Et tu oses parler de solitude

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Avec la collaboration et le soutien de l’Espace Pandora 8 place de la Paix F - 69200 Vénissieux

Texte écrit lors d’une résidence coordonnée par l’association Rue des livres, et soutenue par la Région Bretagne et le CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires).

Guillou (Elie).- Et tu oses parler de solitude.Genouilleux, Éditions La passe du vent, 2019.184 p., 14 x 20,5 cm.- ISBN : 978-2-84562-346-0


Elie Guillou Et tu oses parler de solitude


Préface Un homme parmi les hommes Comprendre ce qui s’en va et ce qui vient Nazim Hikmet

« Messieurs, ici nous sommes dans l’Ouest. Quand la légende est plus grande que les faits, on imprime la légende ». John Ford, L’homme qui tua Liberty Valance.

C’est un homme parmi les hommes, un homme qui écrit, c’est à dire un homme qui écoute. D’abord. C’est un jeune homme dont la vie est plus facile que celle des hommes dont il parle dans ce livre. C’est un enfant qui est venu, de loin, pour s’approcher, de près, de très près, des gens dont on parle de loin. Parce qu’ils sont loin des gens qui ont la parole. C’est un enfant avec sa tête bouclée et son sourire où il fait bon à l’intérieur. Il est venu avec le jeune homme et avec l’homme qu’il devient en écrivant. Ce sont trois en un et ils se sont installés dans le quartier de Maurepas par où, moi aussi, je suis passé. Quand l’homme se perdait, le jeune homme gagnait. Quand le jeune homme s’inquiétait, l’enfant devinait

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ce qu’il fallait faire ou ne pas faire. À eux trois ils ont écouté, écouté, pendant des heures, des jours et des nuits les vies qui parfois ne dorment pas la nuit, les vies qui ne sont pas toujours des vies. Mais sont toujours des histoires et même des légendes. Car elles aussi ont droit à la légende sans laquelle nos vies ne seraient que des morts. Et nous voici et nous voilà entrainés à la suite de gens qu’on aurait pu rencontrer dans les livres de Becket, de Dickens, de Louis Guilloux, de Tolstoï, de Tchekhov, de Raymond Carver, dans les pages de tous ces écrivains qui se sont penchés, mais face à face, sur leurs frères en humanité. Il y a celle qui croit tellement en Dieu que Dieu la sauve en sauvant sa fille. Il y a les trois demi cloches qui ne veulent aimer que des vieilles dames. Ils finissent par les séduire lors d’une vente de charité, et de ces vielles dames, Elie Guillou dit qu’elles ne craignaient plus, à la fin de la rencontre, de défaire leur dernier bouton de corsage, après l’avoir violemment fermer au début de la rencontre comme on ferme sa porte à un étranger qu’on ne connaît pas. Il y a celui qui n’aime pas, mais pas du tout, les couchers de soleil et qui préfèrerait coucher avec la femme d’Elie. Il y a Pascal, l’agent de liaisons heureuses du quartier. Il y a Chantal qui ne peut traverser une rue sans s’arrêter mille fois pour tendre l’oreille et le cœur. Il y a même des dealers que, pour une fois, nous lisons entre les lignes.

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Il y a, enfin, Elie Guillou lui même. Tant bien que mal il se mêle aux conversations pour aller jusqu’au point d’orgue des paroles échangées, comme si, à la force de son écoute, il devenait lui aussi et peu à peu un habitant du quartier et sûrement leur messager. Celui qui a mis les mots sur les choses, les visages sur les gens, les timbres sur les enveloppes. Pour que toutes ces histoires, toutes ces légendes auxquelles les hommes et les femmes de Maurepas avaient droit, arrivent à bon port. Dans nos yeux, par nos oreilles ; dans nos oreilles, par nos yeux.

Yvon Le Men

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Et tu oses parler de solitude



Les noms des arbres Dans cette partie du monde, les parcs ont des noms de mensonges : jardin du petit prince, jardin arc-en-ciel, jardin du bonheur... Un jeune type à capuche crache au pied du panneau. Il n’est pas dupe. Le bonheur ? Il n’y a rien de plus triste qu’une joie obligée. Nouveau venu, je pardonne cette démagogie municipale ; au-delà du panneau, il y a les arbres. Par leur variété, ils sauvent le quartier de son monochrome gris, sa géométrie morte. Je m’avance sous les frondaisons et tente de nommer les essences qui m’entourent : sapin, marronnier, chêne, bouleau... et puis après ? Je ne suis même pas sûr de savoir reconnaître un hêtre. Je ferme les yeux. J’essaie de recomposer l’image de l’arbre devant moi : la forme des feuilles, la teinte de l’écorce, la disposition des branches... Rien ne vient. Ça n’est pas un saule, ça c’est sûr. J’ouvre les yeux. L’arbre qui n’est pas un saule laisse tomber une feuille. Un indice. Une femme voilée passe dans l’allée du jardin. Elle surprend mon regard, réajuste son foulard, presse le pas puis disparaît. J’ai l’habitude. Les premiers jours d’un voyage, le voyageur n’est qu’un voleur à l’étalage.

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Ses yeux sont des mains. Cette intrusion ne s’évapore qu’au bout de plusieurs semaines, lorsqu’il devient à son tour un point dans le paysage. Je m’assois sur un banc. Je pense à cet oncle qui m’a appris, il y a quelques années, à reconnaître le pin Douglas. Il vit quelque part dans les Cévennes, dans une maison en bois construite de ses mains. Sa vie s’est écoulée dans l’odeur du bois. Il a pleuré, ri, gueulé, sué, mangé, bu, joui dans l’odeur du bois. Aujourd’hui, les arbres l’appellent par son prénom. La forêt accepte son regard, ses pensées et son gros Manitou. Mon oncle a dépassé le savoir. Il connait. Il dit : Chaque branche tend vers un but qui lui est propre. Un homme noir s’approche de moi et me demande du feu. Je suis désolé mais je ne fume pas. Comment le décrire ? Ça n’est pas mon oncle, ça c’est sûr... Son regard est triste, son visage est beau. J’aimerais lui demander son âge, son pays d’origine et le secret de sa coiffure. Quelque chose me retient. À l’arrêt de bus, un type couvert de tatouages s’allume une cigarette. On devine l’éclat d’un briquet. Alors, l’homme qui n’est pas mon oncle s’éloigne de l’arbre qui n’est pas un saule et se dirige vers un but qui lui est propre. Je ne saurai jamais son prénom. Jardin du bonheur

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La mort d’une étoile À quelques pas de moi, un homme regarde sa bière. Plutôt, il regarde au travers de sa bière. Je n’ose pas le regarder. C’est dans la bière que nos regards se croisent. Une bulle monte jusqu’à la mousse puis éclate. Je ne sais pas à quoi l’homme pense. Je pense à la mort d’une étoile. Il est debout à un mètre du comptoir, le bassin avachi et les mains dans les poches. Sa solitude s’étend tout autour de lui. Derrière nous, un couple en jogging. La femme gratte des jeux d’argent, l’homme la regarde gratter. Les cuisses et les poignets de l’homme se soulèvent à chaque case. Son souffle se bloque, il fait une moue : c’est perdu. Une autre femme apparaît. Elle fait une pause devant l’entrée. Elle frotte son œil de sa main trop lourde. Elle regarde dans le vague. Elle secoue la tête, petitement, comme pour dire oui ou oui, peut-être... Elle fait deux pas. S’arrête. Elle regarde dans ma direction. Je crois qu’elle me regarde. Ses yeux sont mangés par ses cernes, ses cernes par ses joues, son visage par son cou, son cou par son blouson. Elle fait trois pas. Elle est à l’intérieur maintenant. Ses lèvres remuent. Je les ai vues remuer. Lorsqu’elle arrive près du comptoir, je lui fais un signe, à peine un signe, un mouvement de doigt pour dire Asseyez-vous. Je ne veux pas la renverser.

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La patronne la reconnaît. Elle la nomme. Bonjour Ghislaine. La patronne dépose un café sur le zinc. La femme s’approche et tente d’attraper le sucre dans la soucoupe. C’est difficile. Sur sa droite, l’homme à la bière ne la regarde pas. Elle soulève sa tasse de café, marque une pause. Elle ne pense à rien. Je pense à la mort d’une étoile. J’aimerais lui dire un mot. Je n’y arrive pas. Sa solitude est trop dense. Pour parvenir jusqu’à elle, il faudrait traverser. C’est comme s’enfoncer dans l’eau morte. Elle est loin, très loin, au centre de ce vide. Je paye. Je sors. Je les ai regardés par la vitre, longtemps : Ghislaine debout à côté de l’homme à la bière. Ils ne se sont pas vus. Ils ne se sont pas adressé un mot. J’ai pensé : Ils font le bon choix. Qu’avaient-ils à s’offrir ? Deux solitudes ne font pas une rencontre. PMU – Rue de Fougères

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Le prince et l’étranger Je l’avais aperçu depuis la rue, le buste replié sur le corps d’une guitare. J’écoutais discrètement, me tenant debout à l’autre extrémité du square, en lisière du son. Je ne voulais pas percer l’instant. Ô ! Je suis loin de mon pays. Ici, les gens ne se parlent pas. Je suis désolé, je suis désolé... Sa voix puissante était multipliée par l’écho du ciment. Il chantait de plusieurs endroits à la fois. Son jeu de guitare furieux était composé d’un seul accord et pourtant la musique n’était jamais monotone. Le son semblait tourner sur lui-même changeant de visage, de texture. Je fis un pas en avant. Il s’arrêta net. Sa sorcellerie ne tolérait aucun spectateur. Je vis deux grands yeux froids apparaître sous ses paupières. Lentement, l’homme saisit la canette posée à ses pieds puis, sans me quitter de yeux, fit couler la bière à grands flots formant un cercle de mousse autour de lui : Approche ! Entre dans le cercle ! Je traversais sa solitude pour m’asseoir à ses côtés. Il était ma première rencontre. L’homme resta longtemps silencieux, le cou tordu, visage tourné vers le ciel, ses doigts jouant dans l’air comme sur les cordes d’une harpe. Il semblait écouter quelque chose ou quelqu’un. Puis, au creux d’un long silence :

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Séville Il a tout du petit monsieur : discret, le visage rond, les mains tremblantes et de grands yeux sans intention. Son prénom est commun. Si je l’écrivais, vous l’oublieriez sitôt la phrase terminée. Il porte des petits gilets, souvent gris, légèrement trop serrés pour lui. Je ne l’ai jamais croisé les jours de pluie mais il est probable qu’il possède un parapluie. Les jours où il a le sourire, il a toujours le sourire. L’inverse est vrai aussi. Il a une amie. Ils se retrouvent chaque jour pour le café. Ils s’assoient face à face, ne se disent rien ou presque puis se disent au revoir. Il rentre à petit pas. Personne ne se retourne sur son passage. Le dimanche, il noue ses lacets. Il sort de chez lui en pensant à Séville. Dans le hall, il regarde ses mains trembler. Dehors, il ferme son manteau. À petits pas, il remonte la rue Trégain, la rue Zénaïde Fleuriot, passe devant le Dubaï Marina puis tourne à droite. Il descend la rue de Fougères jusqu’à la faculté de droit. Devant la rue Brizeux, il s’arrête une seconde pour penser à Séville. Il se remet en marche. Au passage piéton, il s’arrête puis traverse. Sur le trottoir d’en face, il est en centre-ville. Il suit le bruit des cloches. Certains jours il s’y baigne, le reste du temps il s’y noie. À hauteur de l’église Saint-Melaine, il a le trac. Il s’assoit sur un banc mais il se relève aussitôt. Debout, il regarde ses mains trembler. Il reprend son petit pas. En passant la Vilaine il pense Pourvu que les enfants soient réconciliés pour Noël.

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Marguerite Fichue d’un grand boubou et d’une calotte en fourrure, elle s’est assise en demandant pourquoi personne ne l’avait prévenue de cette réunion puis, sans attendre la réponse, s’est mise à vanter les mérites de son nouvel appartement qui n’avait qu’un seul défaut : ne pas avoir de garage. Après lui avoir servi une tasse de thé et une brochure en papier glacé, le représentant des logements sociaux lui a expliqué d’une voix douce qu’on ne pouvait pas attribuer un garage à quelqu’un qui n’avait pas de voiture. Si c’est ça, a-t-elle répondu, il n’y a qu’à leur dire que j’ai une voiture. Demandez à vos supérieurs : est-ce qu’ils n’ont pas honte de laisser une femme de mon âge garer sa voiture loin de chez elle ? Elle est dehors, elle gêne tout le monde. Il faut que je sorte toutes les heures pour la déplacer. Je ne fais plus que ça : déplacer, déplacer, déplacer. Ça ne devrait pas se passer comme ça. Hier, les jeunes ont rayé la peinture avec une clé. Quel gâchis ! Une belle peinture rouge, comme ça... Ça va me coûter encore combien cette histoire ? En une seconde, je l’ai aimé. Aujourd’hui, elle me reçoit dans son petit appartement. D’un geste cérémonial, elle me présente sa cuisine. Mon bijou ! Quand une femme a une cuisine comme ça, elle peut mourir tranquille. Après le tour du propriétaire, nous nous installons au salon autour d’une petite table ronde. Marguerite me demande si je veux manger quelque chose. Non merci. Ça m’arrange,

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La parole de Pascal « On dit la prison, on devrait dire la cellule. Parfois, j’essaie d’écrire sur ça, la cellule. J’écris deux lignes et je sais pas... je m’arrête. Rien ne peut dire le désarroi de quatre murs. Tu sais, j’ai eu mon appartement à 46 ans, le premier de toute ma vie, et au début, je dormais là, dans la salle de bain. C’était la seule pièce où y’a pas de fenêtres. Je pouvais fermer à clé, comme ça, comme... Un an, ça a duré. Et là, c’était l’après-midi. J’avais fais les cent pas dans le couloir, longtemps, longtemps. J’étais fatigué. Je me suis endormi dans... dans la chambre. Quand je me suis réveillé, il faisait noir. Alors vite ! J’ai enlevé mes habits, je me suis rendormi. Comme ça. Le lendemain, je me suis dit Ça y est, tu l’as fait et depuis, j’ai dormi dans la chambre. Pour m’aider, au début, j’avais des doudous. J’avais, je sais pas... peut-être cent doudous ? Je voulais... je voulais me... me noyer dans la douceur. Voilà. Et je les ai enlevés. Un par un. Petit à petit. Aujourd’hui, il me reste elle : ma Princesse. Elle m’attends, elle miaule. Ça me suffit. Voilà. C’était comme ça... On se rend pas compte. Comment expliquer ? Certains soirs, je m’assois à mon bureau et j’essaie d’écrire sur ça, la cellule. J’écris deux lignes et je m’arrête ». Le Gast

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Frère Elie Je m’en vais. Je veux fuir le quartier. Je ne croise personne dans l’escalier, je ne croise personne dans le hall, je ne croise personne dans la rue : juste une poubelle débordante de canettes de bière froissées. Je m’arrête. Je sors mon carnet. J’écris La mort d’une fontaine en grosses lettres puis barre les mots d’un trait lent. Depuis sept jours, j’erre dans une forêt de symboles et de signes : un homme fermant ses volets au soleil de midi, un tag Pauline persécutrice, un cafard sur une datte... Je cherche le sens de ces images, celui de ma présence. La pluie se met à tomber. J’écris La pluie vient à ma rencontre, glisse mon carnet sous ma veste et cours m’abriter contre la porte d’un petit local en ciment. Je vérifie l’état du carnet : une goutte est tombée au centre de la page, juste à côté de la rature. La réalité n’est pas la vérité ! Cette phrase, qui aurait pu jaillir de la page, vient de l’intérieur du local. C’est pourquoi il a pris l’aveugle par la main et l’a fait sortir de Bethsaida ! Une voix sans faiblesse, pleine de rythmes, de ruptures, scandant des mots simples et puissants. En réponse, des exclamations de femmes.

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Nos voisins Par leur absence, ils pèsent sur le square. Ils donnent aux éléanes un désespoir diffus, une tristesse que l’on perçoit nettement les premiers jours dans le quartier. Devenue familière, on l’oublie. Elle demeure pourtant. Ils sont nos voisins. Ils ne sortent pas ou si peu. Lorsqu’ils se risquent dans la rue pour acheter du tabac, de l’alcool ou des médicaments, ils font vite. Ils se parlent à eux-mêmes pour ne pas qu’on leur parle. Ils marchent, ils payent, ils rentrent. Certains se font livrer. Le reste du temps, ils vivent entre la chambre, la salle de bain et le salon, souvent volets fermés. Ils se méfient de la lumière, celle des néons, du soleil, de la lune... tout ce qui peut éclairer leur défaite. Leurs journées et leurs nuits s’emmêlent dans une pénombre uniforme. Il n’y a pas ce sommeil que l’on appelle la nuit, il y a des siestes assommées et des heures d’entre-deux. Là, ils passent et repassent par le même nœud les même pensées. Je ne sais pas s’il s’ennuient. Il y a la radio, il y a la télé. Le temps ralenti coule comme du liquide épais. Il doit bien y avoir de la joie mais laquelle ? Parfois, ils entendent des pas dans la cage d’escalier. Ils se lèvent sur la pointe des pieds, se collent à l’oeil de bœuf, nous regardent passer et retournent s’asseoir. Ils repenseront mille fois à ces miettes de présence humaine. La semaine passe comme ça. Ils épuisent leur nerfs, mènent la guerre

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contre leurs organes, s’étourdissent pour ne pas se mordre, pour ne pas nous mordre. Parfois, l’un de ces spectres se laisse déborder par une poche de bile. Il sort dans le couloir un couteau à la main. Souvent, il ne croise personne dans la cage d’escalier. Il rentre. Mais si quelqu’un se trouve là... Le lendemain, un entrefilet dans le journal lui donne une existence publique. Un forcené agresse ses voisins. Pas de nom, pas d’explication : c’est raté. C’est assez rare. La plupart du temps, ces solitudes noires se laissent périr poliment, là, sur le canapé. Qui pense à les en remercier ? De loin en loin, un bruit nous rappelle à leur voisinage. On essaie de se souvenir de la voix, du visage. En vain. Dans un accès de cœur, on sort sur le palier, on frappe à la porte. Pas de réponse. Pendant les heures qui suivent, on perçoit distinctement le disque de leur solitude à travers la cloison. Et le temps les efface.

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Jacques « Je ne peux pas te parler de Jacques, comme ça, au milieu de tout le monde. Si on en parle, c’est seul à seul ». Pascal Lesage *** Chaque lieu a ses refrains, ses motifs lancinants qui maillent les paroles et, à force d’être répétés, forment une mélodie. Les accueillir, c’est entrer dans le poème du lieu. À Maurepas, c’est De toute façon, je ne sors pas le soir. C’est Vous savez, les jeunes en bas des tours... Mais c’est aussi Regardez, la vue depuis chez moi ! Regardez, les arbres ! Et puis c’est Jacques. Le prénom passe d’une parole à l’autre, sans explication. On le partage autant qu’on le garde pour soi. Les gens d’ici disent Jacques, marquent une pause puis changent de sujet. Leurs yeux s’embrument quelques secondes au passage du prénom - quelques secondes, pas plus - et quand la brume s’en va, leur regard semble y avoir puisé une calme clarté. Il m’a fallu quelques semaines avant de repérer cet écho, quelques semaines encore avant d’oser risquer une question. Tout silence n’est pas fait pour être descellé. Pour Jacques, je l’ai su plus tard, c’était une précaution inutile. Une fois l’émotion contenue, c’est un prénom que l’on partage volontiers. Jacques et moi ? Je vais te raconter...

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Coucher de soleil Nous sommes au troisième étage de la tour Europe où Loïc m’a invité pour l’apéro. Il m’a demandé d’amener le pastis, les glaçons et les biscuits apéritif ; lui fournit le canapé. Loïc parle de tout : de ma copine, du RSA, de la prison, de ma copine encore... Je regarde les tatouages qui recouvrent son corps. Sur l’avant bras : aimer = souffrir. J’aimerais lui poser des questions sur sa vie. Je n’ose pas. Lorsqu’il est à bout de souffle, je prends le relais. Je parle de moi : de la solitude qui m’obsède, de l’écriture, du temps que je perds devant l’ordinateur, celui que je gagne à regarder par la fenêtre. Lorsque je parle des couchers de soleil, Loic m’interrompt : − Ça ne m’intéresse pas ! Il boit son verre de pastis d’un trait. − De là-haut, on voit la lumière sur... − Ça ne m’intéresse pas ! Ça ne m’intéresse pas ! Loïc se ressert un Pastis. Il boit, se sert à nouveau. Je regarde par la fenêtre. D’où vient son cri ? La jalousie ? Je ne crois pas. Si Loïc est jaloux, ça n’est pas de ma vue mais de ma copine : Si t’existais pas, j’la baiserais bien, quand même... Il me ressert un verre. L’incident est clos.

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Ils travaillent pourtant « J’ai pas le temps de vous parler. Voyez avec mon assistante sociale ». Loïc *** Ceux qui travaillent ne peuvent pas le deviner. Ils naissent, vont à la crèche, à l’école, à l’université puis sont employés dans un bureau, un jardin, une usine... Ils n’ont jamais fait naufrage, ne sont jamais sortis du courant. Ils ignorent cette force invisible de la contrainte contre laquelle ils pestent, qui pourtant les conduit. La journée, la semaine, l’année et la vie sont structurées par cette habitude géométrique. Ils n’y pensent pas. Ils tiennent debout. Le chômeur, lui, est face à l’infini du temps. Les allocations l’empêchent de mourir. Elles l’empêchent aussi de puiser dans cette force noire de la bête acculée qui ira, s’il le faut, vendre des herbes sauvages au feu rouge et si ça ne se vend pas : voler, tuer... Dans ce purgatoire, beaucoup s’effondrent. Certains se relèvent. Un jour, en fin d’après-midi, ces résiliences timides se réunissent dans un local au rez-de-chaussée. Les murs sont nus, le plafond bas. C’est au pied de l’immeuble, c’est au centre social, c’est attenant à l’église... ça n’est jamais très loin. Là, leurs corps

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fatigués par l’inaction ne retrouvent pas le courant vif tel qu’ils l’ont laissé en quittant l’école, l’entreprise ou l’hôpital. Non. Ils doivent l’inventer. Partir de rien, c’est plus difficile que tout. Il faut puiser au centre de son sang. C’est un effort souterrain, de racines et de graines. De l’extérieur, que voit-on ? Quelques silhouettes voûtées réunies autour d’une idée, d’un manque ou d’une bouteille de cidre. Pourtant l’effort est lancé. Avec lui, la circulation du souffle. La parole suit de près. L’énergie vient ensuite. Ils ressortent du local en milieu de soirée, le sourire aux lèvres. Ils marchent dans la nuit, étonnés d’euxmême, comme après l’amour. Ils espèrent croiser quelqu’un, n’importe qui. Pas pour annoncer la nouvelle, non... pour voir dans le regard de l’autre si le changement est perceptible. Cette renaissance qu’ils portent en eux doit bien se traduire par quelque lueur augmentée ; une auréole, peut-être ? Ils ne croisent personne. Les seules lueurs visibles sont celles des télévisions qui témoignent froidement de la vie contenue dans ces colonnes de ciment. Ils haussent les épaules et rentrent se coucher : demain, ils ont à faire. Le mot qui les désigne devrait être au sommet de la page, à la place du titre. Je ne peux m’y résoudre. Le mot ne rend compte ni de l’éclosion ni de sa valeur. C’est un mot qui botte en touche, un mot éminemment laid, un peu flou, un peu flasque, un peu traître : ce sont des bénévoles.

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Mon fasciste Je pense à lui presque chaque jour. Il habite quelque part en ville. Je suis sûr qu’il n’a jamais mis les pieds dans le quartier. Je l’ai rencontré il y a quinze ans : retraité grassouillet, affable, discret sans être effacé. Nous avons partagé quelques belles heures dans une association sportive puis je l’ai perdu de vue. Un jour, il m’a ajouté sur Facebook. Là, j’ai découvert le revers de son sourire : raciste jusqu’à l’os, islamophobe convaincu. D’habitude, je ne m’encombre pas de ce genre d’amitié virtuelle, source de polémiques épuisantes. Il est l’exception. Je l’appelle Mon fasciste de référence. Chaque jour, il publie un dessin, une vidéo ou un texte appelant à fermer les mosquées, brûler le Coran, refouler les migrants dans la Méditerranée ou pire... Souvent, je ne dis rien ; parfois, je réagis. C’est un rituel immuable : nous commençons par nous assurer de nos sentiments les plus distingués, nous nous envoyons quelques paragraphes de rhétorique plus ou moins bien documentée, nous nous assurons une dernière fois de notre estime réciproque et repartons sans que la ligne de front ne se soit déplacée d’un iota. Cette relation nous profite à tous les deux : elle nous permet de sédimenter nos convictions parés d’un semblant d’ouverture.

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Ce que j’ai compris à la prière du vendredi Karim m’a invité à la mosquée pour la prière du vendredi. J’y suis allé. Lors de ce voyage, j’ai appris des choses sur l’Islam, sur les musulmans, le rituel en général et sur moi. Je vais commencer par moi pour une raison simple : ce que l’on découvre en allant chez l’autre, on le découvre d’abord en soi. Ce que j’ai découvert sur moi : − Je n’étais pas entré dans un gymnase depuis longtemps. − Je ne suis pas une femme. − Je suis blanc. − Je suis né dans une famille de la classe moyenne / supérieure. − J’aime mettre de l’eau fraîche sur mon visage. − Je ressens une légère crispation à la vue d’une barbe religieuse. − Je n’ai pas de bons souvenirs de mes cours de sport au collège. Au lycée, c’était mieux. − J’aime ce geste : poser la main sur mon cœur après avoir salué quelqu’un. − J’ai un a priori négatif sur ce jeune homme en jogging. − Je ne sais pas situer Médine par rapport à La Mecque. − J’aime l’odeur des sols en caoutchouc.

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Une parole : Fatima / Klervie « Les images, ça a été facile. J’avais quelques posters mais je m’en foutais. À la jaille ! Le plus dur, vraiment, ça a été les disques. Oui. Je les ai jetés... Non ! Je les ai donnés ! Un disque, ça se jette pas ! Mais tu vois, c’est haram. Chez nous, la musique c’est haram. Oui, je peux dire chez nous. Bien sûr ! Après, c’est sûr, tu m’as bien vue, l’autre soir. Je veux dire : j’y étais au concert de ta copine, oui, oui, oui, mais c’était de la musique classique, c’est pas pareil. Je devrais pas, je sais. Parfois, je me mets sous la couette et j’écoute des trucs, n’importe quoi. Je suis très années 80. Des fois, douze chansons d’un coup ! Et puis je pleure un peu. Voilà, voilà ! Tu veux un gâteau ? Après, j’écoute des anasheeds pour me faire pardonner. Douze ? Ha ha ! Non... et puis je m’endors. En ce moment, je prie pas trop. Pas assez. Je fais des trucs... chut ! Je suis pas une bonne musulmane. Pas en ce moment. Tiens, s’ils m’entendaient, mes parents seraient contents ! Ils seraient bien contents ! Mais ils m’entendent pas. Ça aussi, ça a été un cirque ! Mais tu sais, je vais te dire : je suis contente d’avoir retrouvé à qui adresser mes prières. À un moment donné, l’Église... j’ai frôlé l’hindouisme et puis... Mais ça me dérange pas que tu sois musicien, hein ? Je veux dire... ça va ! C’est pas Au contraire mais... Si tu prends pas de gâteaux y’en aura plus. L’infirmière devrait pas tarder de toute façon ».

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Le vent Certains soirs, saturé de rencontres, siphonné par l’écoute, je m’effondrais dans la chaleur d’un bain. Je ne pensais à rien. Je laissais la journée trouver sa forme et sa place dans mon souvenir. Hébété, j’écoutais le bruit du vent dans le tuyau d’aération. Un son vivant, continu, imprévisible. Je suivais la mélodie comme on écoute un chanteur d’une culture inconnue. Je voyais naître des images de ces notes irrégulières. Bientôt, ça n’était plus le vent dans un tuyau, c’était un langage. C’était le passage du temps. C’était une fugue, un requiem. C’était le sanglot d’un voisin. Aigu, c’était un gémissement de femme. Grave, une cérémonie d’exorcisme. C’était l’hymne de mes doutes. C’était Dieu, bien sûr. C’était une élégie pour mendiante édentée. C’était, par moment, le rire d’Aymane courant à mes côtés dans les feuilles mortes. C’était l’accordéon de Pierre, il est trop lourd pour lui maintenant. C’était le crissement des pneus au milieu de la nuit. C’était la vibration du téléphone, une contemplation contrariée. C’était la radio congolaise, là-bas, dans le froid. C’était la télévision allumée partout et tout le temps. C’était monotone. C’était à se pendre d’ennui. C’était un générique de fin du monde. C’était les bateaux de fortune. C’était la vieille guerre des riches contre les pauvres. Le pire, c’était l’assentiment des pauvres. Punis parce qu’ils sont mal, mal parce qu’ils sont punis. C’était l’islam et l’islam encore. C’était une phrase décollée du reste : Ne laisse pas la culture populaire

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entre les mains des démagogues. C’était un coup de feu dans le parc ; non, juste un pétard dans la contre-allée du jardin. C’était les jeunes au numéro 10. C’était les mouettes au numéro 12. C’était la voix crécelle et le regard bélier. C’était chacun chez soi. C’était l’échec de la ville. C’était liberté toujours et solitude partout. C’était deux hémisphères séparés par un guichet. C’était Roxane, crevant de froid derrière les jardins ouvriers. C’était un cure-dent planté sous les ongles, quelque part dans un sous-sol. C’était un homme se jetant dans le vide, comme ça, pour s’occuper. C’était cette femme violée par trois hommes à la fois, filmée par son mari. C’était un vieux qui collectionnait les malgaches. Je ne sais pas pourquoi, ça n’était jamais proche de la joie. C’était le Dubaï Marina. C’était la mort d’une étoile, la prison de son rayonnement. C’était net comme une intuition, opaque comme une prophétie. C’était le vide réclamant sa part d’héritage. Le sexe de l’orthopédiste. Le fantôme d’un enfant mort-né. C’était du sucre dans les veines, de l’acidité dans la verge. C’était l’asthme de mon enfance. C’était le châle de ma grand mère. C’était une minute parmi d’autres. C’était un caprice, une idée littéraire. C’était les Horizons sur un ticket de métro. C’était moins que le moindre mot. C’était mon reflet dans l’eau chaude ; au fond, rien de très important. C’était le vent.

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Je ne regrette rien « Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais ! » Charles Baudelaire – À une passante. *** Ma grand-mère regrettait d’avoir choisi mon grand-père. On peut borner son regret de proverbes, contenir ses soupirs, regarder ses arrières-petit-enfants courir au milieu du jardin, feuilleter l’album photo en soulignant chaque sourire... ce regret est toujours là, quelque part, dans les interstices. On ne savait pas trop quoi faire de ce regret. Il nous embarrassait. Comme ces vieux qui nous embarrassent et dont on ne sait pas quoi faire. Ici, on les stocke dans le couloir. Ils attendent la messe puis la mort dans des habits élégants. L’une, le crâne creusé comme un éclat d’obus, regarde ma guitare en se léchant les lèvres. Elle me prend pour Jésus. Je ne démens pas. L’aide-soignante me sauve de l’imposture en m’entrainant vers le petit salon où je suis attendu pour l’atelier chanson. Deux femmes se sont inscrites. L’une est grande et maigre et brusque. Elle insulte un vieil homme qui somnole dans l’entrée. La seconde est petite et porte une robe à fleurs bleues. J’accorde ma guitare.

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Cette voix Cette voix, nous l’utilisons tous : pour parler aux chiens, à la boulangère, aux handicapés, aux sourds, aux enfants des autres, aux vieux, aux étrangers... Juste un peu trop forte, juste un peu trop haute. Elle est facile à imiter. C’est une voix qui chante pour ne pas parler. Ce chant lui sert de masque. C’est une voix qui dit : Qui es-tu pour espérer mon cœur ? Elle est comme un gant en plastique, fonctionnel, hygiénique. C’est la voix de l’infirmière qui rentre sans frapper, c’est la voix du flic, c’est la voix du juge, c’est, les mauvais jours, la voix des travailleurs sociaux. C’est une voix qui vient toujours de l’autre côté du guichet. C’est ma voix, aujourd’hui, dans le bus. De l’autre côté de ma voix, une femme. Une étrangère. Elle aurait été française, ça n’aurait rien changé : la frontière, c’est ma voix. La femme m’écoute. Je ne m’adresse pas à elle, je m’adresse à sa couleur. Elle ne le sait pas. Elle se concentre pour comprendre les mots. Lorsqu’elle parle à son tour, sa voix la dit mieux que ses mots. Par sa fêlure, par son souffle, par son timbre qui s’affermit puis se brise, elle souffle : Moi aussi, j’ai été prospère, ailleurs et autrefois. Elle me parle comme on parle à un ami. Je hoche la tête. Elle me confie son nom, le nom de ses enfants, le nom de son pays. Elle se tait maintenant. C’est à mon tour.

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Aymane J’ai avancé dans ton regard comme on avance sur une plage. Rivé au large, vaste-ouvert, je n’ai pas prêté attention à ce grain de sable. Plus tard, je l’ai vu rayer ton langage et ta pensée. Je suis heureux de ne pas m’y être attardé. Il a gardé sa juste place : un grain, un point. Il n’y a pas d’équation pour ton rire dans les feuilles mortes. Aymane, tu n’es pas ton syndrome. Espace plié puis déplié, spirale freinée, accélérée, géométrique, éclatée, ta parole imprévue c’est le vent fou sur le rivage. Je ne savais pas la suivre, je la laissais m’emporter. Dans la volte volait ma réponse. On s’est compris, n’est-ce pas ? Comme tu te jetais dans mes bras ! Ton poids contre mon cou, j’étais père pour la première fois. Nous étions l’un pour l’autre l’écume de la journée. Tu ne m’as pas montré ce regard serré comme un poing, cette douceur toussant caillot vers la peur de ta mère. Je le devine facilement. Le poème naît de la rage de n’être pas compris. Rien-trop comprendre. Il est la fin de la parole et le début de la présence. Tu es poème. Tu es Aymane. Ces phrases que tu ne comprends pas, je sais que tu les entends. Je n’écris pas pour toi, enfant, je n’écris pas pour toi, génome, j’écris. Je murmure à la source. Je fais confiance au clignement de tes cils.

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Un miracle C’est une femme qui parle. Une mère. Son fils s’est jeté par la fenêtre du septième étage, il y a quelques semaines. Il a sauté sous ses yeux. Ses amis étaient là eux aussi. Personne n’a bougé. Personne n’y a cru. Aucun ange ne l’a rattrapé. Un miracle n’a pas eu lieu. Elle m’a confié son histoire au sortir du film Les rumeurs de Babel. Elle me l’a confié avec cette sobriété là. Ça n’était pas une plainte, ça n’était pas une honte. Elle ne niait pas sa douleur, elle n’en faisait pas commerce. C’était une histoire sans coupable : un jeune homme s’abandonnant à la gravité. Était-ce un choix ? Était-ce une crise ? Pouvait-elle le dire ? Ça n’était pas son choix, ça n’était pas sa crise. Je l’ai croisée à plusieurs reprises. Elle ne m’en a pas reparlé. Nous avons parlé de cuisine, d’écriture ou d’autres choses. Nous avons suivi le courant. Hier, elle était présente à ses larmes ; aujourd’hui, à ses larmes évaporées. Demain, elle invite sa fille à dîner. Elle réfléchit à une recette. Cette histoire est récente. C’était peu avant mon arrivée. Bien sûr, le deuil n’est pas fait pourtant je crois pouvoir écrire Cette blessure est saine. Un ange l’a rattrapée. Un miracle a eu lieu. Marché du Gast

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Vierge à l’enfant J’ai été fou de croire qu’on pouvait prendre rendez-vous avec le dévoilement. Tu m’as dis Je veux témoigner. Je suis venu chez toi et tu m’as raconté ta vie. C’était triste, c’était beau, mais je ne t’ai pas vue. C’est ma faute, bien sûr. Mon erreur a été de trop écouter ton récit. Tu n’as pas menti, non, mais un récit... Je cherche ton poème. Souvent, le récit trace des lignes comme on trace des rues, pratiques et mortes. On s’y croise, on ne s’y rencontre pas. Tu m’as parlé de ta maladie comme on parle d’une passante puis tu m’as parlé des passantes, celles que tu as sauvées, celle que tu n’as pas sauvée... Je t’ai écouté énumérer des noms d’associations, des noms d’arbres et des suicides. Tu m’as dit : Les gens se confient à moi. Parfois, c’est trop. Il faut que je me protège. J’ai regardé par la fenêtre. Il n’y avait rien à penser. Pendant plusieurs semaines, j’ai forcé mes images. Combien de fois t’ai-je croisée ? Au chevet de la maladie, la solitude, l’alcoolisme, la vieillesse... Je me disais Tu lui dois d’écrire. De ces lignes volontaires, je n’ai retenu qu’une phrase : Tant pis, je ne suis pas ton écho.

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Une parole « Pendant quelques années, j’ai eu un compagnon. Schizophrène, lui aussi. Ça marchait bien. On voulait avoir un enfant alors on a été chez le spécialiste. Il nous a dit : l’enfant aurait 50 % de chance d’être schizophrène. 50 % de chance ? C’est pas évident à choisir. Mon compagnon, lui, il voulait. Mais moi... Tu sais, je connais : ma grand-mère est schizophrène, ma mère est schizophrène, mon frère est schizophrène. Et moi aussi. Alors, je connais. C’est trop de souffrance. J’ai dis non et mon compagnon est parti. On se voit encore mais... il est parti. Les gens autour, ils parlent. Oh oui ! C’est ça aussi un quartier. Ils disent que c’est égoïste. Je sais pas. C’est sûr, je peins, je fais d’autre choses. Mais égoïste... Il y a des gens qui ont des enfants et après ils s’en occupent pas. Des gens bien, hein ? Célèbres même ! Alors égoïste... Tu sais, j’ai 40 ans passé. J’aurais voulu... Tu veux du thé ? 50 % de chance... C’est bizarre, non ? C’est bizarre de compter en pourcent. C’est bizarre de dire chance ».

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Les Foulées Maurepasiennes Sa parole est comme son pas : difficile à suivre. Il pense vite, il marche vite, il dort vite. Il s’intéresse à tout. Lorsqu’il vous croise dans l’ascenseur, il ne parle pas de la pluie ou des allocations mais d’un écrivain, d’un mathématicien ; le lendemain matin, vous retrouvez la fiche Wikipédia de l’homme dans votre boite aux lettres avec écrit en lettres rouges : Pour Elie. Il est seul comme les génies sont seuls. Sa voix est aussi joyeuse que ses yeux sont tristes. Il aime avoir raison mais il préfère qu’on lui démontre le contraire. Pendant ses longues nuits d’insomnie, il regarde le plafond de son deux-pièces et reconstitue de mémoire la voûte céleste. L’ampoule est l’étoile du berger. Il trace une spirale qui relie la constellation du cygne, le nombre d’or, cette femme brune, Georges Pérec, le Coran, la modélisation des fractales, trois postures de yoga, cette femme brune encore... Il est Karim, mon voisin du dessous, et je ne descends le voir que lorsque je suis au meilleur de ma forme. Aujourd’hui, c’est lui qui est monté. Sur le pas de la porte, il secoue sa jambe en parlant avec l’énergie qu’il met en toute chose : excitée, fébrile à trop vouloir être forte. Il tourne autour du pot pendant quelques phrases puis finit par lâcher le morceau : il veut bien de cette poudre dont je lui ai parlé l’autre jour.

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La parole de Karim « On dit du mal de Maurepas à cause de la drogue mais vous savez, les jeunes qu’on trouve en bas des tours, ils ne sont pas du quartier ! Ils sont pas fous ! Ben tiens ! Ils ne vont pas dealer sous les yeux de leurs parents ! Et les clients, on en parle des clients ? Tu crois que les gens d’ici peuvent se payer de la coke ou de l’héroïne ? L’autre jour, je monte dans les étages et je trouve une dame en tailleur élégant en train de se piquer dans l’escalier. Elle était dans un état catatonique. C’est le mot, vraiment ! Après son shoot, madame est redescendue tant bien que mal et s’est jetée sur la banquette arrière d’une belle voiture. La voiture a démarré, on l’a plus jamais revue. Imagine qu’elle fasse un malaise ou quelque chose, ils parleront de quoi dans le journal ? À ton avis ? De la femme ou du quartier ? » Boulevard Emmanuel-Mounier

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Dealers On ne peut pas contourner le sujet, on ne peut pas contourner leur présence. Mais quoi écrire que vous ne sachiez déjà ? De loin, ils sont exactement comme vous les imaginez, comme je les imaginais. Je ne vais pas m’attarder sur le chapelet des signes que tout le monde connait : la bande, les casquettes, les joggings, les scooters, le bruit des scooters, la fumée, l’odeur de fumée, les bouteilles de rhum, les cadavres de bouteilles, les cages d’escaliers, les guetteurs, la fuite devant les flics, la prison qui ne change rien, cage d’escalier encore, parfois un fils de pute, silence le plus souvent, les détours que l’on fait pour ne pas les croiser, la peur qu’ils inspirent par la seule force du nombre et dans leurs paroles de grands pans d’enfances boudeuses dont la révolte se gâte à faire le pied de grue, oisifs, grégaires, à longueur de journée, à longueur de nuit, pour un peu puis beaucoup de cet argent qu’ils claquent dans un rêve en carton pâte, Ibiza / Playstation / Mercedes, sans jamais se douter que ce rêve clé-en-main est fourni par la même poigne qui les soumet, les domine, qui a dominé leurs parents, leurs pauvres vieux parents pour lesquels ces jeunes hommes nourrissent tant et tant de mépris. Pour dépasser cette litanie de lieux communs, il faudrait leur parler. Or, si tout le monde parle d’eux,

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Roxane La route que personne n’emprunte passe juste à côté. À l’extrême lisière du quartier et au début des bois, une bâche en plastique tendue entre trois noisetiers. Là, comme morte, Roxane étendue sur le flanc. Son campement est constitué d’un paquet de madeleines et d’une radio sur pile. Lorsque Roxane trouve Roxane insupportable, elle allume la radio et marche en cercle autour du poste ; ainsi, elle peut se fuir sans s’égarer. Ses pas, toujours les mêmes, ont creusé dans la terre une tranchée d’un demi-mètre, douve dans laquelle elle peut disparaître au matin. Et marcher. Après de longues heures, épuisée par cette course, elle parvient pour quelques instants à ne plus exister. Ces secondes de soulagement lui permettent de ressortir vivante à la nuit tombée. Les premières heures de pénombre sont calmes. Clairière dans la souffrance. Elle écoute le froissement des bêtes, la rumeur de la voie rapide. La nuit, elle dévisage l’étoile et le renard et le noir habité. Pour un temps réunie, elle trône au centre de ce double royaume, la morte et la ressuscitée. Elle s’accepte. Lorsqu’il pleut, la terre se change en boue, le froid pénètre dans son pull, les madeleines s’effritent. Elle s’en moque. Ces caprices de grands espaces n’ont pas prise sur elle. C’est à l’intérieur qu’elle se craint.

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Chevaucher Je n’arrive pas à la plaindre. Son humour ne me fait pas rire. J’aimerais qu’elle se taise. Elle m’irrite. Cette femme ne m’a rien fait. Elle répond à ma curiosité en me racontant sa vie autour d’un thé et de trois petits gâteaux. Depuis deux heures, je cherche le chemin qui mène au-delà de ses masques : sa couleur, sa voix stridente, ses blagues, ses blessures, sa religion, ses tics, son passé... D’habitude, j’enjambe ces obstacles sans trop de peine et trouve un territoire intact où poser mon miroir. Aujourd’hui, rien à faire. Je m’embourbe dans ses blessures, me cogne contre ses peurs. Chaque butée me la rend plus insupportable. Faites taire la crécelle ! J’essaie dans l’autre sens : creuser en moi le sentier d’une rencontre. C’est une impasse. Le sentier se referme à chaque fois que son œil se pose sur ma bouche. Je réponds du bout des lèvres. Je cache ma bouche dans mon bol. Je prend des notes pour ne pas la regarder. Je me lève pour aller pisser. Je m’enferme. J’expire profondément. Je regarde mes mails. Je regarde le calendrier à fleurs. J’aperçois dans la glace ma bouche défensive. Et si la peur était de mon côté ?

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De retour dans le salon, j’essaie de remonter le courant de ma gêne. Pour la première fois, je soutiens son regard. J’y remarque cette lueur un peu molle, ce cercle dilaté... Je comprends : cette femme veut de moi ce que je ne veux pas donner. Elle veut me chevaucher. Je me ressers un bol de thé. Peu à peu, j’apprivoise ce désir dévoilé. Je l’éconduis en secret. L’inconfort demeure mais l’agacement s’apaise. Bientôt, sa voix semble plus supportable. Ça y est, je la devine derrière son asthme. Je me sens prêt à l’écouter. Sa parole ralentit. Elle se tait. Elle ne voit pas quoi rajouter.

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Une peur Certaines nuits, l’immeuble est silencieux. Pas de reggae au premier étage, pas de voix serbes au troisième, pas de toux, pas de pas. Ces nuits là, on ne se réveille que pour constater que l’on dort. On se retourne, on savoure le silence, on se rendort avec délice. C’était une de ces nuits précieuses, une nuit de début de semaine. Je rêvais d’un carrelage penché comme une scène d’opéra. Une femme en tablier mauve grattait le sol en marmonnant ; parfois, elle relevait la tête, plantait ses yeux violents dans les miens et me révélait mon avenir en proférant des phrases trop littéraires pour être honnêtes. Ça n’avait pas l’air gai. Et puis, venu d’ailleurs, de l’hors-champ du rêve, une voix psalmodiant mon prénom. Elie... Elie... Elie... La voix gonflait, couvrant les mots de la femme. Elie ? Je me suis réveillé. Elie ! La voix n’a pas cessé. Elie... Elle venait du palier, juste devant ma porte. Elie ! Depuis combien de temps m’appelait-on ? Elie ? Il était cinq heure du matin. Elie ! Je passais en revue les différents locataires de l’immeuble. Je n’arrivais à reconnaître la voix. Un homme, plutôt jeune. Elie. Quelqu’un qui voulait parler, sans doute... être écouté. Elie.. Depuis mon arrivée dans le quartier, je n’avais fais que ça, écouter. Je n’avais jamais écouté autant et avec autant d’intensité. Elie. Quand on écoute, quand on écoute vraiment, les journées passent à toute vitesse. Elie. La

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parole de l’autre vous dévore. Elie. C’est un appétit sans fin. Déjà, j’avais donné mon numéro à cette femme qui avait besoin de parler et m’envoyait des messages à n’importe quelle heure. Elie ! C’est insondable, la solitude. Elie C’est se noyer dans la peur du vide. Elie On la remplit de n’importe quoi, d’alcool Elie de télévision Elie de sucre Elie de pensées circulaires Elie de médicaments Elie de masturbation Elie de honte... Une histoire m’attendait derrière la porte, je le savais. Il y avait là une rencontre à risquer, un texte à écrire. Pas cette nuit. Elie ? L’homme continuait d’appeler. Elie ! Je n’avais pas fermé ma porte. Elie... Je ne la ferme jamais. Elie. L’homme aurait pu rentrer, s’avancer dans le noir, s’assoir sur mon lit. Je tenais ma couette à deux mains, les jambes tendues. Elie... J’avais peur maintenant. Elie ? Une peur première : la voix d’un inconnu quelque part dans la nuit. Elie ! Je ne saurais pas dire combien de temps la voix m’a appelé. Elie ! Et puis ça a cessé. J’ai entendu des pas. Une porte fermée... Chacun connait ce vide, cet inachèvement ; comme une cavité dans l’âme où naissent la peur et le désir. Parfois, comme par miracle, une silhouette se dessine et nous offre la pièce manquante : c’est une femme qui nous trouve beau, un photographe qui nous écoute, un schizophrène qui parle vrai... Dans ces rares occasions, il n’y a rien à faire : accueillir la rencontre. Mais la plupart du temps, ce qui nous manque se trouve là-bas, de l’autre côté de la peur. On se gagne par la traversée.

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Chaque jour, je repense à la voix. Si je m’étais levé, si j’avais ouvert, qui aurais-je trouvé ? Que m’aurait-il dit ? Qu’aurais-je appris de moi ? Qu’aurais-je appris de lui ? De moi ou de lui, à cette heure de la nuit, ça ne faisait plus aucune différence. Tour Europe

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Vivre Ensemble « Si vous voulez un endroit pour que les gens se rencontrent, mettez cinq chaises, six tout au plus. Au delà, les gens ont peur. Ils n’osent pas. Ils regardent le local depuis la rue, ils voient un groupe, ils s’en vont. Vous savez, nous sommes craintifs. C’est comme ça. » Joëlle *** Le Vivre Ensemble... D’où viennent ces mots ? De nulle part, c’est-à-dire d’un bureau. Pensés avant d’avoir été vécu, ils sont faits de cette matière morte, hors-sol, à la fois loin de la réalité et loin de l’utopie. Ces mots-là sont trop grands pour nous. Nous sommes craintifs, dit Joëlle, c’est le point de départ de toute communauté. L’inconnu ? Souvent trop vaste pour nos peurs. Le Vivre Ensemble exige de nous la permanence du miracle. Le miracle, c’est la rencontre. Peut-on demander à 54 nationalités différentes de vivre ensemble sans se heurter ? On ne vit pas ensemble, on vit côte à côte. On se frôle. Une rencontre ne se fait pas de front mais de biais, par avancées furtives et reculs prudents, comme on croise le regard d’une femme, dix fois, cent fois, avant d’oser y risquer quelques mots. On se rencontre

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par nos coudes sur le comptoir, nos enfants à la sortie de l’école, ce match de foot sur le city stade que nous regardons pour tuer le temps tandis qu’à quelques pas de nous, un homme noir tue son exil. D’abord, nous nous ignorons. Il faut un tir sur la barre transversale pour que l’on se reconnaisse dans la même émotion. On se regarde, on risque un mot, une phrase... On parle du Stade Rennais, on dit du mal, on parle de la coupe d’Afrique, on dit du bien, puis il parle de son pays, de sa ville... enfin, on parle de lui. Plus tard, quand il est rassuré, l’homme partage ses blessures. C’est souvent par la blessure que l’autre nous accueille en lui. La rencontre, c’est deux personnes. On ne rencontre pas un groupe. On ne rencontre pas Les congolais devant la boulangerie, on passe en maudissant le bruit qu’ils font la nuit. Jusqu’au jour où une voiture tombe en panne devant nous. On se précipite pour pousser. Depuis le trottoir d’en face, un autre homme se précipite. La joue sur la pare brise, on réalise qu’il est l’un de ces congolais jamais salués, souvent maudits. La voiture redémarre, on se serre la main. Et plus tard, en repassant devant le groupe, cette même main se lève pour nous saluer. Pour la première fois, on ose s’arrêter. On s’approche. Le groupe devient une suite de visages. Les congolais volent en éclats : ce sont ces éclats que l’on rencontre. Pour cette même raison, on ne rencontre pas Les jeunes qui font commerce en bas des tours. Ils sont nombreux, bien trop nombreux pour notre crainte.

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Sable et fumée Depuis le septième étage de la tour Europe, je regarde le clocher de l’église Saint-Melaine, en centreville. Le ciel est d’un jaune brûlé. Ouest-France parle d’apocalypse. Je ne suis pas inquiet. Cette odeur de sable et de fumée me ramène à la frontière irakienne où, dans la longue file des camions citernes, des chauffeurs turcs, arabes et kurdes restaient assis sur le bord de la route à boire du thé en regardant au loin. Je me suis assis avec eux. En silence, nous avons contemplé la silhouette des derricks et la ligne d’horizon floutée par le sable. Personne ne pouvait dire où finissait la terre, où commençait le ciel. Tout ça semble si proche aujourd’hui... Là-bas, l’église Saint-Melaine s’évanouit lentement. Au sixième, Karim allume la radio. On y parle d’un ouragan. Le sable viendrait du Sahara, la fumée du Portugal. J’allume l’ordinateur. Cette nuit, depuis Tondela, son village du Dão-Lafões, ma cousine a posté deux photos de collines rongées par la flamme. Nous sommes encerclés, dit-elle. Elle ajoute : les animaux vont bien. Je reviens devant la fenêtre. Rue Trégain, le bus n° 9 revient du centre-ville. Une femme noire descend dans la lumière freinée. Je me demande si Karim la regarde, lui aussi.

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Depuis le septième étage de la tour Europe, je pense au Sahara, à l’Irak et au Portugal. Au loin, le clocher de l’église Saint-Melaine a disparu.

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Un homme avait un nom Un homme avait un nom. Un homme avait une vie. C’est pour écrire ces deux phrases que nous nous sommes retrouvés, ce jour-là, au cimetière de l’Est. Il s’appelait Yvon Le Goff. Sa vie est aussi courte à écrire que son nom : il n’avait pas d’amis, pas de famille non plus ; il était bénévole dans une association ; il gardait le parking les jours de festival, il faisait barrage avec ses béquilles ; il avait une drôle de voix ; il vivait seul ; il aimait les rillettes et les chats ; il passait régulièrement se plaindre à la mairie de quartier, les femmes de l’accueil l’écoutaient patiemment. C’est tout. Pourtant nous étions trente ce jour-là. Je dis Nous étions trente mais en réalité nous étions vingt sept. Si j’exagère c’est à dessein car personne n’était tenu d’être là. Ceux d’entre nous qui l’avaient connu le connaissaient très peu. Ce dégagement donnait à nos tristesses une tournure étrange et belle. La géographie des bancs, en revanche, s’en est trouvée déséquilibrée. Personne n’osait se mettre au premier rang. On avançait vers l’avant de la salle puis, voyant que les places libres nous conduisaient près du cercueil, de sa photo, on faisait demi-tour pour choisir une place proportionnée à notre tristesse. Nous ne voulions pas nous faire mordre par l’empathie. Finalement, comme en classe, ce sont les derniers arrivés qui se sont retrouvés devant.

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Elie Guillou Elie Guillou est écrivain, conteur et chanteur. Né à Rennes en 1984, il commence son trajet d’artiste par la chanson. Pendant dix ans, il multiplie les concerts et fait paraître deux albums, « Paris-Brest », composé suite à une tournée à pied en trente jours et autant de concerts, puis « Chanteur Public ». Ce dernier opus, paru en 2014, présente des chansons tirés de son métier de chanteur public au sein duquel il écrit et compose sur mesure pour la vie des autres : chanson de deuil, d’amour, de retrouvailles, portraits etc. Entre 2012 et 2016, il multiplie les voyages auprès des Kurdes, en Irak, Turquie et Syrie. Suite à ces expériences, il créé un spectacle de récit, « Sur mes yeux », qui raconte la vie d’une famille Kurde pendant les couvre-feux dans la ville de Diyarbakir (Turquie). En 2017, Elie Guillou est invité en résidence dans le quartier de Maurepas, à Rennes. De ce nouveau voyage naît son premier livre Et tu oses parler de solitude. Il collabore aujourd’hui à différents projets théâtraux et continue d’allier voyage et écriture. En 2019, il était au Rwanda pour accompagner des lycéens sur l’écriture d’un carnet de voyage ayant trait à la mémoire du génocide des Tutsis.

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Table Page Préface d’Yvon Le Men Un homme parmi les hommes Le noms des arbres La parole de Jacky La mort d’une étoile Le prince et l’étranger Séville Marguerite La forme de la honte La parole de Pascal Frère Elie Rendez-vous chez vous Nos voisins Jacques La fête de l’automne Coucher de soleil Quelle valeur Ils travaillent pourtant Mon fasciste Ce que j’ai appris à la prière du vendredi Une parole : Fatima / Klervie Une parole : Émilie Le vent Le châle de ma grand-mère Je ne regrette rien Cette voix

5-7 13-14 15 16-17 18-21 22-25 26-31 32-34 35 36-40 41-44 45-46 47-50 51-57 58-59 60-63 64-67 68-70 71-77 78 79-82 83-84 85-86 87-91 92-93


Page

Aymane Un miracle Vierge à l’enfant Une parole Une apparition Les foulées maurepasiennes La parole de Karim Dealers Street Pooling La joie Roxane Chevaucher Écrivain de quartier Rumba Une peur Madame Chantal Vivre ensemble Mbiwi Sur un parking Sable et fumée Tour Europe Un homme avait un nom

94-95 96 97-98 99 100-102 103-115 116 117-119 120-128 129-134 135-137 138-139 140-144 145-147 148-150 151-153 154-157 158-162 163-165 166-167 168-172 173-177

L’auteur Elie Guillou 179


© Éditions La passe du vent http://www.lapasseduvent.com Illustration de couverture © DR Maquette, couverture et mise en page Myriam Chkoundali

Ouvrage composé avec la police Adobe Garamond, corps 11 sur papier Bouffant – Ivoire 80 gr, couverture sur papier Couché Condat Silk/Mat – 300 gr.

Achevé d’imprimer par Smilkov Print Ltd — Bulgarie Dépôt légal – 2019



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