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Johanna Hassan et Rebecca Bitan

Après un an de tournée, la pièce « Hara-Kiri Mon f A LA UNE par Sandrine Houta HARA KIRI

Amour » de Johanna Hassan et Rebecca Bitan fait escale à Tel-Aviv, le 29 et 30 janvier. Hara-Kiri Mon Amour nous parle des MON merveilleux commencements de l’amour, de sa durée et de son extinction. De la façon dont nos amis traversent avec nous ces moments, AMOUR

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comme des voix tantôt réconfortantes, tantôt brûlantes.

1.Pouvez-vous en quelques mots vous présenter ?

Rebecca : Cette question anodine d’apparence provoque toujours un désarroi chez moi. Je sais qu’il m’est demandé de conter mon parcours, c’est à dire la suite chronologique de mes choix professionnels. Mais je ne peux pas m’empêcher d’entendre : « Donc dites-nous qui êtes vous ? » Et là… C’est le grand affolement. Un peu comme quand Dieu demande à Adam : Où es tu? Où en es-tu de ta vie ? Où en es-tu de cette aventure sur laquelle tu t’es trouvé malgré toi embarqué ? Es-tu parvenu, homme parmi les hommes, à donner pour eux et pour toi, un sens ? Bref, je suis auteur. J’ai besoin des mots pour faire l’expérience du monde. J’ai besoin des mots pour témoigner ce que j’aime. J’ai besoin des mots pour tenter de sauver et de comprendre. Johanna : Longtemps, je ne me suis pas élucidée, comme le disait Simone Weil. Il m’a fallu emprunter des chemins détournés et tortueux avant que le désir d’écrire prime sur le reste. Il faut dire que dans ma famille, l’écriture n’était pas considérée comme un métier envisageable. J’ai donc suivi des études de droit avant d’être avocate. Et puis, un jour, comme la rivière sort de son lit, je ne suis plus parvenue à contenir les mots qui bouillonnaient en moi. C’est à ce moment que j’ai compris qu’il n’y avait pas d’autre alternative. Écrire, c’était reconnaître qui j’étais, cesser de vivre dans un état de non présence et aimer un peu de ce qu’il y avait en moi.

2.Vous êtes auteures et actrices, ce n’est pas évident d’avoir ces deux talents ?

Johanna : Écrire, jouer, c’est mettre sur la table ce qu’il y a à l’intérieur de soi. C’est avant tout une aventure personnelle qui mène à l’exploration de soi. Comment comprendre l’autre si je ne connais rien de moi? Il faut avoir compris des choses en soi pour être avec l’autre, pour écrire et jouer l’autre et surtout pour aimer l’autre. Rebecca : C’est très généreux de considérer que je pourrais avoir deux talents. Déjà, un, ce serait une étourdissante grâce des cieux, alors deux… Les premières années de ma formation théâtrale, je me sentais presque libérée de l’impératif d’écrire. J’avais dans ma bouche les mots de Shakespeare, de Molière, de Claudel, ça rend follement joyeuse vous savez mais ça décourage aussi. Tant de talent… Comment écrire après ça ? Alors, je me suis laissée conquérir par la joie « d’être acteur. » Il y a beaucoup plus d’oubli, de lâcher prise, d’intuition dans le jeu. Mon merveilleux professeur de théâtre, David Stzulman nous disait « La lucidité est l’ennemi du comédien ». L’écriture m’a rattrapée mais quelle aventure…

4.Comment est née l’idée de cette pièce, êtes-4;

3.Cette pièce a vu le jour à Tel Aviv où vous l’avez écrite, était-ce une évidence devenir la jouer ici ?

Rebecca et Johanna : Le désir furieux de la jouer ici existait, oui ! Mais nous ne pouvons pas affirmer l’évidence comme allant de soi parce qu’il faut toujours guerroyer pour la réalisation de ses rêves. Nous avons eu la chance de croiser le producteur Alain Asseraf, dont le talent n’a d’égal que la gentillesse et l’efficacité. Avoir à ses cotés un homme qui muni d’une seule phrase vous ensoleille et rend le chemin possible, ça peut en effet fabriquer des évidences.

4. Êtes-vous parties de faits réels ?

Johanna : Ce qu’il y a d’extraordinaire avec l’écriture, c’est son mystère. Elle vous surprend et vous cueille là où vous ne l’attendiez pas. Bien avant l’écriture et les idées, il y a l’oralité des mots, l’écoute de l’autre, l’observation de ce qui se trame autour de vous. Tout cela germe, mature et vient nourrir l’écriture. Les idées finissent par trouver leur voie et le chemin de la liberté dans la contrainte. Rebecca : C’est parti des dialogues je crois. Des dialogues aux personnages et des personnages à l’histoire. Nous avions le personnage de Brenda et celui de Gin, celles qui sont les plus proches de nous. Alors, quand nous étions toutes les deux dans la cuisine par exemple à se révolter contre un chagrin, ou contre notre propre bêtise, l’une ou l’autre (la moins investie émotionnellement) courrait se munir d’un stylo. La dynamique du binôme est différente, la pièce est tellement plus joyeuse, plus drôle que ce que nous sommes chacune isolément. Alors du réel oui bien sûr, mais du réel tordu , élargi, détourné, entortillé.

5. Expliquez-nous pourquoi avoir nommé la pièce Hara-Kiri Mon Amour ?

Rebecca et Johanna : « Amour ou Hara-Kiri » est le cri de la jeune Brenda dans la pièce. C’est l’amour absolu sans compromis d’aucune sorte, sans expérience de la durée peut-être. Le personnage de Tony qui est un homme mûr, avec trois divorces à son actif lui répond « Amour ou Hara-Kiri c’est de la poésie, la vraie vie c’est Hara-Kiri Mon Amour ». C’est à dire que la beauté est forcement entachée et que c’est cela, traverser la vie.

6.Vous avez joué à guichets fermés pendant des mois, hormis la qualité de la pièce, pensez-vous que le public privilégie les comédies où l’on rit beaucoup comme dans Hara-Kiri Mon Amour.

Johanna et Rebecca : Oui, bien sûr. Nous avons tous besoin d’ilot de respiration. Hara-Kiri est une comédie loufoque et pourtant réaliste. Les spectateurs se retrouvent dans ce que vivent les personnages. Et puis les dialogues sont cinglants, ils ne se font aucun cadeau entre eux. Ils sont tous les quatre fiévreusement vivants, entretenant un certain goût de l’excentrique et une lucidité de chaque instant. Nous avons été très sensibles au fait qu’en sortant du théâtre, les spectateurs étaient dans une sorte de légère euphorie. 5

7. L’amitié et l’amour sont des sujets bien présents dans la pièce, quelle est votre vision de l’amitié et de l’amour.

Rebecca : Je n’ai pas de vision, je n’ai que des élans. L’amour comme l’amitié sont des énigmes et je voudrais qu’il en soit toujours ainsi. Ça a certainement avoir avec une connivence des âmes. Et se sentir au monde un coeur qui bat c’est quand même ce qui fait le charme de notre brève présence sur terre. Johanna : Dans un monde où « la bêtise insiste », ce sont les mots d’Albert Camus, je dirais que l’amour et l’amitié mettent de la poésie dans nos vies. Aujourd’hui, aimer d’amour ou d’amitié, c’est faire acte de résistance, c’est rechercher la complétude et aller au-delà de l’écrasante supériorité de l’image. L’amour et l’amitié sont des remparts contre la barbarie du monde.

8.Avez-vous un projet pour une nouvelle pièce ?

Johanna et Rebecca : Oui. Une pièce déjà écrite qui va bientôt se monter et un long métrage en cours de financement… Avec l’espoir toujours de rencontrer notre public.

Le 29 et 30 Janvier 2023 à 20h30

THÉÂTRE ZOA HOUSE Daniel Frisch 1, Tel-Aviv Réservations : www.culturaccess. com Tél : 03 915 56 32

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