Robert Louis Stevenson - Janet la Revenante et autres histoires.

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rempli de clarté, la cime sourcilleuse du Ben-Kyaw s’enveloppait de rose ; mais, au-dessous de moi, l’aube seule régnait sur les rudes monticules de l’île et sur le miroir poli de la mer. – Rorie ! m’écriai-je, Rorie ! Ma voix expira dans le silence, et rien ne me répondit. Je continuai de courir, restant sur les plus hauts éperons et promenant incessamment mes regards à droite et à gauche, jusqu’à ce que j’eusse atteint le sommet du tertre qui domine Sandag. De là je découvrais le navire naufragé, la ceinture de sable, les vagues paresseuses, la longue chaîne des rochers, les aspérités et les ravins de l’île ; mais toujours rien d’humain. Brusquement le soleil enveloppa tout Aros, les ombres et les couleurs prirent une existence ; presque aussitôt, au-dessous de moi, à l’ouest, des moutons se dispersèrent saisis de panique. Un cri éclata, je vis mon oncle passer comme l’éclair, je vis le noir lancé à ses trousses et, avant que je n’eusse compris, Rorie m’était apparu à son tour, criant des ordres en gaélique, comme un berger met son chien à la poursuite du troupeau. Je me précipitai pour intervenir ; peut-être aurais-je mieux fait de rester où j’étais, car j’aurais pu ainsi couper le chemin au fou. À partir de ce moment il n’y avait plus 125


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