Ragnarök

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morts, séparée de nous d’une façon ou d’une autre, si bien que nous étions complètement à la merci de tous ces affreux spectres. Ce furent forcément eux qui nous tuèrent. Ou alors, nous atteignîmes une région de Hel si profonde que nous quittâmes ce monde pour revenir ici ; mais le plus probable, c’est que le fait d’avoir été tués par ces espèces de fantômes, par des morts qui n’avaient pas vraiment de corps, pas vraiment de réalité, bien qu’ils pouvaient nous frapper, doublé du fait que nous étions de moins en moins conscients de ce qui nous arrivait, tout cela fit que nos esprits furent séparés de nos corps sans réelle douleur. Normalement, les corps que nous avions dans le monde des dieux n’étaient pas vraiment les nôtres, ils n’étaient que des reconstitutions créées par nos consciences qui elles avaient vraiment fait le voyage : quand les morts nous tuèrent, nos consciences devaient déjà avoir à moitié abandonné ces corps. Et il ne dut pas y avoir de coup mortel, les morts n’auraient pas pu : non, ce fut sans doute vraiment comme si nous étions englobés par la mort, progressivement, jusqu’à ce que nos esprits fussent chassés et que nos corps, sans tomber, rejoignissent les habitants de Hel. Enfin, ce n’est qu’une théorie, assez invraisemblable sans doute. Le fait est que les morts ont fini par nous entourer de toutes parts, et que nous avons fini par nous réveiller dans la réalité. C’est ainsi que j’ouvris soudainement les yeux sur le plafond blanc d’une chambre d’hôpital. Je ne voyais que le blanc, j’étais paniquée ; mais en tournant la tête vers la gauche je vis mon Thomas sur un lit pareil au mien, et ma peur se calma, pour faire place à la pure incompréhension qu’on peut attendre de la part de quelqu’un qui se réveille sans comprendre où il se trouve. Les infirmières mirent du temps à arriver : pendant un moment nous fûmes laissés à nos seules suppositions, plus ou moins cohérentes. Je devinai cependant assez rapidement quelle était la situation, et pus ainsi rassurer Thomas qui n’était pas trop sûr d’être vraiment rentré sur Terre… Il était encore plus en état de choc que moi, ce qui n’est pas peu dire ; mais nous parlâmes de tout et de rien pendant des heures. Et pour moi, bien que nous ne nous soyons pas quittés de plus de quelques mètres depuis ce qui semblait être une éternité, ces retrouvailles au sein de notre vrai monde resteront uniques, parmi mes souvenirs les plus agréables…

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