTIE 2 PRÈS DU PIANO FERMÉ* POÈMES 1909-1911

* Le texte est reproduit ici tel qu’il a été publié en 1912, à l’enseigne des Éditions Ernest Basset & Cie ; la typographie (usage des capitales, notamment) et la ponctuation originales ont été respectées.


À GABRIEL-JOSEPH GROS À toi que j’ai connu au déclin de mon adolescence concentrée et douloureuse je dédie mes premiers vers


La lampe à son déclin tremblote, bleue et grise, Et dans les plis légers de ta robe indécise Il me semble qu’un peu de ma vie agonise… La lune, en rayons las, neige sur le gazon, Une caresse flotte autour de la maison, Où mon cœur et ton cœur ont le même frisson.

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Entends la nuit qui souffre et chuchote aux platanes Un impuissant regret de roses qui se fanent… Rêvons, loin de la ville et des rires profanes… Accompagne le chœur des feuilles au chemin, Puis sur mon front qui brûle abandonne ta main, Qu’elle y sente perler l’angoisse de demain…

Comme la lampe, la musique s’est éteinte, Je n’ai plus que les mots pour formuler ma plainte, Que je voudrais éterniser dans ton étreinte… Ah ! puissent-ils, ces mots, doucement te charmer Et, touchant l’âme du silence inanimé, Faire vibrer tout bas le piano fermé…

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I LE SOLEIL DANS LA BRUME


Une cloche languit dans la brume – Des merles Ont traversé la route en criant que l’hiver S’afflige dans le parc au portail entr’ouvert… Entre les peupliers sa grisaille déferle… Mon rêve se fiance au lointain violet, Où s’estompent les toits indécis des villages, Et le soleil montant n’est qu’un rouge reflet, – Fleur de mélancolie au vague des images…

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Oh ! me livrer en un poème de candeur Où tout le gris de mon enfance se résume, Et retrouver des mots d’angoisse et de pâleur En face de ce lent déroulement de brume… Elles sont là, pourtant, les choses que je sens… Mais les frêles émois de mon âme sensible Souffrent de mes désirs heurtés à l’impossible Et figés dans ma tête en gestes impuissants…!

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La neige pèse aux toits… La cloche de l’usine, Près de la cheminée où se déroule au vent Une écharpe tissée en grise mousseline, Sème une âme angélique et faible de couvent… Mon cœur s’arrête au froid du ciel… Rien qui survive À l’étreinte brumeuse et blanche du matin, Rien que, dans la grisaille, un passage de grives Qui bientôt se perdra dans le flou du lointain…

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III L’ÂME EN SOUVENANCE


Passerai-je ma vie entière à regretter Cette enfance perdue et maintenant lointaine ?... Et qui me donnera la force de chanter, Ouvrant à l’avenir une âme plus sereine ? ... Le souvenir est un abîme de douceur... Et j’ai beau me raidir en pensant qu’il faut vivre Je me sens revenir à l’ancienne candeur, Qui du présent mélancolique me délivre...

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Les hirondelles ont toujours le même cri Lorsqu’elles glissent dans l’église aux voûtes blanches Par le vitrail ouvert au soleil des dimanches, Aux voix des cloches qui n’ont pas même vieilli... Tout l’autrefois qui a bercé mon âme neuve Revient trop câliner mon âme d’aujourd’hui, D’où quelque chose d’impalpable s’est enfui, Quelque chose de blanc dont elle reste veuve....

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L’ORGUE DE TOUS LES SOIRS

À Joseph Gravier L’orgue malade s’est blotti au carrefour Et son air, simple et doux comme un chant de grand’mère, Vieille valse, complainte ou romance d’amour, Fait mon rêve ingénu et tendre ma chimère... L’orgue pleure... À la vitre où j’ai collé mon front, Où ma bouche tremblante a mis une buée, D’anciennes choses tristes flottent et s’en vont Déchirer mon cœur gros d’angoisse remuée...

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J’ai mal... Pourquoi le souvenir fait-il si mal ?... Pourquoi ce qui fut cher à mon enfance morte Monte-t-il en poème intime et musical, Plus mourant qu’un sanglot d’Automne sous la porte ?... J’ai mal... Et je voudrais évoquer un à un Les purs émois de ma furtive adolescence : Des crépuscules au jardin, lourds de parfums, Où je souffrais sans bien comprendre ma souffrance... Des matins blonds, coiffés de brume, tout remplis De rêves... et les yeux des jeunes filles frêles Que j’aimais et pour qui j’ébauchais dans mon lit Des vers où je parlais d’azur et d’hirondelles... Des jours où je traînais mes jeunes désespoirs, Où mon âme criait de vivre trop fermée, Et des besoins d’aimer dans la langueur des soirs Et de mourir en une étreinte parfumée...

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LA RÉCEPTION DU RECUEIL Près du piano fermé DANS LA « RÉPUBLIQUE DES LETTRES » Selon l’achevé d’imprimer, les trois cents exemplaires du recueil Près du piano fermé sont sortis « le trente juillet mil neuf cent douze » des presses d’une entreprise belge, « The St. Catherine Press Ltd », à Bruges. Dans les semaines qui suivirent, Louis Darmet prit soin d’envoyer son premier livre à quelquesunes de ses connaissances lyonnaises ainsi qu’à certaines personnalités du milieu littéraire1. Les correspondances qu’il a reçues en retour attestent une réception bienveillante, soulignant en règle générale la mélancolie comme la sincérité émanant des vers du jeune poète.

René Vachia2 Lyon, ce 24.10.12 Cher poète et Ami, Je tarde bien à vous remercier de votre aimable envoi. J’ai attendu pour le faire d’être loin de l’abrutissante caserne – momentanément, du moins. Pendant ces quelques jours de permission, j’ai relu à loisir votre livre et me suis imprégné de son charme mélancolique. Il me plaît d’entendre la musique confidentielle de vos vers, seul en ma chambre, tandis qu’ il bruine doucement sur le jardin malade. Cet après-midi (qui s’annonce plus clément que ceux des jours précédents), j’ai parcouru le jardin dépouillé en relisant vos poèmes. Tels d’entre eux me plaisent particulièrement. Ainsi, ce petit croquis brumeux : Grisaille... les rails clairs de la petite voie... Et ces délicates silhouettes, images de votre mélancolie : J’aimais les yeux de la religieuse malade... – 165 –


De grands yeux reflétant le paysage éteint... La longue file des aveugles-orphelines... rappelant, sans y perdre en originalité, la complainte de Laforgue3 : Le ciel pleut sans but, sans que rien l’émeuve... Et ceux-ci, plus confidentiels : Oh ! trop de lourd chagrin sanglote au ciel éteint, Ce jour de mes vingt ans... Les yeux qu’on voit un soir et qu’on ne revoit plus... La rue est grise, tu es là... Ce jour de neige où je quittai le salon tiède... Mais je m’aperçois qu’il faudrait tout citer – ou presque – et mon papier n’y suffirait pas. Je n’oublierai pas dans vos citations « L’orgue de tous les soirs » et votre « Dernier automne » plein de nostalgie et dont les derniers vers contiennent toute votre sensibilité. Je ne dis pas que votre œuvre soit sans défaut, mais elle est personnelle et sincère, deux belles qualités. Vous êtes bien de notre génération de désabusés qui cultivent savamment leurs tristesses et les racontent avec simplicité, naïveté presque. Nous sommes loin des imprécations romantiques. Moins d’ostentation, plus d’émotion vraie. Signe de décadence ? J’espère lire de vos œuvres nouvelles dans les revues : car vous n’allez pas, je pense, vous reposer sur ces premiers succès. Je regrette de ne pouvoir aller vous visiter pour le moment, je ne m’appartiens plus. Mais croyez, cher ami, à mes sentiments les meilleurs Votre bien dévoué René Vachia

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Notes 1. Indépendamment des documents reproduits dans ces pages, les archives familiales conservent également des correspondances émanant d’hommes de lettres (Francis Jammes, Pierre Loti, René Bazin, Francis Éon, Camille Mauclair…) ou de journalistes (Paul Acker, Han Ryner, Yvonne Sarcey…) ; côté lyonnais, on relève les noms du maire, Édouard Herriot, du poète Paul Loewengard ou de « Madame A. Sainte Marie Perrin », fille de René Bazin et belle-sœur de Paul Claudel. 2. Comme Louis Darmet, René Vachia (1889-1979) fait partie du groupe de jeunes poètes publiés par Joseph Billiet dans L’Art libre : la septième livraison de cette revue, datée d’avril 1910, contient ainsi trois poèmes signés de lui, « Flûteries d’automne », « Banlieue » et « Nostalgie ». À un autre périodique à vocation poétique, Intimités, « revue catholique de poésie » paraissant « le 20 de chaque mois », il donne, en décembre 1912, un autre poème intitulé « Nativité ». L’année suivante, chez le même éditeur parisien que Louis Darmet, Ernest Basset & Cie, il publie Flûterie d’automne (au singulier, cette fois) ; comme ceux de nombre de ses amis lyonnais – Henry Dérieux, Joë Imbert-Vier, Gabriel-Joseph Gros, Louis Pize, Paul Aeschimann...–, ses poèmes sont par ailleurs régulièrement retenus par le Toulonnais Léon Vérane dans sa revue Les Facettes, à l’exemple de « Nocturne », en mai 1913 – dans le même numéro, Apollinaire fait paraître « La tsigane » –, ou de « Paysage », en février 1914. 3. Figurant parmi les précurseurs du vers libre, le poète symboliste Jules Laforgue (1860-1887) est l’auteur d’une œuvre dominée par le spleen et la mélancolie ; le vers cité est extrait de « Dimanches (Hamlet) », in : Des fleurs de bonne volonté, recueil publié à titre posthume en 1890.

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LE VIEIL AVEUGLE

J’aime ce vieil aveugle adossé contre un mur Qui se chauffe au premier soleil pendant des heures, Écoutant les enfants passer, qui rient ou pleurent En allant à l’école auprès de sa demeure, Et dont le petit cœur ingénu n’est pas dur… Il trace avec sa canne un dessin maladroit Que son regard ne peut pas voir, mais qu’il devine… – Les choses qui sont là, il se les imagine, Et s’il a parfois de la peine, on l’aperçoit Au simple tremblement naïf de ses gros doigts… La douce haleine des lilas et des glycines Vient mettre des baisers sur son regard éteint… Un oiseau sait le consoler quand il se plaint, En pépiant du toit de la maison voisine… Il paraît vivre comme un arbre sans racines Auquel il resterait encore un peu de sève… Il a suffisamment de son cœur pour le rêve, Il a le charme et la tristesse d’une ruine… Comme il est au passage, un enfant curieux, Le voyant immobile, auprès de lui s’arrête, Et plein de gravité soudain, lève la tête, Son clair regard interrogeant les pauvres yeux… Alors le vieil aveugle sent qui le regarde, Il attire l’enfant, doucement, jusqu’à lui Et ployant les genoux, il se fait tout petit Pour l’embrasser, et avec lui, rit et bavarde…

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Oh ! son rire mêlé à ce rire d’enfant Comme il reflète la sainte douceur de vivre, Comme il apprend à être bon tout simplement Et de quelle rancœur amère il vous délivre… Le vieil aveugle, sur la pierre ensoleillée, A repris maintenant sa triste faction… On dit que c’est au cours d’une opération À un œil abîmé qu’il a perdu le bon… 15 mai 1916

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Les arbres frissonnants sont lourds de fleurs de givre, Marchons étroitement serrés, sans trop savoir Où nous allons, le cœur enivré de revivre Tous les instants divins de notre premier soir. Je ne veux sur ton front point d’ombre passagère… Il ne faut pas penser aux adieux de demain ; Vois-tu comme la nuit est belle pour nous plaire ; Pour regarder notre bonheur la lune éclaire Ce soir, très doucement, la neige du chemin. Le vieux bourg nous sourit de toutes ses lumières, Le bourg où tant de fois je descendis le soir, Quand son clocher sonnait l’heure de la prière, Le cœur gonflé de l’espérance de te revoir. Mes yeux cherchent tes yeux et mes lèvres tes lèvres, Malgré le vent glacé notre amour nous enfièvre Et rien n’existe plus pour moi que la douceur De sentir palpiter ton sein contre mon cœur… Au creux de ton manchon se rencontrent nos doigts, Ta taille s’abandonne à mon bras qui l’enlace Et ta tête, inclinée un peu, cherche sa place Sur mon épaule qui défaille sous son poids… N’est-ce pas que la mort nous serait presque douce Si cet instant béni pouvait durer toujours, Si nous allions, encore enlacés, sans secousse, Habiter le beau paradis de notre amour. GOLBERG (Vosges) à deux kilomètres d’Épinal – 10-12 décembre 1915

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Longs dimanches traînés dans la ville inconnue Où je m’en vais comme un enfant dépaysé En rêvant de tendresse, au long de l’avenue Où trop de femmes étrangères m’ont croisé… Regards indifférents… Cloches indifférentes Qui traversez la nuit de mon isolement Vous faites qu’aujourd’hui je marche tristement L’âme meurtrie au coude-à-coude des passantes… Oh ! qui viendra remplir ces dimanches d’hiver, Douloureux tête-à-tête avec mon âme grise Qui ne veut plus de solitude et qui s’épuise À bercer son chagrin dans le rythme des vers. Rien, que la chambre froide et vide où ne m’attend Personne… Oh ! le déclin de ce soir inutile Passé le front contre la vitre, en écoutant S’éteindre la rumeur lointaine de la ville… Hors de la chambre grise et de la rue hostile, Au crépuscule, quand la tête me fait mal Et que mes larmes vont couler, dans une crise, Un refuge me reste, au calme d’une église, Où, cœur désemparé, en quête d’idéal, Je regarde, de loin, « Notre-Dame de Liesse » Douce blancheur parmi les ors du maître-autel Dans le jour du vitrail azuré comme un ciel, Tendre les bras à mon enfantine détresse…

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Toutes devraient aimer ceux qui vont repartir… Ils ont au cœur un tel arriéré de tendresse Et s’ils sont trop hardis c’est que le temps les presse, Et qu’ils ne savent pas s’ils doivent revenir… Vous ne voudrez pas leur marchander vos caresses, Et le refuge de vos bras pour s’y blottir, Si vous sentez le cauchemar qui les oppresse Dans le souffle désespéré de leur désir… Qui donc aurait pour vous des paroles de blâme ? Si vous les accueillez – Vous ne faites pas de mal – Songez, si vous sentez pleurer votre idéal, Qu’on accorde toujours ce qu’un mourant réclame… Votre geste est sanctifié par la pitié Et serait moins touchant si vous le regrettiez Que dans ce désarroi de la chair et de l’âme La dernière douceur leur vienne de la femme Et je suis sûr que Dieu vous pardonne à moitié… Juillet 1916

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« Le Moulin de Vierstraat. Souvenir de Belgique » Datés de 1906 à 1910, tous les « poèmes retrouvés » sont de la même écriture et – à l’exception de deux d’entre eux, « Ce soir, j’ai froid, j’ai peur... » et « Ma fauvette » – s’accompagnent de la signature ou du paraphe de Louis Darmet. En revanche, ce « Moulin de Vierstraat », outre qu’il est plus tardif, puisqu’il évoque les débuts de la Grande Guerre, a visiblement un statut particulier. En effet, il n’est pas de la même écriture, n’est ni signé ni paraphé et, surtout, porte au crayon, à l’angle supérieur gauche de la première des deux feuilles sur lesquelles il a été écrit, la mention suivante : « Poème trouvé au quartier Kléber (Gérardmer) en février 1915 ». Il se pourrait donc bien que ce texte ne soit pas de Louis Darmet, mais d’un autre poète-combattant.

Comme l’atteste la présence de ce texte au sein des archives de Louis Darmet, en compagnie d’autres poèmes épars, ceux-là incontestablement nés de sa plume puisque pour la plupart datés et signés ou paraphés, « Le Moulin de Vierstraat » devait être particulièrement cher à notre poète, et ce, à un double titre : – d’abord, par sa forme poétique, trois longues strophes regroupant au total une cinquantaine d’alexandrins ; – ensuite, en raison du lieu évoqué, ce « moulin de Vierstraat » qui lui a donné son titre. Ledit moulin se trouvait en effet à la frontière franco-belge, en Flandre, au sud d’Ypres et au nord-ouest de Wijtschate où, à l’automne 1914, lors de la « bataille des Flandres » qui devait marquer la fin de la « course à la mer », Français et Britanniques parvinrent, au prix de pertes considérables, à stopper les armées allemandes. Or, le 11e bataillon de chasseurs alpins dont faisait partie Louis Darmet participa, du début novembre au 6 décembre, à ces violents combats avant d’être engagé en Artois, puis de retrouver les Vosges où il avait été envoyé dès les premiers jours d’août 19141. Il est donc tout à fait plausible que ce poème – si, comme il est permis de le conjecturer, il n’est pas de Louis Darmet – ait été rédigé par un des soldats français engagés dans la bataille des Flandres. – 273 –


S’agissait-il d’un des compagnons d’armes du poète, affecté comme lui au 11e BCA ? Ou l’un de ces derniers l’avait-il recueilli sur le front belge2 avant de le transporter jusqu’au « quartier Kléber » de Gérardmer où, en effet, le régiment se trouva cantonné jusqu’au 18 février 1915 ? Toujours est-il que c’est là que Louis Darmet dit avoir « trouvé » ce texte qu’il a précieusement gardé, au milieu de ses propres écrits, pendant toute la durée de la guerre...

Notes 1. Pour connaître, jour après jour, les secteurs où combattit le régiment dans lequel, jusqu’au 16 octobre 1916, date de son affectation au sein du 28e bataillon de chasseurs alpins, servit Louis Darmet, voir : Historique du 11e bataillon de chasseurs alpins, Étampes, Imprimerie M. Durmann, 1920 [en ligne sur https:// gallica.bnf.fr/]. 2. À noter qu’est également attestée, en ce même mois de novembre 1914, la présence à Wijtschate, dans les rangs allemands, d’un caporal, d’un an plus âgé que Louis Darmet, qui ne s’adonnait pas à la poésie mais à la peinture et dont a été conservée à Berlin (Sammlung Archiv für Kunst und Geschichte) une aquarelle intitulée Hohlweg bei Wytschaete : Adolf Hitler...


LE MOULIN DE VIERSTRAAT SOUVENIR DE BELGIQUE

Il avait arrêté ses bras laborieux Et, taisant son tic-tac, restait silencieux. Il était là, tout seul, à l’entrée du village, Resté debout parmi les ruines, le carnage. Une riche maison pourrissait à ses pieds : Mais il n’y avait plus ni granges, ni greniers ; Les paysans craintifs avaient fui dans la plaine Laissant l’épi bien mûr, et la graine bien pleine ; Vierstraat était désert, et son clocher détruit ; Les troupeaux, dispersés, erraient dans le pays. De sa fenêtre ouverte, ainsi que d’un œil glauque, Le vieux moulin voyait son cher village en loques, Les murs noircis croulant sur les toits effondrés, Les paillers démolis, les silos éventrés ; On ne voyait plus rien, sous le ciel toujours sombre, Que voler les corbeaux, et fumer les décombres. Et l’écho qui jadis répétait sa chanson Du seul canon alors lui renvoyait le son. Souvent, pendant les longs loisirs de la tranchée, Lorsque ma rêverie, de coups de feu hachée, Emportait mon esprit bien loin (trop loin souvent) J’aimais à regarder le grand moulin à vent. Il était bel à voir, debout contre les balles, Dédaigneux des obus qui tombaient par rafales Et creusaient tout autour de sinistres sillons. Car il avait connu bien d’autres aquilons, Il avait tenu tête à bien d’autres orages ; Narquois, il opposait son tranquille courage Aux shrapnels allemands qui hurlaient de fureur Et déchiraient le ciel de rapides lueurs. Ils passaient en sifflant au-dessus de nos têtes Chargeant sans un répit la fière silhouette ;

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Mais en vain ; car toujours, malgré eux, malgré tout Le moulin se dressait, et défiait leurs coups, Les longs bras étendus, coupant l’horizon morne Riaient des maladroits, et leur faisaient les cornes. Les canons allemands, las de tirer toujours Sans le toucher jamais, au bout de quelques jours Avaient cherché plus loin quelque but plus facile. C’est alors qu’un obus, égaré entre mille, Était venu choir là, inconscient vainqueur, Et, sans l’avoir voulu, le frappait en plein cœur. C’était soir de relève, et notre compagnie Se rendait aux tranchées de la ferme Convie. En passant, je cherchai le profil familier : Et je vis, à sa place, un violent brasier Qui montait dans le ciel sa flamme claire et pure. Un silence profond régnait sur la nature. Étonnés et honteux, les canons s’étaient tus N’osant troubler la mort du géant abattu.

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Et tous les violons des pins et des charmilles Pleurent l’espoir de vie à jamais envolé



Chez le même éditeur Patrice Béghain Poètes à Lyon au 20e siècle : anthologie et notes biographiques Les trente-neuf poètes présents dans cette anthologie ont en commun d’avoir, à un moment ou l’autre de leur vie, vécu et écrit à Lyon au cours du 20e siècle. Pour autant, le concert n’est pas monotone. Aux résonances de Baudelaire se mêlent les accents des héritiers de Verlaine ; les échos des multiples voix du symbolisme se confrontent au verbe vigoureux de Verhaeren. Les chemins bucoliques empruntés par Jammes y croisent les grandes avenues de l’unanimisme et le lyrisme chrétien doit s’accommoder de l’expression des élans du cœur et des sens. Bientôt l’humour noir, venu du surréalisme, est poussé jusqu’au désespoir ; la fantaisie voisine avec le désenchantement. Les élans du siècle et ses désarrois, les tourments de la vie et les élans amoureux retentissent en alexandrins ou en vers libres, puis la forme classique s’épuise et se défait ; la musique du vers cède au choc des mots et des images. Donner à lire des poèmes oubliés, faire entendre de nouveau les voix d’hommes et de femmes qui, tout ou partie de leur vie, ont confié à la poésie leurs amours, leurs désespoirs, leurs révoltes ou leur foi, telle est la seule ambition de cette anthologie : ce sont avant tout des vies et des œuvres qui sont ici présentées, dans l’ordre de la chronologie et dans le désordre des rencontres et des amitiés. JEAN BACH-SISLEY, ÉMILE VITTA, FLEURY VINDRY, LOUIS RAYMOND, ISAAC COTTIN, PAUL LOEWENGARD, CLAUDIUS LAROUSSARIE, TANCRÈDE DE VISAN, DAVID CIGALIER, PIERRE CHAINE, JOSÉ DE BÉRYS, JOSEPH BILLIET, LOUIS SIGAUD, PAUL AESCHIMANN, ALINE HENRY, MARCEL ROGNIAT, GABRIELJOSEPH GROS, LOUIS DARMET, HENRY DÉRIEUX, JOË IMBERT-VIER, LOUIS PIZE, SUZIE BOURNET, CHARLES VACHOT, SIMONE CHEVALLIER, FRANÇOIS DODAT, RENÉ LEYNAUD, ÉMILE PICQ, JEHAN DUFOUR, FRANCIS DESWARTE, RAOUL BÉCOUSSE, RAYMOND BUSQUET, JEAN RAINE, STANISLAS RODANSKI, LOUIS CALAFERTE, CLAUDE SEYVE, ROBERT DROGUET, ROGER-ARNOULD RIVIÈRE, ROGER KOWALSKI, BERNARD SIMEONE Béghain (Patrice).- Poètes à Lyon au 20e siècle : anthologie et notes biographiques.478 p., ill.- 14 x 20,5 cm.- ISBN : 978-2-84562-303-3.- La passe du vent, 2017.

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Hommes de l’avenir, souvenez-vous de nous ! Pour saluer Guillaume Apollinaire

« Hommes de l’avenir, souvenez-vous de moi... », s’exclame Guillaume Apollinaire dans « Vendémiaire », le poème qui clôt son recueil Alcools, paru en 1913. Cinq ans plus tard, le poète disparaissait à trente-huit ans, terrassé par... la grippe espagnole, le 9 novembre 1918, deux jours avant l’armistice qui mettait fin, sur le sol français, à l’affrontement entre Alliés et Allemands. Pour aider à « se souvenir », à travers l’auteur de Calligrammes, des dix millions de victimes de la Grande Guerre, le présent ouvrage réunit, dans la diversité de leurs voix, onze poètes ou écrivains de notre temps. Et regroupe aussi, outre le texte du spectacle créé à l’occasion de ce centenaire, une vingtaine de dessins dus à de jeunes artistes, qui ont aujourd’hui l’âge qu’avaient la plupart des combattants de 14-18. Autant de contributions pour redire avec un autre grand poète du 20e siècle, Jacques Prévert : « Quelle connerie la guerre ! ». Et quel précieux bienfait que la paix... SAMANTHA BARENDSON • GABRIEL BELMONTE • ALAIN FISETTE • ALAIN FREIXE • ALBANE GELLÉ • AHMED KALOUAZ • MICHEL KNEUBÜHLER • EMMANUEL MERLE • RAPHAËL MONTICELLI • PAOLA PIGANI • FRANCIS PORNON • JEAN ROUAUD

Collectif .- Hommes de l’avenir, souvenez-vous de nous ! Pour saluer Guillaume Apollinaire.168 p., ill., 14 x 20,5 cm.- ISBN 978-2-84562-318-7.- La passe du vent, 2018.

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Collection « Haute Mémoire » Rassembler des textes écrits par des auteurs de sensibilités différentes, ayant en commun d’inscrire leur travail dans les réalités du monde contemporain : tel est le principe de la collection HAUTE MÉMOIRE. La célébration d’un grand aîné disparu, ou d’un événement historique majeur, offre prétexte à ces écrivains d’aujourd’hui de faire acte de création. La collection HAUTE MÉMOIRE est animée depuis sa création par Thierry Renard et Michel Kneubühler, qui assurent pour chaque titre les avant-propos et textes de présentation.

« Non-public » & droits culturels. Éléments pour une (re)lecture de la Déclaration de Villeurbanne (25 mai 1968), 2018 Les auteurs : Yves Jammet, Francis Jeanson, Michel Kneubühler, Thierry Renard, Maryvonne de Saint Pulgent. Arthur Rimbaud « Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux », collectif, 2018 Les auteurs : Franz Bartelt, Odile Cattalano, Jean-Pierre Chambon, Patrice Duret, Sylvie Fabre G., Cécile Holdban, Emmanuel Merle, Adèle Nègre, Pol Paquet, Marc Porcu, Thierry Renard, Jean Rouaud, Jérôme Thélot. « J’ai cessé de me désirer ailleurs ». Pour saluer André Breton, collectif, 2016 Les auteurs : Frédéric Aribit, Patrice Béghain, Lionel Bourg, André Breton, Stani Chaine, Jean-Pierre Chambon, Kim Doré, Laurent Doucet, Mohammed El Amraoui, Danielle Fournier, Robert Guyon, Michel Kneubühler, Jean-Charles Lemeunier, Emmanuel Merle, Maya Ombasic, Pierre Péju, Didier Pobel, Nadja Pobel, Marc Porcu, JeanFrançois Poupart, Denis Pourawa, Thierry Renard, Alain Roussel, Laura Tirandaz, Gilbert Vaudey, Joël Vernet, Christian Viguié. Sébastien Castellion, Conseil à la France désolée, 2015 Texte de 1562 et transposition en français contemporain. Présentation, notes et transposition par Michel Kneubühler. Préface de Thierry Renard. « Un printemps sans vie brûle » avec Pier Paolo Pasolini, collectif, 2015 Les auteurs : Samantha Barendson, Angela Biancofiore, Jean-Baptiste Cabaud, Stani Chaine, Jean Gabriel Cosculluela, Erri De Luca, Vanessa De Pizzol, Luc Hernandez, Frédérick Houdaer, Andrea Iacovella, Jean-Charles Lemeunier, Giuseppe Lucatelli, Paola Pigani, Jean-Michel Platier, Marc Porcu, Thierry Renard, Éric Sarner, Joël Vernet, Francis Vladimir. Guetter l’aurore. Littératures et résistances 1944-2014, collectif, 2014 Les auteurs : Joséphine Bacon, Daniel Bougnoux, Katia Bouchoueva, Michel Bret, Natacha de Brauwer, Olivier Deschizeaux, Carine Fernandez, Stéphane Juranics, Fatoumata Keita, Michel Kneubühler, Mehdi Krüger, Emmanuel Merle, Laure Morali, Dominique Ottavi, Michel Vézina, Sonia Viel. Soleils de midi. Pour saluer Albert Camus, collectif, 2013 Les auteurs : Mouloud Akkouche, Abraham Bengio, Maïssa Bey, Jean-Baptiste Cabaud, Antoine Choplin, Jacques Darras, Charles Juliet, Alberto Lecca, Yvon Le Men, Judith Lesur, Geneviève Metge, Nimrod, Francis Pornon. Rousseau au fil des mots. Dix mots. Dix écrivains. Cent citations, collectif, 2012 Les auteurs : Pierre Bergounioux, Sylvie Fabre G., Philippe Lejeune, Emmanuel Merle, Samira Negrouche, Maya Ombasic, Marc Porcu, Jean-Pierre Siméon, Valère Staraselski, Patrick Vighetti.

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Pour tous ! 1789 / 2009. Démocratiser l’accès à la culture, collectif, 2009 Les auteurs : Joanny Berlioz, François-Antoine Boissy d’Anglas, Lionel Bourg, Condorcet, Jacques Duhamel, Fantazio, Hassan Guaid, Victor Hugo, Jean Jaurès, Jack Lang, Yvon Le Men, André Malraux, Samira Negrouche, Gérard Noiret, Emmanuelle Pireyre, Jean-Michel Platier, Didier Pobel, Jean-Jack Queyranne, Jacques Rigaud, Romain Rolland, Valère Staraselski, Jean Vilar, Annie Zadek. Amérique, Amériques ! 1608 / 2008. Écrits du Québec, collectif, 2008 Les auteurs 1608-1703 : Jean de Brébeuf, Jacques Cartier, Samuel de Champlain, Giovanni Da Verrazzano, baron de Lahontan, Paul Lejeune, Marc Lescarbot, Michel de Montaigne, Gabriel Sagard. Les auteurs 2008 : Claude Beausoleil, Jean Charlebois, Isabelle Courteau, JeanMarc Dalpé, Carole David, Richard Desgagné, Jean-Marc Desgent, Hélène Dorion, Patrick Dubost, Éric Dupont, Renée Gagnon, David Homel, D. Kimm, Catherine Lalonde, Serge Lamothe, Mylène Lauzon, Geneviève Letarte, Gilles Pellerin, Larry Tremblay, Yolande Villemaire. Dans le privilège du soleil et du vent. Pour saluer René Char, collectif, 2007 Les auteurs : Patrice Béghain, Malika Bey Durif, Éric Dessert, Roger Dextre, Sylvie Fabre G., Albane Gellé, Patrick Laupin, Françoise De Luca, Samira Negrouche, Didier Pobel, Marc Rousselet, André Velter, Abdallah Zrika. Départements et territoires d’outre-ciel. Hommages à Léopold Sédar Senghor, collectif, 2006 Les auteurs : Maïssa Bey, Daniel Biga, Jean Charlebois, Odile Cornuz, Amanda Devi, Mohammed El Amraoui, Stéphane Juranics, Moussa Konaté, Werner Lambersy, Samira Negrouche, Nimrod, Marc Porcu, Raharimanana, Jean-Pierre Spilmont, Salah Stétié, Khal Torabully, Yasmina Traboulsi, Patrick Vighetti. Hôtel Oasis. Pour Louise Michel, collectif, 2005 Les auteurs : Michèle Bernard, Jean Baptiste Clément, Pierre Drachline, Victor Hugo, Jean- Louis Jacquier-Roux, Thierry Maricourt, Ménaché, Geneviève Metge, Louise Michel, Jean-Michel Platier, Michel Ragon, Thierry Renard, Jean-Pierre Spilmont, Valère Staraselski, Raoul Vaneighem. J’ai embrassé l’aube d’été. Sur les pas d’Arthur Rimbaud, collectif, 2004 Les auteurs : Jacques Ancet, Daniel Biga, Jean Charlebois, Bernard Giusti, Michaël Glück, Stéphane Juranics, Jean L’Anselme, Martin Laquet, Geneviève Letarte, Samira Negrouche, Jean-Michel Platier, Dimitri Porcu, Marc Porcu, Thierry Renard, Magali Turquin, André Velter, Joël Vernet, Matthias Vincenot. La Couzonnaire de Saint-Georges. Hommage à Prosper Mérimée, écrivain et archéologue, collectif, 2003 Les auteurs : Grégoire Ayala, Patrice Béghain, Abraham Bengio, Chantal Derycke, Michel Kneubühler, Christian Philip, Patrick Vighetti. Actes de naissance. Sur Je naquis au Havre... de Raymond Queneau, collectif, 2003 Les auteurs : Franck Boussarock, Paul Braffort, Marco Casimiro De San Léandro, Bernard Cerquiglini, Mohammed El Amraoui, Mano Gentil, Pierre Giouse, Bernard Giusti, Anne Guerrant, Frédérick Houdaer, Jean-Louis Jacquier-Roux, Ahmed Kalouaz, Martin Laquet, Pierre Meige, Ménaché, Gérard Noiret, Isabelle Pinçon, Jean-Michel Platier, Virginie Poitrasson, Marc Porcu, Thierry Renard, Annie Salager, Jean-Pierre Spilmont, Valère Staraselski, Khal Torabully, Alain Turgeon, Patrick Vighetti, Matthias Vincenot, Francis Vladimir, Annie Zadek, Abdallah Zrika.

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Table des matières Page Sommaire

4-5

Avant-propos – « L’âme en nostalgie » THIERRY RENARD & MICHEL KNEUBÜHLER co-directeurs de la collection « Haute Mémoire »

7-9

PARTIE 1

Louis Darmet, poète (1890-1918)

11-51

GABRIEL-JOSEPH GROS « Louis Darmet (1890-1918) » (in : Anthologie des écrivains morts à la guerre 1914-1918, Amiens, Edgar Malfère, 1924-1926)

13-16

Les Darmet : une famille entre Lyon et Dauphiné

17-23

La Grande Guerre de Louis Darmet (2 août 1914-2 septembre 1918)

24-29

ÉLISE TRINQUIER L’émotion d’une « marraine de guerre » (27 octobre et 6 novembre 1918)

30-35

Deux hommages posthumes (automne 1918) : ROMAIN DÉCLAT : « Deuils lyonnais, deuils français » MARIUS MERMILLON : « La mort au feu d’un ami »

36-37 38-40

PATRICE BÉGHAIN D’un recueil à l’autre : des tourments de la jeunesse à la sérénité trouvée...

41-46

À propos de quelques dédicataires

47-51


Page

PARTIE 2

Près du piano fermé. Poèmes, 1909-1911 (1912) La lampe à son déclin tremblote… I. LE SOLEIL DANS LA BRUME

Une cloche languit dans la brume… La neige pèse aux toits… Paysage de tous les jours… Grisaille… L’horizon de ce soir… Un rythme somnolent câline… Oh ! trop de lourd chagrin… Au hasard de la ville en fiévreuse clarté… J’aimais les yeux de la religieuse malade… La longue file des aveugles-orphelines… II. PRÈS DU PIANO FERMÉ

Le portrait Guirlande Elles sommeillent là… Les yeux qu’on voit un soir… Je rêve d’un boudoir intime… Je voudrais m’en aller de langueur… Nous gravissons, grand’mère et moi… Tu me tiendras sur tes genoux… La rue est grise… Ta main fine a baissé l’abat-jour… Ce soir de neige… Ce moment seul existe… Je me souviens d’un soir… Lorsque le vent de Mai… On a coupé des peupliers… Refuge Dans ces parfums de crépuscule… Pour ta voix grave… Nous nous sommes aimés… Regrets

53-122 57 59-80 61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81-122 83 85 87 89 91 93 95 98 100 102 104 106 108 110 112 114 115 117 119 121


Page

Passerai-je ma vie entière… L’orgue de tous les soirs Les vêpres ont laissé un peu d’encens… Midi sonne… Le train glisse à travers les campagnes… Sur les feuilles les vers-luisants… Les oiseaux viennent se coucher… Le grand souffle d’Octobre… À l’horizon voilé… Défaillance De la place j’entends qu’on chante… L’étoile du berger chemine dans le ciel… Le couvent dort… Fête-Dieu Voici l’étang, avec ses joncs et ses iris… Retrouverai-je la chapelle abandonnée… Peut-être a-t-elle deviné, la main qui frôle… Dernier automne

123-173 125 127 130 132 134 136 138 140 142 144 146 148 150 152 154 156 158 160

La réception du recueil Près du piano fermé dans la « République des lettres » : René Vachia, Henri de Régnier, Frédéric Mistral, Henry Bataille, Charles Bastia

164-173

III. L’ÂME EN SOUVENANCE

PARTIE 3 Le Sourire voilé. Poèmes, 1912-1916 (inédit) Le vieil aveugle Les arbres frissonnants… Longs dimanches traînés dans la ville inconnue... Le premier soir Attente Voici déjà le train… Sincérité

175-247 177 179 180 182 183 184 185


Page Oh ! le cortège lent de mes heures stériles… Je t’apporte, sous mon manteau, des fleurs mouillées… Le dernier sourire Le bonheur était là… Sur ta porte Noyé dans l’ombre… Neige Hôpital Ce fut un soir d’amour… Ami, tu m’as montré la vérité cruelle… Saurai-je rencontrer la tendresse attentive… Avant-printemps ou le sourire voilé Tristesse de couvent converti en caserne… Les lettres de l’aimée Un jour, nos doigts se sont rencontrés… Tu ouvriras la chambre bleue aux hirondelles… Tes poètes aimés dorment sur la console… Un adieu Est-ce vrai ? Serons-nous à jamais séparés… Nous irons jusqu’aux deux peupliers rapprochés Tu n’auras plus d’amie… Il nous faut tenir bien serrés… J’ai écouté pleuvoir sur le pensionnat… Un salut cérémonieux… L’écho de ta voix chante encore à mon oreille… Boutade Il fait si beau… Les portraits Ce soir où je t’avais servi de camériste… Dans l’ombre d’un boudoir où viendrait la musique… Un dernier soir… Ma jeunesse sans joie est une fleur fermée… Qu’importe si tu mens… Ce soir, en respirant le parfum de ta lettre… En ce jour de Toussaint… Le geste de ma mère Nocturne Mort du petit chasseur

186 187 188 189 191 192 194 196 198 199 200 201 202 203 205 206 208 209 210 211 212 213 214 216 217 218 219 220 221 222 223 225 226 229 230 231 231 232


Page Cortège Une fiancée pleure Prière dans la tranchée Prière avant l’assaut Le dernier tour de clos Cimetière Dans cet ancien cahier dont je rouvre les pages… Un papillon de nuit mène autour de la lampe… Je songe au livre qui s’en va dans l’inconnu… Veillée de lune À Grignan Détente Le baiser que l’on donne en rêve…

PARTIE 4

233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 244 246 247

Quelques poèmes retrouvés, 1906-1910 (inédit) À seize ans Sonnet Près de toi, je voudrais aller pleurer… Si tu devinais la torture… Sonnet – Pourquoi ? Jamais vous ne saurez, peut-être, mon amour… Le coucou Souvenir Feuille morte Sonnet – Papillons brodés sur une pochette de batiste Bohémienne Désespoir Le crapaud Ma fauvette Tes yeux Chanson Le hibou

249-278 250 252 253 254 255 256 257 258 259 260 261 262 263 265 268 269 271

Le Moulin de Vierstraat. Souvenir de Belgique (1915)

273-278

Chez le même éditeur Collection « Haute Mémoire »

280-283 284-285


Photographies et documents © Archives de la famille Darmet Recherche documentaire Jacques Joyard Michel Kneubühler Contribution Patrice Béghain Secrétariat de rédaction, relecture et corrections Michel Kneubühler Maquette et mise en page Myriam Chkoundali Coordination éditoriale Michel Kneubühler & Thierry Renard

Ouvrage composé avec les polices Future BT et Baskerville BT, corps 10, sur papier intérieur Bouffant Hellefoss Creamy, Crème, 80 g, couverture sur papier Couché Condat Silk/brillant, Blanc, 300 g

Achevé d’imprimer par Pulsio.net – UE Dépôt légal – février 2019



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